BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON

BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON
Enquête d’intérêt public no PB‑2014-001

Opinion et motifs rendus
le mardi 22 décembre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête d’intérêt public ouverte le 27 avril 2015, aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant les droits de douane imposés en conséquence des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 9 janvier 2015 dans l’enquête no NQ-2014-001 concernant des :

BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE LA RÉPUBLIQUE DE TURQUIE

OPINION

Aux termes de l’alinéa 45(4)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur ne remettra pas de rapport au ministre des Finances, car il est d’avis que l’intérêt public ne justifie pas une réduction ou la suppression des droits antidumping et compensateurs imposés en conséquence des conclusions susmentionnées.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Stephan A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Lieu de l’audience : Vancouver (Colombie-Britannique)

Dates de l’audience : du 27 au 31 juillet 2015

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Stephen A. Leach, membre
Jason W. Downey, membre

Personnel du Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs :

Directeur des enquêtes sur les recours commerciaux : Greg Gallo

Agents des enquêtes sur les recours commerciaux : Joseph Long
Mylène Lanthier

Commis des enquêtes sur les recours commerciaux : Tina Liusun
Jyotsna Venkatesh

Conseillers juridiques : Anja Grabundzija
Kalyn Eadie

Agents principaux du greffe : Julie Lescom
Lindsay Vincelli

PARTICIPANTS :

Parties en faveur

Conseillers/représentants

Independent Contractors and Businesses Association

Paul Lalonde
Martha Harrison
Carmen Francis

Ministère de l’Économie de la République de Turquie

Suleyman Canidemir

Ministère du Commerce international, province de la Colombie-Britannique

Jeffrey Thomas

Association des exportateurs d’acier de la Turquie

Vincent Routhier
Gabrielle Dumas-Aubin

 

Parties qui s’opposent

Conseillers/représentants

Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada s/n Manufacturiers et exportateurs du Canada
AltaSteel Inc.
ArcelorMittal Montréal Inc. et ArcelorMittal Long Carbon North America
Institut canadien de la construction en acier
Association canadienne des producteurs d’acier
Essar Steel Algoma Inc.
SSAB Central Inc.

Benjamin Bedard
Paul Conlin
William Pellerin
Linden Dales
Anne-Marie Oatway

Cascade Rolling Mills Inc.
Nucor Corporation

Lawrence L. Herman

Congrès du travail du Canada

Hassan Yussuff

Coalition des manufacturiers du Canada

Jayson Myers

La Corporation de la Ville de Sault Ste. Marie

Christian Provenzano

EVRAZ Inc. NA Canada et EVRAZ Inc. NA

Christopher J. Cochlin
Andrew M. Lanouette

Gerdau Longsteel North America

Geoffrey C. Kubrick
Jonathan O’Hara
Maneesha Dakha

Gouvernement de l’Alberta

Daryl Hanak

Gouvernement de la Saskatchewan

Kent Campbell

International Association of Bridge, Structural, Ornamental and Reinforcing Ironworkers, section 97

Derrill Thompson

Metal Service Center Institute

Ian Williams

Ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations du Québec

Jean-François Lord

Ministère du Développement économique, de l’Emploi et de l’Infrastructure de l’Ontario

Hugo Cameron

Ministère de l’Emploi et de l’Économie du Manitoba

Alan Barber

Tenaris Canada

David McHattie

U.S. Steel Canada, Inc.

Trevor Harris

United Steelworkers

Mark Rowlinson

TÉMOINS :

John Nunn
Directeur
Klohn Crippen Berger

Michael Savidant
Gestionnaire commercial – Site C
B.C. Hydro

Patrick C. Livolsi
Sous-ministre adjoint
Ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique

Timothy J. Spiegel
Directeur
SSA Quantity Surveyors Ltd.

Mercedes Lopez
Gestionnaire, Service des travaux de construction
B.C. Housing

Norm Streu
Président-directeur général
LMS Reinforcing Steel Group

Anoop Khosla
Président
Midvalley Rebar Ltd.

J.K. (Jim) Bogusz
Chef des opérations
Beedie Development Group

Ben Zurbrigg
Gestionnaire, Ventes et production
AltaSteel

Ron Molloy
Directeur du Service des finances et de la commercialisation
AltaSteel

Roger Paiva
Vice-président et Opérations marchandes
Gerdau Long Steel North America – usine de Whitby

Geoffrey R. Inniss
Vice-président, Ventes
ArcelorMittal Montréal

Henry Wegiel
Directeur, Relations commerciales et gouvernementales
ArcelorMittal Dofasco

Frédéric Fafard
Directeur, Marketing, analyse et commercialisation
ArcelorMittal

Manon Dufour
Gestionnaire des services, Coûts
ArcelorMittal Contrecœur

Joseph Galimberti
Président
Association canadienne des producteurs d’acier

Edward Whelan
Président
Institut canadien de la construction en acier

Philip Turi
Avocat général et directeur, Services aux entreprises
Manufacturiers et exportateurs du Canada

Matt Lyons
Vice-président et directeur général
Nucor

Ken Neumann
Directeur national
United Steelworkers

Alex D. McKinnon
Chef de section, Recherche, politiques publiques et appui aux négociations
United Steelworkers

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le 9 janvier 2015, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a conclu, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1], que le dumping de barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et la fabrication d’autres produits d’armature, originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine), de la République de Corée (Corée) et de la République de Turquie (Turquie), et que le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la Chine n’avaient pas causé de dommage, mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal a exclu de ces conclusions les armatures d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs de 1 pied (30,48 cm) jusques et y compris 8 pieds (243,84 cm).
  2. Aux termes du paragraphe 45(1) de la LMSI, dans les cas où, à l’issue d’une enquête menée aux termes de l’article 42, le Tribunal conclut que les marchandises importées ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage, le Tribunal, de sa propre initiative ou sur demande présentée par toute personne intéressée, ouvre une enquête d’intérêt public s’il est d’avis, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l’assujettissement à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus par la LMSI serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  3. Le 23 février 2015, le Tribunal a reçu une demande conjointe d’ouverture d’enquête d’intérêt public présentée par le ministère du Commerce international de la Colombie-Britannique (gouvernement de la Colombie-Britannique) et la Independent Contractors and Businesses Association (ICBA) (collectivement, les demandeurs), dont les membres comprennent des utilisateurs en aval d’armatures, comme les transformateurs d’armatures. La demande reposait sur l’allégation selon laquelle l’assujettissement à des droits antidumping et compensateurs des marchandises en question destinées à une utilisation finale en Colombie-Britannique serait contraire à l’intérêt public.
  4. Après examen de la demande et des autres observations à l’appui ou à l’encontre de celle-ci, le Tribunal a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que l’assujettissement des marchandises en question à des droits antidumping et compensateurs ou au plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public. Par conséquent, le Tribunal a ouvert une enquête d’intérêt public le 27 avril 2015.
  5. Un avis d’ouverture de l’enquête d’intérêt public a été envoyé aux parties intéressées connues, a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada[2] du 9 mai 2015 et affiché sur le site Web du Tribunal. Les parties intéressées ont été invitées à déposer des avis de participation auprès du Tribunal et des observations sur l’incidence qu’aurait l’imposition des droits sur l’intérêt public. Trente parties ont déposé des avis de participation, mais deux d’entre elles se sont retirées de la procédure par la suite.
  6. Dans le cadre de son enquête, le Tribunal a également invité certains importateurs, producteurs et acheteurs connus d’armatures à remplir des questionnaires, qui portaient sur les activités liées aux armatures en Colombie-Britannique, pour la période du 1er octobre 2013 au 31 mars 2015, et les prévisions pour les années 2015 et 2016. Le Tribunal a par la suite envoyé aux importateurs, aux producteurs et aux acheteurs des demandes de renseignements sur leurs activités liées aux armatures au cours du deuxième trimestre 2015. Des demandes de renseignements ont également été envoyées à des acteurs du marché immobilier de la Colombie-Britannique, à certains exportateurs américains et au gouvernement de la Colombie-Britannique. Le Tribunal a en outre demandé certains renseignements à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)[3].
  7. À l’aide des réponses reçues aux questionnaires, aux demandes de renseignements et d’autres éléments de preuve versés au dossier, une version publique et une version confidentielle du rapport d’enquête et du supplément au rapport d’enquête ont été préparées. Ces documents ont été distribués aux parties[4].
  8. Cinq parties ont déposé des mémoires dans lesquels elles allèguent que l’assujettissement à des droits antidumping et compensateurs des armatures importées pour utilisation finale en Colombie-Britannique serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public. Ces parties sont l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique (conjointement), l’Association des importateurs d’acier de la Turquie (ÇIB), la Direction générale des exportations du ministère de l’Économie de la Turquie (Turquie) et C&F International Limited, un importateur de produits de l’acier, notamment d’armatures. C&F International Limited s’est par la suite retirée de la procédure.
  9. Le Tribunal a reçu des mémoires et/ou des exposés des faits de 24 parties qui s’opposent à toute réduction ou suppression des droits imposés sur les armatures importées pour utilisation finale en Colombie-Britannique. Ces parties sont les suivantes : trois producteurs nationaux d’armatures, soit ArcelorMittal Long Carbon North America et ArcelorMittal Montréal Inc. (collectivement, ArcelorMittal), AltaSteel Inc. (AltaSteel) et Gerdau Longsteel North America (Gerdau); deux producteurs américains d’armatures exportant leurs produits en Colombie-Britannique, soit Nucor Corporation (Nucor) et Cascade Rolling Mills Inc. (Cascade), dont les laminoirs sont respectivement situés dans les États de Washington et de l’Oregon, ainsi qu’un producteur d’armatures en bobines du Colorado, EVRAZ Inc. NA; trois organisations syndicales, soit la United Steel, Paper and Forestry, Rubber, Manufacturing, Energy, Allied Industrial and Service Workers International Union (United Steelworkers), la International Association of Bridge, Structural, Ornamental and Reinforcing Ironworkers, section 97 (Ironworkers Association), et le Congrès du travail du Canada; quatre associations industrielles et commerciales, soit l’Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada s/n Manufacturiers et exportateurs du Canada (Manufacturiers et exportateurs du Canada), l’Institut canadien de la construction en acier (ICCA), l’Association canadienne des producteurs d’acier (ACPA) et le Metal Service Center Institute; cinq gouvernements provinciaux et une municipalité, soit le gouvernement de l’Alberta, le gouvernement de la Saskatchewan, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations du Québec, le ministère du Développement économique, de l’Emploi et de l’Infrastructure de l’Ontario, le ministère de l’Emploi et de l’Économie du Manitoba et la Corporation de la Ville de Sault Ste. Marie; des producteurs canadiens de produits de l’acier autres que les armatures, soit Essar Steel Algoma Inc., SSAB Central Inc., EVRAZ Inc. NA Canada, Tenaris Canada et U.S. Steel Canada, Inc.
  10. En outre, plusieurs non-participants, notamment la municipalité de Hamilton, la municipalité d’Oshawa, la municipalité de Whitby et la chambre de commerce de Whitby, ont écrit pour exprimer leur opposition à la réduction ou à la suppression des droits.
  11. Le Tribunal a tenu une audience comportant des témoignages publics et à huis clos à Vancouver (Colombie-Britannique) du 27 au 31 juillet 2015. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait entendre des témoins du ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique, de B.C. Hydro et de B.C. Housing, qui sont tous des organismes du gouvernement de la Colombie-Britannique qui entreprennent des travaux de construction d’infrastructures, d’établissements de soins de santé et de logements sociaux. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a également fait entendre des témoins de Klohn Crippen Berger et de SSA Quantity Surveyors Ltd., deux entreprises privées qui prennent part à de tels travaux.
  12. L’ICBA a fait entendre des témoins de LMS Reinforcing Steel Group (LMS) et de Midvalley Rebar Ltd. (Midvalley), deux transformateurs d’armatures de la Colombie-Britannique, et de Beedie Development Group (Beedie), un promoteur d’immeubles résidentiels et commerciaux. Enfin, le Tribunal a entendu des représentants d’AltaSteel, d’ArcelorMittal, de Gerdau, de l’ACPA, de l’ICCA, de Manufacturiers et exportateurs du Canada, de Nucor et de la United Steelworkers. La Ironworkers Association et Cascade étaient représentées par des conseillers juridiques, mais n’ont fait entendre aucun témoin[5].

CONTEXTE

Produit et marché

  1. Lors de l’enquête no NQ-2014-001, l’ASFC a défini les marchandises en question en ces termes :

barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et la fabrication d’autres produits d’armature, originaires ou exportées de la Chine, de la Corée et de la Turquie.

  1. De manière générale, les armatures de même description que les marchandises en question comprennent toutes les armatures à haute adhérence laminées à chaud fabriquées au moyen d’acier à billettes, d’acier à rail, d’acier à essieu, d’acier faiblement allié et d’autre acier allié qui ne correspondent pas à la définition de l’acier inoxydable, qu’elles soient revêtues ou non revêtues. Les longueurs standard des armatures sont de 6 mètres (20 pieds), 12 mètres (40 pieds) et 18 mètres (60 pieds), mais les armatures peuvent être coupées et vendues en d’autres longueurs selon les spécifications des clients, ou vendues en bobines[6].
  2. Les armatures sont utilisées dans les immeubles résidentiels et commerciaux et dans des travaux d’infrastructure d’envergure. Les armatures sont fabriquées au Canada conformément à la norme nationale du Canada CAN/CSA-G30.18-M92, barres d’acier en billettes pour l’armature du béton, établie par l’Association canadienne de normalisation et approuvée par le Conseil canadien des normes. Les éléments de preuve font ressortir que, dans la vaste majorité des cas, les armatures utilisées dans les travaux de construction en Colombie-Britannique doivent être certifiées selon la norme CSA[7].
  3. Les armatures transformées ne sont pas incluses dans la définition des marchandises en question. La transformation d’armatures est généralement assistée par ordinateur et effectuée pour répondre aux besoins particuliers du client. Les armatures qui sont simplement coupées en longueurs ne sont pas considérées comme des armatures transformées et sont incluses dans la définition des marchandises en question.
  4. Les éléments de preuve indiquent que les transformateurs de la Colombie-Britannique importent des armatures directement ou s’approvisionnent auprès de laminoirs, de centres de services ou de distributeurs nationaux[8]. Ils reçoivent généralement des commandes du secteur de la construction, achètent les armatures, les coupent et les plient selon les instructions du client et les livrent sur les chantiers. Un certain nombre de transformateurs exercent leurs activités en Colombie-Britannique, notamment les plus importants, LMS and Harris Rebar, ainsi que Midvalley, G&M Steel et Heritage Steel[9].

Résumé des conclusions de menace de dommage du Tribunal

  1. Le 9 janvier 2015, le Tribunal a conclu que le dumping des marchandises en question en provenance de la Corée, de la Turquie et de la Chine et que le subventionnement des marchandises en question en provenance de la Chine n’avaient pas causé de dommage, mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale au cours des 12 à 18 mois suivants. Le Tribunal avait alors conclu qu’il y aurait vraisemblablement une augmentation importante et immédiate des importations au Canada des marchandises en question et que ces importations causeraient vraisemblablement un dommage sous forme d’érosion des prix, de perte de ventes, de diminution de la part de marché, de baisse de la rentabilité et d’effets négatifs sur les investissements futurs.
  2. Le Tribunal a également rejeté une demande d’exclusion régionale pour toutes « les armatures importées dans la province de la Colombie-Britannique [des pays en question] à des fins d’utilisation ou de consommation dans cette province »[10] ou, subsidiairement, pour « les armatures destinées à une utilisation finale dans des projets de construction dans la province de la Colombie-Britannique »[11], laquelle avait été présentée par l’ICBA et appuyée par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Selon l’ICBA, les marchandises en question importées en Colombie-Britannique n’avaient pas causé de dommage à la branche de production nationale et il était improbable que la branche de production nationale en Colombie-Britannique subisse un dommage dans l’avenir, étant donné son absence relative du marché de la Colombie-Britannique depuis de nombreuses années et son incapacité de servir ce marché de façon concurrentielle.
  3. En rejetant la demande d’exclusion régionale, le Tribunal a insisté sur le fait que les exclusions ne sont accordées que dans les circonstances uniques où des éléments de preuve convaincants démontrent que l’exclusion ne causera pas ou ne menacera pas de causer un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal a souligné que la question juridique pertinente concernant l’exclusion régionale consistait à vérifier l’allégation selon laquelle les marchandises en question ne menaçaient pas de causer un dommage à la branche de production nationale parce que rien ne laissait prévoir de façon raisonnable que les producteurs nationaux puissent devenir des fournisseurs actifs en Colombie-Britannique, même si des droits étaient imposés. Le Tribunal a conclu que, sans le dumping ou le subventionnement, les producteurs nationaux avaient des perspectives raisonnables d’accroître leur présence en Colombie-Britannique et de répondre aux besoins du marché de cette province de manière concurrentielle au cours des 12 à 18 mois suivants.

Droits antidumping et compensateurs imposés en conséquence

  1. Suivant les conclusions du Tribunal et les décisions définitives rendues par l’ASFC, les marchandises en question originaires ou exportées de la Chine, de la Corée et de la Turquie pour lesquelles l’exportateur n’a pas de valeurs normales spécifiques sont assujetties à un droit antidumping de 41 p. 100 du prix à l’exportation. De plus, les marchandises en question originaires ou exportées de la Chine pour lesquelles l’exportateur n’a pas de montants de subventions spécifiques sont assujetties à un droit compensateur de 469 renminbis la tonne métrique.
  2. Des valeurs normales ont été déterminées pour les exportateurs des pays visés qui avaient fourni des renseignements suffisants dans le cadre des enquêtes de l’ASFC. Dans le cas des importations des marchandises en question en provenance de ces exportateurs, le montant du droit antidumping est déterminé en fonction de la différence, le cas échéant, entre la valeur normale et le prix à l’exportation pour chaque transaction d’importation. Un montant de subvention spécifique de 13 renminbis la tonne métrique a également été déterminé pour un exportateur chinois.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Tel que mentionné ci‑dessus, aux termes du paragraphe 45(1) de la LMSI, dans les cas où, à l’issue d’une enquête menée aux termes de l’article 42, le Tribunal conclut que les marchandises importées causent un dommage ou menacent de causer un dommage, le Tribunal, de sa propre initiative ou sur demande présentée par toute personne intéressée, ouvre une enquête d’intérêt public s’il est d’avis, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l’assujettissement à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus par la LMSI serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  2. Pour déterminer si l’assujettissement à des droits ou au plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public, le Tribunal doit tenir compte de tout facteur pertinent eu égard aux circonstances particulières, y compris les facteurs réglementaires. Le paragraphe 45(3) de la LMSI est libellé comme suit :

Dans le cadre de l’enquête, le Tribunal tient compte de tout facteur qu’il juge pertinent, y compris les facteurs réglementaires.

