TÔLES D’ACIER AU CARBONE ET TÔLES D’ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD

TÔLES D’ACIER AU CARBONE ET TÔLES D’ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD
Enquête préliminaire de dommage no PI-2015-001

Décision rendue
le lundi 10 août 2015

Motifs rendus
le lundi 24 août 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant des :

TÔLES D’ACIER AU CARBONE ET TÔLES D’ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE ET DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises visées par la présente enquête préliminaire de dommage ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Les marchandises en question de la présente enquête préliminaire de dommage sont définies comme suit :

tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (+/‑ 610 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/- 4,75 mm) jusqu’à 3 pouces (76,2 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l’exclusion des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »), des tôles en bobines, des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), originaires ou exportées de la République de l’Inde et de la Fédération de Russie. Il demeure entendu que les marchandises en question comprennent les tôles d’acier qui contiennent de l’acier allié en plus grande quantité que ce qui est toléré selon les normes de l’industrie à condition que l’acier ne réponde pas aux exigences des normes de l’industrie en matière de nuance d’alliage de tôle d’acier.

Les tôles d’acier au carbone et les tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, sont fabriquées pour répondre à certaines normes de l’Association canadienne de normalisation (ACN) et/ou des spécifications de l’ASTM ou de spécifications équivalentes.

Sont aussi exclues de la définition des marchandises en question les tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées selon les normes :

ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M

ASME SA-285/SA-285M ou ASTM A-285/A-285M

ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M

ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M

ASME SA-515/SA-515M ou ASTM A-515/A-515M

ASME SA-841/SA-841M ou ASTM A-841/A-841M

dont l’acier en fusion a été dégazé sous vide et dont la teneur en soufre est inférieure à 0,005 p. 100.

Sont aussi exclues de la définition des marchandises en question les tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées selon les normes :

ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M

ASME SA-285/SA-285M ou ASTM A-285/A-285M

ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M

ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M

ASME SA-515/SA-515M ou ASTM A-515/A-515M

dont l’acier est normalisé (thermo-traité) et dont la teneur en soufre est inférieure à 0,005 p. 100.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 10 juin 2015, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Peter Burn
Peter Burn
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Peter Burn, membre
Ann Penner, membre

Directeur des enquêtes sur les recours commerciaux : Gayatri Shankarraman

Agent principal des enquêtes sur les recours
commerciaux : Manon Carpentier

Agent des enquêtes sur les recours commerciaux : Grant MacDougall

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Stagiaire en droit : Rohan Mathai

Superviseur du greffe par intérim : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

AO Severstal Management

Brenda C. Swick
Daniel D. Ujczo

Essar Steel Algoma Inc.

Benjamin P. Bedard
Paul D. Conlin
Anne-Marie Oatway
William Pellerin
Linden Dales

Jindal Steel and Power Limited

Peter Clark
Renée Clark
Golsa Ghamari

Ministère de l’Industrie et du Commerce de la Fédération de Russie

Kristina Ivkina

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 10 juin 2015, à la suite d’une plainte déposée le 20 avril 2015 par Essar Steel Algoma Inc. (Essar Algoma), le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a entrepris des enquêtes sur le dumping et le subventionnement dommageables allégués de certaines tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud[1] (tôles d’acier laminées à chaud) originaires ou exportées de la République de l’Inde (Inde) et de la Fédération de Russie (Russie) (les marchandises en question).
  2. Le 11 juin 2015, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a publié un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage[2].
  3. Deux producteurs nationaux de tôles d’acier laminées à chaud, Evraz Inc. NA Canada (Evraz) et SSAB Central Inc. (SSAB), ont déposé des lettres auprès de l’ASFC à l’appui de la plainte[3]. Aucun des deux producteurs n’est partie à l’instance ni n’a déposé d’observations.
  4. Jindal Steel and Power Limited (Jindal), AO Severstal Management (AO Severstal) et le ministère de l’Industrie et du Commerce de la Fédération de Russie (MICFR) s’opposent à la plainte.
  5. Le 10 août 2015, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[4], le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR DES ENQUÊTES

  1. L’ASFC était d’avis qu’il existait des éléments de preuve indiquant que les marchandises en question faisaient l’objet de dumping et de subventionnement et qu’il existait des indices montrant, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage.
  2. Pour en arriver à sa décision d’ouvrir des enquêtes aux termes du paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC s’est servie de renseignements relatifs au volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015 (la période visée par les enquêtes).
  3. L’ASFC a estimé la marge de dumping, le montant de subvention et le volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées pour chaque pays visé comme suit[5] :

Pays visé

Marge estimée de dumping

(exprimée en pourcentage du prix à l’exportation)

Montant estimé de subvention

(exprimé en pourcentage du prix à l’exportation)

Volume estimé de marchandises sous‑évaluées et subventionnées (exprimé en pourcentage du total des importations)

Inde

4,8

20,3

17,1

Russie

20,1

18,9

3,9

  1. L’ASFC était d’avis que les marges estimées de dumping et les montants estimés de subvention n’étaient pas minimaux et que les volumes estimés de marchandises sous-évaluées et subventionnées n’étaient pas négligeables[6].

OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS DE DOMMAGE ET DE MENACE DE DOMMAGE

Essar Algoma

  1. Essar Algoma soutient que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. À l’appui de ses allégations, elle a déposé des éléments de preuve indiquant une augmentation du volume des importations des marchandises en question, une perte de ventes, une sous-cotation et une compression des prix, une perte de part de marché, une sous-utilisation de la capacité de production, une perte de rentabilité et des effets négatifs sur l’emploi.
  2. Essar Algoma soutient également que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage. Elle avance que le volume des importations sous-évaluées et subventionnées augmente et continuera d’augmenter étant donné la capacité de production dans les pays visés, leur propension à l’exportation vers le marché canadien et l’imposition de mesures commerciales sur les tôles d’acier laminées à chaud et d’autres produits laminés en acier dans des pays autres que le Canada. En outre, elle soutient que les prix des importations en question continueront vraisemblablement à entraîner une sous-cotation, une baisse et une compression des prix nationaux, ce qui se traduira par une augmentation de la part de marché détenue par les marchandises en question aux dépens des marchandises similaires.

Parties opposées à la plainte

  1. Jindal et le MICFR soutiennent qu’Essar Algoma ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe et que les éléments de preuve qu’elle a déposés n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement dommageables allégués des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

ANALYSE

Cadre législatif

  1. Le mandat du Tribunal en matière d’enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige du Tribunal qu’il détermine « si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».
  2. Le critère de l’« indication raisonnable » qui s’applique dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage est moins exigeant que le niveau de preuve qui s’applique lors d’une enquête définitive de dommage menée aux termes de l’article 42 de la LMSI. Ainsi, les éléments de preuve en question n’ont pas à être « concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités »[7] [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations ne sont pas suffisantes; elles doivent être étayées par des éléments de preuve pertinents[8].
  3. Dans son enquête préliminaire de dommage, le Tribunal tient compte des facteurs prévus à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[9], y compris du volume des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées, de l’effet des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur le prix des marchandises similaires, de l’incidence économique des marchandises sous‑évaluées et subventionnées sur la branche de production nationale et, s’il existe un dommage ou une menace de dommage, de la question de savoir s’il existe un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et le dommage ou la menace de dommage.
  4. Cependant, avant d’examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. Cette analyse préliminaire de dommage est nécessaire étant donné que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l’expression « branche de production nationale » comme « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ».

Marchandises similaires et catégories de marchandise

  1. Pour déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit d’abord définir quelles sont les marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Il peut également examiner la question de savoir si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandise.
  2. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport aux autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

  1. Pour trancher la question des marchandises similaires et des catégories de marchandise, le Tribunal tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients)[10].
  2. Les éléments de preuve indiquent que les tôles d’acier laminées à chaud produites au pays et les marchandises en question se livrent directement concurrence entre elles, ont des utilisations finales semblables et peuvent être substituables. De plus, il semble que les tôles d’acier laminées à chaud produites au pays et les marchandises en question sont vendues par l’entremise des mêmes circuits de distribution et, dans bien des cas, aux mêmes clients. En ce qui concerne les caractéristiques physiques, les éléments de preuve versés au dossier indiquent que les tôles d’acier laminées à chaud produites au pays et les marchandises en question sont fabriquées des mêmes intrants primaires et au moyen de procédés de fabrication similaires. Par conséquent, le Tribunal conclut, dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage, que les tôles d’acier laminées à chaud produites au Canada constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.
  3. Pour ce qui est de la question des catégories de marchandise, Essar Algoma soutient que, selon les éléments de preuve versés au dossier, la présente enquête préliminaire de dommage ne vise qu’une seule catégorie de marchandise.
  4. Le Tribunal souligne que, dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage, il n’a reçu aucun argument alléguant le contraire ni aucun élément de preuve qui justifierait qu’il se fonde sur des catégories de marchandise distinctes. Par conséquent, pour déterminer s’il y a indication raisonnable de dommage, le Tribunal considère que les tôles d’acier laminées à chaud constituent une seule catégorie de marchandise.

