LAITUE (POMMÉE) ICEBERG FRAÎCHE

Réexamens (article 76)


LAITUE (POMMÉE) ICEBERG FRAÎCHE, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Réexamen no : RR-97-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 28 novembre 1997

Réexamen no : RR-97-002

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 30 novembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-001, concernant la :

LAITUE (POMMÉE) ICEBERG FRAÎCHE, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions qu’il a rendues le 30 novembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-001.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par les présentes, sans modification, les conclusions susmentionnées.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 30 novembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-001.

Lieu de l’audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l’audience : Les 8 et 9 octobre 1997
Date de l’ordonnance et des motifs : Le 28 novembre 1997

Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Raynald Guay, membre
Arthur B. Trudeau, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy

Gestionnaire de la recherche : Paule Couët

Économiste : Simon Glance

Préposé aux statistiques : Nynon Pelland

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud

Agent à l’inscription et à la distribution : Joël Joyal


Participants : Marvin R.V. Storrow, c. r.
Maria A. Morellato
Jacqueline L. Ott
pour BC Vegetable Marketing Commission

(représentant les agriculteurs de la
Colombie-Britannique)

Témoins :

Rodger Hughes
Directeur général
BC Vegetable Marketing Commission

Bill Woodley
Directeur général
Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative

Wayne Odermatt
Spécialiste de l’industrie provinciale des légumes frais et des pommes de terre
Ministère de l’Agriculture, des Pêches et des Aliments de la Colombie-Britannique

R. J. (Jim) Alcock
Gestionnaire, Produits horticoles
Ministère de l’Agriculture, des Pêches et des Aliments de la Colombie-Britannique

Peter M. A. Toivonen
Chercheur
Science et technologie des aliments
Ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire

Stephen Thomson
Vice-président
Greenaway Thomson Communications

Jim Sprangers
Propriétaire
Sprangers Farms Ltd.

James Douglas Yue
Gestionnaire
John Yue Farm Ltd.

Tim Singh
Gestionnaire
Cloverdale Produce Farms Ltd.

Bill W. Dun
Président
Premier Produce Inc.

John Hall
Gestionnaire, Achat des fruits et légumes
Overwaitea Food Group

John Riel
Directeur, Fruits et légumes
Canada Safeway Limited

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (LMSI), des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), dans le cadre de l’enquête no NQ-92-001 [2] , concernant la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis d’Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique.

Dans l’avis d’expiration no LE-96-007 [3] , daté du 28 février 1997, le Tribunal a avisé les personnes et les gouvernements que les conclusions qu’il avait rendues concernant les marchandises susmentionnées expiraient le 28 novembre 1997. Le Tribunal a reçu un exposé de la BC Vegetable Marketing Commission (BCVMC) demandant un réexamen. Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen de ses conclusions et a publié un avis de réexamen [4] le 9 mai 1997. L’avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues. Le 7 juillet 1997, un avis de changement de la date de l’audience publique [5] a été publié.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires à la BCVMC, à des organismes de vente, à des agriculteurs, à des importateurs et à des acheteurs de laitue Iceberg. À partir des réponses à ces questionnaires et des renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience.

Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions de l’enquête no NQ-92-001, l’avis de réexamen et les réponses publiques et confidentielles aux questionnaires du réexamen de 1997 ainsi que le rapport public préalable à l’audience de l’enquête de 1992. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées. Seuls les avocats indépendants qui ont déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues les 8 et 9 octobre 1997 à Vancouver (Colombie-Britannique). La BCVMC, qui était représentée par des avocats, a soumis des éléments de preuve et a plaidé en faveur de la prorogation des conclusions. Aucune autre partie n’a participé à l’audience ni soumis d’éléments de preuve.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS ANTÉRIEURES

Enquête no NQ-92-001

Le 30 novembre 1992, le Tribunal a conclu que le dumping en Colombie-Britannique de la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible [ [Note du réviseur] Maintenant désigné « dommage sensible » causé à la « branche de production » de la Colombie-Britannique conformément aux modifications apportées à la LMSI. Toutefois, les expressions « préjudice sensible » et « industrie » seront utilisées pour toute référence aux décisions antérieures du Tribunal.] à la production en Colombie-Britannique de marchandises similaires. Ont été exclues des conclusions, les périodes du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile, parce que les agriculteurs de la Colombie-Britannique n’avaient pas jusqu’alors approvisionné le marché au cours des périodes susmentionnées.

Le Tribunal a conclu que la Colombie-Britannique constituait un marché régional distinct conformément à l’article 4 du Code antidumping [6] du GATT parce que les agriculteurs de la Colombie-Britannique vendaient la quasi-totalité de leur production de laitue Iceberg dans cette province et parce que la demande de laitue Iceberg en Colombie-Britannique n’était pas satisfaite dans une mesure substantielle par les agriculteurs situés ailleurs au Canada. En ce qui a trait à la question d’une industrie régionale distincte, le Tribunal a conclu à l’existence d’une concentration des importations sous-évaluées en Colombie-Britannique après avoir examiné les résultats de l’application du test de densité, du test de distribution et de sa variante, le test de rapport.

Quant à la question des marchandises similaires, le Tribunal était d’avis que les utilisations et les caractéristiques de la laitue Iceberg importée et de la laitue Iceberg cultivée au Canada se ressemblaient considérablement, que ces deux produits se faisaient une concurrence directe et qu’ils pouvaient être substitués l’un à l’autre. Par conséquent, le Tribunal a conclu que la laitue Iceberg importée et la laitue Iceberg cultivée au Canada étaient des marchandises similaires.

