RACCORDS DE TUYAUTERIE À SOUDER

Réexamens (article 76)


CERTAINS RACCORDS DE TUYAUTERIE À SOUDER, DE TYPES À PRESSION ET À DRAINAGE, RENVOI ET ÉVENT, FAITS EN ALLIAGES DE CUIVRE COULÉ, EN ALLIAGES DE CUIVRE OUVRÉ OU EN CUIVRE OUVRÉ, D’UN DIAMÈTRE MAXIMAL DE 6 PO ET L’ÉQUIVALENT MÉTRIQUE, UTILISÉS DANS LE CHAUFFAGE ET LA PLOMBERIE
Réexamen no : RR-97-008

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 9 juin 1998

Réexamen no : RR-97-008

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes de l’article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant le dumping au Canada de certains raccords de tuyauterie à souder, de types à pression et à drainage, renvoi et évent, faits en alliages de cuivre coulé, en alliages de cuivre ouvré ou en cuivre ouvré, d’un diamètre maximal de 6 po et l’équivalent métrique, utilisés dans le chauffage et la plomberie, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique et produits par les sociétés Elkhart Products Corporation, d’Elkhart (Indiana), Nibco Inc., d’Elkhart (Indiana), et Mueller Industries, Inc., de Wichita (Kansas), leurs successeurs et ayants droit;

ET EU ÉGARD À une requête présentée par la société Cello Products Inc. visant à obtenir une ordonnance qui aurait pour effet de récuser le Pr G. Franklin Mathewson en qualité d’avocat inscrit au dossier des sociétés Amcast Industrial Limited et Elkhart Products Corporation dans le présent réexamen et de lui interdire l’accès aux renseignements confidentiels au dossier de la procédure du présent réexamen.

DÉCISION DU TRIBUNAL

AYANT examiné les exposés de M. Jeffery Jenkins au nom de Cello Products Inc. et de Mme Georgina Starkman Danzig au nom d’Amcast Industrial Limited et d’Elkhart Products Corporation;

PAR LA PRÉSENTE le Tribunal ordonne le rejet de la requête visant à obtenir une ordonnance de récusation du Pr G. Franklin Mathewson en qualité d’avocat inscrit au dossier d’Amcast Industrial Limited et d’Elkhart Products Corporation et visant à obtenir une autre ordonnance qui aurait pour effet de lui interdire l’accès aux renseignements confidentiels au dossier de la procédure du présent réexamen.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les sociétés Amcast Industrial Limited (Amcast) et Elkhart Products Corporation (Elkhart) ont déposé des actes de comparution à titre de parties dans lesquels elles ont désigné G. Franklin Mathewson, professeur d’économie et directeur de l’Institute for Policy Analysis de l’University of Toronto, pour les représenter. Le Pr Mathewson a déposé des actes de comparution en qualité d’avocat [ Note du réviseur : Les documents législatifs régissant le Tribunal canadien du commerce extérieur traduisent le terme « counsel » par « avocat ». Voir à la page suivante la définition légale qui en est donnée.] , ainsi que des actes de déclaration et d’engagement demandant accès aux renseignements confidentiels au dossier de la procédure du présent réexamen.

Le 4 mai 1998, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a envoyé une lettre aux avocats inscrits au dossier du présent réexamen, concernant la divulgation de renseignements confidentiels au Pr Mathewson, en qualité d’avocat représentant Amcast et Elkhart, accompagnée du curriculum vitæ de ce dernier. Le Tribunal y a déclaré notamment que, en l’absence d’éléments de preuve montrant que le Pr Mathewson ne répond pas aux exigences des actes de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité qu’il a déposés, il rendrait une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements confidentiels dans le cadre du présent réexamen à cette personne, et a indiqué la date limite du dépôt des exposés.

