BICYCLETTES ET CADRES DE BICYCLETTES

Réexamens (article 76)


BICYCLETTES ASSEMBLÉES OU DÉMONTÉES, ET LES CADRES DE BICYCLETTES, AVEC DES ROUES D’UN DIAMÈTRE DE 16 POUCES (40,64 CM) ET PLUS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAÏWAN ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Réexamen no : RR-97-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 3 juillet 1997

Réexamen no : RR-97-003

EU ÉGARD À des demandes d’extension de la portée des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002, concernant les bicyclettes assemblées ou démontées, et les cadres de bicyclettes, avec des roues d’un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine.

MOTIFS DE LA DÉCISION

CONTEXTE

Le 15 mai 1997, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a publié un avis de réexamen des conclusions qu’il a rendues le 11 décembre 1992, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002, concernant les bicyclettes assemblées ou démontées, et les cadres de bicyclettes, avec des roues d’un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine [1] . Un certain nombre de parties qui ont déposé auprès du Tribunal des exposés demandant un réexamen et la prorogation des conclusions ont aussi présenté des demandes qui, si elles étaient accueillies par le Tribunal, auraient pour effet d’étendre la portée des conclusions pour y inclure des bicyclettes et des cadres de bicyclettes qui ne sont pas présentement assujettis à des droits antidumping. Plus précisément, le Tribunal a reçu des demandes de modification des conclusions visant à ce que :

1) soient incluses les bicyclettes avec des roues d’un diamètre de plus de 14 pouces;

2) soient incluses toutes les bicyclettes qui concurrencent les bicyclettes de 16 pouces fabriquées au Canada;

3) soient incluses les importations de cadres de bicyclettes du Mexique et du Brésil;

4) soit levée l’exclusion concernant les importations des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine ou à ce que ce montant soit porté à 500 $ CAN ou 600 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine.

Le Tribunal était d’avis que chacune des demandes susmentionnées soulevait la question préliminaire de savoir si le Tribunal avait le pouvoir de faire droit à une ou à toutes les demandes susmentionnées, ou avait la compétence pour ce faire et a décidé de traiter de ces questions avant de publier les questionnaires du réexamen. Le Tribunal a établi des lignes directrices pour le dépôt des exposés concernant ces questions dans l’avis de réexamen qu’il a publié. Par la suite, le Tribunal a reçu des exposés appuyant certaines de ces demandes de la Canadian Bicycle Manufacturers’ Association [2] (CBMA). Le Tribunal a reçu d’un certain nombre de parties, y compris The Canadian Association of Specialty Bicycle Importers, Specialized Bicycle Components of Canada, Inc., la Taïwan Bicycle Exporters’ Association, le Conseil canadien du commerce de détail, Dynacraft Industries, Inc., Shun Lu Bicycle Company, British Steel Canada Inc., l’Ambassade du Brésil et l’Ambassade du Mexique, des exposés s’opposant à une ou à toutes les demandes susmentionnées.

POSITION DES PARTIES

La CBMA a présenté des exposés relativement à trois des quatre demandes. Elle n’a exprimé aucune opinion au sujet des cadres de bicyclettes importés du Mexique ou du Brésil. Les avocats de la CBMA ont soutenu que les termes des paragraphes 76(2) et (4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [3] (la LMSI) donnent au Tribunal de vastes pouvoirs quant à la nature des questions qu’il peut examiner lors d’un réexamen et à la nature de l’ordonnance qu’il peut rendre à la suite d’une telle procédure.

Les avocats de la CBMA ont fait valoir qu’il était possible d’établir une distinction entre la présente cause et certaines décisions [4] du Tribunal antidumping (le TAD) et du Tribunal canadien des importations (le TCI), où le TAD et le TCI avaient rendu des conclusions explicites de non-préjudice [ [Note du réviseur] Le terme « préjudice » est maintenant remplacé par le terme « dommage » conformément aux modifications apportées à la LMSI. De même, l’expression « préjudice à l’industrie nationale » est maintenant remplacée par « dommage à la branche de production nationale ». Toutefois, le mot « préjudice » et, le cas échéant, l’expression « préjudice sensible à l’industrie nationale » seront utilisés pour toute référence aux conclusions que le Tribunal a rendues avant la mise en application desdites modifications.] relativement à des marchandises que les parties avaient demandé d’inclure dans le cadre d’une procédure de réexamen. Les avocats ont soutenu que, contrairement aux conclusions susmentionnées, les conclusions que le Tribunal a rendues le 11 décembre 1992 n’étaient pas des conclusions de non-préjudice. Il s’agissait plutôt de conclusions décrites à l’article 3 de la LMSI et, par conséquent, aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal avait le pouvoir de réexaminer ses conclusions et, par voie de conséquence, n’importe quel aspect desdites conclusions, y compris leur portée et l’exclusion qui y était établie.

