PINCEAUX

Réexamens (article 76)


PINCEAUX UTILISANT LA SOIE DE PORC COMME MATIÈRE DE FILAMENT, ET LES PARTIES CONSTITUANTES APPELÉES «HEADS» (TÊTES), ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Réexamen no : RR-93-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 18 janvier 1994

Réexamen no : RR-93-003

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 20 juin 1984, dans le cadre de l'enquête no ADT-6-84, modifiées par ordonnance le 28 septembre 1984, dans le cadre du réexamen no R-7-84, et prorogées sans modification par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 19 janvier 1989, dans le cadre du réexamen no R-13-88, concernant les :

PINCEAUX UTILISANT LA SOIE DE PORC COMME MATIÈRE DE FILAMENT, ET LES PARTIES CONSTITUANTES APPELÉES «HEADS» (TÊTES), ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 20 juin 1984, dans le cadre de l'enquête no ADT-6-84, modifiées par ordonnance le 28 septembre 1984, dans le cadre du réexamen no R-7-84, et prorogées sans modification par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 19 janvier 1989 dans le cadre du réexamen no R-13-88.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur, par la présente, proroge sans modification les conclusions susmentionnées.

Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre présidant


W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 20 juin 1984, dans le cadre de l'enquête no ADT-6-84, modifiées par ordonnance le 28 septembre 1984 dans le cadre du réexamen no R-7-84 et prorogées sans modification par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 19 janvier 1989, dans le cadre du réexamen no R-13-88.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 13 et 14 décembre 1993
Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 18 janvier 1994

Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant
W. Roy Hines, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de projet : Douglas Cuffley

Gestionnaires de la recherche : André Renaud
Daryl Poirier

Économiste : Simon Glance

Préposés aux statistiques : Margaret Saumweber
Sonya McEachern

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud

Agent à l'inscription et à
la distribution : Claudette Friesen


Participants : John D. Richard, c.r.
pour l'Association canadienne des fabricants
de brosses, balais et vadrouilles
T.S. Simms & Cie Limitée
Nour Trading House Inc.

(producteurs)
et Rubberset Company (Canada),
Division of Sherwin-Williams
Company

(partie appuyant la position des
producteurs)

Témoins :

Thomas S. Simms
Président et Directeur général
T.S. Simms & Cie Limitée

Robert (Bob) Shaw
Directeur du marketing
Nour Trading House Inc.
Vice-président
Association canadienne des fabricants de brosses, balais et vadrouilles

Richard L. Simms
Président
T.S. Simms & Cie Limitée

Patty Austin, CMA
Directeur général
Nour Trading House Inc.

P.C. (Phil) Jones, C.A.
Vice-président, Finances
T.S. Simms & Cie Limitée

Norm Wolske
Gestionnaire local
Rubberset Company, Division of Sherwin-Williams Company

Wayne A. McLaggan
Gestionnaire de l'usine
T.S. Simms & Cie Limitée
Président
Association canadienne des fabricants de brosses, balais et vadrouilles

Tom Sved
D.S. Paint Applicators, Division of 693220 Ontario Ltd.

Ronald Hastings
Acheteur en chef, Biens durables
Color Your World Corp.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen, effectué aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 20 juin 1984, dans le cadre de l'enquête no ADT-6-84, modifiées par ordonnance le 28 septembre 1984, dans le cadre du réexamen no R-7-84, et prorogées sans modification par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 19 janvier 1989, dans le cadre du réexamen no R-13-88, concernant les pinceaux utilisant la soie de porc comme matière de filament, et les parties constituantes appelées «heads» (têtes), originaires ou exportés de la République populaire de Chine (la Chine).

Conformément au paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a entrepris de réexaminer les conclusions et a publié un avis de réexamen le 17 septembre 1993. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 25 septembre 1993.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs et aux importateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience. Dans le cadre de son travail, le personnel de la recherche du Tribunal a rencontré des producteurs canadiens au Nouveau-Brunswick et en Ontario pour répondre aux questions au sujet des questionnaires. Les membres du Tribunal ont aussi visité les installations des producteurs de ces deux provinces pour voir les procédés de fabrication. De plus, le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions d'origine, l'avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, alors que les pièces protégées ont été distribuées à l'avocat indépendant seulement.

Des séances publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 13 et 14 décembre 1993.

Les producteurs, T.S. Simms & Cie Limitée (Simms) et Nour Trading House Inc. (Nour), ainsi que la société Rubberset Company (Canada) (Rubberset), qui appuie les producteurs, étaient représentés à l'audience par un avocat, ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Les importateurs et les exportateurs n'ont ni comparu ni soumis d'exposés au Tribunal dans le cadre de ce réexamen, et ils n'ont pas pris position quant aux conclusions que devrait rendre le Tribunal. Par contre, deux importateurs de pinceaux, les sociétés Color Your World Corp. et D.S. Paint Applicators, Division of 693200 Ontario Ltd., ont comparu en tant que témoins à la demande du Tribunal.

PRODUIT

Le présent réexamen porte sur des pinceaux utilisant la soie de porc comme matière de filament, et des parties constituantes appelées «têtes», originaires ou exportés de la Chine.

Les matières de filament utilisées dans la production des pinceaux sont habituellement des soies de porc ou des poils synthétiques. Plus de 90 p. 100 des pinceaux en soies de porc produits dans le monde seraient fabriqués avec de la soie de porc originaire de la Chine. La tête (c.-à-d. le pinceau sans le manche) d'un pinceau comprend la virole (c.-à-d. la bande métallique) et les filaments. Les têtes ne sont pas expressément produites ou importées pour être vendues au Canada.

