BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON

BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON
Enquête préliminaire de dommage no PI-2016-002

Décision rendue
le mercredi 19 octobre 2016

Motifs rendus
le jeudi 3 novembre 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant des :

BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE DU BÉLARUS, DU TAIPEI CHINOIS, DE LA RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG KONG DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE PORTUGAISE ET DU ROYAUME D’ESPAGNE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping dommageable de barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et les produits de barres d’armature fabriqués, originaires ou exportées de la République du Bélarus, du Taipei chinois, de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, du Japon, de la République portugaise et du Royaume d’Espagne, a causé un dommage ou un retard, ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Sont aussi exclues les armatures d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs allant de 1 pied (30.48 cm) jusqu’à 8 pieds (243.84 cm), inclusivement.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 19 août 2016, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant
Ann Penner, membre
Rose Ritcey, membre

Conseiller juridique pour le Tribunal : Laura Little

Analyste principal : Gayatri Shankarraman

Analystes : Rebecca Campbell
Grant MacDougall

Agent du greffe : Bianca Zamor

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

AltaSteel Ltd.

Benjamin P. Bedard
Linden Dales
Shannel J. Rajan

Ambassade d’Espagne

Miguel A. Feito-Hernandez

Ambassade du Bélarus au Canada

Dmitry Basik

ArcelorMittal Long Products Canada, g.p.

Paul D. Conlin
Drew Tyler
Catherine Walsh

Celsa Atlantic, S.L.

Vincent Routhier
Gabrielle Dumas-Aubin

Délégation de l’Union européenne au Canada

Karen Eva Abrahamsen

Gerdau Ameristeel Corporation

Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Christopher R.N. McLeod
Andrew Lanouette
Hugh Seong Seok Lee
Michael Milne
Susana May Yon Lee
Cynthia C. Wallace

MEGASA

Vincent DeRose
Daniel Hohnstein
Jennifer Radford
Greg Tereposky

Ministère du Commerce international, gouvernement de la Colombie-Britannique

Jeffrey Thomas

Nervacero, S.A.

Vincent Routhier
Gabrielle Dumas-Aubin

Région administrative spéciale de Hong Kong

Janice Lau

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le 30 juin 2016, ArcelorMittal Long Products Canada, g.p. (ArcelorMittal), Gerdau Ameristeel Corporation (Gerdau) et AltaSteel Ltd. (AltaSteel) (collectivement, les parties plaignantes) ont déposé une plainte auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) selon laquelle le présumé dumping de barres d’armature pour béton (les marchandises en question) originaires ou exportées de la République du Bélarus (Bélarus), du Taipei chinois, de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine (Hong Kong), du Japon, de la République portugaise (Portugal) et du Royaume d’Espagne (Espagne) a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.
  2. Le 19 août 2016, le président de l’ASFC a ouvert une enquête en réponse à la plainte.
  3. Par conséquent, le 22 août 2016, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a ouvert une enquête préliminaire de dommage[1].
  4. Les parties qui s’opposent à la plainte sont la Délégation de l’Union européenne au Canada (la Délégation de l’UE), l’ambassade d’Espagne, le gouvernement de Hong Kong[2], Celsa Atlantic, S.L. (Celsa), Nervacero, S.A. (Nervacero) et MEGASA[3].
  5. Le 19 octobre 2016, conformément au paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[4], le Tribunal a déterminé que des éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. Les motifs de la décision du Tribunal sont exposés ci-après.

DÉFINITION DU PRODUIT

  1. Les marchandises en question sont souvent appelées « barres d’armature » et correspondent à la définition détaillée ci-dessous aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage :

    Barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et les produits de barres d’armature fabriqués, originaires ou exportées de la République du Bélarus, du Taipei chinois, de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, du Japon, de la République portugaise et du Royaume d’Espagne. Sont aussi exclues les barres d’armature d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs allant de 1 pied (30,48 cm) jusqu’à 8 pieds (243,84 cm), inclusivement[5].

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR UNE ENQUÊTE

  1. Dans sa décision d’ouvrir une enquête, l’ASFC a déterminé que des éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et indiquaient également, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale.
  2. À la lumière de données s’échelonnant du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, l’ASFC a estimé que les marges de dumping et les volumes de marchandises sous-évaluées étaient les suivants pour chacun des pays visés[6] :

    Pays

    Marge de dumping
    (pourcentage du prix à l’exportation)

    Volume des importations sous‑évaluées
    (pourcentage du total des importations)