Les avocats de la CBMA ont fait valoir que le pouvoir qu’a le Tribunal, aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, d’accorder une nouvelle audition sur « toute question », et, aux termes du paragraphe 76(4), de modifier « selon le cas » des conclusions à la fin d’un réexamen lui permet de modifier la portée d’une ordonnance ou de conclusions par addition ou par soustraction. Les avocats ont soutenu qu’il n’est pas nécessaire que le Tribunal rende des conclusions officielles de non-dommage pour accorder une exclusion et que l’octroi d’une exclusion est un pouvoir discrétionnaire du Tribunal aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI [5] . De plus, les avocats ont soutenu que, lorsque les conditions qui justifient une exclusion cessent d’exister, le Tribunal devrait pouvoir lever l’exclusion, en partie ou en totalité, sans nécessairement mener une nouvelle enquête.

En ce qui a trait à l’exclusion spécifique en question, les avocats de la CBMA ont fait valoir que les marchandises visées par l’exclusion entrent manifestement dans le champ d’application de la décision provisoire de dumping rendue par le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre). Les avocats ont soutenu que l’exclusion visait à exempter des droits antidumping les marchandises « haut de gamme ». Cependant, l’inflation et d’autres facteurs ont entraîné l’augmentation du seuil qui sépare les bicyclettes des gammes de prix supérieure et inférieure, de telle sorte que des marchandises qui n’étaient pas censées être visées par l’exclusion le sont maintenant techniquement et sont exemptes de droits antidumping. Revenant à la question de la compétence qu’a le Tribunal pour accorder une nouvelle audition sur des questions aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, les avocats ont fait valoir que le Tribunal a déclaré, dans le cadre du réexamen no RR-94-003 [6] que, dans un réexamen, le Tribunal peut accorder une nouvelle audition sur toute question qu’il a examinée dans le cadre de l’enquête initiale et que l’exclusion en question avait manifestement fait l’objet d’un examen du Tribunal dans l’enquête initiale. Les avocats ont aussi soutenu que le Sous-ministre pouvait mettre à jour les niveaux de droits pertinents sur les marchandises qui ont fait l’objet de la décision provisoire initiale et qui ont subséquemment été exclues des conclusions du Tribunal.

Abordant la question des marchandises qui concurrencent les bicyclettes de 16 pouces fabriquées au Canada, les avocats de la CBMA ont fait observer que le Tribunal avait traité d’un autre aspect de cette question dans l’affaire Zellers Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [7] . Ils ont fait valoir, cependant, que le Tribunal n’était pas lié, comme il l’est dans les appels, par le strict libellé des conclusions initiales et que le Tribunal devait examiner les exposés sur la question de savoir s’il convenait de modifier la portée des conclusions qu’il a initialement rendues, de façon à éliminer qu’elles soient contournées comme dans l’affaire Zellers. Les avocats ont soutenu que, autrement dit, la LMSI (et plus précisément le paragraphe 76(2) de la LMSI) ne peut laisser le Tribunal impuissant à résoudre des problèmes qui découlent du libellé utilisé dans ses conclusions initiales en ce qui a trait à la portée des marchandises qui y sont assujetties.

Ainsi qu’il a déjà été fait observer, le Tribunal a reçu un certain nombre d’exposés de parties s’opposant à certaines ou à toutes les demandes qui ont été présentées. Un grand nombre des arguments avancés par les parties susmentionnées étaient similaires. Les paragraphes suivants résument les exposés, sans les rattacher à l’une ou à l’autre de ces parties.

