RACCORDS DE TUYAUTERIE EN CUIVRE

Réexamens (article 76)


CERTAINS RACCORDS DE TUYAUTERIE À SOUDER, DE TYPES À PRESSION ET À DRAINAGE, RENVOI ET ÉVENT, FAITS EN ALLIAGES DE CUIVRE COULÉ, EN ALLIAGES DE CUIVRE OUVRÉ OU EN CUIVRE OUVRÉ, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE ET PRODUITS PAR LES SOCIÉTÉS ELKHART PRODUCTS CORPORATION, D’ELKHART (INDIANA), NIBCO INC., D’ELKHART (INDIANA), ET MUELLER INDUSTRIES, INC., DE WICHITA (KANSAS), LEURS SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT, OU EN LEUR NOM
Réexamen no : RR-97-008

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 16 octobre 1998

Réexamen no : RR-97-008

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 18 octobre 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-93-001, concernant :

CERTAINS RACCORDS DE TUYAUTERIE À SOUDER, DE TYPES À PRESSION ET À DRAINAGE, RENVOI ET ÉVENT, FAITS EN ALLIAGES DE CUIVRE COULÉ, EN ALLIAGES DE CUIVRE OUVRÉ OU EN CUIVRE OUVRÉ, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE ET PRODUITS PAR LES SOCIÉTÉS ELKHART PRODUCTS CORPORATION, D’ELKHART (INDIANA), NIBCO INC., D’ELKHART (INDIANA), ET MUELLER INDUSTRIES, INC., DE WICHITA (KANSAS), LEURS SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT, OU EN LEUR NOM

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions qu’il a rendues le 18 octobre 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-93-001.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule, par les présentes, les conclusions susmentionnées.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation — Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 18 octobre 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-93-001.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience : Du 18 au 21 août 1998
Date de l’ordonnance et
des motifs : Le 16 octobre 1998

Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Peter F. Thalheimer, membre
Richard Lafontaine, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh

Agent principal de recherche : Ken Campbell

Économiste : Ihn Uhm

Préposé aux statistiques : Lise Lacombe

Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe

Agent à l’inscription et
à la distribution : Pierrette Hébert


Participants : Darrel H. Pearson
Jeffery D. Jenkins
Peter Collins
pour Cello Products Inc.

Richard S. Gottlieb
J. Peter Jarosz
pour Bow Métalliques Inc.

(fabricants nationaux)
Lawrence L. Herman
Y.K. Anne Kim
pour Streamline Copper & Brass Ltd.

(fabricant national et importateur)
Lawrence L. Herman
Y.K. Anne Kim
pour Mueller Industries, Inc.

Riyaz Dattu
John W. Boscariol
pour Nibco Inc.

(exportateurs)

Témoins :

Terry Aurini
Président
Cello Products Inc.

Paul Petrie
Contrôleur
Cello Products Inc.

Kim Bauer
Président
Pinnacle Group

David J. Parker
Directeur, Achats
Bow Métalliques Inc.

Pat Chiasson
Vice-président exécutif
Directeur général
Bow Métalliques Inc.

Louis F. Pereira
Directeur général
Streamline Copper & Brass Ltd.

John B. Hansen
Vice-président, Marketing
Division des produits courants
Mueller Industries, Inc.

Clifford E. Sarjeant
Directeur général
NCI Marketing Inc.

Dennis Parker
Vice-président et Directeur financier
Nibco Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (LMSI), des conclusions de préjudice sensible (maintenant désigné « dommage sensible ») rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), dans le cadre de l’enquête no NQ-93-001 [2] , concernant certains raccords de tuyauterie à souder, de types à pression et à drainage, renvoi et évent, faits en alliages de cuivre coulé, en alliages de cuivre ouvré ou en cuivre ouvré, d’un diamètre maximal de 6 po et l’équivalent métrique, utilisés dans le chauffage et la plomberie, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique et produits par les sociétés Elkhart Products Corporation (Elkhart), d’Elkhart (Indiana), Nibco Inc. (Nibco), d’Elkhart (Indiana), et Mueller Industries, Inc. (Mueller), de Wichita (Kansas), leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen [3] le 20 mars 1998. L’avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs, aux importateurs et aux acheteurs canadiens ainsi qu’aux trois fabricants étrangers désignés de raccords de tuyauterie en cuivre. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience.

Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions de l’enquête no NQ-93-001, l’avis de réexamen et les réponses publiques et confidentielles aux questionnaires du réexamen de 1998 ainsi que les rapports public et protégé préalables à l’audience préparés par le personnel de recherche du Tribunal dans le cadre de l’enquête de 1993 et du réexamen de 1998. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats ou autres conseillers indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) du 18 au 21 août 1998.

Les producteurs nationaux, Cello Products Inc. (Cello) et Bow Métalliques Inc. (Bow), ont été représentés par des avocats et un conseiller à l’audience. Des éléments de preuve ont été présentés et les avocats et le conseiller ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions. La société Streamline Copper & Brass Ltd. (Streamline), un producteur national et un importateur, a été représentée par des avocats qui ont soumis des éléments de preuve et présenté des arguments en faveur de l’annulation des conclusions.

Mueller et Nibco, des États-Unis, ont aussi été représentées par des avocats à l’audience. Des éléments de preuve ont été présentés et les avocats ont plaidé en faveur de l’annulation des conclusions.

À la demande du Tribunal, un représentant de la société NCI Marketing Inc. (NCI), un importateur des marchandises en question, a comparu à titre de témoin à l’audience. Bien qu’Elkhart ait décliné l’invitation du Tribunal à comparaître à titre de témoin, elle a fourni des réponses écrites aux questions jugées pertinentes au réexamen par le Tribunal [4] .

Dans le cadre du réexamen, le Tribunal a rendu des décisions sur plusieurs questions de procédure et de fond, y compris les questions suivantes : 1) s’il convenait d’autoriser un professeur d’université, qui n’était pas avocat, à agir à titre d’avocat ou autre conseiller d’une partie et de lui accorder l’accès aux renseignements confidentiels [5] ; 2) s’il convenait d’accorder une prorogation du délai de dépôt des exposés [6] ; 3) à quelles demandes de renseignements il convenait d’ordonner aux parties de répondre [7] ; 4) si les réponses des parties aux demandes de renseignements étaient conformes aux directives du Tribunal [8] ; 5) si la désignation, à titre de renseignements confidentiels, de certains renseignements contenus dans les pièces était justifiée et si les allégations de dommage faisaient l’objet d’une divulgation suffisante pour permettre aux autres parties de répondre [9] ; 6) sur quelles questions, dans les avis de questions soulevées, les témoins devaient être prêts à être interrogés à l’audience et s’ils devaient apporter à l’audience des documents connexes ou d’autres renseignements écrits [10] .

PRODUITS

Les produits qui font l’objet du présent réexamen sont définis comme étant certains raccords de tuyauterie à souder, de types à pression et à drainage, renvoi et évent, faits en alliages de cuivre coulé, en alliages de cuivre ouvré ou en cuivre ouvré, d’un diamètre maximal de 6 po et l’équivalent métrique, utilisés dans le chauffage et la plomberie, originaires ou exportés des États-Unis et produits par Elkhart, d’Elkhart (Indiana), Nibco, d’Elkhart (Indiana), et Mueller, de Wichita (Kansas), leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom, sauf :

i) les marchandises en question énumérées à l’annexe A des conclusions du Tribunal;

ii) les marchandises en question identifiées selon leurs dimensions extérieures et destinées à être utilisées dans des installations de climatisation et de réfrigération.

Les raccords à souder peuvent être soit coulés à partir de lingots de cuivre, soit ouvrés à partir de tuyaux en cuivre. Les raccords ouvrés accaparent toutefois la majeure partie du marché. Les raccords ouvrés et les raccords coulés se présentent sous la forme de raccords à souder de type à pression ou de raccords à souder de type à drainage, renvoi et évent.

Les raccords à souder de type à pression sont surtout utilisés pour la tuyauterie en cuivre dans laquelle circule un liquide, habituellement de l’eau, dans des installations commerciales et résidentielles. Au Canada, les raccords de type à pression sont fabriqués dans des diamètres de 1/8 po à 8 po. Pour les installations résidentielles, les raccords de diamètres de 1/2 po à 3/4 po sont principalement utilisés. Les raccords de 1 po ou plus sont utilisés dans la construction industrielle, institutionnelle, commerciale ou résidentielle à logements multiples.

Les raccords à souder de type à pression sont fabriqués à partir de cuivre ouvré sous forme de tube ou de fil, ou coulés à partir de lingots de laiton dans une fonderie et usinés selon des prescriptions particulières. Les raccords à pression sont offerts en plus de 1 000 types et dimensions qui appartiennent à six grandes sous-catégories : les manchons, les réductions, les coudes, les tés, les adapteurs et les raccords à brides ou les raccords unions.

Les raccords à souder de type à drainage, renvoi et évent sont utilisés dans les réseaux collecteurs d’eaux usées et dans les installations assurant la ventilation des réseaux d’évacuation. Cette canalisation d’évacuation n’est pas sous pression et les raccords sont habituellement constitués de matériaux plus légers que ceux utilisés dans la canalisation sous pression. La plupart des raccords d’évacuation en cuivre sont destinés à la construction industrielle, institutionnelle, commerciale ou résidentielle à logements multiples.

Outre les sous-catégories incluses dans les réseaux sous pression, les raccords de type à drainage, renvoi et évent sont offerts dans les cinq sous-catégories suivantes : les siphons, les robinets de branchement, les adapteurs, les tronçons avec bouchons de vidange et les brides de sol.

Tous les raccords à souder sont fabriqués au Canada et aux États-Unis conformément aux normes de l’ANSI [11] .

Bien qu’il existe de nombreux types et sous-catégories de raccords à souder en cuivre, les coudes ouvrés d’un diamètre de 1/2 po à 3/4 po, les manchons ouvrés d’un diamètre de 1/2 po à 3/4 po et les tés ouvrés d’un diamètre de 1/2 po à 3/4 po constituent les articles les plus vendus sur le marché.

PRODUCTEURS NATIONAUX

Au Canada, Cello, Streamline et Bow produisent des raccords de tuyauterie en cuivre. Cello, située à Cambridge (Ontario), a été constituée en 1946 et a été acquise par ses propriétaires canadiens actuels en 1983. Sa production répond présentement à pratiquement tous ses besoins d’approvisionnement en raccords coulés de type à pression et de type à drainage, à 100 p. 100 de ses besoins d’approvisionnement en raccords ouvrés de type à drainage et à la plupart de ses besoins d’approvisionnement en raccords ouvrés de type à pression d’un diamètre de 1/8 po à 8 po.