Les pinceaux sont offerts dans diverses dimensions et qualités et peuvent être vendus sous la marque du producteur ou sous l'étiquette du détaillant. Les dimensions des pinceaux sont fonction de leur largeur. Les dimensions peuvent être indiquées en unités impériales ou métriques, et elles sont comprises habituellement entre 1/2 po et 4 po ou 15 et 100 mm. Il est aussi possible de se procurer des pinceaux spéciaux, comme les pinceaux à châssis et les pinceaux à manche angulaire, utilisés pour des applications particulières.

La qualité d'un pinceau est déterminée par l'épaisseur, la longueur et la finition des filaments utilisés pour sa fabrication. Les types de matériaux utilisés pour la virole et le manche, ainsi que pour le fini du manche, ont aussi une incidence sur la qualité d'un pinceau. Bien qu'il soit possible de classer les pinceaux selon qu'ils sont de qualité professionnelle, économique ou pour consommateurs, il n'existe aucune norme pour définir ces diverses catégories. Les pinceaux les plus dispendieux sont de qualité professionnelle et les moins chers, de qualité économique. De plus, les pinceaux destinés aux consommateurs peuvent être classés selon les sous-catégories de bonne qualité, meilleure qualité ou qualité supérieure.

Les pinceaux en question sont en concurrence avec des pinceaux en poils synthétiques et peuvent être remplacés par ceux-ci. Toutefois, en règle générale, l'industrie recommande d'utiliser les pinceaux en soies de porc essentiellement avec de la peinture alkyde, bien qu'il soit possible de s'en servir avec de la peinture au latex à condition de bien les nettoyer. Les pinceaux en poils synthétiques absorbent très peu d'eau comparativement aux pinceaux en soies de porc. C'est pourquoi il convient d'utiliser les pinceaux en poils synthétiques davantage avec les peintures alkydes ou au latex. Les extrémités des poils synthétiques doivent être effilées ou divisées afin que ce type de poils présente les mêmes caractéristiques d'absorption de la peinture que celles des soies de porc.

INDUSTRIE NATIONALE

L'industrie a connu de grands changements depuis le réexamen de 1988 et elle compte présentement quatre producteurs, dont trois qui font partie de l'Association canadienne des fabricants de brosses, balais et vadrouilles (l'Association), soit Simms de Saint John (Nouveau-Brunswick), Nour de Waterloo (Ontario) et Pintar Manufacturing Limited (Pintar) de Toronto (Ontario). Le quatrième producteur, qui ne fait pas partie de l'Association, est Crown-Meakins Inc. (Crown-Meakins) de Montréal (Québec).

Au moment du réexamen de 1988, il y avait six producteurs, soit les quatre déjà mentionnés, et Rubberset de Gravenhurst (Ontario) et EZ Paintr Canada (EZ Paintr) de Toronto (Ontario). Bien que ces deux sociétés soient toujours membres de l'Association, elles ne produisent plus les pinceaux en question au Canada, mais les importent plutôt de leurs filiales aux États-Unis.

Les producteurs canadiens offrent des pinceaux faits de poils naturels et synthétiques dans toutes les catégories, soit économique, pour consommateurs et professionnelle. Toutefois, la société Nour, le deuxième plus important producteur canadien, a décidé de se spécialiser et de se concentrer dans le segment du marché des pinceaux professionnels. Parallèlement, certains producteurs canadiens ont décidé de ne plus produire les pinceaux les moins chers, mais de les importer, y compris les pinceaux tout usage qui servent à de nombreuses fins et qui ne sont pas utilisés seulement pour appliquer de la peinture.

Les pinceaux font aussi partie du marché des applicateurs de peinture qui comprennent des rouleaux à peinture, des tampons pour peinture et des accessoires. Bien que les pinceaux en tant qu'outils ne semblent pas avoir changé, des améliorations ont été apportées à la qualité et à la conception des divers composants. Les producteurs et les consommateurs ont tous deux bénéficié de ces changements qui ont permis aux producteurs d'améliorer leur productivité et de réduire leurs coûts, et aux consommateurs d'obtenir des applicateurs de peinture plus efficaces et moins chers pour répondre à leurs besoins. Le principal producteur canadien de pinceaux, Simms, produit du matériel servant à la fabrication des pinceaux qui est exporté dans le monde entier. Cette société continue de mettre au point du matériel et de l'outillage et à intégrer ces innovations à sa propre production de pinceaux dans le but d'accroître l'automatisation de ses opérations et de réduire ses coûts de main-d'oeuvre. Nour a aussi fabriqué et reconditionné une partie du matériel de production utilisé dans son usine.

Les pinceaux en soies de porc détiennent une part plus importante du marché canadien que du marché américain. Cela s'explique notamment par le fait que les États-Unis ont imposé un embargo sur les importations de soies de porc en provenance de la Chine, la principale source de ce produit. Les pinceaux en poils synthétiques prédominent donc sur le marché américain.

La société Simms a été fondée en 1866 et est établie à Saint John (Nouveau-Brunswick) depuis 1872. L'entreprise, qui est la propriété conjointe de Thomas S. Simms et de Richard L. Simms, produit des pinceaux en soies de porc et en poils synthétiques, des rouleaux applicateurs, des brosses et des balais pour utilisation domestique et industrielle ainsi que du matériel de fabrication de pinceaux. Toutes les marchandises sont produites à l'installation de Saint John (Nouveau-Brunswick). Le bureau de vente national est situé à Toronto (Ontario).

