PLACOPLÂTRE

Réexamens (article 76)


PLACOPLÂTRE
Réexamen no : RR-97-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 26 septembre 1997

Réexamen no : RR-97-004

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes de l’article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 janvier 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004, concernant le placoplâtre, principalement composé d’une âme en gypse sur laquelle est collé du papier, originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique;

ET EU ÉGARD À une requête datée du 9 septembre 1997 présentée par la Georgia-Pacific Corporation au sujet de certaines demandes de renseignements signifiées à CGC Inc.

ORDONNANCE

Aux termes de l’article 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur ordonne par la présente à CGC Inc. de répondre, au plus tard le vendredi 3 octobre 1997, aux demandes de renseignements que lui ont signifiées la société Georgia-Pacific Corporation, le 25 août 1997, et la société Westroc Inc., le 26 août 1997, sous réserve des modifications énoncées à l’annexe « A » de la présente.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Susanne Grimes
_________________________
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

ANNEXE A

Observations et directives du Tribunal au sujet des demandes de renseignements à l’intention de CGC/USG

Réponse requise

Réponse non requise

Sommaire de la demande de renseignements

Oui

Oui,
avec les modifications suivantes

Non

Observations

1. Listes de prix de 1997 pour les États-Unis, y compris les listes de prix régionales.

 

 

 

X

Le Tribunal a reçu les prix de vente annuels de 1995 jusqu’au milieu de 1997, par région.

2. Prix de vente moyens nets rendus du placoplâtre de 1/2 et 5/8 po, par région, pour chaque mois de la période du 1er janvier 1996 au 31 juillet 1997.

 

 

 

X

Le Tribunal a reçu les prix de vente annuels de 1995 jusqu’au milieu de 1997, par région.

3. Répartition, en pourcentage, des ventes annuelles de placoplâtre aux groupes d’acheteurs et aux courtiers indépendants, séparément, pour chacune des périodes de 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997 au Canada et aux États-Unis séparément.

 

Fournir pour 1996 et le premier semestre de 1997.

 

 

4. Fournir une copie de toute entente entre votre société et un groupe d’acheteurs ou un courtier indépendant au cours de la période de 1993 à 1997.

 

Fournir pour 1996 et le premier semestre de 1997.

 

 

5. Fournir les données sur les ventes de placoplâtre, par usine, au Canada, en volume et en valeur nette rendue pour 1995, 1996 et le premier semestre de 1997.

 

 

X

Réponse au dossier.

6. Fournir les données sur les ventes de placoplâtre, par usine, aux États-Unis pour 1995, 1996 et le premier semestre de 1997.

 

Fournir ces données pour les usines dont les ventes représentent plus de 50 p. 100 des ventes de USG dans une région donnée.

 

 

7. Fournir, par usine, les coûts moyens de transport pour la livraison du placoplâtre à chacune des neuf régions des États-Unis.

 

Fournir ces données pour les usines dont les ventes représentent plus de 50 p. 100 des ventes de USG dans une région donnée.

 

 

8. Fournir :

a) le pourcentage estimatif des expéditions totales de chaque usine livré dans un rayon de moins de 200 km de l’usine, de 200 à 1 000 km de l’usine et de plus de 1 000 km de l’usine pour les années civiles 1993 à 1996.

 

 

 

a) X

Réponse au dossier pour 1995 et 1996 pour quatre usines.

b) pour ces mêmes distances, identifiez vos deux clients les plus importants selon vos expéditions annuelles. Pour chacun de ces clients, fournir le prix moyen annuel net FAB à l’usine et le volume total des expéditions pour les années 1995 et 1996.

 

 

 

b) X

 

9. Fournir les coûts du transport pour les ventes de placoplâtre aux États-Unis de 1992 jusqu’au milieu de 1997.

 

 

 

X

Réponse au dossier, par région, pour 1997.

Réponse au questionnaire du Tribunal, question no 15.

10. Fournir des renseignements sur le prix de revient moyen, par usine.

 

 

 

X

Prix de revient moyen pour l’ensemble des usines fourni pour 1997.

11. Fournir une copie de tous les plans stratégiques, les plans de marketing ou tout autre rapport au sujet de tout investissement en cours ou potentiel pour accroître ou étendre la capacité de production de placoplâtre de votre société (ou d’une société liée). Veuillez aussi fournir une copie de tout rapport, étude ou analyse, préparé à l’interne ou par une tierce partie, concernant une augmentation ou une diminution de la capacité de production de placoplâtre au sein de votre société (ou d’une société liée) ou au sein de la branche de production en général, soit à la suite de la construction de nouvelles usines, de l’expansion d’usines actuelles, d’une accélération des chaînes de production ou d’une augmentation de l’efficience.

 

Veuillez fournir ces données.

Il est à noter que des parties de la réponse à la présente demande ont été obtenues par l’entremise du questionnaire du Tribunal.

 

 

12. Fournir une copie de tout rapport, produit à l’interne par votre société ou par une tierce partie, au sujet de la conjoncture prévue sur le marché du placoplâtre aux États-Unis au cours de la période de 1997 à 2000.

 

 

 

X

Divers rapports sont au dossier et d’autres sont d’accès public.

13. Fournir l’emplacement et le volume (la capacité) des entrepôts de votre société et des plus récentes installations connexes d’entreposage de placoplâtre aux États-Unis et au Canada.

X

 

 

 

14. Fournir une copie des états financiers vérifiés les plus récents de votre société ou, s’ils ne sont pas disponibles, des états financiers non vérifiés pour les exercices financiers de 1993 jusqu’à ce jour.

 

 

 

X

Réponse au dossier.

15. Fournir :

a) une copie de tous les documents qui traitent des ventes (réelles, prévues ou projetées) ou de l’activité concurrentielle sur le marché du placoplâtre canadien entre 1993 et aujourd’hui, y compris, sans s’y limiter, les sommaires, les rapports ou analyses, et les états.

