BICYCLETTES ET CADRES DE BICYCLETTES

Réexamens (article 76)


BICYCLETTES ET CADRES DE BICYCLETTES ORIGINAIRES OU EXPORTÉ
DE TAÏWAN ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Réexamen no : RR-97-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 10 décembre 1997

Réexamen no : RR-97-003

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002, concernant les :

BICYCLETTES ET CADRES DE BICYCLETTES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAÏWAN ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions qu’il a rendues le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par les présentes, sans modification, ses conclusions concernant les bicyclettes assemblées ou démontées avec des roues d’un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportées de Taïwan et de la République populaire de Chine, à l’exclusion des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine. Le Tribunal proroge en outre ses conclusions concernant les cadres de bicyclettes originaires ou exportés des pays susmentionnés, avec une modification afin d’exclure les cadres de bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 100 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire


L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Ottawa, le mercredi 24 décembre 1997

Réexamen no : RR-97-003

BICYCLETTES ET CADRES DE BICYCLETTES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAÏWAN ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience : Du 15 au 17 et le 20 octobre 1997
Date de l’ordonnance : Le 10 décembre 1997
Date des motifs : Le 24 décembre 1997

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Raynald Guay, membre
Patricia M. Close, membre

Directeur de la recherche : Sandy Greig

Agent principal de la
recherche : John O’Neill

Agents de recherche : Don Shires
Richard Cossette

Économiste : Ihn Ho Uhm

Préposés aux statistiques : Po-Yee Lee
Lise Lacombe

Avocats pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Heather A. Grant

Agent à l’inscription et
à la distribution : Gillian E. Burnett


Participants : C.J. Michael Flavell, c.r.
Geoffrey C. Kubrick
Paul M. Lalonde
Christopher J. Kent
pour Canadian Bicycle Manufacturers
Association
Les Industries Raleigh du Canada
Limitée
Groupe Procycle Inc.
Victoria Precision Inc.

Steve Kushneryk
BKH Summit Distributors

(producteurs nationaux)
Darrel H. Pearson
Jeffery D. Jenkins
Peter Collins
pour Conseil du commerce de détail du Canada

Peter Clark
Chris Hines
Sui-Yu Wu
pour Taïwan Bicycle Exporters’ Association

James P. McIlroy
pour Canadian Association of Specialty
Bicycle Importers

Paul K. Lepsoe
pour Specialized Bicycle Components
Canada, Inc.

Greg A. Tereposky
Serge L. Fréchette
pour Dynacraft Industries, Inc.
Shun Lu Bicycle Company

Shen Miaosen
Chen Yi
Shanghai Forever Bicycle Co., Ltd.

Dennis R. Abbas
CSA Canada

(importateurs – exportateurs – autres)

Témoins :

Raymond Dutil
Président
Groupe Procycle Inc.

Daniel Maheux
Directeur des finances
Groupe Procycle Inc.

Ephrem Busque
Vice-président, Opérations
Groupe Procycle Inc.

Philip Stanimir
Président et Chef de la direction
Victoria Precision Inc.

Louis Nolet
Contrôleur
Victoria Precision Inc.

Kenneth B. Morrison
Vice-président, Finances
Les Industries Raleigh du Canada Limitée

Ron Hanson
Vice-Président
Ventes, commercialisation et distribution
Les Industries Raleigh du Canada Limitée

Jim Wilkinson
Directeur
Génie industriel et Informatique
Les Industries Raleigh du Canada Limitée

Paul Thompson
Acheteur
Bicyclettes et appareils de conditionnement physique
Division des articles de loisirs
Société Canadian Tire Limitée

Dennis R. Abbas
Président
CSA Canada

S.E. (Stan) Morris
Directeur, Tarifs
Capital Customs Brokers, Div. of Apex Customs & Business Consultants Ltd.

Rob Watt
Directeur de la Division des marchandises
Articles de sports
Bureau des achats
Zellers Inc.

John Simpson
Acheteur - Articles de sports
Bureau des achats
Zellers Inc.

Rick Ranta
Acheteur
Appareils de conditionnement physique et bicyclettes
Sears Canada Inc.

Antony Lo
Président
Giant Mfg. Co., Ltd.

John Koo
Directeur
Giant Bicycle Canada Inc.

Jacob Heilbron
The Bicycle Group

Larry Koury
Directeur général
Specialized Canada, Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (LMSI), des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002 [2] , concernant les bicyclettes assemblées ou démontées, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, et les cadres de bicyclettes originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine (la Chine), à l’exclusion des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen [3] le 15 mai 1997. L’avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants, importateurs et acheteurs canadiens de bicyclettes et cadres de bicyclettes visés par le présent réexamen. Des questionnaires ont aussi été envoyés à l’Ambassade de la République populaire de Chine, au Taipei Economic and Cultural Office et à la Taiwan Bicycle Exporters’ Association (TBEA). À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, y compris le ministère du Revenu national (Revenu Canada) et Statistique Canada, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience. En outre, les parties se sont adressé des demandes de renseignements concernant des questions pertinentes au présent réexamen.

Le dossier du présent réexamen comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les conclusions de l’enquête no NQ-92-002. Il comprend aussi l’avis de réexamen, les réponses publiques et protégées aux questionnaires du réexamen de 1997, les rapports publics et protégés préalables à l’audience, dans le cadre de l’enquête de 1992 et du réexamen de 1997, les demandes de renseignements et les réponses publiques et protégées soumises en réponse aux demandes de renseignements. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats ou conseillers indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal des actes de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues du 15 au 17 et le 20 octobre 1997 à Ottawa (Ontario).

La Canadian Bicycle Manufacturers Association (CBMA) et ses sociétés membres, Groupe Procycle Inc. (Procycle), Les Industries Raleigh du Canada Limitée (Raleigh) et Victoria Precision Inc. (Victoria), étaient représentées par des avocats à l’audience. Les parties ont soumis des éléments de preuve et leurs avocats ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Le Conseil du commerce de détail du Canada (le Conseil du commerce de détail), la TBEA, la Canadian Association of Specialty Bicycle Importers (CASBI), Specialized Bicycle Components Canada, Inc. (Specialized) et Dynacraft Industries, Inc. et Shun Lu Bicycle Company (Dynacraft et Shun Lu) étaient représentées par des avocats ou autres conseillers à l’audience. Les parties ont déposé des éléments de preuve et leurs avocats ou conseillers ont plaidé en faveur de l’annulation des conclusions.

CSA Canada a participé à l’audience, a soumis des éléments de preuve et a plaidé en faveur de l’exclusion de l’« autobike » (« bicyclette automatique ») des conclusions si elles étaient prorogées.

PRODUITS

Les produits qui font l’objet du présent réexamen sont les bicyclettes assemblées ou démontées, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, et les cadres de bicyclettes originaires ou exportés de Taïwan et de la Chine. Les bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine ont été exclues des conclusions.

PRODUCTEURS NATIONAUX

Les trois plus grands producteurs nationaux de bicyclettes sont Procycle, Raleigh et Victoria. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, ces sociétés sont membres de la CBMA. Elles produisent des bicyclettes pour d’autres sociétés qui vendent des bicyclettes sur le marché, ainsi que des cadres utilisés dans la fabrication de leurs propres bicyclettes. Chacune des sociétés susmentionnées vend des bicyclettes sous des noms commerciaux et des marques de distributeur aux marchands-détaillants.

En plus des membres de la CBMA, il existe plusieurs autres plus petits producteurs de bicyclettes. Certains de ces plus petits producteurs fabriquent à la fois des cadres qu’ils vendent sur le marché et des cadres qu’ils utilisent dans leur propre production de bicyclettes.

Procycle

Procycle est une société canadienne dont l’usine et le siège social sont situés à Saint-Georges de Beauce (Québec). Elle est une filiale en propriété exclusive de Gestion Pro-Vélo Inc. Procycle a commencé à assembler des bicyclettes en 1971. En 1977, elle a commencé à fabriquer ses propres cadres. En 1982, Procycle a acquis les droits de la marque CCM. La société vend présentement ses produits sous les noms commerciaux Oryx, Mikado, Peugeot, Vélo Sport et CCM par l’intermédiaire de détaillants indépendants, de magasins à grande surface et de groupes d’acheteurs. En juillet 1997, Procycle a acquis Rocky Mountain Bicycle Co. Ltd. (Rocky Mountain).

Raleigh

Raleigh fait partie de l’organisation mondiale Raleigh. Cette dernière fait du commerce et de la fabrication dans sept pays et exploite des accords de distribution et des franchises à travers le monde. L’organisation Raleigh est la propriété de Derby International Corporation S.A., une société privée du Luxembourg. Le siège social de Raleigh et un entrepôt de distribution sont situés à Oakville (Ontario). Ses installations de production au Canada sont situées à Waterloo (Québec). Au Canada, Raleigh ne fabrique que des bicyclettes. La société commercialise ses produits par l’intermédiaire de deux circuits de distribution. Les noms commerciaux de Raleigh incluent les noms Raleigh et Triumph, ces noms étant commercialisés en exclusivité par l’intermédiaire d’un réseau de détaillants indépendants, tandis que ses produits de marques de distributeur sont principalement vendus à des magasins à grande surface.

Victoria

Victoria est située à Montréal (Québec). À ses débuts, en 1941, la société était un atelier d’usinage qui fabriquait du matériel de précision dans le cadre de l’effort de guerre. Après la guerre, elle a commencé à fabriquer des tricycles pour enfants et, environ 20 ans plus tard, des bicyclettes pour enfants. Au début des années 80, elle a étendu sa gamme de produits, y incluant les bicyclettes pour adultes, qui sont maintenant devenues son produit principal. Victoria commercialise ses bicyclettes sous les noms commerciaux Leader, Minelli et Précision par l’intermédiaire de détaillants indépendants, de groupes d’acheteurs et de magasins à grande surface.

Norco Products Ltd.

Norco Products Ltd. (Norco) a été fondée en 1964 et a commencé à fabriquer des bicyclettes à son usine de Langley (Colombie-Britannique) en 1977. Elle a des bureaux de distribution à son siège social à Port Coquitlam (Colombie-Britannique) ainsi qu’à Woodbridge (Ontario) et à Boucherville (Québec). La gamme de produits de Norco comprend des bicyclettes ou vélos tout terrain bas et haut de gamme, des bicyclettes hybrides, des vélos de course et des bicyclettes pour enfants. Les bicyclettes qu’elle assemble aux Canada sont commercialisées sous les noms commerciaux Norco, Nishiki et Caribou [4] . Norco importe aussi de Taïwan une gamme de bicyclettes tout terrain vendues sous le nom commercial Hoffman Bikes.