Branche de production nationale

  1. D’après l’analyse de l’ASFC, laquelle est fondée en partie sur l’analyse effectuée par le Tribunal dans le dernier réexamen relatif à l’expiration concernant les tôles d’acier laminées à chaud[11], il est clair que le volume total de la production d’Essar Algoma, d’Evraz et de SSAB est suffisant pour constituer une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Par conséquent, aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal évaluera s’il y a une indication raisonnable de dommage ou de menace de dommage en ce qui concerne ces trois usines nationales.
  2. Les centres de service sont aussi généralement considérés comme faisant partie de la branche de production nationale. Dans les précédentes causes portant sur les tôles d’acier laminées à chaud, le Tribunal a décrit le rôle de ces centres de service comme « minimal » ou comme ne représentant qu’une faible proportion de la production collective nationale des marchandises similaires[12]. Toutefois, le Tribunal souligne que le rôle de ces centres de service dans la branche de production semble avoir pris de l’ampleur ces dernières années. En effet, lors du réexamen relatif à l’expiration Tôles VI, les centres de service représentaient environ 36 p. 100 de la production collective nationale des marchandises similaires au cours des six premiers mois de 2014[13]. Que la comparaison porte sur les données des six premiers mois de 2013 et de 2014 fournies dans Tôles VI, ou sur les données de 2013 et celles estimées pour toute l’année 2014 aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le volume total des marchandises similaires produites au pays par les centres de service a augmenté sensiblement, tandis que le volume produit par les trois usines nationales a diminué. Plus précisément, la production estimée des centres de service destinée aux ventes nationales a augmenté de 7 p. 100 en 2014 par rapport à 2013, alors que la production des trois usines nationales a diminué de 16 p. 100 par rapport à l’année précédente[14]. La variation des tendances dans la branche de production nationale indique au Tribunal qu’il doit examiner de façon plus approfondie les activités des centres de service au cours de l’enquête définitive de dommage dans le but d’effectuer une évaluation plus complète de l’incidence que les marchandises en question ont sur la branche de production nationale dans son ensemble.

Cumul et cumul croisé

  1. Le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit que le Tribunal, dans le contexte d’une enquête définitive de dommage aux termes de l’article 42, doit procéder à une évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées qui sont importées au Canada, s’il est convaincu que certaines conditions sont remplies. Plus particulièrement, le Tribunal doit être convaincu que, relativement aux importations de marchandises de chacun des pays visés, la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas minimal[15], que le volume des importations n’est pas négligeable[16] et que l’évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises en provenance de l’un ou l’autre des pays visés, les autres marchandises sous‑évaluées ou subventionnées et les marchandises similaires.
  2. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal estime qu’il serait illogique de ne pas évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul[17]. De plus, les parties opposées à la plainte n’ont pas présenté d’observations portant expressément sur la question de savoir si le Tribunal devrait continuer de procéder au cumul croisé ni n’ont produit d’éléments de preuve qui viendraient appuyer le décumul des marchandises de l’un ou l’autre des pays visés.

Marges de dumping, montants de subvention et volumes des importations sous-évaluées et subventionnées

  1. Dans le contexte d’une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal se fonde sur les estimations des volumes des importations, des marges de dumping et des montants de subvention fournies par l’ASFC, y compris sur son évaluation de la question de savoir si les volumes des importations sous-évaluées et subventionnées sont négligeables et si les marges de dumping ainsi que les montants de subvention sont minimaux. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la première condition énoncée au paragraphe 42(3) de la LMSI est remplie (c’est-à-dire que les volumes des importations sous‑évaluées et subventionnées ne sont pas négligeables et que les marges de dumping et les montants de subvention ne sont pas minimaux).

Conditions de concurrence

  1. La deuxième condition que le Tribunal doit prendre en compte afin de déterminer s’il convient ou non de procéder au cumul est celle d’examiner les conditions de concurrence entre les marchandises en provenance des pays visés et les marchandises similaires.
  2. Une décision de décumul fondée sur les conditions de concurrence doit s’appuyer sur des éléments de preuve convaincants démontrant des conditions de concurrence suffisamment différentes entre les marchandises en question ou entre les marchandises en question et les marchandises similaires. Il s’agit essentiellement d’une question de fait que le Tribunal doit examiner. Pour rendre cette décision, le Tribunal prend en considération des facteurs comme l’interchangeabilité des marchandises, leur présence simultanée sur un même marché géographique et la question de savoir si elles sont distribuées par l’entremise des mêmes circuits ou en utilisant les mêmes moyens de transport[18].
  3. Dans la présente enquête préliminaire de dommage, Essar Algoma soutient que les tôles d’acier laminées à chaud sont des produits de base et que, à ce titre, il n’y a pas de disparité dans les conditions de concurrence entre les marchandises similaires et les marchandises en question. Les tôles d’acier laminées à chaud importées sont destinées essentiellement aux mêmes clients que les marchandises similaires[19]. En outre, les marchandises en question et les marchandises similaires sont distribuées par l’entremise des mêmes circuits[20]. De plus, Essar Algoma allègue que les mêmes conditions de concurrence s’appliquent, que les marchandises soient produites dans les pays visés ou par la branche de production nationale, ou qu’elles proviennent de toute autre source d’importation, étant donné que les marchandises sont interchangeables[21].
  4. Le Tribunal convient avec Essar Algoma que les conditions de concurrence appuient le cumul en l’espèce, étant donné qu’il semble n’y avoir, dans la présente enquête préliminaire de dommage, aucun élément de preuve qui justifierait une conclusion différente.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il existe un dommage ou une menace de dommage, en tenant compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement.

Volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées

  1. Essar Algoma soutient que les pays visés sont devenus une source d’approvisionnement importante de tôles d’acier laminées à chaud au Canada, citant une augmentation du volume des importations tant en quantité absolue que par rapport à la production et à la consommation de marchandises similaires au Canada.
  2. Aux fins de son analyse, le Tribunal prendra en considération la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2015. D’après les éléments de preuve versés au dossier, le volume total des importations en question a augmenté sensiblement au cours de cette période, mais surtout en 2014, année où le volume des marchandises en question importées au Canada a crû de manière exponentielle. Au cours de 2014 en particulier, les marchandises en question ont constitué une proportion importante de toutes les importations apparentes au Canada de tôles d’acier laminées à chaud. Cette tendance s’est poursuivie au cours du premier trimestre 2015[22].
  3. De même, l’examen du volume des marchandises en question par rapport à la production et à la consommation nationales de marchandises similaires révèle que les marchandises en question sont de plus en plus présentes sur le marché canadien[23]. Ces ratios indiquent que la croissance la plus marquée relativement aux marchandises en question s’est produite en 2014. Ces constatations donnent à penser que les ventes d’importations de marchandises en question ont été réalisées au détriment des marchandises similaires durant cette période.
  4. Compte tenu de ce qui précède, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le volume des importations de marchandises en question a augmenté en quantité absolue et par rapport à la production et à la consommation de marchandises similaires.

Effet sur le prix des marchandises similaires

  1. Dans sa plainte, Essar Algoma soutient que les marchandises en question se sont emparées de ventes et d’une part de marché au détriment de la branche de production nationale au moyen d’une sous‑cotation marquée des prix. Elle soutient que les marchandises en question sont les moins chères sur le marché et que, pour cette raison, on peut dire que les prix sur le marché canadien sont fixés en fonction du prix de ces marchandises. En outre, Essar Algoma dit avoir été forcée de réduire considérablement son prix de vente pour faire concurrence aux marchandises en question, malgré une augmentation de ses coûts, ce qui s’est traduit par des pertes substantielles de ses recettes de ventes nationales de marchandises similaires.
  2. Une comparaison de la valeur à l’importation des marchandises en question et du prix de vente des marchandises similaires indique que les marchandises en question ont mené à la sous-cotation des marchandises similaires en 2012, 2013 et 2014. De plus, l’écart apparent entre le prix des marchandises en question et celui des marchandises similaires semble s’être élargi sensiblement en 2014. Il semble que, en maintenant leurs prix relativement stables en 2014 par rapport à 2013, ce qui a eu pour effet de mené à la sous-cotation du prix de vente des producteurs nationaux, les pays visés se sont ainsi emparés d’une part importante du marché[24].
  3. Selon l’analyse des prix de vente de la branche de production nationale effectuée par le Tribunal, le prix de vente moyen des marchandises similaires semble avoir diminué de 2012 à 2013, mais a ensuite augmenté en 2014 et a ainsi dépassé le niveau de 2012. À titre de comparaison, la valeur moyenne à l’importation des marchandises en question a reculé d’une proportion égale à celle du prix de vente moyen de la branche de production nationale de 2012 à 2013, pour ensuite à peine augmenter en 2014. Cependant, de 2012 à 2014, la valeur à l’importation des marchandises en question est demeurée nettement plus basse que le prix de vente de la branche de production nationale[25]. Par conséquent, bien que certains éléments de preuve indiquent une baisse des prix en 2013, la preuve est moins convaincante pour 2014. Bien que les allégations de dommage concernant des clients d’Essar Algoma permettent de croire que, dans certaines situations, elle n’aurait pu réaliser de ventes sans baisser son prix, les éléments de preuve versés au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage ne suffisent pas à convaincre le Tribunal que le prix des marchandises en question a mené à l’effritement des prix des marchandises similaires de la branche de production nationale dans son ensemble[26].
  4. En réponse aux allégations d’effritement et de compression des prix présentées par Essar Algoma, Jindal fait valoir qu’Evraz a de fait été en mesure d’augmenter ses prix de vente en 2015. Une comparaison entre le coût unitaire moyen estimé des marchandises vendues et le prix de vente unitaire moyen estimé des marchandises similaires indique que les trois usines nationales ont réussi à accroître leurs prix sur le marché canadien entre 2012 et 2014. Cependant, le dossier dont dispose le Tribunal ne permet pas de déterminer avec certitude si ces augmentations ont suffi à compenser la baisse du volume de production destiné aux ventes intérieures et la hausse du coût de production, y compris le prix fixe élevé payé par Essar Algoma pour son minerai de fer[27]. Par conséquent, les éléments de preuve selon lesquels il y a eu compression des prix en raison des marchandises en question sont limités.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve versés au dossier indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé une sous‑cotation des prix et pourraient aussi avoir causé une baisse et une compression des prix. Le lien entre les marchandises en question et les effets susmentionnés sur le prix des marchandises similaires, et la question de savoir si ces effets ont été ressentis uniquement par Essar Algoma, par les trois usines nationales ou par l’ensemble de la branche de production nationale devront être étudiés en profondeur lors de l’enquête définitive de dommage.

Incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la situation de la branche de production nationale

  1. Dans le cadre de son analyse aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal tient compte de l’incidence des marchandises sous‑évaluées et subventionnées sur la situation de la branche de production nationale. En particulier, il tient compte de facteurs comme le déclin réel ou potentiel de la production, des ventes, de la part de marché, des bénéfices, de la productivité, du rendement sur capital investi ou de l’utilisation de la capacité de la branche de production ainsi que de toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires et divers autres facteurs économiques pertinents le cas échéant.
  2. Essar Algoma soutient que les marchandises sous‑évaluées et subventionnées ont causé un déclin de la production nationale de marchandises similaires, une perte de ventes et de part de marché, une diminution du rendement financier de la branche de production nationale, une surcapacité de production, des effets négatifs sur les investissements de capitaux et une baisse de l’emploi.
  3. Selon les données, la production nationale annuelle totale de marchandises similaires était à la hausse de 2012 à 2014. Cependant, il semble que cela s’explique en partie par une augmentation de la production destinée à l’exportation; en effet, la production nationale destinée aux ventes intérieures a diminué au cours de la même période. Le fait que la production nationale destinée aux ventes intérieures a atteint son plancher en 2014 et qu’au même moment les importations en question ont atteint un volume record et représentaient une part importante du marché[28] donne à penser qu’il pourrait exister un lien entre la diminution du volume de production et la concurrence des marchandises en question sur le marché canadien.
  4. Les éléments de preuve versés au dossier indiquent que la taille du marché canadien de tôles d’acier laminées à chaud a augmenté de 2012 à 2014, en termes de volume, nonobstant une légère diminution en 2013. La part de marché de la branche de production nationale a augmenté de 8 p. 100 en 2013 par rapport à 2012, mais en 2014, alors que le marché canadien était en croissance, elle est retombée à un niveau tout juste plus élevé que celui de 2012. En 2012 et 2013, la part de marché des importations des pays visés était stable et relativement faible, mais en 2014, elle a connu une hausse marquée[29].
  5. Le Tribunal constate que de 2012 à 2014, alors que la capacité de production d’Essar Algoma est restée inchangée, le taux d’utilisation de sa capacité de production de tôles d’acier laminées à chaud destinées au marché canadien et aux marchés d’exportation a augmenté. Cependant, Essar Algoma n’a pas pu transformer cette croissance de la production totale de tôles d’acier laminées à chaud en une hausse de productivité[30]. La capacité de production de l’ensemble des trois usines nationales a diminué sensiblement en 2014, notamment en raison de la vente des installations de coupage de tôles à longueur d’Evraz aux centres de service Samuel, Son & Co., Limited et Varsteel Ltd. Cependant, de 2012 à 2014, les usines nationales ont réussi à augmenter légèrement leur taux d’utilisation de la capacité de production de tôles d’acier laminées à chaud[31].
  6. Selon Essar Algoma, la présence des marchandises en question au Canada l’a empêchée de récupérer les ventes et la part de marché qu’elle avait précédemment perdues au profit des six pays visés par les conclusions de menace de dommage dans Tôles VII[32]. À cet égard, le Tribunal constate que la part du marché apparent canadien détenue par les importations visées par des conclusions de dommage a nettement chuté entre 2012 et 2014. Cette baisse concorde avec l’entrée en vigueur des mesures adoptées dans Tôles VII; en particulier, elle correspond à la décision provisoire de dommage du Tribunal en novembre 2013, à sa décision définitive de dommage en mai 2014 et à l’imposition par l’ASFC de mesures antidumping et compensatoires définitives. En 2012 et 2013, la part de marché des pays visés est restée stable, puis elle a connu une forte hausse en 2014[33]. Cette tendance semble indiquer que les acheteurs, une fois qu’ils ont su que des droits seraient imposés à l’endroit des pays visés dans Tôles VII, ont initialement recommencé à s’approvisionner auprès de la branche de production nationale, mais que ce changement n’a été que temporaire.
  7. De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve versés au dossier étayent partiellement l’argument d’Essar Algoma selon lequel son rendement financier a subi une incidence négative entre 2012 et 2014. Le Tribunal constate que la marge bénéficiaire unitaire brute sur les ventes intérieures d’Essar Algoma a diminué en 2012 et 2013, avant que l’entreprise ne redevienne rentable en 2014. Cependant, pour l’ensemble des trois usines nationales, la marge bénéficiaire unitaire brute sur les ventes intérieures de 2012 s’est transformée en pertes unitaires brutes croissantes en 2013 et en 2014[34]. Si on peut raisonnablement présumer que la sous‑cotation des prix et la baisse et la compression partielles des prix attribuables aux marchandises en question ont vraisemblablement eu une certaine incidence sur le rendement financier des trois usines nationales, il est tout aussi clair qu’au moins une partie de ces effets défavorables aurait pu être due aux marchandises sous‑évaluées visées par les conclusions de menace de dommage dans Tôles VII.
  8. En résumé, il n’est pas clair que les marchandises en question aient eu une incidence homogène sur Essar Algoma, les trois usines nationales ou la branche de production nationale dans son ensemble. Cependant, il semble que l’on soit tenté de décrire le rendement financier de l’ensemble des trois usines nationales comme ne s’étant pas amélioré, et qu’il a peut-être même empiré entre 2012 et 2014. L’incidence globale des marchandises en question sur la branche de production nationale dans son ensemble, qui comprend les centres de service, fera donc l’objet d’une attention particulière de la part du Tribunal au cours de la prochaine étape de son enquête.