Dans une lettre du 7 mai 1998, l’avocat de Cello Products Inc. (Cello) s’est opposé à ce que le Pr Mathewson agisse en qualité d’avocat et à ce qu’il ait accès aux renseignements confidentiels du réexamen susmentionné. Dans sa lettre, l’avocat a contesté la démarche adoptée par le Tribunal dans sa lettre du 4 mai 1998 où, a-t-il soutenu, il est présumé que des personnes sont des avocats inscrits au dossier. De l’avis de l’avocat, cette démarche est incompatible avec le sens ordinaire du mot « avocat » et avec les objectifs de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE).

L’avocat de Cello a renvoyé à la définition du mot « avocat », énoncée au paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE, qui prévoit que « est assimilée à l’avocat toute personne, autre qu’un administrateur, préposé ou employé d’une partie à une procédure, qui agit au nom de celle-ci au cours de la procédure ». Il a soutenu que le Pr Mathewson ne comparaît pas « au nom de la partie » et que ses services ont été « retenus par Amsterdam & Peroff » [traduction]. À son avis, Amcast et Elkhart ont déjà retenu les services d’un avocat, soit le cabinet Amsterdam & Peroff, et le Pr Mathewson est donc inadmissible pour agir en qualité d’avocat.

L’avocat de Cello a soutenu que le Pr Mathewson ne peut « agir » devant « la présente cour ». À l’appui de son affirmation, l’avocat a fait référence à l’affaire MacDougall c. Société du barreau du Haut-Canada [2] en exemple d’une cause qui définit les fonctions accomplies par l’avocat devant une cour. L’avocat a soutenu que le Pr Mathewson n’a pas indiqué d’expérience en qualité d’avocat ou de conseiller juridique devant le Tribunal ou d’autres cours et que ses titres conviennent mieux au rôle de témoin. L’avocat a invoqué le Code de déontologie professionnelle de l’Association du Barreau canadien et, plus précisément, la disposition concernant l’« exercice du droit par des personnes non autorisées ». L’avocat a aussi invoqué la décision du Tribunal dans l’affaire Romanko [3] dans laquelle, a-t-il fait valoir, le Tribunal a déclaré que malgré la formation et l’expérience de M. Romanko, l’accès aux renseignements confidentiels lui était interdit parce qu’il n’était pas un avocat et n’était pas lié par un code de déontologie applicable aux avocats. L’avocat s’est dit d’avis que la préoccupation relative au manque de garantie ne doit pas s’appliquer uniquement à la question des renseignements confidentiels, mais doit s’étendre également à la reconnaissance de la qualité d’« avocat ».

L’avocat de Cello a soutenu qu’Amcast et Elkhart ne sont pas limitées dans leur choix d’Amsterdam & Peroff à titre d’avocat. Le Pr Mathewson peut aider les avocats et les parties sans examiner la version confidentielle du dossier ni comparaître à la procédure, et Amcast et Elkhart ne seront pas lésées ni ne subiront aucun tort attribuable à l’absence d’un avocat expérimenté ou au manque d’accès aux renseignements confidentiels. L’avocat a soutenu que le postulat selon lequel toute personne, autre qu’un administrateur, préposé ou employé d’une partie à une procédure, a le droit d’avoir plein accès aux renseignements confidentiels et de présenter des arguments au Tribunal est incompatible avec les objectifs de la Loi sur le TCCE, ainsi qu’il est ressorti des préoccupations du Tribunal et de la décision de la Cour d’appel fédérale selon laquelle le « principal objet visé par le législateur [est] d’éviter que des renseignements confidentiels ne soient portés à la connaissance des concurrents de la personne qui les fournit » [4] .

Dans une lettre du 14 mai 1998, un avocat du cabinet Amsterdam & Peroff a confirmé que le Pr Mathewson ne serait pas convoqué comme témoin.

En réponse aux observations de l’avocat de Cello, l’avocat d’Amsterdam & Peroff a soutenu qu’il existe une présomption législative que toute personne peut de droit recevoir la qualité d’avocat, sous réserve que cette personne réponde à la définition d’« avocat » aux termes du paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE. Aucun élément de preuve n’a été produit pour indiquer que le Pr Mathewson ait jamais été administrateur, préposé ou employé d’Amcast ou d’Elkhart. Il s’ensuit que la question qu’il reste à déterminer consiste à savoir si le Pr Mathewson agit au nom d’Amcast et d’Elkhart dans la procédure.

