CERTAINS ÉLÉMENTS D’ACIER DE FABRICATION INDUSTRIELLE

CERTAINS ÉLÉMENTS D’ACIER DE FABRICATION INDUSTRIELLE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2016-003

Décision rendue
le jeudi 10 novembre 2016

Motifs rendus
le vendredi 25 novembre 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

CERTAINS ÉLÉMENTS D’ACIER DE FABRICATION INDUSTRIELLE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping dommageable d’éléments de la charpente de bâtiments, de matériels d’exploitation, d’enceintes de confinement, de structures d’accès, de structures de traitement, et de structures pour le transport et la manutention des matériaux, en acier ouvré de construction ou en grosse tôlerie, y compris les poutres d’acier, les colonnes, les pièces de contreventement, les charpentes, les garde-corps, les escaliers, les poutres continues, les galeries et les structures de châssis de transporteurs à courroie, les portiques, les silos, les goulottes, les trémies, les réseaux de gaines, les réservoirs de traitement, les râteliers à tubes et les distributeurs à lattes mécaniques, soit assemblés ou partiellement assemblés en modules, ou non assemblés, devant servir dans : 1. l’extraction, le transport et le traitement du pétrole et du gaz; 2. l’industrie minière (extraction, transport, stockage et traitement); 3. les centrales électriques industrielles; 4. les usines pétrochimiques; 5. les cimenteries; 6. les usines d’engrais; et 7. les fonderies de métaux industriels; à l’exclusion des pylônes électriques, des produits d’acier laminé non travaillés, des poutres d’acier non travaillées, des chevalets de pompage, des structures pour la  production d’énergie solaire, éolienne et marémotrice, des centrales électriques dont la capacité nominale est inférieure à 100 MW, des marchandises classées comme « constructions préfabriquées » sous le code SH 9406.00.90.30, de l’acier de construction utilisé dans des unités industrielles autre que celles décrites ci-dessus; et des produits assujettis aux ordonnances ou aux conclusions dans Certaines pièces d’attache (RR-2014-001), Certains tubes structuraux (RR-2013-001), Certaines tôles d’acier laminées à chaud (III) (RR-2012-001), Certaines tôles d’acier au carbone (VII) (NQ-2013-005), et Certains caillebotis en acier (NQ-2010-002); originaires ou exportés de la République populaire de Chine, de la République de Corée, du Royaume d’Espagne, des Émirats arabes unis et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, et le présumé subventionnement dommageable des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont causé un dommage ou un retard, ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 12 septembre 2016, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Jean Bédard, membre présidant
Rose Ritcey, membre
Serge Fréchette, membre

Analyste principal : Greg Gallo

Analyste : Joseph Long

Conseiller, Service de données : Julie Charlebois

Agent des services de soutien, Enquêtes sur les
recours commerciaux: Jyotsna Venkatesh

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Nick Covelli
Peter Jarosz

Agent principal du greffe : Sara Pelletier

Agent de soutien du greffe : Rachel Cunningham

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

Brandt Industries Ltd.

Murray Yeager

Canadian Natural Resources Ltd.

Riyaz Dattu
Taylor Schappert
Gajan Sathananthan
Lipi Mishra

CH2M Hill Canada Ltd.

Geoffrey C. Kubrick
Jonathan O'Hara
Jennifer Hill

Chambre de commerce international de la Chine

Zhou Jiajia

Délégation de l’Union européenne au Canada

Karen Eva Abrahamsen

ENMAX Corporation

J. Richard McKee

Institut canadien de la construction en acier
Supermetal Structures Inc.
Supreme Group LP
Waiward Steel LP

Benjamin P. Bedard
Paul Conlin
R. Benjamin Mills
Drew Tyler
Catherine Walsh
Linden Dales
Shannel J. Rajan

Lafarge Canada Inc.

Cyndee Todgham Cherniak

Yanda Canada Ltd.

