ÉVIERS EN ACIER INOXYDABLE

ÉVIERS EN ACIER INOXYDABLE
Réexamen relatif à l’expiration no RR-2017-001

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 8 février 2018

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 24 mai 2012, dans le cadre de l’enquête nº NQ‐2011‐002, concernant :

LE DUMPING ET LE SUBVENTIONNEMENT D’ÉVIERS EN ACIER INOXYDABLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé au réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions rendues le 24 mai 2012, dans le cadre de l’enquête nº NQ-2011-002, concernant les marchandises susmentionnées.

Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par la présente ses conclusions concernant les marchandises susmentionnées.

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre présidant

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Peter Burn
Peter Burn
Membre

Membres du Tribunal : Rose Ritcey, membre présidant
Peter Burn, membre
Ann Penner, membre

Personnel de soutien : Eric Wildhaber, conseiller juridique principal

Dustin Kenall, conseiller juridique

Rebecca Campbell, analyste principale

Grant MacDougall, analyste

Josée St-Amand, analyste

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Franke Kindred Canada Limited

Shaun Desroches, Vice-président principal, Ventes et marketing

Novanni Stainless Inc.

Frank Brazda, Vice-président et directeur général

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Il s’agit d’un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1], de conclusions de dommage rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 24 mai 2012 dans l’enquête no NQ-2011-002 [Éviers NQ][2], concernant le dumping et le subventionnement d’éviers en acier inoxydable originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine) (les marchandises en question).
  2. Aux termes du paragraphe 76.03(1) de la LMSI, les conclusions de dommage ou de menace de dommage et la protection spéciale conférée par les droits antidumping ou compensateurs qui y sont associés expirent cinq ans après la date d’émission de la dernière ordonnance ou des dernières conclusions, à moins qu’un réexamen relatif à l’expiration n’ait été entrepris avant cette date. Le Tribunal a donné avis le 4 avril 2017 qu’il procéderait à un réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions.
  3. Le 5 avril 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a lancé une enquête afin de déterminer si l’expiration des conclusions du Tribunal causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et/ou du subventionnement.
  4. Le 1er septembre 2017, aux termes de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a déterminé que l’expiration des conclusions du Tribunal causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en question.
  5. Le 5 septembre 2017, aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, et à la suite de la décision de l’ASFC, le Tribunal a procédé à l’étape d’enquête de son réexamen relatif à l’expiration afin de déterminer si la reprise ou la poursuite du dumping et du subventionnement causera vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production nationale et a demandé aux producteurs nationaux, importateurs et producteurs étrangers, actuels et potentiels, de répondre aux questionnaires du Tribunal.
  6. La période visée par le réexamen relatif à l’expiration du Tribunal s’échelonnait sur trois années complètes, soit du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, ainsi que sur la période intermédiaire du 1er janvier au 30 juin 2017. À des fins de comparaison, des renseignements furent également recueillis portant sur la période du 1er janvier au 30 juin 2016.
  7. Le Tribunal a reçu des avis de participation uniquement de la part des deux producteurs nationaux connus : Franke Kindred Canada Limited (FKC) et Novanni Stainless Inc. (Novanni). Par conséquent, aucune opposition à la prorogation des conclusions n’a été présentée. De plus, FKC et Novanni se représentaient elles-mêmes.
  8. En plus des deux producteurs nationaux, le Tribunal a demandé à 36 importateurs potentiels et à 150 producteurs étrangers potentiels de répondre à des questionnaires[3]. Le Tribunal a reçu des réponses aux questionnaires de la part de 20 importateurs qui indiquaient importer des marchandises en questions et/ou des marchandises correspondant à la description du produit venant de pays non visés. Parmi ces réponses, 16 ont été utilisées en vue du rapport d’enquête[4]. Le Tribunal a également reçu des réponses aux questionnaires de la part de cinq importateurs indiquant ne pas importer des éviers en acier inoxydable correspondant à la description du produit. À partir des réponses obtenues aux questionnaires et d’autres informations au dossier, des rapports d’enquête public et protégé ont été préparés et versés au dossier.
  9. Comme les parties n’étaient pas représentées, le Tribunal leur a fourni un formulaire d’observations pour les parties qui se représentent elles-mêmes[5]. Le 9 novembre 2017, Novanni et FKC ont toutes deux déposé un formulaire rempli à titre d’observations. M. S. Desroches et M. F. Brazda ont également déposé des attestations signées et datées déclarant que les éléments de preuve écrits contenus dans les observations étaient « vrais, exacts, complets et corrects »[6] [traduction].
  10. Puisqu’aucune opposition n’a été présentée en l’instance et que le Tribunal était satisfait que le dossier contenait des éléments de preuve suffisants, il a procédé au présent réexamen sans tenir d’audience, conformément à la règle 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