L’avocat d’Amsterdam & Peroff a soutenu que le Pr Mathewson a le même pouvoir d’agir au nom d’Amcast et d’Elkhart que le cabinet Amsterdam & Peroff, ainsi que le démontre le fait qu’il ait déposé des actes de comparution distincts. En outre, même si la firme Amsterdam & Peroff avait retenu les services du Pr Mathewson au nom d’Amcast et d’Elkhart, il l’a fait uniquement en tant que mandataire d’Amcast et d’Elkhart. Dans un cas comme dans l’autre, le Pr Mathewson agit pour Amcast et Elkhart et tout bénéfice obtenu et coût engagé parce que les services du Pr Mathewson ont ainsi été retenus reviendront à Amcast et Elkhart, et non à Amsterdam & Peroff.

Selon l’avocat d’Amsterdam & Peroff, rien dans la Loi sur le TCCE n’empêche une partie de recourir à plus d’un avocat, et les compétences du Pr Mathewson complètent celles d’Amsterdam & Peroff. Le Pr Mathewson et Amsterdam & Peroff agissent donc conjointement à titre de co-avocats d’Amcast et d’Elkhart.

En ce qui a trait à la question de savoir s’il est interdit au Pr Mathewson d’agir en qualité d’avocat dans le cadre du présent réexamen, l’avocat d’Amsterdam & Peroff a soutenu que les renvois à l’exercice non autorisé du droit ne sont pas pertinents, puisque l’« avocat », aux termes de la Loi sur le TCCE, est autorisé à agir en cette qualité dans la présente procédure. L’avocat a soutenu qu’il existe de nombreux exemples de lois qui autorisent des personnes, qui ne sont pas des avocats, à comparaître, à plaider ou à autrement « agir » devant divers tribunaux [5] .

L’avocat d’Amsterdam & Peroff a soutenu que, si le législateur avait voulu préciser davantage qui peut agir en qualité d’avocat, en limitant ces personnes aux « avocats compétents » ou « avocats expérimentés » ou « professionnels régis par un code de déontologie », il aurait pu formuler le libellé de la Loi sur le TCCE en ce sens.

L’avocat d’Amsterdam & Peroff a ensuite abordé la question de savoir si le Pr Mathewson devait avoir accès à la version confidentielle du dossier. L’avocat a soutenu que, à l’exclusion du fait qu’il ne soit pas un avocat et ne soit pas lié par un code de déontologie professionnelle, Cello n’a produit aucun élément de preuve indiquant qu’accorder au Pr Mathewson l’accès à la version confidentielle du dossier entraînerait un risque de divulgation de renseignements confidentiels. L’avocat a reconnu que le fait que le Pr Mathewson puisse ne pas être un avocat lié par un code de déontologie professionnelle était peut-être un facteur pertinent. Cependant, l’avocat a souligné que, même dans l’affaire Romanko, c’est la nature d’un emploi antérieur de M. Romanko, et non le fait qu’il était conseiller commercial, qui a convaincu le Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour refuser à M. Romanko l’accès aux renseignements confidentiels.

L’avocat d’Amsterdam & Peroff a soutenu que le Tribunal a l’habitude de permettre à des économistes, des employés du Tribunal et d’autres conseillers commerciaux autonomes d’avoir accès aux renseignements confidentiels, même si ces personnes ne sont pas des avocats liés par un code de déontologie professionnelle quelconque. En outre, le Pr Mathewson a l’expérience du traitement des renseignements à caractère confidentiel et respecte le principe de la confidentialité, puisqu’il a déjà comparu devant le Tribunal de la concurrence et a eu accès à des renseignements confidentiels.