Paul Lalonde
Martha Harrison
Carmen Francis
James Wishart

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

POINT DE VUE DES MEMBRES BÉDARD (MEMBRE PRÉSIDANT) ET FRÉCHETTE

CONTEXTE

  1. Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à la présente enquête préliminaire de dommage le 13 septembre 2016 concernant le présumé dumping dommageable de certains éléments d’acier de fabrication industrielle (les marchandises en question) originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine), de la République de Corée (Corée), du Royaume d’Espagne (Espagne), des Émirats arabes unis (Émirats) et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (Royaume-Uni), et le présumé subventionnement dommageable des marchandises en question originaires ou exportées de la Chine.
  2. La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à une plainte déposée par Supermétal Structures Inc., Supreme Group LP et Waiward Steel LP (les parties plaignantes) et à l’ouverture par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le 12 septembre 2016, d’enquêtes de dumping et de subventionnement.
  3. En ce qui concerne la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016, l’ASFC estime les marges globales de dumping, en pourcentage du prix à l’exportation des marchandises en question, à 21,4 p. 100 pour la Chine, à 48,1 p. 100 pour les Émirats, à 57,7 p. 100 pour le Royaume-Uni, à 90,3 p. 100 pour l’Espagne et à 95,8 p. 100 pour la Corée[1]. En outre, l’ASFC est d’avis que le montant de subvention estimé des marchandises en question n’était pas minimal et que leur volume estimé n’était pas négligeable[2].
  4. Avant de rendre sa décision provisoire en l’espèce, le Tribunal a visité les installations de Supreme Group LP et de Waiward Steel LP à Edmonton (Alberta) et observé la production d’éléments d’acier à cette occasion. Des observations ont aussi été déposées auprès du Tribunal par les parties plaignantes et par les parties qui s’opposent à la plainte, soit Lafarge Canada Inc. (Lafarge), la Chambre de commerce international de la Chine, la Délégation de l’Union européenne au Canada et Yanda Canada Ltd.
  5. Les parties plaignantes sont des entreprises de fabrication d’éléments structurels en acier utilisés dans de grands travaux industriels. Ces éléments comprennent les éléments d’acier visés par la définition du produit.
  6. Selon les parties plaignantes, le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Pour appuyer ces allégations, les parties plaignantes ont déposé des éléments de preuve indiquant une hausse du volume des importations des marchandises en question, une perte de la part de marché, une réduction du volume des ventes, la sous‑cotation, la baisse et la compression des prix, des pertes de revenus, une diminution des marges brutes, une diminution de la profitabilité, une sous-utilisation de la capacité de production et des pertes d’emplois.
  7. Les parties plaignantes font aussi valoir que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. Selon elles, la hausse marquée des importations sous-évaluées et subventionnées et la réduction correspondante de la part de marché de la branche de production nationale se poursuivront vraisemblablement. En outre, elles soutiennent que les marchandises en question continueront vraisemblablement de causer la sous-cotation, la baisse et la compression des prix nationaux.
  8. Les parties qui s’opposent à la plainte font valoir que les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. Elles remettent en question la portée et la composition des marchandises en question et de la branche de production nationale. Les parties qui s’opposent à la plainte contestent que les parties plaignantes représentent une proportion majeure de la branche de production nationale. Plusieurs parties soutiennent aussi que tout dommage qu’auraient pu subir les parties plaignantes est attribuable à d’autres facteurs que le dumping ou le subventionnement.

CADRE LÉGISLATIF

Indication raisonnable

  1. Le mandat du Tribunal dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI[3], qui exige du Tribunal qu’il détermine « si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».
  2. Le terme « indication raisonnable » n’est pas défini dans la LMSI, mais il est compris comme signifiant que les éléments de preuve n’ont pas à être « concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités »[4] [traduction].
  3. Le Tribunal a auparavant conclu que le critère de l’« indication raisonnable » était rempli lorsque[5] :
  • le présumé dommage ou la présumée menace de dommage est étayé par des éléments de preuve qui sont suffisants en ce sens qu’ils sont pertinents, exacts et adéquats;
  • les allégations résistent à un examen assez poussé eu égard aux éléments de preuve, même si la thèse avancée peut ne pas sembler convaincante ou incontestable.
  1. Le Tribunal est conscient qu’en décrivant le critère de la manière susmentionnée au cours des dernières années, il y a eu une perception selon laquelle il avait relevé le seuil de difficulté du critère. Le Tribunal ne peut ni relever ni abaisser le seuil; ce dernier a été fixé par le législateur. Il s’agit d’un seuil bas. Le Tribunal a toujours affirmé que le critère de l’indication raisonnable n’était pas aussi rigoureux que le critère qui s’applique dans une enquête définitive de dommage régie par l’article 42 de la LMSI[6].
  2. Le Tribunal s’attend à ce que les éléments de preuve présentés lors d’une enquête préliminaire de dommage soient considérablement moins détaillés et moins exhaustifs que les éléments de preuve présentés lors d’une enquête définitive de dommage. À l’étape préliminaire, tous les éléments de preuve ne sont pas disponibles, et en l’absence d’audience il n’est pas possible de vérifier rigoureusement tous les éléments de preuve qui le sont. Par conséquent, les éléments de preuve ne sont pas vérifiés d’une manière aussi rigoureuse que lors d’une enquête définitive de dommage. Le Tribunal accorde aux parties plaignantes le bénéfice du doute.
  3. Les plaintes seront interprétées de manière libérale. Cependant, l’issue d’une enquête préliminaire de dommage ne doit pas être tenue pour acquise[7]. De simples affirmations ne peuvent être suffisantes[8]. Les plaintes, ainsi que les positions des parties opposées aux plaintes, doivent être appuyées par une preuve positive qui soit suffisante et pertinente, en ce sens qu’elle aborde les exigences établies par la LMSI ainsi que les facteurs pertinents énoncés dans le Règlement sur les mesures spéciales d’importation[9].