Rocky Mountain

Rocky Mountain est située à Port Coquitlam. Il s’agit d’une société incorporée en 1981 qui est demeurée une société privée jusqu’à l’acquisition de ses actifs par Procycle le 1er juillet 1997. Rocky Mountain se spécialise dans les bicyclettes tout terrain haut de gamme. Ses bicyclettes sont distribuées par l’intermédiaire d’un réseau de détaillants exclusif au Canada.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

Le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002, le Tribunal a conclu que le dumping au Canada de bicyclettes assemblées ou démontées, avec des roues d’un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportées de Taïwan et de la Chine, à l’exclusion des bicyclettes dont le prix de vente était supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires [ [Note du réviseur] Maintenant désigné « dommage sensible » causé à la « branche de production nationale » conformément aux modifications apportées à la LMSI. Toutefois, les expressions « préjudice sensible » et « industrie nationale » seront utilisées pour toute référence aux décisions antérieures du Tribunal ou de ses prédécesseurs.] . Le Tribunal a aussi conclu que le dumping au Canada de cadres de bicyclettes originaires ou exportés des pays susmentionnés n’avait pas causé, ne causait pas, mais était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal a observé un déplacement marqué et soudain de la part du marché durant la période allant de 1988 jusqu’au milieu de 1992. Au cours de cette période, la part du marché de l’industrie a chuté, passant de 75 à 37 p. 100, soit une perte de 38 points de pourcentage, tandis que les importations en provenance de Taïwan et de la Chine ont presque triplé et que leur part du marché combinée s’est accrue de 39 points de pourcentage. Les éléments de preuve révélaient que l’accroissement de la demande à l’endroit des bicyclettes à prix comprimés avait été comblé par les importations en question, qui étaient concentrées dans le segment du marché des bicyclettes à bas prix, un segment très sensible aux prix. Le Tribunal a conclu qu’il existait nettement un lien de causalité entre les importations sous-évaluées et le préjudice sensible subi par les producteurs nationaux, sous forme de pertes de ventes, de part du marché et de revenus, ainsi que d’une baisse des bénéfices bruts et d’une diminution du nombre d’emplois qui en résultaient. Quant aux perspectives d’avenir, le Tribunal a fait observer que l’enquête en cause constituait la deuxième enquête sur le dumping préjudiciable des bicyclettes en provenance de Taïwan, les premières conclusions ayant été annulées en 1984 [5] . Le Tribunal a fait observer que, après une période de quelques années sans de conclusions en vigueur, le dumping en provenance de Taïwan avait repris. Le Tribunal a aussi remarqué que plusieurs des grandes installations de production en Chine étaient financées par du capital taïwanais. Se fondant sur les données historiques, le Tribunal a conclu que, en l’absence de conclusions de probabilité de préjudice, le dumping se poursuivrait.

Le Tribunal a conclu que le dumping à venir de cadres de bicyclettes en provenance de Taïwan et de la Chine pourrait contourner les conclusions de préjudice concernant les bicyclettes. Le Tribunal a observé que, en 1977, le Tribunal antidumping (TAD) avait rendu des conclusions de probabilité de préjudice au sujet des importations de cadres de bicyclettes afin de garantir que les conclusions concernant les bicyclettes finies ne soient pas contournées. Le Tribunal a conclu que le même raisonnement s’appliquait également à la cause qu’il entendait alors et a rendu des conclusions de probabilité de préjudice au sujet du dumping de cadres de bicyclettes.

Le Tribunal a exclu les bicyclettes vendues dans le segment des prix élevés du marché parce que, selon le Tribunal, il n’y avait pas eu de préjudice sensible dans ledit segment. L’exclusion visait les bicyclettes d’un prix de vente unitaire supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine. L’exclusion ne visait pas les cadres de bicyclettes.

POSITION DES PARTIES

Producteurs nationaux

Les avocats de la CBMA ont soutenu que les conclusions devraient être prorogées puisque les éléments de preuve montrent qu’il existe une probabilité de reprise du dumping des bicyclettes en question qui causerait un dommage aux producteurs nationaux.

Les antécédents de dumping de Taïwan et de la Chine au Canada et dans d’autres pays indiquent, selon les avocats de la CBMA, une probabilité de reprise du dumping. Les avocats ont fait observer les conclusions de préjudice sensible rendues par le TAD contre Taïwan et la République de Corée (la Corée) en 1977 et l’espoir exprimé par le TAD, lorsqu’il a annulé les conclusions en 1984, que lesdites conclusions décourageraient les pays en cause de poursuivre une telle activité. Les avocats ont soutenu que les données d’exécution de Revenu Canada démontrent que Taïwan et la Chine ont continué de pratiquer le dumping au Canada depuis les conclusions de 1992. Les données d’exécution énumèrent plus de 60 sociétés qui ont payé plus de 10 000 $ en droits antidumping depuis les conclusions. De même, les avocats ont mentionné des cas où les circonstances entourant l’importation de certaines bicyclettes et de certains composants de bicyclettes laissaient à penser à un contournement des conclusions par la Chine [6] .

En ce qui a trait aux autres pays, les avocats de la CBMA ont fait observer que la Chine a fait l’objet de conclusions de dumping par l’Union européenne, le Mexique et les États-Unis, tandis que Taïwan a fait l’objet de conclusions de dumping en Argentine. L’Union européenne a étendu la portée de ses conclusions contre la Chine pour y inclure les cadres de bicyclettes, puisque lesdits cadres étaient importés pour contourner ses conclusions contre les bicyclettes.

La capacité excédentaire en Chine et à Taïwan est aussi un indice, selon les avocats de la CBMA, d’une probabilité de reprise du dumping. Dans ses conclusions de probabilité de préjudice en 1992, le Tribunal s’est reporté à l’imposante capacité de production de la Chine et de Taïwan. La même préoccupation prévaut aujourd’hui, puisqu’il existe une capacité de production excédentaire massive dans le monde, et que le dumping dans d’autres pays par Taïwan et la Chine laisse à penser qu’il existe une capacité excédentaire dans les pays visés.

Abordant ensuite la question de la probabilité de dommage sensible, les avocats de la CBMA ont fait valoir que les conclusions ont eu pour effet d’entraîner, après leur publication en 1992, une baisse marquée des importations en provenance de Taïwan et de la Chine tandis que, en même temps, les volumes des ventes et les profits des producteurs nationaux se sont accrus. Les avocats ont conclu que, si les conclusions étaient annulées, les ventes de Taïwan et de la Chine augmenteraient, entraînant une baisse des prix qui annihilerait les profits de tous les producteurs nationaux.

Le prix, selon les avocats de la CBMA, est un facteur critique dans la décision d’achat des clients. Les fournisseurs des importateurs fabriquent des bicyclettes de qualité, leur réputation est bonne et ils peuvent livrer le produit à temps, ce qui fait que le prix devient le facteur de décision critique. Si un grand acheteur concurrentiel décidait de passer à un fournisseur dont les prix sont inférieurs, les autres acheteurs l’imiteraient. Malgré la préférence exprimée à l’endroit des produits canadiens et le supplément que les acheteurs ont accepté de payer pour obtenir des bicyclettes de production nationale, ce supplément n’atteindrait pas l’écart des prix advenant l’annulation des conclusions et le retour aux prix à l’importation en vigueur avant les conclusions de 1992. Les avocats ont soutenu que la concurrence des prix atteint son plus haut niveau dans le segment du marché des bicyclettes à bas prix et ont avancé qu’une différence de 10 $ au prix cible le plus bas entre les bicyclettes pour adultes de production nationale et les bicyclettes importées devrait être prise en compte par les acheteurs. Les pressions sur les prix en provenance des pays non visés accroîtraient la vulnérabilité de la branche de production canadienne à une reprise du dumping par Taïwan et la Chine.

En plus de l’incidence sur les prix qu’aurait une reprise du dumping, les avocats de la CBMA ont soutenu que les producteurs nationaux étaient vulnérables à une baisse de rentabilité attribuable à la contraction du volume des ventes. Par exemple, une perte de 100 000 unités, même s’il n’y avait aucune baisse des prix, ferait disparaître tous les profits de la branche de production. Le fait qu’une telle baisse des ventes des producteurs nationaux suivrait l’annulation des conclusions est indiqué par le déplacement massif des tendances d’approvisionnement dont il est fait mention dans l’exposé des motifs du Tribunal après l’imposition de droits antidumping provisoires en 1992.

Importateurs – exportateurs – autres

Conseil du commerce de détail du Canada

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont soutenu que les conclusions au sujet des bicyclettes et des cadres de bicyclettes devraient être entièrement annulées. Les producteurs nationaux ne sont pas vulnérables à une reprise du dumping parce qu’ils ont regagné la confiance des détaillants. Ils ont tenu compte des plaintes soulevées au cours de l’enquête de 1992 concernant le produit, les relations avec la clientèle, le service, l’adaptation aux spécifications ou aux besoins des détaillants, et les contraintes de capacité exercées sur l’approvisionnement. Depuis les conclusions, les producteurs nationaux ont effectué plusieurs investissements et améliorations, y compris le matériel de soudage MIG et TIG, les appareils de coupe au tube laser, la peinture en poudre et autres nouvelles techniques de peinture, le matériel de production commandé par ordinateur et la conception assistée par ordinateur, une meilleure inspection de la qualité, la certification ISO et des produits novateurs.

Le Conseil du commerce de détail a soutenu que les principaux magasins à grande surface ne représentent pas une possibilité de pertes éventuelles considérables de volume des ventes. Ces magasins ne passeraient pas d’emblée des bicyclettes de production nationale aux bicyclettes importées à cause d’un écart de prix unitaire de 10 $ pour les bicyclettes pour adultes; ils examineraient d’abord toute une gamme de facteurs non liés aux prix qui jouent dans la décision d’achat. Bien que les magasins à grande surface continuent d’importer, les importations se font aux valeurs normales et concernent surtout les bicyclettes pour enfants. En outre, la baisse des récentes années du dollar canadien par rapport au dollar américain a estompé l’intérêt qu’ont les détaillants canadiens d’acheter à Taïwan et en Chine. Les éléments de preuve selon lesquels les prix offerts par les usines de la Chine demeurent les mêmes, qu’une valeur normale ait été établie à leur endroit ou pas, indiquent que les prix ne baisseront pas si les conclusions sont annulées.