  1. Les facteurs réglementaires sont énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[12] :

Pour l’application du paragraphe 45(3) de la Loi, les facteurs à prendre en compte sont les suivants :

a) le fait que des marchandises de même description sont faciles à obtenir ou non de pays ou d’exportateurs non visés par l’ordonnance ou les conclusions;

b) le fait que l’assujettissement des marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs au plein montant :

(i) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché national à l’égard de marchandises,

(ii) a causé ou causera vraisemblablement ou non un préjudice important aux producteurs au Canada qui utilisent ces marchandises comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services,

(iii) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non de nuire sérieusement à la compétitivité en limitant l’accès :

(A) soit aux marchandises utilisées comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services,

(B) soit à la technologie,

(iv) a eu ou aura vraisemblablement pour effet ou non de restreindre de façon marquée le choix ou la disponibilité de marchandises offertes aux consommateurs à des prix concurrentiels ou autrement a causé ou causera vraisemblablement ou non un tort considérable aux consommateurs;

c) le fait que les marchandises en cause ne soient pas assujetties à des droits antidumping ou compensateurs ou qu’elles soient assujetties à des droits d’un montant moindre que le plein montant des droits prévus aux articles 3 à 6 de la Loi causera vraisemblablement ou non un préjudice important aux producteurs nationaux des intrants, y compris les produits primaires, utilisés dans la fabrication ou la production nationale de marchandises similaires.

  1. Si, à l’issue de l’enquête d’intérêt public, le Tribunal conclut que l’assujettissement à des droits ou au plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public, le Tribunal doit alors, aux termes des paragraphes 45(4) et (5) de la LMSI, transmettre au ministre des Finances un rapport énonçant ses motifs et recommander soit un niveau de réduction des droits antidumping ou compensateurs, soit un prix de nature à empêcher un dommage, un retard ou une menace de dommage à la branche de production nationale.

INTÉRÊT PUBLIC ET ACCORDS DE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC)

  1. Le terme « intérêt public » n’est pas défini dans la LMSI. Comme point de départ de son analyse, le Tribunal retient la règle moderne de l’interprétation législative, selon laquelle « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[13].
  2. L’expression « intérêt public » dénote une notion vaste et souple, qui inclut des considérations qui dépassent les intérêts des parties au litige[14]. Comme l’a reconnu le Tribunal dans de précédentes affaires, une interprétation contextuelle est donc essentielle pour comprendre la notion d’intérêt public visée à l’article 45 de la LMSI[15].
  3. Les accords de l’OMC sur les mesures antidumping et compensatoires font partie du contexte dans lequel la LMSI, et notamment l’article 45, a été promulguée et constituent donc une toile de fond utile pour interpréter la législation nationale[16]. Si les accords de l’OMC ne font pas explicitement référence à la notion d’intérêt public, l’article 9.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994[17] de l’OMC donne à penser que l’imposition d’un droit est facultative et qu’« [i]l est souhaitable que l’imposition [...] [du] droit soit moindre que la marge [de dumping] si ce droit moindre suffit à faire disparaître le dommage causé à la branche de production nationale »[18] [nos italiques]. L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires contient des dispositions similaires.
  4. Contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays[19], l’application de la notion de droit moindre au Canada se limite aux enquêtes d’intérêt public et ne sert qu’à déterminer le niveau de droit approprié une fois que l’intérêt public est établi[20].
  5. Néanmoins, le Tribunal prend en considération l’article 9.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI et la notion de droit moindre, puisqu’ils donnent à penser qu’il doit toujours y avoir un équilibre entre la conséquence voulue du droit, c’est-à-dire la disparition du dommage causé à une branche de production nationale, et les conséquences non voulues. De l’avis du Tribunal, il s’agit de la question fondamentale dans les enquêtes menées conformément à l’article 45 de la LMSI : le droit a-t-il des conséquences non voulues telles qu’il serait dans l’intérêt public d’envisager la suppression ou la réduction de ce droit?

L’INTÉRÊT PUBLIC EN CONTEXTE

  1. L’appréciation de l’intérêt public que fait le Tribunal aux termes de l’article 45 de la LMSI ne se fait pas dans un vide contextuel. Comme l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique l’ont reconnu dans leur mémoire, cette appréciation repose sur les conclusions tirées à l’issue d’une enquête menée aux termes de l’article 42, dans laquelle il a été démontré que les importations sous-évaluées ou subventionnées causent ou menacent de causer un dommage sensible à une branche de production nationale[21].
  2. Selon l’intention du législateur, et conformément aux accords applicables de l’OMC, lorsque le Tribunal rend des conclusions de dommage ou de menace de dommage aux termes de l’article 43 de la LMSI, des droits antidumping et compensateurs sont imposés pour remédier au dommage causé à la branche de production nationale par le commerce déloyal. Par conséquent, les marchandises en question importées après que le Tribunal a rendu ses conclusions sont censées livrer concurrence sur le marché canadien à des prix non sous-évalués et non subventionnés et, à mesure que le marché s’adapte, de nouveaux prix ou de nouveaux fournisseurs sont susceptibles d’apparaître pour tous les participants au marché, y compris les utilisateurs et les consommateurs en aval des marchandises assujetties aux droits[22].
  3. Par conséquent, dans une enquête menée aux termes de l’article 45 de la LMSI, le Tribunal s’attend normalement à ce que soient produits des éléments de preuve faisant état de certains effets négatifs sur des participants au marché en train de s’adapter à un marché équitable[23]. Il s’agit de conséquences naturelles qui doivent donc être considérées comme des conséquences voulues de l’imposition de droits et qui doivent être distinguées des conséquences non voulues, comme les suivantes :
  • réduction excessive de la concurrence sur le marché national pouvant mener à des prix inutilement élevés;
  • réduction inacceptable du choix, de la qualité ou de la quantité des produits offerts aux consommateurs;
  • dommage important causé aux industries en aval;
  • absence d’importations en provenance d’autres sources d’approvisionnement non visées par les conclusions ou l’ordonnance;
  • incapacité de la branche de production nationale d’approvisionner l’ensemble du marché national, que ce soit sur le plan géographique ou saisonnier;
  • dommage causé à un certain aspect de la société auquel est accordée une priorité supérieure, comme la santé, la sécurité, l’éducation ou la sécurité nationale;
  • valeurs normales ou prix à l’exportation qui, bien que corrects, ne correspondent peut-être pas aux réalités économiques et pourraient expulser les exportateurs du marché national;
  • augmentations de prix supérieures à la hausse nécessaire pour faire disparaître le dommage causé par les importations sous-évaluées ou subventionnées[24].
  1. Le législateur reconnaît depuis longtemps que l’imposition de droits à leur plein montant peut être contraire à l’intérêt public dans certaines circonstances. Il a d’abord intégré une disposition sur l’intérêt public dans le mécanisme de recours commercial du Canada en 1984, après la publication d’un rapport parlementaire qui recommandait que les mesures antidumping et compensatoires soient susceptibles d’examen à la lumière de l’intérêt national et de l’intérêt des consommateurs[25]. Lors du dernier réexamen parlementaire de la LMSI, l’intérêt public était perçu encore une fois comme une caractéristique essentielle du mécanisme de recours commercial du Canada[26].
  2. Ainsi, lorsqu’elle est appréhendée dans son contexte élargi, l’enquête d’intérêt public exige que le Tribunal analyse la façon dont le marché canadien des marchandises assujetties aux droits, auparavant déformé par le commerce déloyal, est devenu un marché équitable reposant sur le libre jeu des forces concurrentielles. Pour ce faire, le Tribunal doit analyser le moment où sont survenus ces changements et leur ampleur afin de déterminer s’il existe un équilibre entre l’empêchement du dommage ou de la menace de dommage causé à une branche de production nationale et un ensemble élargi d’intérêts.
  3. Dans de précédentes affaires, le Tribunal a fait remarquer que, selon les circonstances, le terme « intérêt public » pouvait faire référence aux intérêts de la population en général ou à ceux d’un segment de la population, dans la mesure où les effets de l’assujettissement des marchandises à des droits en ce qui concerne l’approvisionnement, la concurrence, la compétitivité ou la prospérité des industries, des clients ou des usagers en aval suffisaient pour représenter un « intérêt public ». Le Tribunal a aussi indiqué que la géographie pouvait constituer, selon le cas, un élément déterminant du segment pertinent de la population[27].
  4. Enfin, il est également important de souligner que l’appréciation de l’intérêt public faite par le Tribunal et toutes les recommandations qu’il peut formuler s’inscrivent dans un contexte particulier. L’exercice de mise en balance auquel procède le Tribunal dans une enquête menée aux termes de l’article 45 de la LMSI a trait aux conditions du marché qui existaient pendant la période examinée par le Tribunal lors de son enquête ou qui étaient raisonnablement prévisibles à ce moment-là.

POSITION DES PARTIES

Parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits

L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique

  1. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les droits auxquels sont assujetties les armatures destinées à une utilisation finale en Colombie-Britannique ont provoqué et continueront de provoquer des effets négatifs importants sur de nombreux aspects du marché de la construction résidentielle, de la construction commerciale et de la construction d’infrastructures de cette province, tout en n’apportant « à peu près aucun avantage mesurable ou durable à la branche de production nationale »[28] [traduction].
  2. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique affirment que les ventes d’armatures de production nationale en Colombie-Britannique n’ont pas augmenté, et n’augmenteront probablement pas, étant donné que la branche de production nationale ne s’est pas suffisamment efforcée de répondre aux besoins des clients de la Colombie-Britannique et qu’elle souffre d’un désavantage concurrentiel inhérent par rapport aux fournisseurs de l’ouest des États-Unis et de l’Asie dont les coûts d’expédition à destination de la Colombie-Britannique sont de beaucoup inférieurs. Le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA ont également remis en question l’avenir d’AltaSteel et l’importance qu’elle accorde aux armatures.
  3. Selon l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique, plutôt que d’accroître les ventes d’armatures de production nationale, les droits ont simplement perturbé une chaîne d’approvisionnement qui repose de longue date sur les marchandises en question au profit d’autres importations beaucoup moins attrayantes. Ils allèguent que les armatures ne peuvent être facilement obtenues auprès d’exportateurs ou de pays non visés par les conclusions, notamment parce que bon nombre de laminoirs asiatiques n’ont aucun intérêt à fournir des armatures répondant à la norme CSA pour le marché relativement petit de la Colombie‑Britannique.
  4. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique reconnaissent que, jusqu’à maintenant, il a été possible d’obtenir des armatures de certains pays asiatiques et des États-Unis, mais ils affirment que cette offre, assortie de conditions moins favorables que les conditions habituelles des marchandises en question, pourrait ne plus être viable si la demande intérieure augmente dans ces pays. Ils avancent que si les nouvelles sources d’approvisionnement étrangères se tarissent, les fournisseurs américains seront la seule option pour les transformateurs de la Colombie-Britannique, ce qui pourrait rendre l’offre incertaine et entraîner des augmentations de prix déraisonnables.
  5. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique ajoutent que l’imposition de droits a des effets négatifs sur la concurrence en Colombie-Britannique. Les droits perturbent l’équilibre concurrentiel entre transformateurs parce qu’ils ont des répercussions sur les transformateurs non affiliés à un producteur d’armatures américain, mais risquent d’avoir peu d’incidence sur Harris Rebar, qui est affiliée à Nucor Steel et qui importe la plupart de ses armatures de cette entreprise. La concurrence est perturbée au niveau des relations promoteurs-clients, car les transformateurs indépendants ont redoublé de prudence dans leurs soumissions aux appels d’offres, de sorte que le nombre de soumissions a baissé et que les prix ont augmenté.
  6. En outre, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les transformateurs, qui sont les principaux utilisateurs en aval des armatures, sont pénalisés par l’imposition de droits, lesquels ont pour effet de « perturber complètement une chaîne d’approvisionnement fiable et efficace »[29] [traduction]. En conséquence, les transformateurs indépendants ont redoublé de prudence dans leurs soumissions aux appels d’offres et doivent garder des stocks plus importants.
  7. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les coûts additionnels supportés par la population et les contribuables de la Colombie-Britannique par suite de l’imposition de droits sur les armatures ne peuvent être quantifiés avec certitude, parce qu’ils dépendent d’un certain nombre de facteurs inconnus. Néanmoins, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique avancent comme argument principal que les coûts sont plus élevés qu’ils ne le seraient en l’absence de droits et que, parce que les avantages de l’imposition de droits sur les armatures importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont « presque inexistants » [traduction] pour la branche de production nationale, l’aspect négatif des coûts des droits l’emporte sur les avantages potentiels.
  8. Selon l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique, les consommateurs subiront vraisemblablement une hausse des prix de l’immobilier, plus particulièrement sur le marché des immeubles en copropriété construits en béton armé dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Par exemple, ils affirment qu’une augmentation de 10 p. 100 du prix des armatures en raison des droits pourrait faire augmenter de 1 650 $ le prix d’un logement en copropriété. Même si la hausse réelle des prix des armatures est inférieure à 10 p. 100, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soulignent que toute augmentation du prix des armatures par rapport aux prix qui seraient pratiqués en l’absence de droits exercera une pression à la hausse sur les prix des logements en copropriété dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, qui figure déjà parmi les marchés immobiliers les moins abordables dans le monde.
  9. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique ajoutent que, même si les hausses de coût ne sont pas transmises aux acheteurs de logements en copropriété, les marges bénéficiaires réduites des transformateurs et des promoteurs immobiliers se traduiront par une contribution inférieure de ces entreprises à l’activité économique de la province, laquelle ne sera contrebalancée par aucun avantage pour la branche de production nationale. L’activité commerciale dans la province pourrait aussi être pénalisée par les droits, car l’augmentation des coûts de construction pourrait rendre la Colombie-Britannique moins attrayante, par exemple en ce qui a trait à la construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel.
  10. De surcroît, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique allèguent que les droits ont une incidence sur les travaux de construction exécutés par la province, entre autres le remplacement du tunnel George-Massey, le programme d’agrandissement et de réfection des ponts et des routes, la construction d’établissements de soins de santé, la construction du barrage hydro-électrique Site C de B.C. Hydro et la construction de logements sociaux financés par la province.
  11. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont présenté à titre d’exemple des scénarios d’augmentation de coûts pour des travaux particuliers. Ils soulignent que si les prix des armatures en Colombie-Britannique suivent une tendance à la baisse depuis quelques mois, ils sont néanmoins plus élevés qu’ils ne le seraient en l’absence de droits. L’effet de ces hausses de coût, qui sera exacerbé par l’augmentation des coûts d’emprunt, se traduira soit par des coûts plus élevés pour les contribuables de la Colombie-Britannique, soit par l’exécution d’un moins grand nombre de travaux, soit par l’adoption de solutions de rechange moins efficaces.
  12. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique demandent au Tribunal de recommander la suppression totale des droits auxquels les marchandises en question en provenance de la Chine et de la Corée sont assujetties (en précisant que les armatures de la Turquie n’ont jamais joué de rôle sur le marché de la Colombie-Britannique). En réponse à l’invitation du Tribunal de présenter des arguments subsidiaires, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les droits auxquels les armatures en provenance de la Chine et de la Corée sont assujetties devraient être réduits à un niveau qui garantirait qu’elles soient accessibles aux transformateurs de la Colombie-Britannique.
  13. Ils proposent un droit ad valorem pour remplacer les valeurs normales établies ainsi que des droits antidumping et compensateurs de 10 p. 100 pour les exportateurs coopératifs et de 12,5 p. 100 pour les exportateurs non coopératifs. Subsidiairement encore, ils soutiennent qu’un contingent tarifaire pourrait être envisagé.

ÇIB

  1. La ÇIB reprend les observations de l’ICBA et du gouvernement de la Colombie-Britannique. Elle reconnaît que les coûts imposés à toutes les nouvelles structures de béton l’emportent sur les « avantages théoriques » [traduction], pour la branche de production nationale, des droits auxquels les armatures destinées à une utilisation finale en Colombie-Britannique sont assujetties. La ÇIB soutient également que l’assujettissement au plein montant des droits est contraire à l’intérêt public quand le montant est supérieur à celui qui est nécessaire pour protéger la branche de production nationale contre tout dommage. Elle affirme que, malgré une marge de dumping modeste, un exportateur de la Turquie est exclu de toute activité éventuelle au Canada parce que sa valeur normale est trop élevée comparativement aux prix actuels.
  2. La ÇIB soutient que le Tribunal devrait recommander la réduction ou la suppression des droits antidumping auxquels les marchandises en question importées de tous les pays et destinées à des utilisations finales en Colombie-Britannique sont assujetties.

Turquie

  1. La Turquie soutient que l’imposition de droits sur les importations d’armatures destinées à être utilisées en Colombie-Britannique est contraire à l’intérêt public, car elle permettra aux entreprises de certains pays de devenir les seuls fournisseurs dans cette province, ce qui entraînera une hausse des prix pour les consommateurs et les contribuables. La suppression des droits n’aurait pas d’incidence sur les emplois ailleurs au Canada, car la branche de production nationale ne réalise pas de ventes en Colombie-Britannique.

Parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits

ArcelorMittal, AltaSteel et ACPA

  1. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA soutiennent que les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits n’ont pas produit d’éléments de preuve suffisants démontrant que l’imposition de droits sur les armatures importées à des fins d’utilisation finale en Colombie-Britannique, en totalité ou en partie, serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.
  2. Elles font valoir que rien n’indique que les prix des logements en copropriété vont augmenter, que les travaux d’infrastructure seront mis en péril ou que leurs coûts grimperont substantiellement, ou que la construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel sera menacée. Selon ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA, les hausses de coût alléguées sont infondées et contradictoires, et elles tiennent compte de coûts qui ne concernent pas les armatures elles-mêmes.
  3. Elles font également remarquer que la hausse projetée des coûts repose sur des prix de base pour les armatures nettement supérieurs aux prix pratiqués sur le marché et que ces augmentations sont somme toute infimes par rapport aux coûts globaux des travaux. De plus, aucun élément de preuve n’indique que l’augmentation des coûts se répercutera sur les acheteurs en aval de la chaîne d’approvisionnement. De plus, de nombreux facteurs autres que le prix des armatures ont une incidence beaucoup plus forte sur les coûts et la viabilité des usines de liquéfaction de gaz naturel, des immeubles en copropriété et des travaux d’infrastructure.
  4. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA avancent également que les instances précédentes dans lesquelles le Tribunal a recommandé la réduction des droits se distinguent du cas présent, dans lequel n’intervient aucun des facteurs d’intérêt public énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement. Plus précisément, les armatures sont offertes par un certain nombre de pays qui ne sont pas visés par les conclusions, de sorte qu’il n’y a aucune incidence substantielle sur la concurrence.
  5. De plus, elles soutiennent que les droits n’ont pas causé de dommage aux producteurs qui utilisent les armatures comme intrants. Elles affirment qu’il n’a pas été démontré que LMS et Midvalley, les deux seuls transformateurs d’armatures de la Colombie-Britannique qui appuient la demande de suppression des droits, aient souffert financièrement des nouvelles conditions du marché ou qu’elles ne pourraient pas s’y adapter. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA font valoir que la transformation des armatures, la construction immobilière et autres travaux de génie civil sont des activités hautement concurrentielles. Elles ajoutent que la réduction ou la suppression des droits conférerait en fait un avantage indu aux transformateurs d’armatures par rapport aux fournisseurs d’acier de construction ouvré, étant donné que les structures en acier de construction ouvré sont en concurrence avec les structures en béton armé.
  6. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA soutiennent que la réduction des droits en vigueur en Colombie‑Britannique porterait atteinte à la branche de production nationale, aux chaînes d’approvisionnement et aux travailleurs. Selon elles, le faible niveau des ventes réalisées jusqu’à présent par la branche de production nationale s’explique principalement par les excédents de stocks substantiels en Colombie-Britannique et par la réticence de LMS et de Midvalley de s’approvisionner auprès de la branche de production nationale au cours de la présente procédure. Elles ne sont pas d’accord pour dire que les coûts de transport rendent la rentabilité de la branche de production nationale sur le marché de la Colombie-Britannique hors de portée, et elles soutiennent que les préoccupations soulevées à l’égard de la capacité d’AltaSteel ou de l’importance qu’elle accorde aux armatures ne sont pas étayées par des éléments de preuve.
  7. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA font valoir que les efforts déployés par la branche de production nationale en Colombie-Britannique seront contrecarrés si des prix sous-évalués et subventionnés sont de nouveau pratiqués, ce qui nuira particulièrement à AltaSteel étant donné sa stratégie de marché. Elles soutiennent également que la réduction ou la suppression des droits en Colombie-Britannique nuira à d’autres marchés canadiens en créant des attentes de faibles prix.
  8. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA réitèrent la position qu’elles ont défendue lors de l’enquête de dommage, à savoir qu’il sera difficile d’appliquer une exonération de droits fondée sur l’utilisation finale. Elles ajoutent que des vérifications de dossiers ou des inspections de chantiers ne constituent pas des moyens d’exécution efficaces, car il n’est pas certain que l’ASFC dispose des ressources nécessaires pour mener ces vérifications et parce qu’il est impossible de réaliser des inspections une fois les armatures encastrées dans le béton.
  9. Enfin, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA font valoir que la réduction ou la suppression des droits auxquels les armatures destinées à une utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties « nuira à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada et à son application à l’échelle nationale »[30] [traduction], est incompatible avec la politique du gouvernement, établira un « précédent dangereux » [traduction], découragera les investisseurs et est incompatible avec « l’esprit et les prescriptions » [traduction] de l’Accord sur le commerce intérieur[31].
  10. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA demandent qu’aucune mesure corrective ne soit recommandée. Subsidiairement, toute recommandation devrait viser uniquement les armatures destinées à être utilisées en Colombie-Britannique, prévoir une recommandation au ministre des Finances l’invitant à accorder des ressources additionnelles à l’ASFC pour qu’elle puisse assurer l’application de la mesure corrective, maintenir les droits compensateurs sur les marchandises en question importées de la Chine sont assujetties, réduire uniquement les droits antidumping auxquels les armatures importées de la Chine, seul pays pour lequel les demandeurs montrent un véritable intérêt, et ce, d’un montant tout juste nécessaire pour que les importations en provenance de la Chine soient concurrentielles aux prix du marché, et ne prévoir aucun changement des valeurs normales établies.
  11. Compte tenu de ce qui précède, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA concluent qu’il n’est pas nécessaire d’abaisser les droits car les prix pratiqués par les exportateurs chinois sont déjà concurrentiels sur le marché de la Colombie-Britannique, même si les armatures sont assujetties au plein montant des droits.

Gerdau

  1. Gerdau soutient qu’aucune question d’intérêt public justifiant une recommandation aux termes de l’article 45 de la LMSI n’existe en l’espèce. Elle insiste sur le fait que l’intérêt public doit s’entendre de l’intérêt public du Canada et que les éléments de preuve n’indiquent aucunement que les droits imposés ont eu un effet négatif substantiel, et ce, selon chacun des facteurs réglementaires. Selon Gerdau, des armatures peuvent facilement être obtenues auprès de producteurs du Canada, des États-Unis et d’un certain nombre d’autres pays, l’imposition des droits n’a eu aucune incidence substantielle sur la concurrence et les prix en Colombie-Britannique ont en fait diminué.
  2. Gerdau fait observer que les éléments de preuve n’indiquent pas non plus que les droits imposés ont causé un dommage substantiel aux producteurs qui utilisent les armatures en tant qu’intrants. Elle affirme également qu’on ne peut présumer que les trois entreprises prenant part à la présente procédure – LMS, Midvalley et Beedie – représentent d’autres transformateurs ou promoteurs de la Colombie-Britannique.
  3. De plus, Gerdau soutient qu’aucune incidence substantielle sur les consommateurs, le gouvernement ou les contribuables n’a été démontrée, étant donné que les chiffres présentés ne sont ni fondés ni mis en contexte et qu’ils sont surévalués, et que, même dans le pire scénario, l’incidence sur le coût des travaux est minime.
  4. Gerdau soutient en revanche que la non-imposition du plein montant des droits causerait un dommage important aux producteurs nationaux. Subsidiairement, Gerdau explique que toute réduction du montant des droits serait préjudiciable à la branche de production nationale, compte tenu des prix actuellement pratiqués par la Chine, et nuirait à la compétitivité des transformateurs d’armatures des autres provinces, plus précisément parce qu’il serait viable économiquement d’expédier dans le reste du Canada des armatures à bas prix en provenance de la Colombie-Britannique.

Nucor et Cascade[32]

  1. Nucor et Cascade font valoir qu’aucune question d’« intérêt public », au sens de l’article 45 de la LMSI, qui justifierait la réduction des droits applicables n’existe en l’espèce. Elles disent toutes deux avoir la capacité d’approvisionner le marché de la Colombie-Britannique, avoir approvisionné le marché de façon fiable par le passé et être en mesure de le faire dans l’avenir, et que les marchés américains et mondiaux sont généralement inondés d’armatures. De même, elles soutiennent que l’on n’observe aucune incidence des droits sur la concurrence et que les allégations voulant que les fournisseurs américains en profiteront pour fixer les prix à leur avantage ne sont que suppositions. Plus précisément, elles font valoir que les éléments de preuve n’indiquent pas que Nucor favorise l’entreprise à laquelle elle est affiliée, Harris.

United Steelworkers

  1. La United Steelworkers soutient que les éléments de preuve n’indiquent pas qu’il est dans l’intérêt public de réduire ou de supprimer les droits. Elle met le Tribunal en garde contre la réduction de l’intérêt public des citoyens de la Colombie-Britannique à celui de contribuables et de consommateurs. Elle fait valoir qu’il est dans l’intérêt public plus large de préserver les emplois de l’industrie sidérurgique du Canada, qui sont des emplois syndiqués bien rémunérés ayant des retombées importantes dans les collectivités canadiennes, alors que les producteurs d’acier chinois ont des normes déficientes sur le plan de l’environnement, de la santé et des conditions de travail. La United Steelworkers soutient que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour justifier la recommandation d’une mesure corrective.

Ironworkers Association

  1. La Ironworkers Association soutient que les hausses de prix ne permettent pas à elles seules de conclure que l’imposition du plein montant des droits est contraire à l’intérêt public. Elle fait valoir que la réduction des droits auxquels les armatures destinées à être utilisées en Colombie-Britannique sont assujetties porterait atteinte à la branche de production nationale ainsi qu’aux entreprises d’installation d’armatures en Colombie-Britannique autres que LMS, notamment Harris Rebar et G&M Steel, dont les employés sont membres de la Ironworkers Association. Elle fait également observer que l’adoption d’une exception régionale créerait un précédent déplorable.

Congrès du travail du Canada

  1. Le Congrès du travail du Canada fait valoir que la réduction des droits porterait atteinte à la branche de production nationale, à ses fournisseurs et à ses travailleurs, nuirait à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada, réduirait l’attrait du Canada comme destination d’investissement et créerait un précédent dangereux en matière d’exclusions régionales.

Manufacturiers et exportateurs du Canada, ICCA et Metal Service Center Institute

  1. Manufacturiers et exportateurs du Canada soutient que la réduction des droits auxquels les armatures destinées à être utilisées en Colombie-Britannique sont assujetties nuirait à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada, créerait un précédent pour d’autres exemptions régionales, entraînerait une érosion générale de la branche de production nationale, découragerait l’investissement, créerait un nouvel obstacle au commerce qui irait à l’encontre de l’esprit de l’ACI et affaiblirait la position du Canada dans la négociation de nouveaux accords de libre-échange.
  2. Lors de son témoignage au nom de l’ICCA, M. Edward Whalen a expliqué que l’élimination ou la réduction des droits sur les armatures à être utilisées en Colombie-Britannique nuirait injustement à l’industrie de l’acier de construction ouvré, puisque les structures d’acier de construction ouvré concurrencent les structures en béton armé en Colombie-Britannique et ailleurs. Il conteste également certaines hausses alléguées des coûts liés aux structures en béton armé qui, selon le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA, sont attribuables aux droits.
  3. Dans son exposé des faits, le Metal Service Center Institute souligne l’importance de l’équité du commerce international pour ses membres.

Provinces et municipalité qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits

  1. Les provinces et la municipalité qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits soutiennent que les droits auxquels les marchandises destinées à une utilisation finale en Colombie-Britannique sont assujetties devrait être maintenu, et ce, à leur plein montant. À titre d’exemple, le Manitoba fait valoir qu’il est primordial que tous les recours commerciaux soient mis en œuvre à l’échelle nationale, car les circonscrire à une région créerait de nouveaux obstacles au commerce intérieur. La province presse le Tribunal d’appliquer une norme élevée en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes d’intérêt public.
  2. L’Ontario soutient que de permettre le dumping et le subventionnement dans quelque province que ce soit menace de causer un dommage à la branche de production nationale ailleurs au Canada. La province fait valoir qu’il est manifestement dans l’intérêt public de protéger cette branche de production, à moins qu’il soit établi que cela contrevienne à un « intérêt public prépondérant » [traduction].
  3. Le Québec soutient que la réduction des droits en Colombie-Britannique concrétiserait la menace de dommage pour la branche de production nationale, en raison de la distorsion des prix qu’elle entraînerait en Colombie-Britannique et du manque de moyens réalistes d’empêcher que des armatures à faible prix se retrouvent dans d’autres provinces. Le Québec fait également valoir que la demande ne comporte pas de véritables préoccupations d’intérêt public et que de l’autoriser ouvrirait une brèche indésirable dans le mécanisme de recours commercial du Canada.
  4. La Saskatchewan s’oppose à la demande, au motif que réduire les droits en Colombie-Britannique causerait un dommage à la branche de production nationale, à ses fournisseurs et à ses travailleurs, et que favoriser le commerce déloyal de marchandises importées plutôt que le commerce de produits nationaux est une politique publique malavisée. La province s’oppose à la création d’un système où certains groupes d’utilisateurs seraient favorisés ou défavorisés sur le plan concurrentiel selon la région du pays où ils se trouvent, et elle fait également valoir que l’adoption d’un traitement distinct pour la Colombie-Britannique créerait un nouvel obstacle au commerce intérieur qui irait à l’encontre de l’esprit de l’ACI et du New West Partnership Trade Agreement[33].
  5. L’Alberta soutient que la réduction des droits à l’échelle régionale viderait de tout leur sens les décisions sous-jacentes de l’ASFC et du Tribunal et qu’elle ne suffirait pas à éliminer la menace de dommage qui plane sur la branche de production nationale.

Producteurs nationaux d’autres produits de l’acier

  1. En l’espèce, Tenaris Canada, Essar Steel Algoma Inc., SSAB Central Inc., EVRAZ Inc. NA Canada et U.S. Steel Canada, Inc. ont toutes déposé des arguments et/ou des exposé des faits en opposition à la réduction ou à la suppression des droits visant les armatures destinées à être utilisées en Colombie-Britannique, en raison des effets qui pourraient en découler dans la province et ailleurs, de la valeur jurisprudentielle de l’espèce pour d’autres régions et pour d’autres produits de l’acier et de l’importance des recours commerciaux en vue d’assurer une concurrence équitable sur le marché national pour les producteurs d’acier canadiens et leurs chaînes d’approvisionnement.

ANALYSE DE L’INTÉRÊT PUBLIC

  1. Les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits soutiennent de façon générale que les droits visant les armatures destinées à une utilisation finale en Colombie-Britannique sont contraires à l’intérêt public parce qu’ils ont des effets négatifs substantiels et ne présentent « presque aucun avantage quantifiable ou durable pour la branche de production nationale »[34] [traduction]. Elles font ainsi valoir que les droits imposent un fardeau additionnel inutile aux transformateurs de la Colombie-Britannique, aux acheteurs de logements en copropriété et aux contribuables de la province.
  2. Les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits soutiennent de façon générale que les parties adverses n’ont pas établi l’intérêt public qui justifierait la réduction ou la suppression des droits. Elles soutiennent plutôt que la réduction ou la suppression des droits irait à l’encontre de l’intérêt public, car cela porterait atteinte à la branche de production nationale, aux chaînes d’approvisionnement et aux travailleurs et nuirait à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada.
  3. Comme mentionné précédemment, le Tribunal considère comme établi que l’imposition de droits à la suite d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI est dans l’intérêt public. Le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA acceptent cette prémisse fondamentale[35].
  4. L’objectif de l’enquête d’intérêt public est de déterminer si les droits imposés ont des conséquences non voulues, de sorte qu’il serait dans l’intérêt public de les réduire ou de les supprimer. Si tel est le cas, le Tribunal doit déterminer s’il est possible d’atténuer les préoccupations en matière d’intérêt public et, le cas échéant, de dire de quelle façon il serait possible de le faire.
  5. En d’autres mots, le Tribunal examinera si les trois groupes désignés par les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits, soit les utilisateurs d’armatures en aval (les transformateurs et les promoteurs), les acheteurs de logements en copropriété ainsi que le gouvernement de la Colombie-Britannique et les contribuables de cette province qui assument les coûts des infrastructures, subissent en raison des droits des conséquences non voulues qui sont contraires à l’intérêt public.
  6. Tel que mentionné précédemment, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les droits auxquels les armatures provenant de la Chine et de la Corée sont assujetties, en faisant augmenter les coûts de construction en Colombie-Britannique, ont ou auront vraisemblablement des effets négatifs sur le développement d’une industrie du gaz naturel liquéfié dans la province. Ils soutiennent qu’un ou plusieurs entrepreneurs envisageant de construire des usines de liquéfaction de gaz naturel pourraient décider de ne pas aller de l’avant « en raison de coûts de construction qui les rendraient non rentables »[36] [traduction].
  7. Cependant, mis à part cette référence générale aux coûts de construction, une référence à une lettre du Business Council of British Columbia et un article de journal de décembre 2014 concernant la construction d’une usine de liquéfaction de gaz naturel, l’allégation voulant que les droits auxquels les armatures sont assujetties mettraient en péril la construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel en général n’est pas étayée par les éléments de preuve présentés par les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits. En effet, aucune autre observation à l’égard de ces allégations n’a été présentée lors de l’audience, et le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA n’ont pas mentionné, dans leurs observations finales, les présumées menaces que les droits pourraient faire planer sur la construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel.
  8. En revanche, certaines des parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits ont déposé des éléments de preuve tirés d’articles de journaux concernant certains projets de construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel et d’autres renseignements accessibles au public. Ces éléments de preuve semblent indiquer que toute incidence que pourraient avoir les droits auxquels les armatures sont assujetties sur les coûts globaux des projets de construction d’usines de liquéfaction de gaz naturel est faible et que d’autres facteurs, comme l’offre excédentaire et les faibles prix du pétrole et du gaz, agissent sur les décisions de lancement ou d’arrêt de ces projets[37]. Par conséquent, le Tribunal n’examinera pas davantage les allégations relatives aux usines de liquéfaction de gaz naturel.
  9. Pour évaluer les effets des droits, le Tribunal se penchera d’abord sur les éléments de preuve ayant trait aux conditions qui prévalaient sur le marché des armatures en Colombie-Britannique au cours de la période visée par la présente enquête ou qui devraient prévaloir dans un avenir rapproché. Le Tribunal fournira ensuite un résumé de son opinion concernant l’incidence des droits sur les trois groupes désignés par les demandeurs. Pour finir, le Tribunal présentera une analyse approfondie des facteurs réglementaires de l’intérêt public qui sont énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement et qui sont pertinents en l’espèce, ainsi que sur d’autres facteurs qu’il estime pertinents dans les circonstances.

