CAISSONS EN ACIER AU CARBONE

Réexamens


CERTAINS CAISSONS EN ACIER AU CARBONE POUR PUITS DE PÉTROLE ET DE GAZ ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Réexamen no : RR-95-001

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 5 juillet 1996

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, prorogeant, avec modification, les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 6 novembre 1986, dans le cadre du réexamen no R-7-86, prorogeant, avec modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 17 avril 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-15-85, concernant :

CERTAINS CAISSONS EN ACIER AU CARBONE POUR PUITS DE PÉTROLE ET DE GAZ
ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE
ET DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen de l’ordonnance qu’il a rendue le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, prorogeant, avec modification, les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 6 novembre 1986, dans le cadre du réexamen no R-7-86, prorogeant, avec modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 17 avril 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-15-85.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par les présentes, l’ordonnance qu’il a rendue le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, sans modification.

Robert C. Coates, c.r.

_________________________

Robert C. Coates, c.r.

Membre présidant



Anthony T. Eyton

_________________________

Anthony T. Eyton

Membre



Desmond Hallissey

_________________________

Desmond Hallissey

Membre



Michel P. Granger

_________________________

Michel P. Granger

Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, prorogeant, avec modification, les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 6 novembre 1986, dans le cadre du réexamen no R-7-86, prorogeant, avec modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 17 avril 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-15-85.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience : Les 22 et 23 avril 1996

Date de l’ordonnance et des motifs : Le 5 juillet 1996

Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r.,

membre présidant

Anthony T. Eyton, membre

Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Sandy Greig

Agent principal de recherche : W. Douglas Kemp

Économiste et préposé aux statistiques : Marcie Doran

Avocat pour le Tribunal : John L. Syme

Agent à l’inscription et à la distribution : Joël J. Joyal
Participants : Ronald C. Cheng

Gregory O. Somers

pour IPSCO Inc.

Prudential Steel Ltd.

Algoma Steel Inc.

(producteurs nationaux)
James A. D’Andrea

pour Fedmet Tubulars,

A Division of Russel Metals Inc.

(importateur)
Chris Hines

pour Alberta Tubular Products Ltd.

Paragon Industries, Inc.

(importateur - exportateur)
Peter Clark

Chandra Gibbs

pour U.S. Steel,

a Unit of USX Corporation

(exportateur)

Témoins :

Glenn A. Gilmore
Superviseur des activités commerciales
IPSCO Inc.

Barry Hodson
Directeur général des ventes
Matériel tubulaire

Bryce K.Nimmo
Directeur
Soutien à la commercialisation
Prudential Steel Ltd.

Carmen R.Fairman
Vice-présidente, Ventes
Prudential Steel Ltd.

B.W.Bierwagon
Vice-président
Summit Tubulars Corporation

Geoff Kirkwood
Directeur général
Commerce du matériel tubulaire
Algoma Steel Inc.

R.A.Clark
Superviseur général
Contrôle comptable
Algoma Steel Inc.

R.J.Nishiyama
Superviseur
Achats et comptes fournisseurs
PanCanadian Petroleum Limited

T.Scott Evans
Vice-président,
Exploitation commerciale
Maverick Tube Corporation

Bruce J.Stuart
Président
Alberta Tubular Products Ltd.

Russell A.Weidner
Vice-président directeur
Paragon Industries, Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, prorogeant, avec modification, les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 6 novembre 1986, dans le cadre du réexamen no R-7-86, prorogeant, avec modification, les conclusions rendues par le TCI le 17 avril 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-15-85, concernant certains caissons en acier au carbone pour puits de pétrole et de gaz (ci-après désignés tubages de puits de pétrole et de gaz en acier au carbone) originaires ou exportés de la République de Corée (la Corée) et des États-Unis d’Amérique.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a procédé à un réexamen de l’ordonnance et a publié un avis de réexamen [2] le 18 décembre 1995, et un avis de changement de la date de l’audience publique le 8 février 1996 [3] . Ces avis ont été envoyés à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires aux fabricants nationaux de tubages de puits de pétrole et de gaz et à certains importateurs et acheteurs de ces produits. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience. Dans le cadre de ses activités de recherche, le personnel du Tribunal a rencontré les fabricants nationaux et un importateur afin de répondre à leurs questions sur les questionnaires.

Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions, les conclusions de réexamen rendues dans le cadre du réexamen no R-7-86, l’ordonnance rendue dans le cadre du réexamen no RR-90-005, l’avis de réexamen, l’avis de changement de la date de l’audience publique, les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires pour le réexamen de 1995, ainsi que les rapports public et protégé préalables à l’audience pour les réexamens de 1990 et de 1995. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats indépendants et aux procureurs qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 22 et 23 avril 1996.

PRODUITS

Les produits à l’étude dans le cadre du présent réexamen sont des tubages de puits de pétrole et de gaz (des tubages) en acier au carbone, d’un diamètre extérieur variant entre 114,3 mm et 273,0 mm (4,50 po et 10,75 po) inclusivement, sans soudure ou soudés, aux extrémités lisses ou filetées et avec manchons, fournis pour répondre à l’exigence 5A de l’American Petroleum Institute, nuances H40, J55 et K55, ou nuances brevetées interchangeables avec ces exigences, originaires ou exportés de la Corée et des États-Unis.

Les tubages font partie d’une catégorie de produits communément appelés matériel tubulaire pour puits de pétrole (le MTPP) qui comprend les tiges de forage, les tubages et les colonnes d’exploitation. Ces marchandises sont utilisées dans le forage de puits et servent à acheminer le pétrole ou le gaz jusqu’à la tête du puits. Le puits est revêtu de tubes afin d’en cuveler les parois pour les empêcher de s’effondrer tant en cours de forage qu’après avoir terminé de creuser le puits. Les tubages doivent être capables de résister à la pression extérieure ainsi qu’aux pressions de rupture à l’intérieur même du puits. Les joints doivent être assez solides pour supporter le poids des tubes et ceux-ci doivent avoir un filetage assez serré pour résister à la pression aux points d’accouplement des tubes. Divers facteurs limitent la longueur totale du puits qui peut être foré à un moment donné, et il est parfois nécessaire de poser plus d’un tubage concentrique dans certaines portions du puits en profondeur.

On trouve des tubages fabriqués selon le procédé de soudage par résistance électrique (SRÉ) et des tubages fabriqués sans soudure. IPSCO Inc. (IPSCO) et Prudential Steel Ltd. (Prudential) fabriquent des tubages SRÉ, tandis qu’Algoma Steel Inc. (Algoma) produit des tubages sans soudure. Le procédé de fabrication des tubages SRÉ consiste à faire passer de l’acier laminé (un feuillard) par une série de rouleaux qui lui donnent une forme cylindrique. Les bords du feuillard sont chauffés à haute température par résistance électrique et pressés ensemble de manière à former un tube fermé. La soudure est ensuite chauffée afin de lui conférer une structure moléculaire identique à celle du métal de base. La première étape de la production des tubages sans soudure consiste à creuser une cavité au centre d’une billette d’acier solide. Par laminage ou extrusion, on modèle la billette en un tube ayant le diamètre et l’épaisseur de paroi voulus. Les tubages sans soudure et SRÉ peuvent comporter, à une extrémité, un filetage et être munis d’un protecteur de filetage. Un manchon d’accouplement est placé à l’autre extrémité. Pendant tout le procédé de production, les tubages font l’objet d’essais de contrôle de la qualité de manière à satisfaire aux exigences désirées.

Parmi la gamme de produits, les tubages des nuances H40 et J55 sont normalement fabriqués à l’aide du procédé SRÉ et les tubages de nuance K55, dont la résistance à la traction est plus élevée que les tubages de nuance J55, sont généralement fabriqués sans soudure, bien qu’IPSCO offre un produit soudé qui concurrence cette nuance. Ces trois nuances de tubages sont généralement utilisées dans des puits peu profonds, de moins de 1 600 m de profondeur. Au Canada, c’est surtout dans l’ouest que l’on trouve ce genre de puits.