PRODUIT

Définition du produit

  1. Les marchandises en question sont définies comme suit :

éviers en acier inoxydable à simple cuvette emboutie, pouvant contenir un volume[7] allant de 1 600 à 5 000 pouces cubes (26 219,30 et 81 935,32 centimètres cubes) ou à multiples cuvettes embouties d’un volume global entre 2 200 et 6 800 pouces cubes (36 051,54 et 111 432,04 centimètres cubes), originaires ou exportés de la République populaire de Chine, à l’exception

  • d’éviers fabriqués à la main[8]; et
  • des éviers en acier inoxydable à simple cuvette emboutie ou à double cuvette emboutie ayant un rebord à matrice en résine moulée de 1 1/4 pouce sur 3/4 pouce (32 millimètres sur 19 millimètres) qui remplace un rebord en acier inoxydable, à montage sans joint sous le comptoir.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage ou un retard à la branche de production nationale[9].
  2. De plus, aux termes du paragraphe 76.03(12) de la LMSI, le Tribunal doit rendre une ordonnance en vue soit d’annuler les conclusions, s’il conclut que l’expiration des conclusions ne causera vraisemblablement pas de dommage, soit de proroger les conclusions, avec ou sans modifications, s’il conclut que l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

  1. Puisque la « branche de production nationale » correspond aux producteurs nationaux de marchandises similaires par rapport aux marchandises en question, pour déterminer si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays, le cas échéant, sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Le Tribunal doit également évaluer s’il y a plus d’une catégorie de marchandise parmi les marchandises en question et les marchandises similaires[10].
  2. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme suit :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

  1. Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en question, le Tribunal tient généralement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients)[11].
  2. Dans Éviers NQ, le Tribunal a déterminé – et cela était incontesté – que les éviers en acier inoxydable fabriqués au pays constituaient une seule catégorie de marchandises similaires par rapport aux marchandises en question[12]. À ce moment-là, le Tribunal a conclu que les éviers en acier inoxydable produits au pays avaient des utilisations finales semblables, étaient produits selon les mêmes spécifications exigées, à l’aide des mêmes intrants et au moyen de méthodes de fabrication semblables et étaient tout à fait substituables aux marchandises en question, étant donné qu’ils sont en concurrence directe sur le marché canadien, répondent aux mêmes besoins des clients et sont distribués par l’intermédiaire des mêmes circuits[13].
  3. La situation n’a pas changé dans le présent réexamen. Les éviers en acier inoxydable produits au pays demeurent physiquement similaires aux marchandises en question et sont offerts dans une variété de conceptions similaires[14]. Les marchandises produites au pays sont en concurrence directe avec les marchandises en question importées dans tous les circuits de distribution[15]. Elles sont similaires sur le plan fonctionnel, étant vendues aux mêmes types de consommateurs finaux et interchangeables dans des environnements similaires (par exemple cuisine, buanderies, etc.) et pour des utilisations domestiques, institutionnelles et commerciales[16]. Enfin, elles ont toutes deux été fabriquées selon les normes CSA (qui définissent la catégorie et l’épaisseur du matériau), de la même manière, à l’aide d’une feuille d’acier inoxydable comme matière première et des presses et des ensembles de poinçons et de matrices pour créer la forme de bassin requise[17]. Notamment, aucun élément de preuve n’a été présenté lors du présent réexamen relatif à l’expiration pouvant laisser croire que le Tribunal doit en arriver à une conclusion différente. Ainsi, les utilisations et les caractéristiques des éviers en acier inoxydable produits au pays ressemblent incontestablement à celles des marchandises en question.
  4. Par conséquent, les éviers en acier inoxydable produits au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

  1. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « branche de production nationale » comme suit :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