Selon l’avocat d’Amsterdam & Peroff, si le Tribunal refusait au Pr Mathewson, en sa qualité d’avocat d’Amcast et d’Elkhart, le plein accès aux renseignements confidentiels, le Tribunal priverait Amcast et Elkhart de leur droit au type d’audience prévue aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [6] . L’avocat a ajouté que, si l’accès aux renseignements confidentiels était refusé au Pr Mathewson, ce dernier ne serait pas en mesure d’évaluer adéquatement la cause à laquelle participent Amcast et Elkhart et, par conséquent, de représenter correctement leurs intérêts.

Enfin, l’avocat d’Amsterdam & Peroff a indiqué que, pour réduire le risque de divulgation par inadvertance de renseignements confidentiels et en favoriser la protection, la firme Amsterdam & Peroff a convenu de recevoir et de garder dans ses bureaux tous les documents à caractère confidentiel adressés au Pr Mathewson.

Dans ses observations en réponse, présentées dans une lettre du 25 mai 1998, l’avocat de Cello a soutenu que le Tribunal devait analyser la question en deux étapes. Il doit d’abord évaluer l’expérience, les titres et la compétence des personnes qui demandent à être reconnues en qualité d’avocat. Le Tribunal doit surtout tenir compte de la capacité qu’a la personne d’agir avec le même degré de prudence et de compétence que les avocats expérimentés qui comparaissent périodiquement dans le cadre d’une telle procédure. Le Tribunal doit aussi considérer la responsabilité de la personne, la possibilité de sanctions, et la réticence qui pourrait se manifester lors des prochaines procédures si le caractère confidentiel ou l’efficacité de la procédure étaient entachés par la personne. Si la qualité d’« avocat » est conférée, le Tribunal doit alors effectuer une deuxième analyse pour déterminer quelles parties, le cas échéant, de la version confidentielle du dossier peuvent être divulguées à l’avocat en question.

L’avocat de Cello a soutenu que l’interprétation large de la définition du mot « avocat », énoncée au paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE et préconisée par l’avocat d’Amcast et d’Elkhart, a une portée trop vaste et qu’il « est absurde de proposer que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire étendu et absolu de déclarer que de telles personnes sont des avocats » [traduction]. La définition du mot « avocat » énoncée dans la Loi sur le TCCE prévoit qu’« est assimilée à l’avocat toute personne », ce qui signifie que sa portée ne s’étend pas à toutes les personnes et que le Tribunal peut exercer un certain pouvoir discrétionnaire.

L’avocat de Cello a avancé qu’il est indéfendable de prétendre que le Parlement a voulu exclure une condition visant les « avocats expérimentés » simplement parce que ces mots n’ont pas été expressément inclus dans le libellé du paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE. Selon l’avocat, l’expression « avocat expérimenté » est conforme au sens ordinaire du mot « avocat ». De plus, elle est conforme à la préoccupation du Parlement que l’information commerciale délicate soit traitée de manière à minimiser le risque de divulgation. L’avocat a soutenu que le Pr Mathewson n’a pas fait la preuve de ses compétences à titre d’avocat.

Abordant la première question, à savoir, celle de déterminer si le Pr Mathewson peut être considéré comme ayant qualité « d’avocat » aux fins du présent réexamen, le Tribunal est guidé par la définition du mot « avocat », énoncée au paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE. Celui-ci prévoit que, pour l’application du paragraphe 45(3), « est assimilée à l’avocat toute personne, autre qu’un administrateur, préposé ou employé d’une partie à une procédure, qui agit au nom de celle-ci au cours de la procédure ». La dernière partie de la définition susmentionnée est incluse dans l’article 2 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [7] qui prévoit qu’est assimilée à l’avocat toute personne qui agit au nom d’une partie au cours d’une procédure. La condition, selon laquelle l’avocat ne doit pas être « administrateur, préposé ou employé de la partie », est incluse dans l’acte de déclaration et d’engagement que doit déposer un avocat qui demande d’avoir accès aux renseignements confidentiels.

Le Pr Mathewson a déposé auprès du Tribunal une déclaration dans laquelle il dit ne pas être administrateur, préposé ni employé d’une partie à la procédure. L’avocat de Cello n’a présenté aucun élément de preuve qui contredise ou mette en doute la déclaration du Pr Mathewson et n’a pas contesté ladite déclaration. La question qu’il reste à trancher, par conséquent, est celle de déterminer si le Pr Mathewson peut être considéré comme agissant au nom d’Amcast et d’Elkhart dans le cadre du réexamen.