Cello vend ses raccords principalement au Canada, mais ses ventes à l’étranger, aux États-Unis, au Mexique et au Chili, augmentent. Au Canada, Cello vend principalement ses produits sur le marché de gros. Elle vend aussi sur le marché de l’achat-vente, qui sert les plus petits grossistes ainsi qu’aux fabricants d’équipement original (FEO). Ses ventes à l’exportation sont réalisées par l’intermédiaire de représentants selon le mode achat-vente.

Streamline, située à Strathroy (Ontario), est une filiale à part entière de sa société mère américaine, Mueller. Streamline a commencé à produire des raccords ouvrés pour le marché canadien en 1964 et des raccords ouvrés en dimensions métriques pour le marché d’exportation au début des années 70. Elle importe également des raccords de tuyauterie en cuivre de Mueller. Streamline vend des raccords sur le marché national par l’intermédiaire de son propre personnel de vente et des agents mandatés. Elle en vend aux grossistes, aux détaillants et aux FEO.

Bow est la propriété exclusive de la société CEVA Industries Inc., de Montréal (Québec). Avant 1991, Bow ne produisait que de la tuyauterie et des raccords de tuyauterie en plastique. En 1991, elle a acheté l’usine d’Emco Canada (Emco), située à Dorchester (Ontario), et y produit une gamme limitée de raccords de tuyauterie en cuivre ouvré. Bow commercialise la plupart de ses raccords de tuyauterie en cuivre en Ontario et au Québec par l’intermédiaire d’une société liée, Bow Plastics Ltd., et en vend, en moindres volumes, à Cello et à un FEO.

Aucun des producteurs canadiens ne fabrique la gamme complète des raccords de tuyauterie en cuivre. Ils s’approvisionnent en partie auprès d’autres producteurs canadiens ou importent des raccords depuis les États-Unis.

EXPORTATEURS ET IMPORTATEURS

Elkhart, dont le siège social est situé à Elkhart (Indiana), est une filiale à part entière d’Amcast Industrial Corporation, de Dayton (Ohio). Elkhart a été constituée en 1940 et est l’un des plus grands fabricants de raccords en cuivre ouvré au monde; elle exploite des usines à Elkhart et à Geneva (Indiana), ainsi qu’à Fayetteville (Arkansas). Ses raccords en cuivre sont commercialisés par l’intermédiaire de sa division de produits de plomberie tant auprès de clients nationaux que sur le marché étranger. Aux États-Unis, elle vend en consignation à des entrepôts, ou directement à de grands représentants des ventes indépendants ou à des FEO.

La plupart des ventes d’Elkhart au Canada sont destinées à la société Amcast Industrial Ltd. (Amcast), une filiale à cent pour cent. Amcast a commencé à importer des raccords de tuyauterie en cuivre en 1990. Elle les commercialise sur le marché national depuis son entrepôt et ses installations de distribution de Burlington (Ontario). Elkhart vend aussi directement à certains clients au Canada.

Mueller, dont le siège social est situé à Memphis (Tennessee), est aussi un important fabricant de raccords de tuyauterie en cuivre et de divers autres produits en cuivre et en aluminium. Mueller exploite des usines aux États-Unis, au Canada, en France et en Grande-Bretagne. Les raccords de tuyauterie en cuivre sont fabriqués dans les usines de Mueller situées à Covington (Tennessee) et à Fulton (Mississippi) ainsi que par Streamline au Canada. Mueller fabrique des raccords en cuivre ouvré et achète des raccords coulés à Nibco.

Les principaux circuits de distribution des marchandises en question de Mueller aux États-Unis sont constitués de grossistes en plomberie et d’agents avec lesquels elle transige selon le mode d’achat-vente. Ses circuits secondaires comprennent des grossistes en quincaillerie et des détaillants. Ses ventes au Canada sont effectuées principalement par l’intermédiaire de Streamline. Cello est le seul autre client canadien de Mueller.

Nibco, une société privée dont le siège social est situé à Elkhart (Indiana), a été constituée en 1904. Elle est le seul producteur américain qui fabrique à la fois des raccords ouvrés et des raccords coulés. Nibco fabrique aussi des raccords en plastique et des articles de robinetterie en plastique et en métal destinés à des utilisations commerciales et industrielles. Elle fabrique des raccords de tuyauterie en cuivre à ses usines de Stuarts Draft (Virginie) et de South Glens Falls (New York). Nibco distribue des raccords aux États-Unis par l’intermédiaire de grossistes, de détaillants et d’agents.

Jusqu’en janvier 1996, les ventes de Nibco au Canada étaient effectuées par l’intermédiaire d’une filiale, Nibco Canada Inc. (Nibco Canada). En janvier 1996, Nibco Canada a été vendue à NCI, qui a conclu avec Nibco un contrat de distribution exclusive et qui distribue les produits de cette dernière. À la suite de la vente susmentionnée, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a jugé que NCI n’avait aucun lien de dépendance avec Nibco. NCI distribue une gamme complète de dispositifs de réglage de débit, y compris des articles de robinetterie, des raccords et de la tuyauterie tant en métal qu’en plastique. NCI vend des raccords de tuyauterie en cuivre sur le marché national par l’intermédiaire de grossistes.

En plus des sociétés susmentionnées, d’autres sociétés importent des raccords de tuyauterie en cuivre, dont BMI Canada Inc. (BMI), de Boisbriand (Québec), et C-B Supplies Limited, de Burnaby (Colombie-Britannique). BMI vend sur le marché national des raccords de tuyauterie en cuivre qu’elle achète à des sources asiatiques et des raccords qu’elle achète à un importateur canadien. C-B Supplies Limited distribue elle aussi sur le marché national des produits importés de sources européennes et asiatiques.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1993

Le 18 octobre 1993, le Tribunal a conclu que le dumping au Canada de certains raccords de tuyauterie en cuivre, utilisés dans le chauffage et la plomberie, originaires ou exportés des États-Unis et produits par les sociétés Elkhart, Nibco et Mueller, leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les marchandises en question énumérées à l’annexe A des conclusions susmentionnées et les marchandises en question destinées à être utilisées dans des installations de climatisation et de réfrigération ont été exclues des conclusions susmentionnées.

Le Tribunal a d’abord déterminé que la production de marchandises similaires au Canada avait subi un préjudice sensible. Il a fait observer que le marché canadien des raccords en cuivre était aux prises avec une récession en 1990. Cello, Emco et Streamline approvisionnaient environ 60 p. 100 du marché à partir de leur production nationale et près de 20 p. 100 du marché à partir de produits importés des exportateurs désignés.

En 1991, bien que le volume du marché se soit accru de 16 p. 100, la valeur des ventes est demeurée stable, témoignant de l’intensification de la concurrence quant aux prix et de la chute du prix du cuivre. La production nationale globale a chuté de 41 p. 100. La demande que ne pouvaient combler les producteurs nationaux l’a été principalement par les importations. Cello a connu des résultats positifs sur le plan du volume des ventes et de la part du marché, mais sa rentabilité a chuté de façon marquée. Streamline a enregistré des pertes substantielles, et Bow a aussi enregistré des pertes.

En 1992, le marché est demeuré stable sur le plan du volume, mais la valeur des ventes a baissé de 17 p. 100. La production nationale globale a diminué de 15 p. 100. Les importations en provenance des trois exportateurs désignés ont poursuivi leur croissance, pour atteindre près de 75 p. 100 du marché. Les prix ont continué d’être entraînés à la baisse par la forte concurrence au niveau des prix. Cette érosion des prix a eu des effets néfastes sur toutes les entreprises du marché, Cello subissant des pertes pour la première fois pendant une partie de l’année, tandis que Streamline et Bow enregistraient d’importantes pertes.

Il y a eu un revirement spectaculaire au cours de la première moitié de 1993. La production de Cello et celle de Bow se sont accrues sensiblement, en dépit d’une chute de 24 p. 100 de la demande globale de raccords en cuivre, et les importations ont dégringolé. Les prix ont atteint les niveaux d’avant 1990, après que le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) a confirmé d’importantes marges de dumping. Il en est résulté un gain de 10 points de pourcentage de la part du marché de Cello par rapport au premier semestre de 1992, et la part du marché détenue par les importations a diminué. Le rendement financier des trois producteurs s’est grandement amélioré.

Le Tribunal a ensuite déterminé qu’il y avait un lien de causalité entre le préjudice sensible causé à la production de marchandises similaires au Canada et le dumping constaté par le Sous-ministre. Le Tribunal a fait observer que le préjudice sensible subi par l’industrie (maintenant désignée « branche de production nationale ») s’était surtout manifesté par l’érosion des prix causée par les importations sous-évaluées en 1992 et par l’impact d’une telle érosion sur la production et la vente de marchandises similaires par l’industrie et, plus particulièrement, sur son rendement financier.

Il était évident que les prix avaient été entraînés à la baisse par Nibco Canada et Streamline en 1992. Les prix de vente moyens des importations de ces entreprises avaient chuté à un niveau inférieur aux prix de vente moyens des producteurs nationaux et des autres importateurs. Ces baisses de prix se sont produites au moment où des quantités sans précédent de marchandises, qui faisaient pratiquement toutes l’objet d’un dumping selon une marge moyenne de 47 p. 100, étaient importées par Nibco Canada et Streamline. Les prix de vente moyens des raccords de production nationale ont chuté de 16 p. 100 en 1992. De même, les ventes par Cello de raccords de production nationale ont baissé de 34 p. 100. Le Tribunal était convaincu que, sur un marché de produits de base où les prix sont ajustés rapidement en fonction du prix le plus bas du marché, un dumping de l’importance de celui constaté par le Sous-ministre avait causé un préjudice sensible à la production de marchandises similaires au Canada.

Quant à la probabilité de préjudice sensible, le Tribunal était convaincu que, en l’absence de protection, les raccords de tuyauterie en cuivre de production nationale étaient susceptibles d’être soumis à d’énormes pressions à la baisse sur les prix.

POSITION DES PARTIES

Parties en faveur d’une prorogation des conclusions

Les avocats et le conseiller de deux des trois producteurs nationaux, Cello et Bow, ont plaidé en faveur d’une prorogation des conclusions rendues en 1993 par le Tribunal. Ils ont présenté des éléments de preuve et ont convoqué des témoins pour soutenir que, en l’absence des conclusions, le dumping de raccords de tuyauterie en cuivre par les trois producteurs américains est susceptible de reprendre et que ce dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production canadienne.

Abordant la question d’une probabilité de reprise du dumping, les avocats et le conseiller de Cello ont fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que le Tribunal établisse qu’il y aura certainement ou très probablement une reprise du dumping, mais plutôt que la probabilité que le dumping reprenne est plus grande que la probabilité qu’il ne reprenne pas. Les avocats et le conseiller ont soutenu que plusieurs facteurs indiquent qu’il y aura probablement une reprise du dumping si les conclusions sont annulées. Ils ont ajouté que ces facteurs comprenaient la marge initiale de dumping de 47 p. 100 déterminée par le Sous-ministre en 1993 et la poursuite du dumping depuis les conclusions. De plus, les avocats et le conseiller ont soutenu que le dumping persiste aujourd’hui, ainsi que le démontre le fait que les niveaux des prix sont plus élevés aux États-Unis qu’au Canada, et que les taux de change qui prévalent contribuent au niveau plus élevé des prix aux États-Unis et, donc, à la propension au dumping.