  1. Le Tribunal doit donc déterminer s’il est probable qu’un dommage soit causé aux producteurs nationaux dans leur ensemble ou aux producteurs nationaux dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires[18].
  2. À cette fin, le paragraphe 2(1) de la LMSI confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’interpréter l’expression « branche de production nationale » comme signifiant seulement les producteurs nationaux qui n’importent pas de marchandises sous-évaluées ou subventionnées. Autrement dit, dans certaines circonstances, un producteur national qui est également un importateur des marchandises en question pourrait être exclu de la branche de production nationale. La question fondamentale à cet égard est de savoir si le producteur national est essentiellement un producteur de marchandises similaires au Canada ou, plutôt, essentiellement un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées.
  3. Dans Éviers NQ, malgré les importations des marchandises en question par les deux producteurs nationaux, le Tribunal a conclu que FKC et Novanni étaient principalement des producteurs nationaux de marchandises similaires parce que la vaste majorité de leurs ventes à l’échelle nationale provenaient de leur propre production. En outre, leurs importations représentaient une petite part du volume total des importations des marchandises en question et leurs motifs étaient de nature défensive, c’est-à-dire demeurer concurrentielles par rapport aux importateurs pour ce qui est de la vente de certains modèles à certains clients particuliers[19]. En ce qui concerne ce dernier élément, le prix d’achat unitaire moyen de leurs importations était supérieur au prix d’achat unitaire moyen des autres importateurs des marchandises en question[20].
  4. Le comportement de FKC et de Novanni durant la période visée par le réexamen appuie la conclusion selon laquelle elles demeurent toutes deux principalement des producteurs nationaux de marchandises similaires. Les volumes d’importation des marchandises en question par les producteurs nationaux sont inférieurs à ce qu’ils étaient avant Éviers NQ, tant en termes absolus qu’en termes relatifs, et ne représentent maintenant qu’une petite part du volume total des importations des marchandises en question[21]. Les importations d’éviers en acier inoxydable d’autres pays de la part des producteurs nationaux sont plus élevées que leurs importations de marchandises en question, mais demeurent faibles comparativement aux importations totales pour le marché canadien[22]. Par ailleurs, leurs valeurs d’achat nettes rendues dépassent grandement celles des autres importateurs, tant pour les marchandises en question que pour les éviers en acier inoxydable provenant de pays non visés; en fait, les éléments preuve ne montrent aucune concurrence des prix entre les importations de FKC et Novanni et celles des autres importateurs des marchandises en question[23].
  5. En conséquence, puisque FKC et Novanni constituent la totalité de la production nationale connue des marchandises similaires, elles constituent la branche de production nationale aux fins de l’analyse de la probabilité de dommage du Tribunal.

CUMUL CROISÉ

  1. Dans Éviers NQ, le Tribunal a évalué l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement des marchandises en question sur la branche de production nationale parce qu’il était impossible de les démêler afin d’attribuer une partie donnée au dumping et au subventionnement respectivement[24]. La même approche s’applique en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal a évalué de façon cumulative l’incidence probable de la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en question sur la branche de production nationale si les conclusions étaient annulées[25].

