FOURNITURES TUBULAIRES POUR PUITS DE PÉTROLE

FOURNITURES TUBULAIRES POUR PUITS DE PÉTROLE
Réexamen intermédiaire no RD‑2017-001

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 25 octobre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un réexamen intermédiaire, aux termes du paragraphe 76.01(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 2 avril 2015, dans l’enquête no NQ-2014-002, concernant des :

FOURNITURES TUBULAIRES POUR PUITS DE PÉTROLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU TAIPEI CHINOIS, DE LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE, DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE, DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DU ROYAUME DE THAÏLANDE, DE LA RÉPUBLIQUE DE TURQUIE, D’UKRAINE ET DE LA RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIETNAM

ORDONNANCE

Conformément au paragraphe 76.01(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide qu’un réexamen intermédiaire de ses conclusions rendues le 2 avril 2015, dans l’enquête no NQ-2014-002, concernant des fournitures tubulaires pour puits de pétrole originaires ou exportées du Taipei chinois, de la République de l’Inde, de la République d’Indonésie, de la République des Philippines, de la République de Corée, du Royaume de Thaïlande, de la République de Turquie, d’Ukraine et de la République socialiste du Vietnam, n’est pas justifié.

Par conséquent, la demande déposée par Borusan Mannesmann Boru afin que le Tribunal canadien du commerce extérieur procède à un réexamen intermédiaire est, conformément au paragraphe 76.01(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, rejetée.

Jean Bédard
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Peter Burn
Peter Burn
Membre

Membres du Tribunal : Jean Bédard, c.r., membre présidant
Serge Fréchette, membre
Peter Burn, membre

Personnel de soutien : Nick Covelli, conseiller juridique principal

Dustin Kenall, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Tenaris Global Services (Canada) Inc., Algoma Tubes Inc. et Prudential Steel ULC

Geoffrey Kubrick
Jonathan O’Hara

Welded Tube of Canada et Atlas Tube Canada ULC

Lawrence Herman

Evraz Inc. NA Canada et la Canadian National Steel Corporation

Christopher Kent
Christopher Cochlin
Andrew Lanouette
Hugh Lee
Marc McLaren-Caux
Susana Lee
Cynthia Wallace

 

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Borusan Mannesmann Boru

Victoria Bazan

P.T. Citra Tubindo TBK

James McIlroy

United Steel Workers

Craig Logie

Association canadienne des producteurs d’acier

Paul Conlin
Linden Dales

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Borusan Mannesmann Boru (BMB), producteur et exportateur turc de tubes en acier, y compris de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP), demande que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) entreprenne un réexamen intermédiaire de ses conclusions rendues dans l’enquête no NQ-2014-002 (les conclusions relatives aux FTPP) afin d’exclure les marchandises de BMB des conclusions au motif que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avait, dans son enquête connexe, conclu que BMB avait une marge de dumping de 0 p. 100[1].
  2. BMB soutient qu’une décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des décisions du Tribunal subséquentes aux conclusions relatives aux FTPP, constituent un changement de circonstances qui justifie un réexamen intermédiaire.
  3. Le Tribunal n’est pas d’accord et a par conséquent décidé qu’un réexamen intermédiaire n’est pas justifié.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 28 juillet 2017, le Tribunal a reçu la demande d’ouverture d’un réexamen intermédiaire de BMB en vertu de l’article 76.01 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[2].
  2. Le 8 août 2017, le Tribunal a remis une copie de la demande de BMB aux parties à l’enquête no NQ-2014-002, les a informés qu’il avait conclu que la demande était bien documentée et a établi un calendrier pour la présentation d’observations sur la question de savoir si la demande doit être accueillie.
  3. Le 28 août 2017, six parties ont déposé leurs observations écrites, s’opposant toutes à la demande sauf une partie. Le 7 septembre 2017, BMB a déposé sa réponse[3].

CADRE LÉGISLATIF

  1. Un réexamen intermédiaire a pour but de déterminer si les circonstances exigent qu’il faille annuler ou maintenir, avec ou sans modification, des conclusions ou une ordonnance[4].
  2. Le pouvoir du Tribunal de procéder à des réexamens intermédiaires découle de l’article 76.01 de la LMSI, lequel est libellé comme suit :

    Réexamen intermédiaire

    76.01 (1) Le Tribunal peut, de sa propre initiative ou à la demande du ministre des Finances, du président [de l’ASFC], de toute autre personne ou d’un gouvernement, procéder au réexamen intermédiaire :

    a) soit d’une ordonnance ou de conclusions rendues en vertu des articles 3 à 6;

    b) soit d’un de leurs aspects.