Facteurs relatifs au dommage et à la menace de dommage

  1. Pour en arriver à sa décision provisoire de dommage, le Tribunal tient compte des facteurs énoncés à l’article 37.1 du Règlement, notamment du volume des importations des marchandises sous-évaluées, de l’effet des marchandises sous-évaluées sur les prix des marchandises similaires, de l’incidence économique des marchandises sous-évaluées sur la branche de production nationale et, s’il existe un dommage ou une menace de dommage[10], de la question de savoir qu’il existe un lien de causalité entre le dumping et le dommage ou la menace de dommage.
  2. À cet égard, la « branche de production nationale » est définie au paragraphe 2(1) de la LMSI par rapport à la production nationale des « marchandises similaires ». Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer quelles sont les « marchandises similaires » par rapport aux marchandises en question. Une fois cette détermination faite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.
  3. Étant donné que l’ASFC a déterminé que les marchandises en question originaires ou exportées de la Chine ont fait l’objet de dumping et de subventionnement, le Tribunal, dans son examen de la question du dommage, doit aussi déterminer s’il convient d’évaluer l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement des marchandises en question (c’est-à-dire s’il procédera au cumul croisé des effets du dumping et du subventionnement) dans le cadre de la présente enquête.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

  1. Avant d’examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. L’analyse de ces questions préliminaires est nécessaire étant donné que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l’expression « branche de production nationale » comme « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ».

Marchandises en question, marchandises similaires et catégories de marchandise

  1. La définition des marchandises en question est complexe. Elle comprend une longue liste d’éléments, lesquels sont eux-mêmes constitués d’une liste d’exemple de produits d’acier, et ne comprend que les éléments d’acier de fabrication industrielle ayant une des sept utilisations finales énumérées. Par conséquent, une question préliminaire se pose concernant la portée des marchandises similaires, sur laquelle le Tribunal a dû se pencher avant de déterminer la composition de la branche de production nationale. En particulier, certaines parties soutiennent que les marchandises similaires comprennent des éléments d’acier de fabrication industrielle utilisés à d’autres fins que celles énumérées dans la définition du produit, par exemple ceux utilisés dans les bâtiments résidentiels et commerciaux.
  2. Selon les parties plaignantes, les marchandises similaires comprennent les éléments d’acier de production nationale correspondant à la définition des marchandises en question et représentent une seule catégorie de marchandise. D’autres parties font valoir que la portée des marchandises similaires est plus large et comprend les éléments d’acier de production nationale ayant d’autres utilisations finales que celles décrites dans la définition des marchandises en question. Lafarge soutient également qu’il existe deux catégories de marchandise (celles servant à la construction de bâtiments et celles servant aux équipements de transformation ou à d’autres équipements) ou six catégories de marchandise (selon leurs diverses utilisations finales).
  3. L’opinion établie du Tribunal, conformément à la jurisprudence de l’OMC, est que la portée des marchandises similaires doit être coextensive avec celle des marchandises en question, c’est-à-dire que les marchandises similaires doivent correspondre aux marchandises en question ou à une partie de ces dernières[11]. L’élargissement de la portée des marchandises similaires pour la rendre plus large que celle des marchandises en question n’est pas appuyé par la jurisprudence de l’OMC. Pour son analyse, le Tribunal considérera donc que les éléments d’acier de production nationale, destinés uniquement aux utilisations finales énumérées dans la définition du produit, constituent les marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.
  4. Le Tribunal continuera de recueillir des éléments de preuve concernant la nature des marchandises produites au Canada qui constituent des marchandises similaires, conformément aux principes susmentionnés. Comme exposé ci-dessous, le Tribunal continuera également d’examiner ce qui constitue la branche de production nationale qui produit ces marchandises similaires.
  5. Pour déterminer s’il y a plusieurs catégories de marchandise, le Tribunal tient compte des caractéristiques des marchandises les unes par rapport aux autres et des caractéristiques du marché. En l’espèce, le Tribunal constate que les caractéristiques des éléments d’acier utilisés pour fabriquer toutes les catégories de marchandise proposées coïncident largement. Peu importe l’utilisation finale pour laquelle ils sont produits, leurs caractéristiques, leur méthode de fabrication, leur apparence et leur composition, entre autres, sont identiques ou semblables. En ce qui concerne les caractéristiques du marché, bien qu’ils aient différentes utilisations finales, les éléments de preuve indiquent que leurs prix et leurs canaux de distribution coïncident également. Par conséquent, l’analyse des allégations de dommage et de menace de dommage du Tribunal sera fondée sur une seule catégorie de marchandise et une unique branche de production nationale.

