RÉSINE DE POLYÉTHYLÈNE TÉRÉPHTALATE

RÉSINE DE POLYÉTHYLÈNE TÉRÉPHTALATE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2017-002

Décision rendue
le mardi 17 octobre 2017

Motifs rendus
le mercredi 1er novembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant de la

RÉSINE DE POLYÉTHYLÈNE TÉRÉPHTALATE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les présumés dumping et subventionnement dommageables de résine de polyéthylène téréphtalate (résine PET) ayant une viscosité intrinsèque d’au moins 0,70 décilitres par gramme mais pas plus de 0,88 décilitres par gramme, y compris une résine PET contenant plusieurs additifs introduits dans le procédé de fabrication, ainsi que des mélanges de résine PET vierge et de PET recyclé contenant une teneur en résine de PET vierge de 50 % ou plus en poids, originaire ou exportée de la République populaire de Chine, de la République d’Inde, du Sultanat d’Oman et de la République islamique du Pakistan (les marchandises en question), ont causé un dommage ou un retard, ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 18 août 2017 selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises en question.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre
Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Jean Bédard, membre présidant
Daniel Petit, membre
Rose Ritcey, membre

Personnel de soutien : Peter Jarosz, conseiller juridique
Mark Howell, analyste principal
Rhonda Heintzman, analyste
Shiu Li, analyste
Christiane Schuchhardt, analyste

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

Compagnie Selenis Canada

Paul Conlin
Benjamin Bedard
Linden Dales
Carly Haynes

OCTAL SAOC FZC
 

Greg Tereposky
Vincent DeRose
Jennifer Radford
Daniel Hohnstein
Chirani Mudunkotuwa
Stéphanie Desjardins

M/s G-Pac Corporation

Jesse Goldman
George W.H. Reid
Margaret Kim
Julia Webster

Novatex limited

Jesse Goldman
George W.H. Reid
Margaret Kim
Julia Webster

Consulat général du Pakistan

Muhammad Aamer

A. Lassonde Inc.

Peter Clark
Renée Clark

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a lancé la présente enquête préliminaire de dommage le 21 août 2017, concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables de résine de polymère de téréphtalate d’éthylène (PET) originaire ou exportée de la République populaire de Chine (Chine), de la République de l’Inde (Inde), du Sultanat d’Oman (Oman) et de la République islamique du Pakistan (Pakistan) (les marchandises en question)[1].
  2. La présente enquête préliminaire de dommage découle d’une plainte déposée par la Compagnie Selenis Canada (la plaignante) et de l’ouverture d’enquêtes de dumping et de subventionnement le 18 août 2017 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
  3. Selon les estimations de l’ASFC, pour la période allant du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, les marchandises en question ont été sous-évaluées selon une marge de dumping de 13,8 p. 100 pour la Chine, 32,8 p. 100 pour l’Inde, 31,4 p. 100 pour l’Oman et 25,6 p. 100 pour le Pakistan, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation[2]. L’ASFC a estimé que les marchandises en question ont été subventionnées selon les montants de subvention suivants : 22,8 p. 100 pour la Chine, 12,2 p. 100 pour l’Inde, 20,4 p. 100 pour l’Oman et 14,6 p. 100 pour le Pakistan, exprimés en pourcentage du prix à l’exportation[3].
  4. Le Tribunal a reçu des observations écrites de la plaignante et des parties s’opposant à la plainte, notamment OCTAL SAOC FZC (OCTAL), un producteur de résine de PET à Oman, et le Consulat général du Pakistan.
  5. Le PET est habituellement appelé « polyester » lorsqu’il est utilisé pour les fibres et les tissus et « PET » ou « résine de PET » lorsqu’il est utilisé pour les bouteilles, les bocaux, les contenants et les emballages. Les marchandises en question dans la présente enquête préliminaire sont énoncées dans la définition de produit de l’ASFC[4]. Les marchandises en question sont généralement utilisées dans la production des bouteilles de boisson en plastique, dans l’emballage des aliments et des produits manufacturés, dans les contenants de produits ménagers et de produits de l’industrie automobile, et dans le cerclage industriel. L’utilisation la plus courante des contenants en résine de PET est l’emballage des boissons gazeuses non alcoolisées et de l’eau embouteillée.
  6. La plaignante prétend qu’elle a subi un dommage sensible en raison du dumping et du subventionnement des marchandises en question. À l’appui de ses allégations, la plaignante a fourni des éléments de preuve de l’augmentation des volumes de marchandises en question, de la sous-cotation des prix, de la dépression des prix, de la perte de part de marché, de la perte de volumes des ventes, de la réduction des recettes de vente nettes, des marges brutes et des profits nets, et de la perte d’emploi.
  7. Elle prétend également que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de lui causer un dommage. La plaignante allègue que les pays visés continueront d’exporter au Canada d’importants volumes de marchandises sous-évaluées et subventionnées et que ces marchandises lui causeront un dommage à l’avenir. En outre, la plaignante prétend que les prix des marchandises en question continueront probablement à entraîner la dépression et la sous-cotation des prix au pays.
  8. OCTAL prétend que les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. OCTAL a présenté des observations concernant les coûts de matériaux plus élevés en Amérique du Nord et la baisse des ventes à l’exportation de la plaignante.