En ce qui a trait aux deux premières demandes, c’est-à-dire que soient incluses les bicyclettes avec des roues d’un diamètre de plus de 14 pouces ou, comme solution de rechange, que soient incluses toutes les bicyclettes qui concurrencent les bicyclettes de 16 pouces fabriquées au Canada, les parties ont avancé qu’il faut interpréter les paragraphes 76(2) et (4) de la LMSI dans le contexte de l’ensemble de ladite loi. À cet égard, il a été soutenu que les paragraphes susmentionnés n’autorisent pas le Tribunal à étendre la portée de la catégorie de marchandises telle que l’a définie le Sous-ministre. Autrement dit, c’est le Sous-ministre, et non le Tribunal, qui a compétence pour définir la catégorie de marchandises, et les deux demandes susmentionnées, si elles étaient accueillies, entraîneraient une redéfinition de la catégorie de marchandises et, donc, un excès de compétence. Puisque les questions liées à l’inclusion ou à la non-inclusion de marchandises dans la catégorie de marchandises définie par le Sous-ministre n’auraient pas été entendues par le Tribunal en premier lieu, il n’y a rien qui puisse, à cet égard, faire l’objet d’une audition du Tribunal dans le présent réexamen.

En ce qui a trait à l’inclusion du Brésil et du Mexique au présent réexamen, il a été soutenu qu’il s’agit là aussi d’une question qui relève de la compétence du Sous-ministre. Il a été fait observer que le TAD avait expressément déclaré qu’il n’avait pas l’autorité au cours d’une révision d’étendre ses conclusions afin d’y inclure un pays qui n’avait pas été mentionné dans la « détermination » préliminaire qui avait donné lieu aux conclusions faisant l’objet de la révision [8] . Il a été soutenu que l’inclusion du Brésil et du Mexique serait aussi contraire à un certain nombre d’articles de l’Accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI du GATT de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) [9] (l’Accord antidumping de l’OMC), y compris les articles 2, 3 et 5, et serait donc contraire aux obligations internationales du Canada. La possibilité de l’application de renvois au Sous-ministre conformément à l’article 46 de la LMSI a aussi été soulevée, et il a été avancé que cette disposition ne s’appliquait qu’aux enquêtes menées aux termes de l’article 42 et ne s’appliquait donc pas aux réexamens entrepris aux termes de l’article 76.

Enfin, en ce qui a trait à la question de l’examen de l’inclusion des bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine, il a été soutenu que, aux termes de l’article 3 et du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal ne peut réexaminer que les marchandises qui ont fait l’objet de conclusions de dommage ou de retard, ou d’une menace de dommage. Il a été avancé que cette position est corroborée dans la décision du TCI dans le cadre de la révision visant l’Acide citrique, où le TCI a déclaré que l’article 76 de la LMSI précisait nettement que le Tribunal ne pouvait réviser que des décisions de préjudice [10] . De plus, le TAD, dans le cadre de la révision visant les Tôles d’acier inoxydable, a déclaré que l’article analogue dans la Loi antidumping [11] à l’article 76 de la LMSI avait pour objet de permettre la révision d’une décision « en ce qu’elle concerne des marchandises assujetties à des droits antidumping, et non pas des marchandises libres de tels droits [12] ». Dans cette cause, le Tribunal n’a pas rendu de conclusions de préjudice ou de menace de préjudice relativement aux marchandises visées par l’exclusion. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas maintenant exécuter un réexamen portant sur de telles marchandises ni les inclure dans aucune modification des conclusions.

Il a été aussi soutenu que, dans le cadre de l’enquête initiale, le Tribunal avait rendu des conclusions d’absence de préjudice ou de menace de préjudice à l’égard des bicyclettes en question vendues à un prix supérieur au prix établi dans l’exclusion. C’est ce qui ressort de la déclaration du Tribunal selon laquelle « [c]ompte tenu du volume des ventes peu considérable des parties plaignantes et de la faible sensibilité aux prix, le Tribunal est d’avis que le segment de haut de gamme du marché n’a pas subi de préjudice sensible [13] ». Si le Tribunal devait accueillir la demande en cause, il lui faudrait supposer qu’il y a eu dumping à l’égard de marchandises qui n’ont pas été visées par les conclusions au cours des cinq dernières années puisque les procédures concernant le dumping ont pris fin en ce qui concerne les marchandises susmentionnées à la suite des conclusions initiales. Si la branche de production nationale veut être protégée contre les prix présumément sous-évalués des bicyclettes haut de gamme, elle devrait tenter d’obtenir une telle protection au moyen de l’ouverture d’une nouvelle procédure.

De plus, il a été fait observer que la CBMA n’a pas cité de cause qui aurait fait jurisprudence lors de laquelle le Tribunal aurait appliqué son pouvoir de réexamen pour accorder le type de modification qui fait présentement l’objet d’une demande.

