TUBES EN CUIVRE CIRCULAIRES

TUBES EN CUIVRE CIRCULAIRES
Enquête d’intérêt public no PB‑2013-001

Décision rendue
le lundi 14 avril 2014

Motifs rendus
le jeudi 24 avril 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À des observations sur la question de savoir, en se fondant sur des motifs raisonnables, si l’assujettissement, total ou partiel, à des droits antidumping des importations de tubes en cuivre circulaires originaires ou exportés de la République fédérative du Brésil, de la République hellénique, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et des États-Unis du Mexique et à des droits compensateurs des importations de tubes en cuivre circulaires originaires ou exportées de la République populaire de Chine, par suite des conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur rendues le 18 décembre, dans le cadre de l’enquête no NQ-2013-004 tenue aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public aux termes de l’article 45 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation.

DÉCISION

Aux termes de l’article 45 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur est d’avis qu’il n’existe pas de motifs raisonnables pour considérer que l’assujettissement à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus dans la Loi sur les mesures spéciales d’importation des marchandises faisant l’objet des conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur rendues dans le cadre de l’enquête no NQ-2013-004 serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public. Par conséquent, le Tribunal canadien du commerce extérieur n’entreprendra pas une enquête d’intérêt public en la matière.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Pasquale Michaele Saroli, membre présidant
Daniel Petit, membre
Ann Penner, membre

Directeur des enquêtes sur les recours commerciaux : Matthew Sreter

Agent des enquêtes sur les recours  commerciaux : Noha Zabib

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Anja Grabundzija

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Parties

Conseillers/représentants

Halcor Metal Works S.A.

Gordon LaFortune
Michael Woods

Great Lakes Copper Inc.

Victoria Bazan

Nolrad International Inc.

Nick Grbic

Commission européenne – Direction générale du commerce

Karsten Mecklenburg

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 18 décembre 2013, dans le cadre de l’enquête no NQ-2013-004, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a conclu, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1], que le dumping de tubes en cuivre circulaires d’un diamètre extérieur de 0,2 pouce à 4,25 pouces (de 0,502 centimètre à 10,795 centimètres), à l’exception de tubes industriels et de tubes en cuivre recouverts ou isolés (les marchandises en question), originaires ou exportés de la République fédérative du Brésil (Brésil), de la République hellénique (Grèce), de la République populaire de Chine (Chine), de la République de Corée, et le subventionnement de ces marchandises originaires ou exportées de la Chine avaient causé un dommage sensible à la branche de production nationale de tubes en cuivre circulaires. Aux termes des paragraphes 43(1) et 43(1.01), le Tribunal a également conclu que le dumping des marchandises en question originaires ou exportées des États-Unis du Mexique avait causé un dommage.
  2. Le paragraphe 45(1) de la LMSI prévoit que le Tribunal, de sa propre initiative ou sur demande présentée par toute personne intéressée, ouvre une enquête d’intérêt public s’il est d’avis, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l’assujettissement de marchandises à des droits antidumping et compensateurs ou au plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  3. Le 13 février 2014, le Tribunal a avisé tous ceux qui avaient reçu copie de ses conclusions de dommage dans le cadre de l’enquête no NQ-2013-004 qu’il avait reçu de la part de Halcor Metal Works S.A. (Halcor), un producteur et exportateur grec des marchandises en question, et de Paranapanema S.A. (Paranapanema), un producteur et exportateur brésilien des marchandises en question, des demandes d’ouverture d’une enquête d’intérêt public dûment documentées. Le Tribunal a aussi invité les personnes intéressées à déposer des observations appuyant ou s’opposant aux demandes d’ouverture d’une enquête d’intérêt public.
  4. Le Tribunal a reçu un mémoire s’opposant à l’ouverture d’une enquête d’intérêt public de la part de Great Lakes Copper Inc. (GLC), qui a été déclarée par le Tribunal dans l’enquête no NQ-2013-004 comme le seul producteur national de tubes en cuivre[2]. Un mémoire à l’appui de l’ouverture d’une enquête d’intérêt public a été reçu de la part de Nolrad International Inc. (Nolrad), un importateur des marchandises en question provenant de la Grèce et d’autres pays visés et non visés. La Commission européenne a également déposé un mémoire à l’appui de la demande de Halcor.
  5. Paranapanema a retiré sa demande d’enquête d’intérêt public le 18 mars 2014[3]. Par conséquent, la seule demande dont est saisi le Tribunal est celle de Halcor.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Pour ouvrir une enquête d’intérêt public, le Tribunal doit être d’avis, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l’assujettissement des marchandises importées en question à des droits, ou au plein montant des droits, serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public[4].
  2. Les droits antidumping et/ou compensateurs imposés en vertu de la LMSI constituent la mesure corrective prévue par le Parlement pour remédier au dommage ou à la menace de dommage à la branche de production nationale causé par les importations sous-évaluées et/ou subventionnées[5]. L’article 45 de la LMSI prévoit la possibilité d’examiner le caractère approprié de cette mesure dans un cas particulier uniquement si une question d’intérêt public est véritablement soulevée. Le Tribunal n’ouvrira pas une telle enquête à moins d’avoir constaté qu’il y a un intérêt public.
  3. Le Tribunal a précédemment indiqué ce qui peut être considéré comme « intérêt public ». Par exemple, selon les circonstances, le terme « intérêt public » peut faire référence aux intérêts de la population en général, ou à ceux d’un segment de la population, dans la mesure où les effets de l’assujettissement des marchandises à des droits en ce qui concerne l’approvisionnement, la concurrence, la compétitivité ou la prospérité des industries, des clients ou des usagers en aval suffisent pour représenter un « intérêt public »[6].
  4. Dans le contexte d’une demande d’enquête d’intérêt public, le Tribunal examinera s’il existe, compte tenu de la conjoncture du marché canadien, des motifs raisonnables de conclure que les droits auront ou pourraient avoir des effets négatifs contraires à l’intérêt public[7]. À cet effet, le Tribunal tient compte des facteurs suivants énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[8] :