Lien de causalité et autres facteurs

  1. Dans une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il y a un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises en question et le dommage. Le Tribunal doit aussi examiner, conformément à l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, si les indications raisonnables de dommage sont attribuables à d’autres facteurs que le dumping et le subventionnement.
  2. Jindal et le MICFR font valoir que les éléments de preuve ne suffisent pas, en l’espèce, à établir un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement allégués et un éventuel dommage. Ils soutiennent plutôt qu’une multitude d’autres facteurs expliquent la baisse des prix, le déclin de la profitabilité et les autres effets négatifs qu’allègue Essar Algoma. Ces autres facteurs comprennent le volume élevé d’importations en provenance des États‑Unis, les décisions des entreprises en matière de marchés géographiques ciblés (par exemple le fait de se concentrer sur le marché américain pour profiter des prix élevés dans le Midwest), la baisse du prix du pétrole et le ralentissement économique généralisé qui ont entraîné une hausse des stocks, la concurrence au sein de la branche de production, de rudes conditions hivernales, le fait qu’Essar Algoma était liée par un contrat d’approvisionnement coûteux en minerai de fer jusqu’au début de 2014, la surcapacité de production chinoise ainsi que la contraction de la demande mondiale pour les produits de l’acier et la baisse des prix de ceux-ci.
  3. En réponse, Essar Algoma soutient que les données semblent indiquer une forte corrélation entre les marchandises en question et les indicateurs de dommage à la branche de production nationale, et que ce n’est qu’au moyen d’une enquête définitive de dommage que le Tribunal pourra examiner de manière exhaustive le lien de causalité et être convaincu que le dumping et le subventionnement des importations causent et/ou menacent de causer un dommage sensible.
  4. Dans de récentes décisions, le Tribunal a estimé qu’une simple corrélation entre le dumping, le subventionnement et les indications de dommage ne suffit pas à prouver le lien de causalité nécessaire dans une enquête préliminaire de dommage[35]. Dans ce type d’enquête, le critère consiste plutôt à trouver des indices raisonnables que le dumping et le subventionnement des marchandises ont, en soi, causé un dommage à la branche de production nationale.
  5. Dans la présente enquête préliminaire de dommage, les parties qui s’opposent évoquent un certain nombre de facteurs qui méritent effectivement d’être examinés; toutefois, les éléments de preuve versés au dossier ne permettent pas au Tribunal de déterminer que ce sont ces facteurs, et non les marchandises en question, qui ont causé le dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que le lien de causalité est une question centrale en l’espèce et qu’elle doit donc être examinée exhaustivement dans le cadre d’une enquête aux termes de l’article 42 de la LMSI.