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont survolé la situation de la Société Canadian Tire Limitée (Canadian Tire), de Wal-Mart et de Zellers Inc. (Zellers). Ces entreprises représentent le gros des achats du circuit commercial des magasins à grande surface. Elles vendront des bicyclettes à longueur d’année, rehaussant ainsi les perspectives d’augmentation des ventes des producteurs nationaux. L’accroissement de la capacité de Raleigh lui permettra de fournir à Zellers et à Wal-Mart des quantités supplémentaires. La relation entre Zellers et Raleigh est excellente. Wal-Mart applique une politique d’« achetez canadien ». Canadian Tire et Procycle ont constitué un partenariat pour la marque CCM et il est prévu que Canadian Tire attribuera à Procycle une grande partie de ses commandes concernant la marque Supercycle, ce qui permettra à Procycle de demeurer rentable et préservera l’accès de Canadian Tire à la marque CCM.

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont soutenu que le marché des bicyclettes depuis les conclusions a connu un bon nombre de changements qui ont réduit la vulnérabilité des producteurs nationaux. Ces changements comprennent : 1) un déplacement du marché vers des bicyclettes de meilleure qualité, ce qui a accru la demande et les marges bénéficiaires tant au niveau des grossistes que des détaillants; 2) une diminution de la demande de patins à roues alignées; 3) des prévisions de croissance du marché par les producteurs et les détaillants; 4) l’entrée de Wal-Mart sur le marché, et de sa politique d’« achetez canadien ». De plus, les avocats et le conseiller ont fait valoir la capacité des producteurs nationaux de faire face à la concurrence issue des importations à bas prix en provenance de nouvelles sources étrangères, comme la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie, l’Indonésie et l’Inde.

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont soutenu que les données d’exécution de Revenu Canada ne laissent deviner aucune probabilité de reprise du dumping advenant l’annulation des conclusions. Les droits antidumping payés sur les importations en provenance de Taïwan et de la Chine étaient de minimis en pourcentage de la valeur en douane ou en termes de dollars par unité. Il était difficile d’obtenir des valeurs normales de Revenu Canada, particulièrement en 1993, ce qui a entraîné du dumping par inadvertance. Les problèmes susmentionnés ont en grande partie été corrigés, ce qui se reflète dans les données sur les droits antidumping, en baisse après 1993. De plus, les avocats et le conseiller signalent que les prix sur le marché des États-Unis sont inférieurs aux prix canadiens et que, pourtant, l’enquête menée en 1996 par le US Department of Commerce (le Département du commerce des États-Unis) a déterminé que le dumping y était rare ou inexistant.

En outre, en ce qui a trait à la probabilité de reprise du dumping, les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont fait valoir que l’analyse de la US International Trade Commission (la Commission du commerce international des États-Unis — ci-après désignée la « Commission ») sur la capacité et l’utilisation, effectuée dans le cadre de son enquête de 1996 concernant la Chine, a révélé que les producteurs chinois visés dans l’enquête avaient un taux élevé d’utilisation de la capacité de production. Les avocats et le conseiller ont dit se demander pourquoi les producteurs de Taïwan pratiqueraient le dumping de marchandises en provenance de Taïwan, étant donné qu’ils peuvent vendre des bicyclettes fabriquées à plus bas prix dans les usines taïwanaises relocalisées dans des pays tiers.

Taïwan Bicycle Exporters’ Association

Les conseillers et l’avocat de la TBEA ont soutenu que les conclusions devraient être annulées en ce qui concerne Taïwan. Selon eux, aucun élément de preuve récent ne peut être invoqué à l’appui de la prorogation des conclusions contre Taïwan. La décision de l’Argentine n’a, à cet égard, qu’un poids limité parce qu’elle concerne les importations antérieures à 1994 et a été rendue unilatéralement sans qu’il y ait eu enquête ni consultation avec Taïwan. Plus récemment, ni les États-Unis ni l’Union européenne n’ont inclus les importations taïwanaises dans leur enquête sur le dumping. En outre, l’accroissement des coûts de fabrication a entraîné la fermeture de certaines usines taïwanaises, ou leur déménagement à l’étranger, par exemple, en Chine et aux Philippines, et ainsi diminué la capacité de production de Taïwan. Les producteurs taïwanais hésitent à investir davantage et à développer une capacité excédentaire étant donné que les allégations de dumping les préoccupent. Même s’il y avait une capacité excédentaire en Chine, il est improbable qu’elle servirait à produire des bicyclettes en vue de leur dumping sur le marché canadien, puisque la demande de bicyclettes sur le marché chinois s’accroît. Les conseillers et l’avocat ont dit douter que les prix des bicyclettes de Taïwan baisseraient jusqu’au niveau des prix des bicyclettes de la Thaïlande, de l’Indonésie et des Philippines. Ils ont en outre soutenu que Taïwan est contraint de produire des bicyclettes plus sophistiquées et d’un coût plus élevé.

Le faible ratio des coûts fixes par rapport aux coûts variables de la branche de production, selon les conseillers et l’avocat de la TBEA, empêchera les producteurs taïwanais de vouloir appliquer une politique de rabais des prix pour rehausser le taux d’utilisation de leur capacité advenant l’annulation des conclusions. Il faut aussi dans ce cas tenir compte du niveau élevé des droits, soit 13,2 p. 100 ad valorem, sur les importations en question au Canada. Quant aux données d’exécution, elles ne révèlent, selon les conseillers et l’avocat, qu’une quantité de minimis de dumping. Les marges de dumping, ainsi que les valeurs unitaires, sont minimales et peuvent être attribuées à diverses raisons techniques. En outre, les niveaux relativement élevés de dumping durant la période initiale visée par les conclusions sont biaisés étant donné que le système appliqué par Revenu Canada pour établir des valeurs normales provisoires n’incluait pas l’« année bicyclette » 1993.

Pour ce qui est de la vulnérabilité de la branche de production, les éléments de preuve font ressortir une branche de production saine dont la situation a continué de s’améliorer depuis les conclusions, malgré la concurrence de marchandises à très bas prix provenant de nouveaux fournisseurs à bas prix.

Canadian Association of Specialty Bicycle Importers

L’avocat de CASBI a soutenu que les conclusions de 1992 devraient être annulées complètement ou, sinon, annulées en ce qui concerne Taïwan. Si le Tribunal décide de ne pas annuler les conclusions, l’avocat a soutenu que le seuil d’exclusion des bicyclettes doit être baissé, de 325 $CAN à 120 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

L’avocat de CASBI a soutenu que seuls des montants de minimis de droits antidumping ont été prélevés depuis les conclusions et que ce montant a diminué au cours des cinq dernières années. Les droits antidumping qui ont été versés l’ont été à cause de la difficulté d’obtenir de Revenu Canada les valeurs normales en temps opportun, de classements erronés et de cotisations rétroactives. L’ensemble des droits antidumping pour la période de cinq ans a représenté environ 2 p. 100 de la valeur en douane des importations. Quant aux présumées tentatives de contourner les conclusions, l’avocat a soutenu qu’aucun élément de preuve n’a été déposé au sujet des membres de CASBI et de Specialized. Quant aux décisions antidumping rendues dans les autres pays, il a fait valoir les facteurs suivants : 1) Taïwan n’a été mise en cause qu’en Argentine; 2) dans le cas des États-Unis, seulement trois des neuf exportateurs chinois avaient une « quelconque » marge de dumping et ces marges variaient de 2 p. 100 à 3 p. 100.

L’amélioration de la production, des ventes, de la part du marché et du niveau de bénéfices depuis les conclusions a démontré, aux dires de l’avocat de CASBI, que la branche de production nationale a recouvré sa santé financière et n’est plus vulnérable à une reprise du dumping. La part du marché des importations en question a baissé, passant de 56 p. 100 en 1992 à 20 p. 100 en 1997, tandis que les producteurs nationaux ont réalisé un gain de 26 points de pourcentage, et que la part détenue par les importations non visées s’est accrue de 10 points de pourcentage. La capacité de récupération des producteurs canadiens ressort aussi du fait qu’ils ont pu maintenir à plus de 60 p. 100 leur part du marché au cours des trois dernières années, même si le marché a été en décroissance de 1995 à 1997. Il a été démontré que les producteurs américains détenaient une part du marché américain légèrement plus basse entre 1992 et 1997, et pourtant la Commission a conclu à l’absence de dommage attribuable au dumping de bicyclettes chinoises.

Malgré la décroissance de la production canadienne, les producteurs nationaux, depuis les conclusions, ont atteint une rentabilité robuste et uniforme. L’avocat de CASBI a soutenu que l’examen attentif des dépenses générales, de ventes, de frais d’administration et de frais financiers révèle un rendement financier meilleur encore que ne l’indiquent les données sur les bénéfices nets de la branche de production.

Pour évaluer la probabilité de dommage causé aux producteurs nationaux, l’avocat de CASBI a soutenu que le Tribunal devrait examiner l’incidence des facteurs suivants : 1) l’élimination de la possibilité que les bicyclettes chinoises sous-évaluées soient redirigées du marché des États-Unis vers celui du Canada, étant donné la décision américaine de 1996 de ne pas imposer de droits antidumping sur les importations en provenance de la Chine; 2) la disparition de Taïwan en tant que force sur le marché des marchandises en question, étant donné que la part du marché de ce pays a chuté de 40 p. 100 à 7 p. 100 entre 1991 et 1997; 3) la croissance des importations à bas prix en provenance de pays non visés; 4) la forte concentration, chez les membres de la CBMA, des produits de marques de distributeur étant donné l’importance de fabriquer des produits sous des noms commerciaux internationalement connus; 5) l’échec des producteurs nationaux au plan de l’augmentation de leurs exportations malgré une capacité de production excédentaire; 6) l’appréciation du dollar américain, ce qui, selon l’avocat, a accru la protection accordée par l’établissement d’un seuil d’exclusion à 325 $CAN FAB en plus de la protection accordée il y a cinq ans; 7) la protection accordée aux producteurs nationaux grâce au tarif NPF de 13,2 p. 100 sur les bicyclettes, qui n’a pas changé depuis 1992 et les droits minimes ou nuls sur les composants qu’ils importent; 8) la concentration des ventes de bicyclettes des membres de la CBMA dans le segment des bicyclettes se détaillant à moins de 300 $ et l’accent placé sur les ventes de bicyclettes sans marque à des magasins à grande surface plutôt que sur les ventes à des détaillants de bicyclettes indépendants.