Dans ces puits, les tubages de surface, normalement des tubages SRÉ de nuance H40, sont utilisés dans le premier 10 p. 100 de la profondeur du puits. Ensuite, ce sont les tubages SRÉ ou sans soudure de nuances J55 et K55 qui sont habituellement utilisés. Dans des environnements «non sulfurés » (ceux où la concentration en soufre est relativement faible), ce sont normalement les tubages SRÉ de nuance J55 qui sont utilisés, tandis que dans les environnements «sulfurés» (ceux où la concentration plus élevée en soufre cause de la corrosion), ce sont les tubages plus solides sans soudure de nuance K55 qui sont habituellement utilisés.

Les tubages sont principalement vendus par des distributeurs de fournitures pour champs de pétrole, bien que certains soient vendus directement aux utilisateurs finals. La plupart des grands distributeurs de fournitures pour champs de pétrole fournissent également d’autres produits utilisés dans le secteur du forage, notamment des colonnes d’exploitation, des chevalets de pompage, des tiges de forage et du matériel de pompage.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Il y a trois producteurs de tubages au Canada, à savoir Algoma, IPSCO et Prudential. Algoma a été constituée en société le 1er juin 1992, aux termes de la Loi sur les sociétés par actions [4] de l’Ontario. Elle a acquis tout l’actif et une partie du passif de la société The Algoma Steel Corporation, Limited. Les employés d’Algoma détiennent 32 p. 100 de ses actions, le reste appartenant à d’autres investisseurs.

Algoma est un producteur de fer et d’acier primaire à intégration verticale capable de fabriquer et de traiter environ 2,3 millions de tonnes d’acier brut par année. Cela représente, en produits finis, environ 2,0 millions de tonnes. Algoma exploite une importante aciérie à Sault Ste. Marie (Ontario) et une mine d’extraction de minerai de fer ainsi que des installations auxiliaires à Wawa (Ontario). Par l’entremise d’une société affiliée, Algoma a une participation dans une mine d’extraction de minerai de fer et des installations de bouletage aux États-Unis.

Algoma fabrique un large éventail de produits en acier principalement destinés aux industries de la construction, des transports et de l’énergie. Parmi ces produits on retrouve des feuilles et tôles laminées plates, des profilés de construction, du matériel tubulaire sans soudure et divers produits semi-finis.

Algoma a commencé à produire des tubes en 1971 dans le cadre d’un bail avec option d’achat pour les installations de Mannesmann Pipe. Ensemble, Mannesmann Pipe et Algoma se sont spécialisées dans la fabrication de tubages, surtout de produits à haute résistance.

IPSCO a été constituée en société en 1956 sous le nom de Prairie Pipe Manufacturing Co. Ltd. et a commencé ses activités à Regina (Saskatchewan) en 1957, après avoir mené à bien la construction d’une usine de tubes SRÉ. En 1959, IPSCO a acquis l’actif d’Interprovincial Steel Corp. Ltd. et, en 1960, elle a commencé à produire son propre acier laminé. Depuis, elle a ajouté à ses capacités de fabrication de tubes en effectuant des acquisitions et de la construction au Canada et aux États-Unis. À l’heure actuelle, IPSCO construit une usine pour la fabrication d’acier laminé aux États-Unis.

IPSCO comprend trois divisions d’exploitation, la Division des produits fabriqués, la Division de l’acier et la Division du matériel tubulaire, cette dernière étant chargée de la fabrication et de la vente des tubages. Les produits d’IPSCO comprennent des feuilles et tôles laminées à chaud, des profilés de charpente creux, des tubes pour la canalisation, des tubes normalisés, des tubes pour pilotis, des colonnes d’exploitation MTPP, des tubages de puits d’eau et des tubages MTPP, parmi lesquels on retrouve les tubages de puits de pétrole et de gaz.

IPSCO a commencé à produire des tubages dans son usine de Regina au début des années 60, mais la plus grande partie de sa production de tubages est maintenant exécutée à Calgary (Alberta). Plusieurs autres de ses installations à Edmonton, à Red Deer et à Calgary, en Alberta, peuvent également produire des tubages.

Prudential a été constituée en société en 1966, dans la province de l’Alberta. En 1973, elle a été vendue à Dofasco Inc., située à Hamilton (Ontario). En 1975, elle a construit une usine de production de MTPP. En 1979, elle a construit des installations de filetage pour fileter des tubages et des colonnes d’exploitation ainsi que des installations de refoulage où les colonnes d’exploitation sont chauffées et agrandies avant d’être filetées. Ces installations ont été remplacées en 1985. En 1994, Dofasco Inc. a vendu ses avoirs à Prudential. En 1995, Prudential a mené à bien la construction de son usine no 3 et a modernisé son usine no 2.

RÉSUMÉ DE l’ENQUÊTE ET DES RÉEXAMENS

Enquête no CIT-15-85

Le 17 avril 1986, le TCI a conclu que le dumping de tubages en provenance de l’Argentine, de la République fédérale d’Allemagne, de la Corée et des États-Unis n’avait pas causé, ne causait pas, mais était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables. Dans les motifs de cette décision, le TCI a souligné qu’au début des années 80, le prix du pétrole avait atteint des niveaux sans précédent et que ces prix continueraient de monter. À peu près au même moment, les nombreuses activités de forage entreprises aux États-Unis et au Canada, jointes à une demande accrue d’autres tubes et d’autre matériel tubulaire, ont poussé la production à des niveaux proches de la capacité maximale. Cette production a été complétée par certaines importations, dont la plupart provenaient du Japon.

Dans l’ensemble, la taille du marché des tubages a augmenté au cours de cette période. Après avoir légèrement fléchi en 1982, les volumes ont de nouveau augmenté pour atteindre, en 1985, un niveau qui était environ 65 p. 100 plus élevé que celui de 1981. À peu près à la même période, les cours mondiaux du pétrole ont commencé à s’affaiblir et la concurrence au niveau des prix s’est intensifiée. Le TCI était persuadé que cette concurrence des prix était en grande partie due à la concurrence au sein même de l’industrie plutôt qu’à la concurrence d’importations à bas prix.

Le TCI a conclu que la capacité excédentaire de l’industrie, jointe à l’effondrement des cours mondiaux du pétrole, à l’élimination progressive d’encouragements à la prospection pétrolière et à une baisse de la demande, avait créé une conjoncture économique anormale. Aggravant la situation, les restrictions à l’importation de tubages imposées par les États-Unis ont incité le TCI à penser que les tubages exclus des États-Unis pourraient être détournés vers le marché canadien. Compte tenu de ces faits, le TCI a conclu que le dumping était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.

Réexamen no R-7-86

Le 6 novembre 1986, donnant suite à une demande présentée par l’industrie nationale, le TCI a exclu des conclusions de préjudice les tubages fabriqués au Canada et subséquemment exportés aux États-Unis pour être filetés ou raccordés à l’aide de manchons, ou les deux à la fois, avant d’être importés par le fabricant.

Réexamen no RR-90-005

Le 10 juin 1991, le Tribunal a conclu que, si les conclusions étaient annulées, le dumping de tubages en provenance des États-Unis et de la Corée était susceptible de reprendre et risquait de causer un préjudice sensible à la production nationale de tubages. En ce qui concerne les tubages importés de l’Argentine et de la République fédérale d’Allemagne, le Tribunal a annulé les conclusions.

Selon les éléments de preuve obtenus dans le cadre du réexamen, sur un marché des tubages américain désordonné, les prix étaient jusqu’à 20 p. 100 plus bas que les prix de vente moyens des tubages au Canada, rectifiés en fonction du taux de change, des droits et des frais de transport et de manutention. Dans certains cas, ces prix ont été jugés trop bas pour que les principaux producteurs américains puissent couvrir leurs frais. Compte tenu de ces faits, le Tribunal était d’avis que, si les conclusions étaient annulées, les exportateurs américains se débarrasseraient vraisemblablement de leurs stocks excédentaires à des prix sous-évalués au Canada, ce qui causerait un préjudice sensible à la production nationale.