Branche de production nationale

  1. La LMSI définit la « branche de production nationale » comme l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires.
  2. La plainte énonce 16 producteurs nationaux de marchandises similaires, y compris les parties plaignantes et quatre producteurs qui appuient la plainte.
  3. Lafarge a signalé d’autres producteurs potentiels[12]. Cependant, ces entreprises semblent être de petite taille et il n’est pas certain qu’elles produisent des éléments d’acier correspondant à la définition des marchandises similaires. Il s’agit d’une question sur laquelle le Tribunal prévoit se pencher au cours de l’enquête définitive de dommage.
  4. L’élément de preuve le plus concret sur ce sujet est un énoncé[13] fait par M. Edward Whalen, président-directeur général de l’Institut canadien de la construction en acier. Le Tribunal a des raisons de croire que, étant donné son poste, M. Whalen possède des connaissances approfondies sur la composition de la branche de production nationale. Selon M. Whalen, les parties plaignantes et les producteurs qui appuient la plainte représentent 80 p. 100 de la production nationale totale de marchandises similaires.
  5. Par conséquent, aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal est convaincu de posséder des renseignements sur une proportion majeure de la production nationale totale de marchandises similaires.

Cumul et cumul croisé

  1. Dans le cadre d’une analyse préliminaire de dommage, lorsque de multiples pays sous-évaluent ou subventionnent des marchandises, le Tribunal a toujours évalué l’effet cumulatif de ces marchandises sur la branche de production nationale selon la justification explicite que les éléments de preuve semblaient justifier le cumul[14]. Le Tribunal a toujours tenu compte des facteurs énoncés au paragraphe 42(3), à savoir le caractère négligeable ou non du volume importé de chaque pays, le caractère minimal ou non de la marge de dumping ou du montant de subvention de chaque pays et les conditions de concurrence entre les marchandises originaires de chaque pays et entre celles-ci et les marchandises similaires. Le Tribunal procède ainsi même s’il n’existe pas d’équivalent au paragraphe 42(3) de la LMSI dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage. Dans ces enquêtes précédentes, le Tribunal n’a simplement pas été placé dans une situation où des éléments de preuve préliminaires établissaient clairement le caractère négligeable des volumes d’importation.
  2. Il importe que la décision du Tribunal soit étayée par les faits et reflète les circonstances de chaque cas. Le volume négligeable des importations originaires d’un pays pourrait, dans certaines circonstances, justifier un examen approfondi en vue de déterminer s’il existe une indication raisonnable de dommage ou de menace de dommage en ce qui concerne ce pays. Cet examen approfondi pourrait être accompli en procédant à la détermination de façon décumulée. En l’espèce, une question préliminaire cruciale se pose quant au caractère négligeable, exception faite des marchandises en question originaires de la Chine et de la Corée. Il s’agit d’une de ces circonstances exceptionnelles dans lesquelles un examen approfondi est justifié[15]. Ainsi, le Tribunal doit composer avec le fait que les éléments de preuve pourraient justifier le décumul, de la même manière dont il s’est fondé auparavant sur des éléments de preuve indiquant que les volumes n’étaient pas négligeables pour justifier le cumul.
  3. Selon la LMSI, l’expression « négligeable » désigne un volume de moins de 3 p. 100 du volume global d’importation. Selon les éléments de preuve déposées par les parties plaignantes au sujet des importations originaires des Émirats, leur volume s’est situé entre 0 et 1 p. 100 en 2013, en 2014 et en 2015, et à 1 p. 100 de 2013 au premier trimestre 2016. Le volume des importations originaires des Émirats est aussi négligeable selon un examen attentif des estimations de l’ASFC quant à la valeur des importations. Par conséquent, en fonction des faits particuliers de l’espèce et pour les raisons susmentionnées, le Tribunal conclut qu’il ne convient pas, dans les circonstances, de cumuler les marchandises en question provenant des Émirats et les autres marchandises en question.
  4. La Délégation de l’Union européenne au Canada fait valoir que les volumes d’importation des marchandises en question originaires de l’Espagne et du Royaume-Uni sont aussi négligeables. Le Tribunal n’est pas du même avis. Selon les données figurant dans la plainte, les volumes d’importation des marchandises en question originaires de l’Espagne et du Royaume-Uni ont été négligeables en 2015 et au premier trimestre 2016, mais pas en 2013 ni en 2014, tout particulièrement dans le cas du Royaume-Uni. Les données sur les valeurs à l’importation de l’ASFC dressent un portrait semblable. Dans l’ensemble, les données figurant dans la plainte indiquent que le volume des marchandises en question originaires de l’Espagne a représenté 5 p. 100 du volume total des importations de 2013 au premier trimestre 2016 et que les importations originaires du Royaume-Uni ont représenté 13 p. 100 de du volume total des importations pendant la même période.
  5. Compte tenu de facteurs tels les canaux de distribution, la disponibilité dans une même région du marché national, la qualité, les prix et ainsi de suite, la prépondérance de la preuve indique qu’il y a concurrence entre les éléments d’acier originaires de la Chine, de la Corée, de l’Espagne et du Royaume-Uni ou entre ceux-ci et les marchandises similaires. Par exemple, des éléments de preuve indiquent que des producteurs nationaux se sont trouvés en concurrence avec des marchandises en question originaires de la Chine, de la Corée, de l’Espagne et du Royaume-Uni pour les mêmes travaux.
  6. Par conséquent, le Tribunal considère qu’il convient d’évaluer l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement des marchandises en question originaires de la Chine et du dumping des marchandises en question originaires de la Corée, de l’Espagne et du Royaume-Uni, exclusion faite des marchandises originaires des Émirats.
  7. Le Tribunal prend note du fait qu’aucun autre argument n’a été soulevé quant au cumul. Par exemple, les parties n’ont pas fait valoir que les importations originaires de la Chine sont à la fois sous‑évaluées et subventionnées alors que celles originaires des autres pays sont sous-évaluées seulement. Le Tribunal s’attend à ce que les parties soulèvent ces questions et la question du cumul croisé lors de l’enquête définitive de dommage.