L’avocat de CASBI a soutenu que, depuis les conclusions, le marché a été compartimenté en deux segments de prix de détail : 1) le segment des bicyclettes de moins de 300 $, occupé par les magasins à grande surface et que ciblent les producteurs nationaux; 2) le segment des bicyclettes de 300 $ à 800 $, occupé par les détaillants de bicyclettes indépendants (DBI) et que ciblent les distributeurs-importateurs. L’augmentation des coûts a amené les exportateurs taïwanais à concentrer leurs activités dans le segment des bicyclettes de 300 $ à 800 $. Ainsi, selon l’avocat, les conclusions devraient être annulées en ce qui concerne Taïwan ou, à tout le moins, le seuil d’exclusion devrait être baissé au niveau du détail, et passer de 800 $ à 300 $ (ou à 120 $CAN FAB Taïwan ou Chine).

Specialized Bicycle Components Canada, Inc.

L’avocat de Specialized a soutenu que les conclusions devraient être annulées ou, à titre de seconde solution, que le seuil d’exclusion devrait être baissé à 225 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

Au sujet de la probabilité de reprise du dumping de la part de Taïwan, l’avocat de Specialized a soutenu que les éléments de preuve les plus probants indiquent que la portée de l’enquête sur le dumping menée en 1996 aux États-Unis au sujet des importations en provenance de la Chine n’a pas été élargie pour viser Taïwan, bien que les États-Unis représentent un marché énorme pour les bicyclettes taïwanaises. D’une façon similaire, les mesures antidumping de l’Union européenne contre la Chine n’ont pas inclus Taïwan. Les mesures prises par l’Argentine ont été écartées par l’avocat, puisqu’aucune traduction du dossier officiel n’a été soumise. De plus, selon l’avocat, l’existence d’une capacité excédentaire ne suffit pas pour automatiquement conclure au dumping et n’est pas une preuve d’une propension au dumping en l’absence d’éléments de preuve suffisants de dumping dans les pays tiers.

L’avocat de Specialized a soutenu qu’il existe une accumulation considérable d’éléments de preuve soumis par les magasins à grande surface relativement aux avantages qu’il y a de traiter avec les producteurs nationaux. De plus, les producteurs nationaux sont eux-mêmes responsables de toute vulnérabilité, attribuable, en partie, aux transactions intersociétés et à l’absence de développement de marchés à l’exportation, particulièrement aux États-Unis où ils bénéficient d’un avantage tarifaire par rapport à la Chine et à Taïwan.

L’avocat de Specialized a soutenu que les producteurs nationaux et les importateurs, comme Specialized et les membres de CASBI, approvisionnent des segments de marché complètement différents. Le segment des adeptes enthousiastes est caractérisé par des bicyclettes destinées à un usage plus rigoureux. Les fournisseurs de ce marché se concentrent sur la promotion de noms commerciaux internationaux et les ventes de bicyclettes se situent dans le segment des prix de détail de 500 $ à 800 $. Par comparaison, les producteurs nationaux approvisionnent le segment du cyclisme de loisir familial. Les producteurs nationaux ne font pas la promotion de noms commerciaux internationaux, mais ciblent les magasins à grande surface, qui ne vendent pas de bicyclettes à des prix de détail de 500 $ à 800 $. Puisqu’il n’y a pas de probabilité qu’un dommage soit causé aux producteurs dans le segment des prix de détail de 500 $ à 800 $, le seuil d’exclusion devrait être baissé à 225 $CAN FAB.

Dynacraft Industries, Inc. et Shun Lu Bicycle Company

Les avocats de Dynacraft et de Shun Lu ont soutenu que les conclusions du Tribunal devraient être annulées. À titre de seconde solution, les conclusions devraient être annulées au sujet des bicyclettes originaires ou exportées de la Chine.

Selon les avocats de Dynacraft et de Shun Lu, les éléments de preuve ne fondent pas des conclusions de probabilité de reprise du dumping de bicyclettes en provenance de la Chine. Les données d’exécution de Revenu Canada ont clairement établi qu’il ne se fait pas de dumping au Canada. De plus, parmi les conclusions de dumping dans les pays tiers, celles qui ont la valeur la plus probante sont celles des États-Unis. Dans cette dernière cause, tous les exportateurs chinois examinés avaient des marges de dumping de minimis ou presque. L’analyse de la Commission sur la capacité et l’utilisation, menée dans le cadre de l’enquête de 1996, a indiqué l’absence de problème de surcapacité en Chine qui soit susceptible de mener à du dumping. Enfin, le Canada représente un petit marché d’exportation pour la Chine et, étant donné la proximité des États-Unis, n’attire pas le dumping de la Chine.

Les avocats de Dynacraft et de Shun Lu ont aussi soutenu que les éléments de preuve ne justifient pas des conclusions à l’effet que la branche de production nationale subirait un dommage sensible advenant une reprise du dumping. Cinq années de protection ont permis à la branche de production canadienne de renforcer sa position concurrentielle à l’endroit des importations en question. Les innovations et les investissements ont permis de rehausser l’efficience et la productivité. Il en est résulté que la branche de production a augmenté sa production et ses ventes, regagné une part du marché et amélioré sa situation financière. De plus, l’accès en franchise au marché des États-Unis, à partir de 1998, conférera un avantage aux exportateurs canadiens sur ce marché, ce qui diminuera leur vulnérabilité et améliorera leur situation, déjà favorable. Les avocats ont aussi souligné les éléments de preuve soumis par les magasins à grande surface selon lesquels : 1) les producteurs canadiens de bicyclettes sont concurrentiels et produisent des bicyclettes de haute qualité; 2) le prix n’est pas le seul facteur qui détermine la source d’approvisionnement.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Un certain nombre de parties qui ont soumis des exposés en réponse à l’avis d’expiration publié par le Tribunal ont présenté des demandes qui, si elles étaient accueillies par le Tribunal, auraient pour effet d’étendre la portée des conclusions pour y inclure des bicyclettes et des cadres de bicyclettes qui ne sont pas présentement assujettis à des droits antidumping. Plus précisément, le Tribunal a reçu des demandes visant à modifier les conclusions pour :

1. y inclure les bicyclettes dont les roues ont un diamètre de plus de 14 pouces;

2. y inclure toutes les bicyclettes qui concurrencent les bicyclettes de 16 pouces fabriquées au Canada;

3. y inclure les importations de cadres de bicyclettes du Mexique et du Brésil;

4. lever l’exclusion concernant les importations des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine ou pour que ce montant soit porté à 500 $CAN ou 600 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

Dans l’avis de réexamen qu’il a publié, le Tribunal a demandé que les parties déposent des exposés sur la question de savoir s’il avait compétence pour examiner une ou toutes les demandes susmentionnées. Après avoir examiné les exposés et les réponses, le Tribunal a publié les motifs de sa décision le 3 juillet 1997. Le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour accueillir les trois premières demandes et a majoritairement conclu qu’il n’avait pas compétence pour accueillir la quatrième demande dans cette cause. Au début de l’audience publique, dans le cadre d’une question préliminaire, les avocats de la CBMA ont demandé que le Tribunal confirme son avis sur la question de sa compétence. En réponse, le Tribunal a réitéré la décision qu’il avait rendue le 3 juillet 1997 [7] .

ANALYSE

Aux termes de l’article 76 de la LMSI, le Tribunal doit, à la fin d’un réexamen, annuler ou proroger une ordonnance ou des conclusions, avec ou sans modification. Pour arriver à une décision dans la présente cause, le Tribunal doit examiner deux questions fondamentales. En premier lieu, il doit décider de la probabilité d’une reprise du dumping si les conclusions sont annulées. S’il conclut à la probabilité d’une reprise du dumping, le Tribunal doit alors déterminer si ce dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Dans la présente cause, le Tribunal traitera de deux points préliminaires avant de répondre aux deux questions susmentionnées. En premier lieu, le Tribunal déterminera quelles marchandises de production nationale sont des marchandises similaires aux importations en question. En second lieu, le Tribunal déterminera quelle est la branche de production nationale.

Marchandises similaires

Avant l’audience, le Tribunal a demandé aux parties de traiter de la question de savoir si les bicyclettes de production nationale dont le prix de détail proposé dépasse 800 $ devraient être considérées comme des marchandises similaires dans le cadre du présent réexamen. Le Tribunal a fait observer que, comme il le fait habituellement dans de telles circonstances, il attendrait, pour statuer sur cette question, d’avoir reçu tous les éléments de preuve et entendu les plaidoiries.

Le Tribunal fait observer que, dans les motifs de la décision qu’il a rendue en 1992, il a déclaré que « [c]ompte tenu du volume des ventes peu considérable des parties plaignantes et de la faible sensibilité au prix, le Tribunal est d’avis que le segment […] haut de gamme du marché n’a pas subi de préjudice sensible [8] ». L’énoncé « le segment […] haut de gamme du marché n’a pas subi de préjudice sensible » indique que le Tribunal était d’avis que le segment des bicyclettes haut de gamme était distinct du segment des bicyclettes bas de gamme. Une telle distinction se reflète dans les facteurs comme la faible sensibilité aux prix. Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal n’a reçu aucune indication que la situation avait changé. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les bicyclettes du segment du marché haut de gamme ne sont pas des bicyclettes identiques aux importations en question et qu’elles ne sont pas des marchandises dont l’utilisation et les caractéristiques sont très proches de celles des importations en question. De plus, les avocats et les conseillers qui ont présenté des exposés concernant cette question, y compris les avocats des producteurs nationaux, ont exprimé l’avis que les bicyclettes de production nationale dans le segment du marché haut de gamme ne devraient pas être considérées comme étant des marchandises similaires dans le cadre du présent réexamen.

Par conséquent, le Tribunal conclut que les bicyclettes de production nationale, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus et dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins, constituent des marchandises similaires dans la présente cause.

Branche de production nationale

À la lumière de ce qui précède, il s’ensuit que la branche de production nationale, aux fins du présent réexamen, comprend les producteurs nationaux de bicyclettes, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus et dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins. Aux fins du présent réexamen, la branche de production nationale se compose de ces sociétés. Le Tribunal a reçu de trois de ces producteurs des renseignements financiers complets sur les ventes des bicyclettes dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins, à savoir Procycle, Raleigh et Victoria. Il a aussi reçu de Norco et de Rocky Mountain des renseignements, sans recevoir des données financières complètes, sur la production et les ventes des bicyclettes dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins, et certaines données sur la production et les ventes de plusieurs plus petits fabricants de bicyclettes. Cependant, le Tribunal fait observer que les trois fabricants qui ont soumis des données financières complètes représentent la grande majorité de la production au Canada des bicyclettes dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus et dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins.

Probabilité de reprise du dumping

Pour examiner la question de savoir s’il y aura vraisemblablement reprise du dumping si les conclusions sont annulées, le Tribunal tient compte de divers facteurs, y compris l’activité des fournisseurs étrangers au Canada durant l’application des conclusions, l’activité des exportateurs sur d’autres marchés que le Canada et l’existence d’une capacité de production des producteurs des pays visés.