Les avocats et le conseiller de Cello ont aussi soutenu que les différences entre la conjoncture du marché aux États-Unis et celle du marché au Canada feront que les niveaux des prix demeureront plus élevés aux États-Unis qu’au Canada à l’avenir et, par conséquent, mèneront nécessairement au dumping. Ces différences comprennent la capacité qu’ont les producteurs des États-Unis de maîtriser les niveaux des prix à cause de leurs systèmes informatiques perfectionnés, de meilleurs systèmes de distribution aux États-Unis, qui limitent la concurrence des importations asiatiques, et un moins grand nombre de fournisseurs aux États-Unis qui se prête à une plus faible perturbation du marché.

Les avocats et le conseiller de Cello ont soutenu que le marché canadien continue de subir des pressions substantielles au niveau des prix. Les raccords de tuyauterie en cuivre sont des produits de base dont la commercialisation est tributaire du prix. Il existe donc, chez le client, une résistance aux augmentations de prix, et les éléments de preuve, de l’avis des avocats et du conseiller, montrent qu’il est probable que les prix baissent à l’avenir. En outre, les prévisions de croissance de la demande au Canada ne laissent pas présager une amélioration au niveau des prix étant donné que la présence de produits de remplacement et la perception qu’a le client des niveaux pertinents des prix sont des facteurs beaucoup plus importants que les mises en chantier et les activités de construction. À titre d’éléments de preuve additionnels des pressions qui s’exercent sur les prix sur le marché canadien, les avocats et le conseiller ont souligné l’intention de Bow de commencer à vendre au niveau du gros, ce qui entraînera une intensification de la concurrence au niveau des prix, de la concurrence des importations asiatiques et des ententes de vente en consignation.

Quant aux fabricants des États-Unis, les avocats et le conseiller de Cello ont souligné que les taux d’utilisation de la capacité de ces derniers était même plus élevés durant la période 1990-1993 qu’ils le sont aujourd’hui et que, pourtant, ils ont fait l’objet de conclusions de dumping préjudiciable. En outre, la concurrence croissante des produits de remplacement en plastique et d’autres marchandises qui ne sont pas visées dans les conclusions, combinée à la maturité du marché des raccords aux États-Unis et aux indices qui annoncent une baisse prochaine de la construction, laisse croire à une augmentation de la capacité inutilisée des producteurs des États-Unis.

Les avocats et le conseiller de Cello ont aussi soutenu que les producteurs des États-Unis n’ont pas efficacement surveillé l’établissement des prix pour éviter le dumping, mais ont plutôt appliqué diverses manœuvres d’entreprise pour éviter l’effet de l’application des mesures antidumping.

Abordant la question de la probabilité de dommage sensible causé par une reprise du dumping, les avocats et le conseiller de Cello ont soutenu qu’il pourrait s’ensuivre une érosion des prix de l’ordre de 25 p. 100. À l’appui de leur affirmation, les avocats et le conseiller ont établi un parallèle entre les marchés de la Californie et du Canada qu’ils ont dit être similaires à beaucoup d’égards. Ils ont souligné que les prix sur le marché de la Californie sont de 20 à 25 p. 100 plus bas que les prix ailleurs aux États-Unis.

Étant donné la sensibilité du marché aux prix, les avocats et le conseiller de Cello ont soutenu que même une très faible marge de dumping ferait perdre des ventes à Cello. Ensemble, une baisse des prix et la perte de ventes auraient une incidence néfaste sur le rendement financier de Cello, entraîneraient des pertes d’emplois et empêcheraient l’engagement des dépenses en capital nécessaires pour supprimer la vulnérabilité à une reprise du dumping.

Dans leur plaidoirie, les avocats de Bow ont souscrit aux arguments des avocats et du conseiller de Cello et ont en outre soutenu que Bow, jusqu’à récemment, n’avait pas pu tirer avantage de la protection antidumping accordée par les conclusions. Bow a dû consolider son activité commerciale dans le segment du plastique et établir une nouvelle gamme de produits. Ayant atteint ces objectifs, Bow a maintenant l’intention de pénétrer davantage le marché des raccords en cuivre et, à cette fin, a établi des projets précis d’investissement. Cependant, sans la prorogation des conclusions, Bow est particulièrement vulnérable à une reprise du dumping, et ses projets d’investissement seraient mis en péril. Il a été allégué qu’une reprise du dumping entraînerait une perte substantielle de ventes et de rentabilité et détruirait pratiquement la viabilité de la production nationale de Bow.

Quant à la probabilité de reprise du dumping, les avocats de Bow ont contesté le témoignage des exportateurs des États-Unis selon lequel les frais de mise en conformité avec les décisions de Revenu Canada ont représenté un lourd fardeau. Les avocats ont avancé que les frais susmentionnés sont très faibles par rapport au chiffre d’affaires réalisé au Canada. Il a été aussi soutenu que, même si Elkhart n’a pas participé à l’audience, cette dernière n’est pas un intervenant désintéressé sur le marché canadien. Selon les avocats, les éléments de preuve portent à croire qu’Elkhart continuera de faire tout ce qu’il faut pour poursuivre sa pénétration du marché canadien, y compris enlever une part du marché et réduire ses prix.

Les avocats de Bow ont soutenu que les éléments de preuve montrent que les exportateurs des États-Unis ont augmenté leur capacité de production des marchandises en question entre 1997 et 1998. Durant cette période, leur taux d’utilisation a baissé, tandis que leurs stocks se sont accrus. Par conséquent, les exportateurs des États-Unis ont augmenté sensiblement la quantité disponible de raccords dont la menace plane sur le marché canadien. En outre, il a été soutenu que les percées réalisées par les produits de remplacement en plastique et le nombre excessif de concurrents qui veulent vendre des raccords de tuyauterie en cuivre au Canada entraîneront une reprise de la vague de dumping sur le marché canadien si les conclusions sont annulées.

Parties en faveur d’une annulation des conclusions

Les avocats de deux des exportateurs américains désignés, Mueller et Nibco, ainsi que de la filiale canadienne de Mueller, Streamline, ont plaidé en faveur d’une annulation des conclusions.

Les avocats de Mueller et de Streamline ont soutenu que l’objet du présent réexamen ne devait pas être de protéger Cello contre les changements de la demande du marché et la concurrence au niveau des prix ni de protéger Cello contre des ententes de commercialisation par l’entremise de stocks consignés ou d’autres formes de programmes de dépôt de stocks offerts par ses concurrents.

Traitant de la probabilité de reprise du dumping, les avocats de Mueller et de Streamline ont soutenu que l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce [12] (l’Accord antidumping) prévoit que les droits antidumping doivent être supprimés au bout de cinq ans à moins qu’il n’existe des motifs convainquants de les maintenir. Aux termes de l’Accord antidumping, bien que la LMSI ne comporte aucune pareille disposition, toute reprise du dumping doit être nettement prévue et imminente ce qui, selon les avocats, n’est pas la situation en l’espèce. Les faits indiquent qu’il n’y a pratiquement pas eu de dumping depuis les conclusions et que le faible pourcentage de droits antidumping qui ont été payés a été de minimis. De plus, les exportateurs des États-Unis se sont scrupuleusement efforcés de veiller à ce que leurs exportations soient transigées aux valeurs normales.

Les avocats de Mueller et de Streamline ont soutenu que plusieurs autres facteurs amènent à conclure qu’il n’y aura probablement pas de reprise du dumping. Le marché des États-Unis est florissant, comme le reflète la vigueur de la construction résidentielle, commerciale et industrielle. Cet état des choses porte à croire que la demande des marchandises en question aux États-Unis continuera de croître et suffira pour absorber la capacité de la branche de production. Il a été soutenu que le Canada représente un marché très petit pour les ventes des marchandises en question des producteurs des États-Unis et que le marché du Mexique offre de bien meilleures occasions de croissance. Les avocats ont aussi soutenu que, étant donné que les coûts fixes de cette branche de production sont peu élevés, les producteurs des États-Unis ne seront pas contraints de maintenir l’utilisation de leur capacité à son sommet, en cas d’une diminution de la demande. Au lieu d’agir ainsi, les producteurs des États-Unis élimineraient simplement une équipe de production en réponse à toute baisse de la demande. Les avocats ont aussi souligné qu’il n’y a pas eu de dumping pratiqué par les producteurs des États-Unis dans aucun des quelque 30 autres pays où ils exportent. Enfin, les avocats ont avancé que la branche de production canadienne ne sera pas sans recours advenant une reprise du dumping et s’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour justifier le dépôt d’une nouvelle plainte auprès de Revenu Canada.

Les avocats de Nibco ont soutenu que le chaos dans lequel la branche de production était jetée aux États-Unis et au Canada au début des années 90 et qui a mené aux conclusions de préjudice est maintenant chose du passé. Les producteurs des États-Unis ont maintenant une gestion forte et la concurrence sur le marché des États-Unis, bien que féroce, se fonde sur la réalité économique. D’une façon similaire, il y a eu, au Canada, des changements au plan des structures et de la gestion qui ont débouché sur une branche de production beaucoup plus robuste. Les avocats ont fait observer que tant Nibco que Mueller ont continuellement tenté d’éviter de pratiquer le dumping depuis les conclusions. En outre, Nibco a entrepris des démarches juridiques en 1996 pour traiter de difficultés associées à l’application par Revenu Canada de l’article 25 de la LMSI. À la suite du dessaisissement de Nibco Canada, il n’y a eu pratiquement aucun dumping de raccords de Nibco depuis 1996.

Les avocats de Nibco ont soutenu que la conjoncture économique actuelle et prévue aux États-Unis et au Canada exclut la probabilité de reprise du dumping. Les producteurs des États-Unis exploitent leurs installations à des niveaux d’utilisation très élevés, la plus grande partie de leur production étant destinée à la vente sur leur marché intérieur. Ces sociétés ne dépendent pas des exportations et exportent au Canada uniquement de 1 à 2 p. 100 de leur production. Les niveaux des prix des raccords de tuyauterie en cuivre aux États-Unis atteignent des sommets historiques et, par conséquent, le dumping n’offre aucun attrait. Quant au marché canadien, il a été soutenu que les importations des raccords de Nibco et celles des autres producteurs des États-Unis ne sont pas vendues à des prix susceptibles d’inquiéter la branche de production canadienne.

