TUBES DE CANALISATION EN ACIER AU CARBONE ET EN ACIER ALLIÉ

TUBES DE CANALISATION EN ACIER AU CARBONE ET EN ACIER ALLIÉ
Enquête no NQ-2015-002

Ordonnance rendue
le vendredi 22 janvier 2016

Motifs rendus
le jeudi 28 janvier 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête, aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant le dumping et le subventionnement de tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié originaires ou exportés de la République populaire de Chine;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par Bri-Steel Manufacturing le 21 décembre 2015, aux termes du paragraphe 24(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, en vue d’obtenir une ordonnance prescrivant que certaines marchandises importées par Bri‑Steel Manufacturing ne sont pas des marchandises visées par l’enquête.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette par la présente la requête.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

L’exposé des motifs sera publié à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

VUE D’ENSEMBLE

  1. Le 21 décembre 2015, Bri-Steel Manufacturing (Bri-Steel) a déposé un avis de requête auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 24(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[1], en vue d’obtenir une ordonnance prescrivant que certaines marchandises importées par Bri-Steel ne sont pas des marchandises visées par la présente enquête menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[2]. Les motifs de l’ordonnance du Tribunal rejetant cette requête sont présentés ci-après.

CONTEXTE

  1. Le 28 août 2015, à la suite d’une plainte déposée par Evraz Inc. NA Canada (Evraz) ainsi que Tenaris Global Services (Canada) Inc., Algoma Tubes Inc. et Prudential Steel ULC (collectivement Tenaris Canada), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert des enquêtes sur les présumés dumping et subventionnement dommageables de certains tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié originaires ou exportés de la République populaire de Chine (les marchandises en question).
  2. Le 31 août 2015, le Tribunal a émis un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage[3]. Bri‑Steel, un producteur national de tubes de canalisation, a déposé des observations pour s’opposer à la plainte.
  3. Le 27 octobre 2015, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal a rendu une décision provisoire selon laquelle les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question, exception faite de certaines marchandises à l’égard desquelles l’enquête préliminaire avait été close, avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale[4]. Dans les motifs de sa décision provisoire, le Tribunal fait référence à des éléments de preuve voulant que Bri-Steel soit liée à un producteur chinois de marchandises en question et qu’elle importe des marchandises en question, et souligne qu’il faudrait examiner attentivement cette question dans le cadre d’une enquête définitive, celle-ci étant elle-même liée au statut de Bri-Steel au sein de la branche de production nationale[5].
  4. Le 26 novembre 2015, l’ASFC a informé le Tribunal de ses décisions provisoires concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en question, qui sont définies comme suit[6] :

tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, originaires ou exportés de la République populaire de Chine, soudés ou sans soudure, d’un diamètre extérieur de 2,375 pouces (60,3 mm) jusqu’à et y compris 24 pouces (609,6 mm), y compris les tubes de canalisation conformes ou appelés à se conformer à l’une ou plusieurs des normes API 5L, CSA Z245.1, ISO 3183, ASTM A333, ASTM A106, ASTM A53-B ou aux normes équivalentes, de toutes les nuances, qu’ils respectent ou non les normes d’autres utilisations ultimes (p. ex. une seule, deux ou plusieurs attestations, tubes de canalisation de pétrole et de gaz, tubes pour pilotis ou autres applications), peu importe la finition des extrémités (extrémités lisses, biseautées, filetées ou filetées et manchonnées), le traitement de la surface (recouvert ou non), l’épaisseur de la paroi ou la longueur, à l’exception des tubes de canalisation galvanisés et à l’exception des tubes de canalisation en acier inoxydable (contenant 10,5 pour cent ou plus d’équivalent en poids de chrome), à l’exception des marchandises faisant l’objet des conclusions rendues par le Tribunal dans le cadre de l’enquête nº NQ-2012-002 et des marchandises faisant l’objet de l’ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration nº RR-2012-003.