 

a) Fournir les renseignements demandés au sujet de l’activité prévue ou projetée sur le marché canadien.

 

 

b) les prévisions concernant le prix ou la demande du placoplâtre au Canada, les pièces de correspondance avec les clients canadiens potentiels ou actuels, ou les rapports de réunion avec ces derniers.

b) Veuillez fournir ces renseignements et documents.

 

 

 

c) les pièces de correspondance avec des courtiers actuels ou potentiels qui vendent ou peuvent vendre du placoplâtre sur le marché canadien, ou les rapports de réunion avec ces derniers.

c) Veuillez fournir ces documents.

 

 

 

16. Fournir toutes les valeurs normales déterminées par Revenu Canada pour votre société au cours de la période de 1992 à 1997.

X

 

 

 

17. Veuillez faire savoir si des droits antidumping ont été imposés sur des importations au Canada de placoplâtre fabriqué par votre société au cours de la période de 1992 à 1997.

X

 

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

Par voie d’ordonnances distinctes, chacune datée du 26 septembre 1997, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a ordonné à la société CGC Inc. (CGC) et à la société National Gypsum Company (National) de répondre aux demandes de renseignements que leur avaient signifiées la société Georgia-Pacific Corporation (Georgia-Pacific) et la société Westroc Inc. Les présentes énoncent les motifs des ordonnances du Tribunal.

Contexte

Dans une lettre datée du 25 août 1997, les avocats de Georgia-Pacific ont signifié un ensemble de demandes de renseignements à CGC par l’intermédiaire des avocats de cette dernière. Ces demandes visaient à obtenir des renseignements et des documents sur, entre autres, la production, les ventes et les exportations de placoplâtre aux États-Unis, et il était demandé à CGC de répondre au nom de la USG Corporation (USG). Dans une lettre datée du 29 août 1997, les avocats de CGC ont avisé les avocats de Georgia-Pacific que, « à titre de filiale de USG, CGC n’est pas en mesure de répondre à votre demande de renseignements au nom de la USG Corporation étant donné que les décisions concernant les renseignements et les dossiers en la possession de USG relèvent de la compétence de la direction de USG plutôt que de celle de CGC » [traduction]. Les avocats de Georgia-Pacific ont envoyé une nouvelle lettre, mais les avocats de CGC ont maintenu la position que cette dernière n’était pas en mesure de répondre.

Dans une lettre datée du 25 août 1997, les avocats de Georgia-Pacific ont signifié un ensemble de demandes de renseignements à National, dans lesquelles ils sollicitaient des renseignements et des documents sur diverses questions, y compris l’établissement des prix de National, ses coûts de transport et la valeur et le volume des ventes de ses usines. National n’a pas répondu aux demandes de renseignements de Georgia-Pacific avant le 15 septembre 1997.

Requête de Georgia-Pacific

Dans une lettre datée du 9 septembre 1997, les avocats de Georgia-Pacific ont présenté une requête au Tribunal au sujet des demandes de renseignements de Georgia-Pacific du 25 août 1997 qu’ils avaient signifiées à CGC et à National. Georgia-Pacific a demandé le recours suivant :

• une ordonnance exigeant que CGC fournisse à Georgia-Pacific tous les renseignements et les documents que cette dernière a mentionnés dans ses demandes du 25 août 1997, et qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de CGC et de USG, au nom de CGC et de USG;

• à titre de solution de rechange, une ordonnance exigeant que CGC fournisse à Georgia-Pacific tous les renseignements et les documents, mentionnés dans les demandes de cette dernière, qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de CGC et de USG, au nom de CGC uniquement;

• comme autre possibilité, une ordonnance exigeant que CGC fournisse à Georgia-Pacific tous les renseignements et les documents, mentionnés dans les demandes de cette dernière, qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de CGC, et une ordonnance exigeant que USG fournisse à Georgia-Pacific tous les renseignements et documents, mentionnés dans les demandes de Georgia-Pacific, et qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de USG, soit directement, soit par l’intermédiaire des avocats de CGC.

Les avocats de Georgia-Pacific sollicitent aussi une ordonnance du Tribunal exigeant que National fournisse à Georgia-Pacific tous les renseignements et documents, mentionnés dans les demandes du 25 août 1997 de cette dernière, et qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de National.

Dans la requête, les avocats de Georgia-Pacific font observer les éléments suivants. Dans une lettre datée du 29 juillet 1997, le Tribunal a avisé les avocats qu’il avait fixé des échéanciers fermes pour les demandes de renseignements dans le présent réexamen. Des lignes directrices sur les demandes de renseignements étaient jointes à la lettre susmentionnée. Les lignes directrices prévoient que les demandes de production de renseignements ou de documents peuvent être adressées à toute partie et qu’une partie à qui une demande est signifiée doit fournir une réponse « complète et pertinente » dans les délais prescrits. Les lignes directrices précisent également que toute partie qui ne peut pas ou qui ne veut pas fournir une réponse complète et pertinente, pour le motif que les renseignements ou les documents demandés ne sont pas pertinents, doit fournir une réponse qui motive son affirmation. Les lignes directrices prévoient aussi que, lorsqu’une partie avance que les renseignements ou les documents nécessaires pour fournir une réponse complète et pertinente ne sont pas disponibles, ladite partie doit en énoncer les raisons et fournir les renseignements qu’elle estime pouvoir être utiles à la personne qui a adressé la demande.