CADRE LÉGISLATIF

Indication raisonnable

  1. Le mandat du Tribunal dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[5], qui exige du Tribunal qu’il détermine « [...] si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».
  2. Aucune définition du critère « indication raisonnable » n’est prévue dans la LMSI, mais selon le sens qui leur est normalement donné, il n’est pas nécessaire que les éléments de preuve en question soient « [...] concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités [...] »[6] [traduction].
  3. Le Tribunal a déjà conclu que le critère de l’« indication raisonnable » était rempli lorsque les conditions suivantes sont réunies[7] :
    • le présumé dommage ou la présumée menace de dommage est étayé par des éléments de preuve qui sont suffisants en ce sens qu’ils sont « pertinents, exacts et adéquats »;
    • compte tenu des éléments de preuve, les allégations résistent à un « examen assez poussé » eu égard aux éléments de preuve, même si la thèse avancée peut ne pas sembler convaincante ou incontestable.
  1. Le Tribunal est conscient du fait que, en exprimant le critère de la manière ci-dessus au cours des dernières années, le Tribunal semble avoir placé la barre très haut pour satisfaire au critère. Le Tribunal ne peut ni relever ni abaisser la barre. La barre a été fixée par le Parlement. Cette barre est basse. Le Tribunal a toujours maintenu que le critère de l’indication raisonnable est moins élevé que le critère qui s’applique dans une enquête définitive de dommage en vertu de l’article 42 de la LMSI[8].
  2. Le Tribunal s’attend à ce que les éléments de preuve recueillis dans la phase préliminaire de la procédure soient beaucoup moins détaillés et exhaustifs que dans une enquête définitive de dommage. Tous les éléments de preuve ne sont pas disponibles à la phase préliminaire, et aucune audience n’est tenue permettant d’examiner pleinement ce qui est disponible. En conséquence, la preuve ne sera pas évaluée dans la même mesure qu’elle le serait lors d’une enquête définitive de dommage. Le Tribunal accordera aux plaignantes le bénéfice du doute.
  3. Bien que le Tribunal examinera les plaintes de manière libérale, l’issue d’une enquête préliminaire de dommage ne doit toutefois pas être tenue pour acquise[9]. De simples affirmations ne sont pas suffisantes[10]. Les plaintes, ainsi que le dossier des parties opposées, doivent être étayés d’éléments de preuve positifs et suffisants. De tels éléments de preuve doivent également être pertinents, en ce sens qu’ils répondent aux exigences de la LMSI et concernent des facteurs pertinents du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[11].