En ce qui concerne les exportations de tubages de la Corée, les éléments de preuve ont montré que les prix moyens de ces tubages exportés aux États-Unis étaient jusqu’à 24 p. 100 inférieurs aux prix moyens des tubages exportés au Canada. Le Tribunal était convaincu que les conclusions avaient créé cet écart de prix et que, même si les importations de tubages de la Corée avaient, en réalité, diminué, elles auraient vraisemblablement augmenté si les conclusions avaient été annulées. Le Tribunal a constaté que le marché d’exportation était pour la Corée la seule façon d’écouler ses tubages, en ce sens que la Corée disposait d’une importante capacité de production mais que la demande intérieure était faible ou inexistante. Pour ces raisons, le Tribunal était d’avis que la Corée reprendrait à la première occasion ses activités sur le marché canadien, à des prix probablement sous-évalués. Le Tribunal a estimé que ce dumping perturberait le marché intérieur et causerait un préjudice sensible à la production nationale.

POSITION DES PARTIES

Branche de production nationale

La position de la branche de production est qu’en l’absence de droits antidumping, les exportateurs américains et coréens de tubages recommenceront à pratiquer le dumping au Canada et que la production nationale est vulnérable face à une telle reprise du dumping. Dans leurs observations préliminaires, les avocats des producteurs nationaux ont soutenu que, pour que le Tribunal conclue que la branche de production est vulnérable à une reprise du dumping, il n’est pas nécessaire de conclure que tous les producteurs nationaux sont aussi vulnérables les uns que les autres. Les avocats ont souligné que, lorsqu’il y a plusieurs producteurs, il est peu probable que le dumping ait exactement les mêmes répercussions sur chacun d’eux et que, même si le Tribunal constatait que seulement un producteur parmi plusieurs était vulnérable au dumping, cela suffirait pour qu’il conclue que la branche de production, dans son ensemble, est vulnérable.

En ce qui concerne les éléments avancés à l’appui de leur argumentation, les avocats des producteurs nationaux ont soutenu qu’à leur avis, les chiffres prouvaient que, à des valeurs normales, la concurrence des prix était forte entre les tubages produits au pays et les tubages importés des États-Unis. En l’absence de valeurs normales, ils ont soutenu que les prix tomberaient sous le prix plancher fixé par les valeurs normales, ce qui donnerait lieu à une concurrence déloyale.

Les avocats des producteurs nationaux ont également rappelé la concurrence entre les tubages SRÉ et les tubages sans soudure, soutenant que, puisque les achats de tubages sont normalement faits en fonction d’applications données, les tubages sans soudure ne font pas normalement concurrence aux tubages SRÉ. Dans la mesure où une certaine concurrence pourrait exister entre ces deux produits, les avocats ont affirmé que cette nouvelle source de concurrence ne ferait que rendre plus vraisemblable une reprise du dumping, accentuant du même coup la vulnérabilité des producteurs nationaux face à une telle reprise.

Passant ensuite à l’examen de la proposition selon laquelle la baisse des prix des feuillards aux États-Unis pourrait faire diminuer le coût de production des tubages aux États-Unis et que, par ricochet, les producteurs américains ne pratiqueraient peut-être plus le dumping de tubages au Canada, les avocats des producteurs nationaux ont soutenu que toutes les spéculations concernant les répercussions de la chute des prix des feuillards aux États-Unis et l’incidence de cette baisse des prix des feuillards sur la question du dumping au Canada passent à côté des questions visées par le présent réexamen et que le Tribunal n’a pas, selon son mandat, à les examiner.

Probabilité d’une reprise du dumping

Selon la branche de production, les exportateurs américains et coréens recommenceraient à pratiquer le dumping si les conclusions étaient annulées. Les avocats des producteurs nationaux ont fait remarquer que le ralentissement des activités de forage aux États-Unis avait déjà fait croître les exportations de ces producteurs au Canada avec des valeurs normales. Ils ont ajouté que, même si les producteurs américains satisfaisaient à la totalité de la demande américaine, 10 p. 100 de leur capacité non utilisée suffirait encore pour approvisionner l’ensemble du marché canadien. Les avocats ont soutenu que, si les conclusions étaient annulées, des tonnages records d’importations américaines entreraient au Canada puisqu’un plus grand nombre de producteurs américains chercheraient un débouché pour leurs tubages.

Il est possible que d’énormes quantités de tubages soient produites aux États-Unis à partir de la capacité non utilisée dans ce pays. Bien plus, un témoin de la branche de production a fait remarquer que le niveau des stocks de MTPP aux États-Unis était de 1,7 million de tonnes en novembre 1995 [5] , soit un volume supérieur aux prévisions de consommation intérieure aux États-Unis en 1995 et qui est plus de cinq fois plus élevé que l’ensemble du marché canadien des tubages [6] .

Dans ce contexte de forte production, de capacité excédentaire importante et de stocks en pleine expansion aux États-Unis, les avocats des producteurs nationaux ont parlé de la baisse des prix des marchandises en question et, au mieux, d’un nivellement de la demande de tubages aux États-Unis. Ils ont ajouté que, parmi les nombreux producteurs américains approvisionnant le marché des tubages aux États-Unis, beaucoup ne sont que marginalement rentables ou fonctionnent à perte. Selon les déclarations de plusieurs témoins, la combinaison de ces facteurs explique la volatilité du marché qui, selon les attentes de la branche de production, se répercuterait sur le marché canadien si les conclusions étaient annulées.

Les avocats des producteurs nationaux ont également fait remarquer que certains éléments de preuve indiquent que les producteurs d’acier américains ont vendu d’autres produits en acier à des prix sous-évalués au Canada et ont causé un dommage à la production nationale de ces produits [7] . Les avocats ont également allégué que les producteurs américains de tubages ont écoulé, à des prix sous-évalués, des tubages à haute résistance non visés par le réexamen ainsi que des tubes pour la canalisation non visés par le réexamen, ce qui leur a permis de pratiquer une forme de «prix d’ensemble» grâce auquel ils combinent des ventes de tubages ou de tubes pour la canalisation à haute résistance et à bas prix à des ventes de tubages à résistance peu élevée visés par le réexamen dont le prix est fixé à des valeurs normales. L’effet net de ces ventes est que le prix moyen de l’«ensemble» est bas [8] .

Les avocats des producteurs nationaux ont ajouté que les alliances stratégiques ou d’autres accords commerciaux conclus entre certains des participants sur le marché des tubages commencent, pour des raisons d’ordre géographique ou de convenance commerciale, à contr?F4“ler les prix des tubages et leur approvisionnement. Les avocats ont soutenu que ces alliances ont inévitablement une incidence sur les prix. Parallèlement, ils ont ajouté que les conclusions constituent les seules mesures de sauvegarde contre l’établissement de prix inéquitables servant d’outil commercial dans les négociations et l’établissement de telles alliances fournisseurs-utilisateurs.

Pour ce qui est de la Corée, les avocats des producteurs nationaux ont renvoyé aux éléments de preuve établissant la capacité excédentaire de production de tubages dans ce pays [9] , ajoutant que la Commission américaine du commerce internationale (l’USITC) avait récemment conclu que les importations sous-évaluées de MTPP en provenance de l’Argentine, de l’Italie, du Japon, de la Corée et du Mexique causaient un dommage [10] sensible ou menaçaient de causer un dommage sensible aux producteurs de tubages et de colonnes d’exploitation aux États-Unis [11] . Selon les avocats, les conclusions de l’USITC constituent une preuve que les producteurs coréens sont portés à pratiquer le dumping de tubages dans d’autres pays. En outre, comme les conclusions limitent la taille du marché mondial ouvert aux tubages coréens, elles constituent, pour les exportateurs coréens, un motif supplémentaire de pratiquer le dumping au Canada si les conclusions sont annulées.