En réponse, les avocats de la CBMA ont réitéré leur exposé selon lequel le Tribunal n’a pas rendu de conclusions d’absence de préjudice passé, présent ou futur, comme le prévoit la LMSI, relativement aux produits exclus. Plutôt, le Tribunal a rendu des conclusions de préjudice, dont l’exclusion était une partie, c’est-à-dire, un élément de la description des marchandises visées. Il ne s’agit donc pas en l’espèce d’une cause où il y a tentative de renverser des conclusions de non-préjudice, mais plutôt d’une demande visant à ce que soit examiné le bien-fondé d’une modification des conclusions pour que l’exclusion reflète plus fidèlement des faits de nature économique et commerciale qui ont modifié les effets réels visés par l’exclusion.

En ce qui a trait à la première et à la deuxième demande, les avocats de la CBMA ont fait valoir que la catégorie de marchandises, telle que l’a définie le Sous-ministre, renvoyait aux bicyclettes décrites comme ayant des roues d’un diamètre nominal de 16,0 pouces et plus. Les avocats ont soutenu que le fait que le Sous-ministre a imposé des droits antidumping sur des bicyclettes dont les roues avaient un diamètre de 15,5 pouces dans l’affaire Zellers démontre que le Sous-ministre était d’avis que de telles bicyclettes entraient dans le champ d’application de la catégorie de marchandises définie dans la décision provisoire. Dans un tel contexte, le Tribunal doit, à tout le moins, entendre les éléments de preuve sur la question de la portée des conclusions initiales, avant de décider du bien-fondé de préciser ou non les conclusions initiales.

ANALYSE

En ce qui a trait aux deux premières demandes, à savoir si le Tribunal a compétence pour inclure les bicyclettes avec des roues d’un diamètre de plus de 14 pouces ou, comme solution de rechange, pour inclure toutes les bicyclettes qui concurrencent les bicyclettes de 16 pouces fabriquées au Canada, dans une modification des conclusions, le Tribunal fait observer qu’il est bien établi que la formulation ou la définition des marchandises en question aux fins de la décision provisoire relève de la compétence du Sous-ministre [14] . Dans l’affaire DeVilbiss (Canada) Limited, Phelan and Smith Limited et Waffle’s Electric Limited c. Le Tribunal antidumping [15] , la Cour d’appel fédérale a soutenu que, dans le cadre d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI, le Tribunal a la compétence requise pour interpréter la catégorie de marchandises ou préciser le sens de certains mots de la définition du Sous-ministre lorsque le Tribunal éprouve de la difficulté à déterminer la portée exacte des marchandises auxquelles la décision provisoire s’applique ou lorsqu’il trouve la définition du Sous-ministre ambiguë. La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’« [i]l n’en résulte pas nécessairement [...] une redéfinition de la classe des marchandises définie par le sous-ministre [16] ». Par conséquent, dans le cadre d’une enquête menée aux termes de l’article 42, le Tribunal doit accepter la catégorie de marchandises telle qu’elle a été définie par le Sous-ministre, sous réserve de toute interprétation ou précision qu’il peut faire dans le cours de cette enquête.

Dans le cadre du réexamen no RR-94-003, le Tribunal a discuté de l’incidence de la décision dans l’affaire DeVilbiss sur les réexamens aux termes de l’article 76 de la LMSI. Le Tribunal a déclaré qu’il n’aurait compétence pour réexaminer la définition de la catégorie des marchandises dans le cadre d’un réexamen que si la question avait fait l’objet de l’enquête initiale. Le Tribunal a conclu que cela n’avait pas été le cas et qu’il n’avait donc pas compétence pour accorder une nouvelle audition sur une question qui n’a pas été entendue dans le cadre de l’enquête initiale. Dans la présente cause, il apparaît nettement au Tribunal que la question de la définition de la catégorie des marchandises n’a pas « été entendue » par le Tribunal dans le cadre de l’enquête initiale et, par conséquent, qu’il n’a pas compétence, dans le cadre du présent réexamen, pour examiner toute question liée soit à l’interprétation soit à la précision de la définition des marchandises en question.