Facteurs relatifs au dommage et à la menace de dommage

  1. Pour en arriver à sa décision provisoire de dommage, le Tribunal tient compte des facteurs énoncés à l’article 37.1 du Règlement, notamment des volumes des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées, de l’effet des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix des marchandises similaires, de l’incidence économique des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la branche de production nationale et, s’il existe un dommage ou une menace de dommage[12], de la question de savoir qu’il existe un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et le dommage ou la menace de dommage.
  2. À cet égard, l’expression « branche de production nationale » est définie au paragraphe 2(1) de la LMSI par référence à la production nationale de « marchandises similaires ». Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires » par rapport aux marchandises en question. Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.
  3. Étant donné que l’ASFC a déterminé que les marchandises en question originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan ont à la fois été sous-évaluées et subventionnées, le Tribunal, relativement à la question du dommage, doit aussi déterminer s’il convient d’évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question provenant de tous les pays visés collectivement (cumul) et du dumping et du subventionnement des marchandises en question dans l’ensemble (cumul croisé).

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

  1. Avant d’examiner les allégations de dommage ou de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites par la branche de production nationale constituent des « marchandises similaires » par rapport aux marchandises en question, en plus de circonscrire la branche de production nationale qui produit ces marchandises. Cette analyse est nécessaire, car le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l’expression « branche de production nationale » comme « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ».

Marchandises similaires et catégories de marchandise

  1. La plaignante prétend que les marchandises similaires et les marchandises en question sont des produits de base qui se livrent concurrence entre eux sur le marché canadien, sont pleinement interchangeables et constituent une seule catégorie de marchandises[13]. Aucune autre observation concernant les catégories de marchandises n’a été faite. Le Tribunal, au vu de ce fait, effectuera son analyse en tenant pour acquis que la résine de PET produite au Canada qui correspond à la description des marchandises en question est une « marchandise similaire » aux marchandises en question, et qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandise.

Branche de production nationale

  1. La LMSI définit la « branche de production nationale » comme l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires.
  2. La plaignante est la seule productrice de résine de PET au Canada[14]. La plaignante fait valoir qu’elle représentait toute la production canadienne de marchandises similaires en 2016 et qu’elle ne connaît pas d’autres producteurs nationaux de marchandises similaires[15]. Le Tribunal est convaincu que la plaignante représente l’ensemble de la production nationale de marchandises similaires et conclut en conséquence.

Cumul et cumul croisé

  1. Dans le cadre d’une analyse préliminaire de dommage, le paragraphe 42(3) de la LMSI exige que le Tribunal évalue l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement de marchandises importées au Canada de plus d’un des pays visés si le Tribunal est convaincu que certaines conditions sont remplies. Plus précisément, le Tribunal doit être convaincu que :

    1) la marge de dumping ou le montant de la subvention par rapport aux marchandises en question provenant de chacun des pays n’est pas minimal et que le volume des marchandises importées au Canada en provenance de n’importe lequel de ces pays n’est pas négligeable;

    2) l’évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun des pays visés, les autres marchandises sous-évaluées ou subventionnées, et les marchandises similaires[16].

  1. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal estime qu’il serait illogique de ne pas évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul[17].
  2. Comme l’ASFC a déterminé que les marges de dumping et les montants de subventions estimés pour tous les pays visés ne sont pas insignifiants et que les volumes estimés des importations sous-évaluées ne sont pas négligeables[18], le Tribunal conclut que la première condition énoncée au paragraphe 42(3) de la LMSI est remplie.
  3. Les parties n’ont pas déposé de renseignements concernant la question du cumul ou, plus précisément, les conditions de concurrence à l’égard de la résine de PET. En ce qui concerne les conditions de concurrence[19], les éléments de preuve au dossier à cette étape indiquent que la résine de PET est un produit de base et que les marchandises en question sont interchangeables entre elles et avec les marchandises similaires[20]. Les renseignements contenus dans la plainte indiquent également que les marchandises en question et les marchandises similaires sont en concurrence directe sur les mêmes marchés géographiques et utilisent les mêmes circuits de distribution[21]. Aucun élément de preuve contredisant ces conclusions n’a été présenté. En conséquence, le Tribunal est convaincu que la deuxième condition est remplie et estime qu’il est approprié d’effectuer une évaluation de l’effet cumulatif des marchandises en question provenant de toute origine aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage.
  4. Cette enquête vise les marchandises en question provenant de plusieurs pays qui sont à la fois sous-évaluées et subventionnées. Lorsque des marchandises en question provenant de plusieurs pays sont à la fois sous-évaluées et subventionnées durant une enquête préliminaire, le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire ou possible de désenchevêtrer leurs effets. Le rapport récent du groupe spécial de l’OMC dans Canada – Tubes soudés indique clairement qu’une telle approche est correcte[22]. Le Tribunal évaluera donc sur une base cumulative l’incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la branche de production nationale dans la présente enquête préliminaire.