Le Tribunal reconnaît que le simple dépôt d’un acte de comparution en qualité d’avocat ne confère pas, de lui-même, la qualité d’« avocat ». Dans certaines circonstances, il se peut qu’une personne ne soit pas autorisée à comparaître en qualité d’avocat, par exemple s’il y a conflit d’intérêts. Cependant, le Tribunal n’admet pas l’interprétation étroite du mot « avocat » et de l’expression « agit au nom de la partie au cours de la procédure » avancée par l’avocat de Cello.

Plus particulièrement, le Tribunal n’admet pas que le fait que le Pr Mathewson puisse être rémunéré directement par Amsterdam & Peroff, plutôt que par Amcast et par Elkhart, indique qu’il n’agit pas au nom de ces deux sociétés, d’autant plus qu’Amcast et Elkhart, dans leurs avis de comparution en tant que parties, ont désigné le Pr Mathewson comme étant leur avocat. De plus, la jurisprudence invoquée au sujet de la comparution des personnes qui ne sont pas avocats et des règles qui interdisent l’exercice du droit par les personnes non autorisées se rapporte aux cours et n’est donc pas utile pour l’interprétation du mot « agir » dans le cadre d’une procédure devant le Tribunal, qui est un organisme administratif et non une cour. Cependant, le Tribunal observe que les cours ont déclaré qu’« en évaluant le bien-fondé d’une ordonnance de récusion, la Cour doit viser l’équilibre entre le droit de la personne de retenir les services d’un avocat de son propre choix, la politique publique et l’intérêt public dans l’administration de la justice et dans les principes de justice fondamentale » [traduction] et qu’« une telle ordonnance ne doit pas être rendue en l’absence de motifs convaincants » [8] [traduction].

La procédure du Tribunal, à titre d’organisme administratif, est moins formelle que celle des cours. Le Tribunal est d’avis que, étant donné la nature quasi judiciaire de sa procédure et le devoir qui en résulte d’agir avec justice, par implication, les parties ont le droit d’être représentées par un avocat [9] , comme le prévoit la Loi sur le TCCE, et d’être représentées par l’avocat de leur choix. Le Tribunal permet souvent aux parties d’être représentées par des personnes autres que des avocats, par exemple des conseillers commerciaux, des économistes ou des comptables. Les arguments de l’avocat de Cello ne convainquent pas le Tribunal qu’une modification de ses coutumes soit justifiée dans le présent réexamen. De plus, exiger que le Pr Mathewson ait une certaine expérience en qualité d’avocat ou de conseiller juridique devant le Tribunal ou d’autres cours pour pouvoir être autorisé à comparaître en qualité d’avocat d’Amcast et d’Elkhart dans le présent réexamen, comme l’a proposé l’avocat de Cello, équivaudrait, selon le Tribunal, à ajouter une nouvelle condition à la définition d’« avocat » énoncée au paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE.

Bien qu’il ne soit pas nécessaire, au moins de l’avis de l’avocat de Cello, qu’Amcast et Elkhart soient représentées par le Pr Mathewson, en plus des trois avocats d’Amsterdam & Peroff, le Tribunal permet souvent aux parties d’être représentées par plus d’un avocat. De fait, cela est conforme à la jurisprudence. Par exemple, dans l’affaire Parrish (Re) (1re inst.), la Cour fédérale du Canada a déclaré ce qui suit relativement à la question du nombre d’avocats et à leur participation à une procédure administrative :

Il est indubitable que les offices ou les tribunaux sont maîtres que leur propre procédure et que, lorsqu’un témoin comparaît en compagnie de deux ou trois avocats, il est certainement loisible au Bureau de limiter non seulement le nombre de ces derniers mais aussi l’étendue de leur participation. [...] Le Bureau peut être parfaitement libre d’interdire la présence de plus d’un avocat, et il appartiendrait à l’enquêteur de déterminer si la présence de plus d’un avocat entraverait sérieusement le déroulement de l’enquête. Dans la plupart des causes que j’ai examinées, la loi prévoyait la présence d’avocats, mais laissait au Bureau le pouvoir de déterminer sa propre procédure. Si l’on juge que la participation est injustement limitée, il est généralement possible de solliciter un contrôle judiciaire [10] .