Le Tribunal a été convaincu, après avoir examiné avec soin l’évolution de la situation sur le marché de la Colombie-Britannique de 1988 à 1992, que le dumping de la laitue Iceberg en provenance des États-Unis avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production en Colombie-Britannique de marchandises similaires et que la totalité, ou la quasi-totalité, des agriculteurs de la Colombie-Britannique avait subi et subissait un préjudice sensible attribuable aux importations sous-évaluées. Les éléments de preuve ont indiqué que, au cours des campagnes agricoles de 1988 à 1991, le marché en Colombie-Britannique de la laitue Iceberg a augmenté de 47 p. 100, tandis que l’industrie de la Colombie-Britannique s’est vu enlever 24 points de pourcentage de part du marché par les importations en provenance des États-Unis, principalement de l’État de Californie. Le Tribunal a conclu que la perte de part du marché subie par les agriculteurs de la Colombie-Britannique était attribuable aux importations à bas prix durant la période visée, ces importations ayant fait l’objet d’une détermination de dumping durant la campagne agricole de 1991. Avant cette période, l’industrie avait réduit ses pertes financières. Cependant, au cours de la campagne agricole de 1991, un effondrement des prix américains a entraîné le dumping, sur le marché de la Colombie-Britannique, de la laitue Iceberg en provenance des États-Unis, ce qui a causé l’effritement des prix de vente en Colombie-Britannique. L’industrie a alors subi de lourdes pertes financières. En raison des pertes susmentionnées, un certain nombre d’agriculteurs de la Colombie-Britannique ont réduit la superficie ensemencée à la campagne agricole de 1992 et d’autres ont mis fin à leur production de marchandises similaires. À la campagne agricole de 1992, il y a eu remontée des prix de vente, tant du produit des États-Unis que du produit de la Colombie-Britannique, et l’industrie de la Colombie-Britannique a à nouveau atteint le seuil de rentabilité.

Pour ce qui était du futur, le Tribunal a été d’avis que les fréquentes périodes d’établissement de bas prix pendant chaque campagne agricole visée par la période de l’enquête indiquaient une probabilité de poursuite du dumping préjudiciable en l’absence de droits antidumping.

Un membre n’a pas été d’accord avec la majorité du Tribunal qu’il existait une concentration d’importations sous-évaluées sur le marché de la Colombie-Britannique et a, par conséquent, exprimé une opinion dissidente parce que, selon lui, cette condition n’avait pas été satisfaite. Le membre dissident a aussi conclu que le préjudice futur n’était pas imminent, puisque les tendances de production en Californie n’indiquaient pas que l’offre réagissait à la montée des prix en 1992.

PRODUIT

Le produit qui fait l’objet du présent réexamen est la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique. C’est une grosse pomme ferme, aux feuilles croustillantes, cassantes et très serrées. La pomme de laitue Iceberg peut être déchirée, déchiquetée ou tranchée.

La laitue Iceberg commercialisée sur le marché interprovincial ou d’exportation est classée selon les articles 65 à 70 du Règlement sur les fruits et les légumes frais [7] établi en vertu de la Loi sur les produits agricoles au Canada [8] . La laitue Iceberg est classée dans la catégorie Canada no 1 ou Canada no 2. Le règlement susmentionné prescrit les exigences concernant l’apparence du produit et l’étiquetage du contenant.

La laitue Iceberg est considérée comme une récolte délicate à produire en raison des effets que différentes conditions de croissance peuvent avoir sur la qualité et les rendements; elle est extrêmement sensible aux changements météorologiques et sujette aux maladies. L’ensemencement de la laitue Iceberg se fait en une série de semailles consécutives [9] pour assurer un approvisionnement durable pendant toute la saison. La période d’ensemencement dure de trois à cinq jours. La récolte est prête dans les 70 à 90 jours suivants l’ensemencement. La première récolte de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique se fait généralement au début de juin, et le cycle ensemencements-récoltes se poursuit jusqu’à la mi-octobre. La laitue Iceberg mûrit vite et doit être récoltée le plus rapidement possible, ou détruite, parce que la laitue mûre peut être infectée par certains virus qui peuvent être transmis à de jeunes plants et attaquer les récoltes subséquentes. La laitue Iceberg est récoltée au moyen de méthodes manuelles ou mécaniques, puis emballée aux champs dans des cartons. Une fois récoltée, la laitue Iceberg doit être expédiée relativement rapidement, puisqu’elle est très périssable et ne peut être stockée pendant longtemps.

Dans les basses terres du Fraser (Lower Mainland), la laitue Iceberg est expédiée à la société Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative (Cloverdale) pour y être refroidie sous vide [10] . Une fois refroidie, la laitue Iceberg est livrée à l’entrepôt de l’acheteur, par camion réfrigéré, le même jour ou le lendemain. Si la laitue Iceberg n’est pas expédiée à l’acheteur le jour de la récolte, elle est conservée dans un entrepôt frigorifique.

La laitue Iceberg est vendue en cartons de diverses tailles. Les cartons les plus répandus sont le carton ciré contenant 24 pommes de laitue Iceberg non emballées et un carton similaire contenant 24 pommes de laitue Iceberg emballées individuellement dans une pellicule cellulosique. La laitue Iceberg se vend aussi en vrac ou dans des caisses-cellules qui pèsent entre 800 et 1 000 livres. Ces caisses-cellules sont vendues à des sociétés de services d’alimentation, tandis que les cartons sont principalement vendus à des détaillants.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Durant la période visée par le réexamen, le nombre de producteurs de laitue Iceberg qui expédiaient leurs produits par l’entremise d’organismes de vente se situait entre 15 et 19. Il y avait 15 producteurs de laitue Iceberg en 1996 [11] . En moyenne, les agriculteurs ont récolté environ 22 acres de laitue Iceberg en 1996 [12] . Cependant, quelques agriculteurs ont consacré une superficie considérablement plus importante à la laitue Iceberg que d’autres agriculteurs. Pour certains agriculteurs, la laitue Iceberg représente, en moyenne, plus de 20,0 p. 100 de la superficie totale de la récolte [13] . Il est courant que les producteurs de laitue Iceberg pratiquent la polyculture, la laitue Iceberg servant dans la rotation des cultures. En 1995, la laitue Iceberg a représenté environ 2,7 p. 100 de la superficie totale récoltée pour tous les légumes en Colombie-Britannique [14] .