Dans la requête, les avocats de Georgia-Pacific font également observer que CGC et USG ont participé à l’enquête du Tribunal, soit l’enquête no NQ-92-004 [1] , qui a mené aux conclusions qui font l’objet du présent réexamen. Dans le cadre de cette enquête, CGC a appuyé des conclusions de dommage, alors que USG ne l’a pas fait. Depuis les conclusions du Tribunal, CGC est devenu une filiale en propriété exclusive de USG. Bien que USG ait participé à l’ouverture du réexamen par le Tribunal, ou au processus lié à l’avis d’expiration, qui a précédé le présent réexamen, et qu’elle ait répondu à un questionnaire du Tribunal dans le cadre du réexamen, elle n’est pas partie au réexamen.

Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que CGC et National ne se sont pas conformées aux lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements en ne fournissant pas une réponse complète et pertinente aux demandes de Georgia-Pacific. De plus, les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que, même si les avocats de CGC ont raison lorsqu’ils font valoir que CGC n’est pas tenue de déposer une réponse au nom de USG, il s’agit là d’une violation à l’obligation de « fournir tout autre renseignement ou document » qui pourrait être utile à Georgia-Pacific. Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que National n’a pas respecté son obligation de déposer une réponse aux demandes de renseignements de Georgia-Pacific.

Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements ont été établies pour conférer aux parties au réexamen le droit d’obtenir, en temps opportun, tous les renseignements et les documents pertinents qui sont en la possession des autres parties, ou auxquels ces dernières peuvent raisonnablement avoir accès. À cet égard, les avocats soutiennent que le système des demandes de renseignements du Tribunal est analogue aux systèmes d’interrogatoires préalables appliqués par les cours supérieures. À ce titre, les avocats soutiennent que les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements doivent être « éclairées » par l’application des règles sur les interrogatoires préalables des cours supérieures.

Les avocats de Georgia-Pacific font observer que le paragraphe 30.02(4) des Règles de procédure civile [2] de l’Ontario prévoit que « [l]e tribunal peut ordonner à une partie de divulguer tous les documents pertinents qui se trouvent en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de l’une de ses filiales, d’une personne morale appartenant au même groupe ou d’une personne morale que cette partie contrôle directement ou indirectement, et de produire, à des fins d’examen, tous les documents qui ne sont pas privilégiés ». Les avocats font observer que la Cour de district de l’Ontario a appliqué cette règle dans l’affaire Peters c. General Motors of Canada [3] , pour ordonner à la société General Motors du Canada Limitée de divulguer tous les documents pertinents en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de sa société affiliée, la General Motors Corporation, une société des États-Unis.

Les avocats de Georgia-Pacific soulignent que le sous-alinéa 450(1)b)(ii) des Règles de la Cour fédérale [4] prévoit que la Cour « peut ordonner à une partie de divulguer, dans l’affidavit prévu […], l’existence de tout document pertinent en la possession, sous l’autorité ou sous la garde […] de toute personne morale ou de tout particulier qui contrôle directement ou indirectement la partie [5] ». Les avocats font valoir que, même avant que le sous-alinéa 450(1)b)(ii) ait été promulgué, la Section de première instance de la Cour fédérale avait, dans l’affaire Monarch Marking Systems, Inc. c. Esselte Meto Ltd. [6] , ordonné à une société canadienne de produire des documents qui étaient en la possession et sous la garde de sa société affiliée étrangère.

Les avocats de Georgia-Pacific font valoir que la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire Monarch a été citée avec approbation par la Cour fédérale dans l’appel R. c. Crestbrook Forest Industries Limited [7] . Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que la conduite de CGC et de National est de nature à contrarier les objectifs visés par le Tribunal lorsqu’il a établi les lignes directrices sur les demandes de renseignements, au détriment de Georgia-Pacific, et que les intérêts de l’équité, de l’efficience et de la justice naturelle justifient d’accorder le recours demandé par Georgia-Pacific.

Dans une lettre datée du 11 septembre 1997, le Tribunal a invité CGC et National à répondre à la requête de Georgia-Pacific et a donné à cette dernière l’occasion de répliquer auxdites réponses.

Réponse de CGC

Les avocats de CGC soutiennent que, contrairement aux affirmations de Georgia-Pacific, le 29 août 1997, CGC a répondu aux demandes de renseignements de Georgia-Pacific conformément aux lignes directrices du Tribunal à cet effet. Les avocats déclarent qu’ils ont avisé Georgia-Pacific que CGC n’était pas en mesure de répondre aux demandes de Georgia-Pacific « au nom de » USG, puisque ces demandes visaient des renseignements et des documents qui étaient en la possession de USG, et que les décisions à cet égard devaient être approuvées par USG. CGC a aussi souligné que, dans la correspondance subséquente avec Georgia-Pacific, elle a réitéré sa position, mais a invité Georgia-Pacific à adresser ses demandes directement à USG. À ce jour, Georgia-Pacific ne s’est pas prévalue de cette possibilité.

Les avocats de CGC soutiennent que, pour rendre l’ordonnance demandée par Georgia-Pacific, le Tribunal devrait percer le voile corporatif et conclure que CGC est mandataire de USG ou que CGC a été établie par USG comme une ruse, pour agir à travers elle. Les avocats font valoir qu’il est bien établi en droit que les corporations filiales bénéficient d’une forte présomption en faveur de leur existence en tant qu’entités séparées et distinctes. Selon les avocats, en l’absence de relations explicites ou implicites de mandataire, de fraude, de conspiration ou de preuve que la filiale est l’alter ego de la société-mère, le voile corporatif ne doit pas être levé. Les avocats soutiennent qu’il n’existe aucun élément de preuve qui permettrait au Tribunal de rendre une telle conclusion au sujet de CGC. À cet égard, les avocats font observer que CGC est une société canadienne qui existe et fait des affaires au Canada depuis longtemps, qu’elle détient les pleins pouvoirs de gestion et contrôle ses activités. De plus, étant donné que USG est une société des États-Unis, l’ordonnance que demande Georgia-Pacific aurait un caractère extraterritorial.