    Bélarus

    46,6

    9,5

    Taipei chinois

    11,6

    10,4

    Hong Kong

    31,2

    4,5

    Japon

    35,4

    3,7

    Portugal

    13,8

    18,9

    Espagne

    12,8

    11,3

    Autres pays

    -

    41,7

    Total

    -

    100

QUESTION DE PROCÉDURE

  1. La Délégation de l’UE a invoqué une question de procédure, à savoir que la version non confidentielle de la plainte « ne permet pas une compréhension raisonnable du fond de la plainte et ne permet pas aux parties intéressées d’exercer leur droit de défense »[7] [traduction] conformément aux normes prévues à l’article 6.5.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994[8] de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’ambassade d’Espagne, Celsa et Nervacero ont appuyé cette position. Par conséquent, la Délégation de l’UE et l’ambassade d’Espagne ont toutes deux demandé des résumés non confidentiels des renseignements confidentiels déposés avec la plainte, y compris les volumes des importations et leur prix par rapport aux marchandises similaires et le rendement de la branche de production nationale.
  2. En réponse, ArcelorMittal et AltaSteel ont fait valoir que l’ASFC était chargée de déterminer si la plainte répondait aux exigences juridiques permettant d’ouvrir une enquête, et qu’elle avait déterminé que la plainte répondait de fait à ces exigences. Selon elles, l’enquête préliminaire de dommage du Tribunal ne constitue pas le cadre approprié où remettre en question la décision de l’ASFC sur cette question.
  3. De plus, selon ArcelorMittal et AltaSteel, la nature des présentes est telle que les parties sont généralement tenues de fournir des renseignements de nature confidentielle (c’est-à-dire des renseignements commerciaux de nature délicate) qui ne peuvent être versés au dossier non confidentiel. Elles ont fait valoir qu’en l’espèce les parties qui s’opposent à la plainte ont eu la possibilité juste et raisonnable de répondre au contenu de la plainte, y compris aux résumés non confidentiels des pièces confidentielles jointes à la plainte. Le Tribunal est du même avis.
  4. L’allégation des parties qui s’opposent à la plainte selon laquelle les résumés non confidentiels des renseignements confidentiels déposés avec la plainte comportent des lacunes se rapporte au dossier administratif de l’ASFC, lequel a été transmis au Tribunal aux fins de son enquête préliminaire de dommage. Par conséquent, il s’agit d’une question liée au traitement qu’a fait l’ASFC de renseignements confidentiels, y compris des résumés non confidentiels de ces renseignements, fournis par les parties à l’enquête. L’enquête préliminaire de dommage du Tribunal n’est donc pas le cadre approprié pour répondre à ces préoccupations.

OBSERVATIONS SUR LE DOMMAGE ET LA MENACE DE DOMMAGE

Parties plaignantes

  1. Les parties plaignantes font valoir que le dumping des marchandises en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Selon elles, depuis l’entrée en vigueur des conclusions de menace de dommage du Tribunal dans l’enquête no NQ‑2014‑001[9] en janvier 2015 et l’imposition subséquente de droits sur les barres d’armature sous-évaluées ou subventionnées originaires de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de la République turque, les importateurs canadiens de barres d’armature s’approvisionnent de façon croissante dans les pays visés. Elles ont déposé des éléments de preuve appuyant leurs allégations de hausse des volumes des importations de marchandises en question, de sous-cotation des prix, de baisse des prix, de compression des prix, de perte de ventes, de perte de part de marché, de pertes nettes, de réduction de la production, de faibles taux d’utilisation de la capacité de production et de fermetures non planifiées d’aciéries.
  2. Les parties plaignantes font également valoir que le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage à la branche de production nationale étant donné les facteurs suivants :
    • la morosité des perspectives économiques mondiales et la surcapacité importante des marchés internationaux de l’acier et des barres d’armature;
    • la combinaison d’une importante capacité de production excédentaire et d’une faible demande dans les pays visés, laquelle incite les producteurs étrangers à se tourner vers les marchés d’exportation;
    • l’accent mis sur les exportations au Canada par les producteurs étrangers des pays visés, étant donné les prix élevés et la forte demande sur le marché canadien comparativement à d’autres marchés d’exportation potentiels;
    • le fort taux de croissance du volume de marchandises en question à bas prix entrant sur le marché canadien;
    • la tendance manifeste des pays visés à sous-évaluer les produits d’acier;
    • l’importance des marges de dumping estimées pour chacun des pays visés.

Parties qui s’opposent à la plainte

  1. Selon les parties qui s’opposent à la plainte, les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping présumé des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Elles font aussi valoir que tout dommage que pourrait avoir subi les parties plaignantes est attribuable à d’autres facteurs que le dumping, par exemple l’importation de barres d’armature originaires d’autres pays que les pays visés, la contraction de la demande sur le marché intérieur, la baisse globale des importations en 2015, des problèmes liés à la qualité des marchandises similaires et aux services à la clientèle connexes, ainsi que le rendement à l’exportation de la branche de production nationale.

CADRE LÉGISLATIF

Indication raisonnable

  1. Le paragraphe 34(2) de la LMSI énonce le mandat du Tribunal en ce qui concerne les enquêtes préliminaires de dommage. Il prévoit que le Tribunal doit déterminer « si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage »[10] [nos italiques].
  2. Dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage, la norme de preuve requise, établie par l’expression « indiquent, de façon raisonnable », est moins élevée que celle qui s’applique lors d’une enquête définitive de dommage menée aux termes de l’article 42 de la LMSI[11]. L’expression « indiquent, de façon raisonnable » n’est pas définie dans la LMSI, mais elle signifie que les éléments de preuve n’ont pas à être « concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités »[12] [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations ne sont pas suffisantes et doivent s’appuyer sur des éléments de preuve pertinents[13]. De même, il ne faut pas présumer des conclusions du Tribunal dans l’enquête préliminaire de dommage[14].
  3. En particulier, le Tribunal a auparavant conclu que le critère selon lequel les éléments de preuve doivent indiquer, « de façon raisonnable », qu’il y a eu dommage ou retard est rempli lorsque[15] :
    • le présumé dommage ou la présumée menace de dommage est étayé par des éléments de preuve qui sont suffisants en ce sens qu’ils sont « pertinents, exacts et adéquats »;
    • en raison des éléments de preuve, l’allégation résiste à un « examen assez poussé », même si la théorie de la cause peut ne pas sembler convaincante ou incontestable.
  1. Afin de déterminer si le critère de l’indication raisonnable a été rempli aux fins de l’enquête préliminaire de dommage, le Tribunal doit s’appuyer sur les renseignements et éléments de preuve fournis dans la plainte, sur le dossier de l’ASFC et sur les observations des parties.
  2. La plainte doit être appuyée par des éléments de preuve positifs suffisants et pertinents, en ce sens qu’ils répondent aux exigences de la LMSI et concernent des facteurs pertinents selon le Règlement sur les mesures spéciales d’importation[16]. Ces éléments de preuve, cependant, seront dans la plupart des cas moins complets que les éléments de preuve rassemblés dans le cadre d’une enquête définitive de dommage et ne seront pas soumis à un examen aussi rigoureux. Ce n’est qu’à l’étape de l’enquête définitive de dommage que le Tribunal a l’occasion de recueillir des renseignements plus détaillés, de recevoir des observations sur l’ensemble des éléments de preuve versés au dossier et de vérifier ces éléments de preuve dans le cadre de la procédure d’audience.