La société Nour, qui a été incorporée en juillet 1978, produit des pinceaux destinés aux consommateurs et de qualité professionnelle à Waterloo (Ontario) depuis cette date. Cette société canadienne privée produit aussi des manchons de rechange pour rouleaux et commercialise ses produits à l'échelle du pays.

Pintar a été incorporée en 1977 et a produit uniquement des rouleaux à peinture jusqu'en 1988, année où elle a commencé à fabriquer et à distribuer des pinceaux. L'entreprise a été mise sous séquestre en février 1992, puis a été restructurée et a repris la fabrication à un nouvel emplacement en juin 1992. Pintar produit une gamme complète de rouleaux à peinture et d'accessoires ainsi que des pinceaux.

La société Crown-Meakins est un autre producteur canadien qui, toutefois, ne fait pas partie de l'Association. Cette entreprise n'a pas fourni de renseignements pendant la première enquête du Tribunal antidumping, ni à l'occasion du réexamen fait par le Tribunal en 1988, ni dans le cadre du réexamen en cours.

La société Rubberset, à l'origine Rubberset Company de Newark (New Jersey), a été fondée en 1873. En 1914, Rubberset s'est établie à Toronto (Ontario) en tant qu'organisation de vente et, en 1917, elle a commencé à produire des pinceaux. En 1922, la production de pinceaux a été déménagée à Gravenhurst (Ontario). En 1934, la société a été achetée par Bristol Myers Company et, en 1956, par Sherwin-Williams Company de Cleveland (Ohio). En juin 1981, Rubberset est devenue une division de Sherwin-Williams Company. La division a fonctionné pendant un certain nombre d'années avant de fermer ses portes en septembre 1992. Jusqu'à ce moment, elle avait produit des pinceaux en soies de porc et en poils synthétiques et des rouleaux à peinture qui étaient distribués partout au pays par l'intermédiaire de grossistes, de détaillants et de grandes surfaces spécialisés en produits de quincaillerie. La division importe maintenant les marchandises en question d'un producteur affilié aux États-Unis et elle les distribue au Canada.

EZ Paintr (connue autrefois par le Tribunal sous le nom de Dixon Applicators Company) est une division du Newell Group (Newell), de Freeport (Illinois). La société EZ Paintr Corp., qui a été fondée en 1945 à Fond du Lac (Wisconsin), est déménagée à Milwaukee (Wisconsin) en 1952. Elle a été achetée par Newell en 1973. En 1988, Newell s'est aussi porté acquéreur de Thomas Industries Paint Applicator Division située à Johnson City (Tennessee). Aujourd'hui, les usines de la société EZ Paintr Corp. situées à Johnson City et à Milwaukee occupent 570 000 pi2 et produisent une gamme variée de pinceaux en soies de porc et en poils synthétiques, de manchons, de tampons, de bacs et d'articles divers. EZ Paintr a mis fin à sa production au Canada en novembre 1989. Avant cette date, elle produisait au Canada des pinceaux en soies de porc et en poils synthétiques, ainsi que des rouleaux à peinture, et commercialisait ses produits dans l'ensemble du pays. EZ Paintr importe maintenant les marchandises en question de son producteur affilié aux États-Unis et les distribue au Canada.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1984 ET DES CONCLUSIONS DE RÉEXAMEN DE 1989

Résumé des conclusions de 1984

Le 20 juin 1984, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping au Canada des marchandises en question originaires de la Chine avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires [2] .

La plainte avait été déposée par l'Association au nom de ses membres qui étaient tous, de même que l'Association, représentés lors de l'audience. Deux importateurs, Britbull Industries et A.Z. Trading Company, étaient aussi présents ou étaient représentés par un avocat lors de l'audience.

L'industrie a soutenu qu'en dépit des efforts déployés pour soutenir la concurrence des importations sous-évaluées, elle a perdu des ventes et connu une diminution de sa production et de ses profits, une compression des prix et une sous-utilisation de sa capacité.

Les importateurs ont répliqué en affirmant que les marchandises en question originaires de la Chine étaient concentrées dans le segment du marché des pinceaux de qualité promotionnelle et que, grâce à des techniques de mise en marché innovatrices, ils avaient développé considérablement un secteur de ce marché négligé par les producteurs.

Dans son examen de la question de préjudice sensible, le Tribunal antidumping a constaté qu'entre 1980 et 1983, les importations de pinceaux en soies de porc ont augmenté d'environ 13 fois et que la quasi-totalité de cette hausse a été attribuable à l'augmentation subite des importations de marchandises en question originaires de la Chine, lesquelles ont été plus de 18 fois supérieures. La diminution des ventes réalisées à partir de la production nationale, associée à la croissance spectaculaire des importations, a fortement réduit la part du marché des producteurs canadiens. Alors que ceux-ci approvisionnaient 95 p. 100 du marché en 1980, leur part est tombée à 56 p. 100 en 1983, la majeure partie de cette diminution ayant été enregistrée cette année-là. Au cours de la même période, la Chine s'est solidement établie sur le marché, les importations en provenance de ce pays représentant 42 p. 100 du marché en 1983, soit une augmentation de 39 points de pourcentage en trois ans. Cette percée s'est principalement produite en 1983. Étant donné que la part du marché détenue par les importations en provenance d'autres pays est demeurée stable au cours de la période à l'étude, la percée des importations en provenance de la Chine correspondait exactement à la diminution de la participation des producteurs nationaux sur le marché.