ANALYSE DE DOMMAGE POUR LES PAYS CUMULÉS

Volume d’importation des marchandises sous-évaluées et subventionnées

  1. Selon les estimations des parties plaignantes, le volume des importations des marchandises en question originaires des pays cumulés est important et croît depuis 2013, tant en valeur absolue qu’en proportion de la production et des achats de marchandises similaires dans le marché régional.
  2. Les données figurant dans la plainte indiquent que le volume des importations a atteint un sommet d’environ 54 000 tonnes métriques en 2015, ce qui représentait plus du double du volume de l’année précédente[16].
  3. Comme la production nationale est essentiellement demeurée stable au cours de la période d’enquête[17], la hausse du volume des importations de marchandises en question originaires des pays cumulés s’est aussi traduite par une hausse en proportion de la production nationale.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il y a eu une hausse importante, tant en valeur absolue que relative, du volume des importations de marchandises en question originaires des pays cumulés.

Effet sur le prix des marchandises similaires

  1. Les parties plaignantes font valoir que le dumping des marchandises en question, qui a mené à une sous-cotation du prix des marchandises similaires, a entraîné la baisse et la compression des prix dans la branche de production nationale.
  2. En réponse à cette allégation, les parties qui s’opposent à la plainte affirment que les parties plaignantes n’ont pas fourni d’éléments de preuve pertinents, exacts ou exhaustifs permettant au Tribunal d’évaluer l’effet des marchandises en question sur le prix des marchandises similaires.
  3. Le Tribunal n’est pas convaincu que les données sur les prix moyens figurant dans la plainte sont utiles. Les soumissions concernant des éléments d’acier ne visent jamais exactement les mêmes produits, et la composition des produits en question peut varier de façon marquée d’une soumission à l’autre.
  4. Cependant, les parties plaignantes ont fait état de sous-cotation des prix dans le cadre de multiples travaux où le prix des marchandises en question originaires des pays cumulés était inférieur de 15 à 30 p. 100 aux prix nationaux[18]. Les produits offerts par les soumissionnaires sont en général des produits comparables. Les parties plaignantes ont aussi fait des allégations de dommage concernant des travaux particuliers indiquant des ventes de marchandises en question originaires des pays cumulés à des prix sous-évalués ou subventionnés[19].
  5. Les parties plaignantes n’ont pas soumissionné tous les travaux cités dans la plainte et leur connaissance des volumes et des prix concernant ces travaux n’est pas aussi bonne que pour les travaux auxquels elles ont soumissionné. Ces éléments de preuve devraient de toute évidence être soumis à une vérification approfondie dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, notamment en vue de déterminer si l’insuccès des soumissions des producteurs nationaux dans ces projets est dû au dumping et au subventionnement des marchandises en question ou à d’autres facteurs. Cependant, le Tribunal les accepte à titre d’indication de dommage aux fins de l’enquête préliminaire de dommage.
  6. En ce qui concerne l’allégation de compression des prix, elle est étayée par des renseignements financiers confidentiels soumis par les parties plaignantes au sujet de la production des marchandises similaires[20].
  7. Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question originaires des pays cumulés ont entraîné la sous-cotation, la baisse et la compression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