Les avocats de Nibco ont soutenu que la branche de production canadienne n’est pas vulnérable à une reprise du dumping. Ils ont fait observer les marges bénéficiaires et les profits extrêmement sains de la branche de production sur les ventes de marchandises similaires. Ces profits contrastaient le faible niveau des investissements consentis par Cello comparativement à ce qu’elle versait sous forme de primes à la gestion. De plus, les avocats ont soutenu que les éléments de preuve indiquent que les producteurs canadiens se font la lutte entre eux pour obtenir une part du marché et que ce ne sont pas les importations des États-Unis, mais les ventes de Streamline, à partir de sa propre production nationale, qui constituent pour Cello la principale source de concurrence. La production nationale a augmenté, la dépendance à l’endroit des importations n’existe plus, et les producteurs canadiens sont bien gérés. En outre, la demande est robuste et devrait le demeurer, et les prix, bien qu’ils aient baissé de 10 p. 100 entre 1995 et 1998, demeurent fermes comparativement à la baisse des prix du cuivre.

Les avocats de Nibco ont demandé que cette dernière soit exclue des conclusions si elles sont prorogées. À titre de solution de rechange, ils ont demandé que 99 autres marchandises en question que Cello ne fabrique pas soient exclues des conclusions si elles sont prorogées.

ANALYSE

Aux termes de l’article 76 de la LMSI, le Tribunal doit, à la fin d’un réexamen, annuler ou proroger une ordonnance ou des conclusions, avec ou sans modification. Pour arriver à sa décision, le Tribunal examine deux questions fondamentales. En premier lieu, il décide de la probabilité de reprise du dumping. Si le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune probabilité de reprise du dumping, les conclusions sont annulées. Si le Tribunal conclut à la probabilité de reprise du dumping, il détermine alors si un tel dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Les avocats et le conseiller de Cello ainsi que les avocats de Bow ont soutenu que, pour décider de la probabilité de reprise du dumping, le Tribunal doit se demander si la probabilité que le dumping reprenne est plus grande que la probabilité qu’il ne reprenne pas. Les avocats et le conseiller se sont de plus appuyés sur des ordonnances antérieures du Tribunal, rendues dans le cadre des réexamens nos RR-97-004 [13] et RR-97-006 [14] , où le Tribunal s’est dit d’avis que la norme « nettement prévu et imminent » ne s’applique pas à un réexamen entrepris aux termes de l’article 76 de la LMSI. Les avocats et le conseiller ont soutenu que le paragraphe 2(1.5) de la LMSI, qui prévoit, notamment, que « pour qu’il puisse être décidé que le dumping [...] de marchandises menace de causer un dommage ou cause une menace de dommage, il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping [...] est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes », et le paragraphe 7 de l’article 3 de l’Accord antidumping, qui prévoit, notamment, que « [l]a détermination concluant à une menace de dommage important se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités » et « [l]e changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un dommage doit être nettement prévu et imminent », ne s’appliquent pas dans un réexamen entrepris aux termes de l’article 76 de la LMSI. Les avocats et le conseiller ont soutenu qu’il n’est pas nécessaire que les événements qui peuvent fonder des conclusions de probabilité de reprise du dumping soient prévus et imminents. Plutôt, le Tribunal doit décider des événements probables en se fondant sur les faits tels qu’ils existeront probablement « à court terme » en l’absence des conclusions.

À titre de solution de rechange, les avocats de Streamline ont allégué que, pour déterminer s’il y a une probabilité de reprise du dumping, il ne s’agit pas simplement de déterminer si la probabilité que le dumping reprenne est plus grande que la probabilité qu’il ne reprenne pas. Les avocats ont soutenu que le Tribunal doit appliquer la norme énoncée au paragraphe 7 de l’article 3 de l’Accord antidumping de sorte que, pour conclure à une probabilité de reprise du dumping, le Tribunal doit conclure que la reprise du dumping est nettement prévue et imminente et n’est pas fondée seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Les avocats se sont reportés à des décisions rendues par le Tribunal dans le cadre des réexamens nos RR-97-007 [15] et RR-97-006, où le Tribunal a déclaré qu’il se préoccupait davantage des facteurs portant sur l’avenir immédiat que sur les facteurs portant sur un horizon plus lointain pour examiner la question d’une probabilité de reprise du dumping et ont soutenu que la prévisibilité et l’imminence d’une reprise du dumping sont les facteurs déterminants de l’examen des faits en l’espèce.

Le fond du paragraphe 7 de l’article 3 de l’Accord antidumping se rapporte à une enquête sur la menace de dommage et prévoit, notamment, que « [l]e changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un dommage doit être nettement prévu et imminent ». Le libellé du paragraphe 7 de l’article 3 se reflète dans le paragraphe 2(1.5) de la LMSI qui se rapporte aux enquêtes menées aux termes de l’article 42 de la LMSI. L’article 76 de la LMSI, qui porte sur les réexamens, ne comprend aucune disposition analogue. Le Tribunal est d’avis que le paragraphe 2(1.5) énonce clairement que le Tribunal doit appliquer la norme « nettement prévu et imminent » lorsqu’il examine la question de menace de dommage dans le cadre d’une enquête menée aux termes de l’article 42. Aucune disposition analogue ne prescrit que le Tribunal applique la même norme lorsqu’il analyse soit le dumping soit le dommage dans des réexamens entrepris aux termes de l’article 76. Le Tribunal fait observer que l’article 11 de l’Accord antidumping, qui traite des réexamens des ordonnances antidumping, ne renferme pas une norme similaire à celle que l’on trouve dans l’article 3.

Pour déterminer s’il y a une probabilité de reprise du dumping et, le cas échéant, si un tel dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal est d’avis que l’accent doit être placé sur les circonstances qui peuvent être raisonnablement prévues à court ou à moyen terme par opposition à des circonstances plus lointaines. Par conséquent, dans le présent réexamen, le Tribunal a accordé plus de poids aux prévisions et aux autres éléments de preuve portant sur la conjoncture prévue du marché jusqu’à la fin de 1999 qu’aux prévisions et aux éléments de preuve se rapportant à la conjoncture prévue du marché sur un horizon plus lointain. Le Tribunal a aussi, dans le présent réexamen, accordé plus de poids aux éléments de preuve relatifs aux projets qui sont susceptibles de se concrétiser. À cet égard, le Tribunal a conclu que les éléments de preuve provenant des sociétés exportatrices désignées relativement à leurs projets futurs quant au marché canadien sont davantage convainquants que les éléments de preuve soumis par les témoins de la branche de production nationale qui ont avancé des suppositions quant au comportement de ces sociétés en l’absence des conclusions.

Probabilité de reprise du dumping

Pour examiner la probabilité de reprise du dumping, le Tribunal tient compte de divers facteurs pour connaître la conjoncture probable des marchés des marchandises en question en l’absence des conclusions. Ces facteurs comprennent les suivants : la conjoncture des marchés des pays exportateurs, y compris les prix et les changements de la capacité de production et des taux d’utilisation des producteurs étrangers; la conjoncture future probable des marchés des pays exportateurs quant aux marchandises en question; la possibilité d’exportation vers des marchés de pays tiers et l’existence de dumping par les fournisseurs étrangers sur les marchés de pays tiers; la conjoncture future probable du marché canadien; le volume et la valeur des exportations des fournisseurs étrangers vers le marché canadien depuis que les conclusions ont été rendues; l’existence de dumping durant la période d’application des conclusions et, le cas échéant, selon quelle marge.

Les motifs des conclusions rendues par le Tribunal en 1993 décrivent clairement les conditions tumultueuses qui prévalaient sur le marché au début des années 90, en raison principalement d’une récession et d’importants changements structurels qui se sont produits sur les marchés des États-Unis et du Canada. Les témoins de Mueller et de Nibco ont confirmé que, durant cette période, les conditions étaient particulièrement difficiles tant pour la branche de production canadienne que pour celle des États-Unis. Les témoins ont fait état de conditions chaotiques chez les trois producteurs en raison de leur faiblesse sur le plan des finances et de la gestion et de l’agitation qui en a résulté sur ces deux marchés [16] .

Les éléments de preuve dans le présent réexamen suggèrent que les conditions chaotiques qui ont mené au dumping en 1992 sont choses du passé. La gestion au sein de la branche de production des États-Unis est maintenant stable, les résultats financiers sont robustes et la commercialisation y est faite d’une manière ordonnée [17] . De plus, les éléments de preuve indiquent une croissance considérable du marché des raccords de tuyauterie en cuivre aux États-Unis, bien que les données sur les prix révèlent une baisse progressive durant la période visée par le réexamen [18] . Cependant, d’autres éléments de preuve et des témoignages indiquent que le prix des intrants a baissé encore plus rapidement. Depuis 1995, à mesure que le prix du cuivre a baissé [19] , l’écart entre le prix de vente des raccords de tuyauterie en cuivre et le coût du cuivre, qui représente jusqu’à 60 p. 100 des coûts de production, a augmenté. Selon les témoignages, les producteurs des États-Unis sont, et s’efforcent d’être, très rentables. Plus précisément, le témoin de Nibco a déclaré que des profits nets de l’ordre de 10 p. 100 sur les ventes des marchandises en question produisaient un rendement des capitaux propres de loin supérieur au rendement des capitaux propres atteint en général dans le domaine de la fabrication aux États-Unis [20] .

Le Tribunal est au courant du grand nombre d’opinions et de pronostics présentés sur ce que seront l’économie des États-Unis et la demande de raccords de tuyauterie en cuivre au cours des quelques prochaines années. Même si de telles prévisions sont, de par leur nature même, spéculatives, les éléments de preuve convainquent le Tribunal que, à plus court terme, au moins jusqu’à la fin de 1999, la demande intérieure au sein de l’économie des États-Unis demeurera probablement vigoureuse. Les éléments de preuve et les témoignages laissent présager une forte activité dans le secteur de la construction résidentielle et commerciale à court terme [21] susceptible de continuer de supporter une forte demande de raccords de tuyauterie en cuivre aux États-Unis et permettre le maintien, à des niveaux très élevés, des taux d’utilisation de la capacité des producteurs des États-Unis.

Les données soumises par les trois exportateurs désignés des États-Unis indiquent qu’une capacité supplémentaire de production de l’ordre de 6,0 millions de livres a été ajoutée entre 1995 et 1997 et qu’une autre capacité de production de 1,5 million de livres a été ajoutée au premier trimestre de 1998 [22] . Étant donné la taille du marché canadien, les additions de capacité de production susmentionnées, à elles seules, sont plus que suffisantes pour approvisionner la demande totale sur le marché canadien. De plus, bien que les producteurs des États-Unis aient exploité leurs usines à des taux d’utilisation très élevés durant la période visée par le réexamen, le Tribunal prend note que ces taux d’utilisation ont quelque peu baissé au premier trimestre de 1998, tandis que les niveaux des stocks se sont accrus. Le Tribunal n’est pas convaincu, cependant, que les facteurs susmentionnés, considérés séparément, mèneraient à une reprise du dumping advenant l’annulation des conclusions. De plus, les éléments de preuve portent à croire que les producteurs ne seraient pas contraints de continuer à exploiter leurs usines à des taux élevés d’utilisation en cas de fléchissement de la demande. Cette branche de production en est une où les coûts fixes sont relativement faibles. En cas de baisse des ventes, la branche de production est susceptible de réduire ou d’éliminer une équipe de production dans le but de maintenir les prix au lieu de tenter de maintenir la production à un niveau élevé et de vendre le produit à moindres prix [23] .