Menace de dommage

  1. Le Tribunal doit maintenant déterminer s’il existe des indications raisonnables que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage sensible. Le Tribunal est guidé en la matière par le paragraphe 37.1(2) du Règlement, qui prévoit les facteurs à prendre en considération dans son analyse de menace de dommage.
  2. En ce qui concerne la question de la menace de dommage, Essar Algoma incite le Tribunal à tenir compte des perspectives économiques mondiales défavorables, de l’effet résiduel du ralentissement économique mondial, de la surcapacité de production mondiale et, dans le cas particulier des pays visés, de l’augmentation de la capacité de production et de la surproduction conjuguées aux faibles taux d’utilisation de la capacité de production et à la demande insuffisante de tôles. De plus, Essar Algoma soutient que diverses mesures commerciales en vigueur concernant les tôles d’acier laminées à chaud et d’autres produits laminés favorisent le dumping et le subventionnement de la part des pays visés. En outre, en ce qui concerne la Russie en particulier, Essar Algoma fait valoir que la dépréciation de sa monnaie et l’accord de suspension entre la Russie et les États‑Unis accroissent la probabilité que des volumes élevés de tôles d’acier laminées à chaud à bas prix en provenance de la Russie seront importés au Canada à court et à moyen terme.
  3. Le MICFR réplique que les marchandises russes ne posent aucune menace de dommage en s’appuyant sur le fait qu’AO Severstal est le seul producteur russe à avoir vendu des tôles d’acier laminées à chaud au Canada au cours de la période visée par les enquêtes de l’ASFC[36]. En ce qui concerne l’argument du MICFR, le Tribunal constate que, bien qu’AO Severstal ait été l’unique fournisseur russe de tôles d’acier laminées à chaud au Canada du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015, les éléments de preuve versés au dossier indiquent qu’il existe en Russie de nombreux laminoirs réversibles à tôles fortes et laminoirs à feuillards laminés à chaud qui produisent des tôles d’acier laminées à chaud et qui pourraient exporter ces marchandises au Canada[37]. Certains éléments de preuve pointent également à l’existence en Russie, outre AO Severstal, d’un certain nombre d’entreprises qui exportent des tôles d’acier laminées à chaud au Canada[38]. En outre, le Tribunal constate qu’AO Severstal possède deux laminoirs réversibles à tôles fortes et un laminoir à feuillards en bobines laminés à chaud dont la capacité n’est pas négligeable à l’échelle du marché apparent au Canada[39].
  4. Pour ce qui est des conditions du marché dans les pays visés, après examen des éléments de preuve déposés par Essar Algoma, il semble qu’on s’attende à ce que la production de tôles d’acier laminées à chaud dépasse la demande. Les producteurs des pays visés auraient donc à dépendre des exportations de manière croissante, surtout en raison du caractère capitalistique de la production des tôles d’acier laminées à chaud[40].
  5. Selon les éléments de preuve versés au dossier, les pays visés disposent d’une capacité inutilisée considérable pour la production de tôles d’acier laminées à chaud, y compris celle des laminoirs réversibles (qui servent exclusivement à produire de la tôle forte), celle des laminoirs Steckel (qui servent à produire de la tôle forte et de la tôle en bobines) et celle des laminoirs à bobines laminées à chaud (qui servent à produire de la tôle en bobines et des tôles laminées à chaud)[41]. De plus, comme mentionné dans la plainte, Essar Algoma soutient que plusieurs producteurs des pays visés prévoient augmenter leur capacité de production de tôles d’acier laminées à chaud, malgré le ralentissement de la demande et le faible taux d’utilisation de la capacité[42].
  6. Essar Algoma a déposé des éléments de preuve suffisants pour étayer son argument selon lequel les perspectives économiques mondiales pour les tôles d’acier laminées à chaud sont défavorables, principalement en raison de la surcapacité de production mondiale et du ralentissement de l’économie chinoise qui semble pousser des quantités croissantes de tôles d’acier laminées à chaud vers les marchés d’exportation[43].
  7. Effectivement, en raison de ces faits nouveaux, il est raisonnable de croire que les marchandises en question pourraient causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage.

CONCLUSION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.
 

[1].     La pièce PI-2015-001-05, vol. 1X à la p. 271, fournit une description complète des marchandises qui font l’objet de la présente enquête préliminaire de dommage.

[2].     Gaz. C. 2015.I.1282-84.

[3].     Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 5, vol. 1A aux pp. 70, 71.

[4].     L.R.C. 1985, ch. S-15 [LMSI].

[5].     Pièce PI-2015-001-05, vol. 1X aux pp. 283, 289.

[6].     Ibid. aux pp. 283, 289.

[7].     Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

[8].     L’article 5 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce exige d’une autorité chargée d’une enquête qu’elle examine l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. Une plainte est rejetée ou une enquête est close dès que l’autorité chargée de l’enquête est convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping et au subventionnement ou au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure. L’article 5 prévoit également qu’une simple affirmation non étayée par des éléments de preuve pertinents ne peut être jugée suffisante pour respecter les exigences dudit article.

[9].     D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[10].   Voir par exemple Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48; Milieux de culture bactériologique (31 mai 1996), NQ-95-004 (TCCE) aux pp. 10-11; Panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) aux pp. 9-11; Certaines pièces d’attache (7 janvier 2005), NQ-2004-005 (TCCE) aux par. 60-75; Tuyaux en polyéthylène réticulé (29 septembre 2006), NQ-2006-001 (TCCE) aux par. 45-47.

[11].   Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (30 janvier 2015), RR‑2014-002 (TCCE) [Tôles VI].

[12].   Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (20 mai 2014), NQ-2013-005 (TCCE) [Tôles VII] au par. 54; Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (4 novembre 2013), PI-2013-003 (TCCE) au par. 32; Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (7 janvier 2014), RR-2013-002 (TCCE) au par. 28; Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (8 janvier 2013), RR-2012-001 (TCCE) à la note 11.

[13].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A à la p. 103.

[14].   Les données sur les centres de service pour l’ensemble de l’année 2014 ont été extrapolées en annualisant les données pour les six premiers mois de 2014 fournies dans Tôles VI. Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A aux pp. 103-104; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 9, vol. 2 à la p. 228; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 27, vol. 2A aux pp. 165-166.

[15].   Selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la LMSI, le terme « minimal » s’entend, « dans le cas de la marge de dumping, d’une marge inférieure à deux pour cent du prix à l’exportation des marchandises » et, « dans le cas du montant de subvention, d’un montant inférieur à un pour cent du prix à l’exportation des marchandises ».