Les avocats de CGC soutiennent aussi que, même si le Tribunal est disposé à accepter l’analogie présentée par les avocats de Georgia-Pacific avec les systèmes d’interrogatoires préalables de l’Ontario et de la Cour fédérale, les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements ne comprennent aucune exception concernant les sociétés affiliées qui puisse se comparer aux exceptions qui se trouvent dans les Règles de procédure civile de l’Ontario ou dans les Règles de la Cour fédérale. Les avocats soulignent que les règles d’exception concernant les sociétés affiliées n’ont été ajoutées aux règles de l’Ontario et de la Cour fédérale que récemment. Les avocats allèguent que, puisque les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements ne comprennent aucune disposition d’exception concernant les sociétés affiliées, la seule analogie qu’il conviendrait de tirer serait entre les lignes directrices du Tribunal et les règles de l’Ontario et de la Cour fédérale telles qu’elles existaient avant l’ajout des exceptions concernant les sociétés affiliées auxdites règles. De ce fait, les avocats soutiennent que les affaires citées par les avocats de Georgia-Pacific, sur lesquelles il a été statué après l’ajout des exceptions concernant les sociétés affiliées auxdites règles, ne sont d’aucune utilité.

Les avocats de CGC renvoient le Tribunal aux décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale dans les affaires Indalex Ltd. c. La Reine [8] et Bowlen c. R. (no 2) [9] , toutes les deux rendues avant l’ajout de l’exception concernant les sociétés affiliées aux Règles de la Cour fédérale, ainsi qu’à la décision de la Cour d’appel du Royaume-Uni dans l’affaire Lonrho Ltd. c. Shell Petroleum Co. [10] , qui, selon les avocats, confirment que les cours n’exigeront que très rarement la réponse aux interrogatoires préalables portant sur plus que les documents et les renseignements en la possession, sous l’autorité ou sous la garde des parties à une procédure. Les avocats soutiennent que, même si le Tribunal peut affirmer l’existence implicite d’une règle analogue à l’exception concernant les sociétés affiliées dans ses lignes directrices sur les demandes de renseignements, le Tribunal doit se rappeler la prudence préconisée par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Crestbrook où elle déclare que le pouvoir d’exiger de fournir les réponses à ce genre d’interrogatoires préalables, ou, en l’espèce, de demandes de renseignements, ne doit être exercé que rarement.

Réponse de National

Les avocats de National au Canada soutiennent que les avocats de Georgia-Pacific n’ont aucunement justifié les demandes de renseignements adressées à National. Les avocats de National soutiennent aussi que « le déséquilibre entre le peu de pertinence des données [demandées] et le fardeau qu’impose à [National] une réponse complète est manifeste » [traduction]. Enfin, les avocats de National indiquent que National est disposée à répondre, du mieux qu’elle peut, à certaines questions qu’a posées Georgia-Pacific.

Le Tribunal a aussi reçu un exposé des avocats de National aux États-Unis. Les avocats font observer que, dans le présent réexamen, National a déjà répondu à un questionnaire détaillé que lui a fait parvenir le Tribunal. Les avocats soulignent que les avocats des parties adverses dans le présent réexamen ont eu l’occasion de soumettre leurs observations sur le contenu souhaitable des questionnaires du Tribunal. Selon les avocats, puisque les parties se sont prévalues de cette possibilité, la portée des réponses aux questionnaires du Tribunal devrait être suffisante tant pour le Tribunal que pour les avocats des parties adverses aux fins de leur préparation à l’audience.

Les avocats de National soutiennent que les questions posées par Georgia-Pacific visent des éléments qui ne se rapportent que de loin aux questions devant le Tribunal ou imposent un fardeau indu compte tenu du travail très considérable qu’exigerait la préparation des réponses par rapport à la valeur probante limitée de ces dernières. Enfin, les avocats indiquent que les réponses à certaines des questions peuvent être obtenues à partir des renseignements déjà au dossier du réexamen.

Réponse de Georgia-Pacific

En réponse à l’exposé des avocats de CGC, les avocats de Georgia-Pacific font observer que ni CGC ni les avocats de cette dernière n’ont indiqué d’une manière quelconque s’ils ont ou s’ils ont eu accès à certains des renseignements ou documents visés dans les demandes de renseignements de Georgia-Pacific. En outre, les avocats de Georgia-Pacific font observer que les avocats de CGC n’ont pas indiqué si une quelconque tentative avait été faite pour demander à USG de fournir les renseignements ou les documents en cause. Enfin, les avocats de Georgia-Pacific font observer que les avocats de CGC ont indiqué que CGC ne répondra qu’aux demandes de renseignements qui portent sur ses propres activités. Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que ces faits, pris ensemble, laissent croire que CGC a accès ou a eu accès, en partie ou en totalité, aux renseignements ou aux documents en cause et qu’elle a l’intention de s’en servir d’une façon sélective pour présenter sa cause auprès du Tribunal.

Quant aux arguments des avocats de CGC concernant la levée du voile corporatif, les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que le Tribunal n’a pas besoin de lever de voile corporatif ni de conclure que CGC est la mandataire de USG pour rendre l’ordonnance que Georgia-Pacific demande. Selon l’exposé de Georgia-Pacific, le Tribunal peut rendre l’ordonnance s’il conclut que l’administration de la justice justifie la production des éléments de preuve pertinents.

Cependant, selon l’exposé des avocats de Georgia-Pacific, si le Tribunal n’est pas disposé à rendre une ordonnance pour le motif susmentionné, à l’examen des questions d’ordre juridique soulevées par les avocats de CGC, le Tribunal devrait encore accorder à Georgia-Pacific le recours qu’elle demande. Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que le Tribunal peut lever le voile corporatif, même si le Tribunal conclut que CGC n’est mandataire de USG qu’à une seule fin et est autonome à tous autres égards. À l’appui de cette affirmation, les avocats de Georgia-Pacific ont cité les affaires Nedco Ltd. c. Clark [11] , Aluminum Co. of Canada Ltd. c. Toronto [12] et Toronto c. Famous Players Canadian Corp. [13] . Les avocats font valoir que, aux fins du réexamen du Tribunal, CGC agit à titre de représentant exclusif de USG et agit donc d’une manière « similaire » à celle d’un mandataire.