Le Tribunal fait également observer que, bien que la production de raccords de tuyauterie en cuivre des États-Unis soit axée sur le marché des États-Unis, une part non négligeable de la production est destinée aux marchés d’exportation. À cet égard, les expéditions vers le Canada représentent moins de 2 p. 100 de la production totale aux États-Unis. En outre, et ainsi qu’il a déjà été indiqué, les trois producteurs exportent collectivement vers quelque 30 autres marchés. Sur beaucoup de ces marchés, la demande est en croissance et les niveaux des prix sont aussi élevés sinon plus élevés que les niveaux des prix au Canada [24] . Bref, étant donné la robustesse de la demande sur le marché des États-Unis et la croissance des marchés d’exportation, il n’apparaît pas au Tribunal que les trois producteurs des États-Unis soient contraints de tenter d’augmenter leurs ventes sur le marché canadien à des prix sous-évalués. Les éléments de preuve montrent aussi que les expéditions des trois sociétés susmentionnées n’ont jamais fait l’objet de mesures antidumping dans aucun autre pays.

Le Tribunal prend également note des éléments de preuve et des témoignages relatifs à la demande de produits de remplacement qui, selon les avocats et le conseiller de la branche de production nationale, entraînerait une capacité excédentaire croissante aux États-Unis. Selon le Tribunal, l’examen des éléments de preuve et des témoignages ne fait pas ressortir que les produits de remplacement, principalement les produits de remplacement en plastique, ont déplacé la demande à l’endroit des raccords de tuyauterie en cuivre ou la déplaceront au cours des quelques prochaines années dans une mesure sensible. Les éléments de preuve laissent croire que les produits de remplacement en plastique ont fait des percées sur certains marchés régionaux aux États-Unis. Cependant, les tubes en cuivre et, en corrélation, les raccords de tuyauterie en cuivre, ont maintenu une position dominante sur le marché des États-Unis malgré la demande croissante prévue de produits de remplacement en plastique. Une récente étude de la demande américaine de tubes en cuivre fait observer qu’« au cours de la dernière décennie, la part du marché du cuivre a baissé de 1 à 2 p. 100, et, au cours des 20 dernières années, la demande de cuivre n’a jamais baissé au rythme que les entrepreneurs avaient prévu » [25] [traduction].

Le Tribunal a aussi examiné la conjoncture prévue à court terme du marché canadien des raccords de tuyauterie. Selon les éléments de preuve dont dispose le Tribunal, les prix des raccords de tuyauterie en cuivre ont légèrement baissé au Canada au premier trimestre de 1998 et, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur des conclusions, certains prix étaient inférieurs aux prix des États-Unis. De plus, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels il est probable que, avec ou sans les conclusions, les prix baisseront davantage au Canada [26] à court terme. Compte tenu de ces nouvelles baisses de prix prévues, et sans les conclusions, la probabilité de certaines ventes de raccords de tuyauterie en cuivre sous-évalués par les trois exportateurs désignés augmente.

Le Tribunal fait observer que Nibco, Mueller et Elkhart, les trois exportateurs désignés, ont maintenu une présence importante sur le marché canadien des raccords de tuyauterie en cuivre même avec les conclusions. Les données soumises par Revenu Canada [27] indiquent que des droits antidumping ont été imposés sur des importations des marchandises en question chaque année depuis que les conclusions ont été rendues. Selon le Tribunal, les impositions se sont maintenues à un bas niveau par rapport à la valeur globale des expéditions effectuées depuis 1993. À l’exception de 1995, le ratio pondéré des droits antidumping à la valeur des importations est de l’ordre de 3 p. 100.

Le ratio des droits antidumping a atteint un sommet de 9 p. 100 en 1995, principalement en raison des impositions faites sur les importations de Nibco Canada. En 1996, Nibco a vendu Nibco Canada à NCI. Étant donné que Revenu Canada a déterminé que Nibco et NCI n’étaient pas liées, les importations par NCI des raccords produits par Nibco n’étaient plus assujetties aux contraintes des déterminations des prix à l’exportation aux termes de l’article 25 de la LMSI. Depuis le dessaisissement de Nibco Canada au début de 1996, les données indiquent que les impositions de droits antidumping sur les raccords exportés par Nibco ont été peu importantes.

Le montant moyen des droits antidumping imposés sur les importations de raccords produits par Elkhart depuis que les conclusions ont été rendues a aussi été très faible et, en 1996 et 1997, était inférieur à 1 p. 100 de la valeur des importations. La moyenne des droits antidumping imposés sur les importations de raccords produits pas Mueller était un peu plus élevée que celle des droits imposés sur les expéditions provenant de Nibco et d’Elkhart, mais moindre que la moyenne de 3 p. 100 de la valeur collective des importations de raccords produits par les exportateurs désignés [28] . Les données démontrent que, durant certaines périodes, une proportion importante des impositions de droits antidumping visait les expéditions de raccords par des exportateurs qui avaient acheté les marchandises en question produites par un ou plusieurs des producteurs désignés des États-Unis [29] . Les expéditions susmentionnées ont représenté moins de 2 p. 100 de l’ensemble des importations. Ces autres exportateurs ont refusé de collaborer avec Revenu Canada et, par conséquent, ne disposaient d’aucune valeur normale spécifique. Dans de tels cas, les valeurs normales ont été déterminées aux termes de l’article 29 de la LMSI, d’après le prix à l’exportation majoré de 133 p. 100.

Les éléments de preuve indiquent qu’une proportion importante des impositions de droits antidumping visait les importations de nouveaux articles dont la valeur normale n’avait pas été déterminée par Revenu Canada. Dans de tels cas, les valeurs normales sont déterminées aux termes de l’article 29 de la LMSI, d’après le prix à l’exportation des marchandises majoré de 133 p. 100. Le Tribunal fait observer que, durant le premier semestre de 1998, presque tous les droits antidumping imposés sur les importations de Streamline ont découlé de la majoration aux termes de l’article 29 [30] . Il peut être interjeté appel de telles impositions [31] .

Le Tribunal est convaincu que les exportateurs se sont efforcés, d’une manière raisonnable, de s’assurer que le dumping ne survienne pas. Les témoins de Mueller et de Nibco ont fait mention des systèmes de surveillance qui avaient été mis en place pour faire en sorte que les ventes au Canada soient faites au niveau des valeurs normales déterminées par Revenu Canada [32] . Il est clair que la nature du processus administratif rend presque impossible d’assurer une conformité à 100 p. 100, particulièrement lorsque les transactions portent sur un éventail aussi vaste de produits. Revenu Canada a tenu sept examens des valeurs normales ou des prix à l’exportation depuis que les conclusions ont été rendues. En outre, le nombre de raccords de tuyauterie en cuivre dont les valeurs normales ont été déterminées a augmenté considérablement depuis 1993. Avant la tenue de son plus récent examen, en juin 1998, Revenu Canada avait établi plus de 4 000 valeurs normales spécifiques relatives aux raccords produits par les trois exportateurs [33] .

La difficulté que pose l’administration des valeurs normales d’un éventail aussi vaste d’articles est encore plus grande lorsqu’il s’agit d’appliquer l’article 25 de la LMSI pour calculer les prix à l’exportation des ventes entre les exportateurs désignés et leurs filiales canadiennes. Selon le témoin de Streamline, les marges bénéficiaires déterminées par Revenu Canada comme devant être respectées dans le cas de chaque vente de raccords importés de Mueller durant chaque période d’examen constituaient une cible mobile. Parce que les marges bénéficiaires changeaient constamment et, dans certains cas, étaient appliquées avec effet rétroactif, le témoin a déclaré qu’il était difficile, voire impossible, de garantir l’absence intégrale de dumping [34] . Il semble que ces difficultés découlant de l’administration des prix à l’exportation aient été un motif suffisant pour décider Nibco à trouver d’autres modalités de commercialisation au Canada qui seraient de nature à lui offrir une certitude plus grande en matière d’établissement de prix pour le marché canadien [35] .

L’analyse ci-dessus du dumping durant la période des conclusions, bien qu’à des niveaux minimums, indique au Tribunal que si un effort vigilant n’est pas appliqué pour exporter scrupuleusement aux valeurs normales, il est probable que des produits soient vendus à des prix sous-évalués sur le marché canadien, particulièrement si les prix sur le marché canadien continuent à avoir tendance à être inférieurs aux prix des États-Unis.

En dernière analyse, l’examen des éléments de preuve concernant la concurrence future sur le marché canadien des raccords de tuyauterie en cuivre coulé porte le Tribunal à croire qu’il y aura probablement du dumping en l’absence des conclusions. Au cours du contre-interrogatoire, un témoin de Streamline a déclaré que la position concurrentielle de cette dernière était désavantageuse en ce qui a trait à ses ventes de raccords coulés. Pour des raisons contractuelles et juridiques, Streamline est contrainte d’acheter ses approvisionnements en raccords coulés à sa société mère, Mueller, qui, à son tour, est contrainte d’acheter ses approvisionnements en raccords coulés à Nibco [36] . Parce que Streamline achète ses raccords coulés à une société liée, ses ventes doivent respecter les marges bénéficiaires minimums périodiquement déterminées par Revenu Canada, aux termes de l’article 25 de la LMSI.

Streamline a déclaré qu’elle souhaitait l’annulation des conclusions parce que, présentement, elle ne peut faire face à la concurrence des importations de raccords coulés en provenance de l’Asie qui se vendent au Canada à des niveaux de prix inférieurs d’environ 4 p. 100 aux prix de Streamline [37] . Il est également manifeste que Streamline est dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux ventes, par NCI, de raccords coulés produits par Nibco, puisque NCI n’est pas assujettie aux exigences en matière de marges bénéficiaires prévues à l’article 25 de la LMSI. De même, Streamline est aussi dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux ventes de Cello, qui produit des raccords coulés au Canada et qui, par conséquent, peut faire face à toute situation de concurrence au niveau des prix. Étant donné les désavantages compétitifs susmentionnés, il est probable que Streamline, si les conclusions sont annulées, vende des produits coulés à des prix sous-évalués sur le marché canadien étant donné qu’elle serait dégagée des contraintes de profits minimums imposées par l’article 25 de la LMSI. Le Tribunal fait également observer que, si les conclusions sont annulées, Streamline abordera la question de garantir sa rentabilité d’une manière globale plutôt que de procéder article par article [38] et que, par conséquent, certains articles feraient inévitablement l’objet de dumping.