Facteurs relatifs au dommage et à la menace de dommage

  1. Pour en arriver à sa décision provisoire, le Tribunal tient compte des facteurs concernant le dommage et la menace de dommage énoncés à l’article 37.1 du Règlement. Aux fins de l’analyse de dommage, ces facteurs comprennent les volumes des importations de marchandises sous-évaluées, l’effet de ces dernières sur le prix des marchandises similaires et leur incidence sur la situation économique de la branche de production nationale[17]. Si le Tribunal constate l’existence d’un dommage ou d’une menace de dommage, il doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage ou la menace de dommage. La norme à appliquer est celle de l’existence d’une indication raisonnable selon laquelle le dumping des marchandises en question a, en lui-même, causé un dommage[18]. De plus, aux termes de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit évaluer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dommage a été causé par des facteurs autres que le dumping et le subventionnement.
  2. Avant d’examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites par la branche de production nationale constituent des « marchandises similaires »[19] par rapport aux marchandises en question, en plus de circonscrire la branche de production nationale qui produit ces marchandises. Cette analyse doit être effectuée aux termes du paragraphe 2(1) de la LMSI, qui définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l’expression « branche de production nationale » comme « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ».

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

  1. L’affirmation des parties plaignantes[20] selon laquelle les barres d’armature produites au pays constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et voulant qu’il existe une seule catégorie de marchandise, comme l’avait déterminé le Tribunal dans l’enquête Barres d’armature NQ[21], n’a pas été remise en question en l’espèce.
  2. Par conséquent, le Tribunal considérera dans son analyse que les barres d’armature produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Le Tribunal analysera également les allégations de dommage et de menace de dommage en fonction d’une seule catégorie de marchandise.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

  1. Dans sa décision d’ouvrir une enquête, l’ASFC a établi que les parties plaignantes « produisent presque toutes les marchandises similaires au Canada » [traduction] et que le reste est produit par Max Aicher North America Ltd. (MANA)[22]. Les parties qui s’opposent à la plainte ne contestent pas ce fait.
  2. Après avoir examiné les volumes estimés de production en jeu, le Tribunal est convaincu, aux fins de l’enquête préliminaire de dommage, que la production des parties plaignantes constitue une proportion majeure de la production nationale de marchandises similaires. Par conséquent, le Tribunal évaluera si des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé à la production de marchandises similaires des parties plaignantes ou qu’il y a menace de dommage[23].

CUMULATION

  1. Dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit que le Tribunal doit évaluer les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises importées au Canada en provenance de plus d’un pays s’il est convaincu que certaines conditions sont remplies. En particulier, le Tribunal doit être convaincu à la fois 1) que la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas minimal et que le volume des importations n’est pas négligeable relativement aux importations de marchandises de chacun de ces pays et 2) que l’évaluation des effets cumulatifs est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises provenant d’un pays visés, les autres marchandises sous‑évaluées ou subventionnées et les marchandises similaires[24].
  2. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal considère généralement que, lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il n’évaluera pas les effets cumulatifs des marchandises en question dans une enquête préliminaire de dommage[25].
  3. Les parties plaignantes soutiennent que le Tribunal doit évaluer cumulativement les effets dommageables des marchandises sous-évaluées en provenance des pays visés. Même si les autres parties contestent les allégations selon lesquelles les marchandises en question, en particulier celles importées de l’Espagne et du Portugal, ont des effets dommageables, elles n’ont présenté aucun argument explicite en faveur du retrait de ces deux pays du calcul des effets cumulatifs aux fins de l’enquête de dommage du Tribunal.
  4. Comme l’ASFC a déterminé que les marges estimées de dumping et les volumes des importations sous-évaluées ne sont négligeables pour aucun des pays visés[26], le Tribunal considère que la première condition énoncée au paragraphe 42(3) de la LMSI est remplie.
  5. En ce qui concerne les conditions de concurrence[27], les éléments de preuve et les observations figurant au dossier indiquent que les barres d’armature sont un produit de base et que les marchandises en question et les marchandises similaires sont fongibles et substituables[28]. Selon la preuve et les observations, les marchandises en question et les marchandises similaires sont aussi en concurrence directe sur les mêmes marchés géographiques et utilisent les mêmes circuits de distribution[29]. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la deuxième condition est remplie et il considère qu’il est justifié d’évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question de toutes provenances aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage.
  6. Cependant, dans l’éventualité où aurait lieu une enquête définitive de dommage, le Tribunal prévoit examiner rigoureusement les éléments de preuve liés à la situation concurrentielle, en particulier pour déterminer si les marchandises en question provenant de tous les pays visés et les marchandises similaires sont bien présentes sur les mêmes marchés géographiques. Le Tribunal déterminera également si les marchandises en question et les marchandises similaires présentent des caractéristiques comparables sur les plans de la qualité et du prix aux fins de la concurrence, et si elles utilisent les mêmes circuits de distribution, en portant une attention particulière aux frais de transport.