Les avocats de Georgia-Pacific ont aussi contesté l’affirmation incluse dans l’exposé des avocats de CGC selon laquelle les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements ne comprennent aucune exception concernant les sociétés affiliées et qu’une telle exception ne peut en être déduite. Les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que l’argument des avocats de CGC sur ce point est illogique. À cet égard, les avocats de Georgia-Pacific soulignent que les lignes directrices du Tribunal sur les demandes de renseignements ont été « promulguées » après l’ajout des exceptions concernant les sociétés affiliées, tant aux règles de l’Ontario qu’aux règles de la Cour fédérale et que le Tribunal a promulgué les lignes directrices alors qu’il savait que les cours supérieures avaient le pouvoir d’ordonner aux « sociétés affiliées » de produire des documents. Selon l’exposé des avocats de Georgia-Pacific, à la lumière du fait susmentionné, l’existence d’un tel pouvoir des cours supérieures doit « éclairer » l’examen par le Tribunal de son pouvoir aux termes des lignes directrices sur les demandes de renseignements.

En outre, les avocats de Georgia-Pacific soutiennent que, même avant que les règles de l’Ontario et de la Cour fédérale ne comprennent explicitement une exception concernant les sociétés affiliées, les tribunaux ordonnaient, lorsque les circonstances le justifiaient, que les documents en la possession des sociétés affiliées soient produits. Autrement dit, le pouvoir de ces tribunaux de rendre de telles ordonnances ne découle pas des règles, mais ressortit plutôt d’une façon inhérente aux tribunaux supérieurs d’archives.

En ce qui a trait à National, les avocats de Georgia-Pacific font observer que National ne s’est pas conformée aux lignes directrices sur les demandes de renseignements, puisqu’elle n’a pas répondu de quelque manière que ce soit dans les délais prescrits. Les avocats soutiennent qu’il est trop tard pour que National conteste la pertinence des demandes de Georgia-Pacific, réponde superficiellement à un choix de questions ou conteste le droit de Georgia-Pacific à même signifier quelque demande de renseignements que ce soit pour le motif que les avocats de Georgia-Pacific ont eu l’occasion de soumettre leurs observations sur les questionnaires du Tribunal. Les avocats soutiennent que tous les renseignements demandés dans les demandes adressées à National sont pertinents. En outre, les avocats soutiennent que, poussée à son terme logique, la position de National entraînerait l’élimination complète des demandes de renseignements du processus de réexamen.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le Tribunal est d’avis que la requête de Georgia-Pacific soulève les deux questions suivantes :

• si le Tribunal a le pouvoir d’ordonner à CGC et à National de répondre aux demandes de renseignements de Georgia-Pacific;

• dans l’éventualité où le Tribunal a ce pouvoir, s’il doit l’exercer dans la présente cause.

Pouvoir du Tribunal d’ordonner la production de documents et de renseignements

Paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur

Plusieurs des exposés des parties au sujet du pouvoir du Tribunal d’ordonner à CGC et à National de répondre aux demandes de renseignements de Georgia-Pacific ont gravité autour des lignes directrices sur les demandes de renseignements qu’a publiées le Tribunal le 29 juillet 1997. Le Tribunal est d’avis que les lignes directrices susmentionnées n’ajoutent ni ne soustraient en rien à ses pouvoirs. Il s’agit d’une « ligne directrice » publiée par le Tribunal pour structurer le processus des demandes de renseignements, en vue de faciliter l’échange utile et en temps opportun des renseignements entre les parties avant l’audience.

Le Tribunal est un organisme quasi judiciaire établi aux termes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [14] (la Loi sur le TCCE). À quelques exceptions près, les tribunaux de ce genre ne détiennent que les pouvoirs que leur confère la loi habilitante. L’article 17 de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit :

(1) Le Tribunal est une cour d’archives; il a un sceau officiel dont l’authenticité est admise d’office.

(2) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives. (Soulignement ajouté)

Ainsi qu’il a été noté ci-dessus, les demandes adressées par Georgia-Pacific visent la production de divers documents, ainsi que la fourniture de certains renseignements. Il est bien établi en droit que les cours supérieures ont le pouvoir d’ordonner aux parties à une procédure devant elles de produire des documents. De ce fait, le Tribunal est d’avis que le paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE lui confère le pouvoir nécessaire pour ordonner aux parties qui comparaissent devant lui de produire des documents. La question de savoir si ce pouvoir devrait être exercé dans la présente cause est traitée ci-dessous.

En ce qui a trait à la production de renseignements, indépendamment de celle des documents existants, le Tribunal est d’avis que la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Interprovincial Pipe Line Limited c. L’Office national de l’énergie [15] est révélatrice. Dans cette affaire, Interprovincial Pipe Line Limited a interjeté appel d’une ordonnance de l’Office national de l’énergie (l’Office) qui l’enjoignait de produire certains renseignements concernant sa filiale en propriété exclusive aux États-Unis, Lakehead Pipe Line Company Inc. La Cour a conclu que, pour que les renseignements soient établis, Interprovincial Pipe Line Limited devait demander à Lakehead Pipe Line Company Inc. de procéder à un certain nombre de « calculs, concordances, analyses, ajustements, évaluations et prévisions [16] ». La Cour a déclaré que la question en litige dans l’appel était de savoir « si la loi permet à l’Office d’ordonner la préparation et la production de renseignements dans une forme qui n’existe pas déjà [17] ». Dans son jugement, la Cour a fait observer que, bien que tous les renseignements que l’Office désirait obtenir auraient pu être divulgués, sur une période de temps prolongée, par témoignage verbal, ce n’était pas là un mode de procédure pratique.