S’il survient des questions quant à la participation de quatre avocats agissant au nom d’Amcast et d’Elkhart dans le présent réexamen qui puisse être de nature à avoir une incidence négative sur la tenue du réexamen ou à causer un tort à une autre partie au réexamen, le Tribunal en traitera au moment opportun.

Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il doive récuser le Pr Mathewson en qualité d’avocat d’Amcast et d’Elkhart dans le présent réexamen. Ayant statué de la sorte, le Tribunal doit en outre déterminer s’il doit divulguer les renseignements confidentiels au dossier du présent réexamen au Pr Mathewson et, le cas échéant, les conditions, s’il en est, d’une telle divulgation.

Le paragraphe 45(3) de la Loi sur le TCCE établit les conditions auxquelles les renseignements fournis par une partie et désignés confidentiels peuvent être divulgués. Le paragraphe 45(3) prévoit ce qui suit :

(3) Nonobstant le paragraphe (1), les renseignements auxquels ce paragraphe s’applique peuvent être communiqués par le Tribunal à l’avocat d’une partie à la procédure pour laquelle ils ont été fournis ou à toute procédure qui en découle; l’avocat ne peut les utiliser que dans le cadre de ces procédures, sous réserve des conditions que le Tribunal juge indiquées pour empêcher que les renseignements ne soient divulgués, sans le consentement écrit de la personne qui les a fournis, de manière à pouvoir être utilisés par :

a) toute partie à ces procédures, y compris celles qui sont représentées par avocat;

b) tout concurrent de la personne à l’entreprise ou aux activités de laquelle ils se rapportent.

Le Tribunal a interprété le paragraphe 45(3) de la Loi sur le TCCE comme lui conférant le pouvoir discrétionnaire de refuser de divulguer des renseignements confidentiels à un avocat à une procédure [11] . Dans l’affaire Ottoson-King, le Tribunal a conclu que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal doit se préoccuper de son obligation de protéger les renseignements confidentiels. Le Tribunal, dans l’enquête susmentionnée, a décidé de ne pas accorder à Mme Ottoson-King l’accès aux renseignements confidentiels pour le motif qu’elle ne résidait pas habituellement au Canada et, de ce fait, que son engagement pourrait ne pas revêtir un caractère exécutoire au Canada et ne procurerait donc pas « une garantie suffisante qu’aucun renseignement confidentiel qui lui serait divulgué ne puisse être divulgué à une autre partie à la procédure ou à un concurrent » [12] [traduction].

Dans l’affaire Romanko, le Tribunal a conclu qu’il peut refuser d’accorder l’accès aux renseignements confidentiels « lorsqu’il a des motifs de croire qu’il existe un risque raisonnable que l’avocat puisse divulguer des renseignements à une personne d’une manière calculée pour les rendre disponibles ou potentiellement disponibles à une partie à la procédure, ou à toute procédure, y compris aux parties qui sont représentées par avocat, ou à tout concurrent de la personne dont l’entreprise ou les activités font l’objet desdits renseignements » [13] [traduction]. Le Tribunal a conclu que, étant donné ses liens précédents avec l’Association canadienne des producteurs d’acier (ACPA), M. Romanko aurait eu accès à des renseignements confidentiels concernant la stratégie et les tactiques de la branche de production canadienne d’acier dans le traitement des pratiques commerciales déloyales au Canada et aux États-Unis qui, dans certains cas, pourraient être similaires aux renseignements confidentiels déposés par les parties à l’enquête. Le Tribunal a refusé à M. Romanko l’accès aux renseignements confidentiels du fait de sa conclusion, selon laquelle M. Romanko pourrait avoir « de la difficulté à discriminer quels renseignements lui avaient été divulgués dans le cadre de sa participation à la procédure en cause et quels renseignements il avait acquis dans le cadre de son emploi précédent » [traduction], et du fait « qu’il existait une crainte compréhensible au sein de la branche de production canadienne d’acier quant à la possibilité que des renseignements confidentiels soient divulgués, causant un dommage à certaines sociétés » [14] [traduction].