Plus de 98 p. 100 de la laitue Iceberg cultivée en Colombie-Britannique est vendue par l’intermédiaire de coopératives agissant en tant qu’organismes de vente, le reste étant vendu aux éventaires routiers. La BCVMC désigne les organismes de vente. Ces organismes sont chargés de la commercialisation du produit auprès des grossistes, des détaillants ou des transformateurs de produits alimentaires. Les agriculteurs demeurent propriétaires du produit jusqu’à l’achat par les clients susmentionnés.

La BCVMC se compose d’agriculteurs de toutes les régions de la province et a été constituée dans le cadre du programme relatif aux légumes de la Colombie-Britannique, édicté par décret en 1980 en vertu de la Natural Products Marketing (BC) Act (loi provinciale) [15] . La BCVMC est investie du pouvoir de promouvoir, de contrôler et de réglementer la production, le transport, l’emballage, l’entreposage et la commercialisation des produits assujettis qui sont cultivés en Colombie-Britannique. La BCVMC a compétence pour réglementer les légumes assujettis dans toute la province qui, pour des fins administratives, se divise en trois districts. Le premier district englobe les basses terres et la vallée du Fraser; le deuxième, l’île de Vancouver et les îles Gulf; et le troisième, le reste de la province. Présentement, la vente de la laitue Iceberg est effectuée par deux organismes : Cloverdale, dans le premier district, et la Island Vegetable Co-operative Association (Island), dans le deuxième.

À toutes les semaines, la BCVMC établit des prix minimaux en consultation avec les coopératives qui, à leur tour, fixent leurs propres listes de prix en se fondant sur ces prix. Depuis les conclusions, les prix fixés par la BCVMC sont calculés en fonction de la somme la plus élevée, qu'il s’agisse des valeurs normales pour la laitue Iceberg déterminées par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) ou des prix courants du marché californien de la laitue Iceberg des États-Unis, ajustés par addition du taux de change, des droits de douane, des frais d’expédition et des frais de courtage. Lorsque les prix de vente aux États-Unis sont supérieurs aux valeurs normales, ils servent de base pour fixer les prix de vente en Colombie-Britannique.

Avant les conclusions, les prix de vente en Colombie-Britannique étaient, pour l’essentiel, basés sur les prix du marché des États-Unis. En incluant dans le calcul les droits, le fret et les autres frais d’importation pertinents, ainsi que le taux de change, la BCVMC pouvait estimer un prix rendu à Vancouver pour la laitue Iceberg des États-Unis. Le prix de vente final en Colombie-Britannique était alors basé principalement sur ce prix rendu calculé, ajusté pour tenir compte des conditions de l’offre locale [16] .

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le tableau suivant montre un choix d’indicateurs économiques relatifs à la branche de production de la laitue Iceberg durant la période visée par le présent réexamen.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES CHOISIS
LAITUE ICEBERG DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Saison de commercialisation

1992

1993

1994

1995

1996

Nombre d’agriculteurs appartenant aux
organismes de vente


18,0


19,0


17,0


19,0


15,0

Production1 par les agriculteurs appartenant
aux organismes de vente (en milliers de cartons)


228,1


218,7


266,6


300,6


198,7

Superficie récoltée (en acres)

472,0

409,0

459,0

415,0

324,0

Rendement (en cartons l’acre)

483,0

535,0

581,0

724,0

613,0

Ventes de tous les agriculteurs de la
Colombie-Britannique (en milliers de cartons)


202,8


198,9


224,5


251,6


174,9

Ventes des importations

269,5

265,9

241,7

246,4

268,6

Marché apparent

472,3

464,9

466,2

498,1

443,5

Part du marché (en %)

Ventes de la Colombie-Britannique

43

43

48

51

39

Importations

57

57

52

49

61

Nota :

Les chiffres sont arrondis et ne donnent donc pas nécessairement un total juste.

1. La production est établie d’après l’année civile.

Source : Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 aux p. 113 et 125.

La production par les agriculteurs appartenant aux organismes de vente [17] a augmenté d’environ 32 p. 100 entre 1992 et 1995, atteignant plus de 300 000 cartons. En 1996, la production a baissé de 34 p. 100 [18] . La baisse considérable de production de 1995 à 1996 reflète les mauvaises conditions de croissance durant l’année. Les conditions météorologiques défavorables ont retardé et interrompu l’ensemencement et affecté à la fois le volume et la qualité de la récolte. Le nombre de producteurs de laitue Iceberg et la superficie récoltée ont également diminué en 1996. Tandis que la plupart des indicateurs ont fluctué d’une année à l’autre durant la période visée par le réexamen, le rendement moyen par acre récolté a augmenté de façon soutenue de 1992 à 1995, mais a chuté de façon prononcée en 1996.

Les États-Unis sont, à toutes fins pratiques, la seule source de laitue Iceberg importée en Colombie-Britannique, représentant 99 p. 100 de toutes les importations durant la période visée par le réexamen. L’État de la Californie est, de loin, la plus importante source de laitue Iceberg importée, représentant entre 83 p. 100 et 90 p. 100 de toutes les importations des États-Unis chaque année, le reste des importations provenant des États de Washington et d’Arizona [19] .

La saison de commercialisation de la laitue Iceberg cultivée en Colombie-Britannique s’étend du début juin à la mi-octobre, la période durant laquelle les droits antidumping sont en vigueur. Le marché apparent de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique durant la saison de commercialisation a connu une croissance de 5 p. 100, passant de 472 000 cartons en 1992 à 498 000 cartons en 1995. Les ventes totales (c’est-à-dire les ventes par l’intermédiaire des organismes de vente et aux éventaires routiers) de tous les agriculteurs de la Colombie-Britannique ont augmenté de 24 p. 100 de 1992 à 1995, passant de 203 000 à 252 000 cartons. Les ventes des importations ont diminué de 9 p. 100 de 1992 à 1995, à 246 000 cartons.