Pour l’application du paragraphe 45(3) de la Loi, les facteurs à prendre en compte sont les suivants :

a) le fait que des marchandises de même description sont faciles à obtenir ou non de pays ou d’exportateurs non visés par l’ordonnance ou les conclusions;

b) le fait que l’assujettissement des marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs au plein montant :

(i) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché national à l’égard de marchandises,

(ii) a causé ou causera vraisemblablement ou non un préjudice important aux producteurs au Canada qui utilisent ces marchandises comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services,

(iii) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non de nuire sérieusement à la compétitivité en limitant l’accès :

(A) soit aux marchandises utilisées comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services,

(B) soit à la technologie,

(iv) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non de restreindre de façon marquée le choix ou la disponibilité de marchandises offertes aux consommateurs à des prix concurrentiels ou autrement a causé ou causera vraisemblablement ou non un tort considérable aux consommateurs;

c) le fait que les marchandises en cause ne soient pas assujetties à des droits antidumping ou compensateurs ou qu’elles soient assujetties à des droits d’un montant moindre que le plein montant des droits prévus aux articles 3 à 6 de la Loi causera vraisemblablement ou non un préjudice important aux producteurs nationaux des intrants, y compris les produits primaires, utilisés dans la fabrication ou la production nationale de marchandises similaires;

d) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

  1. Conformément au cadre juridique prévu par la loi, il incombe au demandeur de démontrer au Tribunal que l’ouverture d’une enquête d’intérêt public est justifiée. Comme le Tribunal l’a déjà indiqué, il incombe au demandeur de présenter une preuve prima facie appuyée par des éléments de preuve précis indiquant que l’assujettissement des marchandises au plein montant des droits antidumping ou compensateurs serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public[9].