Le Tribunal est aussi d’accord avec les parties qui ont fait valoir que la LMSI ne donne pas au Tribunal le pouvoir d’étendre la catégorie des marchandises telle qu’elle a été définie par le Sous-ministre. Cela signifierait que le Tribunal pourrait étendre la catégorie des marchandises pour y inclure des marchandises qui n’ont jamais fait l’objet de l’enquête de dumping du Sous-ministre, et la LMSI n’habilite manifestement pas le Tribunal à inclure de telles marchandises dans une ordonnance ou dans des conclusions.

En ce qui a trait à l’argument de la CBMA selon lequel la décision du Sous-ministre d’imposer des droits antidumping sur des bicyclettes avec des roues d’un diamètre de 15,5 pouces dans l’affaire Zellers démontre que la décision provisoire était destinée à viser de telles bicyclettes, le Tribunal fait observer qu’il a statué dans le cadre d’un appel de cette affaire que ces marchandises n’étaient pas des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s’appliquaient les conclusions du Tribunal dans le cadre de l’enquête no NQ-92-002.

Abordant la demande d’inclusion du Brésil et du Mexique, le Tribunal est d’accord sur l’argument selon lequel l’inclusion ou la non-inclusion de marchandises d’un pays spécifique au sein d’une catégorie de marchandises en question relève de la compétence du Sous-ministre. Dans ce cas encore, aucune disposition de la LMSI n’habilite le Tribunal à inclure des marchandises qui n’ont jamais fait l’objet de l’enquête du Sous-ministre. Le Tribunal est aussi d’accord que l’inclusion du Brésil et du Mexique dans le présent réexamen serait contraire aux obligations du Canada aux termes de l’Accord antidumping de l’OMC. De plus, le Tribunal est d’avis que l’article 46 de la LMSI ne peut être invoqué aux fins de renvois au Sous-ministre dans un réexamen entrepris aux termes de l’article 76, puisqu’il se rapporte spécifiquement à une enquête menée aux termes de l’article 42 uniquement.

La dernière demande que le Tribunal doit examiner se rapporte à la question de savoir si le Tribunal peut soit lever l’exclusion concernant les bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine soit porter ce montant à 500 $ CAN ou 600 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine. Le Tribunal est d’avis que l’examen de cette question exige qu’il arrive d’abord à une opinion sur l’intention qu’avait le Tribunal lorsqu’il a accordé l’exclusion susmentionnée, telle qu’elle se reflète dans son exposé des motifs de l’enquête no NQ-92-002. Le Tribunal fait observer que, dans sa discussion sous la rubrique « Exclusion : bicyclettes » le Tribunal a expressément déclaré qu’il était d’avis que « le segment de haut de gamme du marché n’[avait] pas subi de préjudice sensible [17] ». De ce fait, on ne peut prétendre que les marchandises visées par l’exclusion étaient des marchandises décrites à l’article 3 de la LMSI, et toutes les procédures concernant ces marchandises auraient pris fin à la suite des conclusions du Tribunal aux termes de l’article 47 de la LMSI. Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut subséquemment réexaminer des marchandises à l’égard desquelles il a précédemment conclu qu’elles ne causaient pas de préjudice à l’industrie nationale.

Le Tribunal a poursuivi, dans son exposé des motifs de l’enquête no NQ-92-002, pour établir à 325 $ CAN FAB pays d’origine par bicyclette le prix qui pouvait servir à distinguer les bicyclettes haut de gamme des bicyclettes bas et milieu de gamme. Ce faisant, le Tribunal a défini plus spécifiquement les marchandises en question haut de gamme qui ne causaient pas de préjudice sensible. Par conséquent, dans la présente cause, le Tribunal ne peut réexaminer que la question de savoir si les conclusions de l’enquête no NQ-92-002 doivent être annulées ou prorogées, avec ou sans modification, dans le contexte des bicyclettes en provenance de Taïwan ou de la République populaire de Chine, qui ont un prix de vente équivalent ou inférieur à 325 $ CAN FAB, et des cadres de bicyclettes en question originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine.

Par conséquent, pour les motifs susmentionnés, le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas compétence pour accueillir les trois premières demandes et que, de plus, il n’a pas compétence pour accueillir la quatrième demande dans la présente cause.