  1. Pour une plus grande certitude, la définition du produit comprend ce qui suit :[7]

a) les tubes de canalisation bruts (y compris les tubes qui ont déjà été mis à l’essai, inspectés et/ou certifiés comme répondant à une norme de tube de canalisation ou non), originaires de la Chine et importés pour servir dans la fabrication ou la finition de tubes de canalisation qui respectent une norme définitive, y compris le diamètre externe, la nuance, l’épaisseur de la paroi, la longueur, la finition des extrémités, ou le traitement de la surface;

b) les tubes secondaires (« produits à service limité »).

[Nos italiques]

  1. Le 27 novembre 2015, le Tribunal a ouvert la présente enquête de dommage, aux termes de l’article 42 de la LMSI, afin de déterminer si le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.
  2. Tel que mentionné précédemment, Bri-Steel a déposé son avis de requête le 21 décembre 2015, à l’étape de la procédure consacrée à l’enquête.
  3. Le 23 décembre 2015, aux termes du paragraphe 24(3) des Règles, le Tribunal a fait parvenir la requête de Bri-Steel aux parties et conseillers juridiques inscrits au dossier.
  4. Le 5 janvier 2016, le Tribunal a écrit à l’ASFC pour lui demander son avis sur la requête de Bri‑Steel. En particulier, le Tribunal souhaitait que l’ASFC se prononce sur deux points : i) la question de savoir si certaines marchandises importées par Bri-Steel sont visées par la définition du produit fournie par l’ASFC; ii) le moment à partir duquel, au cours du procédé de fabrication, les intrants ou les matériaux sont considérés comme des « tubes de canalisation bruts ».
  5. Le Tribunal a reçu les observations des parties s’opposant à la requête le 7 janvier 2016, dans le cas d’Evraz, et le 8 janvier 2016, dans le cas de Tenaris Canada, d’Atlas Tube Canada ULC (Atlas) et de DFI Corporation (DFI).
  6. Bri-Steel a déposé ses observations en réponse le 13 janvier 2016.
  7. Le 21 janvier 2016, le Tribunal a reçu la réponse de l’ASFC indiquant que les marchandises importées par Bri-Steel, telles qu’elles sont décrites dans la requête, sont visées par la définition des marchandises en question et qu’il s’agit de « tubes de canalisation bruts ».

POSITION DES PARTIES

Bri-Steel

  1. Bri-Steel dit importer des tubes-ébauches sans soudure utilisés comme intrants dans la fabrication de tubes de canalisation bruts et finis, et que ces tubes-ébauches ne sont pas visés par la définition des marchandises en question. En particulier, Bri-Steel s’appuie sur la déclaration écrite sous serment de M. Neil Rasmussen, président de Bri-Steel[8], pour faire valoir qu’un tube-ébauche est un matériau intermédiaire obtenu à une étape de production antérieure à la fabrication d’un tube de canalisation brut. Selon M. Rasmussen, ce n’est que lorsque le tube-ébauche a été chauffé pour être étiré et réduit ou agrandi qu’il devient un tube de canalisation brut, lequel sera ensuite soumis aux procédés de finition dont il est question dans l’exposé des motifs des décisions provisoires de l’ASFC[9].
  2. Bri-Steel soutient que le terme « tube de canalisation brut » employé dans la définition du produit est ambigu et doit être interprété conjointement avec l’exposé des motifs de l’ASFC, qui contient plus de renseignements sur les étapes au terme desquelles un « tube de canalisation brut » devient un « tube de canalisation ». Selon Bri-Steel, si l’ASFC a compétence exclusive pour définir les marchandises en question, le Tribunal a bel et bien compétence pour déterminer la portée de la définition des marchandises en question, en particulier en cas d’ambiguïté, puisqu’il s’agit d’une question fondamentale pour l’enquête de dommage.
  3. En outre, Bri-Steel affirme que dans l’éventualité où le Tribunal conclurait que ses tubes-ébauches importés sont visés par la définition des marchandises en question, alors tous les types de tubes-ébauches importés de tous les autres pays pouvant servir à produire des tubes de canalisation, y compris les tubes‑ébauches importés par les producteurs nationaux, devront être pris en considération par le Tribunal dans son analyse du volume des importations en provenance de pays non visés.