La saison de commercialisation de 1996 a été une saison lamentable pour les producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Les mauvaises conditions météorologiques au printemps ont retardé l’ensemencement et, une fois ensemencée, la récolte a été affectée par des pluies abondantes suivies d’un temps très chaud [20] . Ces conditions météorologiques ont eu une incidence à la fois sur les volumes de production et sur la qualité de la récolte. En outre, une grève de six semaines, soit le tiers de la saison de commercialisation de la Colombie-Britannique, a forcé la fermeture de deux des plus grands détaillants de la Colombie-Britannique et a considérablement réduit les ventes de la branche de production nationale de la laitue Iceberg. La baisse de production et les perturbations sur le marché ont eu une incidence sur les ventes de la branche de production nationale, qui ont subi une baisse de 31 p. 100 pour atteindre leur niveau le plus bas durant la période visée par le réexamen, tandis que les importations de laitue Iceberg des États-Unis ont augmenté de 9 p. 100, passant à 269 000 cartons, durant cette même période. Cependant, l’augmentation du volume des importations n’a pas suffi à compenser la baisse des ventes de la branche de production nationale, et le marché total de la laitue Iceberg s’est contracté de 11 p. 100 en 1996 par rapport à 1995.

Les mauvaises conditions météorologiques ont continué d’affecter la production de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique en 1997. Selon les prévisions, les ventes de la saison de commercialisation de 1997 seront inférieures de plus de 25 p. 100 aux ventes de la saison de commercialisation de 1996, passant à 128 000 cartons [21] .

Les agriculteurs de la Colombie-Britannique ont gagné 8 points de pourcentage de part du marché entre 1992 et 1995, leur part passant de 43 p. 100 à 51 p. 100 du marché durant la saison de commercialisation. Cependant, en 1996, ils ont perdu 12 points de pourcentage au profit des importations en provenance des États-Unis, leur part du marché baissant à 39 p. 100, la plus faible durant la période visée par le réexamen. Le Tribunal observe que, à l’exception de 1996 qui a été une année anormale pour les agriculteurs de la Colombie-Britannique en raison de facteurs sur lesquels ils n’avaient aucun contrôle, la branche de production nationale a pu regagner une grande partie de la part du marché qu’elle avait perdue durant la période de 1988 à 1992. Par exemple, en 1995, les agriculteurs de la Colombie-Britannique détenaient presque 51 p. 100 du marché, par rapport à 50 p. 100 en 1989 [22] .

POSITION DE LA BCVMC

Les avocats de la BCVMC ont soutenu que les facteurs fondamentaux qui ont fondé les conclusions de 1992 n’ont pas changé. Ils ont soutenu que la Colombie-Britannique demeure un marché régional. De plus, ils ont soutenu qu’il y aura vraisemblablement reprise du dumping si les conclusions sont annulées et que la reprise du dumping causera vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Ils ont fait valoir que le dumping sera vraisemblablement concentré sur le marché régional et que les agriculteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique subiront un dommage sensible si les conclusions sont annulées.

Selon les avocats, les éléments de preuve montrent que la laitue Iceberg cultivée en Colombie-Britannique et la laitue Iceberg importée sont des marchandises similaires. Les deux produits présentent les mêmes caractéristiques physiques, les consommateurs ne font aucune différence entre les deux produits, et les deux produits ont la même utilisation générale. Les avocats ont soutenu que la menace de dumping n’a pas changé depuis 1992. Ils ont renvoyé aux éléments de preuve indiquant que les prix des États-Unis sont demeurés sous les valeurs normales pendant de longues périodes durant la période visée par le réexamen, et que les niveaux de production des États-Unis sont demeurés extrêmement élevés. Étant donné que la Colombie-Britannique est relativement proche des grandes régions où la laitue Iceberg est cultivée aux États-Unis, les avocats ont fait valoir que le marché de la Colombie-Britannique demeure vulnérable à l’excédent de la production des États-Unis.

Enfin, les avocats ont soutenu que la menace de dommage sensible demeure elle aussi inchangée. Comme en 1992, le dumping de la laitue Iceberg des États-Unis causerait un dommage sensible, semblable à celui qu’ont subi les agriculteurs de la Colombie-Britannique entre 1988 et 1991. Les avocats ont soutenu que, en l’absence du dumping, les agriculteurs de la Colombie-Britannique sont compétitifs. Ils ont renvoyé aux éléments de preuve qui montrent que la part du marché de ces derniers et leur niveau de production ont augmenté au cours des cinq dernières années, malgré la différence d’échelle de production entre la branche de production nationale et celle des États-Unis. Les avocats ont aussi renvoyé aux éléments de preuve indiquant que les agriculteurs appliquent de nouvelles technologies, investissent des sommes d’argent importantes et progressent grâce à leurs efforts de recherche et de commercialisation. Les avocats ont soutenu que, en l’absence de droits antidumping, il serait très gravement porté atteinte aux efforts susmentionnés, ce qui sous-tend la menace très réelle de dommage sensible. Le dommage prendrait la forme d’une perte de rentabilité, de part du marché, d’investissements et d’emplois.

ANALYSE

Avant d’en arriver à la décision de proroger ou d’annuler les conclusions, le Tribunal a d’abord examiné s’il existait encore une branche de production régionale de la laitue Iceberg en Colombie-Britannique. Plus précisément, le Tribunal a examiné si les deux conditions énoncées au paragraphe 2(1.1) de la LMSI sont toujours satisfaites, à savoir a) si les producteurs du marché vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production de marchandises similaires [23] sur ce marché, et b) si la demande sur ce marché n’est pas satisfaite, dans une mesure importante, par les producteurs de marchandises similaires situés ailleurs au Canada.

Le Tribunal est d’avis que les deux conditions énoncées au paragraphe 2(1.1) de la LMSI sont satisfaites et qu’il existe toujours une branche de production régionale de la laitue Iceberg en Colombie-Britannique. Les éléments de preuve montrent que, de 1992 à 1996, plus de 85 p. 100 des ventes de laitue Iceberg effectuées par les agriculteurs appartenant aux organismes de vente à partir de la production de la Colombie-Britannique ont été destinées à la consommation en Colombie-Britannique. Les agriculteurs appartenant aux organismes de vente ont exporté des volumes négligeables de laitue Iceberg et expédié entre 8 p. 100 et 15 p. 100 de la production de la Colombie-Britannique à des marchés situés ailleurs au Canada [24] . Les éléments de preuve indiquent aussi que la laitue Iceberg cultivée dans les autres provinces n’est pratiquement pas vendue en Colombie-Britannique [25] .