ANALYSE DE DOMMAGE

  1. Le Tribunal examinera maintenant si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé à la branche de production nationale, ou qu’il existe une menace de dommage, en se fondant sur les facteurs énoncés à l’article 37.1 du Règlement.

Volume des importations des marchandises sous-évaluées

  1. Aux fins de son analyse, le Tribunal a pris en considération les estimations du volume des importations réalisées par les parties plaignantes[30] ainsi que les données sur les importations compilées par l’ASFC[31] pour la période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2016.
  2. Les deux ensembles de données indiquent que, pour la période de 2013 à 2015, il y a eu une augmentation marquée, en glissement annuel, du volume des importations des marchandises en question au Canada, et ce tant en quantité absolue que par rapport à la production et à la consommation nationale de marchandises similaires[32]. Selon les données sur les importations compilées par l’ASFC, les pays visés sont intervenus pour 0 p. 100, 4,7 p. 100 et 55,8 p. 100 dans les importations totales de barres d’armature en 2013, en 2014 et en 2015 respectivement[33]. Ainsi, en plus d’une hausse de leur volume en valeur absolue, les marchandises en question ont vu leur poids relatif augmenter au niveau des importations, ayant enregistré un gain supérieur à la part de marché perdue des pays visés dans l’enquête Barres d’armature NQ[34]. Les importations des pays non visés (y compris des États-Unis) ont pour leur part diminué ou à peine progressé au cours de la même période.
  3. Le volume des importations estimé des marchandises en question était également substantiel de janvier à mai 2016, et les hausses sont plus marquées d’un mois à l’autre. Cependant, le Tribunal considère que les données annuelles sont plus représentatives des importations réelles étant donné que les données trimestrielles ou mensuelles sont davantage exposées aux fluctuations saisonnières des livraisons de barres d’armature[35] et au décalage entre le moment où les commandes sont passées et celui de leur livraison[36].
  4. Selon l’analyse qui précède, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il y a eu une augmentation du volume des importations des marchandises en question, et ce tant en termes absolus qu’en termes relatifs.

Effets sur les prix des marchandises similaires

  1. Comme le Tribunal l’a fait remarquer ci-dessus, les parties plaignantes soutiennent que les marchandises en question ont mené à la sous-cotation, à la baisse et à la compression des prix des marchandises similaires. Le Tribunal estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour conclure, de façon raisonnable, à une sous-cotation et à une baisse des prix, mais pas à une compression des prix.

Sous‑cotation des prix

  1. Les estimations des prix moyens des parties plaignantes indiquent, de façon raisonnable, que les valeurs unitaires[37] des importations des marchandises en question ont entraîné, globalement, la sous‑cotation des prix de vente nationaux des marchandises similaires en 2014 et en 2015[38]. Au cours de la même période, les prix des marchandises en question étaient inférieurs aux prix des importations de marchandises similaires provenant de pays non visés et jouaient donc un rôle déterminant sur le marché canadien.
  2. De plus, les informations sur les prix appuyant les allégations particulières de dommage déposés avec la plainte étayent également l’existence de sous‑cotation. Plusieurs exemples font état de ventes qui ont été remportées par les producteurs des marchandises en question à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les producteurs nationaux. Les allégations de dommage particulières sont exposées dans les déclarations sous serment de témoins et étayées par des factures, des bons de commande, des rapports de vente et des communications internes connexes[39]. Bien que ces éléments de preuve doivent manifestement faire l’objet d’une analyse exhaustive dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, le Tribunal reconnaît qu’aux fins de l’enquête préliminaire de dommage en l’espèce, ils satisfont au critère de l’indication raisonnable.

Baisse des prix

  1. Les éléments de preuve indiquent également que les prix de vente moyens des marchandises similaires ont baissé de 2014 à 2015[40]. Les documents justificatifs et les déclarations des témoins déposés avec la plainte font état des ventes que les producteurs nationaux n’ont pu réaliser qu’après avoir baissé leurs prix pour concurrencer les marchandises en question[41]. Ces éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les marchandises en question ont entraîné la baisse des prix des marchandises similaires.
  2. Dans le cadre de son enquête définitive de dommage, toutefois, le Tribunal devra examiner et vérifier les allégations voulant que les producteurs nationaux aient été forcés de baisser leurs prix de vente en raison des bas prix qu’offraient les producteurs des pays visés à leurs clients, et ce avant même que les marchandises en question n’arrivent sur le marché canadien.