Les éléments de preuve indiquent que, dans le cas des exportations en provenance tant de Taïwan que de la Chine, de nombreux exportateurs ont payé des droits antidumping durant la période d’application des conclusions. Le Tribunal a étudié les listes confidentielles des exportateurs dont les ventes au Canada ont fait l’objet de droits antidumping depuis 1993 et a conclu que plus de 60 exportateurs qui avaient vendu des bicyclettes et des cadres de bicyclettes au Canada avaient chacun fait l’objet d’une cotisation s’élevant à 10 000 $ ou plus en droits antidumping [9] . Au total, depuis 1993, des droits antidumping s’élevant à presque 3 millions de dollars ont été imposés sur les bicyclettes et les cadres de bicyclettes importés de Taïwan, ce montant étant de plus de 1 million de dollars dans le cas des importations en provenance de la Chine [10] .

Les conseillers et l’avocat de la TBEA et l’avocat de CASBI ont soutenu que les droits antidumping qui ont été payés, exprimés en termes de pourcentage de la valeur des importations ou considérés sur une base unitaire, sont très minimes. Le Tribunal fait observer que les données d’exécution ne donnent que le total du volume et de la valeur de toutes les importations enregistrées dans les numéros de classement visés ainsi que le montant total des droits antidumping payés. Les données totales sur le volume et la valeur comprennent à la fois les marchandises en question et les marchandises qui ne font pas l’objet du présent réexamen. En outre, les données sur le volume et la valeur n’englobent pas uniquement les marchandises qui ont fait l’objet de conclusions de dumping, mais aussi celles qui n’ont pas été importées à des prix sous-évalués. Par conséquent, en raison des limites des données, il n’a été possible de calculer que les marges minimales absolues de dumping ayant eu lieu durant la période d’application des conclusions, et ce en termes de pourcentage ou sur une base unitaire. Ainsi, le Tribunal peut uniquement prendre note du fait que des droits antidumping ont été imposés durant la période de cinq ans, ainsi que du montant total cotisé, un montant net de tous les remboursements.

Le Tribunal reconnaît que, en l’espèce, l’incidence des droits antidumping imposés sur les importations de bicyclettes et de cadres de bicyclettes en provenance de Taïwan et de la Chine a diminué durant la période d’application des conclusions. Il demeure cependant que des droits antidumping continuent d’être imposés sur les importations en provenance des deux pays. Il convient particulièrement de prendre note que, durant la période du 1er janvier au 18 juillet 1997, la dernière période pour laquelle des données sont disponibles, les importations des bicyclettes et des cadres de bicyclettes en question en provenance de Taïwan ont fait l’objet de cotisations de droits antidumping de plus de 66 000 $, tandis que ce montant dépassait 122 000 $ pour les bicyclettes et les cadres de bicyclettes en question en provenance de la Chine. Les éléments de preuve montrent donc clairement qu’au moins certains exportateurs de Taïwan et de la Chine continuent de pratiquer le dumping des bicyclettes et des cadres de bicyclettes en question au Canada.

Les bicyclettes et les composants de bicyclettes, y compris les cadres, ont fait l’objet de plusieurs enquêtes de dumping dans d’autres États depuis les conclusions de préjudice rendues par le Tribunal en 1992. Concernant les exportations de Taïwan, le Tribunal prend note que, en 1995, l’Argentine a imposé des droits antidumping ou des prix minimaux à l’exportation sur les expéditions de bicyclettes en provenance de Taïwan. Bien que la nature de l’action entreprise par l’Argentine fasse l’objet de beaucoup de discussions, il est clair selon le Tribunal que le gouvernement de l’Argentine a imposé des mesures antidumping définitives à l’endroit des importations de bicyclettes en provenance de Taïwan [11] . Les importations en Argentine de bicyclettes de la Chine ont aussi fait l’objet de mesures antidumping en 1995 [12] .

Des droits antidumping définitifs ont été appliqués en Union européenne aux importations de bicyclettes de la Chine en 1993. Au début de 1997, l’Union européenne a publié les résultats d’une enquête révélant que des composants et des accessoires de bicyclettes en provenance de la Chine avaient été importés en Union européenne dans une tentative de contourner les droits antidumping. Par conséquent, les composants et les accessoires de bicyclettes, y compris les cadres de bicyclettes, ont été ajoutés aux produits visés par les droits antidumping définitifs en Union européenne [13] .

Le Tribunal a aussi appris que des droits antidumping avaient été imposés sur les importations au Mexique de bicyclettes de la Chine. Ces droits antidumping définitifs ont été appliqués en 1994 [14] .

La cause la plus récente concernait les importations aux États-Unis de bicyclettes assemblées ou démontées, y compris les cadres de bicyclettes, en provenance de la Chine [15] . Le Tribunal prend note que, bien que le Département du commerce des États-Unis ait déterminé que les marges de dumping des neuf exportateurs dont il a examiné les ventes étaient faibles ou nulles, l’enquête n’a pas porté sur tous les exportateurs de bicyclettes chinoises [16] . De plus, les importations au Canada en provenance des neuf exportateurs susmentionnés, prises ensemble, ont fait l’objet de droits antidumping atteignant presque 200 000 $ au cours des trois dernières années [17] .

À la lumière des éléments de preuve qui précèdent, il est manifeste, selon le Tribunal, que les exportations de bicyclettes et de cadres de bicyclettes en provenance à la fois de Taïwan et de la Chine, ont fait l’objet de mesures antidumping définitives dans d’autres États au cours des récentes années.

Pour l’aider dans son évaluation de la probabilité d’une reprise du dumping dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires au Taipei Economic and Cultural Office, à la TBEA et à l’Ambassade de la République populaire de Chine, demandant des renseignements concernant la production, les ventes et la capacité de production de bicyclettes et de cadres de bicyclettes des branches de production de Taïwan et de la Chine.

La TBEA a répondu au questionnaire du Tribunal, mais n’a pas été en mesure de lui fournir des renseignements sur la capacité de production, ni sur l’utilisation de cette capacité, des bicyclettes et des cadres de bicyclettes. La TBEA a cependant déclaré que, durant les années 90, la production de la branche de production taïwanaise de bicyclettes avait été vendue dans une proportion de plus de 93 p. 100 sur les marchés d’exportation [18] , ce qui démontre une grande dépendance à l’endroit des ventes à l’exportation.

Le Tribunal a entendu dire que la société Giant Mfg. Co., Ltd. (Giant) avait fermé une usine à Taïwan et qu’une autre usine taïwanaise, propriété de la société Ideal Bike Corporation (Ideal), avait récemment été détruite par un incendie. La perte de capacité de l’usine de Giant a été plus que compensée par l’addition d’une usine en Chine dont la capacité de production est le double de celle de l’ancienne usine de Taïwan [19] . L’incidence de l’incendie de l’usine d’Ideal n’est pas encore connue précisément, mais les éléments de preuve indiquent qu’Ideal exploitera des installations ailleurs dans les 30 jours [20] . Les éléments de preuve au dossier indiquent qu’il existe une surcapacité à Taïwan et que la branche de production fait face à une rude concurrence au niveau des prix. Comme le précise un article [21] , « [p]our la branche de production taïwanaise de bicyclettes qui dépend à un degré élevé des exportations, la baisse mondiale de la demande est à tous égards douloureuse. […] Malgré la baisse de la demande, l’offre a continué d’augmenter, et, ainsi, chaque fabricant tente de vendre toutes ses bicyclettes, devant inévitablement s’engager dans une concurrence au niveau des prix » [traduction]. Le même article ajoute que beaucoup de fabricants vendent à des prix inférieurs aux coûts de fabrication, que certains fabricants se sont retirés des affaires et que d’autres déclareront probablement faillite avant que la rationalisation de la branche de production ne s’achève.

Bien que les conseillers et l’avocat de la TBEA aient soutenu que la branche de production s’attend à une rationalisation et une diminution de la capacité, le Tribunal est d’accord avec les avocats de la CBMA que, tant que la rationalisation ne sera pas chose faite, les fabricants taïwanais tenteront vraisemblablement d’utiliser leur capacité actuelle dans toute la mesure du possible. Les conseillers et l’avocat de la TBEA ont aussi soutenu qu’il n’y aurait probablement pas de reprise du dumping au Canada des bicyclettes et des cadres de bicyclettes en question par les fabricants taïwanais de bicyclettes parce que ces derniers ciblent surtout le segment haut de gamme du marché des bicyclettes. Ils ont avancé que, en raison des coûts accrus de production à Taïwan, les fabricants taïwanais de bicyclettes ne sont plus concurrentiels dans le segment bas de gamme du marché des bicyclettes. Le Tribunal prend note de la déclaration du témoin de Giant selon lequel « il y a un déplacement vers le haut du marché par la branche de production taïwanaise de bicyclettes, et je crois que Taïwan, à l’avenir, sera très efficace en ce qui touche les produits milieu et haut de gamme [22] » [traduction]. Le témoin a ajouté que les bicyclettes de Giant se vendent à un prix de vente au détail qui débute à environ 350 $ [23] . D’autre part, les éléments de preuve indiquent que les exportateurs taïwanais de bicyclettes vendent leurs marchandises dans le segment bas de gamme du marché canadien, ainsi que le démontrent les ventes de bicyclettes pour enfants dans le segment du marché « jusqu’à 69 $ » et les bicyclettes pour adultes dans le segment du marché « jusqu’à 129 $ » [24] . Le Tribunal est d’avis que les exportateurs taïwanais continueront vraisemblablement à fournir des bicyclettes dans la gamme des marchandises visées par les conclusions du Tribunal.

Enfin, le Tribunal prend note que l’enquête de dumping de 1992, et l’enquête de dommage subséquente, n’a pas été la première occasion où la branche de production taïwanaise de bicyclettes a fait l’objet de conclusions de dumping dommageable sur le marché canadien. En 1977, le TAD a conclu que les importations de bicyclettes et de composants de bicyclettes sous-évalués, y compris les cadres de bicyclettes, en provenance de Taïwan et de la Corée avaient causé, causaient et menaçaient de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Ces conclusions ont fait l’objet d’un réexamen et ont été annulées en 1984. Cependant, en 1992, le Tribunal a conclu que l’industrie taïwanaise des bicyclettes avait de nouveau fait la pratique du dumping de bicyclettes et de cadres de bicyclettes au Canada et avait causé un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires. Le Tribunal est d’avis qu’un tel comportement indique une tendance de la part de la branche de production taïwanaise de bicyclettes à maintenir ses volumes de production et de ventes, même au risque de susciter des mesures antidumping sur les marchés d’exportation.