    Nouvelle audition

    (2) Lors du réexamen intermédiaire, le Tribunal peut procéder de nouveau à l’audition de toute question.

    Condition préalable

    (3) Le Tribunal ne procède au réexamen intermédiaire sur demande que si la personne ou le gouvernement le convainc du bien-fondé de celui-ci.

  1. L’article 72 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[5] donne des lignes directrices pour déterminer si un réexamen intermédiaire est justifié; ses parties pertinentes prévoient ce qui suit :

    72 En vue de déterminer le bien-fondé d’un examen intermédiaire aux termes de l’article 76.01 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal peut ordonner aux parties de lui fournir les renseignements concernant :

    a) tout changement ou fait postérieur au prononcé de l’ordonnance ou des conclusions;

    [...]

  1. L’ouverture d’un réexamen intermédiaire est assujettie à une norme élevée, comme l’a déjà mentionné le Tribunal dans la demande de réexamen intermédiaire no RD-2000-001[6] :

    [D]es examens intermédiaires ne doivent être entrepris que lorsque des raisons suffisamment convaincantes persuadent le Tribunal de le faire. Des faits nouveaux ou un changement de la situation ne sont pas, à eux seuls, un motif suffisant pour justifier un réexamen intermédiaire. Selon le Tribunal, les renseignements au dossier afférent à une demande doivent indiquer que, si un réexamen intermédiaire devait être tenu, il s’ensuivrait vraisemblablement une modification des conclusions ou de l’ordonnance.

FAITS

  1. Même si elle a conclu que les exportations de BMB au Canada avaient une marge de dumping de 0 p. 100, l’ASFC n’a pas mis fin à son enquête antidumping relative aux fournitures de BMB, et les fournitures n’ont pas été exclues des conclusions relatives aux FTPP. Par conséquent, même si les importations de BMB peuvent ne pas être assujetties aux droits antidumping, BMB demeure assujettie au régime de valeurs normales et aux révisions de l’ASFC, ainsi qu’à tout réexamen relatif à l’expiration des conclusions qui pourraient survenir plus tard.
  2. À la fin de 2016, un groupe spécial de l’OMC a conclu dans Tubes soudés[7] que l’article 5.8 de l’Accord antidumping requiert que les membres de l’OMC mettent immédiatement fin à une enquête lorsque les autorités concernées déterminent que la marge de dumping est de minimis et que de telles marchandises importées ne doivent pas être traitées comme étant sous-évaluées aux fins de l’analyse et des conclusions définitives de l’existence d’un dommage et d’un lien de causalité[8]. Le Canada n’a pas fait appel de cette décision et il a pris des mesures visant à modifier la LMSI afin de permettre à l’ASFC de clore les enquêtes futures concernant les exportateurs de minimis.
  3. En attendant les modifications, le Tribunal a utilisé son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI afin d’exclure les marchandises d’exportateurs de minimis de ses conclusions dans Barres d’armature pour béton[9] (Barres d’armature) et Certains éléments d’acier de fabrication industrielle[10] (EAFI). Dans les deux cas, le Tribunal a cité le rapport du Groupe spécial de l’OMC comme motif pour ces exclusions.