ANALYSE DE DOMMAGE

  1. Le Tribunal examinera maintenant si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé, en se fondant sur les facteurs énoncés à l’article 37.1 du Règlement.

Volume des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées

  1. La plaignante, s’appuyant sur les données de Statistique Canada, soutient que les importations totales de PET ont diminué de 1,6 p. 100 dans un marché en croissance de 2014 à 2015 et d’un autre 1,9 p. 100 en 2016[23]. En revanche, la plaignante souligne l’augmentation marquée du volume des importations des pays visés en 2016, surtout par rapport aux importations non visées. La plaignante soutient également que les mêmes tendances des importations se poursuivent en comparant le premier trimestre de 2016 au premier trimestre de 2017 : les importations totales de PET ont diminué tandis que les importations des pays visés ont augmenté[24].
  2. Étant donné que l’ASFC n’a pas ouvert d’enquête à l’encontre de la résine de PET provenant de la Turquie, le Tribunal a corrigé les chiffres fournis par la plaignante en déduisant le volume et la valeur des importations de la Turquie du volume et de la valeur des marchandises en question provenant des autres pays visés aux fins de la présente enquête préliminaire. Cette analyse montre que les importations des marchandises en question ont diminué de 11 p. 100 de 2014 à 2015 et ont augmenté de 21 p. 100 de 2015 à 2016, ce qui a entraîné une augmentation globale de 7 p. 100 entre 2014 et 2016. Les importations de marchandises en question ont connu une augmentation supplémentaire de 27 p. 100 au cours du premier trimestre de 2017 comparativement à la même période en 2016. Les importations des pays non visés ont augmenté de 5 p. 100 en 2015 et ont diminué de 15 p. 100 en 2016. Les importations de marchandises non visées ont diminué de 38 p. 100 au cours du premier trimestre de 2017 comparativement au premier trimestre de 2016[25].
  3. Les données confidentielles de l’ASFC sur les importations montrent une augmentation des importations de marchandises en question en 2015 et en 2016. L’analyse de l’ASFC a confirmé que les importations de marchandises en question ont augmenté de 70 p. 100 entre 2014 et 2016[26]. Les données publiques de l’ASFC indiquent une tendance similaire pour le volume des importations, exprimé en pourcentage des importations totales, affichant une augmentation marquée de 2014 à 2016 (de 39,8 p. 100 à 47,1 p. 100)[27].
  4. Le Tribunal conclut que ces estimations indiquent, de façon raisonnable, une augmentation considérable, en termes absolus, du volume des marchandises en question. Le dossier confidentiel du Tribunal indique aussi une augmentation marquée du volume des marchandises en question par rapport aux ventes nationales et à la production nationale[28].
  5. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il y a eu une augmentation marquée en valeur absolue et relative des importations de marchandises en question provenant des pays visés.