Tendances du marché en Colombie-Britannique

  1. Les éléments de preuve indiquent que le marché des armatures de la Colombie-Britannique est, depuis l’imposition des droits provisoires en septembre 2014 et des droits définitifs en janvier 2015, un marché concurrentiel ayant de nombreuses sources d’approvisionnement et dont les volumes d’importation sont constants et les prix concurrentiels.
  2. Tout au long de la période du 1er octobre 2013 au deuxième trimestre 2015, le marché apparent des armatures de la Colombie-Britannique semble avoir suivi une tendance relativement uniforme, le volume se fixant à près de 214 000 tonnes métriques pour l’ensemble de 2014[38]. Les importations ont composé la presque totalité de ce volume et les ventes nationales sont demeurées minimales au cours de la période, y compris après l’imposition des droits provisoires en septembre 2014 et des droits définitifs en janvier 2015.
  3. Parallèlement, le volume global des importations d’armatures sur le marché de la Colombie-Britannique (armatures importées directement par les transformateurs ou par l’entremise d’intermédiaires) semble être demeuré sensiblement conforme aux niveaux historiques tout au long de la période visée par l’enquête du Tribunal, y compris dans les mois qui ont suivi l’imposition des droits provisoires et définitifs[39].
  4. Cependant, les sources d’approvisionnement du marché de la Colombie-Britannique ont changé de façon significative. En effet, les marchandises en question en provenance de la Corée et de la Chine ont cessé d’être importées au premier trimestre 2015, alors que d’importants volumes de marchandises ont commencé à être importés de nouvelles sources d’approvisionnement[40]. Les éléments de preuve indiquent que les nouvelles sources d’approvisionnement d’armatures en Colombie-Britannique sont le Japon, Hong Kong et Taïwan. De plus, le volume des importations en provenance des États-Unis est demeuré important, alors que les importations ou les ventes d’armatures en provenance de la Turquie ont été nulles au cours de la période visée par l’enquête du Tribunal.
  5. En ce qui concerne les prix, une tendance uniforme se dégage des éléments de preuve, surtout des témoignages, à savoir qu’il y a eu une diminution des prix mondiaux des armatures depuis le début de 2015. Les témoins attribuent cette baisse au recul des prix de la ferraille, un intrant dans la production d’armatures, alors que certains ajoutent que l’état de la chaîne d’approvisionnement au niveau mondial est un autre facteur qui a eu une incidence[41].
  6. Cette baisse des prix des armatures s’est également produite sur les marchés du Canada et de la Colombie-Britannique, comme le confirment des témoignages concordants à cet égard[42]. Cependant, les éléments de preuve indiquent également que la baisse attribuable aux faibles coûts des intrants observés depuis le début de 2015 a été atténuée par d’autres facteurs. Selon le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA, le recul de 11 p. 100 de la valeur du dollar canadien depuis septembre 2014 a entraîné une hausse de 6 p. 100 du prix des armatures en Colombie-Britannique au premier trimestre 2015 par rapport au prix observé en septembre 2014[43].
  7. De plus, la baisse des importations sous-évaluées et subventionnées en provenance de la Chine et de la Corée, conjuguée au fait qu’elles ont été remplacées par des importations de marchandises non visées vendues à des prix relativement plus élevés, semble également avoir contribué à la hausse du prix moyen des armatures sur le marché de la Colombie-Britannique aux premier et deuxième trimestres 2015. Selon les données recueillies par le Tribunal, le prix moyen des armatures sur le marché apparent de la Colombie-Britannique s’est fixé, en raison de l’ensemble de ces facteurs et d’autres facteurs, à 731 $ la tonne métrique au premier trimestre 2015 et à 752 $ la tonne métrique au deuxième trimestre 2015, comparativement à 732 $ la tonne métrique au premier trimestre 2014, à 700 $ la tonne métrique au deuxième trimestre 2014 et à 706 $ la tonne métrique aux troisième et quatrième trimestres 2014[44].
  8. À l’audience, lorsqu’ils ont été invités à décrire les tendances du marché des armatures en Colombie-Britannique, les témoins ont invariablement parlé de la baisse des prix, tout en précisant que les prix pratiqués sur le marché étaient à peu près égaux ou légèrement inférieurs aux prix moyens tirés des données recueillies par le Tribunal pour la première moitié de 2015. À titre d’exemple, M. Matt Lyons, de Nucor, a estimé que les prix en vigueur en Colombie-Britannique se situaient, au moment de l’audience, dans une fourchette de 700 $ à 725 $ la tonne métrique rendue[45]. M. Roger Paiva, de Gerdau, et M. Ben Zurbrigg, d’AltaSteel, ont affirmé tous deux qu’ils s’attendaient à ce que les prix demeurent aux environs de 750 $ la tonne métrique en Colombie-Britannique[46]. Dans son témoignage à huis clos, M. Norm Streu, de LMS, a abondé généralement en ce sens[47]. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA ont indiqué dans leurs observations finales que le prix actuel sur le marché de la Colombie-Britannique se situe entre 700 $ et 750 $ la tonne métrique, ce qui donne un prix moyen de 725 $ la tonne métrique[48].
  9. Les témoins ont soutenu de façon générale que les prix devraient demeurer stables dans l’avenir. Certains indiquent que les prix de la ferraille pourraient diminuer davantage, ce qui ferait baisser les prix des armatures[49]. En effet, les projections pour 2015 et 2016 présentées en réponse au questionnaire du Tribunal indiquent que les prix sur le marché apparent se fixeront respectivement à 718 $ la tonne métrique et à 728 $ la tonne métrique, et que les prix des importations des marchandises non visées en provenance de pays d’Asie seront inférieurs aux prix des importations en provenance des États-Unis et à ceux des armatures des transformateurs nationaux[50].
  10. Le Tribunal estime que le marché actuel des armatures de la Colombie-Britannique semble caractérisé de façon générale par un environnement concurrentiel dans des conditions équitables, lequel comprend de multiples sources d’approvisionnement et des prix établis en fonction de l’offre et de la demande ainsi que d’autres facteurs comme les fluctuations du prix de la ferraille et la vigueur du dollar canadien. Les droits semblent avoir produit les effets escomptés et avoir neutralisé les effets des pratiques commerciales déloyales, tout en permettant aux forces du marché de générer un nouvel environnement concurrentiel pour le commerce des marchandises en question dans des conditions équitables.
  11. Plus précisément, les éléments de preuve indiquent également, comme il en sera question en profondeur ci-dessous, que les nouvelles conditions du marché permettent à la branche de production nationale de rivaliser avec ses concurrents, et ce, malgré sa performance jusqu’à présent décevante en Colombie-Britannique.

Conséquences des droits pour les transformateurs, les acheteurs de logements en copropriété et les travaux d’infrastructure publique en Colombie-Britannique

  1. Ayant examiné les facteurs réglementaires ainsi que d’autres facteurs et les éléments de preuve relatifs aux conditions du marché actuelles et projetées en Colombie-Britannique, le Tribunal estime que, dans le cas présent, les droits n’ont pas de conséquences non voulues, et en n’auront probablement pas, pour les transformateurs, les acheteurs de logements en copropriété et les travaux d’infrastructure publique en Colombie-Britannique, et que la suppression ou la réduction des droits ne sont pas justifiées.

Absence de conséquences non voulues pour les transformateurs

  1. Le Tribunal reconnaît que, de façon générale, en raison de l’imposition des droits sur les importations en provenance des pays visés, les transformateurs sont généralement susceptibles de payer plus cher pour acheter ces importations ou d’autres marchandises offertes à des prix relativement plus élevés que s’ils pouvaient se procurer les marchandises en question à des prix sous-évalués ou subventionnés. De plus, le Tribunal reconnaît que les nouvelles conditions de l’offre nécessiteront vraisemblablement une période d’ajustement et de transition, ce qui pourrait avoir une incidence particulièrement sur ces transformateurs qui ont toujours été plus fortement tributaires des marchandises en question.
  2. Cependant, aucun élément de preuve convaincant n’a été produit en l’espèce indiquant que ces effets représentent plus que les effets normaux et voulus de l’imposition de droits antidumping et compensateurs ou que toute difficulté à laquelle se heurtent les transformateurs ne peut être surmontée. Au contraire, les éléments de preuve indiquent que les transformateurs ont actuellement accès à de multiples sources d’approvisionnement d’armatures vendues à bas prix partout dans le monde, ce qui, selon le Tribunal, leur permet de rivaliser avec leurs concurrents sur le marché de la transformation d’armatures de la Colombie-Britannique, hautement concurrentiel, et ce, malgré tout changement qu’ils pourraient devoir apporter à leurs activités pour s’adapter aux nouvelles conditions du marché.
  3. En résumé, rien n’indique que l’imposition des droits a entraîné pour les transformateurs de la Colombie-Britannique des conséquences non voulues constituant une question d’intérêt public qui pourrait justifier la suppression ou la réduction des droits.

Absence de conséquences non voulues pour les acheteurs de logements en copropriété

  1. Les éléments de preuve indiquent que les effets des droits sur le prix de nouveaux logements en copropriété sont minimes, voire imperceptibles. Même si l’on présume que les prix du marché immobilier sont plus élevés en Colombie-Britannique, surtout dans le Lower Mainland, que ce qu’ils seraient en l’absence des droits, aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que toute augmentation de prix serait assez importante pour occasionner l’arrêt ou le retard de nouvelles mises en chantier d’immeubles en copropriété, comme le font valoir les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits, ou encore aurait des effets substantiels sur l’accessibilité économique des logements.
  2. De plus, parce que les prix du marché immobilier sont influencés par d’autres facteurs dont l’incidence est beaucoup plus importante que celle des droits auxquels les marchandises en question sont assujetties, la suppression ou la réduction des droits n’aurait vraisemblablement pas d’effet sensible sur ces prix. Compte tenu des conditions actuelles, le Tribunal estime que les conséquences des droits pour les acheteurs de nouveaux logements en copropriété ne constituent pas une question d’intérêt public qui peut justifier la suppression ou la réduction des droits.

Absence de conséquences non voulues pour les travaux d’infrastructure publique

  1. Les éléments de preuve indiquent aussi que le marché actuel reflète un équilibre adéquat entre le niveau de protection requis par la branche de production nationale contre les pratiques commerciales déloyales et les coûts qui en découlent dans le cas des travaux d’infrastructure publique. L’analyse des prix actuels des armatures révèle que l’imposition des droits n’a entraîné aucune hausse substantielle des prix des armatures, ni qu’une telle augmentation est à prévoir dans un avenir rapproché, et que les économies potentielles non réalisées dans le cadre des travaux d’infrastructure publique sont à peu près contrebalancées par les avantages attendus pour la branche de production nationale.
  2. Ces conclusions sont fondées sur des éléments de preuve relatifs aux conditions actuelles du marché et sur des éléments de preuve permettant de croire que ces conditions seront vraisemblablement maintenues. Plus précisément, les éléments de preuve indiquent que les conditions de l’offre ne changeront vraisemblablement pas à court terme et que les prix des armatures demeureront vraisemblablement stables ou diminueront davantage à la faveur des fluctuations du prix de la ferraille. Si les éléments de preuve avaient fait ressortir un déséquilibre entre le niveau de protection offert à la branche de production nationale et les coûts découlant de cette protection, le Tribunal aurait envisagé de recommander le rajustement des droits à un niveau favorisant un meilleur équilibre entre les divers intérêts sur lesquels ils ont une incidence. Cependant, tel que le Tribunal l’explique en profondeur ci-dessous, les éléments de preuve n’indiquent aucun déséquilibre substantiel sur le marché, ni à l’heure actuelle ni dans un avenir rapproché.

Analyse des facteurs d’intérêt public pertinents

Disponibilité des marchandises de même description provenant de pays ou d’exportateurs non visés par les conclusions (alinéa 40.1(3)a) du Règlement)