Pour proroger les conclusions, le Tribunal doit conclure qu’il y aura probablement reprise du dumping sur le marché régional et que la reprise du dumping causera un dommage sensible à la branche de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Dans une décision concernant la probabilité de dommage à la production sur un marché régional, les conclusions ne seront pas prorogées à moins que le Tribunal ne conclue que le dumping est susceptible d’être concentré sur le marché régional et que le dommage est susceptible d’être causé aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production de marchandises similaires sur ce marché [26] .

Probabilité de reprise du dumping

Après avoir examiné les éléments de preuve dans la présente cause, le Tribunal est d’avis qu’il y aura probablement reprise du dumping si les conclusions sont annulées. La conclusion du Tribunal est fondée sur le fait que la Colombie-Britannique est un marché d’exportation traditionnel pour la laitue Iceberg des États de l’Ouest des États-Unis (comme la Californie, Washington et l’Arizona), les plus grands exportateurs de laitue Iceberg vers la Colombie-Britannique, que ces États, plus particulièrement la Californie, disposent d’une énorme capacité de production de laitue Iceberg, que le marché de la Colombie-Britannique est un preneur de prix (autrement dit qu’il est forcé d’accepter les prix) en ce qui a trait à la laitue Iceberg et que les prix de la laitue Iceberg des États-Unis ont régulièrement été inférieurs aux valeurs normales depuis les conclusions.

Le Tribunal reconnaît que la Californie et les autres États de l’Ouest sont la source de beaucoup de denrées agricoles pour le marché de la Colombie-Britannique, durant la saison de croissance en Colombie-Britannique et toute l’année durant, et que la laitue Iceberg est une des nombreuses denrées expédiées de la Californie en Colombie-Britannique. Les importations de laitue Iceberg en provenance des États-Unis ont joué un rôle important relativement à la satisfaction de la demande sur le marché de la Colombie-Britannique durant la saison de commercialisation. Les données montrent que, depuis 1989, les importations en provenance des États-Unis ont constitué de 50 p. 100 à 63 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique, sauf en 1995, ou elles ont constitué 49 p. 100 [27] du marché. Même en présence de droits antidumping, les exportateurs des États-Unis ont pu maintenir leur part du marché au-dessus de 50 p. 100 durant la saison de croissance. Les éléments de preuve montrent aussi que la production de la Colombie-Britannique ne satisfait pas entièrement la demande du marché de la Colombie-Britannique durant la saison de croissance [28] et, bien sûr, qu’il n’y a aucun approvisionnement en provenance de la Colombie-Britannique en-dehors de la saison de croissance. Le Tribunal est d’avis que cette situation ne changera vraisemblablement pas dans un proche avenir. En outre, les éléments de preuve présentés par certains importateurs indiquent que ces derniers continueront d’importer de la laitue Iceberg des États-Unis parce que leurs clients demandent de la laitue Iceberg cultivée aux États-Unis [29] . Le Tribunal a aussi entendu des témoins de deux grands détaillants qui, même s’ils s’efforcent d’acheter de la laitue Iceberg de source canadienne dans toute la mesure possible durant la saison de commercialisation, importent de petites quantités de laitue Iceberg de la Californie durant cette même saison pour se protéger contre la pénurie de laitue de source nationale ou contre la mauvaise qualité ou l’insuffisance des approvisionnements, attribuables aux conditions météorologiques [30] . Le Tribunal reconnaît aussi que la commercialisation en Colombie-Britannique de la laitue Iceberg des États-Unis est d’autant plus facile que la variété de laitue Iceberg cultivée en Colombie-Britannique est également cultivée en Californie, que les sources des semences sont les mêmes et que les agriculteurs de ces deux régions produisent la même variété ou des variétés similaires de laitue Iceberg [31] . En résumé, tous les éléments de preuve qu’il a examinés portent le Tribunal à croire que la Colombie-Britannique continuera d’être une destination pour la laitue Iceberg des États-Unis, particulièrement de la Californie, et que de telles importations pourraient faire l’objet de dumping durant une partie considérable de la saison de commercialisation, ainsi qu’il est discuté plus loin.

Le Tribunal reconnaît que la Californie est, de loin, la plus importante région de culture de la laitue Iceberg parmi toutes les régions de culture des États-Unis et du Canada, et il croit que, étant donné le volume de sa production, la Californie continue d’être le décideur des prix de la laitue Iceberg dans les deux pays. Le Tribunal note également que, à moins d’imprévus, comme une improbable mauvaise récolte générale, les niveaux annuels de production de laitue Iceberg des États de l’Ouest américain, particulièrement ceux qui approvisionnent le marché de la Colombie-Britannique, ne baisseront vraisemblablement pas de façon marquée. En tout état de cause, le Tribunal est d’avis, sur la foi des éléments de preuve mis à sa disposition, qu’une baisse de la production dans un des États susmentionnés pourrait être compensée par une augmentation de production dans d’autres États producteurs [32] . Bien qu’aucune donnée réelle n’ait été soumise sur la production de laitue Iceberg en Californie exclusivement pour la période correspondant à la saison de commercialisation de la Colombie-Britannique, des éléments de preuve sur la superficie en culture de la laitue Iceberg en Californie pour la période en cause sont disponibles. Ceux-ci montrent que la superficie de laitue Iceberg ensemencée et récoltée de juin à septembre, uniquement en Californie, a peu fluctué d’une année à l’autre durant la période du réexamen, atteignant un sommet de 49 000 acres en 1994 et baissant à son niveau le plus bas, soit 45 000 acres, en 1996. En outre, la superficie prévue pour la culture de laitue Iceberg pour la même période en 1997 est de 49 000 acres [33] .