ANALYSE

Position des parties

  1. Essentiellement, la demande de Halcor est fondée sur l’argument selon lequel l’assujettissement de ses exportations aux droits est contraire à l’intérêt public car les droits seront « [...] d’un montant beaucoup plus élevé que le montant de droits requis pour compenser le dommage causé [à la branche de production nationale] par [le] dumping »[10] [traduction] des marchandises en question en provenance de la Grèce, qui n’ont causé qu’un dommage minime. Selon Halcor, l’imposition de droits « excessifs » [traduction] est incompatible avec les obligations du Canada en vertu de l’Accord antidumping[11] de l’OMC et constitue également un facteur[12] qui justifie l’ouverture d’une enquête d’intérêt public. En outre, de tels droits « excessifs » ont pour effet de lui limiter l’accès au marché canadien, ce qui nuit en retour à la concurrence, aux clients et aux producteurs canadiens. Halcor soutient que la disponibilité de tubes en cuivre en provenance d’autres pays ou d’autres exportateurs n’est pas un facteur pertinent en l’espèce. Enfin, Halcor soutient que le fait que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) calcule des valeurs normales « statiques » [traduction], en se fondant sur les coûts de production de Halcor pour une période donnée, qui ne reflètent pas les fluctuations subséquentes du prix du cuivre, amplifiera les effets anticoncurrentiels des droits.
  2. À l’appui de la demande de Halcor, Nolrad a également émis une réserve à l’égard du régime de valeurs normales de l’ASFC en expliquant que des valeurs normales statiques rendent imprévisible le prix des tubes en cuivre et compliquent l’établissement d’un prix concurrentiel, car le prix ne peut plus fluctuer en fonction du prix du cuivre, conformément aux pratiques normales d’établissement des prix sur le marché. Nolrad indique également, sans plus de détails, qu’elle a eu une rencontre avec l’ASFC à ce sujet. Nolrad indique de plus qu’elle espère bientôt commander des marchandises en question provenant du Brésil et de la Grèce (auprès de Halcor). En outre, Nolrad soutient qu’il y a peu de sources de rechange d’approvisionnement de tubes en cuivre, car le seul fournisseur chilien a cessé ses activités et il y aurait des rumeurs selon lesquelles GLC pourrait déposer une nouvelle plainte concernant des importations sous‑évaluées en provenance du Vietnam. Nolrad soutient de plus que la demande de tubes en cuivre est bien supérieure à ce que peut actuellement fournir GLC et les pays non visés, puisque Nolrad a des commandes permanentes de plusieurs clients[13] et elle a été en mesure de vendre des tubes en cuivre sans devoir abaisser ses prix pour égaler ceux des concurrents vietnamiens. Nolrad conclut que cette rareté aura des répercussions sur la concurrence et sur le choix ou la disponibilité des produits à tous les niveaux de marché et accroîtra l’attrait du vol de cuivre.
  3. La Commission européenne, qui appuie la demande de Halcor, indique à cet égard que l’application de la règle du « droit moindre » est systématique dans la législation européenne.
  4. GLC, qui s’oppose à l’ouverture d’une enquête d’intérêt public, soutient que la demande de Halcor dépasse la portée prévue de l’article 45 de la LMSI et n’indique pas de motifs raisonnables permettant de considérer qu’une enquête d’intérêt public est justifiée. Selon GLC, l’argument selon lequel l’imposition de droits supérieurs au montant requis pour compenser un dommage soit contraire à l’intérêt public est incompatible avec l’intention du législateur en ce qui concerne la LMSI, qui, intentionnellement, ne contient pas d’exigence quant au « droit moindre ». La LMSI prévoit plutôt la possibilité d’imposer des droits réduits en vertu de l’article 45, seulement si, compte tenu des facteurs prescrits, le Tribunal conclut qu’il est dans l’intérêt public de le faire. En outre, l’Accord antidumping de l’OMC ne contient aucune exigence obligatoire de « droit moindre », et la position de Halcor est également incompatible avec la position de négociations du Canada dans le cadre des négociations du Cycle de Doha. GLC soutient que l’argument concernant les valeurs normales statiques constitue une attaque indirecte de la décision définitive de l’ASFC et exige potentiellement du Tribunal qu’il s’écarte du système prospectif canadien d’imposition de droits. Même si GLC reconnaît que la volatilité des prix du cuivre pose des problèmes d’application, elle soutient que d’autres mécanismes prévus par la LMSI sont plus appropriés pour y remédier. Enfin, GLC soutient également que la demande ne satisfait pas à la norme de preuve pour l’ouverture d’une enquête d’intérêt public, selon laquelle le demandeur doit faire la preuve prima facie que l’ouverture d’une telle enquête est appropriée compte tenu des facteurs prescrits au paragraphe 40.1(3) du Règlement. GLC soutient que les tubes en cuivre peuvent être obtenus de pays et d’exportateurs qui ne sont pas visés par les conclusions, notamment le Vietnam, et que GLC continue de faire concurrence aux importations et demeure un preneur de prix.
  5. En réponse, Halcor soutient que sa demande entre dans la portée de l’article 45 de la LMSI et de l’alinéa 40.1(3)d) du Règlement, que le fondement de sa demande est le fait que les droits imposés sur ses produits excèdent largement le montant requis pour compenser le dommage causé par ceux-ci, ce qui occasionne des problèmes pour les acheteurs et les utilisateurs finaux sur le marché canadien, que la question des valeurs normales statiques est un facteur pertinent malgré la possibilité d’avoir recours à d’autres mécanismes statutaires, que sa demande satisfait aux exigences pour l’ouverture d’une enquête d’intérêt public et que l’exposé de Nolrad démontre l’existence de problèmes d’approvisionnement sur le marché canadien qui ne peuvent être ignorés et qui contribuent à justifier l’ouverture d’une enquête.