  1. Dans le cadre de son analyse aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal tient compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus précisément, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation.
  2. Lors d’une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, l’existence d’un lien de causalité entre les marchandises sous-évaluées et subventionnées en question et le dommage selon l’incidence qu’ont sur la branche de production nationale le volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées et l’effet de ces marchandises sur les prix. Le critère qui s’applique consiste à se demander si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question a, à lui seul, causé un dommage[21]. De plus, aux termes de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit examiner si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dommage a été causé par des facteurs autres que les marchandises sous-évaluées et subventionnées en question.
  3. Les parties plaignantes font valoir que la branche de production nationale a subi un dommage sensible causé par les importations des marchandises en question de 2013 à 2015. Ce dommage a pris la forme d’une réduction des ventes, de la part de marché, des marges brutes, des profits nets, des taux d’utilisation de la capacité et du nombre d’emplois. En outre, les parties plaignantes ont soumis des renseignements sur des ventes perdues, concernant des clients particuliers, au profit des marchandises en question originaires des pays cumulés.
  4. La production destinée à la vente sur le marché national des parties plaignantes et des producteurs qui appuient la plainte n’a pas baissé en valeur absolue entre 2013 et 2015[22]. Compte tenu de la production des autres producteurs nationaux, la production nationale estimée a atteint un sommet en 2015.
  5. Cependant, les éléments de preuve indiquent aussi que la part de marché de la branche de production nationale a diminué d’environ 4 p. 100 entre 2013 et 2015, et que la part de marché des marchandises en question originaires des pays cumulés a augmenté dans la même proportion au cours de cette période[23].
  6. Les estimations de parts de marché de l’ASFC fondées sur la valeur étayent aussi provisoirement l’hypothèse selon laquelle les marchandises en question originaires des pays cumulés ont augmenté leur part de marché aux dépens de la production nationale. Si la valeur relative des ventes nationales a diminué en 2016, les données sur les parts de marché indiquent que la part de marché des marchandises en question originaires des pays cumulés, en valeur, a continué de croître et est passée d’environ 13 p. 100 du marché en 2013 à plus de 32 p. 100 en 2015.
  7. Ensemble, ces données constituent une indication raisonnable selon laquelle les marchandises en question originaires des pays cumulés ont augmenté leur part de marché aux dépens des marchandises similaires.
  8. Les renseignements financiers des parties plaignantes indiquent, de façon raisonnable, que de 2013 à 2015 la branche de production nationale a subi une réduction continue de ses ventes nettes, de ses marges brutes et de ses profits nets[24]. Ils établissent également le faible taux d’utilisation de la capacité des parties plaignantes[25].
  9. En outre, comme mentionné précédemment, les parties plaignantes ont présenté un certain nombre d’exemples où elles disent avoir perdu des ventes ou des clients au profit des importations de marchandises en question originaires des pays cumulés ou avoir dû baisser leurs prix pour maintenir leurs ventes ou conserver leurs clients à cause de la concurrence des marchandises en question à bas prix originaires des pays cumulés.
  10. Tout compte fait, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question originaires des pays cumulés ont causé un dommage à la branche de production nationale.
  11. Le Tribunal est conscient que d’autres facteurs soulevés par les parties qui s’opposent à la plainte[26] pourraient effectivement avoir eu une incidence sur la branche de production nationale et que ceux-ci méritent d’être examinés et analysés de façon approfondie dans le cadre d’une enquête définitive de dommage. Aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve concernant leur incidence ne suffisent pas à contredire les conclusions du Tribunal selon lesquelles, tout compte fait, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage.
  12. Comme il existe une indication raisonnable selon laquelle les marchandises en question ont causé un dommage, le Tribunal, pour des raisons d’économie des ressources judiciaires, n’évaluera pas l’existence d’indications raisonnables selon lesquelles le dumping ou le subventionnement des marchandises en question originaires des pays cumulés menace de causer un dommage.