Le Tribunal est convaincu que la branche de production de la Colombie-Britannique, en raison de sa taille par rapport à celle de la branche de production de la Californie, demeurera un preneur de prix de la laitue Iceberg. Le Tribunal observe que, en 1995, la meilleure année en termes de rendement de la branche de production de la Colombie-Britannique, le volume annuel de laitue Iceberg cultivée en Californie était à lui seul plus de 200 fois celui de la Colombie-Britannique [34] . En 1995, les 47 000 acres de laitue Iceberg récoltés en Californie durant la période de juin à septembre représentaient à eux seuls une superficie environ 110 fois plus vaste que la superficie totale récoltée dans toute la Colombie-Britannique durant cette même période [35] .

Le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels les prix de la laitue Iceberg peuvent fluctuer considérablement et rapidement à la suite de changements de l’offre, un phénomène étroitement lié à la fois aux conditions de croissance et de récolte et à la nature hautement périssable du produit. Un changement néfaste des conditions météorologiques peut facilement être la cause de récoltes de mauvaise qualité et de pénurie de l’offre, ce qui a pour effet de faire monter les prix. Les prix plus élevés peuvent susciter une augmentation de la production et, subséquemment, une offre abondante. Les agriculteurs, confrontés à des surplus d’une denrée agricole impossible à stocker, seraient alors contraints de baisser leurs prix pour vendre leurs récoltes. Il s’agit là d’un scénario qui s’applique en général de façon évidente à la plupart des denrées périssables et particulièrement aux denrées dont les prix au Canada sont fondés sur les prix de vente aux États-Unis.

Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal montrent que, durant la période du réexamen, soit de 1993 à 1996, les prix FAB à l’exportation [36] de la laitue Iceberg ont la plupart du temps été inférieurs aux valeurs normales calculées par Revenu Canada et que des droits antidumping considérables ont été imposés. Les éléments de preuve montrent que, pour la laitue Iceberg vendue en cartons de 24 pommes emballées dans une pellicule cellulosique, les prix FAB à l’exportation ont été inférieurs aux valeurs normales plus de 60 p. 100 du temps [37] , soit 43 semaines sur les 71 semaines de commercialisation entre 1993 et 1996. En 1993, les prix FAB à l’exportation de laitue Iceberg ont été inférieurs aux valeurs normales plus de la moitié du temps, 67 p. 100 du temps en 1994, 35 p. 100 du temps en 1995 et 89 p. 100 du temps en 1996 [38] . La tendance des prix FAB à l’exportation à être inférieurs aux valeurs normales a été similaire pour la laitue Iceberg non emballée au cours de la même période. Sur une base annuelle, il en est résulté l’imposition de droits antidumping qui ont fluctué, passant de plus de 185 000 $ en 1993 à presque deux fois ce montant en 1994, à 55 000 $ en 1995 et à 310 000 $ en 1996 [39] . Le Tribunal conclut que les montants susmentionnés prouvent qu’il y aura vraisemblablement reprise du dumping si les droits antidumping sont annulés.

Les éléments de preuve au dossier montrent aussi que les prix américains de la laitue Iceberg durant la saison de commercialisation de 1997 ont été la plupart du temps beaucoup plus élevés que les valeurs normales [40] . Cependant, le Tribunal a entendu dire que l’année 1997 n’a pas été une année représentative des prix de la laitue Iceberg des États-Unis et que les prix ont été beaucoup plus élevés que prévus. Un témoin de la branche de production nationale a déclaré que la demande a dépassé l’offre au cours de deux mois et que les prix sont en général demeurés beaucoup plus élevés toute la saison durant, particulièrement de juin à septembre [41] . Trois causes ont été avancées pour expliquer cette situation : 1) les expéditions de la Californie en juin et en juillet ont été inférieures aux niveaux prévus, selon la superficie en culture prévue au début de l’année; 2) certains indices portaient à croire que des régions de culture en Californie étaient soumises à des conditions de croissance inhabituelles, comme l’infestation de ravageurs et un temps très chaud en juillet; 3) d’autres plus petites régions de culture de l’Est des États-Unis éprouvaient des difficultés d’ensemencement, ce qui a réduit les approvisionnements disponibles pour suppléer aux expéditions de la Californie durant l’été [42] . Le Tribunal est d’avis que les conditions particulières auxquelles les agriculteurs des États-Unis ont été confrontés en 1997 ont principalement été attribuables à des conditions météorologiques qui ne persisteront vraisemblablement pas. Par conséquent, la tendance constatée au niveau des prix en 1997 n’est pas susceptible de se maintenir au cours des années à venir.

En raison de la situation actuelle et de la situation prévue relativement à la production et à l’établissement des prix aux États-Unis, et en l’absence d’éléments de preuve du contraire, le Tribunal prévoit que les prix des États-Unis seront vraisemblablement inférieurs aux valeurs normales établies par Revenu Canada pendant une grande partie des saisons de croissance à venir et qu’il y aura vraisemblablement reprise du dumping si les conclusions sont annulées.

Probabilité de dommage sensible

Le Tribunal a ensuite examiné la question de savoir si une reprise du dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Le Tribunal a aussi examiné la question de savoir si le dumping était susceptible d’être concentré sur le marché régional et si un dommage serait subi par la totalité ou la quasi-totalité des producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique.

Après avoir examiné les éléments de preuve, le Tribunal conclut que, si les conclusions sont annulées, la reprise du dumping causera probablement un dommage sensible à la branche de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. À cet égard, le Tribunal a examiné la sensibilité des prix de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique aux importations sous-évaluées en provenance des États-Unis, la rentabilité de la branche de production durant la période visée par le réexamen et la situation actuelle de la branche de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique.

Quant à la sensibilité des prix de la Colombie-Britannique aux prix de la laitue Iceberg des États-Unis, le Tribunal observe que l’importante part du marché de la Colombie-Britannique détenue par les importations de laitue Iceberg des États-Unis et la preuve écrasante que le marché de la Colombie-Britannique est preneur de prix en ce qui a trait à la laitue Iceberg de la Californie indiquent que les prix des États-Unis constituent le principal point de référence des prix de la Colombie-Britannique. En l’absence de droits antidumping, les prix de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique seraient établis principalement en fonction des prix du marché des États-Unis, puisque la branche de production appliquerait la même méthode d’établissement des prix que celle qu’elle appliquait avant les conclusions et serait forcée d’égaler les prix de vente des États-Unis.