Une enquête d’intérêt public n’est pas justifiée

  1. Compte tenu des facteurs énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement, le Tribunal est d’avis que la demande de Halcor, telle qu’appuyée par Nolrad dans son mémoire, ne fournit pas de motifs raisonnables pour considérer que l’assujettissement des importations de marchandises en question en provenance de la Grèce à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant de tels droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  2. Halcor fonde sa demande principalement, sinon entièrement, sur de simples allégations[14]. L’allégation de Halcor selon laquelle son accès au marché serait limité semble être contredite par la déclaration de Nolrad selon laquelle elle espère passer des commandes à Halcor[15]. Toutefois, même si l’on acceptait sa véracité, la demande de Halcor n’aborde rien de plus que de prétendus effets nuisibles des droits antidumping ou compensateurs sur ses propres intérêts privés. Halcor n’a pas indiqué, de façon raisonnable, que le marché canadien de tubes en cuivre a subi ou subira vraisemblablement une quelconque incidence négative[16]. Halcor admet que les tubes en cuivre provenant des pays non visés, en particulier du Vietnam, sont actuellement aisément disponibles au Canada[17]; l’allégation selon laquelle cette source d’importation pourrait disparaître à la suite d’une éventuelle plainte concernant des importations sous-évaluées est purement spéculative et, par conséquent, n’est pas pertinente dans le présent contexte.
  3. Le mémoire de Nolrad ne pallie pas le manque d’éléments de preuve à l’appui des allégations de Halcor. Les renseignements fournis par Nolrad peuvent indiquer que la demande pour ses importations a été plus élevée qu’auparavant pour la même saison. Pour ce motif, Nolrad soutient que l’offre de tubes en cuivre est insuffisante sur le marché canadien. Toutefois, le fait que les clients de Nolrad se soient tournés davantage vers un fournisseur secondaire au cours des derniers mois[18] n’indique pas, de façon raisonnable, l’existence d’un problème important d’approvisionnement causé par les conclusions du Tribunal dans l’enquête no NQ-2013-004. Plus particulièrement, cela n’indique pas que l’assujettissement des marchandises en question en provenance de la Grèce à des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  4. Le Tribunal fait remarquer que l’on doit s’attendre normalement à ce que le marché s’ajuste à de nouvelles sources d’approvisionnement à la suite de conclusions de dommage. Rien n’indique qu’il y aurait des obstacles à un tel ajustement en l’espèce. Au contraire, l’apparition apparemment rapide des tubes en cuivre vietnamiens sur le marché canadien à la suite des conclusions indique qu’un tel ajustement est déjà amorcé[19].
  5. Halcor soutient que les droits auxquels sont assujetties ses exportations à la suite des conclusions excèdent le montant requis pour compenser le dommage causé à la branche de production nationale par le dumping de ses exportations et que cette prétendue situation devrait être considérée comme un autre facteur, en vertu de l’alinéa 40.1(3)d) du Règlement, qui justifie l’ouverture d’une enquête d’intérêt public[20]. Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de Halcor. Même si l’application de droits moindres peut être une réponse potentielle à une question d’intérêt public établie, la règle du « droit moindre » n’est pas, en soi, une considération pouvant justifier l’ouverture d’une enquête d’intérêt public, comme le soutient Halcor. En d’autres termes, s’il existe un intérêt public plus vaste, la méthode fondée sur le « droit moindre » peut être recommandée, conformément au paragraphe 45(5) de la LMSI, comme mesure corrective. Toutefois, la prétendue possibilité d’appliquer un « droit moindre » ne constitue pas, en soi, un fondement pour l’ouverture d’une enquête d’intérêt public conformément au cadre législatif de la LMSI[21]. En effet, l’interprétation contraire équivaudrait à régulariser l’application du « droit moindre » dans les enquêtes de dommage du Tribunal, ce qui est contraire à l’intention claire de la LMSI.