Effet sur les prix des marchandises similaires

  1. La plaignante fait valoir que les marchandises en question ont mené à une sous-cotation et à une dépression de ses prix de manière agressive, lui causant une perte de ventes et de part de marché[29].
  2. La plainte indique que les prix des marchandises en question ont mené à une sous-cotation constante et marquée des prix canadiens tout au long de la période visée par l’enquête, qui couvre la période allant de 2014 à 2016 et le premier trimestre de 2017. Les prix moyens des importations en provenance des pays visés étaient les prix les plus bas en 2014 comparativement aux prix de la plaignante et de ceux des importations de tous les autres pays[30]. Cette marge s’est accrue en 2015, en 2016 et au premier trimestre de 2017[31]. La plaignante affirme que, en 2016, le prix moyen des marchandises en question était de 1 232 $/tm, alors que le prix moyen des autres importations était de 1 678 $/tm[32]. La plaignante fait valoir que la concurrence des prix entre les pays visés, la Chine étant le fournisseur principal à bas prix, a obligé tous les pays visés à diminuer leurs prix, ce qui a conduit à une forte baisse de tous les prix, y compris les siens, sur le marché canadien en 2016[33]. La plaignante a également fourni une liste d’allégations spécifiques de dommage liées aux ventes, indiquant que des ventes ont été perdues ou faites à des prix réduits tout au long de la période visée par l’enquête à cause des importations sous-évaluées ou subventionnées en provenance des pays visés.
  3. Ayant examiné la preuve présentée par la plaignante, le Tribunal conclut qu’elle est pertinente, exacte et adéquate pour étayer raisonnablement ses allégations aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage. Gardant en tête la norme moins élevée applicable à cette étape, ces éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont eu un effet négatif sur le prix des marchandises similaires tout au long de la période visée par l’enquête.
  4. Les estimations des prix moyens par la plaignante indiquent une tendance claire et constante d’une sous-cotation marquée des prix de 2014 jusqu’au premier trimestre de 2017[34]. La marge de sous-cotation des prix issue des importations en question a augmenté chaque année de la période et a atteint son maximum au premier trimestre de 2017.
  5. En ce qui concerne l’allégation de dépression des prix, les renseignements sur les prix et le marché présentés par la plaignante indiquent que les prix des marchandises en question ont suivi une tendance à la baisse de 2014 à 2016, étayant ainsi ces allégations[35]. Bien que la tendance à la baisse ne se soit pas poursuivie au premier trimestre de 2017[36], le Tribunal ne considère pas que ce changement au cours du dernier quart de la période visée annule l’impact des effets de prix antérieurs. Au contraire, au premier trimestre de 2017, les prix des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation des prix nationaux par une marge plus large qu’antérieurement, tandis que le volume des marchandises en question a augmenté par rapport au premier trimestre de 2016.
  6. L’effet de la sous-cotation et de la dépression des prix des marchandises en question est également étayé par la déclaration de preuve confidentielle de M. Adam Davis[37], qui documente un certain nombre de situations où les prix des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation des prix nationaux et/ou obligé la branche de production nationale à réduire ses prix afin de pouvoir concurrencer les bas prix des marchandises en question. Le Tribunal juge que ces éléments de preuve relatifs aux allégations de dommage spécifiques sont raisonnablement fiables aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, gardant en tête que de tels éléments de preuve devront faire l’objet d’un contrôle exhaustif lors de l’enquête définitive de dommage.
  7. Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation et la dépression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

  1. Dans le cadre de son analyse en vertu de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal tient compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la situation de la branche nationale de production et, plus précisément, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation.
  2. Lors d’une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, l’existence d’un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises en question et le dommage selon l’incidence qu’ont sur la branche de production nationale le volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées et l’effet de ces marchandises sur les prix. Le critère qui s’applique consiste à se demander si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont, à eux seuls, causé un dommage[38]. De plus, en vertu de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit examiner si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dommage a été causé par des facteurs autres que le dumping et le subventionnement des marchandises en question.
  3. La plaignante prétend que le dumping et le subventionnement des marchandises en question lui ont causé un dommage sous la forme de ventes et de part de marché réduites, d’effets négatifs sur les recettes de vente nettes, les marges brutes, les profits nets et l’emploi[39].
  4. La plaignante prétend également qu’elle pouvait seulement conserver sa part de marché « au prix de résultats financiers à la baisse et insoutenables[40] ».
  5. Ayant examiné la preuve présentée par la plaignante dans les dossiers confidentiels et publics et à la lumière des facteurs pertinents, le Tribunal convient que la branche de production nationale a connu un très mauvais rendement financier durant la période visée par l’enquête. Les états financiers confidentiels de la plaignante indiquent qu’elle était dans une situation financière insoutenable tout au long de la période visée par l’enquête.
  6. Les éléments de preuve présentés par la plaignante indiquent que le nombre d’employés directs qui participaient à la production de résine de PET a diminué de 2014 jusqu’au premier trimestre de 2017, entraînant moins d’heures de travail et des salaires moindres entre 2014 et 2016[41].
  7. Le Tribunal conclut que les éléments de preuve au dossier de cette enquête préliminaire de dommage indiquent, de façon raisonnable, que les effets de prix du dumping et du subventionnement des marchandises en question ont eu une incidence négative sur la situation de la branche de production nationale et ont causé un dommage à la branche de production nationale.
  8. De plus, il y a peu d’éléments de preuve et d’observations concernant l’effet des importations de marchandises en question sur d’autres facteurs et indicateurs de rendement industriel pertinents comme l’utilisation de la capacité, la productivité, le rendement sur capital investi, les liquidités et les stocks. Cela ne contredit pas la conclusion du Tribunal dans la présente enquête préliminaire selon laquelle les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont eu une incidence négative sur la situation de la branche de production nationale. Le Tribunal entreprendra un examen plus détaillé de ces autres indicateurs dans le cadre d’une enquête en vertu de l’article 42 de la LMSI en se fondant sur les renseignements supplémentaires qui seront recueillis au cours de ce processus.