Le Tribunal n’a pas reçu de réponse à son questionnaire concernant la branche de production chinoise de bicyclettes. À défaut de renseignements spécifiques provenant de la réponse au questionnaire, le Tribunal s’est appuyé sur les renseignements publiés. Les renseignements au dossier indiquent que la capacité de production en Chine est environ de 70,0 millions d’unités, tandis que la production en 1995 était de 37,3 millions d’unités, y compris 12,0 millions d’unités pour les marchés d’exportation [25] . Même s’il est tenu compte qu’une part importante de la capacité de production peut se limiter à la production des bicyclettes à une seule vitesse destinées au marché intérieur, les données susmentionnées indiquent toujours une sous-utilisation considérable de la capacité de production de bicyclettes à plusieurs vitesses en Chine. En outre, la proportion élevée des ventes à l’exportation par rapport à la production globale indique que les producteurs de bicyclettes de la Chine sont axés vers l’exportation.

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont soutenu que le rapport de la Commission [26] concernant les bicyclettes indique des pourcentages très élevés d’utilisation de la capacité de la Chine, qui n’a pas démontré une tendance à pratiquer le dumping de produits sur les marchés d’exportation. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve à cet égard ainsi que l’analyse présentée dans le mémoire de la CBMA déposé en réponse [27] . Le dossier révèle que, en 1992, les exportations au Canada effectuées par les 20 exportateurs chinois inclus dans l’analyse de la Commission ne représentaient que 88 000 bicyclettes [28] par rapport à l’ensemble des importations en provenance de la Chine totalisant 360 000 bicyclettes au cours des six premiers mois de 1992 [29] , soit 24 p. 100 de l’ensemble des exportations au Canada en provenance de la Chine au cours de la même période. Le Tribunal prend note que les 20 exportateurs chinois susmentionnés représentent moins de 45 p. 100 de la production chinoise globale de 1995 [30] . Les éléments de preuve indiquent donc qu’il existe en Chine d’autres sources importantes de bicyclettes de qualité d’exportation.

Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve au dossier du présent réexamen indiquent clairement que les branches de production taïwanaise et chinoise de bicyclettes n’utilisent pas totalement leur capacité de production et que ces branches de production [31] se livrent une concurrence féroce pour vendre leurs bicyclettes sur tous les marchés accessibles et ainsi maintenir leurs volumes de production.

En résumé, le Tribunal conclut que certains exportateurs de Taïwan et de la Chine ont vendu des bicyclettes et des cadres de bicyclettes sous-évalués sur le marché canadien au cours des cinq dernières années, y compris au cours des six premiers mois et demi de 1997. Les branches de production taïwanaise et chinoise de bicyclettes ont toutes deux fait l’objet de mesures antidumping par d’autres États au cours des quelques dernières années. En outre, on peut constater chez ces deux pays une disponibilité de la capacité de production et une tendance prouvée à l’exportation. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que, si les conclusions sont annulées, il y aura vraisemblablement reprise du dumping de bicyclettes et de cadres de bicyclettes en provenance de Taïwan et de la Chine.

Probabilité de dommage sensible causé à la branche de production nationale

Ayant conclu que l’annulation des conclusions serait vraisemblablement suivie d’une reprise du dumping de bicyclettes et de cadres de bicyclettes par les exportateurs taïwanais et chinois, le Tribunal doit maintenant examiner si la reprise du dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Le tableau ci-après présente certains indicateurs économiques relatifs au marché canadien des bicyclettes depuis 1988. Il convient de prendre note que les renseignements portant sur la période allant de 1988 au premier semestre de 1992 se rapportent à toutes les bicyclettes dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus, durant les années civiles indiquées. Les renseignements portant sur la période de 1993 à 1997 se rapportent aux années bicyclettes, soit du 1er juillet 1992 au 30 juin 1997, pour les bicyclettes dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus et dont le prix de vente au détail proposé est de 800 $ et moins, dans le cas de la production canadienne et des importations non visées, ou qui ont un prix de vente de 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine, dans le cas des importations en provenance de Taïwan et de la Chine.

BRANCHE DE PRODUCTION CANADIENNE DE BICYCLETTES
INDICATEURS ÉCONOMIQUES CHOISIS 1,2

 

1988

1989

1990

1991

1992 3

1993

1994

1995

1996

1997

Marché apparent total (000 unités)

1 557

1 457

1 541

1 334

1 297

1 239

1 492

1 587

1 162

1 214

Part du marché - producteurs (%)

75

66

55

43

37

60

58

67

66

63

Part du marché - importations de Taïwan (%)

16

23

33

40

28

18

11

8

7

7

Part du marché - importations de la Chine (%)

1

1

1

9

28

0

12

11

15

14

Part du marché - importations de pays non visés (%)

8

10

11

8

7

22

19

14

12

17

Part totale du marché - importateurs (%)

25

34

45

57

63

40

42

33

34

37

Production de la branche de production4 (000 unités)


1 271


1 033


896


629


432


753


863


1 069


790


724

Bénéfice brut de la branche de production nationale5
(indice 1988=100)

100

117

129

89

676

87

102

135

114

111

Revenu net avant impôt de la branche de production
nationale5 (indice 1988=100)


100


83


88


12


66


29


43


84


55


62

Nota :

1. Les données de 1988-1992 se rapportent aux années civiles; les données de 1993-1997 se rapportent aux années bicyclettes.

2. En 1997, la production de bicyclettes d’un prix de vente au détail de 800 $ et moins représentait 96 p. 100 de la production canadienne totale de bicyclettes dont les roues ont un diamètre de 16 pouces et plus.

3. Les renseignements sont fournis pour les mois de janvier à juin. La grande majorité de la production, des importations et des ventes de bicyclettes se situe dans les six premiers mois de l’année.

4. Comprend la production destinée au marché intérieur et au marché d’exportation.

5. Procycle, Raleigh et Victoria.

6. Estimation pour l’exercice financier complet.

Source : Rapports publics et protégés préalables à l’audience, révisés, pour l’enquête no NQ-92-002 et le réexamen no RR-97-003.

Le Tribunal prend note que la production a augmenté par rapport à l’année 1991, que les ventes se sont accrues, que les profits ont augmenté et que la branche de production nationale a regagné une part du marché. Le Tribunal conclut donc que la branche de production canadienne a tiré avantage de la protection contre les importations sous-évaluées.

Dans sa plaidoirie, l’avocat de CASBI s’est servi des moyennes quinquennales pour comparer la période qui a précédé les conclusions à celle qui les a suivies et faire comprendre son point de vue selon lequel la branche de production canadienne n’est plus vulnérable aux effets dommageables du dumping, advenant une reprise du dumping. Le Tribunal est d’avis qu’il est plus approprié d’examiner les données annuelles et de comparer les résultats des récentes années avec ceux des années précédentes, à la fois avant et après les conclusions de dommage rendues en 1992.

Ainsi que l’indique le tableau ci-haut, les éléments de preuve révèlent un rétrécissement considérable du marché, qui est passé d’environ 1,5 million d’unités de 1988 à 1990 à 1,2 million d’unités durant l’année bicyclette 1997 [32] . Par conséquent, les intervenants sur le marché luttent tous pour obtenir une plus grande part d’un marché en décroissance. La branche de production nationale n’a pas réussi à reconquérir les volumes de production qu’elle a déjà eus. En 1997, elle a fait état de volumes de production inférieurs de 43 p. 100 relativement aux volumes rapportés en 1988 et inférieurs de presque 20 p. 100 relativement aux volumes rapportés en 1990. La branche de production nationale n’a pas pu regagner la part du marché qu’elle a déjà détenue. Durant les années bicyclettes 1995 et 1996, elle occupait environ les deux tiers du marché, tandis que, à l’année bicyclette 1997, sa part a diminué à 63 p. 100 du marché. Par opposition, en 1988, la branche de production nationale occupait 75 p. 100 du marché canadien de toutes les bicyclettes.

Les importations en provenance des pays visés ont maintenu une part d’environ 20 p. 100 du marché depuis les conclusions, en baisse comparativement à environ 50 p. 100 du marché en 1991 et durant le premier semestre de 1992. Les importations en provenance des pays non visés ont fluctué depuis les conclusions, représentant entre 12 et 22 p. 100 du marché depuis 1993, en hausse par rapport aux 7 à 11 p. 100 du marché qu’elles détenaient avant les conclusions du Tribunal.

Les avocats et le conseiller du Conseil du commerce de détail ont soutenu que la branche de production nationale approvisionne présentement la majorité des besoins en bicyclettes des magasins à grande surface et que ces grands détaillants ne retourneront probablement pas aux produits sous-évalués de Taïwan ou de la Chine. Le Tribunal a entendu un nombre considérable de témoignages au sujet des facteurs qui jouent dans la décision d’achat des magasins à grande surface. Divers témoins ont déclaré que les facteurs comme la compétence des représentants des ventes, les numéros de téléphone sans frais, la livraison rapide des pièces de remplacement ou de réparation ainsi que d’autres facteurs liés au service après-vente jouent un rôle très important dans la décision d’achat [33] .

Plusieurs témoins des magasins à grande surface ont déclaré qu’ils étaient disposés à payer un supplément aux producteurs nationaux pour tirer avantage des services auxiliaires [34] offerts par un fournisseur national. Cependant, les éléments de preuve montrent que le montant du supplément qu’un magasin à grande surface est disposé à payer est limité [35] . En fait, le supplément est sensiblement moindre que les marges de dumping rapportées par Revenu Canada dans sa décision définitive concernant les importations des bicyclettes en question en provenance de Taïwan et de la Chine [36] .

En conclusion, le Tribunal est d’avis que le facteur déterminant est le prix, particulièrement si les producteurs étrangers offrent des bicyclettes de qualité et un service après-vente convenable, comme c’est le cas pour les importations en provenance de Taïwan et de la Chine [37] . Le Tribunal a été informé de la férocité de la concurrence entre les détaillants sur le marché canadien. Il est manifeste que la situation n’a pas changé depuis 1992 lorsque, par rapport aux magasins à grande surface, le Tribunal a déclaré : « Si l’un de leurs principaux concurrents trouve une source bon marché de marchandises, ils n’ont d’autre choix que de chercher des sources tout aussi bon marché ou meilleur marché, qu’elles soient au pays ou à l’étranger, afin de demeurer compétitifs [38] ». Sur le marché canadien, cette situation est manifeste dans le segment des bicyclettes pour enfants. En majeure partie, les grands détaillants satisfont une grande partie de leurs besoins en bicyclettes pour enfants surtout auprès de sources étrangères, y compris Taïwan et la Chine. Selon plusieurs témoins, ces modèles sont achetés à l’étranger parce que les fabricants nationaux ne sont pas compétitifs au niveau des prix pour les modèles de bicyclettes pour enfants [39] ,[40] .