Evraz et Tenaris Canada

  1. Evraz et Tenaris Canada ont toutes deux fait valoir que la requête de Bri-Steel doit être rejetée. Selon elles, Bri-Steel aurait dû formuler sa requête à titre de demande d’exclusion de produits, plutôt que de déposer ce qui constitue essentiellement une requête en vue d’obtenir du Tribunal une décision concernant l’assujettissement. Evraz et Tenaris Canada soutiennent qu’il serait plus approprié de la part de Bri-Steel d’avoir recours à la procédure d’exclusion de produits, étant donné qu’elle serait alors tenue de fournir des renseignements plus précis, notamment une description détaillée des éléments distinctifs du produit pour lequel elle demande une exclusion, de la documentation sur le produit ainsi que des renseignements sur les caractéristiques du produit, les dimensions, les grades de qualité, les segments de marché, les utilisations finales, la composition et les propriétés chimiques.
  2. Selon Evraz et Tenaris Canada, dans sa déclaration sous serment, M. Rasmussen ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombe, car il n’a fourni qu’une description vague de certaines des caractéristiques du produit et a passé sous silence certaines autres. Evraz et Tenaris Canada font valoir que, faute de renseignements détaillés concernant le produit visé par la requête de Bri-Steel, elles ne peuvent ni évaluer la demande ni fournir d’éléments de preuve en réponse. Tenaris Canada mentionne par exemple des renseignements supplémentaires qui ont été déposés auprès de l’ASFC concernant les importations de Bri‑Steel, mais qui ne figurent pas au dossier du Tribunal[10].
  3. Evraz et Tenaris Canada allèguent en outre que l’ASFC a compétence exclusive pour définir les marchandises en question et que le Tribunal doit fonder ses décisions provisoires sur les définitions énoncées par l’ASFC. De plus, Evraz et Tenaris Canada font valoir que l’ASFC a compétence exclusive pour rendre des décisions en matière d’assujettissement (c’est-à-dire des décisions relatives à l’exécution d’ordonnances ou de décisions rendues aux termes de l’article 43 de la LMSI) jusqu’à ce qu’un importateur dépose un avis d’appel auprès du Tribunal, aux termes du paragraphe 61(1), et que le Tribunal ait ainsi compétence pour trancher des questions concernant l’assujettissement.
  4. En outre, Evraz fait valoir que les tubes-ébauches importés par Bri-Steel sont visés par la définition des marchandises en question. En particulier, Evraz soutient que si le terme « tubes de canalisation brut » s’entendait uniquement des tubes fabriqués ne nécessitant plus qu’une « finition » (comme le prétend Bri‑Steel), alors la mention « pour servir dans la fabrication ou la finition » serait redondante dans la définition des marchandises en question. Selon Evraz, cette interprétation constituerait une modification de la définition de l’ASFC et serait faite en violation de la compétence du Tribunal en l’espèce.

Atlas et DFI

  1. Atlas et DFI appuient la position d’Evraz concernant la requête de Bri-Steel et font valoir, comme Evraz, qu’elle est prématurée et que Bri-Steel aurait plutôt dû présentée une demande d’exclusion de produits. Plus particulièrement, Atlas soutient que 1) les tubes « appelés à se conformer » à une des normes techniques énumérées et que 2) les « tubes de canalisation bruts » auxquels il est fait référence dans la définition du produit comprennent tous les tubes intermédiaires, de toute forme ou en état préalable à la finition, importés pour être soumis à un traitement ultérieur qui en fera un tube de canalisation, peu importe les différences dans les méthodes de traitement ultérieur.