POSITION DES PARTIES

  1. BMB est d’avis que la décision de l’OMC et le traitement subséquent du Tribunal des exportateurs de minimis dans Barres d’armature et EAFI constituent un changement de situation qui justifient un réexamen intermédiaire des conclusions relatives aux FTPP concernant ses marchandises.
  2. BMB affirme qu’elle ne demande qu’à obtenir la même réparation que le Tribunal a déjà accordée dans Barres d’armature et EAFI, et qu’un réexamen intermédiaire est un véhicule approprié pour une telle réparation compte tenu de la fréquence à laquelle le Tribunal accorde des exclusions et compte tenu de l’exigence (prévu par l’article 5.8 de l’Accord antidumping) selon laquelle les rigueurs du régime antidumping cessent « immédiatement » pour les exportateurs dont la marge de dumping est nulle comme BMB.
  3. PT Citra Tubindo Tbk (Citra), un exportateur de FTPP situé en Indonésie, appuie la demande de BMB, s’appuyant fortement sur les propos du Tribunal dans EAFI où il a affirmé que Tubes soudés exige qu’« une fois qu’il est jugé qu’un exportateur ne pratique pas le dumping, cet exportateur ne peut pas continuer d’être assujetti au régime de la valeur normale et tenu de participer aux examens administratifs[11] » [nos italiques]. L’observation de Citra met en évidence que si la demande de BMB est accueillie, Citra est également susceptible de demander une exclusion pour des motifs semblables.
  4. Les parties adverses soulèvent plusieurs objections. D’un point de vue politique publique, elles soulèvent la possibilité qu’exclure BMB équivaudrait à lui accorder l’autorisation de faire du dumping. Elles soulèvent aussi qu’exclure BMB des conclusions ouvrirait toute grande la voie à des demandes semblables, notamment pour des remboursements de l’ASFC remontant plusieurs années en arrière.
  5. D’un point de vue juridique, les parties adverses font la distinction avec les enquêtes EAFI et Barres d’armature qui impliquaient des exclusions accordées dans le cadre d’enquêtes en cours, et non dans le cadre d’un réexamen intermédiaire de conclusions datant de plusieurs années. Elles affirment que les modifications apportées à la LMSI donnent seulement à l’ASFC, et non au Tribunal, le pouvoir de clore une enquête concernant un seul exportateur ayant des marges nulles ou de minimis. Par ailleurs, elles affirment que les dispositions transitoires figurant à l’article 100 du projet de loi C-44[12] modifiant la LMSI, lesquelles ne sont pas encore en vigueur, mais ont reçu la sanction royale le 22 juin 2017, prévoient explicitement que les modifications ne sont pas rétroactives et qu’elles ne constituent pas un fondement valide pour un réexamen intermédiaire.
  6. En réplique, BMB précise qu’elle ne demande ni remboursements ni effets rétroactifs par rapport à l’ordonnance d’exclusion. Elle note également que le Groupe spécial de l’OMC dans Tubes soudés a fermement rejeté l’argument selon lequel les exportateurs avec des marges de minimis doivent rester assujettis aux enquêtes antidumping par crainte de leur accorder l’autorisation de faire du dumping.

ANALYSE

  1. Les motifs de la demande de BMB sont inédits. Le Tribunal a indiqué par le passé que des changements de circonstances pouvant justifier un réexamen intermédiaire « peuvent comprendre, par exemple, les changements survenus dans la structure de l’industrie, dans les circonstances financières, et dans les schémas de commercialisation ou de consommation[13] ». Le scénario classique de « changements de circonstances » est celui où la production nationale a cessé définitivement[14]. Il n’existe pas de précédent pour un changement de pratiques et/ou une décision de l’OMC constituant des changements de circonstances justifiant un réexamen intermédiaire.
  2. Même si, aux fins du présent argument, un changement de pratiques constituait un changement de circonstances, l’exclusion d’exportateurs de minimis des conclusions de Barres d’armature et EAFI n’est pas un changement de pratiques. L’exclusion de marchandises de conclusions relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI de « [rendre], à l’égard de marchandises faisant l’objet d’une décision définitive de dumping ou de subventionnement, les ordonnances ou les conclusions indiquées dans chaque cas en y précisant les marchandises concernées et, le cas échéant, leur fournisseur et leur pays d’exportation[15] ». Ainsi, la question de savoir si le Tribunal choisit d’exercer son pouvoir d’exclure des marchandises dans un cas donné est une question de pouvoir discrétionnaire exercé au cas par cas. Le Tribunal a choisi d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans Barres d’armature et EAFI. Il a choisi de ne pas l’exercer dans FTPP (enquête no NQ-2014-002).
  3. Même si le Tribunal, dans Barres d’armature et EAFI, bénéficiait du rapport du Groupe spécial de l’OMC dans Tubes soudés et connaissait l’intention du Parlement de modifier conséquemment la LMSI, ces exclusions étaient des mesures propres aux cas en question, ponctuelles de par leur nature, prises durant une période intrinsèquement transitoire; des circonstances uniques et temporaires étaient présentes, lesquelles n’existaient pas auparavant, et lesquelles n’existent plus. Maintenant que la LMSI exige que l’ASFC mette immédiatement fin aux enquêtes contre les exportateurs ayant des marges nulles ou de minimis, la question ne se posera pas de nouveau dans le cadre d’une enquête menée par le Tribunal et, conséquemment, le Tribunal s’attend à ce que ces exclusions ne soient pas accordées de nouveau. Deux mesures isolées ne constituent pas une pratique, encore moins un « changement de circonstances » justifiant la reconsidération d’une conclusion définitive de dommage existante.
  4. Les cas Barres d’armature et EAFI se distinguent de FTPP en ce que la décision du Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans Barres d’armature et EAFI était dans le contexte d’enquêtes qui étaient encore ouvertes et alors que le Tribunal était encore saisi de ces affaires. Aucunes conclusions préexistantes n’étaient en vigueur. En revanche, par rapport à FTPP, BMB demande au Tribunal de modifier une décision définitive. La question de savoir si, avec le recul, le Tribunal aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire différemment et exclure les marchandises de BMB des conclusions de FTPP au moment de sa décision définitive dans cette enquête n’est pas la question. Il ne l’a pas fait et maintenant l’affaire est close.
  5. Le principe de finalité des décisions du Tribunal et l’importance de ce principe en tant que question d’intérêt public dans l’administration de la justice sont des facteurs limitatifs dont le Tribunal tient compte pour déterminer si un réexamen intermédiaire est justifié. Même si le facteur principal devant être pris en considération lors d’une enquête est d’assurer que ses conclusions soient correctes, ultérieurement la balance penche de l’autre côté, la stabilité et la certitude occupant alors une place prépondérante (d’où la norme accrue pour l’ouverture d’un réexamen intermédiaire[16], et l’émergence de considérations équitables comme la question de savoir s’il était possible de découvrir de nouveaux éléments de preuve plus tôt).
  6. Relativement à la position de BMB selon laquelle la décision de l’OMC Tubes soudés constitue un changement de circonstances, le Tribunal observe également qu’il y a un autre mécanisme de recours à cet effet. Le paragraphe 76.1(1) de la LMSI permet au ministre des Finances de mettre en œuvre une décision rendue par l’OMC en demandant que l’ASFC ou le Tribunal réexamine des décisions ou conclusions existantes. Le paragraphe prévoit ce qui suit :