Comme le paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, le paragraphe 10(3) de la Loi sur l’Office national de l’énergie (la Loi sur l’ONÉ) [18] traite expressément de la production de documents, par opposition aux renseignements. Sans répondre à la question d’une manière définitive, la Cour d’appel fédérale s’est interrogée sur la question de savoir si le pouvoir de l’Office de rendre une ordonnance pouvait être basé sur la disposition susmentionnée. Dans l’examen de cette question, la Cour a fait observer que, relativement à certaines des procédures de l’Office, les règles de l’Office prévoient que l’Office peut ordonner aux parties qu’elles lui fournissent tous « autres renseignements, détails ou documents que l’Office peut juger nécessaires ». Cependant, la Cour a conclu que les règles de l’Office ne s’appliquaient pas à la procédure en question. La Cour a aussi fait observer que, dans certains types de procédures devant l’Office, la Loi sur l’ONÉ accordait expressément à l’Office le pouvoir d’ordonner la production de renseignements. Cependant, la Cour a fait observer que ces dispositions ne s’appliquaient pas à la procédure en question. Après avoir examiné les questions, la Cour a déclaré :

Compte tenu de ces incertitudes, je suis incapable de conclure que la Loi ou les Règles permettent expressément de recourir au pouvoir exercé par l’Office en l’espèce, mais étant donné la nécessité pratique de l’exercice d’un tel pouvoir je suis d’avis qu’il faut nécessairement conclure à son existence si on se base sur la nature du pouvoir de réglementation accordé à l’Office. Voir Halsbury’s Laws of England, 3e éd., vol. 36, par. 657, à la p 436 : [TRADUCTION] « Les pouvoirs accordés par une loi habilitante ne comprennent pas seulement les pouvoirs accordés expressément, mais également par implication, tous les pouvoirs raisonnablement nécessaires pour atteindre l’objectif visé ». (Soulignement ajouté) [19] .

En tirant sa conclusion, la Cour d’appel fédérale a fait observer ce qui suit :

Il n’y a aucun doute que le pouvoir d’ordonner la préparation et la production de renseignements écrits de cette nature est nécessaire pour permettre à l’Office d’exercer avec efficacité sa compétence en vertu de la Loi. Voici en quels termes M. Whittle, le secrétaire de l’Office, pose le problème dans son affidavit :

[TRADUCTION] Je suis d’avis que, si l’Office ne peut exiger des compagnies assujetties à sa compétence de fournir des renseignements dans une forme qu’il désigne, et s’il est limité à utiliser des documents non préparés, non analysés, non inscrits, désunis et désordonnés, et des données de technogénie qui se trouvent sous la garde et le contrôle de ces compagnies, l’Office, aidé par son personnel technique, sera incapable de s’acquitter adéquatement des responsabilités que lui impose la Loi sur l’Office national de l’énergie.

Ce qui précède s’applique aussi aux enquêtes que le Tribunal mène aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [20] (la LMSI), ainsi qu’à certaines enquêtes menées aux termes de la Loi sur le TCCE. Une bonne partie des renseignements utilisés par le Tribunal dans les causes concernant la LMSI n’est tout simplement pas conservée « sur une tablette » sous forme de document par les sociétés. De plus, dans une procédure aux termes de la LMSI, le Tribunal doit souvent examiner une partie ou un secteur d’une branche de production. Même lorsque les renseignements documentaires sont disponibles, ils se rapportent en général à l’activité globale des sociétés, par opposition à leurs secteurs. Si le Tribunal ne pouvait obtenir des parties les renseignements structurés d’une manière compréhensible, et n’obtenait plutôt que des documents, le Tribunal serait forcé de diviser ces documents et « d’extraire » les renseignements pertinents à l’enquête. Ce faisant, le Tribunal devrait poser plusieurs hypothèses concernant la répartition et d’autres questions, ce qui réduirait sensiblement la précision et la fiabilité des renseignements ainsi produits.

Pour obtenir les renseignements nécessaires à une procédure aux termes de la LMSI, le personnel du Tribunal distribue des questionnaires aux participants de la branche de production, y compris les producteurs nationaux, les importateurs et les exportateurs. Les renseignements ainsi recueillis par le personnel sont regroupés dans un rapport détaillé préalable à l’audience, qui énonce, entre autres, des renseignements concernant les prix, les importations, les résultats financiers de la branche de production nationale, les données sur l’utilisation de la capacité, les stocks et les tendances du marché. (À titre d’exemple, le personnel a préparé un rapport préalable à l’audience du présent réexamen qui compte 88 pages, comprend plus de 60 tableaux et figures qui présentent des données économiques et financières et inclut 30 annexes où se trouvent d’autres données.) Le rapport préalable à l’audience est distribué à toutes les parties d’une procédure donnée du Tribunal et le Tribunal et les parties s’en servent beaucoup comme document de référence. Le Tribunal procède de cette façon depuis sa création, à la fin de 1988, et ses prédécesseurs procédaient d’une manière similaire. En bref, si le Tribunal ne pouvait obtenir les renseignements nécessaires, il lui serait pratiquement impossible d’exécuter son mandat.

Le Tribunal est d’avis que, aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, il a le pouvoir d’ordonner aux parties à une de ses procédures de produire des documents et, par implication, le pouvoir d’ordonner aux parties à une de ses procédures de produire des renseignements.