Le Tribunal antidumping a été convaincu que le préjudice subi par l'industrie nationale a pris la forme d'une réduction des bénéfices, d'une diminution du volume d'affaires, d'une baisse de la production, d'une incapacité de participer à la croissance du marché, ce qui a eu pour conséquence la non-réalisation d'attentes raisonnables en matière de bénéfices, d'une perte de la part du marché et d'une perte de clients ou d'une diminution des achats de certains clients. L'évaluation de l'ensemble de ces facteurs de préjudice a amené le Tribunal antidumping à conclure que le préjudice était sensible et que les importations sous-évaluées en provenance de la Chine étaient la cause de ce préjudice.

Tel qu'indiqué précédemment, les ventes de pinceaux en soies de porc originaires de la Chine ont été importantes et couronnées de succès. Cette situation était attribuable à la vente de pinceaux de bonne qualité pouvant livrer concurrence aux pinceaux produits au Canada et offerts à des fins promotionnelles et, dans une certaine mesure, pour les ventes régulières à partir des stocks des détaillants. Les pinceaux ont été offerts aux détaillants à des prix si faibles qu'ils pouvaient réaliser un bénéfice intéressant sur le produit tout en l'utilisant à des fins promotionnelles. Grâce à cette méthode de commercialisation, les pinceaux en provenance de la Chine ont été bien acceptés sur le marché en peu de temps. Ces pinceaux étaient de bonne qualité et pouvaient concurrencer directement la vaste gamme des produits offerts sur le marché par les producteurs nationaux. Si des droits antidumping n'étaient pas imposés, le Tribunal antidumping était convaincu que ces pinceaux auraient continué de gagner du terrain sur le marché et ce, directement aux dépens des producteurs canadiens, et que les pinceaux en question auraient continué de causer un préjudice sensible.

Quant aux composants, le Tribunal antidumping a fait remarquer que la tête était l'un des principaux composants du pinceau en termes de valeur. Elle pouvait facilement être importée séparément du manche, s'il devenait avantageux de procéder ainsi. Si le dumping des têtes avait été toléré, un préjudice aurait pu être causé à la production des têtes de pinceaux au Canada, certainement sous la forme d'une diminution de l'emploi et d'une sous-utilisation de la capacité de production, ainsi qu'à la production des pinceaux entiers.

Résumé des conclusions de réexamen de 1989

Le 19 janvier 1989, le Tribunal a prorogé sans modification les conclusions de 1984. En réexaminant les éléments de preuve, le Tribunal a constaté qu'au cours des années qui ont suivi l'entrée en vigueur des conclusions, le marché des pinceaux avait connu une croissance modeste. La protection contre le dumping des marchandises en provenance de la Chine avait permis aux producteurs canadiens de récupérer la part du marché qu'ils avaient précédemment détenue, soit environ 90 p. 100 (ce qui comprenait les produits qu'ils importaient et qui représentaient une part relativement modeste et des quantités assez faibles). Les mesures antidumping ont entraîné une réduction très sensible des importations en provenance de la Chine. Toutefois, les pinceaux originaires de ce pays ont continué d'accaparer la plus grande part des importations jusqu'en 1987, année au cours de laquelle un nouveau fournisseur étranger est apparu sur le marché. Les pinceaux en provenance de la Jamaïque, dont les composants étaient, de toute évidence, achetés en grande partie en Chine, ont accaparé environ la moitié de la part du marché détenue l'année précédente par les importations en provenance de la Chine. En 1988, les pinceaux originaires de la Jamaïque avaient, dans l'ensemble, pris la part qui était détenue par les pinceaux originaires de la Chine. En outre, des pinceaux en provenance du Brésil étaient apparus en petites quantités sur le marché. L'industrie n'était pas préoccupée outre mesure par les importations brésiliennes parce que ces dernières étaient considérées être vendues à des prix concurrentiels.

Dans son examen de la probabilité d'une reprise du dumping par les exportateurs de pinceaux originaires de la Chine, le Tribunal a constaté qu'au cours des cinq années antérieures, des mesures antidumping avaient été prises à plusieurs occasions contre les pinceaux sous-évalués en provenance de ce pays, notamment par les États-Unis, l'Australie et la Communauté européenne (CE). Selon le Tribunal, la portée géographique, l'étendue et la poursuite continue du dumping des pinceaux en provenance de la Chine démontraient clairement une propension à recourir au dumping. En outre, les marges de dumping étaient appréciables. Ces éléments de preuve, ainsi que les importants témoignages produits au cours d'une séance à huis clos, ont amené le Tribunal à conclure que si les mesures antidumping étaient éliminées, les importations sous-évaluées de pinceaux originaires de la Chine sur le marché canadien reprendraient vraisemblablement en quantités importantes.

Quant à la probabilité que ce dumping cause un préjudice sensible à la production canadienne, le Tribunal a fait remarquer que contrairement au début des années 80, les pinceaux en provenance de la Chine étaient maintenant connus et acceptés. Les coûts de production de l'industrie canadienne demeuraient à un niveau qui l'empêchait de soutenir de façon rentable la concurrence des pinceaux offerts à des prix probablement sous-évalués. Elle était donc toujours vulnérable. En l'absence d'une protection antidumping, une reprise du dumping en grandes quantités des pinceaux à bas prix en provenance de la Chine ferait sans doute que l'industrie subirait de nouveau le préjudice qu'elle avait subi au début des années 80.