ANALYSE DE DOMMAGE AYANT TRAIT AUX IMPORTATIONS DES ÉMIRATS

  1. Dans le cadre d’une enquête définitive de dommage conformément à l’article 42 de la LMSI, le Tribunal doit clore l’enquête portant sur des marchandises sous-évaluées ou subventionnées lorsque le volume de leurs importations est négligeable[27]. Le Tribunal n’a pas l’autorité de faire de même dans une enquête préliminaire de dommage. Par conséquent, même si les éléments de preuve dont il dispose à la présente étape indiquent que le volume des importations des marchandises en question originaires des Émirats est négligeable, le Tribunal ne peut clore son enquête sur ces marchandises au seul motif de leur caractère négligeable.
  2. Comme il sera expliqué ci-après, les éléments de preuve à la présente étape n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question originaires des Émirats a causé un dommage à la branche de production nationale.
  3. Les seuls travaux ayant concerné les marchandises en question importées des Émirats ont été la construction du « Unit 45 Combined Hydrotreating Unit » de la Canadian Natural Resources Ltd.; ces travaux ont exigé un volume estimé de 2 500 tonnes métriques d’éléments d’acier et sa construction a coûté 9,25 millions de dollars[28]. Les parties plaignantes n’ont pas présenté de soumission pour l’approvisionnement des éléments d’acier, mais elles ont été retenues pour ériger les structures[29].
  4. En l’absence d’autres détails sur les circonstances de l’approvisionnement en question, par exemple une estimation fiable de son prix, il n’existe pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure à une sous‑cotation sensible des prix. En outre, peu d’élément de preuve, voire aucun, indiquent que le dumping des marchandises en question originaires des Émirats a causé une baisse ou une compression des prix de quelque importance.
  5. Cependant, les éléments de preuve indiquent bien, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question originaires des Émirats menace de causer un dommage.
  6. Cette menace de dommage est en partie attribuable à la vulnérabilité de la branche de production nationale causée par l’orientation favorable aux exportations des producteurs des marchandises en question originaires des pays cumulés et à leur capacité démontrée de maintenir et d’accélérer la croissance de l’importation de ces marchandises au Canada.
  7. Par conséquent, il est probable qu’une hausse importante des importations au Canada des marchandises en question originaires des pays cumulés se poursuive, de même que leur incidence négative sur la branche de production nationale. Dans cette situation, les marchandises sous-évaluées originaires des Émirats pourraient causer un dommage à la branche de production nationale.
  8. Dans ce contexte, le Tribunal prend note des éléments de preuve suivants :
  • La baisse des prix du pétrole a eu une incidence sur l’industrie du pétrole et du gaz naturel des Émirats, comme sur des industries similaires dans d’autres régions; plusieurs travaux de grande envergure devant utiliser des éléments d’acier ont été annulés ou suspendus dans le pays.
  • Les producteurs des marchandises en question aux Émirats seront aussi vraisemblablement touchés par la baisse des achats dans leurs marchés d’exportation habituels, comme l’Arabie saoudite et le Koweït.
  • Les producteurs des marchandises en question aux Émirats qui ont l’expérience de l’industrie du pétrole et du gaz seront vraisemblablement intéressés par d’autres marchés liés au pétrole et au gaz, comme l’industrie des sables bitumineux du Canada[30].
  • L’exportateur-producteur des marchandises en question aux Émirats est affilié à l’exportateur-producteur des marchandises en question au Royaume-Uni, William Hare Limited[31].
  1. Bien que le Tribunal ne soit pas forcément convaincu par les éléments de preuve qu’il y a menace de dommage attribuable aux marchandises en question originaires des Émirats, particulièrement en ce qui concerne la probabilité qu’une éventuelle hausse du volume des importations soit importante, ces éléments de preuve sont suffisants aux fins de l’enquête préliminaire de dommage.

CONCLUSION

  1. Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal détermine que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre président

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

OPINION DISTINCTE DU MEMBRE RITCEY

  1. Je dois respectueusement exprimer mon désaccord avec la décision de mes collègues consistant à évaluer séparément l’effet du dumping des marchandises en question originaires des Émirats.
  2. L’espèce est unique en ce que le Tribunal n’a jamais eu à se pencher sur la manière d’effectuer une évaluation préliminaire de dommage lorsque le volume des importations originaires d’un ou de plusieurs pays visés semble être négligeable. Comme expliqué précédemment, lorsque le Tribunal détermine que le volume des importations est négligeable dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, il doit clore la procédure concernant ces marchandises[32]. Aucune exigence semblable ne s’applique aux enquêtes préliminaires de dommage.
  3. C’est plutôt l’ASFC, conformément à l’article 35 de la LMSI, qui doit clore une enquête à cette étape de la procédure si elle est convaincue que le volume réel ou potentiel des marchandises sous-évaluées ou subventionnées est négligeable[33]. En l’espèce, l’ASFC n’a pas clôt son enquête en ce qui concerne les Émirats ni le Royaume-Uni. Par conséquent, l’ASFC ne doit pas encore être convaincue que les importations originaires de ces pays sont effectivement négligeables, même si pendant certaines périodes le volume des importations originaires des Émirats et du Royaume-Uni représentait moins de 3 p. 100 du total des importations, comme l’indiquent la plainte et les propres données de l’ASFC.
  4. Le Tribunal a adopté depuis longtemps le point de vue selon lequel c’est généralement l’ASFC qui est la mieux placée pour déterminer le volume des importations à l’étape d’une enquête préliminaire de dommage[34]. J’estime que les éléments de preuve ne justifient pas d’abandonner ce point de vue, et je me fie donc à l’évaluation de l’ASFC selon laquelle le volume des importations sous-évaluées originaires des Émirats et du Royaume-Uni ne doit pas être considéré comme négligeable, même si chacun représente moins de 3 p. 100 de l’ensemble des importations au cours de la période d’enquête de l’ASFC.
  5. Comme la définition de ce qui est « négligeable » en ce qui concerne le décumul conformément à l’article 42 de la LMSI n’a pas à être prise en considération dans l’interprétation de l’article 37.1, et qu’aucune autre raison ne justifie de ne pas faire le cumul à la présente étape de la procédure, j’estime qu’il conviendrait d’évaluer de manière cumulative l’ensemble des marchandises en question. Comme l’évaluation cumulative des autres marchandises en question indique, de façon raisonnable, l’existence d’un dommage, comme l’ont démontré mes collègues, l’ajout du volume des importations originaires des Émirats conduit logiquement au même résultat. Par conséquent, à mon avis, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question, y compris celles originaires des Émirats, ont causé un dommage.
  6. Étant donné les conclusions selon lesquelles les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage, je n’estime pas nécessaire d’évaluer s’ils indiquent également, de façon raisonnable, l’existence d’une menace de dommage.