Les avocats des producteurs nationaux ont soutenu qu’il y a longtemps que les producteurs coréens pratiquent le commerce déloyal des produits en acier et, en ce qui a trait à la présente cause, qu’ils n’ont pas collaboré avec le ministère du Revenu national (Revenu Canada) à l’établissement des valeurs normales des tubages. Les avocats ont ajouté que les exportateurs coréens ont également cherché à contourner les conclusions visant les importations de tubes normalisés au Canada et aux États-Unis. Ils ont indiqué que cela confirmait que les exportateurs coréens se remettraient vraisemblablement à pratiquer le dumping au Canada si les conclusions étaient annulées.

Probabilité d’un dommage en cas de reprise du dumping

Les avocats des producteurs nationaux ont soutenu que la branche de production nationale demeure vulnérable à une reprise du dumping de tubages en provenance des États-Unis et de la Corée. Les avocats ont renvoyé à l’ordonnance rendue par le Tribunal concernant les tubes en acier au carbone en provenance de la Corée [12] dans laquelle il a conclu qu’IPSCO était vulnérable à une reprise du dumping. Les avocats ont fait remarquer que les mêmes facteurs constatés dans la cause des tubes en acier au carbone étaient à l’œuvre dans la présente cause. Ils ont donc soutenu que les conclusions devraient être prorogées jusqu’à ce que l’état du marché et les avantages découlant de la décision rendue dans le cadre du réexamen no RR-94-004 accroissent le rendement financier d’IPSCO.

Les avocats des producteurs nationaux ont énuméré plusieurs autres facteurs confirmant la conclusion selon laquelle la branche de production est vulnérable à une reprise du dumping. Ils ont rappelé la chute de la demande intérieure de tubages en 1995 et le rendement financier plus faible de la branche de production en 1995 et pour le premier trimestre de 1996. Ils ont expliqué que, puisque le coût de production des tubages est très sensible aux changements de volumes de production, la branche de production doit utiliser un fort pourcentage de sa capacité pour maintenir ou diminuer ses coûts face à une augmentation du coût des intrants et pour être en mesure d’améliorer sa situation financière.

Les avocats des producteurs nationaux ont ajouté que la capacité intérieure de produire des tubages est suffisante pour approvisionner la totalité du marché, mais que cette capacité est actuellement très sous-utilisée. Pour être plus concurrentiels sur le marché d’aujourd’hui, les producteurs nationaux ont fait des investissements dans le but de réduire leurs coûts ainsi que leur capacité excédentaire. Cela étant, les avocats ont soutenu que la branche de production nationale avait montré sa volonté d’être concurrentielle au niveau des prix et de satisfaire à la demande intérieure.

Pour ce qui est de la taille du marché dont disposent les producteurs nationaux de tubages, les avocats des producteurs nationaux ont soutenu que les débouchés à l’exportation de la branche de production sont limités pour le secteur des tubages. Les conclusions rendues par l’USITC contre les importations de tubages canadiens ont, ?E0… toutes fins pratiques, fermé le marché américain, tandis que la concurrence sur les marchés d’outre-mer est limitée par suite des distances en cause et de l’importance de la concurrence étrangère.

Importateurs

Deux importateurs, Fedmet Tubulars, A Division of Russel Metals Inc. (Fedmet) et Alberta Tubular Products Ltd. (Alberta Tubular), ainsi que leurs fournisseurs américains, Maverick Tube Corporation (Maverick) et Paragon Industries, Inc. (Paragon), respectivement, étaient représentés à l’audience. Ces entreprises ont toutes soutenu que les conclusions devraient être prorogées.

Fedmet (Maverick)

En demandant que les conclusions soient prorogées, l’avocat de Fedmet a en particulier fait remarquer que, même si elle prend cette position, l’entreprise n’appuie pas les producteurs nationaux de tubages. Selon l’avocat, le but que poursuit Fedmet est d’appuyer un système qui garantit une concurrence loyale, sans dumping sur le marché. L’avocat a soutenu qu’une vraie concurrence suppose une absence de dumping.

Selon l’avocat de Fedmet, il est très probable que le dumping reprenne si les conclusions sont annulées, vu la capacité excédentaire aux États-Unis, sans parler des stocks énormes et de la consommation en déclin ou stagnante. En outre, plus de la moitié des stocks de tubages aux États-Unis est contrôlée par des courtiers, des distributeurs et des négociants, 20 p. 100 du reste étant entre les mains de sociétés pétrolières, et ces détenteurs de stocks ne se préoccupent pas des valeurs normales ou du dumping, mais s’intéressent uniquement à convertir les stocks excédentaires en argent comptant. Lorsque la concurrence stagne ou baisse et que les prix du pétrole, du gaz et de l’acier chutent, ces parties ont encore plus fortement besoin de se débarrasser de leurs stocks.

Selon Fedmet, le marché américain est, par conséquent, plus volatile que le marché canadien. Si les conclusions étaient annulées, Fedmet a soutenu que cette volatilité du marché aux États-Unis se fera ressentir au Canada.

Enfin, l’avocat de Fedmet a répondu aux demandes d’exclusion des conclusions présentées par Paragon et Alberta Tubular et a soutenu que ces demandes n’étaient ni adéquatement étayées ni exceptionnelles. L’avocat a indiqué qu’une exclusion ne peut avoir pour motif le simple désir d’une partie d’éviter les coûts liés aux examens annuels des valeurs normales effectués par Revenu Canada. Autrement, selon l’avocat, tous les importateurs devraient alors être exclus de l’examen des valeurs normales.

Alberta Tubular (Paragon)

Le procureur des sociétés Alberta Tubular et Paragon a soutenu que les deux entreprises cherchent à être exclues des conclusions pour ne pas avoir à se conformer au processus d’examen annuel de Revenu Canada. Le procureur a soutenu que Paragon n’a pas vendu les marchandises en question à des prix sous-évalués et qu’Alberta Tubular n’est pas intéressée à faire baisser le prix des tubages qu’elle vend sur le marché. Pour ces raisons, le procureur a allégué qu’Alberta Tubular et Paragon devraient être exclues des conclusions.

Exportateurs

U.S. Steel, a Unit of USX Corporation

U.S. Steel, a Unit of USX Corporation (U.S. Steel), un exportateur de tubages aux États-Unis, a fait une d?E9‚claration par l’entremise de ses procureurs, selon laquelle les conclusions devraient être annulées. Même si les conclusions sont en vigueur depuis 10 ans, les tubages américains continuent d’être un facteur important sur le marché canadien. En outre, comme les prix des tubages SRÉ sont beaucoup moins élevés sur le marché américain que canadien, il est peu probable que les tubages SRÉ soient vendus à des prix sous-évalués au Canada si les conclusions sont annulées.

Dans son exposé, elle soutient que la concurrence des prix sur le marché des tubages est alimentée par les producteurs de tubages SRÉ qui ont bénéficié d’une production accrue de feuillards à faible coût et à bas prix, dont on s’attend que les fournitures augmentent. Selon les indications données dans l’exposé, la demande de tubages sans soudure n’est pas assez importante pour qu’Algoma, le seul producteur national de ce genre de tubages, fonctionne comme unité économique rentable. En outre, les tubages sans soudure ne peuvent pas, de façon réaliste, concurrencer les tubages SRÉ sur le marché. Enfin, il est allégué dans l’exposé que, puisque les prix sont fixés par les tubages SRÉ et que les usines canadiennes se font une forte concurrence dans le secteur des tubages SRÉ, les importations de tubages sans soudure ne risquent pas de causer un dommage à la production nationale.

Dans leur argumentation, les procureurs de U.S. Steel ont soutenu que le rendement de la branche de production a atteint un sommet en 1994, année où les activités de forage ont atteint un record absolu. Les procureurs ont ajouté que, même si le forage de puits a connu une baisse marginale au Canada, il demeure à des niveaux encore supérieurs à la moyenne.

Les procureurs de U.S. Steel ont affirmé que, des trois fabricants nationaux, seul Algoma demeure vulnérable à une reprise du dumping, puisque ses coûts de production de tubages sans soudure sont élevés comparativement aux prix auxquels les tubages sont vendus, et que ces prix sont fixés par les tubages SRÉ moins coûteux. Les procureurs s’attendent à ce que les prix américains continuent de chuter parallèlement à la baisse de la demande aux États-Unis. À mesure que la demande et les prix tombent aux États-Unis, les valeurs normales tomberont également, réduisant d’autant la probabilité que les tubages soient sous-évalués.