POSITIONS DES PARTIES

Industrie

L'avocat de l'Association et des sociétés Simms, Nour et Rubberset a soutenu qu'advenant l'annulation des conclusions, les producteurs canadiens seront placés dans une situation vulnérable puisque les prix des pinceaux sur le marché canadien diminueront. Il a fait valoir que les marchandises en question sont des produits de base qui peuvent facilement être remplacés par des marchandises produites en Chine. Il s'agit de marchandises à bas prix très sensibles aux prix sur le marché canadien.

Quant à la probabilité d'une reprise du dumping par les exportateurs de pinceaux en provenance de la Chine, l'avocat a mentionné les résultats des données d'exécution fournies au Tribunal par le ministère du Revenu national (Revenu Canada), qui démontrent que de 1988 jusqu'à une partie de 1993, les importations en provenance de la Chine ont continué d'être sous-évaluées, dans certains cas selon des marges de dumping importantes, en dépit des droits antidumping imposés. L'avocat a aussi rappelé les conclusions de dumping rendues aux États-Unis qui ont établi que les exportateurs chinois pratiquaient le dumping sur ce marché. Des droits antidumping de 127 p. 100 ont été imposés en raison des conclusions américaines.

L'avocat a aussi mentionné le fait que les producteurs européens et australiens demeurent inquiets et qu'ils tentent toujours de contrer les effets des importations sous-évaluées de pinceaux en provenance de la Chine. À cet égard, l'avocat de l'industrie nationale a soutenu que des erreurs de procédure de la CE avaient contribué au renversement d'une décision antérieure d'imposer des droits antidumping contre la Chine. Selon les derniers renseignements obtenus par la société Simms de la Fédération européenne de l'industrie de la brosserie et de la pinceauterie, les pinceaux originaires de la Chine ont envahi certains marchés de la CE, les importations massives de pinceaux ayant déjà obligé certains producteurs à cesser leurs activités. Par conséquent, une nouvelle enquête antidumping contre la Chine est réclamée par des producteurs de la CE.

La détermination apparente des producteurs australiens de pinceaux de recourir de nouveau à des mesures similaires contre la Chine a aussi été soulignée par l'avocat de l'industrie nationale, mettant ainsi en évidence les difficultés que continuent de causer les exportateurs chinois des marchandises en question sur les marchés mondiaux.

De l'avis de l'avocat, l'industrie nationale est définitivement menacée par la Chine et non par les autres pays. Ce dernier a fait valoir que les pinceaux en provenance de la Chine allant de la qualité intermédiaire destinée aux consommateurs jusqu'à la qualité bas de gamme pour professionnels, peuvent faire concurrence directement aux pinceaux similaires produits au Canada. Toutefois, d'autres pays comme Taiwan, le Brésil, la Thaïlande et l'Indonésie exportent vers le Canada des pinceaux de qualité inférieure qui, pour la plupart, ne sont pas produits au Canada. Quant aux États-Unis, l'avocat a soutenu que les éléments de preuve montrent que la situation n'a pas vraiment changé depuis 1988. Il a affirmé que la part apparente du marché combinée du Canada et des États-Unis est demeurée la même. L'augmentation de la part du marché américain s'explique par le déménagement de la production de Rubberset et de EZ Paintr au sud de la frontière. Les éléments de preuve ne révèlent pas que ces deux sociétés ont pris une part du marché détenue par les producteurs canadiens. Par conséquent, l'avocat a soutenu que l'industrie nationale n'est pas menacée par les importations américaines, même si les pinceaux sont similaires à ceux produits au Canada. Il a affirmé que la Chine utilise la Jamaïque comme intermédiaire pour éviter les droits antidumping et, qu'advenant une annulation des conclusions, la Chine exporterait directement vers le Canada.

L'avocat a aussi soutenu que si les conclusions étaient annulées, la reprise du dumping causerait un préjudice sensible à la production canadienne de pinceaux. Il a fait valoir que le remplacement des pinceaux par des pinceaux en provenance de la Chine serait immédiat et rapide, la Chine connaissant bien le système de distribution canadien et l'ensemble de ses clients. Ayant été présente sur le marché pendant une dizaine d'années, la Chine connaît bien les prix de vente au pays. Il lui serait donc facile d'avoir accès au marché en étant très concurrentielle au niveau des prix. L'avocat a mentionné les éléments de preuve soumis par les représentants de la société Nour qui ont affirmé qu'advenant l'annulation des conclusions, ils opteraient pour des produits importés afin de sauvegarder leur entreprise, comme ils l'avaient fait avant les conclusions rendues par le Tribunal antidumping en 1984. Ils ont déclaré ne pas pouvoir rivaliser avec les prix des pinceaux importés de la Chine. L'avocat a aussi fait valoir que les éléments de preuve montrent que les acheteurs opteraient pour des importations chinoises si les conclusions étaient annulées.

Rubberset

Rubberset, un importateur de pinceaux en provenance des États-Unis, était représentée par un avocat et a appuyé la position des producteurs canadiens. Dans ses exposés, Rubberset a soutenu qu'il y aurait un mouvement immédiat et important en faveur des importations en provenance de la Chine si les conclusions étaient annulées. À son avis, cela se produirait en raison des pressions considérables, sur le plan des bénéfices, qui sont exercées sur les détaillants et les grossistes. Il en résulterait une diminution des prix de sorte que Rubberset ne pourrait plus soutenir la concurrence et la plupart des producteurs n'atteindraient plus le seuil de rentabilité.