  1. Les éléments de preuve indiquent que les armatures peuvent facilement être obtenues en Colombie‑Britannique à des conditions concurrentielles de pays ou d’exportateurs non visés par les conclusions.
  2. Les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits reconnaissent qu’il est possible d’avoir accès à des sources d’approvisionnement non visées par les conclusions depuis l’imposition des droits, tant en provenance des États-Unis, qui a toujours été le plus important fournisseur d’armatures de la Colombie-Britannique, que de nouvelles sources d’approvisionnement non visées comme Hong Kong, Taïwan et le Japon. Comme M. Streu l’a fait remarquer, les conclusions n’ont entraîné aucune pénurie[51]. Des éléments de preuve indiquent plutôt qu’il y a actuellement « une assez grande quantité d’armatures entreposées au port [de Vancouver] »[52] [traduction] pouvant répondre aux besoins des travaux à effectuer.
  3. Néanmoins, les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits font valoir que ces armatures ne peuvent remplacer adéquatement les marchandises en question à long terme. Selon M. Streu, LMS a déployé de réels efforts en vue de trouver d’autres sources d’approvisionnement d’armatures pour finalement constater que très peu d’usines en Asie sont prêtes à faire les ajustements techniques qui leur permettraient de produire des armatures conformes aux normes CSA, étant donné la taille relativement restreinte du marché de la Colombie-Britannique, qu’il y a un nombre limité d’usines situées à une proximité raisonnable d’un port de mer (un emplacement qui permet d’éviter les coûts de transport intérieur excessifs) et qu’aucune autre usine n’est en mesure de fournir la gamme complète de dimensions d’armatures requises par LMS, certaines dimensions n’étant pas du tout produites dans certains cas.
  4. D’après M. Streu, les modalités d’approvisionnement de LMS ont radicalement changé par rapport à celles qui avaient cours auparavant dans les échanges avec les fournisseurs chinois et coréens, à savoir que les coûts et le risque opérationnel ont augmenté. M. Streu a ajouté que les armatures en provenance d’autres sources d’approvisionnement étrangères coûtent actuellement environ 25 p. 100 plus cher aux transformateurs de la Colombie-Britannique que les marchandises qui pourraient être obtenues en Chine, compte tenu des prix actuels dans ce pays[53]. M. Streu a ajouté que les fournisseurs chinois et coréens offrent des prix fixes à long terme pour une période de 90 jours, qui peuvent aller jusqu’à un an[54], tandis que la durée des prix établis par les usines nationales et américaines n’est habituellement que de 30 jours. Ce facteur n’est pas à négliger, du fait que les transformateurs eux-mêmes présentent des soumissions à prix fixes à leurs clients et doivent éviter d’être exposés aux fluctuations des coûts de leurs armatures.
  5. M. Streu a expliqué que LMS achète des armatures pour les travaux à effectuer et ne peut fonctionner sans un approvisionnement constant de volumes élevés d’armatures offertes à des prix à long terme concurrentiels. Il ajoute qu’aucune des usines de rechange en question n’est disposée à prendre d’engagement à long terme auprès de LMS et qu’un fournisseur japonais a récemment fait savoir qu’il n’exécuterait plus les commandes destinées au Canada, ce qui laisse penser que d’autres usines pourraient faire de même[55].
  6. Au sujet des fournisseurs américains, notamment Nucor et Cascade, M. Streu a affirmé que LMS entretient avec eux de bonnes relations depuis longtemps. Nucor et Cascade ont toutefois connu des périodes de grande activité au cours desquelles elles ont assujetti LMS à un « quota » [traduction], c’est-à-dire qu’ils ont fixé une limite à la quantité d’armatures pouvant être achetées, ou au cours desquelles elles ont été incapables d’ajouter des commandes à leurs calendriers de production certains mois. En outre, M. Streu était préoccupé par la possibilité que les usines américaines deviennent la seule source d’approvisionnement du marché de la Colombie-Britannique si les sources d’approvisionnement asiatiques venaient à se tarir, ce qui serait fort inquiétant puisque Nucor et Harris sont des entreprises affiliées et que Harris est son principal concurrent sur le marché de la transformation de la Colombie-Britannique[56].
  7. M. Anoop Khosla a exprimé des préoccupations similaires. Il a souligné que, pour Midvalley, les prix fixes à long terme offerts par les fournisseurs chinois et coréens constituent un avantage important. Il a expliqué que l’offre est actuellement excédentaire sur le marché mondial des armatures, mais qu’il pourrait être plus difficile de s’approvisionner en armatures quand le marché se sera stabilisé. Plus particulièrement, selon lui, les producteurs des États-Unis pourraient imposer un quota aux transformateurs de la Colombie‑Britannique, à l’instar de ce qui s’est produit en 2014 avec Cascade[57]. M. Khosla a affirmé qu’il ne sera probablement pas possible de s’approvisionner auprès des sources d’approvisionnement de rechange lorsque la demande aura repris sur leurs marchés nationaux respectifs[58].
  8. De l’avis du Tribunal, ces éléments de preuve n’établissent pas que les armatures ne sont pas faciles à obtenir en Colombie-Britannique auprès de sources d’approvisionnement non visées. Le Tribunal n’a entendu aucun témoignage convaincant selon lequel les difficultés alléguées par les deux transformateurs de la Colombie-Britannique sont insurmontables ou attribuables à quoi que ce soit d’autre qu’à la période de transition à laquelle il faut s’attendre lorsque des droits sont imposés. À titre d’exemple, même si on a beaucoup insisté sur la réticence des usines étrangères à produire des armatures selon la norme CSA, le Tribunal est convaincu, d’après les éléments de preuve, qu’un investissement minimal du producteur peut permettre de régler et de traiter les problèmes liés aux normes[59].
  9. Qui plus est, M. Streu et M. Khosla ont dit craindre qu’il ne soit plus possible d’avoir accès aux autres sources d’approvisionnement d’armatures lorsque la demande aura repris en Asie. Or, aucun élément de preuve convaincant laissant entrevoir une hausse prochaine de la demande d’armatures en Asie n’a été présenté. Au contraire, le Tribunal a conclu, dans l’enquête no NQ-2014-001, qu’il y a un problème chronique de surcapacité de production d’armatures à l’échelle mondiale, la surcapacité s’élevant à plus de 112 millions de tonnes métriques en Chine seulement[60]. Il ressort des éléments de preuve au dossier que cette offre excédentaire perdure, exacerbée par la faible demande intérieure en Chine. Comme il est bien documenté que les producteurs chinois d’acier sont axés sur les marchés d’exportation, notamment vers les pays voisins, l’offre excédentaire de la Chine devrait aussi avoir un effet important sur l’offre régionale, de sorte que, selon le Tribunal, il est peu probable que les autres producteurs d’acier en Asie cessent de rechercher des marchés d’exportation, comme le Canada[61].
  10. De plus, malgré les allégations selon lesquelles les transformateurs doivent assumer des coûts supplémentaires, il semble que les importations en provenance de nouveaux pays, et l’achat de ces marchandises importées, se font à des prix concurrentiels par rapport aux prix du marché de la Colombie‑Britannique[62]. De l’avis du Tribunal, ces prix correspondent aux niveaux établis sur un marché équitable et reposent sur des facteurs comme les fluctuations du prix de la ferraille et la vigueur du dollar canadien.
  11. Même si M. Streu a fait observer que les prix chinois courants (sans les droits) sont bien inférieurs aux prix courants du marché de la Colombie-Britannique, y compris aux prix des armatures issues de nouvelles sources d’approvisionnement asiatiques, le Tribunal estime que cet écart fait seulement ressortir ce qui est normalement prévisible dans un cas où il est conclu qu’il y a dumping ou subventionnement, car les prix du marché de la Colombie-Britannique dans la période suivant les conclusions sont le produit d’un marché où les pratiques commerciales déloyales n’ont plus cours. Autrement dit, ils témoignent d’un marché qui fonctionne conformément à l’intention du législateur lorsque des droits sont imposés.
  12. En revanche, le fait que les prix des marchandises provenant d’autres sources d’approvisionnement sont supérieurs aux prix chinois, sans les droits, ne signifie pas, aux fins de l’analyse aux termes de l’alinéa 40.1(3)a) du Règlement, qu’il n’est pas possible d’obtenir les armatures provenant de ces autres sources d’approvisionnement à des conditions concurrentielles.
  13. En outre, Nucor et Cascade demeurent des sources d’approvisionnement de rechange viables. Le Tribunal n’a lu aucun élément de preuve ni entendu aucun témoignage convaincant selon lequel elles imposeraient des contingents aux clients canadiens ou tenteraient de profiter de l’état de l’offre en Colombie-Britannique pour imposer une hausse disproportionnée des prix. Au contraire, M. Lyons et M. Streu ont tous les deux reconnu l’importance de la relation qui existe entre leurs entreprises respectives. M. Streu a convenu que Nucor et Cascade peuvent être décrites à juste titre comme des « partenaires » [traduction] qui font preuve d’un engagement continu auprès du marché de la Colombie-Britannique et l’ont approvisionné de façon fiable et concurrentielle pendant de nombreuses années[63].
  14. Enfin, M. Streu a affirmé que le point préoccupant en ce qui concerne Nucor est le fait qu’elle restera le seul fournisseur possible de LMS en l’absence d’offre étrangère[64]. Toutefois, tel que mentionné ci‑dessus, le Tribunal n’est pas convaincu que les usines américaines demeureront les seules sources d’approvisionnement des transformateurs de la Colombie-Britannique. Par exemple, même en tenant compte du témoignage de M. Khosla selon lequel Cascade a imposé un quota à Midvalley en 2014, le Tribunal estime que si une telle chose devait se reproduire, le déficit d’approvisionnement qui en résulterait pourrait être comblé par d’autres sources d’approvisionnement, comme ce fut le cas en 2014[65].
  15. Par conséquent, il convient d’établir une distinction entre les circonstances de l’espèce et celles de l’enquête d’intérêt public no PB-2004-002[66], dans laquelle le Tribunal a conclu que certaines catégories de marchandise n’étaient pas faciles à obtenir de pays non visés. Lors de cette enquête, les éléments de preuve indiquaient que les délais de livraison des marchandises expédiées de sources d’approvisionnement non visées étaient beaucoup plus longs que ceux des marchandises visées expédiées des États-Unis, alors que la rapidité de livraison à court préavis était un aspect important de l’approvisionnement dans ce contexte[67]. Rien de similaire n’a été démontré en l’espèce. Si, comme il est allégué, les différences dans les modalités d’approvisionnement en armatures provenant de pays autres que la Chine ou la Corée représentent pour les transformateurs comme LMS et Midvalley des coûts supplémentaires et des inconvénients, ceux-ci s’expliquent davantage par la transition vers des sources d’approvisionnement nouvelles que par une insuffisance d’armatures offertes à des conditions raisonnables.
  16. Enfin, il convient de mentionner, comme il en sera question plus loin, que le Tribunal a entendu des témoignages convaincants selon lesquels les producteurs canadiens arrivent désormais à approvisionner le marché de la Colombie-Britannique à des prix et à des modalités concurrentiels.

Concurrence sur le marché national en ce qui concerne les marchandises en question (sous‑alinéa 40.1(3)b)(i) du Règlement)

  1. L’assujettissement des marchandises en question à des droits n’a pas eu ou n’aura vraisemblablement pas pour effet d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché national.
  2. Les préoccupations exprimées par l’ICBA et par le gouvernement de la Colombie-Britannique au sujet de la concurrence sur le marché de la fourniture d’armatures semblent liées à la crainte alléguée que les autres sources d’approvisionnement se tarissent, que les fournisseurs des États-Unis soient alors l’unique source d’approvisionnement d’armatures pour la Colombie-Britannique et qu’ils profitent de leur position pour imposer leurs prix. Toutefois, comme précisé dans la section précédente, le Tribunal n’est pas convaincu qu’un tel scénario soit probable. En conséquence, rien ne permet d’affirmer que les droits ont eu ou auraient vraisemblablement pour effet d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché de la fourniture d’armatures de la Colombie-Britannique.
  3. Les éléments de preuve sur l’établissement des prix en Colombie-Britannique corroborent aussi l’avis du Tribunal selon lequel les droits n’ont pas eu pour effet d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence sur ce marché. Du point de vue de la concurrence, les droits semblent avoir joué le rôle voulu. Ils ont favorisé l’émergence d’un marché concurrentiel exempt de l’influence de pratiques commerciales déloyales. Bien entendu, le fait que le prix du marché peut être plus élevé qu’il ne le serait si les marchandises en question, exemptes de droits, étaient présentes sur le marché est une conséquence naturelle et voulue de la LMSI, comme mentionné précédemment.
  4. Comme mentionné précédemment, les mesures favorisent une concurrence exempte de pratiques déloyales, ce qui suppose l’élimination de l’avantage inéquitable dont bénéficiaient les marchandises en question en raison des prix. Ainsi, le fait que les prix sont plus élevés qu’ils ne le seraient par ailleurs ne permet pas, en soi, de conclure que les droits pourraient donner lieu à des problèmes de concurrence sur le marché de la fourniture d’armatures de la Colombie-Britannique.
  5. D’autres éléments de preuve présentés par les témoins indiquent que les prix devraient demeurer relativement stables dans l’avenir, sinon fluctuer quelque peu, ou peut-être baisser encore davantage à la faveur des fluctuations du prix de la ferraille[68]. Le Tribunal estime qu’il s’agit d’un signe d’un environnement concurrentiel sain, dans lequel les prix réagissent aux facteurs habituels du marché.
  6. Outre le fait qu’il ne semble pas manquer de sources d’approvisionnement pour importer des armatures, les éléments de preuve semblent indiquer que les producteurs canadiens pourraient représenter une autre source d’approvisionnement concurrentielle d’armatures pour le marché de la Colombie-Britannique. Lors de l’audience publique, le Tribunal a entendu des témoignages détaillés et convaincants selon lesquels les producteurs canadiens ont engagé des efforts considérables en vue de pénétrer le marché de la Colombie‑Britannique et qu’ils pourraient effectivement y arriver dans les conditions actuelles du marché.
  7. À titre d’exemple, M. Zurbrigg a affirmé qu’AltaSteel a accru ses marges sur les matériaux en partie grâce aux droits et a donc été en mesure de soutenir la concurrence sur le marché de la Colombie-Britannique, et qu’elle s’emploie à fournir à la fois ses clients de longue date et de nouveaux clients depuis que les conclusions ont été rendues[69]. AltaSteel s’est adressée à des transformateurs de la Colombie-Britannique pour se renseigner sur le marché de cette province, particulièrement sur ses besoins et les prix en vigueur, lesquels diffèrent de ceux du marché de l’Alberta, et pour mettre au point une stratégie adaptée au marché de la Colombie-Britannique[70].
  8. M. Ron Molloy et M. Zurbrigg ont décrit la stratégie globale d’AltaSteel, et ils ont confirmé que les armatures sont l’un des trois principaux produits offerts par l’entreprise et que le marché des armatures, surtout celui de la Colombie-Britannique, est essentiel à la croissance d’AltaSteel. M. Molloy a fait état d’améliorations qui ont été apportées, notamment au procédé de production d’AltaSteel, en vue de réaliser des gains de productivité[71].
  9. Au moment de l’audience, les efforts d’AltaSteel avaient commencé à donner certains résultats[72]. En effet, M. Khosla a affirmé que Midvalley était prête à accorder une chance équitable à AltaSteel à l’automne 2015, sous réserve de prix concurrentiels[73]. Il a aussi été confirmé que Midvalley avait récemment accepté une offre concernant l’achat d’armatures d’AltaSteel répondant aux normes du système de classification Leadership in Energy and Environmental Design (LEED), car le prix lui convenait. M. Khosla a expliqué que les travaux qui requièrent des armatures satisfaisant aux normes LEED sont particuliers, parce que seules les usines américaines et AltaSteel peuvent répondre à ces exigences, et que les prix sont habituellement plus élevés, mais il a toutefois précisé que la proportion de travaux nécessitant des armatures satisfaisant aux normes LEED peut être aussi élevée que 40 à 60 p. 100 à certaines périodes[74].
  10. Dans l’ensemble, si LMS et Midvalley ont exprimé certaines préoccupations quant à la fiabilité d’AltaSteel, les éléments de preuve indiquent qu’un incident unique survenu en 2010 est à l’origine de bon nombre de ces craintes[75]. Le Tribunal est en outre d’avis qu’AltaSteel a expliqué de façon convaincante quelles étaient ses motivations et sa stratégie d’approvisionnement en armatures pour la Colombie-Britannique, et qu’elle a démontré que celles-ci ne sont pas subordonnées à la demande de son marché local en Alberta ou à la demande de produits d’autres catégories[76]. Le Tribunal a entendu d’autres témoignages détaillés à huis clos au sujet des mesures prises par AltaSteel relativement aux armatures et au marché de la Colombie-Britannique.
  11. De façon similaire, M. Paiva a affirmé que Gerdau est prête à se lancer sur le marché de la Colombie-Britannique. Il a expliqué que l’usine de Gerdau située à Whitby (Ontario) fonctionnera avec trois équipes dès septembre 2015, ce qui représentera une production additionnelle de 100 000 tonnes métriques et une réduction notable des coûts de production.
  12. M. Paiva a affirmé que Gerdau planifie d’approvisionner le marché canadien en armatures depuis son usine de Whitby, y compris des segments du marché qui, comme celui de la Colombie-Britannique, pourraient avoir été approvisionnés par des usines américaines affiliées par le passé[77]. ArcelorMittal a aussi expliqué sa stratégie visant à assurer « une présence sur le terrain » [traduction] en vue de réaliser des ventes modestes dans certains segments du marché de la Colombie-Britannique; le Tribunal a entendu à huis clos des témoignages détaillés sur cette stratégie[78].
  13. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que le climat concurrentiel de l’approvisionnement en armatures est sain en Colombie-Britannique. Plus particulièrement, le Tribunal est convaincu que les sources d’approvisionnement de rechange autres qu’américaines, ainsi que les sources d’approvisionnement canadiennes, imposeront une certaine discipline aux fournisseurs américains, ce qui devrait apaiser les préoccupations des parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits quant au caractère concurrentiel de l’approvisionnement et des prix des armatures.
  14. En fait, tel que mentionné ci-dessus, la plupart des observations de l’ICBA et du gouvernement de la Colombie-Britannique concernant ce facteur sont axées non pas sur l’approvisionnement, mais sur les transformateurs et sur les promoteurs immobiliers. L’effet allégué des droits sur les transformateurs et sur leurs clients sera examiné dans les sections suivantes.

Préjudice important causé aux producteurs qui utilisent ces marchandises comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services (sous-alinéa 40.1(3)b)(ii) du Règlement)

  1. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique allèguent que l’incertitude liée à l’approvisionnement oblige maintenant les transformateurs d’armatures de la Colombie-Britannique à tenir des stocks, ce qu’ils n’avaient pas besoin de faire avant et ce qui augmente les coûts d’entreposage et de détention. En outre, ils allèguent qu’ils font preuve de circonspection avant de faire de nouvelles soumissions à cause du risque de perte de revenus. La ÇIB a aussi mentionné l’effet que l’incertitude sur le marché produit sur les transformateurs d’armatures.
  2. ArcelorMittal et AltaSteel soutiennent qu’aucune des entreprises qui appuient la réduction ou la suppression des droits n’a fourni d’élément de preuve sur des occasions où elles auraient pu soumissionner mais n’ont pu le faire, ou sur des hausses de coûts liées à la détention de stocks, et que les éléments de preuve indiquent, dans le cas des transformateurs qui ont fourni des renseignements, qu’il n’y a pas eu d’incidence négative sur les résultats financiers. De plus, ArcelorMittal et AltaSteel ajoutent que les prix des armatures suivent une tendance à la baisse depuis 2015 et que l’approvisionnement n’a pas fait défaut.
  3. Gerdau a fait par ailleurs remarquer que les résultats financiers des transformateurs ne semblent pas avoir souffert de l’imposition des droits. De plus, Gerdau souligne que d’autres transformateurs de la Colombie-Britannique n’ont pas importé de marchandises des pays visés et soutient que le Tribunal doit examiner le préjudice à l’échelle de l’ensemble des transformateurs de la Colombie-Britannique, c’est-à-dire que tout préjudice subi par les transformateurs de la Colombie-Britannique qui appuient la réduction ou la suppression des droits devrait être opposé au préjudice que la suppression des droits causerait aux transformateurs qui, parmi ceux présents sur le marché de la Colombie-Britannique, ne sont pas tributaires des importations des marchandises en question. Des arguments similaires ont été mis de l’avant par la Ironworkers Association, qui compte des travailleurs à l’emploi de Harris parmi ses membres.
  4. En l’espèce, les allégations des transformateurs concernent toutes des situations ou des circonstances au sujet desquelles le Tribunal a conclu à maintes reprises qu’elles étaient le résultat naturel d’un rééquilibrage du marché, soit l’objectif même de l’imposition des droits antidumping et compensateurs. Il convient de noter que, en dépit des observations de l’ICBA et du gouvernement de la Colombie-Britannique résumées ci-dessus, M. Streu a affirmé à l’audience que la seule incidence de l’imposition des droits sur les activités de LMS était que l’entreprise avait dû changer de fournisseurs. Selon M. Khosla, l’effet pour Midvalley a été la perturbation du cycle du marché qui se maintenait depuis les 15 dernières années[79].
  5. Tel que mentionné ci-dessus, on s’attend à ce que le marché traverse une phase d’ajustement initiale après l’imposition de droits, ce qui risque d’avoir un effet perturbateur sur ceux qui étaient jusqu’ici tributaires des importations de marchandises faisant l’objet d’un commerce déloyal. La nécessité de se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement pratiquant des prix comparativement plus élevés et l’augmentation possible des coûts de manutention, de transport et d’entreposage sont des conséquences normales et attendues de « la mise en place de conditions équitables » [traduction], qui est l’objectif de l’imposition de droits.
  6. Il faut également s’attendre à ce que ces conséquences puissent au bout du compte avoir des répercussions négatives sur les activités des utilisateurs qui importaient les marchandises en question ou qui dépendaient de l’importation de ces marchandises. Or, les éléments de preuve au dossier ne permettent pas de penser que les transformateurs d’armatures ou les acheteurs en aval dans les secteurs de la construction résidentielle et de la construction commerciale ont subi ou risquent de subir un préjudice important.
  7. Ni LMS ni Midvalley n’ont pu fournir au Tribunal l’information qu’il avait demandée au sujet des coûts de détention des stocks[80]. L’information que ces entreprises ont fournie au Tribunal ne fait état d’aucune incidence sur leurs résultats financiers de 2014 ni sur leurs résultats financiers prévus pour 2015‑2016[81].
  8. Qui plus est, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que toute augmentation des coûts subie par les transformateurs se répercutera, totalement ou partiellement, sur les clients de ceux-ci, en fonction du contexte concurrentiel, selon une pratique normalement attendue d’acteurs économiques rationnels[82]. Si tel est le cas, les transformateurs ne devraient pas eux-mêmes connaître de hausses de coûts marquées.
  9. Au sujet de l’incidence sur les secteurs de la construction résidentielle et de la construction commerciale, M. J. K. Bogusz, de Beedie, a affirmé que les prix de l’immobilier sont déjà si prohibitifs sur le marché de la Colombie-Britannique que l’on pourrait difficilement s’attendre à ce que les consommateurs des segments de marché sensibles aux prix, comme les personnes à la recherche d’un logement plus petit et les acheteurs d’une première maison, fassent les frais d’une hausse des coûts. Pour cette raison, Beedie devra donc accepter de voir ses marges diminuer ou annuler certains projets[83]. Toutefois, les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits n’ont pas fourni d’autres éléments de preuve démontrant une réduction des marges ou l’annulation de projets qui, selon eux, corroboreraient de telles allégations. En fait, M. Bogusz a affirmé que Beedie a obtenu les mêmes prix ou des prix légèrement inférieurs pour les armatures lorsqu’elle a sollicité des soumissions, ce qui laisse penser que Beedie n’a encore connu aucune augmentation des coûts depuis que les conclusions ont été rendues[84]. Par ailleurs, le Tribunal a entendu à huis clos des témoignages qui nuancent les préoccupations exprimées au sujet de la viabilité des projets si Beedie devait subir une hausse des coûts des armatures transformées et n’était pas en mesure de transmettre cette hausse à ses clients[85]. En somme, ces préoccupations n’étaient pas convaincantes.
  10. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les droits n’ont pas causé ou ne causeront vraisemblablement pas de préjudice important aux producteurs qui utilisent les marchandises en question comme intrants dans la production d’autres marchandises.