À savoir si le Tribunal doit exercer son pouvoir d’ordonnerla production de documents
et de renseignements dans la présente cause

Nonobstant son opinion qu’il dispose de l’autorité nécessaire pour ordonner aux parties à une de ses procédures de produire des documents et des renseignements, il reste à savoir si le Tribunal doit exercer ce pouvoir dans la présente cause. Selon le Tribunal, le facteur de la pertinence est le point de départ de l’analyse de cette question. Autrement dit, si des documents ou des renseignements demandés par Georgia-Pacific ne sont pas, de l’avis du Tribunal, pertinents au présent réexamen, alors il ne doit pas en ordonner la production. En outre, si la production ou la préparation des documents ou des renseignements demandés représente un fardeau considérable pour la partie, et que les données, bien que pertinentes, n’ont qu’une valeur probante restreinte, le Tribunal doit s’abstenir d’exercer son pouvoir d’en ordonner la production. Le Tribunal a examiné les demandes de renseignements en question à la lumière des principes ci-dessus et a conclu que, en majeure partie, ils visent des renseignements pertinents dont la valeur est probante. Par conséquent, le Tribunal a ordonné à CGC et à National de répondre à ces demandes de renseignements, sous réserve de certaines modifications aux questions.

CGC continue de soutenir qu’elle ne peut répondre aux demandes de renseignements « au nom de » USG, puisque les renseignements et les documents qui s’y rapportent sont en la possession, sous l’autorité et sous la garde de USG. CGC soutient aussi que le Tribunal ne doit pas lever le voile corporatif de CGC à moins d’être convaincu que CGC a été établie par USG à titre de ruse, pour agir à travers elle, ou à moins que des éléments de preuve ne montrent l’existence d’une relation de mandant-mandataire, de fraude ou de conspiration ou que CGC est l’alter ego de USG. Georgia-Pacific soutient que, pour accorder le recours demandé, le Tribunal n’a pas besoin de lever le voile corporatif, mais qu’il suffit plutôt que le Tribunal soit convaincu qu’une telle ordonnance sert l’administration de la justice et de l’équité. Georgia-Pacific soutient aussi que, si le Tribunal n’est pas disposé à procéder d’après de tels fondements, il existe suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour permettre au Tribunal de conclure que CGC agit d’une manière semblable à celle d’un mandataire de USG.

Dans l’affaire Monarch, la Section de première instance de la Cour fédérale a ordonné à un administrateur d’une société canadienne de répondre à des questions concernant les éléments qui, selon la Cour, étaient connus des sociétés affiliées étrangères de la société. En arrivant à sa décision, la Cour a déclaré :

Étant donné la réalité du monde commercial d’aujourd’hui, avec des sociétés internationales, grandes et petites, faisant des affaires presque partout dans le monde par l’entremise de filiales et considérant les frontières nationales comme des inconvénients négligeables auxquels on peut remédier par des moyens d’organisation, il est indispensable de ne pas permettre au voile de l’anonymat des sociétés de faire obstacle à l’administration de la justice au Canada. L’interrogatoire préalable est un instrument important dans l’administration de la justice civile. Je suis certain que, sous la menace des sanctions judiciaires appropriées, les sociétés canadiennes peuvent facilement et à peu de frais obtenir de leurs filiales étrangères des réponses aux questions valablement posées à l’interrogatoire. Je suis persuadé qu’on devrait leur demander d’essayer de les obtenir et les tenir responsables de leur défaut ou de la réticence de leurs filiales.

Le Tribunal fait observer que, dans l’affaire Crestbrook, la Cour d’appel fédérale a cité l’affaire Monarch avec approbation et a déclaré que, dans la mesure où la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire Indalex entrait en conflit avec le jugement dans l’affaire Monarch, il y avait lieu de considérer que c’est ce dernier jugement qui représente un juste énoncé de droit.

Dans l’affaire Crestbrook, une des parties au litige a demandé à la Cour d’appel fédérale d’ordonner à une société canadienne, Crestbrook Forest Industries Limited, de répondre à des questions visant des renseignements qui n’étaient pas sous le contrôle de la société, mais sous le contrôle de ses deux actionnaires japonais. Après une analyse soignée des liens entre Crestbrook Forest Industries Limited et les actionnaires japonais, la Cour a rendu l’ordonnance parce que, à son avis, la société canadienne était l’alter ego des entreprises japonaises.

Dans l’examen de la requête de Georgia-Pacific, le Tribunal estime qu’il importe d’étudier la relation entre CGC et USG. À cet égard, le Tribunal fait observer que CGC est une filiale en propriété exclusive de USG et qu’elle figure au dossier du présent réexamen comme appuyant l’annulation des conclusions du Tribunal. Au moment de la procédure dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004, qui a donné lieu aux conclusions qui font l’objet du réexamen, CGC, bien qu’elle ait été une filiale de USG, n’était pas une filiale en propriété exclusive. Dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004, CGC a plaidé en faveur de conclusions de dommage par le Tribunal.

Le Tribunal fait aussi observer que, dans son Rapport annuel de 1994, un document qui a été versé au dossier du présent réexamen, USG déclare qu’elle « investira dans sa croissance en ciblant ses ressources en capital pour tirer partie des synergies de distribution et de commercialisation dans les activités de ses filiales, en développant et en mettant en marché de nouveaux produits, en gérant son activité liée au placoplâtre en Amérique du Nord sur une base continentale » [traduction]. Le Rapport annuel indique aussi que « chacune des principales activités commerciales est maintenant gérée comme une unité, plutôt que comme des sociétés distinctes » [traduction]. Il est manifeste, dans le Rapport annuel, que USG considère le commerce des panneaux muraux de placoplâtre en Amérique du Nord comme l’une de ses principales activités commerciales.