Les procureurs de U.S. Steel ont ajouté que le prix des feuillards, la matière première de base utilisée dans la production de tubages, est un des facteurs qui influe le plus sur le coût de production des tubages. Renvoyant aux éléments de preuve, les procureurs ont ajouté que le prix des feuillards sur le marché nord-américain devrait chuter et que, par ricochet, le coût de production des tubages diminuera aussi.

Enfin, les procureurs de U.S. Steel ont allégué que, si le Tribunal conclut qu’il est probable qu’il y aura une reprise du dumping en raison des stocks excédentaires des distributeurs aux États-Unis, le Tribunal devrait exclure des conclusions les tubages fabriqués et exportés au Canada par U.S. Steel et USS Kobe.

Corée

Aucun exportateur coréen n’a participé à ce réexamen, mais l’ambassade de la République de Corée a déposé un exposé écrit auprès du Tribunal dans lequel elle souligne que, depuis 1992, les exportations de tubages coréens au Canada ont été négligeables. Il est noté dans cet exposé que les producteurs nationaux auxquels un dommage a été causé par les importations de tubages en provenance de la Corée ont eu 10 ans pour récupérer. Si, au bout de cette période, a-t-on soutenu, la branche de production continue de souffrir, cela est peut-être dû à d’autres facteurs qu’aux importations sous-évaluées [13] .

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

La demande de tubages et, par conséquent, le rendement général du marché des tubages dépendent étroitement du nombre de puits de pétrole et de gaz forés. Au cours de la dernière décennie, un peu plus de 8 000 puits ont, en moyenne, été forés chaque année. Ces activités ont atteint un sommet en 1985 et de nouveau en 1994 et en 1995 [14] , plus de 11 000 puits ayant été forés au cours de chacune de ces années. Pour 1996, la Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors prévoyait que 11 276 puits devraient être forés. De son côté, la branche de production nationale prévoyait qu’environ 10 500 puits devraient être forés en 1996 [15] . Les activités de forage ont atteint leur niveau le plus bas en 1992, alors que moins de 5 000 puits ont été forés.

Tableau 1

ACTIVITÉS DE FORAGE DE PUITS
(1985 à 1995)

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

11 720

6 275

6 808

8 775

5 639

5 675

6 388

4 771

9 396

11 871

11 062

Source : Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors.

ACTIVITÉS DE FORAGE DE PUITS
(1985 à 1995)

image

image

Suivant en cela la tendance des activités de forage de puits, le volume et la valeur du marché ont atteint des niveaux records en 1994, reculant de façon marginale en 1995. Au cours de cette période, les valeurs des ventes unitaires ont atteint un sommet en 1991 et en 1995.

Dans l’ensemble, la branche de production a occupé la plus grande partie du marché au cours de toute la période visée par le réexamen. Au cours des cinq années allant de 1991 à 1995, la part du marché de la branche de production n’a que peu varié, atteignant un sommet en 1992, alors que la valeur du marché atteignait son niveau le plus bas de la décennie, et tombant à son point le plus bas au cours de la période, en 1994, lorsque le volume du marché a atteint un sommet de plus de 311 000 tonnes métriques.

Parallèlement à la chute des activités de forage de puits en 1992, le marché des tubages a, cette année-là, été particulièrement lent. Les volumes des importations et de la production nationale ont chuté à leurs niveaux les plus bas en 1992, avant de rebondir pour atteindre des niveaux records en 1994 et en 1995 [16] . Les taux d’utilisation de la branche de production ont également connu une augmentation marquée au cours de ces années records, conjointement aux fortes augmentations de la production et aux réductions de la capacité de la branche de production.

Au cours de cette période, la valeur moyenne des ventes unitaires de tubages produits au pays a, en général, été moins élevée que la valeur moyenne des ventes unitaires de tubages importés des États-Unis à des valeurs normales ou au-dessus des valeurs normales [17] . Ce fait a été confirmé par les éléments de preuve déposés par les avocats des producteurs nationaux [18] . Dans un document appuyant leur argumentation, les avocats ont prouvé que, pour ce qui est de trois nuances et dimensions de tubages, les prix des tubages américains importés au Canada à des valeurs normales se rapprochent à l’heure actuelle des prix des tubages de nuances et de dimensions semblables vendus au Canada par les fabricants nationaux de tubages, ou sont supérieurs à ces prix.

Tableau 2

RÉSUMÉ DES DONNÉES STATISTIQUES

1991

1992

1993

1994

1995

(prévu)

Marché apparent

Volume (tonnes)

101 645

119 621

257 332

311 545

268 029

Valeur (000 $)

98 476

98 059

221 101

289 570

265 541

Valeurs-indices
(1991 = 100)

Marché apparent

Volume (tonnes)

100

118

253

307

264

Valeur (000 $)

100

100

225

294

270

Production totale (tonnes)

100

82

201

216

225

Importations apparentes

Volume (tonnes) - visées

100

83

265

441

288

Volume (tonnes) - non visées

100

0

0

104

343

Part du marché - Volume

Ventes à partir de la production nationale

100

104

101

96

98

Ventes à partir des importations

100

70

92

129

114

Marge brute

(en pourcentage des ventes nettes)

100

31

88

88

100

Revenu net avant impôt

(en pourcentage des ventes nettes)

100

(63)

98

109

102

Capacité de production (tonnes)

100

100

97

94

98

Utilisation de la capacité (tonnes)

100

82

201

216

225

Effectif

Heures-personnes (000)

100

81

159

186

178

Source : Public Pre-Hearing Staff Report, le 13 mars 1996, pièce du Tribunal RR-95-001-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 128.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 76 de la LMSI, à la fin du réexamen, le Tribunal doit annuler ou proroger l’ordonnance ou les conclusions, avec ou sans modification. En rendant sa décision dans la présente cause, le Tribunal doit régler deux questions fondamentales. Il doit d’abord déterminer s’il est probable que le dumping de tubages en provenance des États-Unis et de la Corée reprenne au cas où l’ordonnance est annulée. Si le Tribunal conclut par l’affirmative, il doit alors déterminer si ce dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale de tubages.

Dans son examen de ces questions, le Tribunal a tenu compte du fait que les conclusions ou l’ordonnance sont en vigueur depuis maintenant 10 ans et qu’en prorogeant l’ordonnance il prolongerait jusqu’en l’an 2001, à moins qu’il n’entreprenne un réexamen provisoire, la protection dont bénéficie la branche de production contre le dumping. Le Tribunal reconnaît que les éléments de preuve doivent être particulièrement convaincants pour justifier une prorogation de l’ordonnance.

États-Unis

Le Tribunal fait remarquer que, lorsque des ordonnances ou des conclusions font l’objet d’un réexamen aux termes de la LMSI, la branche de production ainsi que les importateurs et les exportateurs défendent en général des points de vue opposés sur les questions de fond. Dans le présent réexamen, cependant, deux exportateurs américains, à savoir Maverick et Paragon, et deux sociétés canadiennes auxquelles ils fournissent leurs tubages, à savoir Fedmet et Alberta Tubular, respectivement, ont appuyé la position de la branche de production selon laquelle l’ordonnance devrait être prorogée pour ce qui est des importations en provenance des États-Unis.

Un importateur a tenu à souligner, cependant, que l’appui donné à la prorogation de l’ordonnance n’était pas un appui à la branche de production mais plutôt à un système de lutte contre le dumping [19] . La seule partie à avoir présenté un exposé en faveur d’une annulation de l’ordonnance a été U.S. Steel. Si l’ordonnance est prorogée, Paragon et U.S. Steel ont demandé d’en être exclu. Ces demandes seront examinées un peu plus loin.