Limitation de l’accès aux marchandises utilisées comme intrants dans la production d’autres marchandises et dans la prestation de services nuisant sérieusement à la compétitivité (sous‑alinéa 40.1(3)b)(iii) du Règlement)

  1. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique allèguent en outre que les transformateurs qui dépendaient auparavant de sources d’approvisionnement étrangères se trouvent maintenant dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport aux transformateurs qui s’approvisionnaient aux États-Unis (particulièrement Harris en raison de ses liens avec Nucor). Ils font aussi observer que si les fournisseurs de rechange étrangers actuels cessent de les approvisionner en armatures, les fournisseurs américains seront libres d’augmenter leurs prix, parce qu’il n’y aura plus de concurrence.
  2. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique allèguent également que les transformateurs font preuve de circonspection avant de soumissionner en raison des problèmes d’approvisionnement anticipés, ce qui diminue la concurrence dans le cadre des appels d’offres et fait monter les prix pour les promoteurs et, au bout du compte, pour les consommateurs sur les marchés immobiliers résidentiels et commerciaux.
  3. Gerdau, AltaSteel, ArcelorMittal et d’autres parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits font valoir qu’il n’y a pas de limite d’accès aux marchandises non visées à des prix concurrentiels, de sorte qu’il ne devrait pas y avoir d’incidence sur la compétitivité sur le marché en aval.
  4. L’effet que pourraient avoir les droits sur la concurrence sur le marché des armatures, par la voie d’une restriction de l’accès aux sources d’approvisionnement d’importation autres que les États-Unis, a été analysé en détail précédemment. Le Tribunal est d’avis qu’il est peu probable que les États-Unis deviennent l’unique source d’approvisionnement en armatures sur le marché de la Colombie-Britannique.
  5. À l’audience, les témoins de l’ICBA ont dit craindre aussi de se retrouver dans une position concurrentielle défavorable étant donné que Harris pourrait bénéficier d’un traitement préférentiel de la part de sa société sœur, Nucor, à l’égard des prix, de l’accès aux armatures ou des modalités de crédit plus avantageuses. Or, ces inquiétudes semblent reposer sur de pures conjectures[86]. M. Lyons a affirmé en outre que Nucor ne fait preuve d’aucun favoritisme à l’égard de Harris; plus précisément, Nucor n’est nullement tenue d’approvisionner Harris avant les autres acheteurs, Harris n’est nullement tenue de s’approvisionner auprès de Nucor plutôt qu’auprès d’autres fournisseurs, et les prix que Nucor consent à Harris correspondent aux prix du marché[87].
  6. Quant aux allégations relatives aux occasions manquées de faire des soumissions et au relâchement subséquent de la concurrence entre les transformateurs, si M. Khosla a réitéré que Midvalley s’est montrée « sceptique » [traduction] à l’idée de soumissionner des projets à long terme[88], il demeure qu’aucune partie n’a présenté d’exemples de projets pour lesquels les transformateurs de la Colombie-Britannique auraient refusé de soumissionner en raison de ces préoccupations. Par ailleurs, M. Khosla a mentionné que le climat de concurrence est actuellement « intense » [traduction] entre les transformateurs sur le marché de la Colombie-Britannique[89].
  7. De même, il n’y a guère ou pas d’élément de preuve au dossier portant sur l’effet que la participation soi-disant réduite des transformateurs aux appels d’offres pourrait avoir sur la concurrence sur le marché de la construction en aval. Le témoin de Beedie n’a fait état d’aucune difficulté rencontrée par l’entreprise à cet égard.

Restriction du choix ou de la disponibilité de marchandises offertes aux consommateurs à des prix concurrentiels ou autre tort considérable causé aux consommateurs par l’assujettissement des marchandises en cause à des droits au plein montant (sous-alinéa 40.1(3)b)(iv) du Règlement)

  1. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que l’incidence des droits sur la population de la Colombie-Britannique est importante et répandue. Ils affirment que les droits feront augmenter les coûts de construction et que les prix de l’immobilier s’en trouveront haussés à leur tour pour les acheteurs de maison sur le marché de la Colombie-Britannique, plus particulièrement dans le Lower Mainland.
  2. Au sujet du marché des immeubles en copropriété en béton armé du Lower Mainland, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique avancent, à titre d’exemple, qu’une augmentation des prix des armatures installées de 10 p. 100 attribuable aux droits fera augmenter le coût total des travaux de 1 à 1,5 p. 100.
  3. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique affirment que les transformateurs et les promoteurs ne peuvent simplement absorber des hausses de prix d’une telle ampleur et qu’il leur faudra reporter ou annuler des projets, ou alors transmettre les augmentations de coûts aux acheteurs subséquents, les effets à prévoir étant négatifs dans l’un ou l’autre des cas. Selon eux, les transformateurs et les promoteurs feront tout ce qu’ils pourront pour transférer ces coûts en aval, ce qui se traduira inévitablement par une hausse du prix de vente des immeubles en copropriété.
  4. Pour illustrer ce point, l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique reprennent l’exemple de la hausse de 10 p. 100 des coûts des armatures transformées et installées, et ils expliquent que cette hausse pourrait équivaloir, pour chaque logement en copropriété, à une augmentation du prix allant jusqu’à 1 650 $, et qu’à cette somme s’ajoutent encore d’autres coûts additionnels, comme le coût d’emprunt. S’ils reconnaissent que les prix de l’immobilier sont influencés par une multitude de facteurs qui n’ont rien à avoir avec les armatures, ils estiment qu’il importe de retenir que la hausse des prix des armatures attribuable aux droits fera monter le prix des immeubles en copropriété et que toute pression à la hausse sur les prix déjà inabordables de l’immobilier dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique n’est pas dans l’intérêt public.
  5. Enfin, le gouvernement de la Colombie-Britannique et l’ICBA soutiennent que même si de telles hausses de coûts ne se répercutaient pas sur les derniers acheteurs, la diminution des marges bénéficiaires des transformateurs et des promoteurs amoindrira la contribution de ceux-ci à l’activité économique globale et aux recettes fiscales de l’État.
  6. Selon les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits, aucun élément de preuve ne fait état de répercussions négatives importantes sur les acheteurs de maison de la Colombie‑Britannique. À titre d’exemple, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA, ainsi que Gerdau, affirment que les hausses de coûts alléguées par les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits sont infondées, contradictoires et exagérées, parce que ces parties tiennent compte de dépenses qui ne se rapportent pas aux armatures ou tiennent compte de prix des armatures beaucoup plus élevés que les prix courants du marché de la Colombie-Britannique.
  7. ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA affirment en outre qu’aucun élément de preuve n’indique que les transformateurs et les promoteurs transmettent directement aux acheteurs en aval les hausses du prix des armatures. Enfin, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA font observer que rien non plus n’indique que le coût des armatures influe sur les prix des habitations en Colombie-Britannique, puisque ceux-ci n’ont pas diminué lorsque le prix des armatures a diminué.
  8. Contrairement à ce qu’affirment les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits, le Tribunal ne s’attend pas à ce qu’une baisse des prix des armatures fasse baisser les prix des habitations. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique non plus que les hausses du coût des armatures ont une incidence concrète sur le prix des immeubles en copropriété sur le marché de la Colombie-Britannique.
  9. Comme mentionné précédemment, les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits n’ont présenté aucun élément de preuve indiquant que les transformateurs ou les promoteurs ont dû reporter ou annuler des projets. Rien ne permet donc de conclure que l’augmentation du coût des armatures influe de cette manière sur le choix ou sur la disponibilité des appartements en copropriété offerts aux consommateurs à des prix concurrentiels.
  10. De plus, comme souligné plus haut, le témoignage de M. Bogusz révèle que Beedie, par exemple, n’a pas encore été confrontée dans les faits à une hausse du prix des armatures proposées par les transformateurs[90]. Qui plus est, les éléments de preuve permettent de penser que les prix des armatures devraient demeurer stables dans l’avenir. Du reste, les éléments de preuve ne permettent pas de savoir clairement si une éventuelle hausse du coût des armatures se répercuterait sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et serait entièrement transmise aux consommateurs.
  11. Si les témoins de LMS et de Midvalley ont affirmé qu’ils feront tout en leur pouvoir pour transmettre ces coûts, comme mentionné plus haut, le témoin de Beedie a fait quant à lui observer qu’il sera difficile de faire éponger ces coûts à ses clients, dans certains segments de marché du moins. La mesure dans laquelle les droits eux-mêmes influent sur les consommateurs est discutable.
  12. Au bout du compte, ainsi que M. Bogusz l’a confirmé dans son témoignage, le prix d’un logement en copropriété, marge bénéficiaire du promoteur comprise, est déterminé par l’offre et la demande[91]. En effet, comme l’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique[92] l’ont fait aussi remarquer, le coût du logement en Colombie-Britannique dépend d’une multitude d’autres caractéristiques du marché qui n’ont rien à voir avec le coût des armatures. Autrement dit, le Tribunal estime qu’il est également peu probable que les prix des habitations en Colombie-Britannique, et encore moins les problèmes d’accessibilité économique de ce marché, seraient sensiblement différents n’eût été l’imposition des droits.
  13. Néanmoins, même si le Tribunal convenait avec les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits que l’imposition des droits pourrait faire augmenter les coûts des armatures installées de 10 p. 100 et entraîner une hausse du coût d’un logement en copropriété moyen pouvant aller jusqu’à 1 650 $, il demeure que l’effet d’une telle hausse de coût sur l’acheteur serait négligeable. En prenant l’exemple d’un emprunt hypothécaire amorti sur 25 ans à un taux d’intérêt de 3 p. 100, cette hausse représenterait pour le consommateur un coût additionnel de 1,31 $ par semaine, ou 2,22 $ par semaine en dollars avant impôt[93]. En l’absence d’éléments de preuve allant dans le sens contraire, le Tribunal considère que de tels coûts potentiels sont relativement négligeables.
  14. Les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits font aussi valoir que de telles hausses de coûts représenteraient un coût total élevé pour le marché immobilier de la Colombie-Britannique. Les éléments de preuve au dossier indiquent qu’une hausse de 1 650 $ par logement en copropriété multipliée par le nombre de mises en chantier prévues pour 2015 porterait le coût global de la hausse à une valeur se situant entre 28,7 et 32,5 millions de dollars[94]. Toutefois, là encore, mise en rapport avec la valeur des ventes totales de nouveaux logements en copropriété en Colombie-Britannique, la hausse de coûts ne correspond tout au plus qu’à 0,29 p. 100 environ de ce segment du marché immobilier de la Colombie-Britannique[95].
  15. Enfin, même si le Tribunal admettait que la totalité des hausses du coût des armatures se répercute sur les consommateurs et que les prix courants du marché des logements en copropriété sont ou seront plus élevés qu’ils ne le seraient si les marchandises en question étaient admises en franchise de droits, le Tribunal réitère que l’augmentation des prix des marchandises en question est une conséquence normale du rééquilibrage du marché suivant l’imposition de droits et qu’elle est nécessaire pour éliminer les avantages inéquitables que confèrent les prix des marchandises en question. Comme aucun élément de preuve n’indique qu’il y a eu une atteinte grave à l’intérêt des consommateurs, ces seules augmentations de coûts ne peuvent être considérées comme une conséquence non voulue qui irait à l’encontre de l’intérêt public.
  16. Les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits soutiennent néanmoins que toute augmentation de coûts que subiraient les consommateurs va à l’encontre de l’intérêt public lorsque la branche de production nationale ne tire aucun avantage de l’imposition des mesures. Cet argument sera examiné ci-après.