Réponse de Bri-Steel

  1. En réponse, Bri-Steel fait valoir que sa requête ne peut être assimilée à une demande d’exclusion « irrégulière », étant donné qu’aucune exclusion de produits ne peut être accordée dans le cas de marchandises ne faisant pas partie des marchandises en question. Bri-Steel soutient que la Ligne directrice sur les demandes d’exclusion de produits du Tribunal n’établit pas les paramètres des requêtes déposées aux termes du paragraphe 24(1) des Règles. Bri-Steel allègue en outre que les procédures d’appel en matière d’assujettissement prévues aux articles 56 à 61 de la LMSI ne s’appliquent pas, étant donné que le Tribunal n’a pas encore rendu de conclusions concernant le dommage ou la menace de dommage et, donc, qu’il n’y a pas matière à appel à cette étape-ci. Selon elle, « l’assujettissement des tubes-ébauches est une question fondamentale qui doit être tranchée pour veiller à ce que la suite de l’analyse du Tribunal ne soit pas entachée d’irrégularité de manière irréversible »[11] [traduction].
  2. Contrairement à ce qu’allèguent les parties qui s’opposent à la requête, Bri-Steel estime que les renseignements qu’elle a fournis concernant les tubes-ébauches qu’elle importe suffisent à démontrer hors de tout doute qu’il s’agit de matériaux servant à la fabrication de tubes de canalisation sans soudure. Selon elle, si l’interprétation que fait Evraz du terme « tube de canalisation brut » est correcte, cela voudrait dire que tout matériau devant « servir dans la fabrication » de tubes de canalisation serait de fait un tube de canalisation brut, ce qui élargirait grandement la portée de la définition des marchandises en question dans le cadre de la présente enquête de dommage.
  3. Enfin, Bri-Steel demande au Tribunal de retirer du dossier une pièce confidentielle que Tenaris Canada a jointe à ses observations en réponse à la requête[12]. Bri-Steel soutient que cette pièce n’est appuyée par aucun témoignage sous serment et que, par conséquent, le conseiller juridique de Tenaris Canada l’a indûment présentée comme preuve.

ANALYSE

  1. Il est bien établi que le Tribunal, dans le cadre d’une enquête de dommage menée aux termes de l’article 42 de la LMSI, doit se fonder sur la définition des marchandises en question fournie par l’ASFC[13].
  2. Lorsque le Tribunal éprouve de la difficulté à déterminer la portée exacte de la définition des marchandises auxquelles les décisions provisoires de l’ASFC s’appliquent, ou lorsqu’il est d’avis que la définition du produit fournie par l’ASFC concernant des marchandises en question est ambiguë, le Tribunal peut en faire une interprétation ou demander des éclaircissements quant au sens à donner à certains termes retenus dans la définition, pour autant que cela ne revienne pas à redéfinir les marchandises en question[14].
  3. En l’espèce, une lecture simple de la définition du produit donne à penser que le terme « tube de canalisation brut » a un sens général, car il englobe les marchandises importées « pour servir dans la fabrication ou la finition de tubes de canalisation qui respectent une norme définitive » [nos italiques]. Il englobe aussi les « tubes qui ont déjà été mis à l’essai, inspectés et/ou certifiés comme répondant à une norme de tube de canalisation ». Par conséquent, la définition n’englobe pas seulement les tubes de canalisation bruts ne nécessitant plus qu’une finition, laquelle, selon l’exposé des motifs des décisions provisoires de l’ASFC, comprend le biseautage, le refroidissement, le lissage, le surfaçage, la mise à l’essai, l’enduction et l’empaquetage, et peut comprendre le filetage et le couplage[15]. L’inclusion du terme « pour servir dans la fabrication » donne à penser que, par « tube de canalisation brut », on entend aussi les tubes servant d’intrants, qui sont à une étape moins avancée du procédé de fabrication de tubes de canalisation.
  4. En réponse à l’allégation de Bri-Steel voulant que ses tubes-ébauches importés sont des matériaux non visés par la définition des marchandises en question, le Tribunal a écrit à l’ASFC pour lui demander de préciser à qu’elle étape du procédé de fabrication un matériau ou un intrant tubulaire devient un « tube de canalisation brut » et de se prononcer sur la question de savoir si les marchandises importées par Bri-Steel sont visées par la définition des marchandises en question.
  5. L’ASFC a fourni la réponse suivante[16] :

Selon l’ASFC, les marchandises importées par Bri-Steel, telles qu’elles sont décrites dans la requête déposée par Bri-Steel auprès du TCCE, sont visées par la définition du produit retenue dans l’enquête no NQ-2015-002. Plus précisément, ces marchandises sont des tubes de canalisation bruts.