Les témoins de la branche de production, les représentants de Fedmet et d’Alberta Tubular, les représentants de Maverick et de Paragon ainsi que le témoin du Tribunal de la société PanCanadian Petroleum Limited ont tous, à quelques nuances près, présenté une description semblable de la situation sur le marché des tubages aux États-Unis. À leur avis, ce marché est caractérisé par une demande à la baisse depuis de nombreuses années, maintenant stable, au mieux. En fait, les éléments de preuve concernant les activités de forage aux États-Unis [20] montrent clairement que le nombre de puits forés chaque année n’a cessé de diminuer de façon marquée depuis le sommet atteint en 1981. La diminution des activités de forage s’est faite à un rythme si rapide au cours de cette période, en fait, qu’en 1995 le nombre de puits de pétrole et de gaz forés aux États-Unis était tombé à environ 46 p. 100 du nombre de puits forés en 1986.

Les éléments de preuve indiquent que la branche de production américaine a réagi à la baisse de la demande de tubages aux États-Unis en réduisant sa capacité. On compte actuellement aux États-Unis 11 usines [21] de fabrication de tubages dont la capacité totale de production est d’environ 4,7 millions de tonnes de MTPP [22] , ce qui représente une chute de 36 p. 100 par rapport à une capacité d’environ 7,4 millions de tonnes en 1986 [23] . Après avoir diminué de beaucoup la capacité absolue de production de tubages aux États-Unis, certains producteurs américains de tubages, semble-t-il, absorbent une partie de la capacité résiduelle non utilisée en fabriquant d’autres produits avec le même matériel [24] .

Les éléments de preuve indiquent que la réduction de la capacité de production de tubages aux États-Unis ne s’est pas fait au même rythme que la diminution de la demande, et que la capacité restante représentera le statu quo pour les cinq ou six prochaines années [25] . À ce niveau, le marché du MTPP aux États-Unis utilisera environ le tiers de la capacité américaine pour fabriquer ce matériel, la capacité non utilisée étant alors d’environ 3 millions de tonnes [26] .

Le Tribunal fait remarquer que, dans une large mesure, les niveaux de production aux États-Unis sont directement liés au fait que les producteurs de tubages doivent optimiser l’utilisation de la capacité de production de leurs usines respectives pour couvrir le plus possible leurs frais généraux [27] . Le Tribunal a recueilli des éléments de preuve indiquant que, même en l’absence de tubages importés sur le marché américain, le volume considérable de production de tubages requis pour atteindre l’utilisation optimale de la capacité de production des usines encouragerait nécessairement les exportations [28] ,[29] .

Il est également clair, pour le Tribunal, que l’important volume de tubages non vendus sur le marché américain [30] ne fera que renforcer les possibilités de dumping découlant de la très grande capacité non utilisée aux États-Unis. Le vice-président directeur de Paragon, l’exportateur exclusif de tubages de la société Alberta Tubular, a estimé que le volume des stocks excédentaires est actuellement près de deux fois plus élevé qu’il ne devrait l’être [31] . Aux États-Unis, la plus grande partie de ce surplus de tubages est entre les mains de distributeurs, de courtiers, de négociants et de fournisseurs [32] .

Le Tribunal s’est fait dire qu’au niveau du distributeur, lorsque les stocks dépassent les besoins des utilisateurs finals par suite de l’annulation d’un programme de forage, les détenteurs de stocks écoulent normalement les tubages au meilleur prix, de manière à liquider leurs stocks, même si cela implique du dumping [33] . De l’avis du Tribunal, une telle liquidation de stocks est susceptible de comprendre du dumping.

Sur le marché américain de tubages, la capacité excédentaire jumelée au volume important des stocks détenus surtout au niveau des distributeurs exerce une pression considérable sur la structure de prix. Un des témoins de la branche de production a laissé entendre que les fabricants américains de tubages ne cherchent plus à faire des profits sur leurs ventes sur le marché américain [34] et que, dans certains cas, ils vendent à perte. Il a indiqué que cette situation «chaotique» se propagerait au Canada si l’ordonnance était annulée. Le vice-président directeur de Paragon s’est fait l’écho de ces observations, affirmant que certains producteurs américains vont jusqu’à vendre leurs tubages à un prix inférieur au coût de production [35] .

Au cours de l’audience, la branche de production a déposé trois pièces montrant les prix de vente réels d’Algoma, d’IPSCO et de Prudential à leurs distributeurs, pour diverses nuances et dimensions de tubages [36] . Dans un document confidentiel appuyant leur argumentation, les avocats des producteurs nationaux ont comparé ces prix aux prix des tubages de mêmes nuances et dimensions importés au Canada en provenance des États-Unis, à des valeurs normales.

Ces éléments de preuve prouvent au Tribunal que le prix rendu courant des tubages échangés de façon loyale achetés aux États-Unis peut être aussi élevé, voire plus élevé, que les prix des types de tubages équivalents vendus au Canada par les fabricants nationaux. Cet exercice a permis au Tribunal d’inférer que, pour que les importations concurrencent les tubages produits au pays, les tubages exportés des États-Unis devraient, selon toute vraisemblance, être sous-évalués.

Après avoir entendu des éléments de preuve touchant la capacité excédentaire sur le marché américain, la nécessité de maintenir des niveaux de production efficaces, les importants volumes de tubages non vendus sur ce marché, les ventes effectuées à des prix inférieurs au coût, les prix de liquidation et le prix des tubages américains échangés de façon loyale sur le marché canadien, le Tribunal conclut que, en l’absence de droits antidumping, il est probable que les exportateurs aux États-Unis recommenceront à pratiquer le dumping de tubages au Canada.

Depuis 1990, les tubages sous-évalués ne faisant plus concurrence sur le marché au niveau des prix, la branche de production a, en général, réussi à maintenir des marges raisonnables. On constate des degrés variables de rentabilité à l’intérieur de la branche de production, Algoma étant, en moyenne, moins rentable alors qu’IPSCO et Prudential le sont davantage. Cependant, le rendement financier raisonnable d’aujourd’hui n’empêche pas, en soi, les importations sous-évaluées de causer un dommage à la branche de production. Le Tribunal est en fait persuadé que, puisque 10 p. 100 de la capacité américaine sous-utilisée suffirait amplement à assurer l’approvisionnement de l’ensemble du marché canadien, la concurrence qu’exerceraient les importations sous-évaluées mettrait à très dure épreuve la rentabilité de la branche de production.

Le Tribunal croit que la branche de production réagirait probablement à des prix sous-évalués de l’une des deux façons suivantes : ou bien elle diminuerait ses prix pour maintenir sa part du marché, ou bien elle réduirait ou éliminerait la production de ces tubages là où elle n’est pas concurrentielle au niveau des prix. Chacune de ces options comporte des coûts.

Si la branche de production choisit d’être concurrentielle, ses prix de vente unitaires diminueront, car les forces du marché feront chuter les prix canadiens au niveau de la concurrence américaine, ce qui, selon les éléments de preuve, sera à des prix qui sont sous-évalués et peut-être inférieurs aux coûts de production. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal prend en compte les éléments de preuve se rapportant aux prix auxquels les tubages américains échangés de façon loyale pourraient arriver au Canada. Les éléments de preuve indiquant que certains producteurs américains vendent des tubages sur le marché américain à des prix inférieurs aux coûts [37] , et les éléments de preuve révélant que les distributeurs américains liquident leurs stocks à des bas prix [38] orientent également le Tribunal. Si la branche de production choisissait d’être concurrentielle au niveau des prix, la baisse probable des prix imputable à la reprise du dumping et l’incidence nette sur le rendement financier de la branche de production seraient de toute évidence importantes.

Le Tribunal est d’avis que l’autre option de la branche de production consistant à réduire la production pour faire face à la concurrence des prix sous-évalués aura une incidence négative importante et de longue durée sur la branche de production. Les coûts fixes d’une usine de tubages sont élevés et ce n’est qu’en maximisant l’utilisation de sa capacité que la branche de production peut espérer exercer un contrôle raisonnable sur les coûts unitaires en vue d’assurer sa rentabilité. En fait, de nombreux éléments de preuve ont été entendus par le Tribunal selon lesquels, même en cette période où la demande est forte, les fabricants de tubages au Canada [39] examinent s’il est viable de fabriquer d’autres produits que les tubages, de manière à accroître le taux d’utilisation de leurs usines. Il est évident pour le Tribunal qu’une diminution du taux d’utilisation des usines canadiennes de tubages déjà sous-utilisées, en réaction aux importations sous-évaluées, aura un important effet défavorable sur la rentabilité de la branche de production.