Compression des prix

  1. Les éléments de preuve indiquent qu’à chacune des années de 2013 à 2015, les prix de vente nationaux moyens ont couvert les coûts unitaires consolidés de la branche de production nationale[42], lesquels ont diminué au cours de la même période[43]. Cependant, les parties plaignantes soutiennent que le dumping des marchandises en question les a forcées à réduire leurs prix plus rapidement que les coûts ont baissé, ce qui a mené à une compression des prix et à des pertes nettes. Les parties plaignantes s’appuient sur des données trimestrielles[44] et des allégations particulières de compression des prix[45], surtout pour le début de 2016, car les données concernant les prix unitaires moyens et les coûts unitaires moyens n’indiquent pas une telle compression des prix. À cette étape-ci, le Tribunal est convaincu que les données de 2016 sur les coûts et les prix ne suffisent pas pour conclure, de façon raisonnable, que les marchandises en question ont mené à une compression des prix, car cette compression ne ressort pas d’emblée pour la période de 2013 à 2015. Cette question serait mieux étudiée dans le cadre d’une enquête définitive de dommage.
  2. Le Tribunal a analysé les effets sur les prix en se fondant sur les données globales des années 2013 à 2015, et ce, malgré que les parties plaignantes aient mis l’accent sur les données trimestrielles et mensuelles relatives aux prix de 2015 et de 2016. Plus précisément, les parties plaignantes soutiennent qu’en raison des longs délais liés à l’achat des marchandises en question, « il faut dans de nombreux cas comparer les prix nationaux d’un trimestre donné aux prix des marchandises en question du trimestre précédent »[46] [traduction], c’est-à-dire au moment où s’est faite l’offre ou la vente plutôt qu’au moment où les marchandises en question ont réellement été importées[47].
  3. Il est difficile de comparer les prix de vente des marchandises similaires et les valeurs unitaires moyennes des importations des marchandises en question à l’aide de données trimestrielles ou mensuelles, car celles‑ci sont plus susceptibles d’être faussées par le caractère saisonnier des livraisons et par le décalage entre le moment où les commandes sont passées (ce qui a une incidence sur les prix de vente) et celui de leur livraison. À titre d’exemple, les prix des marchandises similaires ont diminué au premier trimestre de 2016 par rapport au troisième et au quatrième trimestre de 2015, ainsi que par rapport à l’année 2015 dans son ensemble, et ils étaient alors inférieurs aux prix unitaires moyens des marchandises en question. Si l’on ajoute les données d’avril et de mai 2016 à celles du premier trimestre de cette année-là, la valeur unitaire des marchandises en question baisse substantiellement, bien en deçà du prix des marchandises similaires[48]. Le Tribunal sera en meilleur position pour examiner les données relatives aux prix de 2016 ainsi que les délais de livraison et les coûts par rapport aux prix dans le cadre d’une enquête définitive de dommage.
  4. En résumé, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a entraîné la sous-cotation et la baisse des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

  1. Les éléments de preuve au dossier indiquent que le rendement de la branche de production nationale a varié de 2013 à 2015. La production nationale, les ventes des producteurs nationaux et la part de marché des producteurs nationaux ont d’abord diminué en 2014 pour ensuite augmenter en 2015[49]. Selon les parties plaignantes, cependant, l’amélioration apparente de 2015 s’explique principalement par le changement de stratégie commerciale d’un producteur national, laquelle a eu une incidence sur ses activités de fabrication. Plus précisément, cette stratégie a eu pour effet de masquer l’incidence négative des marchandises en question sur l’ensemble de la branche de production nationale en 2015[50]. Compte tenu de ces informations, sous réserve d’une enquête définitive de dommage, les données disponibles sur les parts de marché indiquent que, depuis que le Tribunal a rendu sa décision dans l’enquête Barres d’armature NQ de 2015, les marchandises en question ont saisi les parts de marché des importations de marchandises non visées en provenance des pays visés par l’enquête Barres d’armature NQ, au détriment de la branche de production nationale.
  2. Les données financières consolidées des parties plaignantes indiquent que la branche de production nationale a enregistré des marges brutes positives et des revenus nets négatifs de 2013 à 2015. Ces deux indicateurs de rentabilité ont diminué au premier trimestre de 2016 par rapport au premier trimestre de 2015[51]. Les données consolidées indiquent également que même si la production nationale totale de marchandises similaires a généralement progressé de 2013 à 2015, les taux d’utilisation de la capacité sont demeurés sensiblement les mêmes car la capacité a également augmenté[52]. Le nombre d’employés a augmenté de façon générale de 2013 à 2015; cependant, le nombre d’heures travaillées a diminué au cours de cette période[53]. Les deux indicateurs de l’emploi ont baissé substantiellement au premier trimestre de 2016, ce qui pourrait s’expliquer par plusieurs fermetures d’usine non prévues en 2015 et au début de 2016, dont ont fait état les parties plaignantes[54].
  3. Les parties plaignantes ont fait un certain nombre d’allégations particulières de dommage pour illustrer des pertes de vente ou de clients attribuables aux marchandises en question et pour montrer comment elles ont été forcées de réduire leurs prix pour préserver leurs ventes ou leurs clients face à la concurrence des marchandises en question[55]. Ces éléments de preuve, sous réserve d’une évaluation exhaustive réalisée dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, indiquent, de façon raisonnable, l’existence d’une relation de causalité entre le dumping présumé et le dommage présumé causé à la branche de production nationale.
  4. Pris ensemble, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.
  5. Les parties qui s’opposent à la plainte soutiennent qu’un certain nombre de facteurs autres que le dumping ont pu avoir une incidence sur la branche de production nationale, plus particulièrement la baisse générale de la demande sur le marché et des importations totales, les marchandises non visées importées au Canada, des problèmes liés à la qualité des marchandises similaires et aux services à la clientèle connexes, et le rendement à l’exportation de la branche de production nationale. Les parties qui s’opposent à la plainte n’ont toutefois pas fourni d’éléments de preuve positifs appuyant leurs allégations à cette étape-ci.
  6. Dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, le Tribunal portera toutefois une attention particulière à ces questions afin de déterminer s’il existe un lien de causalité entre le présumé dumping et le présumé dommage. Plus particulièrement, le Tribunal examinera de façon exhaustive la mesure dans laquelle le présumé dommage causé à la branche de production nationale est attribuable au fait que des clients ont changé de source d’approvisionnement au profit des marchandises en question à la suite de l’entrée en vigueur des conclusions de l’enquête Barres d’armature NQ, par opposition à des facteurs autres que le dumping, comme la contraction générale du marché national. Le Tribunal analysera également la capacité de la branche de production nationale à approvisionner efficacement les principaux segments de marché de l’ensemble du Canada.