Compte tenu de ce qui précède, et particulièrement de la probabilité qu’un grand exportateur puisse vendre des raccords de tuyauterie coulés à des prix sous-évalués, ainsi que de la difficulté inhérente de faire en sorte que la vaste gamme de produits importés ne fassent pas l’objet de dumping au moment où les prix au Canada sont susceptibles de continuer d’être inférieurs aux prix des États-Unis, le Tribunal conclut que, dans l’ensemble, il y a une probabilité de reprise du dumping des raccords de tuyauterie en cuivre au Canada. Étant donné une telle conclusion, le Tribunal aborde maintenant la question de savoir si une reprise du dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Étant donné qu’il existe un lien entre un des grands producteurs et un exportateur désigné et que ce producteur n’a pas appuyé la prorogation des conclusions, le Tribunal, au début de l’audience, a demandé aux avocats, au conseiller et aux témoins de préciser de quels producteurs ils parlaient lorsqu’ils faisaient mention de la branche de production nationale. Il a aussi été demandé aux avocats et au conseiller de traiter, dans leur plaidoirie, de la définition qu’il convient de donner à l’expression « branche de production nationale » aux fins de l’évaluation de la probabilité de dommage sensible dans le cadre du présent réexamen.

Les avocats et le conseiller de Cello ainsi que les avocats de Bow ont soutenu qu’une proportion majeure ne signifie pas 50 p. 100 de la production nationale. Plutôt, une proportion majeure signifie une importante proportion de la production nationale. De l’avis des avocats et du conseiller, Cello et Bow représentent une importante proportion de la production nationale, et elles devraient être considérées comme étant la branche de production nationale aux fins du réexamen du Tribunal. Les avocats et le conseiller ont soutenu que Streamline devrait être exclue de la branche de production nationale en raison des motifs suivants : les objectifs commerciaux de Streamline, et ses opinions sur les conclusions, sont les mêmes que ceux de Mueller, qui est un exportateur désigné et la société mère de Streamline; le témoin de Streamline a indiqué que cette dernière avait l’intention de s’approvisionner en marchandises vendues à des prix sous-évalués par Mueller, advenant l’annulation des conclusions; Streamline ne tente pas d’obtenir la protection de la LMSI, ce qui est contraire aux objectifs de la LMSI; la LMSI ne devrait pas être utilisée à la façon d’une épée contre d’autres producteurs canadiens.

Les avocats de Streamline ont soutenu que le paragraphe 76(2) de la LMSI ne fait pas mention de l’expression « production canadienne ». Les avocats se sont appuyés sur les conclusions que le Tribunal a rendues dans le cadre de l’enquête no NQ-93-001 et ont soutenu que le Tribunal n’avait pas alors exclu Cello de l’industrie nationale au motif qu’elle était aussi un importateur parce que les « sociétés sont si étroitement intégrées avec les producteurs nord-américains et [...] les sociétés ont presque sans exception des rapports avec des sociétés américaines, il serait plutôt vain d’exclure une société canadienne des recours auxquels elle est admissible aux termes de la LMSI parce qu’elle a un rapport, soit en termes d’importations soit en termes de participation dans la société, avec une société des États-Unis » [39] [traduction]. Enfin, les avocats ont souligné que Cello n’avait pas fait opposition à la participation de Streamline à l’enquête initiale et ne fait opposition à la participation de Streamline dans le cadre du présent réexamen que parce que Streamline se prononce en faveur de l’annulation des conclusions plutôt que de demeurer neutre comme elle l’a fait lors de l’enquête de 1993.

L’article 2 de la LMSI définit, en partie, l’expression « branche de production nationale », comme suit :

l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires; toutefois, lorsqu’un producteur national est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou est lui-même un importateur de telles marchandises, le terme désigne le reste des producteurs nationaux.

Les paragraphes 2(1.2) et (1.3) de la LMSI prévoient en outre ce qui suit :

(1.2) Pour l’application de la définition de « branche de production nationale » au paragraphe (1), le producteur est lié à l’exportateur ou à l’importateur dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) directement ou indirectement, le producteur contrôle l’importateur ou l’exportateur, ou est contrôlé par l’un ou l’autre,

b) le producteur et l’exportateur ou l’importateur, selon le cas, sont contrôlés directement ou indirectement par un tiers,

c) le producteur et l’exportateur ou l’importateur, selon le cas, contrôlent directement ou indirectement un tiers,

et il y a des motifs de croire que le producteur ne se comporte pas envers l’exportateur ou l’importateur de la même manière qu’un producteur non lié.

(1.3) Pour l’application du paragraphe (1.2), une personne est réputée en contrôler une autre lorsqu’elle est, en fait ou en droit, en mesure de contraindre ou de diriger l’autre.

C’est un fait bien reconnu que le mot « majeure » dans l’expression « proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires » signifie « importante » plutôt que la notion mathématique plus précise qui correspond à plus de la moitié [40] . Il est également bien établi que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’exclure de la branche de production nationale un producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées ou qui est lui même un importateur de telles marchandises [41] .

Le Tribunal accepte que Mueller contrôle Streamline et que Mueller et Streamline sont, par conséquent, « liées » au sens de l’alinéa 2(1.2)a) de la LMSI. Les éléments de preuve montrent que Streamline est une filiale à part entière de Mueller, que les décisions d’entreprise concernant les investissements et la production de Streamline sont prises par Mueller, que Mueller a établi certaines prescriptions relativement à l’achat de raccords de tuyauterie coulés par Streamline et que Mueller établit les prix de vente à Streamline.

Cependant, le Tribunal ne conclut pas, du simple fait du lien susmentionné, à l’existence d’une raison persuasive d’exclure, dans le cadre du présent réexamen, Streamline de la branche de production nationale. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve montrent que Streamline maîtrise la gestion de son exploitation courante d’une manière indépendante de Mueller et que ses ventes au Canada durant la période visée par le réexamen ont principalement été faites à partir de la production nationale. Le Tribunal n’a pas reçu d’éléments de preuve convainquants qui indiquent qu’il sera mis fin à la production de Streamline si les conclusions sont annulées. Au contraire, les éléments de preuve montrent que, depuis les conclusions, il y a eu un changement de gestion chez Streamline et chez Mueller et que des montants importants ont été investis dans le but d’accroître la production des raccords en cuivre de Streamline. Le Tribunal est donc convaincu que, à court ou à moyen terme, la stratégie de Streamline visant la production canadienne ne changera pas.

Streamline a représenté la majorité de la production collective nationale de raccords de tuyauterie en cuivre destinés à la consommation nationale durant la période visée par le réexamen. Streamline importe une gamme restreinte de raccords de tuyauterie en cuivre en question de sa société mère, Mueller, pour compléter la gamme des produits qu’elle offre. Cependant, par rapport au volume produit aux fins de consommation nationale, les importations de Streamline ont représenté un faible pourcentage de la totalité de ses ventes de raccords de tuyauterie en cuivre au Canada et environ 1 p. 100 de la production totale de Mueller aux États-Unis. En outre, Mueller exporte à Cello, un autre producteur national. De plus, le Tribunal n’est pas convaincu que, aux fins du présent réexamen, le fait que Streamline importe de Mueller doit être un facteur important dans l’examen de la question de savoir s’il y a lieu d’exclure Streamline de la branche de production nationale. La nature de la branche de production et, plus particulièrement, le fait que les producteurs ne peuvent fabriquer, dans un rapport coût-efficacité avantageux, qu’une gamme limitée de produits ont fait émerger une situation où les producteurs, y compris Cello, comptent sur les importations pour compléter leur gamme de produits. Ils le faisaient au moment des conclusions et continuent de le faire, bien que dans une moindre mesure, depuis que les conclusions ont été rendues.

Quand à la reprise du dumping de raccords coulés, que Streamline ne produit pas mais que Nibco produit et que Streamline importe de Mueller dans le cadre d’une entente conclue entre Nibco et Mueller, le Tribunal est d’avis qu’il est probable que le volume de telles importations sera modeste par rapport aux ventes au Canada réalisées par Streamline à partir de sa production nationale.

Compte tenu de tous les facteurs susmentionnés, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il convient d’exclure Streamline de la branche de production nationale aux fins du présent réexamen.

À la lumière de sa décision de ne pas exclure Streamline de la branche de production nationale, il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de savoir si Cello et Bow, à elles seules, constituent une proportion majeure de la production nationale. Streamline, Cello et Bow représentent toute la production nationale et constituent la branche de production nationale aux fins de l’examen par le Tribunal de la question de savoir si une reprise du dumping est susceptible de causer un dommage.

Probabilité de dommage sensible

Pour examiner la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale dans un réexamen, le Tribunal peut tenir compte de divers facteurs, y compris les changements de la conjoncture du marché depuis les conclusions, le rendement récent de la branche de production nationale et son rendement futur probable ainsi que les volumes et les prix probables des importations sous-évaluées, compte tenu de la conjoncture des marchés dans le pays exportateur et au Canada.

Dans les conclusions qu’il a rendues en 1993 relativement à la question de préjudice sensible causé à l’industrie nationale, le Tribunal a fait observer les difficultés avec lesquelles le marché était aux prises au début des années 90 en raison d’une récession et des importants changements structurels que connaissait alors le marché national. La féroce concurrence au niveau des prix a entraîné les prix à la baisse à un niveau où les importations en provenance des exportateurs désignés ont fait l’objet d’une décision de dumping, par le Sous-ministre, selon une marge moyenne de 47 p. 100 durant la période d’enquête. En tenant compte des facteurs susmentionnés et d’autres facteurs du marché, le Tribunal a conclu que l’industrie nationale, en général, et Cello, en particulier, avaient subi un préjudice sensible, principalement sous forme d’une baisse de la production et des ventes, d’une érosion des prix et d’une perte de rentabilité.

Par opposition aux conditions très pénibles du marché qui prévalaient durant les premières années de la décennie, les éléments de preuve du présent réexamen, qui a porté sur les facteurs du marché depuis 1995, indiquent que la conjoncture du marché national s’est stabilisée et que les circonstances de la branche de production nationale se sont améliorées sensiblement. Les données recueillies dans le cadre de l’enquête de 1993 ne permettent pas une comparaison directe avec celles recueillies dans le cadre du présent réexamen, étant donné la différence du champ d’application des produits [42] . Cependant, l’examen des tendances des indicateurs économiques clés entre les deux périodes visées est révélateur.