Pour ces motifs, le Tribunal est d’avis que, si l’ordonnance est annulée, il est probable que les exportateurs des États-Unis reprendront la pratique du dumping de tubages au Canada et que les importations sous-évaluées causeront un dommage sensible à la branche de production nationale.

Corée

Les entreprises qui produisent du MTPP en Corée ont une capacité estimative de production de 2,1 millions de tonnes [40] , dont environ 15 p. 100 suffirait amplement à satisfaire à toute la demande canadienne de tubages. Contrairement au Canada et aux États-Unis, la Corée possède peu de puits de pétrole et de gaz d’exploration ou n’effectue pas beaucoup de travaux préparatoires [41] , et doit exporter à peu près toutes son MTPP. Cependant, malgré cette capacité excédentaire de production de tubages, dont la quasi-totalité est destinée au marché d’exportation, aucun tubage coréen n’a été exporté au Canada depuis 1989.

Par contraste, depuis 1989, les tubages de la Corée sont de plus en plus présents sur le marché américain. En fait, le volume de tubages importés de la Corée a augmenté de façon significative aux États-Unis jusqu’en 1995, année au cours de laquelle l’USITC a conclu que les importations sous-évaluées de MTPP en provenance de la Corée, et d’autres pays, causaient un dommage à la branche de production de MTPP aux États-Unis [42] .

Le Tribunal se rend compte que, pour des raisons économiques, la production de tubages exige des fabricants de tubages coréens qu’ils fassent tourner leurs usines à pleine capacité. Cependant, puisqu’ils ont en réalité perdu le marché américain, qui constituait un de leurs gros clients, le Tribunal est persuadé que, si l’ordonnance est annulée, cette nécessité de faire tourner leurs usines à plein amènera inévitablement les producteurs coréens à se tourner vers le marché canadien pour qu’il absorbe au moins une portion de leur production de tubages.

La propension des exportateurs coréens à pratiquer le dumping est confirmée par les conclusions rendues par les États-Unis concernant le dumping dommageable de tubages en provenance de la Corée et d’autres pays. D’autres éléments de preuve sur cette propension à pratiquer le dumping ont été fournis dans la décision rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen no RR-94-004, qui prorogeait une ordonnance portant sur le dumping, dommageable pour le Canada, de tubes normalisés en provenance de la Corée [43] . Les éléments de preuve obtenus dans le cadre de ce réexamen ont indiqué que les exportateurs coréens et les importateurs canadiens de tubes normalisés ont cherché à contourner l’ordonnance visant ces tubes en faisant passer les tubes normalisés importés pour des tubes pour la canalisation au moment de leur entrée au Canada. Les éléments de preuve ont également montré que, au moins à deux reprises, Revenu Canada a informé les importateurs que tous les tubes pour la canalisation utilisés dans des applications de tubes normalisés, et qui sont originaires de la Corée, étaient assujettis à des droits antidumping [44] .

En outre, le Tribunal estime qu’il est raisonnable de déduire des activités de la Corée aux États-Unis et au Canada que l’ordonnance a eu comme effet d’empêcher les tubages de la Corée de pénétrer le marché canadien au cours des cinq dernières années. Si les producteurs coréens n’étaient pas aussi contraints par cette ordonnance, ils diminueraient probablement leurs prix pour être moins chers que leurs concurrents au Canada, tout comme ils l’ont fait aux États-Unis. De l’avis du Tribunal, de telles réductions de prix ne pourraient être obtenues qu’en pratiquant le dumping.

Pour ces motifs, le Tribunal est convaincu que les exportateurs coréens reprendront vraisemblablement la pratique du dumping de tubages au Canada si l’ordonnance est annulée.

Le Tribunal est également convaincu qu’une reprise du dumping par la Corée causera vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production nationale. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que les exportateurs coréens ont la capacité d’expédier au Canada d’importantes quantités de tubages. Pour reprendre leur place sur le marché canadien, le Tribunal est d’avis que les exportateurs coréens devraient offrir les marchandises en question à des prix qui sont inférieurs aux prix courants des producteurs nationaux. Sur le marché public des tubages [45] , même une faible réduction des prix peut avoir une incidence importante sur les recettes et les profits. En outre, le Tribunal est d’avis que, si l’ordonnance était annulée, il est probable que la branche de production nationale serait aux prises avec le même dilemme pour ce qui est des importations coréennes sous-évaluées que celui auquel elle serait confrontée concernant des importations sous-évaluées des États-Unis; elle pourrait réduire ses prix pour conserver sa part du marché ou elle pourrait réduire ou éliminer la production dans ces segments du marché où elle ne pourrait pas être concurrentielle. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal est d’avis qu’il existe une probabilité de dommage sensible dans les deux scénarios.

Deux autres sujets abordés au cours de l’audience portaient sur les répercussions que la chute des prix des feuillards pourrait avoir sur le prix des tubages fabriqués au pays et importés, ainsi que l’incidence que la concurrence entre les tubages SRÉ et les tubages sans soudure pourrait avoir sur le marché des tubages. Le Tribunal réalise que ces facteurs peuvent fort bien avoir un effet sur le marché des tubages mais, à son avis, ces facteurs ne feront pas en sorte, en eux-mêmes, qu’il soit plus probable que les tubages soient sous-évalués au Canada si l’ordonnance est annulée, ou bien qu’il soit plus probable que ce dumping cause un dommage sensible à la branche de production nationale.

La première question est celle de l’incidence des différents prix des feuillards. Le Tribunal comprend que toute variation importante du prix des feuillards puisse avoir des répercussions importantes sur le coût de production des tubages. Cependant, les éléments de preuve relatifs aux prix des feuillards, notamment les conséquences de ces prix sur les tubages, donnent à penser que le prix des feuillards produits dans différentes usines, voire même dans différents pays, évolue en général de façon similaire [46] .

En s’appuyant sur ces explications, le Tribunal estime que le prix des feuillards au Canada et son prix ailleurs dans le monde suivront, à long terme, des tendances semblables. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il n’est pas probable qu’une variation du prix des feuillards aux États-Unis ou en Corée comparativement au prix des feuillards au Canada créera des circonstances telles qu’il est plus ou moins probable que l’un de ces deux pays reprendra la pratique du dumping.

La deuxième question, qui a été longuement examinée au cours de l’audience, porte sur l’ampleur de la concurrence réelle ou potentielle sur le marché entre les tubages SRÉ et les tubages sans soudure. Au cours du présent réexamen, le Tribunal a entendu des éléments de preuve selon lesquels le prix des tubages sans soudure de nuance K est aujourd’hui à peu près le même que celui des tubages SRÉ de nuance J [47] . De même, le Tribunal a constaté une certaine croissance dans le segment des tubages sans soudure du marché, comparativement à l’importance du segment des tubages SRÉ. Il s’est également fait dire que certains acheteurs de tubages ont choisi d’utiliser, dans certains types d’environnements de puits, des tubages SRÉ plutôt que des tubages sans soudure [48] .

De l’avis du Tribunal, ces éléments de preuve appuient la conclusion selon laquelle les tubages SRÉ et les tubages sans soudure se font la concurrence. Cependant, cette concurrence ne diminue nullement, et pourrait même accentuer, le dommage qui serait causé si le dumping reprenait.

DEMANDES D’EXCLUSION

Alberta Tubular, un importateur, et Paragon, l’exportateur américain duquel Alberta Tubular importe ses tubages, se sont dits favorables à une prorogation de l’ordonnance, mais ont demandé d’en être exclu. À l’appui de l’exclusion, le procureur d’Alberta Tubular et de Paragon a allégué que Paragon n’a pas exporté de tubages à Alberta Tubular à des prix sous-évalués et que les examens annuels de l’ordonnance effectués par Revenu Canada ont imposé aux deux entreprises un fardeau administratif inutile.