    76.1 (1) S’il l’estime nécessaire pour mettre en œuvre une recommandation ou une décision de l’Organe de règlement des différends constitué en vertu de l’article 2 de l’annexe 2 de l’Accord sur l’OMC, le ministre des Finances peut demander, compte tenu de la recommandation ou de la décision :

    a) au président de réexaminer, en totalité ou en partie, une décision rendue ou une révis[i]on faite sous le régime de la présente loi;

    b) au Tribunal de réexaminer, en totalité ou en partie, une ordonnance ou des conclusions rendues en vertu des articles 3 à 6; le Tribunal peut accorder une nouvelle audition sur cette question.

    [Nos italiques]

  1. Cette disposition comporte trois qualités notables. Premièrement, son libellé a une large portée : « s’il l’estime nécessaire », « de réexaminer, en totalité ou en partie », « une décision », « une ordonnance » ou « des conclusions rendues ». Deuxièmement, elle est axée sur la mise en œuvre des recommandations et des décisions rendues par l’OMC par le « réexamen » de décisions et d’ordonnances antérieures durant une période de transition anticipée (par exemple avant le début d’un réexamen relatif à l’expiration, après quoi le Tribunal et l’ASFC peuvent incorporer les recommandations et les conclusions de l’OMC dans leurs propres décisions). Et troisièmement, son pouvoir discrétionnaire est conféré à l’un des ministres du plus haut niveau du gouvernement du Canada dont les responsabilités comprennent la surveillance des lois portant sur les recours commerciaux.
  2. Le Tribunal n’est pas d’accord avec BMB que l’article 76.1 de la LMSI n’est pas un recours efficace pour le motif qu’il devrait être interprété de manière restrictive afin de permettre au ministre d’exiger seulement des réexamens sur une base « telle qu’appliquée » aux parties et aux marchandises en cause dans une décision précise de l’OMC. Au contraire, le libellé et la structure indiquent que le pouvoir discrétionnaire du ministre est assez large et réparateur pour gérer systématiquement le début d’un réexamen de lois et politiques commerciales à la lumière d’une recommandation ou décision de l’OMC.
  3. L’existence du recours au ministre des Finances établi à l’article 76.1 de la LMSI amène le Tribunal à conclure que le processus de réexamen intermédiaire établi à l’article 76.01 n’a pas été conçu ou destiné à être le véhicule utilisé par le Tribunal pour réexaminer les conclusions à la suite de recommandations ou de décisions subséquentes de l’OMC. Cette conclusion est corroborée par les dispositions transitoires du projet de loi C-44, lequel a reçu la sanction royale le 22 juin 2017. Ces provisions transitoires indiquent que les modifications à la LMSI, conçues pour que la LMSI soit pleinement conforme aux décisions de l’OMC, ne sont pas des raisons suffisantes pour justifier la tenue d’un réexamen intermédiaire :

    Réexamen non justifié par la nouvelle loi

    100(4) Pour l’application du paragraphe 76.01(3) de la nouvelle loi, le fait que la présente loi entre en vigueur n’est pas un élément suffisant pour convaincre le Tribunal canadien du commerce extérieur du bien-fondé de la demande de réexamen d’une ordonnance ou de conclusions[17].