Les principaux matériaux que Bri-Steel importe sont des billettes d’acier. De l’avis de l’ASFC, les billettes d’acier deviennent des tubes de canalisation bruts au terme de la première étape du procédé de fabrication de tubes de canalisation finis. Bri-Steel mentionne dans sa requête que les marchandises qu’elle importe sont des billettes qui, au cours de la première étape du procédé de fabrication de tubes de canalisation finis, sont évidées. À ce titre, l’ASFC considère que les marchandises que Bri-Steel importe sont des tubes de canalisation bruts.

[Traduction]

  1. Tel que mentionné ci-dessus, la réponse de l’ASFC repose sur les renseignements fournis dans la requête déposée par Bri-Steel. Selon le Tribunal, l’opinion formulée par l’ASFC est utile pour éclaircir la portée de la définition du produit, telle qu’elle est énoncée dans les décisions provisoires de l’ASFC. Du reste, le Tribunal est d’avis que l’ASFC a fourni une explication raisonnable qui concorde avec une simple lecture de la définition du produit.
  2. À la lumière des éclaircissements fournis par l’ASFC, et après examen indépendant des éléments de preuve versés au dossier, le Tribunal est convaincu que les tubes-ébauches importés par Bri-Steel sont visés par la définition du produit. Le Tribunal ne voit aucune raison de déroger à cette opinion à cette étape-ci de la procédure.
  3. Par ailleurs, les autres producteurs nationaux connus, Tenaris Canada et Evraz, ont confirmé ne pas utiliser de tubes importés (que ce soit en provenance d’entreprises affiliées ou non affiliées, ou d’autres sources) dans la fabrication de tubes de canalisation au Canada[17]. Ainsi, outre ceux importés par Bri‑Steel, aucune importation d’intrants tubulaires ne semble être omise dans le dossier du Tribunal.
  4. Quant à la question de savoir, dans l’éventualité où les conclusions du Tribunal seraient positives, si les opinions exprimées par l’ASFC résisteraient à l’examen approfondi d’un appel en matière d’assujettissement interjeté aux termes de l’article 61 de la LMSI, le Tribunal ne saurait le dire dans le cadre de la présente enquête. Tel que mentionné ci-dessus, l’ASFC a compétence exclusive pour déterminer si, au moment de l’importation, les marchandises sont visées par les conclusions ou les ordonnances du Tribunal en vertu de la LMSI. L’importateur souhaitant contester la manière dont l’ASFC applique les droits antidumping ou compensateurs au moment de l’importation doit suivre la procédure d’appel prévue aux articles 56 à 61.
  5. En déposant sa requête, Bri-Steel demande ni plus ni moins au Tribunal de procéder sommairement à l’instruction d’un appel en matière d’assujettissement, dès le début de l’enquête, même si l’ASFC a compétence exclusive pour définir la portée de la définition des marchandises en question aux fins de l’enquête de dommage, et en dépit du fait que l’ASFC estime que les marchandises importées par Bri‑Steel sont visées par la définition des marchandises en question[18].
  6. Dans le cadre de la présente enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI, le Tribunal serait malvenu de procéder, de la manière proposée, à ce qui revient à un examen en matière d’assujettissement. Une telle démarche demanderait nécessairement l’entière participation de l’ASFC, et peut-être d’autres parties à titre d’intervenants, et il faudrait prévoir une audience au cours de laquelle le Tribunal pourrait examiner les éléments de preuve. Une telle procédure outrepasserait la compétence du Tribunal dans le cadre de la présente enquête, en plus d’imposer un important fardeau additionnel à toutes les parties en plein déroulement d’une enquête approfondie qui doit respecter de stricts délais prescrits par la loi. Outre les préoccupations en matière d’équité procédurale qu’elle soulèverait à l’égard de toutes les parties, une telle démarche détournerait inutilement l’attention de l’objet même de l’enquête de dommage.
  7. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal rejette la requête.
  8. En outre, le Tribunal refuse de retirer du dossier une pièce confidentielle que Tenaris Canada a jointe à ses observations en réponse à la requête, et rejette donc la demande de Bri-Steel en ce sens. Dans le cadre des enquêtes de dommage menées aux termes de l’article 42 de la LMSI, selon la pratique de longue date du Tribunal, les éléments de preuve sont admis de manière libérale, sous réserve qu’ils soient soumis aux vérifications des parties qui s’opposent à la requête, et il revient au Tribunal de décider de la pertinence des éléments de preuve qui lui ont été présentés et du poids qu’il convient de leur accorder. Le Tribunal ne voit aucune raison de déroger à cette pratique en l’espèce.