Autres facteurs d’intérêt public pertinents

–           Effet des droits sur les travaux d’infrastructure publique
  1. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soutiennent que les droits ont une « importante incidence sur les coûts » [traduction] des travaux de construction d’immobilisations exécutés par la Colombie-Britannique. Ces travaux comprennent le remplacement du tunnel George-Massey, le programme d’agrandissement et de réfection des ponts et des routes du ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique, la construction d’établissements de soins de santé, la construction du barrage hydro-électrique Site C de B.C. Hydro (une entreprise d’État) et la construction de logements sociaux financés par la province.
  2. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique disent avoir présenté à titre d’exemple des scénarios d’augmentation de coût indiquant les effets que les droits pourraient avoir sur les coûts pour la Colombie-Britannique. À cet égard, soulignent-ils, si les prix des armatures ont baissé depuis que les droits sont en vigueur, ils sont néanmoins plus élevés qu’ils ne le seraient en l’absence de droits, comme en témoigne plus particulièrement l’écart entre le prix courant du marché en Colombie-Britannique et les prix courants de la Chine (sans les droits).
  3. L’ICBA et le gouvernement de la Colombie-Britannique soulignent en outre que cet écart est la mesure la plus exacte des coûts additionnels supportés par la Colombie-Britannique en raison des droits. Selon eux, l’effet de ces hausses de coût, qui sera exacerbé par l’augmentation des coûts d’emprunt, se traduira soit par des coûts plus élevés pour les contribuables de la Colombie-Britannique soit par des mises en chantier moins nombreuses ou moins efficaces.
  4. Les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits soutiennent que les hausses de coût alléguées par les parties qui appuient la réduction ou la suppression sont infondées, contradictoires et exagérées, en raison de l’inclusion de dépenses qui ne concernent pas les armatures elles-mêmes ou de l’utilisation de prix de base des armatures beaucoup plus élevés que le prix courant du marché en Colombie‑Britannique. Elles soutiennent en outre que même ces hausses de coût exagérées sont minimes par rapport aux budgets totaux affectés à ces projets.
  5. Comme le soulignent les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits, les chiffres fournis par les témoins du gouvernement de la Colombie-Britannique à propos de l’incidence que pourraient avoir les droits sur les travaux examinés posent certains problèmes. Parfois, les hausses de coût alléguées sont fondées sur les armatures installées[96]. Dans d’autres projections, le prix sous-jacent des armatures est fondé sur des renseignements dépassés ou inexacts, de sorte que le coût de base des armatures est beaucoup plus élevé que le prix courant du marché en Colombie-Britannique[97]. Certains témoins ont reconnu que leurs hausses de coût projetées pouvaient être trop élevées, compte tenu du recul général des prix de l’acier observé depuis plusieurs mois et, plus particulièrement, des renseignements publics sur les prix courants du marché des armatures en Colombie-Britannique[98]. En apprenant le prix courant du marché des armatures au deuxième trimestre 2015 (752 $ la tonne métrique, selon les données du supplément au rapport d’enquête), un témoin a dit qu’il ne devrait pas y avoir d’augmentation marquée des coûts[99].
  6. Le Tribunal comprend que les témoins ont choisi leurs chiffres dans le contexte d’exercices de planification budgétaire, ou parfois sur le fondement des renseignements limités dont ils disposaient, étant donné qu’aucun d’entre eux n’achète d’armatures directement. Néanmoins, de tels éléments de preuve sont d’une aide limitée dans l’exercice auquel se livre le Tribunal. Afin d’évaluer si l’assujettissement aux droits a eu ou aura vraisemblablement une incidence importante sur les prix des travaux d’infrastructure publique et pour les contribuables de la Colombie-Britannique, le Tribunal s’intéresse à l’incidence réelle des mesures. Toutefois, à la lumière des éléments de preuve qui ont été produits concernant le marché courant et prévu des armatures en Colombie-Britannique, rien n’établit de manière convaincante qu’il y a eu augmentation notable du prix des armatures par suite de l’imposition des droits.
  7. En réponse à l’argument selon lequel les armatures coûtent néanmoins plus cher en Colombie‑Britannique à l’heure actuelle qu’elles ne coûteraient en l’absence de droits, le Tribunal a entrepris une analyse en vue d’estimer l’incidence théorique des droits sur neuf grands chantiers d’infrastructure désignés par le gouvernement de la Colombie-Britannique dans sa réponse à la demande de renseignements du Tribunal[100]. Ainsi, les calculs du Tribunal ne comprennent pas l’incidence sur d’autres chantiers provinciaux qui n’étaient pas mentionnés dans les éléments de preuve, ni de dépenses additionnelles comme le coût d’emprunt, lequel, d’après les éléments de preuve, devrait être ajouté pour la plupart des travaux[101].
  8. Se fondant sur les éléments de preuve dont il disposait, le Tribunal a estimé le volume total d’armatures nécessaire pour chacun des neuf chantiers désignés par le gouvernement de la Colombie‑Britannique. Le Tribunal a ensuite calculé un prix théorique, par tonne métrique, pour les armatures en provenance de la Chine et de la Corée débarquées au Canada, lequel tient compte de tous les frais applicables à l’exception des droits antidumping et compensateurs. Le Tribunal a établi ce prix au débarquement en utilisant le prix à la sortie d’usine obtenu lors des témoignages à huis clos ou en soustrayant des coûts (transport intérieur, droits de bassin étrangers et intérieurs, assurance, droits et frais d’intérêt) des prix des marchandises en question pratiqués au Canada, lesquels ont été présentés dans des observations confidentielles. Après avoir établi le prix à la sortie d’usine, le Tribunal a appliqué, le cas échéant, le coût des éléments mentionnés ci-dessus pour obtenir le prix en Colombie-Britannique des armatures en provenance de la Chine et de la Corée, sans les droits[102].
  9. Cette analyse révèle que, en l’absence de droits, les armatures de la Chine et de la Corée seraient offertes à des prix nettement inférieurs au prix courant du marché en Colombie-Britannique[103]. Le Tribunal a ensuite calculé l’écart entre le coût potentiel total du volume d’armatures nécessaire pour l’ensemble des neuf chantiers au prix courant du marché et le coût total correspondant au coût inférieur de la Chine en l’absence de droits. Le Tribunal a utilisé le prix de 732 $ la tonne métrique comme moyenne raisonnable du prix courant du marché[104].
  10. L’écart représente une estimation des économies potentielles sur le coût des armatures pour les neuf chantiers qui n’ont pas été réalisées en raison de l’imposition des droits. Toutefois, cette estimation exagère les économies potentielles, à plusieurs égards, dans le but d’isoler l’incidence potentielle maximale des droits en fonction du prix courant du marché obtenu une fois les droits en vigueur. Premièrement, l’estimation suppose que, en l’absence de droits, toutes les armatures fournies dans le cadre des travaux d’infrastructure publique seraient originaires de la Chine et offertes au plus bas prix possible. Cette hypothèse n’est pas réaliste, étant donné que d’autres sources d’approvisionnement en armatures existent sur le marché de la Colombie-Britannique et que leur présence influerait sur le prix courant du marché.
  11. Par exemple, les États-Unis occupaient une très grande place sur le marché de la Colombie-Britannique avant l’imposition des droits et ont continué d’occuper une grande place après, et les prix des États-Unis sont généralement plus élevés que ceux des marchandises en question et des marchandises non visées en provenance d’autres sources d’approvisionnement étrangères. Il est toutefois raisonnable de supposer que la présence des marchandises en question offertes à ces prix inférieurs aurait pour effet d’abaisser le prix moyen du marché en Colombie-Britannique et que le prix qui serait actuellement pratiqué sur le marché de la Colombie-Britannique, si les droits n’avaient jamais été imposés, se situerait entre le prix courant du marché et le prix inférieur de la Chine.
  12. De plus, comme dans le cas des immeubles en copropriété, les éléments de preuve n’établissent pas clairement si les hausses de coût (ou, à l’inverse, les économies) sont entièrement transmises au gouvernement. Cette transmission dépendrait du processus d’approvisionnement et de la dynamique de la concurrence à chaque niveau de la chaîne d’approvisionnement. Par exemple, dans certains cas, les entrepreneurs qui soumissionnent ces projets peuvent choisir d’absorber les coûts supplémentaires attribuables aux hausses du prix des armatures dans le but d’accroître leurs chances de décrocher un contrat public lucratif. De plus, une fois le contrat adjugé, le prix unitaire des armatures reste le même pendant la durée de vie du projet[105]. Par conséquent, bien que le prix soumissionné au départ puisse être plus élevé qu’il ne le serait en l’absence de droits, toute variation de coût se produisant après l’adjudication du contrat touche uniquement l’entrepreneur ou les fournisseurs du projet en question.
  13. L’analyse indique que, dans le scénario extrême, d’après les conditions actuelles du marché, l’imposition des droits entraîne des économies potentielles non réalisées allant jusqu’à 22,9 millions de dollars. Ce chiffre représente environ 0,18 p. 100 du budget total (12,7 milliards de dollars) de ces neuf chantiers[106].
  14. En mettant les choses en perspective, le Tribunal est fermement convaincu que cet effet de l’imposition des droits ne représente pas une incidence importante. En outre, le Tribunal n’est pas d’avis que de telles économies non réalisées se traduiront par le report ou l’annulation de ces travaux d’infrastructure publique.
  15. Comme mentionné à différentes reprises dans les présents motifs, la hausse des prix des marchandises en présence de droits antidumping et de droits compensateurs est considérée comme une conséquence voulue de la LMSI. Il doit être présumé qu’en promulguant la LMSI, le législateur considérait que des prix accrus étaient conformes à l’intérêt public, étant donné l’effet correctif des droits sur la branche de production nationale. Le seul fait que les coûts puissent être au bout du compte supportés par l’État (et les contribuables) ne change pas en soi cette analyse.
  16. Plusieurs témoins qu’a fait entendre le gouvernement de la Colombie-Britannique ont souligné que chaque dollar supplémentaire dépensé finit par avoir une certaine incidence[107], mais le même argument pourrait être présenté en ce qui concerne d’autres agents économiques et toute situation dans laquelle les prix augmentent par suite de l’imposition de droits. Le Tribunal n’a pas entendu de témoignages convaincants établissant que de tels effets sur les prix, s’ils sont ressentis au bout du compte par le gouvernement de la Colombie-Britannique, seront relativement importants en l’espèce.
  17. De fait, comme dans le cas des immeubles en copropriété, les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits ont pour position que tout coût supplémentaire va à l’encontre de l’intérêt public, parce que les droits n’ont aucun avantage pour la branche de production nationale sur le marché de la Colombie-Britannique. Ce sujet est abordé dans la prochaine section.
–           Effet correctif des droits
  1. Tous les arguments présentés par les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits reposent sur l’idée que toute hausse de coûts subie par les consommateurs et les contribuables de la Colombie-Britannique en raison des droits, peu importe son importance, va à l’encontre de l’intérêt public, dans le contexte où la branche de production nationale n’a pas réussi et ne réussira pas à être concurrentielle en Colombie-Britannique, et qu’elle ne tire pas avantage d’une hausse du prix des armatures sur le marché de la Colombie-Britannique. Par conséquent, les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits soutiennent que seule la suppression totale des droits auxquels les armatures sont assujetties est appropriée.
  2. Les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits font valoir que les droits ont un effet correctif non négligeable pour la branche de production nationale. Elles soutiennent que la branche de production nationale déploie actuellement de vigoureux efforts pour accroître ses ventes sur le marché de la Colombie-Britannique. Or, elles font valoir que si les droits antidumping et compensateurs en vigueur en Colombie-Britannique étaient réduits, le prix des armatures de la Colombie-Britannique descendrait de telle sorte que la branche de production nationale n’arriverait plus à soutenir la concurrence. De plus, elles soutiennent qu’une baisse du prix du marché des armatures en Colombie-Britannique aurait également un effet néfaste sur les prix pratiqués dans d’autres provinces.
  3. Comme mentionné d’entrée de jeu, le Tribunal convient que, dans les cas où les droits ont des conséquences non voulues disproportionnées par rapport à ce qu’ils devraient avoir comme avantage, soit remédier au dommage ou à la menace de dommage causé à la branche de production nationale, il y aurait lieu, dans l’intérêt public, de réduire ou de supprimer les droits. Cela dit, contrairement à ce qui ressort des observations des parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits, et comme mentionné précédemment, le Tribunal est convaincu, à la lumière des témoignages, que la branche de production nationale a réalisé d’importants investissements pour accroître sa capacité de soutenir la concurrence et d’accroître ses parts de marché en Colombie-Britannique, et que ces efforts commencent à donner des résultats.
  4. En outre, les éléments de preuve indiquent que les producteurs nationaux sont en mesure de soutenir la concurrence d’autres sources d’approvisionnement sur le marché actuel, c’est-à-dire un marché libre des effets du commerce déloyal de marchandises. Le Tribunal a calculé les prix de vente potentiels de deux producteurs nationaux, à la lumière des données les plus récentes sur les coûts de production et compte tenu d’une marge bénéficiaire raisonnable (fixée d’après les données historiques)[108]. Le prix de la ferraille, principal intrant dans la fabrication d’armatures, est en baisse, et les producteurs nationaux ont entrepris diverse initiatives de réduction des coûts, en particulier pour stimuler leurs ventes sur le marché de la Colombie-Britannique, si bien que, dans un marché exempt des effets du dumping et du subventionnement, ils sont actuellement en mesure d’offrir des prix respectant la surcote des produits nationaux dont il a été question, et qui serait de 25 à 40 $ la tonne métrique.
  5. Ainsi, le Tribunal conclut que, à mesure qu’elle accroît sa part de ce marché, la branche de production nationale sera en mesure de concurrencer de manière équitable pour tirer des avantages sensibles sur le marché de la Colombie-Britannique pendant la période d’application des conclusions. Ces avantages, qui découleront des nouvelles ventes réalisées sur le marché de la Colombie‑Britannique, devraient être observés une fois terminé le déploiement des initiatives prévues de réduction des coûts, prenant pour acquis que les marges bénéficiaires mentionnées dans les questionnaires remis au Tribunal restent les mêmes[109]. Ces avantages prévus reposent sur la prévision que les producteurs nationaux seront en mesure de s’approprier un volume accru du marché de la Colombie-Britannique, de l’ordre de ce qui a été projeté auparavant.
  6. Par conséquent, le Tribunal ne peut retenir l’argument de l’ICBA et du gouvernement de la Colombie-Britannique selon lequel les droits n’offrent aucun avantage à la branche de production nationale sur le marché de la Colombie-Britannique. De même, le Tribunal ne peut accepter l’idée que tout coût supplémentaire ou toute économie non réalisée subi par les transformateurs, les consommateurs ou les contribuables de la Colombie-Britannique, quelle qu’en soit l’ampleur, constitue une conséquence non voulue du fait qu’il surpasse les avantages « à peu près inexistants »[110] [traduction] des droits pour la branche de production nationale.
  7. De fait, quand les coûts et les avantages des droits sont comparés entre eux, il ressort un équilibre relatif. Le prix nominal moyen des armatures n’a pas augmenté sensiblement en Colombie-Britannique depuis que les droits sont en vigueur. Les droits, conjugués à des facteurs comme les prix de la ferraille et la vigueur du dollar canadien, ont plutôt permis l’établissement d’un prix juste sur le marché. Les prix devraient demeurer stables (ou diminuer quelque peu) dans un avenir rapproché. En outre, les économies potentielles non réalisées des transformateurs, des acheteurs de logements et du gouvernement de la Colombie-Britannique n’éclipsent pas les avantages que pourraient tirer les producteurs nationaux sur le marché actuel de la Colombie-Britannique. Tel que mentionné ci-dessus, on ne sait pas comment ces économies non réalisées seraient réparties dans la chaîne d’approvisionnement de chaque segment de marché. En particulier, on ignore si les économies potentielles non réalisées profiteraient ultimement aux consommateurs.
  8. De plus, même si certains font valoir que le prix actuel est plus élevé qu’il ne le serait en l’absence de droits, vu le faible poids global du prix des armatures dans le coût final des projets, il n’est pas certain que les droits soulèvent des préoccupations importantes en matière d’intérêt public. Ce constat, conjugué au fait que les producteurs nationaux bénéficient d’une réduction des barrières à l’entrée sur le marché de la Colombie-Britannique, si bien qu’ils peuvent maintenant exercer leurs activités dans un marché exempt de marchandises sous-évaluées et de marchandises subventionnées, mène le Tribunal à conclure que les droits n’ont pas d’incidence négative démesurée. Ainsi, même si le Tribunal avait conclu que l’imposition des droits nuit à un intérêt public, la suppression totale des droits, telle qu’elle est demandée par les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits, n’aurait pas constitué une mesure corrective appropriée.
  9. De plus, les éléments de preuve ayant trait au prix courant du marché donne fortement à penser que les droits actuellement en vigueur annulent l’effet dommageable des marchandises sous-évaluées et subventionnées, sans plus. Tel que mentionné ci-dessus, la branche de production nationale a montré qu’elle était capable d’être concurrentielle en Colombie-Britannique au prix courant du marché, qui a été établi à la suite de l’imposition des droits. Cela dit, dans l’éventualité où les prix baisseraient par suite de la réduction ou de la suppression des droits, les éléments de preuve de la branche de production nationale et l’analyse du Tribunal indiquent que les producteurs nationaux, en dépit des efforts qu’ils déploient actuellement, ne seraient pas en mesure de soutenir la concurrence des marchandises en question à ces prix inférieurs.
  10. En outre, les éléments de preuve donnent à penser que certaines marchandises en question provenant de la Chine ont un prix qui les rendrait concurrentielles au prix courant du marché, même après assujettissement au plein montant des droits. Les autres marchandises en question, y compris celles provenant de la Corée et de la Turquie, pourraient être dans une situation similaire après réexamen de leurs valeurs normales.
  11. Les éléments de preuve indiquent que les prix mondiaux des armatures ont baissé en grande partie en raison d’un recul des prix de la ferraille servant à la fabrication des armatures. En prenant pour acquis que cette baisse s’est également produite sur le marché intérieur des pays visés, un réexamen des valeurs normales mènerait vraisemblablement à une réduction des valeurs normales des importations futures. En outre, la politique de l’ASFC prévoit qu’un changement dans les conditions du marché, par exemple une baisse du coût des intrants, est un motif de demande de réexamen des valeurs normales[111].
  12. En somme, les éléments de preuve indiquent que les droits annulent les effets dommageables du commerce déloyal des marchandises en question sans imposer de coût supérieur à ce qui est nécessaire pour protéger la branche de production nationale. Cela porte fortement à croire que les droits ont l’effet correctif voulu, ni plus ni moins.

Autres aspects soulevés en l’espèce

  1. Compte tenu de la conclusion du Tribunal ayant trait à l’intérêt public, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres questions soulevées par les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits, notamment l’application de l’éventuelle mesure corrective qui aurait pu être recommandée si le Tribunal était parvenu à une conclusion contraire, ou les arguments concernant l’effet qu’aurait une mesure corrective sur l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada. Cela dit, le Tribunal se penchera tout de même brièvement sur ces questions afin d’examiner le plus exhaustivement possible les arguments des parties.
–           Application d’une éventuelle mesure corrective
  1. Plusieurs parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits ont soulevé des préoccupations au sujet de l’application d’une éventuelle réduction ou suppression des droits auxquels les armatures importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties. Par exemple, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ACPA ont fait référence à une lettre que l’ASFC a déposée à la demande du Tribunal au cours de l’enquête de dommage, dans laquelle il est mentionné qu’une exclusion de produit régionale fondée sur l’utilisation finale créerait de l’incertitude[112]. ArcelorMittal et AltaSteel ont déposé cette lettre dans le cadre de la présente procédure. Elles font valoir que les préoccupations de l’ASFC en ce qui concerne de l’application d’une exclusion régionale valent toujours dans le contexte d’une réduction ou d’une suppression des droits auxquels les importations à destination de la Colombie-Britannique sont assujetties. Elles soulignent en outre que l’ASFC n’a pas les ressources nécessaires pour s’assurer que les armatures assujetties à des droits moindres ne se retrouveront pas dans d’autres régions du Canada.
  2. Le Tribunal rejette ces arguments. Comme souligné par l’ICBA et par le gouvernement de la Colombie-Britannique, plusieurs dispositions du régime douanier du Canada, notamment du Tarif des douanes[113], font référence à l’utilisation ultime des marchandises comme critère de classement dans un numéro tarifaire particulier. Ainsi, l’imposition de droits antidumping et compensateurs reposant sur l’utilisation finale des armatures dans les travaux de construction réalisés en Colombie-Britannique n’irait pas à l’encontre de dispositions douanières existantes. Qui plus est, si le Tribunal avait conclu que l’assujettissement au plein montant des droits des armatures importées en Colombie-Britannique n’était peut-être pas dans l’intérêt public, il aurait incombé au ministre des Finances, s’il avait été enclin à suivre la recommandation du Tribunal, d’élaborer une mesure corrective et d’en fixer les exigences afférentes de sorte que les marchandises soient uniquement accessibles aux importateurs d’armatures utilisées dans les travaux de construction réalisés en Colombie-Britannique. Les questions d’application et de contournement relèvent généralement de l’ASFC.
–           Valeur de précédent, mécanisme de recours commercial du Canada et l’ACI
  1. Plusieurs parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits font valoir que recommander la réduction ou la suppression des droits frappant les marchandises en question à des fins d’utilisation finale en Colombie-Britannique « nuirait à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada » [traduction], serait incompatible avec « l’esprit de l’ACI » [traduction] et créerait « un précédent dangereux » [traduction]. Par exemple, ArcelorMittal, AltaSteel et l’ASFC ont fait valoir, dans leur plaidoirie finale, que réduire ou supprimer les droits auxquels les armatures importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties « nuirait à l’intégrité du mécanisme de recours commercial du Canada et à son application à l’échelle nationale » [traduction]. Elles ont souligné qu’à long terme, la réduction ou la suppression des droits en Colombie-Britannique entraînerait « une érosion générale d’une branche de production nationale »[114] [traduction]. Elles soutiennent en outre que la réduction ou la suppression des droits en Colombie-Britannique serait incompatible avec la politique gouvernementale, car le gouvernement a récemment manifesté sa volonté « d’améliorer le mécanisme de recours commercial »[115] [traduction].
  2. Enfin, elles font valoir que le mécanisme de recours commercial du Canada devrait être conforme à l’esprit et aux prescriptions de l’ACI, et que la réduction ou la suppression des droits auxquels les marchandises en question destinées à être utilisées en Colombie-Britannique sont assujetties « créerait dans les faits une nouvelle barrière au commerce intérieur »[116] [traduction]. Des arguments similaires ont été présentés par d’autres parties, dont la Ironworkers Association, le Congrès du travail du Canada, Manufacturiers et exportateurs du Canada, l’ICCA et les provinces ayant présenté des observations pour s’opposer à la réduction ou à la suppression des droits auxquels les armatures importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties.
  3. Cela dit, à part de présenter ces observations de portée générale et faire valoir que la réduction ou la suppression des droits auxquels les armatures importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties causerait un dommage à la branche de production nationale – en Colombie-Britannique et ailleurs –, les parties qui s’opposent à la réduction ou à la suppression des droits n’ont pas su démontrer de façon crédible en quoi la formulation d’une recommandation serait contraire à la LMSI en l’espèce. Tel que mentionné d’entrée de jeu, l’article 45 de la LMSI, et sa conception souple de la notion d’« intérêt public », a été adopté par le législateur en tant que partie intégrante du mécanisme de recours commercial du Canada. L’issue de la présente enquête ne peut en aucun cas changer cette situation et ne peut préjuger de l’issue d’enquêtes d’intérêt public qui pourraient être entreprises à l’avenir, car chaque affaire est fortement tributaire des faits et est examinée par le Tribunal selon les faits qui lui sont propres.
  4. En outre, en l’absence de démonstration claire, le Tribunal n’est pas convaincu que la prétendue politique gouvernementale actuelle ou le soi-disant « esprit » de l’ACI, qui ne font ni l’un ni l’autre partie de la LMSI ou du Règlement, soient incompatibles avec l’exercice de la compétence du Tribunal aux termes de l’article 45 de la LMSI ou aient quelque pertinence à cet égard. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été établi que la réduction ou la suppression des droits auxquels les armatures importées en Colombie-Britannique sont assujetties créerait un obstacle au commerce interprovincial. Il n’y a pas d’incompatibilité évidente entre l’objectif de l’ACI d’éliminer les obstacles au commerce intérieur et les dispositions de la LMSI relatives à l’intérêt public.