Lyle M. Russell
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Lyle M. Russell
Membre


Charles A. Gracey
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Charles A. Gracey
Membre

OBSERVATIONS SUPPLÉMENTAIRES DU MEMBRE RUSSELL

Pour les motifs indiqués ci-dessus, je suis d’accord avec mon collègue, le membre Gracey, que, puisque le Tribunal a conclu à l’absence de préjudice sensible dans le segment haut de gamme du marché, le Tribunal ne peut, dans le cadre du présent réexamen, examiner le bien-fondé de lever l’exclusion concernant les bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine ou d’augmenter ce montant. Cependant, j’aimerais présenter quelques observations supplémentaires sur les implications de l’octroi d’une exclusion et sur les limites du pouvoir du Tribunal dans le cadre d’un réexamen aux termes de l’article 3 de la LMSI [18] .

À mon avis, en accordant une exclusion, le Tribunal, qu’il le déclare expressément ou non, rend une décision que les marchandises visées par l’exclusion ne contribuent pas à tout dommage subi par la branche de production nationale. Si, par exemple, certaines des marchandises en question dans un segment particulier du marché sont exclues parce qu’il n’y a pas de production de marchandises similaires au Canada, il s’ensuit nécessairement que les importations de ces marchandises ne pourraient contribuer à un dommage causé aux producteurs nationaux.

En ce qui a trait au lien entre l’article 3 de la LMSI et le pouvoir de réexamen du Tribunal aux termes des paragraphes 76(2) et (4), je suis d’avis que le Tribunal n’a compétence que pour réexaminer les marchandises qui ont fait l’objet de conclusions de dommage ou de retard ou de menace de dommage. En l’absence de conclusions de dommage, l’article 3 ne s’applique pas à ces marchandises, et, par conséquent, ces dernières ne peuvent faire l’objet d’un réexamen aux termes du paragraphe 76(2), dont l’application se limite aux conclusions décrites à l’article 3. À cet égard, je suis d’accord avec le TCI qui a déclaré dans le cadre de la révision visant l’Acide citrique [19] que l’article 76 dispose clairement que le Tribunal ne peut réexaminer que des conclusions de dommage. Je suis aussi d’accord que l’énoncé du TAD, dans le cadre de la révision visant les Tôles d’acier inoxydable, relativement à des dispositions analogues à l’article 76 de la Loi antidumping, c’est-à-dire que leur objet est de permettre la révision d’une décision « en ce qu’elle concerne des marchandises assujetties à des droits antidumping, et non pas des marchandises libres de tels droits », s’applique aussi à l’article 76. Dans la présente cause, le Tribunal n’a pas rendu de conclusions de préjudice ou de menace de préjudice concernant les marchandises visées par les termes de l’exclusion. Par conséquent, le Tribunal ne peut maintenant exécuter un réexamen concernant les marchandises susmentionnées ni les inclure dans des conclusions modifiées.

Lyle M. Russell
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Lyle M. Russell
Membre

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE CLOSE

Je suis d’accord avec mes collègues sur les motifs du rejet des trois premières questions examinées par le Tribunal dans la présente affaire. En ce qui a trait à la quatrième demande, cependant, je suis d’avis que le Tribunal, dans le cadre du présent réexamen, a compétence pour examiner si le prix cible pertinent qui représente les bicyclettes haut de gamme demeure 325 $ CAN FAB Taïwan ou République populaire de Chine. Je suis d’accord avec mes collègues que le Tribunal n’a pas compétence pour lever entièrement l’exclusion concernant les bicyclettes dont le prix de vente est supérieur à 325 $ CAN, puisque cela impliquerait l’inclusion dans l’ordonnance du réexamen de marchandises (les bicyclettes à prix élevé) que le Tribunal a exclues de ses conclusions à la suite de l’enquête. Le Tribunal a choisi le chiffre de 325 $ CAN à titre d’indicateur pour distinguer certaines marchandises (les bicyclettes à prix élevé) qu’il entendait exclure de ses conclusions. Le Tribunal a clairement fait savoir que le chiffre de 325 $ CAN n’était pas une caractéristique inhérente aux bicyclettes à prix élevé, mais qu’il était simplement établi « [s]elon les renseignements dont dispos[ait] le Tribunal sur les coûts moyens et les marges bénéficiaires ordinairement appliqués aux achats d’importation [20] ». Il semblerait, par conséquent, que le Tribunal ait maintenu la possibilité pour les jurys futurs de revoir le prix cible susmentionné et d’examiner, selon les conditions prévalantes du marché, la question de savoir si « les coûts moyens et les marges bénéficiaires ordinairement appliqués aux achats d’importation [21] » représentaient toujours un prix cible de 325 $ CAN.