Le Tribunal est également convaincu que, à l’exception de certains noms commerciaux, comme CCM, qu’il est impossible d’obtenir de sources étrangères, les grands détaillants achèteraient aussi à l’étranger les bicyclettes pour adultes si les producteurs nationaux ne demeuraient pas compétitifs au niveau des prix. Par conséquent, selon le Tribunal, si des importations sous-évaluées et offertes à bas prix, en provenance de Taïwan ou de la Chine, étaient disponibles, les grands détaillants du Canada achèteraient les importations sous-évaluées ou menaceraient de les acheter pour négocier des prix inférieurs auprès des producteurs canadiens.

Le Tribunal trouve intéressant le fait que, en 1984, lorsque le TAD a réexaminé les conclusions de préjudice qu’il avait rendues en 1977 concernant les bicyclettes en provenance de Taïwan et de la Corée, il avait été soutenu que « les [magasins à grande surface] sont maintenant [presque entièrement approvisionnés] par les fabricants canadiens; et que les produits canadiens sont préférés en raison des avantages qu’offre cette source d’approvisionnement en matière de distribution, de garantie et de service à la clientèle [41] ». Cependant, l’histoire a démontré que, en dépit d’une préférence à l’endroit des fournisseurs nationaux, lorsque les mesures antidumping ont été levées, les magasins à grande surface se sont tournés vers les sources d’importation à la fin des années 80 et au début des années 90. Il a subséquemment été conclu que deux de ces sources d’importation, Taïwan et la Chine, pratiquaient le dumping de bicyclettes, un dumping causant un préjudice sensible à l’industrie nationale.

Les éléments de preuve indiquent que, comme c’était le cas en 1992, les magasins à grande surface représentent une proportion prépondérante des ventes sur le marché canadien. Par conséquent, une intensification de la concurrence au niveau des prix dans ce secteur aura une incidence importante sur les résultats de la branche de production nationale qui tente de maintenir ses volumes de production ou le niveau de ses prix. Une baisse des volumes ou des prix de vente dans ce segment du marché affecterait à la fois les marges brutes de la branche de production nationale et ses revenus nets avant impôt.

Les ventes aux DBI représentent néanmoins encore une part importante des ventes de la branche de la production nationale de bicyclettes, ayant atteint entre 18 p. 100 et 25 p. 100 des ventes de la branche de production nationale au cours des années bicyclettes 1995-1997 [42] . Une concurrence accrue au niveau des prix pour obtenir la clientèle des DBI aura également une incidence sur les résultats de la branche de production nationale. Les DBI particuliers perdront des ventes s’ils ne réagissent pas aux prix inférieurs offerts par les magasins à grande surface et les DBI concurrents qui vendent des bicyclettes taïwanaises et chinoises sous-évaluées. À leur tour, les DBI exerceront des pressions au niveau des prix sur la branche de production nationale de bicyclettes.

L’incidence probable de l’annulation des conclusions ne se limite pas aux effets susmentionnés sur la production et la situation financière. Les niveaux de production baissant, les producteurs canadiens seraient contraints de réduire le nombre d’emplois ou d’écourter les périodes de production durant l’année, ce qui, dans les deux cas, entraînerait une diminution du nombre de dollars consacrés à l’emploi. En outre, une baisse des profits entraverait les efforts de recherche et de développement de la branche de production ce qui, à long terme, se répercuterait sur la compétitivité et la viabilité de cette branche de production.

Le Tribunal prend note des arguments des divers avocats et conseillers selon lesquels il existe d’autres facteurs qui ont eu une incidence sur le rendement de la branche de production nationale et continueront d’avoir une incidence sur son rendement, peu importe qu’il y ait ou non reprise du dumping de Taïwan et de la Chine. Le marché des bicyclettes au Canada et sur la scène internationale semble en décroissance, que ce soit à cause de produits concurrentiels, comme les patins à roues alignées, d’autres facteurs économiques ou de la simple saturation du marché. La décroissance de la demande exacerbe les problèmes liés à l’offre excédentaire. L’augmentation des importations de bicyclettes à bas prix en provenance de sources non visées par les conclusions est un autre facteur qui a des répercussions sur la branche de production nationale. Le Tribunal est d’avis que le volume accru des importations en provenance de telles sources de produits à bas prix ne fait que confirmer son opinion selon laquelle les consommateurs au Canada recherchent activement les plus bas prix possibles. Selon le Tribunal, une telle conjoncture rend la branche de production nationale encore plus vulnérable à la concurrence des importations sous-évaluées offertes à bas prix.

L’avocat de CASBI a aussi soutenu que les revenus nets dont fait état la branche de production nationale ont été touchés par des transactions financières et des dépenses qui n’ont rien à voir avec la fabrication et la vente de bicyclettes. Le Tribunal a examiné avec soin les résultats consolidés qu’ont soumis Procycle, Raleigh et Victoria, ainsi que les états relatifs aux ventes nationales de bicyclettes d’un prix de détail proposé de 800 $ et moins. Le Tribunal est d’accord qu’un certain pourcentage des dépenses engagées par les sociétés susmentionnées a trait à des postes qui ne sont pas liés à la production et à la vente de bicyclettes au Canada, par exemple le rachat d’actions et les transactions intersociétés. Nonobstant les dépenses susmentionnées, le Tribunal est d’avis que l’intensification de la concurrence au niveau des prix à la suite d’une reprise du dumping des bicyclettes et des cadres de bicyclettes en question, en provenance de Taïwan et de la Chine, aura une incidence considérable sur les résultats de la branche de production nationale, alors même qu’elle lutte pour maintenir les volumes de production ou le niveau de ses prix.

Par conséquent, le Tribunal conclut qu’une reprise du dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale sous forme de baisse des prix de vente ou des volumes de production et de diminution de part du marché, chacune de ces formes se traduisant par une baisse des revenus de la branche de production. En outre, la baisse des revenus entraînera probablement une baisse du nombre d’emplois et un ralentissement de l’activité de recherche et de développement de la branche de production nationale.

CADRES DE BICYCLETTES

Dans les conclusions qu’il a rendues en 1992, le Tribunal a conclu que le dumping de cadres de bicyclettes était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le raisonnement du Tribunal a été que, puisque les cadres de bicyclettes sont des composants importants qui forment une grande partie des bicyclettes finies, le dumping de cadres de bicyclettes viendrait de fait contourner les conclusions de préjudice sensible concernant les bicyclettes finies [43] .

Les éléments de preuve présentés dans le cadre du présent réexamen indiquent que les producteurs nationaux continuent de produire des cadres de bicyclettes, principalement pour leur propre usage dans la production de bicyclettes finies [44] . En outre, une petite quantité de cadres de bicyclettes est vendue sur le marché des pièces de rechange et aux autres fabricants de bicyclettes [45] . Sur la foi de ces éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que les conclusions concernant les cadres de bicyclettes doivent être prorogées pour empêcher le contournement des conclusions concernant les bicyclettes finies.

EXCLUSIONS

Le Tribunal a reçu de CSA Canada une demande d’exclusion d’un produit appelé « autobike » (bicyclette automatique). Il s’agit d’une bicyclette munie d’un mécanisme de changement de vitesses qui fonctionne automatiquement en fonction de la pression exercée par le cycliste sur les pédales. CSA Canada a soutenu que les producteurs canadiens ne fabriquent aucune bicyclette munie d’un tel mécanisme de changement de vitesses automatique. En outre, la société a soutenu que la bicyclette automatique ne fait pas concurrence aux bicyclettes ordinaires et ne devrait avoir aucune incidence sur les bicyclettes à changement de vitesses ordinaire au Canada [46] .

Le Tribunal est d’avis, cependant, que les éléments de preuve indiquent que la bicyclette automatique est une bicyclette similaire aux bicyclettes fabriquées au Canada si ce n’est du dérailleur automatique et des poids sur les roues [47] . En outre, le Tribunal est d’avis que la bicyclette automatique fait concurrence à des bicyclettes fabriquées au Canada, particulièrement celles qui sont dotées des nouveaux types de dérailleurs, d’un maniement plus facile, offerts depuis quelques années. Par conséquent, le Tribunal a décidé de ne pas accorder l’exclusion.

L’avocat de CASBI a demandé que, si les conclusions ne sont pas annulées, le Tribunal baisse le seuil d’exclusion des conclusions à 120 $CAN FAB Taïwan ou Chine. L’avocat a soutenu que la branche de production nationale n’est pas présente, d’une façon significative, dans le segment du marché des bicyclettes d’un prix supérieur au prix de vente au détail proposé de 300 $.

L’avocat de Specialized a présenté une demande visant à ce que le seuil de l’exclusion soit baissé à 225 $CAN FAB Taïwan ou Chine étant donné l’absence de probabilité qu’un dommage soit causé aux fabricants canadiens par les importations de bicyclettes vendues dans le segment des prix de détail de 500 $ à 800 $.

Dans l’examen des demandes susmentionnées, le Tribunal a analysé la relation entre les prix FAB Taïwan ou Chine et les prix de vente au détail au Canada des bicyclettes finies. Les éléments de preuve soumis dans le cadre du présent réexamen confirment le bien-fondé de la décision du Tribunal en 1992 au sujet de la relation entre les prix de vente FAB Taïwan ou Chine et les prix de vente au détail proposés au Canada [48] . Les prix susmentionnés étaient de 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine et dans la fourchette des prix de détail proposés de 800 $ au Canada. Le Tribunal prend note que l’avocat de CASBI et celui de Specialized, en présentant des demandes d’exclusion, ont appliqué un ratio entre les deux valeurs susmentionnées pour calculer le prix de vente FAB Taïwan ou Chine qui équivaudrait en gros le seuil inférieur des fourchettes de prix de vente au détail canadiens que leurs clients souhaitent voir exclues des conclusions.

Les éléments de preuve indiquent que la branche de production nationale fabrique des bicyclettes à la fois dans la fourchette des prix de vente au détail proposés de 300 $ à 499 $ et de 500 $ à 800 $ [49] . Le Tribunal est convaincu que lesdites bicyclettes font concurrence aux bicyclettes importées sur le marché canadien, ainsi que le démontre le fait que la branche de production nationale vend une proportion considérable des bicyclettes dans ces deux fourchettes de prix de détail [50] ,[51] . Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit là de ventes qui ont contribué d’une façon importante aux résultats financiers globaux de la branche de production. Par conséquent, les exclusions demandées par l’avocat de CASBI et l’avocat de Specialized ne sont pas accordées.