[16].   Selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la LMSI, le terme « négligeable » est un « [q]ualificatif applicable au volume des marchandises sous-évaluées, provenant d’un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada [...] ». Le Tribunal souligne également que, aux termes du paragraphe 42(4) de la LMSI, il doit tenir compte du paragraphe 12 de l’article 27 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires. Ce paragraphe, qui renvoie au paragraphe 10 de l’article 27, dispose que toute enquête concernant un pays en développement doit être close lorsque « le niveau global des subventions accordées pour le produit en question ne dépasse pas 2 pour cent de sa valeur calculée sur une base unitaire » ou que « le volume des importations subventionnées représente moins de 4 pour cent des importations totales du produit similaire dans le Membre importateur [...] ». Bien que l’Inde soit considérée comme un pays en développement, le Tribunal est convaincu que ces seuils sont atteints.

[17].   Tôles d’acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) à la p. 5.

[18].   Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (17 août 2001), NQ-2001-001 (TCCE) à la p. 18.

[19].   Pièce PI-2015-001-02.01, vol. 1 à la p. 17.

[20].   Ibid.

[21].   Ibid. aux pp. 17-18, 24.

[22].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219.

[23].   Les ventes des centres de service sur le marché canadien correspondent à leur production destinée aux ventes nationales. Les données sur les centres de service pour l’ensemble de l’année 2014 ont été extrapolées en annualisant les données pour les six premiers mois de 2014 fournies dans Tôles VI. Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A aux pp. 103-104; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 9, vol. 2 à la p. 228; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 27, vol. 2A aux pp. 165-166; pièce PI‑2015-001-03.02 (protégée), vol. 2B aux pp. 16-19; pièce PI-2015-001-05, vol. 1X à la p. 236.

[24].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A à la p. 103; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219.

[25].   Ibid.

[26].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 38-44; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 6, vol. 2 aux pp. 205-206; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 26, vol. 2A aux pp. 3-163.

[27].   Les données consolidées pour l’ensemble de l’année 2014 pour les trois usines nationales correspondent aux données présentées dans Tôles VI pour les six premiers mois de 2014. Pièce PI-2015-001-02.01, vol. 1 à la p. 54; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 6, vol. 1A à la p. 84; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A à la p. 107; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), vol. 2 à la p. 49; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-218; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221; pièce PI‑2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 9, vol. 2 à la p. 228; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 27, vol. 2A aux pp. 165-166.

[28].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A aux pp. 103-104; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221; pièce PI‑2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 9, vol. 2 à la p. 228; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 27, vol. 2A aux pp. 165-166.

[29].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219.

[30].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 33, vol. 2A à la p. 171; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 35, vol. 2A à la p. 175; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221.

[31].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A aux pp. 103, 108; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 9, vol. 2 à la p. 228; pièce PI‑2015‑001-03.01 (protégée), pièce jointe 27, vol. 2A aux pp. 165-166; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 33, vol. 2A à la p. 171; Tôles VI au par. 31.

[32].   Les six pays sont la République fédérative du Brésil, le Royaume du Danemark, la République d’Indonésie, la République italienne, le Japon et la République de Corée. Pièce PI-2015-001-02.01, vol. 1 à la p. 52.

[33].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 7, vol. 2 aux pp. 215-219.

[34].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 10, vol. 1A à la p. 107; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 8, vol. 2 à la p. 221.

[35].   Fils machine de cuivre (30 octobre 2006), PI-2006-002 (TCCE) aux par. 40, 43; Fils d’acier galvanisés (22 mars 2013), PI-2012-005 (TCCE) au par. 75; Tubes en cuivre circulaires (22 juillet 2013), PI-2013-002 (TCCE) au par. 82.

[36].   Pièce PI-2015-001-06.01 au par. 2.3, vol. 3.

[37].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 2, vol. 2 aux pp. 190-192.

[38].   Pièce PI-2015-001-03.05 (protégée), pièce jointe C, vol. 2B aux pp. 168-170.

[39].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 2, vol. 2 aux pp. 191-192.

[40].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 47, vol. 1B aux pp. 215, 232; pièce PI-2015-001-03.01A (protégée), pièce jointe 25, vol. 2.01 aux pp. 18-19.

[41].   Pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), pièce jointe 43, vol. 2A aux pp. 177-179; pièce PI-2015-001-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 59-61, 72-73; pièce PI-2015-001-02.01, vol. 1 aux pp. 65-66, 77-78.

[42].   Pièce PI-2015-001-09.01 au par. 116, vol. 4.

[43].   Pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 36, vol. 1B à la p. 93; pièce PI-2015-001-03.01A (protégée), pièce jointe 25, vol. 2.01 aux pp. 15-16, 18-19, 130, 175-176; pièce PI-2015-001-03.01A (protégée), pièce jointe 42, vol. 2.01B à la p. 12; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 37, vol. 1B à la p. 131; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 38, vol. 1B à la p. 140; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 39, vol. 1B à la p. 143; pièce PI-2015-001-02.01, pièce jointe 40, vol. 1B aux pp. 147-148.