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre

 

[1].     Pièce PI-2016-003-05, vol. 1D à la p. 188.

[2].     Ibid. à la p. 194.

[3].     L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[4].     Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

[5].     Plaques de plâtre (5 août 2016), PI-2016-001 (TCCE) au par. 16; Barres d’armature pour béton (12 août 2014), PI-2014-001 (TCCE) [Barres d’armature] au par. 15; Silicium métal (21 juin 2013), PI-2013-001 (TCCE) au par. 16; Modules muraux unitisés (3 mai 2013), PI-2012-006 (TCCE) au par. 24; Transformateurs à liquide diélectrique (22 juin 2012), PI‑2012-001 (TCCE) au par. 86.

[6].     Certains maïs-grain (10 octobre 2000), PI-2000-001 (TCCE) à la p. 7.

[7].     Barres d’armature aux par. 18-19.

[8].     L’article 5 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (Accord antidumping) et l’article 11 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’OMC (Accord SMC) exigent de l’autorité chargée d’une enquête qu’elle examine l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête; la plainte sera rejetée ou l’enquête sera close dès que l’autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping et au subventionnement ou au dommage ne sont pas suffisants. L’article 5 de l’Accord antidumping et l’article 11 de l’Accord SMC prévoient également qu’une simple affirmation non étayée par des éléments de preuve pertinents ne peut être jugée suffisante pour que soient respectées les exigences desdits articles.

[9].     D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[10].   Pour déterminer s’il existe des indications raisonnables selon lesquelles le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage, le Tribunal se fonde sur le paragraphe 37.1(2) du Règlement, où sont énoncés les facteurs dont le Tribunal doit tenir compte dans le cadre de son analyse de la menace de dommage.

[11].   Modules muraux unitisés (12 novembre 2013), NQ-2013-002 (TCCE) au par. 34.

[12].   Pièce PI-2016-003-07.02 (protégé) au par. 83, vol. 4.

[13].   Pièce PI-2016-003-08.01D au par. 6, vol. 3B.

[14].   Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (19 septembre 2014), PI-2014-002 (TCCE) au par. 62; Tubes en cuivre circulaires (22 juillet 2013), PI-2013-002 (TCCE) [Tubes en cuivre] au par. 44; Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (4 novembre 2013), PI-2013-003 (TCCE) au par. 35.

[15].   Aucune des marges de dumping ni aucun des montants de subvention ne sont minimes.

[16].   Pièce PI-2016-003-02.01, vol. 1 à la p. 34.

[17].   Ibid. à la p. 36.

[18].   Ibid. aux pp. 132-151.

[19].   Pièce PI-2016-003-09.01 (protégée), onglet 4, vol. 4B.

[20].   Pièce PI-2016-003-03.01 (protégée), onglet 8, vol. 2.

[21].   Fils machine de cuivre (30 octobre 2006), PI-2006-002 (TCCE) aux par. 40, 43; Fils d’acier galvanisés (22 mars 2013), PI-2012-005 (TCCE) au par. 75; Tubes en cuivre au par. 82; Barres d’armature au par. 95.

[22].   Pièce PI-2016-003-02.01, vol. 1 à la p. 36.

[23].   Ibid.

[24].   Ibid. à la p. 154.

[25].   Ibid. à la p. 153.

[26].   Les autres facteurs comprennent la réduction de la demande causée par la chute des prix du pétrole, l’augmentation du coût des intrants, etc. Pièce PI-2016-003-06.01 à la p. 4, vol. 3.

[27].   Paragraphe 42(4.1) de la LMSI.

[28].   Pièce PI-2016-003-02.01, vol. 1 aux pp. 148-149. Les parties plaignantes ne connaissent pas directement le coût d’approvisionnement. Pièce PI-2016-003-02.01, vol. 1 aux pp. 206-207.

[29].   Pièce PI-2016-003-02.01, vol. 1 à la p. 149.

[30].   Ibid. aux pp. 176-177.

[31].   Ibid. au pp. 57-58.

[32].   Stores vénitiens et lamelles en bois (18 juin 2004), NQ-2003-003 (TCCE) aux par. 71-73.

[33].   Planchers laminés (16 juin 2005), NQ-2004-006 (TCCE) au par. 2.

[34].   Tubes en cuivre au par. 51.