Selon Rubberset, les importations en provenance de la Chine sont constituées maintenant de produits d'une meilleure qualité qu'auparavant. À la suite de l'imposition de droits antidumping, les importations sont passées de pinceaux bas de gamme pour consommateurs (de bonne et de meilleure qualités) à des pinceaux de qualité professionnelle bas de gamme et intermédiaire. L'annulation des conclusions se traduirait par une pénétration très rapide et importante du marché par des pinceaux en soies de porc bas de gamme destinés aux consommateurs et originaires de la Chine.

Quant aux importations en provenance d'autres pays, Rubberset est d'avis qu'il s'agit principalement de pinceaux en soies de porc blancs tout usage, très bas de gamme, pour utilisation unique, jetables, et qui ne sont pas en concurrence avec les autres articles en soies de porc destinés aux consommateurs de qualité «bonne», «meilleure» ou «supérieure» comptant pour la majeure partie du marché au Canada. La perte de la production de ces articles de qualité destinés aux consommateurs aurait pour effet d'accroître sensiblement les frais généraux dans le cas également d'autres gammes de produits.

Importateurs-exportateurs

Les importateurs et les exportateurs des marchandises en question en provenance de la Chine n'ont ni soumis un exposé ni comparu officiellement pour réfuter les arguments de l'industrie.

Toutefois, les deux témoins du Tribunal, MM. Tom Sved et Ronald Hastings, qui ont par le passé importé les marchandises en question, ont témoigné à huis clos au sujet des prix relatifs, de la disponibilité et des critères d'achats des produits originaires de la Chine ainsi que des répercussions probables de ces produits sur le marché advenant une annulation des conclusions de préjudice. De plus, M. Sved a réfuté l'allégation de l'industrie selon laquelle les marchandises en question, importées de la Jamaïque, étaient d'origine chinoise.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

De 1988 à 1992, la production nationale des pinceaux en question est demeurée stable à environ 7,5 millions d'unités par année, exception faite d'une diminution en 1990 et en 1992, alors qu'elle a été de près de 6,5 millions d'unités. Toutefois, la réduction du niveau de production en 1992 est principalement attribuable au fait que Rubberset a mis fin à sa production au Canada le 1er septembre 1992. Si Rubberset avait maintenu sa production toute l'année au même rythme qu'au cours des huit premiers mois de l'année, l'ensemble de la production canadienne des marchandises en question pour 1992 aurait été égale ou supérieure au chiffre de 7,5 millions d'unités atteint au cours de trois des quatre années précédentes. De plus, si les volumes de production des trois producteurs déclarants pour les neuf premiers mois de 1993 étaient annualisés et comparés à leurs volumes de production de 1988, la production totale pour 1993 serait supérieure de 30 p. 100 à celle de 1988 pour les trois mêmes producteurs.

Les producteurs canadiens ont indiqué qu'ils tentent de trouver des marchés d'exportation, mais aucun d'entre eux n'a encore réussi à se tailler une place quelconque sur ces marchés. Un seul producteur canadien a déclaré des ventes à l'exportation qui ne représentent qu'un très faible pourcentage de son volume total de production.

Le volume des importations des pinceaux en question a varié considérablement de 1988 jusqu'au neuf premiers mois de 1993. Il est passé de 4,5 millions d'unités en 1988 à environ 3,0 millions d'unités ou moins pour chacune des années 1989, 1990 et 1991. En 1992, les importations ont de nouveau atteint le niveau de 1988, soit 4,5 millions d'unités. Au cours des neuf premiers mois de 1993, les importations ont augmenté subitement pour atteindre plus de 6,0 millions d'unités, ce qui représente près de 8,0 millions d'unités sur une base annuelle.

Les importations en provenance des États-Unis ont connu la plus forte augmentation. Ce phénomène est directement attribuable aux décisions de EZ Paintr et de Rubberset de fermer leurs usines au Canada et d'approvisionner leurs clients canadiens à partir de leurs installations consolidées de fabrication aux États-Unis. Les importations des marchandises en question en provenance des États-Unis ont augmenté de plus de 400 p. 100 au cours des neuf premiers mois de 1993, les États-Unis constituant de loin la principale source d'importation des pinceaux en question et ce, pour l'ensemble des pays visés.

L'Indonésie, un intervenant relativement nouveau, a joué un rôle plus important sur le marché canadien des pinceaux au cours des deux dernières années. Les importations en provenance de ce pays ont augmenté de près de 400 p. 100 au cours des neuf premiers mois de 1993. La Thaïlande est aussi un nouvel intervenant sur le marché canadien, mais sur une échelle beaucoup plus petite comparativement à l'Indonésie.

Les importations en provenance de la Chine ont fluctué considérablement pendant la période en cause, passant de 67 000 unités en 1992 à 558 000 unités en 1989. Au cours des neuf premiers mois de 1993, les importations ont atteint 328 000 unités, ce qui représente une augmentation par rapport aux 313 000 unités importées pour l'ensemble de 1988. Toutefois, les importations en provenance de la Chine n'ont représenté que 5 p. 100 de l'ensemble des importations des marchandises en question pour les neuf premiers mois de 1993, comparativement à 7 p. 100 de l'ensemble de ces importations en 1988.