CONCLUSION

  1. Le Tribunal estime qu’il n’a aucun motif de présenter un avis selon lequel l’imposition du plein montant des droits serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public. Ainsi, le Tribunal conclut que l’intérêt public ne justifie pas la réduction ou la suppression des droits auxquels les marchandises en question importées à des fins d’utilisation en Colombie-Britannique sont assujetties. Conformément à l’alinéa 45(4)a) de la LMSI, le Tribunal ne transmettra pas de rapport au ministre des Finances.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[2].      Gaz. C. 2015.I.149.19.

[3].      Le Tribunal a demandé les données du Système de gestion de l’extraction de renseignements se rapportant aux marchandises importées par C&F International en 2013, en 2014 et au cours des deux premiers trimestres 2015 (pièce PB-2014-001-34, vol. 1D à la p. 61). Le Tribunal a aussi demandé les valeurs normales pour tous les exportateurs des pays visés (pièce PB-2014-001-30, vol. 1D à la p. 12).

[4].      Les pièces publiques ont été distribuées à toutes les parties. Les pièces protégées ont été mises à la seule disposition des conseillers juridiques indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité relativement aux renseignements confidentiels.

[5].      Le dossier de la présente enquête d’intérêt public comprend toutes les pièces du Tribunal déposées dans cette enquête, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires et aux demandes de renseignements, tous les mémoires et toutes les pièces déposées par les parties, les transcriptions de l’audience publique et de l’audience à huis clos ainsi que des portions du dossier de l’enquête no NQ-2014-001.

[6].      Voir l’enquête no NQ-2014-001 aux par. 18-27 pour une description détaillée des marchandises en question.

[7].      Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 228-230; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 5, 31 juillet 2015, à la p. 270.

[8].      Pièce PB-2014-001-12, vol. 1.1 à la p. 17.

[9].      Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 196-197, 299.

[10].    Enquête no NQ-2014-001 au par. 252.

[11].    Ibid.

[12].    D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[13].    Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 (CSC) au par. 21.

[14].    Certaines préparations alimentaires pour bébés (30 novembre 1998), PB-98-001 (TCCE) à la p. 10; Wang Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1999] 1 R.C.F. 3, 1998 CanLII 9093 (CF), décision dans laquelle l’expression « intérêt public » a été interprétée dans le contexte d’une disposition de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

[15].    Dans Sucre raffiné (4 avril 1996), PB-95-002 (TCCE) à la p. 3, le Tribunal a affirmé que « le sens à donner à [l’expression “intérêt public”] ou à une expression ayant la même signification générale doit, dans un cas donné, être déterminé “par rapport au contexte et aux objets et buts” de la loi qui s’applique ».

[16].    Sucre raffiné aux pp. 2-3; National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, 1990 CanLII 49 (CSC); Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 3 R.C.F. 537, 2002 CAF 89 (CanLII) aux par. 35-36.

[17].    https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/19-adp.pdf [Accord sur la mise en œuvre de l’article VI].

[18].    L’article 9.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI précise que « [l]a décision d’imposer ou non un droit antidumping dans les cas où toutes les conditions requises sont remplies et la décision de fixer le montant du droit antidumping à un niveau égal à la totalité ou à une partie seulement de la marge de dumping incombent aux autorités du Membre importateur. Il est souhaitable que l’imposition soit facultative sur le territoire de tous les Membres et que le droit soit moindre que la marge si ce droit moindre suffit à faire disparaître le dommage causé à la branche de production nationale. » Voir également l’article 19.2 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires à l’adresse suivante : https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/24-scm.pdf.

[19].    Par exemple, dans l’Union européenne, la Commission européenne détermine un prix non dommageable dans chaque enquête. La Commission européenne compare ensuite ce prix au prix à l’importation moyen pondéré des marchandises sous-évaluées et subventionnées et calcule une « marge de dommage ». Si elle est inférieure à la marge de dumping, cette marge de dommage est appliquée en tant que taux de droit courant. De même, la Commission antidumping de l’Australie calcule systématiquement un prix non dommageable dans ses enquêtes et elle établit le taux de droit en fonction de ce prix si celui-ci est inférieur au prix non sous-évalué des marchandises importées.

[20].    Projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur les mesures spéciales d’importation et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, à l’adresse suivante : http://www.parl.gc.ca/About/Parliament/LegislativeSummaries/‌bills_ls.asp?lang=E&ls=C35&Parl=36&Ses=1&Language=F.

[21].    Dans une enquête menée aux termes de l’article 45 de la LMSI, le Tribunal ne réexamine pas les questions tranchées pendant l’enquête menée aux termes de l’article 42. Toutefois, certaines questions de fait examinées pendant l’enquête menée aux termes de l’article 42 peuvent être pertinentes. Par exemple, dans l’examen de l’effet que les mesures commerciales correctives ont sur la concurrence sur le marché national, il peut être pertinent de se pencher sur la participation de la branche de production nationale à ce marché. Un tel examen aurait pour objectif d’évaluer l’effet que le droit a sur la concurrence sur le marché et toute autre question d’intérêt public en découlant.

[22].    Extrusions d’aluminium (30 juin 2009), PB-2008-003 (TCCE) aux par. 16, 29; Tubes soudés en acier au carbone (19 décembre 2008), PB-2008-001 (TCCE) aux par. 14-15.

[23].    Tubes soudés en acier au carbone aux par. 14-15; Extrusions d’aluminium au par. 29.

[24].    Ces exemples de conséquences non voulues sont inspirés du régime législatif, notamment la liste non exhaustive de facteurs réglementaires énoncés au paragraphe 40.1(3) du Règlement, et de décisions antérieures rendues par le Tribunal.

[25].    Rapport sur la Loi sur les mesures spéciales d’importation du Sous-comité sur la politique d’importation du Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques, Chambre des communes, fascicule no 31, première session de la trente-deuxième législature, 1980-1981-1982, Ottawa, juin 1982, aux pp. 27-28; Certaines préparations alimentaires pour bébés à la p. 7.

[26].    Rapport sur la Loi sur les mesures spéciales d’importation du Sous-comité de l’examen de la Loi sur les mesures spéciales d’importation du Comité permanent des finances et du Sous-comité sur les différends commerciaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Chambre des communes, Ottawa, décembre 1996, à l’adresse suivante : http://www.parl.gc.ca/content/hoc/archives/committee/352/fore/reports/‌04_1996-12/chap6-f.html.

[27].    Tubes en cuivre circulaires (14 avril 2014), PB-2013-001 (TCCE) au par. 8; Extrusions d’aluminium au par. 11; Tubes soudés en acier au carbone au par. 9.

[28].    Pièce PB-2014-001-44.02 au par. 5, vol. 15.

[29].    Ibid. au par. 30.

[30].    Pièce PB-2014-001-46.02 au par. 137, vol. 15.

[31].    18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[32].    EVRAZ Inc. NA a également présenté de brèves observations dans lesquelles elle mentionne, sans plus de détails, qu’elle produit dans ses installations de Pueblo (Colorado) des armatures en bobines de certaines dimensions métriques qui pourraient être importées en Colombie-Britannique. Pièce PB‑2014-001-L-01, vol. 9B.

[34].    Pièce PB-2014-001-44.02 au par. 5, vol. 15.

[35].    Ibid. au par. 3.

[36].    Pièce PB-2014-001-A-01 au par. 45, vol. 7.

[37].    Pièce PB-2014-001-E-01 aux par. 186-206 et pièces jointes connexes, vol. 9.

[38].    Pièce PB-2014-001-12C, tableaux 1, 4, vol. 1.1; pièce PB-2014-001-13C (protégée), tableaux 1, 4, vol. 2.1.

[39].    Pièce PB-2014-001-13 (protégée), tableau 13, vol. 2.1; pièce PB-2014-001-13B (protégée), tableau 21, vol. 2.1. Les parties qui appuient la réduction ou la suppression des droits reconnaissent également que les niveaux des importations sont demeurés près de leur moyenne à long terme. Pièce PB-2014-001-A-01 au par. 14, vol. 7.

[40].    Pièce PB-2014-001-12, tableau 14, vol. 1.1; pièce PB-2014-001-13 (protégée), tableau 13, vol. 2.1.

[41].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 347-348, 370, 396, 419-420; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 112-115; pièce PB-2014-001-12, tableau 9, vol. 1.1.

[42].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 347-348, 370-372, 396, 419-420; Transcription de l’audience publique, vol. 5, 31 juillet 2015, aux pp. 566-567; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 112-115.

[43].    Pièce PB-2014-001-A-01 aux par. 9-12, vol. 7; pièce PB-2014-001-01, vol. 1 à la p. 21.

[44].    Pièce PB-2014-001-12C, tableau 7, vol. 1.1; pièce PB-2014-001-13C (protégée), tableau 7, vol. 2.1.

[45].    Transcription de l’audience publique, vol. 5, 31 juillet 2015, à la p. 567.

[46].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 388, 419.

[47].    Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 60-61, 88.

[48].    Pièce PB-2014-001-46.02 au par. 160, vol. 15.

[49].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 347-348, 388-389; Transcription de l’audience publique, vol. 4, 30 juillet 2015, aux pp. 438, 491, 497-498.

[50].    Pièce PB-2014-001-12B, tableau 81, vol. 1.1; pièce PB-2014-001-13B (protégée), tableau 81, vol. 2.1.

[51].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, à la p. 243.

[52].    Ibid. à la p. 246.

[53].    Ibid. aux pp. 207-208.

[54].    Ibid. aux pp. 197-198; pièce PB-2014-001-J-03 au par. 9, vol. 7.

[55].    Pièce PB-2014-001-J-03 aux par. 9-10, 17, vol. 7; pièce PB-2014-001-J-03A aux par. 17, 21, vol. 7; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 203, 208-212, 225-226.

[56].    Pièce PB-2014-001-J-03A aux par. 31-35, vol. 7; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 204-205.

[57].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 306-307.

[58].    Pièce PB-2014-001-J-05 au par. 6, vol. 7; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 200-203, 210-211.

[59].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 402-404, 413-414; Transcription de l’audience publique, vol. 4, 30 juillet 2015, aux pp. 435-437; Transcription de l’audience publique, vol. 5, 31 juillet 2015, aux pp. 584, 596-598, 608-609.

[60].    Enquête no NQ-2014-001 aux par. 223-234.

[61].    Pièce PB-2014-001-E-04 (protégée), pièce jointe 3, vol. 10; pièce PB-2014-001-E-03, tableaux 3, 4, vol. 9; pièce PB-2014-001-E-03, pièce jointe 4, vol. 9.

[62].    Pièce PB-2014-001-13C (protégée), tableau 7, vol. 2.1.

[63].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 300-301, 308-309.

[64].    Ibid. à la p. 311.

[65].    Ibid. à la p. 307.

[66].    Certains fils ronds en acier inoxydable (22 mars 2005) (TCCE).

[67].    Ibid. au par. 74.

[68].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 347-348, 388-389; Transcription de l’audience publique, vol. 4, 30 juillet 2015, aux pp. 438, 491, 497-498.

[69].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 351, 393; pièce PB-2014-001-F-06 (protégée) au par. 20, vol. 10B.

[70].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 351-352, 379-382.

[71].    Ibid. aux pp. 345-346, 356-357, 383-386.

[72].    Transcription de l’audience à huis clos, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 130-131.

[73].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 331-332.

[74].    Ibid. aux pp. 250-251, 280-281.

[75].    Ibid. aux pp. 199-200, 244-245; Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 355-356, 394.

[76].    Transcription de l’audience publique, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 380-387, 390-391.

[77].    Ibid. aux pp. 396-402, 416-417.

[78].    Transcription de l’audience publique, vol. 4, 30 juillet 2015, aux pp. 430-431; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 4, 30 juillet 2015, aux pp. 231-235.

[79].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 218-219.

[80].    Pièce PB-2014-001-RI-31A (protégée) à la p. 4, vol. 12; pièce PB-2014-001-RI-34A (protégée) à la p. 4, vol. 12.

[81].    Pièce PB-2014-001-13 (protégée), annexe 40, vol. 2.1; pièce PB-2014-001-RI-31A (protégée), vol. 12; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 71-72.

[82].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 241-242; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 61-62; pièce PB-2014-001-48.01 aux par. 22-24, vol. 15.

[83].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 231-232; pièce PB-2014-001-J-07 au par. 6, vol. 7.

[84].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 324-325.

[85].    Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 127-128.

[86].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 204-205, 312.

[87].    Transcription de l’audience publique, vol. 5, 31 juillet 2015, aux pp. 575-576.

[88].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, à la p. 212.

[89].    Ibid. à la p. 197.

[90].    Ibid. aux pp. 324-325.

[91].    Ibid. aux pp. 231-232, 254.

[92].    Pièce PB-2014-001- 44.02 au par. 46, vol. 15.

[93].    Pièce PB-2014-001-12C, tableau 18, vol. 1.1, qui indique l’effet hebdomadaire d’une hausse de 10 p. 100 des coûts des armatures sur divers types de logements. L’effet hebdomadaire se chiffre entre 0,14 $ et 1,81 $ par semaine pour le consommateur selon les différents scénarios.

[94].    Pièce PB-2014-001-41.01, vol. 1D à la p. 82. Selon les prévisions de la SCHL, les mises en chantier de logements en copropriété se chiffreront entre 17 400 et 19 700 en 2015.

[95].    Pièce PB-2014-001-41.01, vol. 1D à la p. 82. La valeur totale du segment des nouveaux logements en copropriété du marché immobilier de la Colombie-Britannique est calculée d’après le prix moyen enregistré par le Multiple Listing Service au regard du marché de la revente. En l’absence d’information contraire, le Tribunal estime qu’il s’agit d’un prix représentatif.

[96].    Transcription de l’audience publique, vol. 1, 27 juillet 2015, à la p. 126.

[97].    Ibid. aux pp. 32-33, 37-39.

[98].    Ibid. aux pp. 32, 37; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 164, 177; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 1, 27 juillet 2015, aux pp. 44-46.

[99].    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, à la p. 177.

[100]. Pièce PB-2014-001-RI-01, vol. 11.

[101]. Transcription de l’audience à huis clos, vol. 1, 27 juillet 2015, aux pp. 32-35.

[102]. Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 274-275; pièce PB-2014-001-J-04A (protégée) au par. 23, vol. 8; pièce PB-2014-001-19.04 (protégée), vol. 4 aux pp. 150, 163.

[103]. Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, à la p. 274; pièce PB-2014-001-J-03A au par. 23, vol. 7; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 3, 29 juillet 2015, aux pp. 117-120.

[104]. D’après la moyenne des prix indiqués dans les témoignages publics et le supplément au rapport d’enquête. Transcription de l’audience publique, vol. 5, 31 juillet 2015, aux pp. 419-420; pièce PB-2014-001-12C, tableau 7, vol. 1.1. Cette estimation concorde avec d’autres éléments de preuve contenus dans le dossier confidentiel.

[105]. Transcription de l’audience publique, vol. 1, 27 juillet 2015, aux pp. 20, 31.

[106]. Pièce PB-2014-001-E-12 (protégée), vol. 10A; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 274-275; pièce PB-2014-001-J-04A (protégée) au par. 23, vol. 8.

[107]. Transcription de l’audience publique, vol. 1, 27 juillet 2015, aux pp. 23, 46, 51-53, 60, 78, 95, 156; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 28 juillet 2015, aux pp. 30-31, 35-37.

[108]. Enquête no NQ-2014-001 au par. 140; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 1, 28 juillet 2015, aux pp. 64-67, vol. 2, 29 juillet 2015, aux pp. 156, 202-204; pièce PB-2014-001-13 (protégée), annexes 19, 20, 27, vol. 2.1.

[109]. Pièce PB-2014-001-13 (protégée), annexes 19, 20, 27, vol. 2.1.

[110]. Pièce PB-2014-001-44.02 au par. 6, vol. 15.

[111]. Mémorandum D14-1-8 au par. 7, à l’adresse suivante : http://www.cbsa-asfc.gc.ca/publications/dm-md/d14/d14-1-8-fra.html.

[112]. Pièce PB-2014-001-06.04A, vol. 1C aux pp. 104-105.

[113]. L.C. 1997, ch. 36.

[114]. Pièce PB-2014-001-46.02 au par. 138, vol. 15.

[115]. Ibid. au par. 139.

[116]. Ibid. au par. 147.