Entre 1992 et 1995, la production nationale de raccords de tuyauterie en cuivre a grimpé, principalement en raison des augmentations de production de Streamline. L’effet des conclusions durant cette période est manifeste, puisque les importations en provenance des exportateurs des États-Unis désignés ont baissé de façon remarquable, ce qui a entraîné une augmentation marquée de la part du marché détenue par la branche de production nationale. Les prix de vente moyens de la branche de production ont plus que doublé, tandis que les prix de vente moyens à l’importation ont plus que triplé. La combinaison de la croissance des ventes et de l’augmentation des prix a suscité un important revirement du rendement financier de la branche de production nationale. Les résultats financiers négatifs de la branche de production en 1992 s’étaient, en 1995, transformés en un profit net de 38 p. 100 des ventes nettes. D’autres indicateurs économiques ont également révélé des gains similaires entre 1992 et 1995, y compris des augmentations substantielles des exportations de la branche de production et des emplois [43] .

En ce qui a trait à la période visée par le présent réexamen, les indicateurs économiques montrent que le rendement de la branche de production nationale depuis 1995 continue d’être positif. Entre 1995 et 1997, la production nationale a augmenté en raison des gains de production de Cello. Durant cette période, le volume du marché national a augmenté de 24 p. 100, passant à 4,3 millions de livres, tandis que les ventes à partir de la production nationale ont augmenté de 30 p. 100. La part du marché de la branche de production a baissé de 5 points de pourcentage durant la période de trois ans, mais est demeurée à près de 70 p. 100 de la demande totale sur le marché durant la période visée par le réexamen. Les indicateurs révèlent en outre que, bien que les prix de vente moyens de la branche de production aient baissé durant la période, cette dernière a maintenu de bons résultats financiers pour ses ventes nationales. De même, les ventes à l’exportation de la branche de production sont demeurées fortes et très rentables.

Les données du premier trimestre de 1998 révèlent un fléchissement de la demande du marché par rapport au premier trimestre de 1997. Le volume total des ventes sur le marché a baissé de 11 p. 100, et celui des ventes de la branche de production, de 16 p. 100. La baisse des ventes de la branche de production sur le marché national a été compensée, dans une certaine mesure, par l’augmentation des ventes à l’exportation. Cependant, bien que la baisse des ventes sur le marché national ait entraîné une baisse de ses profits par rapport à 1997, les profits de la branche de production se sont maintenus à des niveaux très satisfaisants [44] .

Le Tribunal est convaincu que, ayant bénéficié durant cinq ans de la protection accordée par les conclusions, la branche de production repose maintenant sur de solides assises financières. Les données financières consolidées de la branche de production révèlent que les ventes de raccords de tuyauterie en cuivre durant toute la période visée par le réexamen ont été très rentables. Les marges bénéficiaires brutes avoisinant 50 p. 100 des ventes de la branche de production et les profits nets de l’ordre de 30 à 40 p. 100 indiquent que les résultats financiers de la branche de production ont été exceptionnels. Les données démontrent que les trois producteurs ont eu une part de cette réussite financière et, bien que leurs profits aient quelque peu baissé au premier trimestre de 1998, ils sont demeurés très satisfaisants. Les données révèlent aussi que, dans le cas de Cello et de Streamline, les marges bénéficiaires brutes et les profits associés à la vente de raccords en cuivre dépassent de beaucoup les marges bénéficiaires brutes et les profits associés à la vente des autres produits que ces deux sociétés commercialisent.

De plus, le rendement à l’exportation tant de Cello que de Streamline a été très favorable. Cello, qui n’a commencé à exporter des raccords de tuyauterie en cuivre qu’au cours des récentes années, consacre maintenant une proportion de plus en plus importante de sa production aux marchés d’exportation, particulièrement les États-Unis. Les ventes à l’exportation de Cello ont produit des profits importants durant toute la période visée par le réexamen et, à cause de l’expansion de son circuit de distribution sur les marchés qu’elle sert, le Tribunal ne doute aucunement que les ventes à l’exportation continueront à l’avenir de représenter un apport majeur à sa position financière. D’une façon analogue, les exportations de raccords en dimensions métriques de Streamline, qui représentent la majorité de sa production, ont été source de profits très satisfaisants. Bow n’exporte pas de raccords de tuyauterie en cuivre.

Le Tribunal fait observer les importants investissements de capitaux de Cello et de Streamline durant la période visée par le réexamen, qui leur ont permis d’accroître leur gamme de produits et de rehausser l’efficience de leur production. À la suite des investissements susmentionnés, les importations de raccords produits aux États-Unis par ces deux sociétés ont baissé de près de 50 p. 100 entre 1995 et 1997. Étant donné les projets à court terme, tant de Cello que de Streamline, visant à investir encore davantage dans leurs capitaux [45] , le Tribunal est d’avis que la compétitivité de ces deux sociétés s’améliorera.

Quant à Bow, le Tribunal fait observer qu’elle a axé ses efforts sur le rehaussement de sa compétitivité dans le domaine des produits en plastique et d’autres raccords qui ne font pas l’objet des conclusions. Bow a plaidé en faveur de la prorogation des conclusions au motif qu’elle a l’intention d’accroître sa production de raccords de tuyauterie en cuivre. Cependant, les éléments de preuve soumis par Bow n’ont pas montré qu’elle a arrêté des projets fermes ou pris des engagements financiers qui seraient de nature à convaincre le Tribunal qu’elle produira probablement une plus vaste gamme de raccords de tuyauterie en cuivre à court ou à moyen terme. Les données soumises par Bow relativement aux investissements de capitaux prévus en 1998 et en 1999 [46] ne sont pas de nature à convaincre le Tribunal à cet égard.

Dans le contexte de la présente vue d’ensemble du marché des raccords de tuyauterie en cuivre, le Tribunal aborde maintenant la question de la probabilité de dommage sensible causé par une reprise du dumping. Dans une telle analyse, il importe de tenir compte des récentes tendances et des prévisions des prix des raccords de tuyauterie en cuivre sur le marché canadien, ainsi que des facteurs sous-jacents aux fluctuations récentes et prévues des prix.

Le Tribunal a pris connaissance d’un nombre considérable d’éléments de preuve et de témoignages relatifs au niveau des prix sur le marché canadien et aux raisons qui expliquent la baisse des prix des récentes périodes. Pour analyser cette question, le Tribunal a soigneusement examiné les données sur les prix contenues dans le rapport du personnel, ainsi que les éléments de preuve soumis dans le cadre du présent réexamen.

Les données révèlent que les prix de vente moyens pondérés de la branche de production ont chuté, passant de presque 8,00 $/lb en 1995 et en 1996 à 6,78 $/lb en 1997, mais ont légèrement augmenté au premier trimestre de 1998 par rapport à la même période en 1997. Au sein de la branche de production, les prix moyens pondérés de Cello ont accusé une baisse minime en 1998 par rapport à 1995, tandis que les prix moyens pondérés de Streamline et, dans une moindre mesure, de Bow ont baissé de façon marquée en 1998 par rapport à 1995. Les données révèlent aussi que les prix de vente moyens pondérés des raccords importés en provenance des exportateurs désignés des États-Unis ont baissé, mais dépassaient d’environ 3,00 $/lb les prix obtenus pour les raccords de production nationale [47] .

Le Tribunal a aussi examiné les données sur les prix de vente de plusieurs articles vendus en quantité sur une base globale et à des clients de gros déterminés [48] . Les données globales confirment la baisse des prix sur le marché, mais font ressortir aussi que les ventes de la production nationale ont de façon persistante été faites à des prix sensiblement inférieurs aux prix de vente des importations des États-Unis. De même, l’examen des ventes à des clients de gros déterminés [49] indique que, dans les quelques cas où il y a eu concurrence avec les importations des États-Unis, les prix de vente de la branche de production ont d’une façon générale été inférieurs aux prix des importations des États-Unis. Le Tribunal est d’avis que la concurrence pour les ventes aux clients susmentionnés s’est principalement faite entre Cello et Streamline à partir de leurs raccords de production nationale. Cependant, à quelques exceptions près, les prix de Streamline aux clients susmentionnés ont été sensiblement inférieurs aux prix de vente de Cello.

Cello a déclaré que les baisses de prix depuis 1995 ont largement été attribuables à l’établissement énergique des prix des exportateurs en provenance des États-Unis et de leurs importateurs canadiens. Il ne fait aucun doute que les importations des États-Unis ont continué à jouer un rôle important dans la concurrence au niveau des prix sur le marché national. Cependant, cette concurrence s’est jouée, d’une façon générale, à des niveaux de prix qui n’étaient pas sous-évalués.

Le Tribunal est d’avis que les baisses de prix sont attribuables en grande partie à d’autres facteurs. À cet égard, les éléments de preuve indiquent que les prix du cuivre ont chuté de presque 50 p. 100 entre 1995 et 1998 [50] . Les tubes en cuivre et, dans le cas des raccords coulés, les lingots de cuivre représentent pratiquement la totalité des coûts des matières premières dans la production de raccords en cuivre. Avec la baisse rapide des coûts des matières premières, il est clair que les niveaux élevés des prix de 1995 et 1996 ne pouvaient être maintenus. De même, les éléments de preuve font ressortir la concurrence croissante des importations de pays étrangers, particulièrement des raccords coulés de Taïwan, ainsi que des produits de remplacement en plastique. Le Tribunal est d’avis que ces autres facteurs et la concurrence intense au niveau des prix entre Cello et Streamline relativement aux raccords de production nationale ont eu une incidence beaucoup plus grande dans le sens de la baisse des prix sur le marché national que celle de la concurrence des importations en provenance des États-Unis.

Selon les éléments de preuve, les prix ont, du moins temporairement, cessé de baisser. En mai 1998, les principaux joueurs du marché, y compris Cello et Streamline, ont appliqué une augmentation de prix de 8 p. 100 qui semble se maintenir [51] . Cependant, à plus long terme, les éléments de preuve et les déclarations des témoins portent à croire que les prix devraient probablement baisser encore. À cet égard, Cello a soutenu que les prix canadiens pourraient baisser d’environ 25 p. 100, sans les conclusions. À l’appui de l’affirmation susmentionnée, Cello a fait observer la ressemblance entre le marché du Canada et le marché de la Californie, où les prix sur ce dernier ont baissé de plus de 25 p. 100. En outre, Cello a soutenu que les clients s’attendent que les prix baisseront de 20 à 30 p. 100 si les conclusions sont annulées [52] .

Le Tribunal n’est pas convaincu que les baisses de prix de l’ampleur annoncée par Cello se concrétiseront sur le marché canadien. Les éléments de preuve selon lesquels le marché de la Californie n’est pas différent du marché canadien ne suffisent pas, selon le Tribunal, pour indiquer les tendances des prix au Canada. Il faudrait, pour déterminer de telles tendances, s’appuyer sur une quantité sensiblement plus importante de données comparatives sur des aspects comme les fluctuations historiques des prix, les combinaisons de produits et le comportement des consommateurs.