Les procureurs de U.S. Steel ont soutenu que l’ordonnance devrait être annulée. Cependant, ils ont allégué que, si elle était prorogée en raison des stocks excédentaires de tubages détenus par les distributeurs aux États-Unis, le Tribunal devrait exclure de l’ordonnance les marchandises en question fabriquées par U.S. Steel et USS Kobe et exportées au Canada.

Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’accorder des exclusions, pouvoir qui lui a été reconnu par les tribunaux [49] . Le Tribunal a systématiquement maintenu que des exclusions ne seront accordées qu’à titre exceptionnel. Dans la présente cause, le Tribunal ne voit aucune circonstance exceptionnelle entourant les tubages des entreprises ou de leurs exportations vers le Canada et de leurs importations au Canada qui pourrait les différencier de tout autre tubage assujetti à des droits antidumping. Le Tribunal souligne que toutes les demandes visent des marchandises que la branche de production nationale produit en ce moment et qui font concurrence et sont directement substituables aux marchandises produites au pays. De l’avis du Tribunal, il n’est pas surprenant que, depuis que l’ordonnance a été rendue, Paragon n’ait pas exporté de marchandises en question au Canada à des prix sous-évalués. Si elle exportait des marchandises sous-évaluées au Canada avant que celles-ci ne soient «dédouanées», des droits antidumping, entre autres, d’un montant égal à la marge de dumping auraient à être payés. En d’autres termes, le prix franco dédouané des marchandises serait, en fait, rajusté à la hausse pour refléter la différence entre le prix à l’importation et la valeur normale applicable. Le Tribunal, par ailleurs, estime que l’argument de Paragon fondé sur le «fardeau administratif» n’est pas convaincant. Le Tribunal fait remarquer que toutes les personnes qui exportent les marchandises en question vers le Canada doivent assumer un fardeau administratif semblable. De plus, le Tribunal souligne que sa décision sur la probabilité d’une reprise du dumping a été rendue en tenant compte de facteurs autres que les stocks excédentaires détenus par les distributeurs aux États-Unis. Par conséquent, le Tribunal n’est pas disposé à accepter les demandes d’exclusion présentées dans la présente cause.

CONCLUSION

Pour toutes les raisons susmentionnées, le Tribunal conclut que, si l’ordonnance concernant les exportations de tubages en provenance des États-Unis est annulée, il est probable que le dumping reprendra et que ce dumping sera susceptible de causer un dommage sensible aux producteurs de tubages au Canada.

Le Tribunal conclut également que, si l’ordonnance concernant les exportations de tubages en provenance de la Corée est annulée, il est probable que le dumping reprendra et que ce dumping sera susceptible de causer un dommage sensible aux producteurs de tubages au Canada.

Par conséquent, le Tribunal proroge l’ordonnance qu’il a rendue le 10 juin 1991, dans le cadre du réexamen no RR-90-005, sans modification.

Le Tribunal conclut également que les demandes d’exclusion ne sont pas justifiées.


1. L.R.C. (1985), ch. S - 15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47.

2. Gazette du Canada Partie I, vol. 129, n o 52, le 30 décembre 1995 à la p. 4383.

3. Ibid. , vol. 130, n o 7, le 17 février 1996 à la p. 534.

4. L.R.O. (1990), ch. B.16.

5. Pièce du fabricant C - 2, annexe 2, dossier administratif, vol. 9.

6. Pièce du fabricant A - 2 à la p. 5, dossier administratif, vol. 9.

7. Pièce du fabricant A - 1 à la p. 11, dossier administratif, vol. 9.

8. Pièce du fabricant C - 2 à la p. 7, dossier administratif, vol. 9.

9. Pièce du fabricant A - 2 à la p. 10, dossier administratif, vol. 9.

10. Conformément aux modifications apportées à la LMSI par la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce , L.C. 1994, ch. 47, le terme «préjudice» est remplacé par le terme «dommage» qui est défini comme étant le dommage sensible causé à une branche de production nationale.

11. Pièce du fabricant A - 1 à la p. 10, dossier administratif, vol. 9.

12. Tubes soudés en acier au carbone de dimensions nominales variant de 12,7 à 406,4 mm (1/2 po à 16 po) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A120, ASTM A252, ASTM A589 ou AWWA C200 - 80 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d'eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l'exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l'API, originaires ou exportés de la République de Corée , réexamen n o RR - 94 - 004, Ordonnance et Exposé des motifs , le 5 juin 1995.

13. Exposé public de l'ambassade de la République de Corée, pièce du Tribunal RR - 95 - 001 - 25.1, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 229 - 30.

14. Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors, Revised Forecast – 1996 , le 15 mars 1996, pièce du Tribunal RR - 95 - 001 - 39, dossier administratif, vol. 1A aux pp. 56 - 59.

15. Transcription de la session publique , vol. 1, le 22 avril 1996 à la p. 26.

16. Dans le rapport public préalable à l'audience, l'année 1994 est la dernière année complète pour laquelle des données sont disponibles. Les données de 1995 ont été établies en rectifiant les données pour l'ensemble de 1994 de l'augmentation ou de la diminution, en pourcentage, établies au cours de la période de 10 mois de 1995 correspondant à la période de 10 mois de 1994.

17. Pièce du Tribunal RR - 95 - 001 - 6C (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 150.

18. Pièces des fabricants A - 6, B - 6 et C - 4 (protégées), dossier administratif, vol. 10.

19. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 153.

20. Pièce du Tribunal RR - 95 - 001 - 37, dossier administratif, vol. 1A aux pp. 52 - 55.

21. Pièce du fabricant A - 2, annexe 2, dossier administratif, vol. 9.

22. Le MTPP comprend une gamme de produits qui ne se limitent pas aux tubages de puits de pétrole et de gaz. Le Tribunal estime que les tendances de la production de MTPP sont indicatives des tendances de la capacité de fabrication de tubages de puits de pétrole et de gaz.

23. Pièce de l'importateur D - 1 à la p. 3, dossier administratif, vol. 11.

24. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 aux pp. 171 - 72.

25. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 171.

26. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 9.

27. Pièce du fabricant C - 2 à la p. 5, dossier administratif, vol. 9.

28. Transcription de la session publique , vol. 1, le 22 avril 1996 à la p. 9.

29. Transcription de la session publique , vol. 1, le 22 avril 1996 à la p. 90.

30. Pièce du fabricant C - 2 aux pp. 4 - 5, dossier administratif, vol. 9; et Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 157.

31. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 178.

32. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 154.

33. Ibid.

34. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 aux pp. 26 - 27.

35. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 aux pp. 178 - 79; et Transcription de la session à huis clos , vol. 2, le 23 avril 1996 aux pp. 168 - 69.

36. Pièces des fabricants A - 6, B - 6 et C - 4 (protégées), dossier administratif, vol. 10.

37. Transcription de la session publique , vol. 1, le 22 avril 1996 aux pp. 26 - 27.

38. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 154.

39. Pièce du fabricant C - 3 (protégée) à la p. 13, dossier administratif, vol. 10.

40. Pièce du fabricant A - 2, annexe 3, dossier administratif, vol. 9.

41. Pièce du fabricant A - 1 à la p. 11, dossier administratif, vol. 9.

42. Pièce du fabricant A - 5, dossier administratif, vol. 9.

43. Supra note 12.

44. Ibid.

45. Transcription de la session publique , vol. 2, le 23 avril 1996 à la p. 107.

46. Transcription de la session publique , vol. 1, le 22 avril 1996 à la p. 62.

47. Transcription de la session à huis clos , vol. 1, le 22 avril 1996 à la p. 42.

48. Pièces du Tribunal RR - 95 - 001 - 24.6 et 24.10 (protégées), dossier administratif, vol. 6.2 aux pp. 59 et 93.

49. Hitachi Limited c. Le Tribunal antidumping , [1979] 1 R.C.S. 93; et Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A - 1806 - 83, le 27 juin 1985.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 17 décembre 1996