  1. Même si le Tribunal doit interpréter la loi d’une manière qui est conforme aux obligations internationales du Canada, la présente interprétation est assujettie au libellé de la législation nationale[18]. Le Tribunal ne peut ignorer l’article 76.1 de la LMSI et l’intention du Parlement exprimée dans les dispositions du projet de loi C-44 en exerçant son jugement pour décider si un réexamen intermédiaire est justifié.

CONCLUSION

  1. Par conséquent, la demande déposée par BMB afin que le Tribunal procède à un réexamen intermédiaire est, conformément au paragraphe 76.01(4) de la LMSI, rejetée.
 

[1].     Il n’est pas contesté que l’ASFC, à trois reprises entre le 3 décembre 2014 et le 14 décembre 2015, a confirmé que BMB a une marge de dumping de 0 p. 100. Voir Énoncé des motifs concernant les décisions provisoires de l’ASFC relatives au dumping de certaines FTPP (18 décembre 2014) au par. 138, accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/ad1404/ad1404-i14-pd-fra.html; Énoncé des motifs concernant les décisions définitives de l’ASFC relatives au dumping de certaines FTPP (18 mars 2015) au par. 159, accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/ad1404/ad1404-i14-fd-fra.html; Avis de conclusion de réexamen de l’ASFC (14 décembre 2015), accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/ri-re/ad1371-1385-1390-1404/ad1371-....

[2].     L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

[3].     La demande elle-même et toutes les observations écrites ne contenaient que des renseignements publics.

[4].     Paragraphe 76.01(5) de la LMSI.

[5].     DORS/91-499.

[6].     Tapis produit sur machine à touffeter (21 août 2000), RD-2000-001 (TCCE) à la p. 3 [TPMT].

[7].     Canada – Mesures antidumping visant les importations de certains tubes soudés en acier au carbone en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (21 décembre 2016), OMC Doc. WT/DS482/R, rapport du Groupe spécial [Tubes soudés].

[8].     Tubes soudés au par. 7.83.

[9].     Barres d’armature pour béton (18 mai 2017), NQ-2016-003 (TCCE).

[10].   Certains éléments d’acier de fabrication industrielle (9 juin 2017), NQ-2016-004 (TCCE).

[11].   EAFI au par. 166.

[12].   Le projet de loi C-44, Loi no 1 d’exécution du budget de 2017 (42e législature, 1re session) [LEB].

[13].   Voir, par exemple, Bottes et souliers en cuir et autres qu’en cuir pour dames (8 mars 1994), RD-93-004 (TCCE), citant Maïs-Grain (9 avril 1990), RD-89-009 (TCCE).

[14].   C’était le cas dans, entre autres, Bicyclettes (30 septembre 2013), RD-2013-001 et RD-2013-002 (TCCE).

[15].   Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping, [1978] 2 C.F. 507 (CAF); Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping (1985) 9 C.E.R. 210 (CAF).

[16].   Voir, par exemple, Extrusions d’aluminium (12 septembre 2013), RD-2012-001 (TCCE) au par. 18 (concluant que le Tribunal doit être convaincu qu’il « s’ensuivrait vraisemblablement la modification de l’ordonnance ou des conclusions »); TPMT à la p. 3 (« L’ouverture d’un réexamen intermédiaire pour des raisons moins probantes entraînerait un niveau d’incertitude inacceptable quant à la durée et à la robustesse de conclusions ou d’une ordonnance ainsi que des coûts pour les parties intéressées. Les procédures menées aux termes de la LMSI sont souvent complexes et onéreuses, et il ne serait pas raisonnable de permettre la réouverture d’une procédure, ou d’une partie d’une procédure, en s’appuyant sur une norme moins rigoureuse »).

[17].   LMSI au par. 100(4).

[18].   R. c. Hape, [2007] 2 RCS 292, 2007 CSC 26 (CanLII) au par. 53; voir aussi National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 RCS 1324.