Le témoin de Streamline a déclaré que les prix pourraient baisser de l’ordre de 5 à 10 p. 100 à l’avenir, avec ou sans les conclusions [53] . L’examen des fluctuations de prix sur le marché canadien durant la période visée par le réexamen et des prévisions de la demande sur le marché national porte le Tribunal à croire qu’il est plus probable que les baisses de prix soient modérées, comme l’a avancé Streamline, plutôt qu’importantes, comme le prévoit Cello. Cello a affirmé que la croissance du marché a été modérée, mais que les prévisions de la demande l’amènent à croire que la conjoncture du marché se situe ou se situera aux mêmes niveaux que ceux qui prévalaient au début des années 90 [54] . Bien que les prévisions aient, par définition, un caractère spéculatif, le Tribunal est d’avis que, malgré l’instabilité actuelle des marchés financiers, la demande de raccords de tuyauterie en cuivre demeurera probablement forte à court terme, étant donné la vigueur actuelle de l’économie canadienne et les prévisions qui font état de la croissance de la construction résidentielle, commerciale et industrielle [55] .

Le Tribunal fait observer que l’importante présence, sur le marché canadien, des raccords importés des États-Unis persiste. Cependant, l’examen des éléments de preuve montre que les importations sont constituées dans une proportion considérable de types de raccords vendus en plus faibles quantités, à des prix plus élevés [56] . Cello et Streamline ont continué d’importer les marchandises en question des producteurs des États-Unis durant la période visée par le réexamen pour compléter leur gamme de produits. Cependant, à mesure que les producteurs nationaux ont continué d’élargir leur gamme de production, ils ont compté de moins en moins sur les produits importés. Dans un tel contexte, tout dumping de la part des trois exportateurs désignés devrait probablement se limiter à un petit volume de produits et n’influencera probablement pas beaucoup les prix sur le marché canadien des raccords de tuyauterie en cuivre.

Après avoir examiné avec soin les éléments de preuve et les témoignages, le Tribunal s’attend que les exportateurs des États-Unis continueront de surveiller de près leurs exportations au Canada dans le but de minimiser le dumping. En outre, au terme de son analyse de la conjoncture du marché aux États-Unis, le Tribunal a conclu que le dumping au Canada offre peu d’attrait aux trois exportateurs désignés. Bien que les éléments de preuve indiquent que Streamline offrira probablement des raccords coulés importés à des prix sous-évalués, le Tribunal est d’avis qu’un tel dumping, s’il se produit, aura un caractère intermittent et n’atteindra pas des volumes et des prix susceptibles de perturber le marché national. Le Tribunal fait observer que les ventes de raccords coulés importés de Streamline représentent moins de 5 p. 100 de la totalité de ses ventes nationales de raccords de tuyauterie en cuivre [57] . Elles représentent en outre moins de 2 p. 100 des ventes au Canada de la branche de production nationale à partir de la production nationale en 1997.

La persistance des tendances actuelles sur le marché canadien des raccords de tuyauterie en cuivre, et particulièrement une nouvelle baisse des prix, entraînera probablement un certain fléchissement du rendement financier de la branche de production nationale. Cependant, le Tribunal est convaincu que, malgré une telle baisse des prix, le rendement global de la branche de production nationale demeurera probablement robuste. Le Tribunal est d’avis, et il s’agit là d’un point encore plus important, que d’autres facteurs, particulièrement la concurrence intense au niveau des prix que se livrent les producteurs nationaux, auront probablement davantage d’influence que tout dumping par les producteurs des États-Unis sur le rendement de la branche de production dans un proche avenir. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’une reprise du dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

CONCLUSION

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut qu’il y a une probabilité de reprise du dumping, mais qu’un tel dumping n’est pas susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production canadienne, et annule, par les présentes, les conclusions.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47.

2. Conclusions et Exposé des motifs, le 18 octobre 1993.

3. Gazette du Canada Partie I, vol. 132, no 13, le 28 mars 1998 à la p. 702.

4. Pièces du Tribunal RR-97-008-41 et RR-97-008-41A, dossier administratif, vol. 1A aux p. 138-40 et 142-49 respectivement et pièce du Tribunal RR-97-008-41B (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 119-26.

5. Requête visant à obtenir une ordonnance qui aurait pour effet de récuser le Pr Franklin Mathewson en qualité d'avocat inscrit au dossier des sociétés Amcast Industrial Ltd. et Elkhart et de lui interdire l'accès aux renseignements confidentiels au dossier de la procédure du réexamen no RR-97-008, Décision du Tribunal et Motifs de la décision, le 9 juin 1998, dossier administratif, vol. 23A.

6. Lettre du 23 juin 1998 aux avocats, au conseiller et aux parties nommées au dossier, dossier administratif, vol. 23A.

7. Lettre du 26 juin 1998 aux avocats, au conseiller et aux parties nommées au dossier, dossier administratif, vol. 28.

8. Lettre du 22 juillet 1998 aux avocats, au conseiller et aux parties nommées au dossier, pièce du Tribunal RR-97-008-I-2A, dossier administratif, vol. 9A aux p. 5-9, pièce du Tribunal RR-97-008-I-3A, dossier administratif, vol. 9B aux p. 5-9 et pièce du Tribunal RR-97-008-I-4B, dossier administratif, vol. 9C aux p. 9-13.

9. Lettre du 17 juillet 1998 aux avocats, au conseiller et aux parties nommées au dossier, dossier administratif, vol. 23B.

10. Lettres du 31 juillet 1998 aux avocats, au conseiller et aux parties nommées au dossier ainsi qu'à M. Clifford Sarjeant, dossier administratif, vol. 23B.

11. American National Standards Institute.

12. Signé à Marrakech le 15 avril 1994 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1996).

13. Placoplâtre, principalement composé d'une âme en gypse sur laquelle est collé du papier, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, Ordonnance et Exposé des motifs, le 19 janvier 1998 aux p. 14-15.

14. Certaines tôles d'acier au carbone laminées à chaud et certaines tôles d'acier allié résistant à faible teneur, traitées ou non à chaud, originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, Ordonnance, le 5 mai 1998, Exposé des motifs, le 20 mai 1998 à la p. 19.

15. Certains produits plats de tôle d'acier laminés à froid (incluant en acier allié résistant à faible teneur) originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, Ordonnance et Exposé des motifs, le 28 juillet 1998.

16. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 à la p. 478 et v ol. 3, le 20 août 1998 aux p. 605-607.

17. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 à la p. 478 et vol. 3, le 20 août 1998 à la p. 612.

18. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 3 juin 1998, pièce du Tribunal RR-97-008-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 80 et 82.

19. Pièce de l'exportateur H-2 (protégée) à la p. 9, dossier administratif, vol. 14A.

20. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 20 août 1998 aux p. 612-13 et 617-18.

21. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 466-67; pièce du fabricant C-22, dossier administratif, vol. 11B.

22. Public Pre-Hearing Staff Report, le 3 juin 1998, pièce du Tribunal RR-97-008-5, dossier administratif, vol. 1A aux p. 73-74.

23. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 20 août 1998 aux p. 676-79; pièce de l'exportateur H-2 (protégée) aux p. 38-39, dossier administratif, vol. 14A.

24. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 20 août 1998 aux p. 283-84.

25. Pièce du fabricant A-67 à la p. viii, dossier administratif, vol. 11.1.

26. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 à la p. 348.

27. Pièce du Tribunal RR-97-008-4 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 6.

28. Ibid.

29. Ibid. En 1997, par exemple, 61 p. 100 des droits antidumping ont été imposés sur de telles importations.

30. Pièce du fabricant C-12 (protégée), dossier administratif, vol. 12B.

31. Les importateurs peuvent interjeter appel des impositions aux termes des dispositions pertinentes de la LMSI. Par conséquent, le montant des droits antidumping imposés en 1997 et en 1998 peut inclure des cas admissibles à un remboursement lorsque Revenu Canada aura reçu l'information qui lui permettra de déterminer les valeurs normales spécifiques.

32. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 478-79 et 527-28 et vol. 3, le 20 août 1998 à la p. 625; pièce de l'exportateur H-1 aux p. 28-30, dossier administratif, vol. 13A.

33. Pièce du Tribunal RR-97-008-4 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 3.

34. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 338-39.

35. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 20 août 1998 aux p. 618-23.

36. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 355-57.

37. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 à la p. 369.

38. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 386 et 451.

39. Transcription de l'argumentation publique, vol. 4, le 21 août 1998 à la p. 753.

40. Japan Electrical Manufacturers Association c. Le Tribunal antidumping, non publiée, Cour d'appel fédérale, numéro du greffe A-1096-84, le 17 octobre 1986. Voir, également, l'affaire McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 à la p. 225.

41. Voir, par exemple, la cause sur Le dumping au Canada du sucre raffiné originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la République de Corée, et le subventionnent du sucre raffiné originaire ou exporté de l'Union européenne, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no NQ-95-002, Conclusions, le 6 novembre 1995, Exposé des motifs, le 21 novembre 1995 à la p. 19.

42. L'enquête de 1993 menée par le Tribunal comprenait des raccords de tuyauterie en cuivre qui ont été subséquemment exclus des conclusions de préjudice sensible. Par conséquent, les données recueillies aux fins du présent réexamen ne comprennent pas la gamme de produits qui ont été exclus des conclusions.

43. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 3 juin 1998, pièce du Tribunal RR-97-008-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 86-87.

44. Ibid.

45. Ibid. aux p. 59-60.

46. Ibid.

47. Ibid. à la p. 41.

48. Les données comprennent les données sur les ventes et les prix de cinq articles repères. Ces articles ont représenté plus de la moitié des ventes en quantité de la branche de production en 1997 et au premier trimestre de 1998, mais seulement 15 p. 100 des ventes des importations en provenance des États-Unis durant la même période. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 3 juin 1998, pièce du Tribunal RR-97-008-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 89-101.

49. Le Tribunal a examiné les données sur les prix relativement à huit importants clients de gros. Ces clients représentent la vaste majorité des achats de raccords de tuyauterie en cuivre effectués sur le marché canadien.

50. Public Pre-Hearing Staff Report, le 3 juin 1998, pièce du Tribunal RR-97-008-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 20.

51. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 aux p. 556-57.

52. Pièces du fabricant A-2 aux p. 53-54 et 67 et A-72, dossier administratif, vol. 11.

53. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 19 août 1998 à la p. 348.

54. Pièce du fabricant A-45 à la p. 7, dossier administratif, vol. 11.1.

55. Pièce du Tribunal RR-97-008-31, dossier administratif, vol. 1A à la p. 118; pièces du fabricant C-16 et C-21, dossier administratif, vol. 11B.

56. Pièce du Tribunal RR-97-008-37A, dossier administratif, vol. 1A à la p. 130.2.

57. Pièce du fabricant C-28 (protégée), dossier administratif, vol. 12B.


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Publication initiale : le 16 octobre 1998