Causalité, facteurs non liés au dumping et non liés au subventionnement

  1. En réponse aux allégations susmentionnées, OCTAL, une partie qui s’oppose à la plainte, soutient que la plaignante n’a pas fourni d’éléments de preuve concernant deux facteurs qui influent sur le lien de causalité entre les importations des marchandises en question et la situation de la branche de production nationale. Ces deux facteurs sont les coûts de matériaux plus élevés en Amérique du Nord et la baisse des ventes à l’exportation de la plaignante[42]. Le Tribunal a tenu compte de ces facteurs dans sa décision.
  2. En ce qui concerne la baisse des ventes à l’exportation, l’analyse du Tribunal met l’accent sur les ventes pour le marché intérieur. Une diminution ou une augmentation des exportations n’affecte pas nécessairement la décision du Tribunal sur la question de savoir s’il y a une indication raisonnable que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage[43].
  3. En ce qui concerne les coûts de matériaux, le Tribunal fait remarquer qu’ils ont peut-être eu une incidence sur le rendement financier de la branche de production nationale et qu’ils méritent d’être examinés et analysés davantage au cours d’une enquête définitive de dommage.
  4. Aux fins de cette enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve, y compris ceux concernant l’impact de ces deux autres facteurs, sont suffisants pour indiquer, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont, à eux seuls, causé un dommage.
  5. Comme il y a une indication raisonnable que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage, le Tribunal, pour des raisons d’économie judiciaire, n’examinera pas la question de savoir si les éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage.

CONCLUSION

  1. En raison de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.
 

[1].     L’ASFC n’a pas ouvert d’enquête sur le dumping présumé de marchandises en question provenant de la Turquie : Pièce PI-2017-02-05, vol. 1H au par. 32.

[2].     Ibid. au par. 50.

[3].     Ibid. au par. 59.

[4].     Ibid. au par. 34.

[5].       L.R.C., 1985, ch. S-15 [LMSI].

[6].       Ronald A. Chisholm Ltd. c. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (CF 1re inst.).

[7].       Plaques de plâtre (5 août 2016), PI-2016-001 (TCCE) [Plaques de plâtre] au par. 16; Barres d’armature pour béton (12 août 2014), PI-2014-001 (TCCE) [Barres d’armature] au par. 15; Silicium métal (21 juin 2013), PI‑2013-001 (TCCE) au par. 16; Modules muraux unitisés (3 mai 2013), PI-2012-006 (TCCE) [Modules muraux unitisés] au par. 24; Transformateurs à liquide diélectrique (22 juin 2012), PI‑2012‑001 (TCCE) au par. 86.

[8].       Certains maïs-grain (10 octobre 2000), PI-2000-001 (TCCE) à la p. 7.

[9].       Barres d’armature aux par. 18-19.

[10].       L’article 5 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [l’Accord antidumping] et l’article 11 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’OMC [l’Accord sur les SMC] exigent de l’autorité chargée d’une enquête qu’elle examine l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête; la plainte sera rejetée ou l’enquête sera close dès que l’autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping et au subventionnement ou au dommage ne sont pas suffisants. L’article 5 de l’Accord antidumping et l’article 11 de l’Accord sur les SMC prévoient également qu’une simple affirmation non étayée par des éléments de preuve pertinents ne peut être jugée suffisante pour que soient respectées les exigences desdits articles.