ANALYSE DE LA MENACE DE DOMMAGE

  1. Ayant conclu que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping présumé des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal n’a pas à se demander si les éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping présumé menace de causer un dommage. Néanmoins, le Tribunal analysera brièvement les éléments de preuve et les allégations concernant la menace de dommage afin de fournir un examen complet et des directives aux parties aux fins de l’enquête définitive de dommage.
  2. Le Tribunal est convaincu que les parties plaignantes ont fourni suffisamment d’éléments de preuve quant aux facteurs relatifs à la menace de dommage qui sont énoncés au paragraphe 37.1(2) du Règlement.
  3. Les parties plaignantes ont présenté des éléments de preuve indiquant un taux d’augmentation marqué des marchandises en question importées au Canada de 2013 à 2015, ce qu’étayent également les données de l’ASFC sur les importations[56]. Les parties plaignantes ont également inclus au dossier des éléments de preuve positifs étayant les allégations portant sur les conditions actuelles et futures du marché international[57], la capacité excédentaire substantielle des pays visés[58] et le caractère attrayant du marché canadien pour les exportations de barres d’armature provenant des pays visés[59], et ce malgré la faible croissance prévue de la demande canadienne[60]. Elles font remarquer que plusieurs mesures antidumping ou compensatoires ont été adoptées par les autorités d’autres pays à l’égard des barres d’armature ou des produits en acier similaires provenant des pays visés[61]. Dans l’ensemble, le Tribunal est convaincu que les éléments de preuves indiquent, de façon raisonnable, que le dumping entraînera vraisemblablement une augmentation marquée du volume des marchandises en question importées au Canada.
  4. Comme le Tribunal l’a indiqué ci-dessus, les éléments de preuve démontrent, de façon raisonnable, que les prix des marchandises en question ont eu une incidence sur les prix des marchandises similaires sur le marché national de 2013 à 2015. Évalués conjointement avec l’importance des marges de dumping estimées par l’ASFC, les éléments de preuve donnent à penser que les marchandises en question continueront vraisemblablement à entrer sur le marché canadien à des prix inférieurs à ceux des marchandises similaires en l’absence de droits antidumping. L’absence de mesure pourrait faire baisser davantage les prix et stimuler la demande d’importation des marchandises en question dans un avenir rapproché.
  5. Cette évolution pourrait ainsi causer un dommage à la branche de production nationale, compte tenu plus particulièrement des conclusions du Tribunal selon lesquelles l’effet dommageable présumé des marchandises sous-évaluées sur la branche de production nationale est défendable.
  6. À l’égard des observations soumises par les parties qui s’opposent à la plainte, l’ambassade d’Espagne et MEGASA nient que les exportations des marchandises en question en provenance de l’Espagne ou du Portugal présentent une menace pour l’industrie canadienne, soutenant que ces pays n’ont pas de capacité de production excédentaire, de propension au dumping ni d’intérêt particulier pour le Canada en tant que marché d’exportation. Elles ont également souligné, entre autres, le rebond de la demande nationale et l’accessibilité de marchés européens situés beaucoup plus près de l’Espagne et du Portugal. Ces allégations ne sont pas étayées par des éléments de preuve positifs. De plus, pour les raisons susmentionnées, le Tribunal conclut qu’il ne convient pas d’effectuer une évaluation des effets cumulatifs de la menace de dommage que pose les marchandises en question provenant de toutes les sources dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage.
  7. MEGASA conteste également le calcul des prévisions des parties plaignantes quant au volume d’importation de marchandises en question pour l’ensemble de l’année 2016[62]. De plus, MEGASA a évalué, en adoptant les mêmes hypothèses et méthodes, les volumes de ventes nationales de marchandises produites au Canada et de marchandises importées non visées pour l’ensemble de l’année. Selon ses résultats, la part de marché de la branche de production nationale aurait augmenté au cours de 2013 et de 2014[63]. En réponse, ArcelorMittal et AltaSteel soutiennent, en appliquant la même méthode, que la part de marché de la branche de production nationale se rétrécira au profit des marchandises en question et que sa rentabilité déclinera en 2016 par rapport à 2015[64].
  8. Bien que les prévisions constituent un outil utile pour évaluer la menace de dommage, il convient de ne pas perdre de vue le moment et le caractère saisonnier des livraisons, surtout celles qui sont destinées à l’est ou au centre du Canada et qui empruntent la Voie maritime du Saint-Laurent, si l’on se fond sur les données du premier trimestre pour faire des prévisions des importations pour une année complète. Ces prévisions devraient être examinées plus en détail dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, laquelle sera effectuée à un moment où les données disponibles sur les importations de 2016 seront plus nombreuses.
  9. Selon la prépondérance des probabilités, et compte tenu de la norme de preuve moins exigeante des enquêtes préliminaires de dommage, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage.