Comme l'ont signalé les sociétés Simms et Nour, la capacité installée de production de pinceaux de tout type s'est accrue entre 1988 et 1993. Les niveaux de production des deux sociétés ont aussi connu une augmentation au cours de cette période ce qui, dans l'ensemble, leur a permis de maintenir leur taux d'utilisation de la capacité. Ces deux entreprises, ainsi que la société Pintar, disposent d'une capacité suffisante pour répondre à la demande annuelle totale actuelle du Canada des pinceaux en question. L'augmentation de capacité s'explique par les dépenses d'investissement faites pour l'achat de matériel et d'outillage pendant cette période.

Le total de l'emploi chez trois des quatre producteurs de l'industrie a augmenté régulièrement de 1988 à 1991, avant de chuter sensiblement en 1992. L'augmentation du niveau d'emploi s'explique en grande partie par la décision de Pintar de commencer à produire des pinceaux en 1988. Jusqu'alors Pintar n'avait produit que des rouleaux à peinture. La chute subséquente de l'emploi au sein de ces trois entreprises est aussi attribuable à Pintar qui a interrompu sa production au début de 1992, avant de la reprendre à un niveau réduit plus tard au cours de la même année. En 1993, les niveaux d'emplois de ces trois sociétés étaient comparables à ceux de 1988.

Quant au rendement financier global, les producteurs déclarants sont rentables depuis 1988, bien que certains d'entre eux aient essuyé des pertes au cours de certaines des années visées par le réexamen. Dans l'ensemble, ils demeurent rentables, les marchandises en question fournissant habituellement un meilleur rendement que leurs autres activités.

La part du marché détenue par les producteurs canadiens en 1993 (43 p. 100) a diminué de façon marquée par rapport à 1988 (79 p. 100), et encore plus comparativement au moment des conclusions d'origine en 1984 (96 p. 100). Comme il a déjà été mentionné, cette perte récente de part du marché s'explique principalement par les décisions de deux anciens producteurs (EZ Paintr et Rubberset) de fermer leurs usines canadiennes et d'approvisionner leurs clients canadiens à partir de leurs installations de fabrication américaines. Le niveau de production des trois producteurs canadiens déclarants qui produisaient les marchandises en question en 1988 et en 1993 a augmenté en fait d'environ 30 p. 100 au cours de la période. Il demeure toutefois que plus de la moitié du marché canadien des marchandises en question est maintenant approvisionné par des importations comparativement à moins de 10 p. 100 en 1984.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le Tribunal doit répondre à deux questions fondamentales dans son réexamen des conclusions, soit premièrement la probabilité d'une poursuite du dumping des marchandises en provenance de la Chine si les conclusions sont annulées et, deuxièmement, il doit déterminer si le dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

PROBABILITÉ DE DUMPING

Le Tribunal constate en se fondant sur les données d'exécution fournies par Revenu Canada que les pinceaux importés de la Chine ont fait l'objet de dumping au Canada pendant toute la période visée par le présent réexamen en dépit de l'imposition de droits antidumping. Le dossier indique qu'un pourcentage important des exportations de marchandises en question originaires de la Chine ont été vendues à des prix sous-évalués, et que la marge moyenne pondérée de dumping a été considérable.

Dans ses conclusions de 1989, le Tribunal a constaté que les mesures antidumping prises à l'origine par les États-Unis, la CE et l'Australie contre les pinceaux en provenance de la Chine «démontr[ai]ent clairement une propension à recourir au dumping». La situation demeure essentiellement inchangée. Les mesures antidumping sont toujours en place aux États-Unis et les producteurs de la CE et de l'Australie demandent de nouveau une protection antidumping. Par conséquent, le Tribunal estime que les éléments de preuve concernant la probabilité de dumping sont aussi convaincants aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a cinq ans.

Si les producteurs de pinceaux européens ou australiens réussissent à réduire les importations en provenance de la Chine, la perte de marchés aussi importants incitera davantage la Chine à tenter de trouver de nouveaux débouchés pour ses pinceaux. Il n'existe aucun élément de preuve quant à un marché national pour les pinceaux en question en Chine. L'accès aux marchés d'exportation est donc essentiel au maintien de la production de pinceaux dans ce pays. La nécessité d'exporter accroît la probabilité d'une reprise du dumping sur tout autre marché toujours ouvert. Le marché américain imposant déjà des restrictions aux exportations de pinceaux depuis la Chine, le Canada serait l'un des quelques pays développés offrant un marché de rechange attrayant pour cette capacité excédentaire à l'exportation advenant l'annulation des conclusions en vigueur.

Comme l'a souligné l'avocat de l'industrie nationale, bien qu'aucun élément de preuve n'existe quant à la capacité de production installée des pinceaux en Chine, la rapidité avec laquelle des quantités importantes de pinceaux importés de la Chine ont assailli le marché canadien au début des années 80 indique clairement que ce pays serait en mesure d'inonder le petit marché canadien des marchandises en question. Cet argument a été appuyé par le témoignage des représentants de la société Nour qui ont affirmé qu'il a fallu deux ans aux quantités importantes de pinceaux importés de la Chine pour être écoulées sur le marché avant les conclusions de 1984.

Comme l'ont affirmé aussi ces témoins, l'intérêt suscité par le marché canadien découlerait non seulement de l'annulation des conclusions, mais aussi des connaissances acquises par les exportateurs chinois au fil des années concernant le système de distribution canadien, les principaux acheteurs de pinceaux et les niveaux de prix qui permettraient aux pinceaux en provenance de la Chine de pénétrer plus efficacement le marché.