  6. Il n’y a tout simplement aucun fondement légal pour ouvrir une enquête d’intérêt public en s’appuyant sur l’affirmation selon laquelle des droits dûment déterminés comme applicables en vertu de la LMSI excèdent le montant requis pour compenser le dommage causé par les marchandises en question. L’intention du législateur, telle que reflétée par l’économie de la loi, ne prévoit pas de mécanisme pour réduire les droits déterminés de la manière prescrite par la LMSI[22], sauf en raison de considérations d’intérêt public déterminées au terme d’une enquête menée en vertu de l’article 45 de la LMSI.
  7. Halcor soutient également que, en adoptant des valeurs normales fondées sur ses coûts de production, incluant le coût du cuivre, pour une période donnée, l’ASFC a adopté des valeurs normales non représentatives, ce qui a pour effet d’augmenter l’incidence négative sur la concurrence sur le marché canadien[23]. Toutefois, tel qu’indiqué ci-dessus, le Tribunal conclut que Halcor, appuyée par Nolrad, n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour démontrer l’existence de considérations d’intérêt public importantes qui découleraient ou pourraient vraisemblablement découler de l’assujettissement aux droits. En outre, le Tribunal est d’avis que les questions concernant la détermination de la valeur normale doivent être abordées dans le cadre du processus administratif existant de l’ASFC et des recours déjà prévus par le législateur aux articles 59 à 61 de la LMSI. En effet, compte tenu des questions pratiques et administratives liées à l’application des conclusions et, en particulier, les questions relatives à la volatilité des prix du cuivre, l’ASFC est mieux placée pour spécifier les méthodes représentatives et de gestion pour la détermination de la valeur normale, du prix à l’exportation et des marges de dumping.
  8. Enfin, le Tribunal fait remarquer que les marchandises en question dans l’enquête no NQ-2013-004 concernaient cinq pays visés, alors que le mémoire de Halcor ne porte que sur les marchandises en question en provenance de la Grèce. Le volume de ventes historique de Halcor sur le marché canadien est faible[24]. Le Tribunal n’a reçu aucun élément de preuve indiquant que les conclusions du Tribunal dans l’enquête no NQ‑2013-004, ont eu une quelconque incidence autre que celle qu’a prétendument ressenti Halcor elle‑même. En résumé, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune preuve d’effets négatifs importants sur l’intérêt public qui justifie l’ouverture d’une enquête d’intérêt public.

CONCLUSION

  1. Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal est d’avis qu’il n’existe pas de motifs raisonnables pour considérer que l’assujettissement à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus dans la Loi sur les mesures spéciales d’importation des marchandises faisant l’objet des conclusions du Tribunal rendues dans le cadre de l’enquête no NQ-2013-004 serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public. Par conséquent, le Tribunal n’entreprendra pas une enquête d’intérêt public en la matière.
 

[1].     L.R.C. 1985, ch. S-15 [LMSI].

[2].     Enquête no NQ-2013-004 au par. 61.

[3].     Par conséquent, le Tribunal a mis fin à l’enquête d’intérêt public no PB-2013-002.