CONCLUSION

  1. Compte tenu de l’analyse qui précède, conformément au paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.
 

[1].      Gaz. C. 2016.I.2709.

[2].      Le 20 septembre 2016, date limite du dépôt des observations des parties qui s’opposent à la plainte, le gouvernement de Hong Kong a demandé que la date limite pour le dépôt de ses observations soit reportée au 7 octobre 2016. Le même jour, le Tribunal a accueilli la requête en partie en repoussant la date limite au 22 septembre 2016 étant donné les délais serrés prévus par la loi au regard des enquêtes préliminaires de dommage et le moment auquel la demande avait été présentée. Le gouvernement de Hong Kong a déposé ses observations le 14 octobre 2016, soit trop tard pour que le Tribunal puisse en tenir compte dans son enquête préliminaire de dommage.

[3].      Des avis de participation ont aussi été déposés par le ministère du Commerce international et l’ambassade du Bélarus au Canada, mais ces parties n’ont pas déposé d’observations.

[4].      L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[5].      Pièce no PI-2016-002-05, vol. 1B à la p. 302.

[6].      Ibid. aux pp. 313-314.

[7].      Pièce no PI-2016-002-06.03 à la p. 1, vol. 3.

[8].      https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/19-adp.pdf [Accord antidumping de l’OMC]. L’article 6.5.1 prévoit ce qui suit : « Les autorités exigeront des parties intéressées qui fournissent des renseignements confidentiels qu’elles en donnent des résumés non confidentiels. Les résumés seront suffisamment détaillés pour permettre de comprendre raisonnablement la substance des renseignements communiqués à titre confidentiel. Dans des circonstances exceptionnelles, lesdites parties pourront indiquer que ces renseignements ne sont pas susceptibles d’être résumés. Dans ces circonstances, les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni devront être exposées. »

[9].      Barres d’armature pour béton (9 janvier 2015) (TCCE) [Barres d’armature NQ].

[10].    Les parties plaignantes prétendent que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage; il n’est pas question de retard.

[11].    Maïs-grain (10 octobre 2000), PI-2000-001 (TCCE) à la p. 7.

[12].    Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

[13].    L’article 5 de l’Accord antidumping de l’OMC prévoit que les autorités chargées des enquêtes doivent examiner l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête, et qu’elles doivent rejeter ou clore une enquête dès qu’elles sont convaincues que les éléments de preuve relatifs au dumping ou au dommage ne sont pas suffisants. L’article 5 précise par ailleurs qu’une simple affirmation non étayée par des éléments de preuve pertinents ne peut suffire à satisfaire aux prescriptions de l’article.

[14].    Barres d’armature en béton (12 août 2014), PI-2014-001 (TCCE) [Barres d’armature PI] aux par. 18-19.

[15].    Barres d’armature PI au par. 15; Silicium métal (21 juin 2013), PI-2013-001 (TCCE) au par. 16; Modules muraux unitisés (3 mai 2013), PI-2012-006 (TCCE) au par. 24; Transformateurs à liquide diélectrique (22 juin 2012), PI-2012-001 (TCCE) au par. 86.

[16].    DORS/84-927 [Règlement].

[17].    Les paragraphes 37.1(1) et (2) du Règlement énoncent les facteurs à prendre en considération aux fins, respectivement, de l’analyse de dommage et de l’analyse de menace de dommage.

[18].    Tubes en cuivre circulaires (22 juillet 2013), PI-2013-002 (TCCE) au par. 86; Barres d’armature PI au par. 95.

[19].    Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires », par rapport à toutes autres marchandises, comme suit : « Selon le cas : a) marchandises identiques aux marchandises en cause; b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause ».

[20].    Pièce no PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 24-26.

[21].    Barres d’armature NQ aux par. 47, 79.

[22].    Pièce no PI-2016-002-05, vol. 1B à la p. 306.

[23].    MANA appuie la plainte (pièce no PI-2016-002-02.01, vol. 1 à la p. 23), mais les éléments de preuve obtenus en ce qui concerne les volumes, les prix et les indicateurs économiques et financiers des producteurs nationaux comprennent des renseignements provenant des parties plaignantes seulement, et non de MANA.

[24].    Fils d’acier galvanisés (22 mars 2013), PI-2012-005 (TCCE) au par. 39.

[25].    Tôles d’acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) aux pp. 4, 5.

[26].    Pièce no PI-2016-002-05, vol. 1B à la p. 313.

[27].    Pour évaluer les conditions de concurrence, le Tribunal a auparavant tenu compte de facteurs comme la mesure dans laquelle les marchandises en question provenant de chaque pays sont (par rapport à celles des autres pays visés et aux marchandises similaires) interchangeables, présentes sur les mêmes marchés géographiques aux mêmes moments, distribuées par les mêmes circuits ou transportées selon les mêmes méthodes. Certains feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allier, laminés à chaud (17 août 2001), NQ-2001-001 (TCCE) à la p. 16.