ORDONNANCE

  1. La requête est rejetée.
 

[1].      D.O.R.S./91-499 [Règles].

[2].      R.S.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[3].      Gaz. C. 2015.I.2290.

[4].      Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié (27 octobre 2015), PI-2015-002 (TCCE).

[5].      Ibid. aux par. 69-70.

[6].      Pièce NQ-2015-002-01, vol. 1 à la p. 11.

[7].      Telle qu’énoncée dans l’exposé des motifs des décisions provisoires de l’ASFC. Pièce NQ-2015-002-01A, vol. 1 à la p. 29; pièce PI-2015-002-05, vol. 1Z à la p. 54.

[8].      Pièce NQ-2015-002-27 (protégée), vol. 2 à la p. 37.

[9].      Ibid.; pièce NQ-2015-002-01A, vol. 1 à la p. 32.

[10].    Pièce NQ-2015-002-039, vol. 1C à la p. 65.

[11].    Pièce NQ-2015-002-43, vol. 1C à la p. 91.

[12].    Pièce NQ-2015-002-40 (protégée), vol. 2.

[13].    Dans Canada (Deputy Minister of National Revenue, Customs and Excise – M.N.R.) v. General Electric Canada Inc., [1994] F.C.J. no 847 (F.C.A.), au par. 9, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit : « Il est avéré que seul l’appelant a compétence pour définir les « marchandises » aux fins de l’enquête que peut entreprendre le TCCE pour décider s’il y a effectivement préjudice ». Mitsui and Co. v. Buchanan [1972] F.C. 944; Sarco Canada Limited c. Tribunal antidumping, [1979] 1 C. F. 247; Japan Electrical Manufacturers Association c. Tribunal antidumping, [1982] 2 C. F. 816.

[14].    DeVilbiss (Canada) Ltd. c. Canada (Le Tribunal antidumping), [1983] 1 C.F. 706; Joints de tubes courts (10 avril 2012), NQ-2011-001 (TCCE) au par. 69; Bicyclettes et cadres de bicyclettes, ordonnance de procédure (3 juillet 1997), RR-97-003 (TCCE).

[15].    Pièce NQ-2015-002-01A, vol. 1 à la p. 32.

[16].    Pièce NQ-2015-002-50, vol. 1C à la p. 139.

[17].    Pièce NQ-2015-002-24.02, vol. 1A à la p. 57; pièce NQ-2015-002-24.03, vol. 1A à la p. 62.

[18].    Le Tribunal souligne que les opinions exprimées par l’ASFC concernant les importations de Bri-Steel cadrent avec le point de vue qu’elle a exprimé à l’étape préliminaire des enquêtes. Pièce PI-2015-002-03.02, vol. 2D (protégée) à la p. 13; pièce PI-2015-002-03.02, vol. 1Z à la p. 59; pièce NQ-2015-002-02, vol. 2 (protégée) à la p. 2.