[11].       DORS/84-927 [Règlement].

[12].       Lorsqu’il examine la question de savoir si les éléments de preuves indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage, le Tribunal se fonde sur le paragraphe 37.1(2) du Règlement, qui énonce les facteurs dont le Tribunal doit tenir compte dans son analyse de menace de dommage.

[13].   Pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 au par. 33.

[14].   Comme la branche de production nationale est composée d’une seule entreprise, le Tribunal note qu’il y a peu ou pas de renseignements publics au dossier relativement à la production et au rendement financier de la branche de production nationale.

[15].   Pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 au para. 33.

[16].   Fils d’acier galvanisés (22 mars 2013), PI-2012-005 (TCCE) [Fils d’acier galvanisés] au par. 39.

[17].       Tôles d’acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) aux pp. 4, 5.

[18].   Pièce PI-2017-002-05, vol. 1H aux par. 50, 59 et 60.

[19].   Dans son évaluation des conditions de concurrence, le Tribunal a précédemment pris en considération les facteurs comme la mesure dans laquelle les marchandises en question provenant de chacun des pays visés (les unes par rapport aux autres et les marchandises en cause par rapport aux marchandises similaires) sont interchangeables, sont présents sur les mêmes marchés géographiques au même moment, utilisent les mêmes circuits de distribution ou utilisent les mêmes moyens de transport. Voir Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (17 août 2001), NQ-2001-001 (TCCE) au par. 16.

[20].   Pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 au par. 33.

[21].   Ibid. au par. 284.

[22].   Canada – Mesures antidumping visant les importations de certains tubes soudés en acier au carbone en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (21 décembre 2016), OMC Doc. WT/DS482/R, rapport du Groupe spécial [Canada – Tubes soudés] aux par. 7.99-7.103.

[23].   Pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 au par. 99.

[24].   Ibid. au par. 313.

[25].   Ibid. aux par. 313 et 314.

[26].   Pièce PI-2017-002-03.02 (protégée), vol. 2B au par. 206.

[27].   Pièce PI-2017-002-05, vol. 1H aux par. 38-39.

[28].   Calcul fait en fonction des renseignements confidentiels contenus dans la plainte, pièce PI-2017-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux par. 100 et 266, et de l’analyse confidentielle de la plainte de l’ASFC, pièce PI‑2017‑002‑03.02 (protégée), vol. 2B, au par. 206.

[29].   La plaignante allègue la compression des prix, mais ne fournit pas de détails pour appuyer l’allégation : Pièce PI‑2017-002-02.01, vol. 1 au par. 97.

[30].   Ibid. aux par. 100 et 101.

[31].   Ibid. vol. 1 au par. 101.

[32].   Ibid. au par. 102.

[33].   Ibid.

[34].   Ibid. au par. 100.

[35].   Ibid. par. 314.

[36].   Ibid. par. 313.

[37].   Pièce PI-2017-002-03.01 (protégée), vol. 2 aux par. 160-177.

[38].       Plaques de plâtre au par. 44; Fils machine de cuivre (30 octobre 2006), PI-2006-002 (TCCE) aux par. 40, 43; Fils d’acier galvanisés au par. 75; Tubes en cuivre circulaires (22 juillet 2013), PI-2013-002 (TCCE) au par. 82.

[39].   Pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 aux par. 97 et 98.

[40].   Ibid. au par. 107.

[41].   Pièce PI-2017-002-03.01 (protégée), vol. 2 au par. 102; pièce PI-2017-002-02.01, vol. 1 au par. 111.

[42].   Pièce PI-2017-002-06.01, vol. 3 aux par. 6-13 et 14-19.

[43].   Le Tribunal pourrait, par exemple, examiner au cours de son enquête définitive de dommage si des allocations financières ont été convenablement réparties entre les ventes à l’exportation et les ventes intérieures et, par conséquent, si l’incidence financière des marchandises en question sur la production intérieure pour la vente au pays est correctement présentée.