Lorsqu’il rédige le libellé des exclusions de conclusions de dommage, le Tribunal doit définir les marchandises visées par l’exclusion d’une manière suffisamment précise pour permettre au Sous-ministre d’appliquer les conclusions. La tâche n’est pas toujours facile. Si le Tribunal n’a pas compétence pour accorder une nouvelle audition sur la question de savoir si un indicateur particulier, choisi par le Tribunal pour établir une distinction entre les marchandises exclues des conclusions et les marchandises visées par ces dernières, demeure toujours pertinent, je crains que le Tribunal soit moins enclin à accorder des exclusions. Une telle tendance pourrait bien avoir des résultats iniques. Les décisions du Tribunal pourraient en venir à être assorties d’une portée indûment vaste en prévision des changements possibles du marché. Je ne suis pas convaincue que le Parlement avait l’intention que le Tribunal, dans le réexamen de conclusions, ne puisse pas réexaminer la persistance de la validité des indicateurs, choisis par le Tribunal lui-même, décrivant les marchandises exclues.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


1. Conclusions, le 11 décembre 1992, Exposé des motifs, le 29 décembre 1992.

2. La Canadian Bicycle Manufacturers’ Association était l’une des parties plaignantes dans la procédure qui a mené à l’enquête du Tribunal.

3. L.R.C. (1985), ch. S-15.

4. Résines de polypropylène, homopolymère et copolymère, originaires de la Belgique, de la France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique, Tribunal antidumping, révision no ADT-3B-79, Conclusions de révision et Exposé des motifs, le 16 novembre 1983; Tôles d’acier inoxydable, originaires ou exportées de la Belgique, de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, de la Suède et du Royaume-Uni, Tribunal antidumping, révision no R-2-84, Conclusions de révision et Exposé des motifs, le 22 août 1984; Acide citrique et citrate de sodium produits par ou pour Miles Laboratories, Inc. des États-Unis d’Amérique, Tribunal canadien des importations, révision no R-8-85, Conclusions de révision et Exposé des motifs, le 18 octobre 1985.

5. Citant Certaines tôles d’acier laminées à froid originaires ou exportées des États-Unis d’Amérique, groupe spécial binational formé en vertu de l’article 1904, dossier no CDA-93-1904-09 du Secrétariat de l’ALÉNA - Section canadienne, Opinion et Décision du groupe spécial, le 13 juillet 1994; Certains produits en tôle d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique, groupe spécial binational formé en vertu de l’article 1904, dossier no CDA-94-1904-04 du Secrétariat de l’ALÉNA - Section canadienne, Décision du groupe spécial, le 10 juillet 1995.

6. Bottes et souliers en cuir pour dames originaires ou exportés du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taïwan; bottes en cuir pour dames originaires ou exportées de la Pologne, de la Roumanie et de [l’ancienne] Yougoslavie; et bottes et souliers autres qu’en cuir pour dames originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taïwan, Tribunal canadien du commerce extérieur, Ordonnance, le 2 mai 1995, Exposé des motifs, le 16 mai 1995.

7. Appel no AP-94-351, le 25 janvier 1996.

8. Supra note 4, Résines de polypropylène à la p. 4.

9. Signé à Marrakech le 15 avril 1994.

10. Supra note 4, Acide citrique à la p. 4.

11. L.R.C. (1970), ch. A-15, abrogée par S.C. 1983-84, ch. 25, art.110.

12. Supra note 4, Tôles d’acier inoxydable à la p. 7.

13. Supra note 1 à la p. 23.

14. Supra note 6 à la p. 35 et, plus précisément, les affaires citées à la note 64 de la décision.

15. [1983] 1 C.F. 706.

16. Ibid. à la p. 714.

17. Supra note 1 à la p. 23.

18. Il n’est fait mention que de l'article 3, puisque la plupart des conclusions du Tribunal traitent du dumping et qu'il s'agit de la disposition principale concernant l'assujettissement des droits à cet égard. Cependant, à mon avis, ces observations sont aussi applicables aux articles 4 à 6.

19. Je note que la CBMA n'a pas cité de cause qui aurait fait jurisprudence lors de laquelle le Tribunal aurait appliqué son pouvoir de réexamen pour accorder le type de modification qui fait présentement l'objet d'une demande auprès de ce dernier.

20. Supra note 1 à la p. 23.

21. Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 4 juillet 1997