Dans l’affaire Maloney, le Tribunal a conclu qu’il avait le pouvoir discrétionnaire de refuser à Mme Maloney l’accès aux renseignements confidentiels. Cependant, en appliquant la démarche qu’il avait adoptée dans l’affaire Romanko, le Tribunal a déterminé à la lumière des faits que, étant donné les liens entre Mme Maloney et le Footwear Council of Canada, il était improbable que, durant la période où elle avait été directrice du Footwear Council of Canada ou durant l’enquête, elle ait eu accès au type de renseignements auxquels M. Romanko avait eu accès en tant que chef de l’exploitation pour l’ACPA.

Le Tribunal conclut que les faits du présent réexamen concernant le Pr Mathewson et sa demande d’accès aux renseignements confidentiels sont considérablement différents de ceux dans les affaires Ottoson-King, Romanko et Maloney. Le Pr Mathewson est un résident canadien et aucun élément de preuve n’indique qu’il ait déjà représenté une des parties au présent réexamen ni qu’il ait été associé à une personne ou à une société qui pourrait entraîner la divulgation de renseignements confidentiels sur l’une ou l’autre des parties. Le Tribunal n’est pas convaincu que le fait que le Pr Mathewson ne soit pas avocat et qu’il n’ait pas une certaine expérience en qualité d’avocat ou de conseiller juridique devant le présent Tribunal ou d’autres tribunaux motive une conclusion selon laquelle il existerait un risque raisonnable que le Pr Mathewson puisse divulguer des renseignements confidentiels à une personne de manière calculée pour les rendre disponibles ou potentiellement disponibles à une partie au réexamen, ou à toute autre procédure, ou à un concurrent de la personne dont l’entreprise ou les activités font l’objet desdits renseignements. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il convient d’accorder au Pr Mathewson l’accès aux renseignements confidentiels au dossier du présent réexamen, sous réserve des conditions énoncées dans l’acte d’engagement de ce dernier.

Pour les motifs qui précèdent, la requête de l’avocat de Cello visant à obtenir la récusation du Pr Mathewson en qualité d’avocat et à lui interdire l’accès aux renseignements confidentiels au dossier de la procédure du présent réexamen est rejetée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. (1890), 18 R.C.S. à la p. 203.

3. In the Matter of a Notice of Motion by Stelco Inc. for an Order Disqualifying Mr. Daniel W. Romanko, enquête no NQ-93-007, le 21 juin 1994.

4. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Tribunal canadien du commerce extérieur (1991), Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, numéro du greffe T-2108-91, le 23 août 1991.

5. R. v. Lawrie and Pointts Ltd. (1987), 59 O.R. (2e) 161 à la p. 166 (C.A.O.).

6. L.R.C. (1985), ch. S-15.

7. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

8. R. c. Speid (1983), 43 O.R. (2e) 596 (C.A.) à la p. 598.

9. Voir, par exemple, Parrish (Re) (1re inst.), [1993] 2 C.F. 60 à la p. 87.

10. Ibid. aux p. 87-88.

11. In the Matter of a Request by Ms. Ann Ottoson-King, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no NQ-93-003, le 11 mars 1994 à la p. 2; Romanko aux p. 7-8; et In the Matter of a Notice of Motion by The Shoe Manufacturers' Association of Canada for an Order Disqualifying Ms. Sharon E. Maloney, Tribunal canadien du commerce extérieur, réexamen no RR-94-003, le 7 février 1995 aux p. 5-6.

12. Ottoson-King, ibid. à la p. 2.

13. Romanko, supra note 3 à la p. 8.

14. Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 10 juillet 1998