[28].    Pièce no PI-2016-002-02.01, vol. 1 à la p. 18, vol. 1A à la p. 274; pièce no PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 192‑197, vol. 2A aux pp. 14-20; pièce no PI-2016-002-08.02 aux par. 34-37, vol. 3.

[29].    Pièce no PI-2016-002-02.01, vol. 1 à la p. 18, vol. 1A à la p. 274; pièce no PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 201‑205, vol. 2A aux pp. 14-20, 69-85; pièce no PI-2016-002-08.02 aux par. 34-37, vol. 3.

[30].    Les parties plaignantes ont déposé des estimations confidentielles des volumes des importations provenant des pays visés pour la période du 1er janvier 2013 au 28 février 2016, fondées sur les données relatives aux importations accessibles au public et publiées par Statistique Canada, ainsi que pour la période d’avril à mai 2016, fondées sur les données relatives aux licences d’importation d’Affaires mondiales Canada (AMC).

[31].    L’ASFC a mené son propre examen indépendant des importations de barres d’armature en se fondant sur la base de données de son Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER), en fonction des codes de classification du Système harmonisé (SH) au titre desquels les marchandises sont importées des pays visés (c’est‑à-dire principalement les numéros de classement 7213.10.00.00 et 7214.20.00.00). L’ASFC a également apporté des changements aux données sur les importations du SGER à la suite de son examen des pièces justificatives liées aux déclarations en douane B3. Pièce PI-2016-002-05, vol. 1B à la p. 308.

[32].    Pièce PI-2016-002-05, vol. 1B aux pp. 308, 309; pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 40, 93-94, 114-115; pièce PI-2016-002-03.02 (protégée), vol. 2B aux pp. 20-21.

[33].    Pièce PI-2016-002-05, vol. 1B à la p. 309.

[34].    Les données sur les importations estimées déposées avec la plainte indiquent que les importations en provenance des pays visés dans l’enquête Barres d’armature NQ avaient presque disparu du marché canadien en 2015. Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 87-88; pièce PI‑2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 114-115.

[35].    Selon les parties plaignantes, les importations de barres d’armature d’outre-mer normalement n’entrent pas dans l’est du Canada lorsque la saison de navigation (en empruntant la Voie maritime du Saint-Laurent) est terminée, généralement de novembre ou décembre à avril ou mai tous les ans. Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 51-52, 81, 89, vol. 1A aux pp. 312, 316.

[36].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 34, 47.

[37].    Les estimations des prix de vente unitaires des marchandises en question réalisées par les parties plaignantes sont fondées sur les données relatives aux importations mises à la disposition du public par Statistique Canada et sur les données relatives aux licences d’importation d’AMC. Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 à la p. 38; pièce PI‑2016‑002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 114-119. Bien que les valeurs des importations fondées sur la valeur en douane puissent différer des prix auxquels ont réellement été vendues les marchandises sur le marché canadien, il est probable que ces données aient suivi une tendance similaire. Le Tribunal est convaincu que l’utilisation de ces valeurs unitaires des importations en tant que variable de substitution des prix de ventes des marchandises en question constitue un fondement de preuve suffisant aux fins de l’analyse des effets sur les prix dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage.

[38].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 114-115. Compte tenu du faible niveau des importations des marchandises en question au Canada en 2013, le Tribunal n’est pas d’avis que les valeurs unitaires des importations effectuées cette année‑là constituent un fondement de preuve valable à des fins de comparaison.

[39].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 192-199, 233-237, vol. 2A aux pp. 8-21, 27-30, 65-91, 108-113.

[40].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 114-115.

[41].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 193-195, 201-205, vol. 2A aux pp. 16-18, 20, 71, 75, 77-81.

[42].    Aux fins de l’analyse, le Tribunal a examiné les données consolidées de la branche de production nationale sur le coût unitaire des marchandises vendues et le coût unitaire des marchandises fabriquées, et il a conclu que ces coûts ont suivi des tendances similaires durant la période examinée.

[43].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 à la p. 93.

[44].    Ibid. aux pp. 93-94.

[45].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 191, 196-198, vol. 2A aux pp. 12, 86.

[46].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 à la p. 47.

[47].    Pièce PI-2016-002-08.02, vol. 3. à la p. 30

[48].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 à la p. 118.

[49].    Ibid. aux pp. 93, 95, 114-115.

[50].    Ibid. aux pp. 40-41.

[51].    Ibid. à la p. 93.

[52].    Ibid. à la p. 95.

[53].    Ibid. à la p. 96.

[54].    Ibid.; pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 55-56, 297-298, 330.

[55].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 201-205.

[56].    Pièce PI-2016-002-05, vol. 1B aux 308, 309; pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 40, 93-94; 114-115; pièce PI-2016-002-03.02 (protégée), vol. 2B aux pp. 20-21.

[57].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 58-65 et pièces jointes qui y sont citées.

[58].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 66, 69, 72-74, 76-77; pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 146-183.

[59].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 80-82 et pièces jointes qui y sont citées.

[60].    Ibid. aux pp. 77-78 et pièces jointes qui y sont citées.

[61].    Pièce PI-2016-002-02.01, vol. 1 aux pp. 82-85.

[62].    Pièce PI-2016-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux pp. 74-75.

[63].    Pièce PI-2016-002-07.01 (protégée) aux par. 36-39, vol. 4.

[64].    Pièce PI-2016-002-09.02 (protégée) aux par. 79, 122, vol. 4 à la p. 27.