Bien qu’aucune partie n’ait présenté d’exposé visant à limiter la portée des conclusions concernant les cadres de bicyclettes dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal est d’avis qu’une telle limite est fondée [52] . De l’avis du Tribunal, les conclusions concernant les cadres de bicyclettes devraient se limiter aux cadres de bicyclettes qui seraient normalement utilisés dans la production de bicyclettes dont le prix de détail proposé est de 800 $ et moins, conformément à la portée des conclusions concernant les bicyclettes finies.

Le Tribunal a examiné la relation entre le prix d’une bicyclette finie et le prix d’un cadre de bicyclette de modèle similaire, d’après les listes de prix soumises par plusieurs parties au présent réexamen. À la lumière des renseignements susmentionnés [53] et des témoignages entendus à l’audience [54] , le Tribunal évalue que le prix d’un cadre de bicyclette qui servirait à la production d’une bicyclette finie d’un prix de 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine est d’environ 100 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

Par conséquent, le Tribunal exclut des conclusions les cadres de bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 100 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

CONCLUSION

Le Tribunal est d’avis que, si les conclusions sont annulées, il y aura probablement une reprise du dumping de bicyclettes assemblées ou démontées, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportées de Taïwan et de la Chine, à l’exclusion des bicyclettes dont le prix de vente est de 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine. Le Tribunal est aussi d’avis qu’il y aura une reprise du dumping de cadres de bicyclettes en provenance des pays susmentionnés. En outre, le Tribunal est d’avis que la reprise du dumping de bicyclettes et de cadres de bicyclettes est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production canadienne.

Par conséquent, le Tribunal proroge, sans modification, les conclusions qu’il a rendues le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002, concernant les bicyclettes assemblées ou démontées, dont les roues ont un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportées de Taïwan et de la Chine, à l’exclusion des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $CAN FAB Taïwan ou Chine.

Le Tribunal proroge aussi les conclusions qu’il a rendues concernant les cadres de bicyclettes originaires ou exportés des pays susmentionnés, avec une modification afin d’exclure les cadres de bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 100 $CAN FAB Taïwan ou Chine.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Conclusions, le 11 décembre 1992, Exposé des motifs, le 29 décembre 1992.

3. Gazette du Canada Partie I, vol. 131, no 21, le 24 mai 1997 à la p. 1589.

4. Norco a éliminé la marque Fiori en 1994.

5. Bicyclettes assemblées ou démontées, et cadres de bicyclettes, fourches, guidons en acier et roues (pneus et chambres à air non compris), originaires ou exportées de la République de la Corée et de Taïwan, Tribunal antidumping, enquête no ADT-11-77, Conclusions et Exposé des motifs, le 8 novembre 1977, et révision no ADT-11B-77, Révision et Exposé des motifs, le 17 février 1984.

6. Voir les affaires Zellers Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-94-351, le 25 janvier 1996; Paulmar Cycle Inc., Division of Marr's Leisure Holdings Inc. et Marr's Leisure Products Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-95-008, le 8 novembre 1996; et Marr's Leisure Products Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-95-084, le 8 novembre 1996.

7. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 15 octobre 1997 à la p. 71.

8. Supra note 2, Exposé des motifs à la p. 23.

9. Données d'exécution de Revenu Canada, pièce du Tribunal RR-97-003-4 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 2-9.

10. Données d'exécution de Revenu Canada, pièce du Tribunal RR-97-003-3A, dossier administratif, vol. 1 aux p. 143-44.

11. Organisation mondiale du commerce, « Semi-Annual Report Under Article 16.4 of the Agreement - Argentina », le 24 septembre 1996, pièces du Tribunal RR-97-003-32 et RR-97-003-43, dossier administratif, vol. 1A aux p. 21-28 et 75-81 respectivement.

12. Ibid.

13. Pièces du fabricant B-5 et B-9, dossier administratif, vol. 11.

14. Organisation mondiale du commerce, « Semi-Annual Report Under Article 16.4 of the Agreement - Mexico », le 18 août 1997, et « Semi-Annual Report Under Article 16.4 of the Agreement - Mexico », le 20 juin 1995, pièce du Tribunal RR-97-003-42, dossier administratif, vol. 1A aux p. 62-74.

15. La Commission a conclu que le dumping ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un dommage sensible.

16. « Bicycles from China », enquête no 731-TA-731 (décision finale), publication no 2968 de la Commission, juin 1996, pièce du Tribunal RR-97-003-40 (exemplaire unique), dossier administratif, vol. 7 à la p. 45.

17. Les données d'exécution sur des sociétés particulières n'ont pas été séparées selon le pays d'origine. Par conséquent, les ventes au Canada des exportateurs désignés qui ont fait l'objet de droits antidumping peuvent provenir soit de Taïwan soit de la Chine. Pièce du Tribunal RR-97-003-4 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 13-25.

18. Pièce du Tribunal RR-97-003-23.1, dossier administratif, volume 5.2 à la p. 18.

19. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 17 octobre 1997 aux p. 475 et 492-93.

20. Pièce de l'exportateur G-10, dossier administratif, vol. 13.

21. « Taïwan Cycle Industry Trend, Excessive Competition Continues to "Saturation" », pièce du fabricant B-11, dossier administratif, vol. 11.

22. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 17 octobre 1997 à la p. 485.

23. Ibid. à la p. 486.

24. Public Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.50.

25. Pièce du fabricant B-10, dossier administratif, vol. 11.

26. « Bicycles from China », enquête no 731-TA-731 (décision finale), publication no 2968 de la Commission, juin 1996, pièce du Tribunal RR-97-003-40 (exemplaire unique), dossier administratif, vol. 7 aux p. 114-20.

27. Pièce du fabricant A-2 à la p. 2, paragr. 5-7, dossier administratif, vol. 11.

28. « Bicycles from China », enquête no 731-TA-731 (décison finale), publication no 2968 de la Commission, juin 1996, pièce du Tribunal RR-97-003-40 (exemplaire unique), dossier administratif, vol. 7 à la p. 116.

29. Public Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.78.

30. Production totale des 20 exportateurs, qui se chiffre à 16 542 000 unités, divisée par la production totale, qui se chiffre à 37 270 000 unités, ce qui donne 44,4 p. 100. « Bicycles from China », enquête no 731-TA-731 (décision finale), publication no 2968 de la Commission, juin 1996, pièce du Tribunal RR-97-003-40 (exemplaire unique), dossier administratif, vol. 7 à la p. 116; et Public Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.74.

31. Pièce du fabricant B-11, dossier administratif, vol. 11.

32. La tendance révélée dans l'analyse demeure la même que ce soit selon les données pour toutes les bicyclettes ou uniquement pour les bicyclettes d'un prix de vente au détail de 800 $ et moins pour la période de 1993-1997.

33. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 17 octobre 1997 à la p. 443; et Transcription de l'audience à huis clos, vol. 2, le 16 octobre 1997 aux p. 227 et 255, et vol. 3, le 17 octobre 1997 aux p. 395 et 410.

34. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 16 octobre 1997 aux p. 387-88; et vol. 3, le 17 octobre 1997 à la p. 442.

35. Pièce de l'importateur F-1 (protégée), paragr. 26, dossier administratif, vol. 14; et Transcription de l'audience à huis clos, vol. 2, le 16 octobre 1997 aux p. 241 et 245-47.

36. Ministère du Revenu national, Décision définitive de dumping et Énoncé des motifs, le 10 novembre 1992, pièce du Tribunal NQ-92-002-4, dossier administratif de l'enquête no NQ-92-002, vol. 1 aux p. 200.61 et 200.63.

37. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 17 octobre 1997 aux p. 454-55; et Transcription de l'audience à huis clos, vol. 2, le 16 octobre 1997 aux p. 235-36, et vol. 3, le 17 octobre 1997 à la p. 493.

38. Supra note 2, Exposé des motifs à la p. 18.

39. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 17 octobre 1997 aux p. 438-39; et pièces de l'importateur F-1 (protégée), paragr. 12; F-3 (protégée), paragr. 25; F-5 (protégée), paragr. 6; et F-7 (protégée), paragr. 10, dossier administratif, vol. 14.

40. Les éléments de preuve indiquent que les producteurs canadiens ne fabriquent pas de bicyclettes pour enfants au prix cible le plus bas, et qu'ils n'ont pas l'intention de le faire. Néanmoins, l'exclusion de telles bicyclettes des conclusions susciterait probablement une pression à la baisse sur les prix des bicyclettes pour enfants fabriquées au Canada dans les fourchettes de prix plus élevés.

41. Supra note 5, révision no ADT-11B-77, Exposé des motifs aux p. 3 et 4.

42. Pièces du Tribunal RR-97-003-RI-2G (protégée), RR-97-003-RI-3G (protégée) et RR-97-003-RI-4G (protégée), dossier administratif, vol. 10.1 à la p. 5, vol. 10.2 aux p. 8-9 et vol. 10.3 à la p. 6 respectivement.

43. Supra note 2, Exposé des motifs à la p. 23.

44. Public Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.17; et Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 16 octobre 1997 aux p. 268-69.

45. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 49-50.

46. Pièce du Tribunal RR-97-003-41, dossier administratif, vol. 1A à la p. 51.

47. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 16 octobre 1997 à la p. 400.

48. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 16 octobre 1997 aux p. 466, 503 et 535-36; et Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 17 octobre 1997 à la p. 480.

49. Public Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-5, dossier administratif, vol. 1A aux p. 0.47 et 0.108; et Protected Pre-Hearing Staff Report, le 9 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-003-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 134.

50. Ibid.

51. Le Tribunal fait observer qu'une société a offert deux réponses différentes à la question « segment de prix » contenue dans les questionnaires du Tribunal, une dans le questionnaire à l'intention du fabricant et une autre dans le questionnaire à l'intention de l'importateur. Peu importe quel ensemble de données de la société susmentionnée est appliqué, la conclusion selon laquelle la branche de production nationale représente une proportion considérable des bicyclettes tant dans la fourchette de prix de détail proposés de 300 $ à 499 $ que dans celle de 500 $ à 800 $ se trouve corroborée.

52. Depuis la publication des conclusions en 1992, Norco et Rocky Mountain ont présenté des exposés demandant que cet aspect des conclusions fasse l'objet d'un réexamen.

53. Pièces du Tribunal RR-97-003-18.14 (protégée) et RR-97-003-18.15 (protégée), dossier administratif, vol. 6A aux p. 175 et 236 respectivement.

54. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 17 octobre 1997 aux p. 504-5.


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Publication initiale : le 27 janvier 1998