Compte tenu des éléments de preuve et des témoignages produits, le Tribunal est convaincu que le dumping des pinceaux en question en provenance de la Chine sur le marché canadien est susceptible non seulement de se poursuivre, mais également d'augmenter, si les conclusions étaient annulées.

PROBABILITÉ DE PRÉJUDICE SENSIBLE

Afin de déterminer si l'industrie nationale est susceptible de subir un préjudice advenant l'annulation des conclusions, le Tribunal a examiné l'évolution de la situation du marché, de la production et de l'établissement des prix depuis le dernier réexamen. Contrairement à la position avancée par l'avocat de l'industrie nationale, le Tribunal est d'avis que son étude dans le cadre d'un réexamen doit avant tout porter sur les conséquences probables des importations sous-évaluées sur la production canadienne, et non sur l'ensemble de la production nord-américaine. Par conséquent, le Tribunal souligne la diminution sensible de la part du marché détenue par les producteurs canadiens en 1993 en raison de la fermeture des installations de production canadiennes de Rubberset et de EZ Paintr. Contrairement à la position adoptée actuellement par l'industrie nationale, il se pourrait que les importations en provenance des États-Unis exercent d'énormes pressions sur les prix du marché canadien au cours des années à venir.

Le Tribunal est d'avis qu'en règle générale, l'industrie nationale a fait des efforts considérables pour tirer profit de la protection offerte par les conclusions de préjudice. D'importants investissements ont été consacrés à l'achat de matériel et d'outillage de production au cours des cinq dernières années. Le Tribunal note aussi les efforts déployés par les producteurs canadiens pour améliorer leur position sur le plan des coûts. Pendant une période de forte concurrence des importations en provenance de diverses sources et de prix en général à la baisse pour les marchandises en question, les entreprises canadiennes ont réussi à réaliser de petits profits au cours de certaines années.

En dépit des efforts des entreprises canadiennes pour améliorer leur position concurrentielle, le Tribunal est d'avis que si les conclusions étaient annulées, les importations sous-évaluées en provenance de la Chine auraient un effet dévastateur sur l'industrie nationale. Le Tribunal fonde cette conclusion sur les témoignages entendus au sujet de la nature du marché des pinceaux au Canada et sur les facteurs sous-jacents aux décisions en matière d'achats. Les témoins ont affirmé que les pinceaux sont des produits de base et qu'il est difficile, voire impossible, de fidéliser une clientèle à une marque. Le prix est le critère primordial dans une décision d'achat, particulièrement dans le cas des pinceaux destinés aux consommateurs. De plus, les pinceaux se prêtent bien aux campagnes de promotion au niveau des prix menées par les détaillants des secteurs de la quincaillerie et de la peinture.

Les témoins ont aussi décrit un marché composé d'un petit nombre d'acheteurs au détail très concurrentiels. Les détaillants qui souhaitent protéger leur position sur le marché se sentiraient obligés d'emboîter le pas si un concurrent achetait des importations à bas prix. Même Nour, un producteur canadien, a affirmé lors de son témoignage avoir acheté des pinceaux en provenance de la Chine en 1983 et a déclaré qu'il le ferait probablement de nouveau pour conserver ses clients, si les conclusions étaient annulées.

Selon le Tribunal, les prix très avantageux offerts par les exportateurs chinois, qui peuvent atteindre la moitié des prix à quai actuels sur le marché canadien, intéresseraient immédiatement les acheteurs au détail canadiens, ce qui se traduirait par d'énormes pertes au niveau des ventes pour les producteurs canadiens qui ne pourraient tout simplement pas offrir des prix comparables. Par conséquent, les produits chinois seraient adoptés aussi rapidement et selon des proportions aussi fortes qu'ils l'ont été en 1983.

Le Tribunal croit aussi que les importations des marchandises en question en provenance de la Chine pénétreraient presque tous les segments du marché des pinceaux destinés aux consommateurs au Canada. Les éléments de preuve produits lors de l'audience montrent que les importations en question livrent concurrence dans ce segment haut de gamme du marché. Si les conclusions étaient annulées, les importations en provenance de la Chine seraient de nouveau présentes dans le segment le plus populaire du marché intérieur, soit les pinceaux de qualité bas de gamme à intermédiaire pour consommateurs. C'est dans ce segment du marché que se trouve la majeure partie de la demande intérieure de pinceaux en soies de porc, les volumes nécessaires et la contribution aux frais généraux requise pour assurer une production efficace de pinceaux de toutes les qualités.

En résumé, compte tenu des éléments de preuve présentés relativement aux prix, aux coûts et à la concentration du marché, et des témoignages à huis clos de plusieurs témoins au sujet de ces indicateurs, le Tribunal estime que la poursuite et l'augmentation du dumping de pinceaux en provenance de la Chine sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

CONCLUSION

Le Tribunal conclut que, si les conclusions sont annulées, le dumping des marchandises en question en provenance de la Chine, qui s'est produit pendant toute la période visée par le réexamen, est susceptible d'augmenter et de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. En conséquence, les conclusions concernant les marchandises en question sont prorogées sans modification.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Par une ordonnance datée du 28 septembre 1984, le Tribunal antidumping a modifié les conclusions afin qu'elles soient conformes à l'exposé des motifs, et a donc conclu que le dumping des parties constituantes appelées «heads» (têtes) n'avait pas causé, ne causait pas, mais était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


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Publication initiale : le 26 août 1997