[4].     Le paragraphe 45(1) de la LMSI. Le fait que le Tribunal ait conclu que la demande de Halcor était dûment documentée ne laisse pas entendre un jugement sur la question de savoir si le Tribunal ouvrira une enquête d’intérêt public. L’exigence selon laquelle une demande doit être dûment documentée ne fait que garantir que le Tribunal dispose de renseignements suffisants pour lui permettre de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de considérer que l’assujettissement des marchandises à des droits ou au plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.

[5].     Loi d’interprétation, L.R.C., 1985, ch. I-21, article 12.

[6].     Extrusions d’aluminium (30 juin 2009), PB-2008-003 (TCCE) au par. 11.

[7].     Voir par exemple Extrusions d’aluminium au par. 16; Tubes soudés en acier au carbone (19 décembre 2008), PB-2008-001 (TCCE) au par. 15; Sucre raffiné (4 avril 1996), PB-95-002 (TCCE) aux pp. 3-5.

[8].     D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[9].     Voir par exemple Tubes soudés en acier au carbone au par. 14; Extrusions d’aluminium au par. 16.

[10].   Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 au par. 26.

[11].   Halcor renvoie à l’article 11.1 de l’Accord antidumping de l’OMC, qui prévoit que « [l]es droits antidumping ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping qui cause un dommage ».

[12].   Aux termes des alinéas 40.1(2)e) et 40.1(3)d) du Règlement.

[13].   L’exposé confidentiel de Nolrad contient de plus amples détails. Voir pièce PB-2013-001-05.02 (protégée), vol. 2.

[14].   Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 aux par. 41-45.

[15].   Pièce PB-2013-001-04.02, vol. 1.

[16].   Cela est appuyé par l’admission de Halcor selon laquelle elle n’a jamais été, et ne sera probablement jamais, un important exportateur de tubes en cuivre vers le Canada. Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 au par. 14, et pièce jointe 1.

[17].   Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 aux par. 46-48; pièce PB-2013-001-08.01, vol. 1 aux par. 60-61.

[18].   Nolrad se décrit comme une source d’approvisionnement secondaire ou de rechange. Pièce PB-2013-001-04.02, vol. 1.

[19].   Pièce NQ-2013-004-06, vol. 1.1, tableau 4.

[20].   Voir en particulier le résumé de Halcor de sa propre position et ses éléments de preuve à l’appui, pièce PB-2013-001-08.01, vol. 1 aux par. 37-39.

[21].   La Réponse du gouvernement au rapport sur la Loi sur les mesures spéciales d’importation par le sous-comité sur l’examen de la Loi sur les mesures spéciales d’importation du Comité permanent des finances et le sous‑comité sur les différends commerciaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce internationale, pièce PB-2013-001-06.01, onglet 2, énonce ce qui suit : « La modification de l’article 45 de la LMSI, comme le recommandent les Sous-comités, permettrait au TCCE de mettre en œuvre une méthode fondée sur le droit moindre dans les cas où l’intérêt public est en jeu. Par conséquent, une fois que le TCCE est d’avis qu’il y va de l’intérêt public, il pourrait alors recourir à l’approche fondée sur le droit moindre pour déterminer le niveau de droit permettant d’atténuer le dommage tout en réduisant au minimum l’impact sur les autres secteurs de l’économie. De cette façon, le droit moindre ne serait pas une exigence mais plutôt une autre méthode de calcul de la marge des droits lorsqu’il y va de l’intérêt public » [nos italiques]. Voir aussi Rapport sur la Loi sur les mesures spéciales d’importation par le Sous-comité de l’examen de la Loi sur les mesures spéciales d’importation du Comité permanent des Finances et le Sous-comité sur les différends commerciaux du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international, Chambre des communes, Ottawa, décembre 1996, en ligne : http://www.parl.gc.ca/content/hoc/archives/committee/352/fore/reports/04....

[22].   Le paragraphe 3(1) de la LMSI prévoit l’assujettissement au plein montant des droits, c’est-à-dire un montant égal à la marge de dumping. Le paragraphe 2(1) définit la marge de dumping comme étant l’excédent de la valeur normale de marchandises sur leur prix à l’exportation.

[23].   Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 aux par. 52-61.

[24].   Pièce PB-2013-001-01, vol. 1 aux par. 11-14.