Le Rapport annuel de 1994 précise aussi que « USG est à l’avant-garde de l’industrie du placoplâtre en Amérique du Nord en ce qui a trait à l’aptitude à profiter des occasions que recèle l’Accord de libre-échange nord-américain. Les frontières n’existent plus pour ce type de commerce, en ce sens que le service à la clientèle et la gestion des stocks et de la capacité de production se font sur une base continentale » [traduction]. Dans une section de ce rapport annuel, intitulée « Operations Review » (Revue de l’activité) et, en sous-titre, « United States Gypsum Company » (société United States Gypsum), il est déclaré ce qui suit au sujet de CGC : « CGC Inc., met en œuvre la stratégie du placoplâtre en Amérique du Nord par l’expansion du marché et de la gamme de produits et par la coordination de la fabrication et de la distribution avec U.S. Gypsum » [traduction]. Enfin, les états financiers inclus dans ce rapport annuel regroupent US Gypsum, CGC et d’autres filiales sous la rubrique « North American Gypsum » (Placoplâtre en Amérique du Nord).

Le Rapport annuel de 1995 de USG est structuré de la même façon quant au regroupement et à la discussion des résultats sur une base nord-américaine. Par exemple, dans ce rapport annuel, USG déclare « réaliser des avantages uniques au plan du service et de la compétitivité par l’intégration de ses trois unités nord-américaines de placoplâtre » [traduction].

Dans son Rapport annuel de 1996, USG fait observer que, en 1996, CGC est devenue une filiale en propriété exclusive. USG déclare qu’« il sera ainsi possible à USG d’aligner davantage CGC aux plans stratégique et opérationnel au sein de l’activité du placoplâtre en Amérique du Nord » [traduction]. Dans le Rapport annuel, il est discuté, sur une base nord-américaine, de l’évolution concernant l’activité de USG en Amérique du Nord et des résultats issus de ses activités annuelles sur une base nord-américaine.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que, en ce qui a trait aux panneaux muraux de placoplâtre, USG recherche des clients et gère ses activités commerciales sur une base nord-américaine. Le Tribunal n’est pas disposé à conclure que CGC est, à toutes fins, l’alter ego ou le mandataire de USG. Cependant, étant donné l’intégration et la coordination des activités de USG en Amérique du Nord, le fait que CGC « mette en œuvre la stratégie du placoplâtre en Amérique du Nord » et le fait que la présence ou l’absence de conclusions de dommage aurait une incidence sur le commerce transfrontalier des panneaux muraux de placoplâtre et sur l’activité dans le marché nord-américain en général, le Tribunal est convaincu que CGC agit à titre de mandataire de USG aux fins du présent réexamen. À la lumière de la perspective nord-américaine apparemment retenue par USG pour gérer ses activités commerciales liées au placoplâtre, il est raisonnable de conclure que la décision concernant la position que CGC devrait adopter dans la présente procédure a été prise aux États-Unis.

Le Tribunal fait observer que, dans l’affaire Crestbrook, la Cour d’appel fédérale a indiqué que le pouvoir d’exiger le genre de réponses en question dans l’affaire susmentionnée ne devait être exercé que « rarement » et ne l’être « qu’exceptionnellement, lorsqu’il est démontré au préalable qu’il y va de l’intérêt de l’administration de la justice de faire abstraction de la personnalité morale ». Le Tribunal est d’avis que la situation est telle dans la présente. Sous réserve des modifications énoncées dans sa décision, le Tribunal est d’avis que les documents et les renseignements demandés par Georgia-Pacific sont pertinents au présent réexamen. Permettre à CGC d’ériger un mur corporatif pour faire obstacle à la fourniture des pièces empêcherait le Tribunal d’exécuter son mandat aux termes de la LMSI et entraverait gravement l’aptitude de certaines parties à présenter leur cause au Tribunal.


1. Placoplâtre originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, Conclusions, le 20 janvier 1993, Exposé des motifs, le 4 février 1993.

2. R.R.O. 1990, Règl. 194.

3. (1986), 14 C.P.C. (2e) 147 (C. dist.).

4. C.R.C. 1978, ch. 663, modifiées.

5. Paragraphe 30.02(4) des Règles de procédure civile de l'Ontario et sous-alinéa 450(1)b)(ii) des Règles de la Cour fédérale, ci-après désignés « exceptions concernant les sociétés affiliées ».

6. (1983), 75 C.P.R. (2e) 130.

7. (1993), 93 D.T.C. 5186 (permission d'interjeter appel à la C.S.C. refusée (1993), 160 N.R. 320n).

8. 84 D.T.C. 6018 (C.F. 1re inst.).

9. (1977), 5 C.P.C. 215 (C.F. 1re inst.).

10. [1980] Q.B. 358; confirmée par [1980] 1 W.L.R. 627 (H.L.).

11. [1973] 6 W.W.R. 425.

12. [1944] 3 D.L.R. 609.

13. [1936] R.C.S. 141.

14. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

15. [1978] 1 C.F. 601 (C.A.F.).

16. Ibid. aux p. 605 et 606.

17. Ibid. à la p. 605.

18. L.R.C. (1985), ch. N-7. 10(3). En ce qui concerne la présence, l'assermentation et l'interrogatoire des témoins, la production et l'examen des documents, l'exécution de ses ordonnances, l'entrée en jouissance des biens et leur inspection, de même que toutes les autres matières indispensables ou appropriées à l'exercice régulier de sa juridiction, l'Office a tous les pouvoirs, droits et privilèges attribués à une cour supérieure d'archives.

19. Voir aussi l'affaire Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722, où la Cour suprême du Canada déclare, à la p. 1756 : Les pouvoirs d'un tribunal administratif doivent évidemment être énoncés dans sa loi habilitante, mais ils peuvent également découler implicitement du texte de la loi, de son économie et de son objet. Bien que les tribunaux doivent s'abstenir de trop élargir les pouvoirs de ces organismes de réglementation par législation judiciaire, ils doivent également éviter de les rendre stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste.

20. L.R.C. (1985), ch. S-15.


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Publication initiale : le 4 novembre 1997