Ainsi qu’il a déjà été fait observer, le Tribunal a conclu que les prix des États-Unis ont été, pendant la majeure partie de la période visée par le réexamen, inférieurs au prix minimal établi d’après les valeurs normales. Le Tribunal est d’avis que, sans la protection des conclusions au cours des cinq dernières années, les agriculteurs de la Colombie-Britannique auraient eu à composer avec des prix affaiblis durant la majeure partie de cette période. Le Tribunal est d’avis que, s’il y a reprise du dumping à l’avenir en l’absence de conclusions, les prix baisseront jusqu’au niveau des prix des États-Unis et les agriculteurs de la Colombie-Britannique subiront probablement un dommage sensible sous forme d’effritement des prix et de baisse de revenus.

Les éléments de preuve montrent nettement que les conclusions de 1992 ont procuré une certaine stabilité à la branche de production, particulièrement au cours des périodes durant lesquelles les prix américains de la laitue Iceberg étaient inférieurs aux valeurs normales. Il y a eu amélioration des revenus durant la période visée par le réexamen en raison de l’effet combiné des prix plus élevés et des meilleurs volumes des ventes. Le prix de vente moyen du carton de laitue Iceberg vendu en Colombie-Britannique a augmenté, passant de 11,58 $ en 1992, l’année qui a précédé les conclusions, à 11,72 $ et à 12,25 $ en 1993 et en 1994 respectivement. Il a baissé légèrement, jusqu’à 12,00 $ le carton en 1995, mais était encore supérieur de 4 p. 100 à celui du début de la période visée par le réexamen [43] . En 1996, le prix de vente moyen est tombé à son plus bas niveau de la période de réexamen, soit à 10,86 $ le carton. Cette baisse est attribuable à l’effet combiné des prix de vente américains plus bas et d’une qualité moindre de la production nationale en termes de la taille des pommes de laitue Iceberg [44] , les conditions de croissance ayant entraîné l’augmentation de la quantité de laitue Iceberg vendue en caisses-cellules. Les prix de vente de la laitue Iceberg vendue en caisses-cellules sont considérablement moindres que les prix de la laitue Iceberg vendue, soit non emballée soit emballée dans une pellicule cellulosique, en cartons [45] . Les ventes de laitue Iceberg ont aussi augmenté durant la période visée par le réexamen. Après une diminution de moins de 2 p. 100 en 1993 par rapport à 1992, les ventes ont augmenté de plus de 12 p. 100 tant en 1994 qu’en 1995, atteignant 252 000 cartons [46] . Ainsi qu’il a déjà été indiqué, les ventes nationales de laitue Iceberg ont brusquement chuté en 1996 en raison de circonstances imprévues.

Le Tribunal reconnaît que d’autres facteurs, comme les conditions météorologiques, les conditions de croissance et la hausse globale des coûts du matériel et de la main-d’œuvre, ont eu une incidence sur le rendement financier de la branche de production durant la période visée par le réexamen et peuvent continuer à avoir une telle incidence, indépendamment du dumping. Cependant, le Tribunal est d’avis, sur la foi des éléments de preuve présentés, que la reprise du dumping en Colombie-Britannique aurait une incidence importante sur le rendement financier des agriculteurs et causerait un dommage sensible à la branche de production. Avec les éléments de preuve qu’ils ont présentés, les agriculteurs de la Colombie-Britannique ont montré l’incidence de la protection que les conclusions ont procurée à la branche de production [47] durant la période visée par le réexamen. La comparaison des rendements nets des agriculteurs en présence et en l’absence des droits antidumping a révélé que les rendements nets des agriculteurs, en l’absence de droits antidumping, auraient subi une baisse annuelle de 8 p. 100 à 50 p. 100 durant la période allant de 1993 à 1996, la diminution moyenne sur l’ensemble de la période s’établissant à 25 p. 100. Le Tribunal conclut que l’ampleur de la diminution probable des rendements des agriculteurs, si les conclusions ne sont pas prorogées, serait considérable et aurait une incidence importante sur la rentabilité de la branche de production.

Le Tribunal fait de plus observer que, depuis les conclusions, les agriculteurs de la Colombie-Britannique, par l’intermédiaire de Cloverdale, ont fait des efforts considérables pour demeurer concurrentiels et pour satisfaire la demande du marché en investissant dans du matériel et du personnel formé. Au cours de la période visée par le réexamen, Cloverdale a acheté du matériel de récolte à Salinas (Californie) afin d’emballer dans les champs la laitue Iceberg dans une pellicule cellulosique et ainsi satisfaire la demande des grands détaillants à l’endroit des pommes de laitue Iceberg emballées dans une pellicule cellulosique. Ce matériel a aussi permis aux agriculteurs de réduire la durée des travaux de récolte, de restreindre la manutention et de diminuer l’occurrence des meurtrissures de la laitue Iceberg, améliorant ainsi la qualité générale du produit. En outre, pour réduire les coûts, Cloverdale a, en 1994, acheté le matériel de réfrigération et de refroidissement sous vide de la société West Coast Cooling, une entreprise privée exploitée sur les lieux [48] . Des agriculteurs ont aussi investi, à titre individuel, dans leur exploitation agricole au cours de la période visée par le réexamen, achetant de la machinerie agricole, du matériel d’irrigation et autres. Selon les témoins, ces investissements ont amélioré l’efficience des exploitations agricoles et la qualité globale du produit [49] . Certains agriculteurs ont également investi dans l’exploitation de serres [50] , à des fins de culture de plantons et dans la recherche [51] , pour mettre à l’essai diverses variétés de laitue Iceberg. Le Tribunal observe que, même si certains des investissements susmentionnés n’ont pas été directement et totalement liés à la culture et à la récolte de la laitue Iceberg, ils indiquent l’importance que la culture de la laitue Iceberg revêt pour les agriculteurs et démontrent que ces derniers s’efforcent d’améliorer leur compétitivité non seulement en cultivant la laitue Iceberg, mais aussi par l’amélioration globale de leur exploitation agricole.

Le Tribunal est d’avis que les agriculteurs ont pu investir dans leur exploitation agricole en tirant profit de la protection accordée par les droits antidumping. Ils ont ainsi accru leur production et leurs rendements, amélioré la qualité de leur laitue Iceberg et haussé leurs revenus. De tels investissements seraient en grande partie mis en péril s’il y avait reprise du dumping à la suite de l’annulation des conclusions.

Pour ce qui est de la condition selon laquelle le dumping doit être concentré sur le marché régional, bien que les éléments de preuve montrent que les niveaux de concentration des importations ont diminué durant la période visée par le réexamen, il s’agit là d’un état des choses prévisible en période d’application d’une protection antidumping [52] . Le Tribunal est d’avis que, si les conclusions sont annulées, les niveaux de concentration remonteront au moins jusqu’à leur seuil de 1992, étant donné le niveau élevé des importations des États-Unis en Colombie-Britannique et les tendances récentes qui indiquent que cet état des choses se continuera probablement. Le Tribunal est donc d’avis que le dumping sera probablement concentré sur le marché régional si les conclusions sont annulées.

Pour ce qui est de la condition, dans le cas d’une branche de production régionale, selon laquelle le dommage doit être causé aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production des marchandises similaires sur le marché régional, aucun élément de preuve ne porte à croire que certains agriculteurs seraient moins susceptibles de subir un dommage que d’autres, advenant l’annulation des droits antidumping. Plusieurs témoins ont déclaré que le dommage serait largement répandu et aurait une incidence importante sur l’ensemble de la branche de production. Le Tribunal est donc d’avis que, si les conclusions sont annulées, la totalité ou la quasi-totalité des producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique subiront un dommage sensible.

CONCLUSION

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal proroge, sans modification, les conclusions qu’il a rendues concernant la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47.

2. Conclusions, le 30 novembre 1992, Exposé des motifs, le 15 décembre 1992.

3. Gazette du Canada Partie I, vol. 131, no 10, le 8 mars 1997 à la p. 755.

4. Ibid. no 20, le 17 mai 1997 à la p. 1533.

5. Ibid. no 29, le 19 juillet 1997 à la p. 2067.

6. Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

7. C.R.C., vol. II, ch. 285, modifié.

8. L.R.C. (1985), ch. 20 (4e suppl.).

9. Les agriculteurs sèment de la laitue Iceberg, soit sous forme de semence ou de plant, à chaque semaine environ, sur quelques acres à la fois. Le cycle comporte, en moyenne, environ 20 ensemencements par année.

10. Pour empêcher sa détérioration, il faut refroidir la laitue Iceberg; sinon, elle ne se conserve que pendant quelques jours. Elle est refroidie sous vide à environ 1 oC, puis gardée dans un entrepôt frigorifique pour qu'elle conserve une apparence croustillante et fraîche.

11. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 101.

12. Ibid. à la p. 125.

13. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 204-5.

14. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 101.

15. R.S.B.C. 1979, ch. 296.

16. Pièce du Tribunal RR-97-002-1, dossier administratif, vol. 1 à la p. 9.

17. Les agriculteurs appartenant aux organismes de vente sont des agriculteurs qui expédient leurs produits par l'intermédiaire des organismes de vente. Ils ont représenté environ 99 p. 100 de la production totale de laitue Iceberg durant la période visée par le réexamen.

18. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 106.

19. Ibid. à la p. 109.

20. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 107-108.

21. Ibid. à la p. 59.

22. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 162.

23. Le Tribunal a conclu, dans l'enquête no NQ-92-001, que la laitue Iceberg cultivée en Colombie-Britannique et la laitue Iceberg importée étaient des marchandises similaires.

24. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 112.

25. Ibid. à la p. 113.

26. Voir, par exemple, la décision sur les Oignons jaunes, frais et entiers, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et destinés à être utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique, Tribunal canadien du commerce extérieur, réexamen no RR-91-004, Ordonnance et Exposé des motifs, le 22 mai 1992 à la p. 10; et le paragraphe 42(5) de la LMSI.

27. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 162.

28. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 240 et 254; et Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, dossier administratif, vol. 1 à la p. 113.

29. Pièces du Tribunal RR-97-002-27.1 (protégée), RR-97-002-27.2A (protégée), RR-97-002-27.11 (protégée) et RR-97-002-27.14 (protégée), dossier administratif, vol. 6 aux p. 4, 14, 78 et 107 respectivement; et pièce du Tribunal RR-97-002-29.3, dossier administratif, vol. 5.1 à la p. 42.

30. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 271-74 et 279-81.

31. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 à la p. 106.

32. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 132.

33. Pièce du fabricant A-3, appendice « B », dossier administratif, vol. 11; et Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 à la p. 122.

34. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 aux p. 106 et 132.

35. Ibid. à la p. 125.

36. Revenu Canada détermine hebdomadairement les prix FAB à l'exportation au Canada de la laitue Iceberg des États-Unis d'après les prix qui prévalent sur le marché de la Californie

37. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 127.

38. Ibid. à la p. 128.

39. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 105.

40. Pièce du fabricant A-13, dossier administratif, vol. 11.

41. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 à la p. 124.

42. Ibid. aux p. 122-24.

43. Ibid. à la p. 126.

44. Le témoin de Cloverdale a déclaré que les écarts de taille des pommes ne sont pas permis dans le commerce de détail.

45. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 56, 80 et 169.

46. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 113.

47. Pièce du fabricant A-14, dossier administratif, vol. 11.

48. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 79 et 300.

49. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 8 octobre 1997 aux p. 221-22.

50. Ibid. à la p. 212.

51. Ibid. aux p. 207 et 212.

52. Public Pre-Hearing Staff Report, le 24 juillet 1997, pièce du Tribunal RR-97-002-5, dossier administratif, vol. 1 à la p. 131.


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Publication initiale : le 21 janvier 1998