ANALYSE DE LA PROBABILITÉ DE DOMMAGE

  1. Le réexamen relatif à l’expiration est de nature prospective[26]. Par conséquent, les éléments de preuve recueillis pendant la période visée par le réexamen, au cours de laquelle une ordonnance ou des conclusions étaient en vigueur, ne sont pertinents que dans la mesure où ils influent sur l’analyse prospective visant à déterminer si l’expiration de l’ordonnance ou des conclusions causera vraisemblablement un dommage[27].
  2. Il n’y a pas de présomption de dommage dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration; les conclusions doivent être fondées sur des éléments de preuve positifs, en conformité avec la législation nationale et les exigences des accords de l’Organisation mondiale du commerce[28]. Dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, les éléments de preuve positifs peuvent comprendre des éléments de preuve fondés sur des faits antérieurs qui appuient des conclusions prospectives[29].
  3. Pour ce qui est des réexamens relatifs à l’expiration, le Tribunal a constamment indiqué qu’il faut s’en tenir aux circonstances auxquelles on peut raisonnablement s’attendre à court et à moyen terme. En l’espèce, le Tribunal juge approprié de centrer son analyse sur les 18 à 24 prochains mois.
  4. Le paragraphe 37.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[30] dresse la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte lorsqu’il évalue la probabilité de dommage dans un réexamen relatif à l’expiration. Premièrement, le Tribunal examine les changements qui se sont produits sur les marchés international et national au cours des cinq dernières années. Ensuite, le Tribunal examine les répercussions probables sur les producteurs canadiens advenant que les droits demeurent en vigueur. Enfin, le Tribunal analyse ce qui se produirait si les droits n’étaient plus en vigueur, en particulier l’incidence que pourraient avoir les marchandises en question sur le rendement des producteurs canadiens dans l’avenir.
  5. Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal a décidé de proroger ses conclusions :
  • Avec les conclusions en vigueur, les prix des marchandises en question sur le marché national se sont stabilisés à des niveaux de commerce loyal.
  • De plus, la branche de production nationale a pu investir avec plus de confiance et s’adapter à l’environnement plus compétitif, par exemple en réduisant ses coûts de fabrication des marchandises.
  • Néanmoins, la branche de production nationale n’a pas été en mesure de retourner à ses niveaux antérieurs en matière de production, de bénéfices, de part de marché et d’emploi. En fait, les importations de marchandises en question ont augmenté pendant la période visée par le réexamen, et elles ont accaparé une part du marché de la branche de production nationale. Même avec les conclusions en vigueur, la branche de production nationale continuera d’éprouver des difficultés au cours des prochaines années.
  • Cependant, sans les conclusions, la situation de la branche de production nationale serait bien pire encore. Étant donné que la Chine jouit d’une énorme capacité de production d’éviers en acier inoxydable et qu’elle est limitée par des mesures commerciales en vigueur dans plusieurs autres marchés principaux, le Canada serait un marché encore plus attrayant pour ses producteurs en l’absence de droits aux termes de la LMSI. Une « course vers le bas » ne saurait tarder, puisque les producteurs chinois rivaliseraient entre eux pour offrir le produit au prix le moins élevé. Les résultats seraient dévastateurs pour la branche de production nationale et pourraient même signifier la fin de la production au Canada.

Aperçu du marché canadien des éviers en acier inoxydable

  1. L’aperçu suivant du marché canadien des éviers en acier inoxydable fournit un contexte important pour l’évaluation de la probabilité de dommage par le Tribunal :
  • Le marché des éviers en acier inoxydable est un marché mature dans lequel les fournisseurs seraient susceptibles de se livrer plus intensément concurrence à l’égard d’un plus petit bassin de consommateurs. D’après Novanni, le marché national « est demeuré relativement stable [...] au cours de la dernière décennie » et « dans l’ensemble [...] affiche une très faible croissance organique »[31] [traduction]. En fait, les données des rapports de l’enquête Éviers NQ et celles du présent réexamen relatif à l’expiration démontrent que le volume[32] et la valeur[33] du marché apparent au Canada ont chuté par rapport aux exercices complets examinés depuis la période d’enquête (de 2009 à 2011) jusqu’à la période visée par le réexamen (de 2014 à 2016).
  • Les moteurs de la demande en éviers en acier inoxydable sont liés au marché de l’habitation, par exemple les mises en chantier d’habitations, les rénovations, les permis de construction et/ou la construction de bâtiments. La croissance modeste de ces indicateurs[34] de 2014 à 2016 confirme qu’il s’agit d’un marché mature. En outre, au-delà de 2017, les nouvelles mises en chantier d’habitations devraient diminuer d’environ 7 p. cent en 2018 pour ensuite demeurer stables en 2019, ce qui signifie que le marché des éviers en acier inoxydable a peu de chance de croître et risque même de rétrécir[35].
  • Il y a trois segments de marché : respectivement, celui des grossistes, des détaillants et des fabricants. Les segments de marché des grossistes et des détaillants sont de loin les plus importants, ayant des volumes de tailles semblables sur le marché[36]. Le segment des fabricants représente une part de marché beaucoup plus petite, mais il demeure néanmoins important puisqu’il est considéré comme étant un point d’entrée pour les nouveaux fournisseurs offrant des produits à prix agressivement faibles, une caractéristique recherchée par les acheteurs fabricants qui offrent souvent un évier en acier inoxydable gratuit à leurs clients[37].
  • À tous les niveaux du marché, les éviers en acier inoxydable sont des produits très sensibles à l’évolution des prix[38].

Changements dans les conditions du marché

  1. La première étape de l’évaluation de la probabilité de dommage par le Tribunal consiste à déterminer si des changements importants sont survenus dans les conditions du marché aux échelles internationale et nationale depuis l’entrée en vigueur des conclusions[39].
  2. D’après la branche de production nationale, les éviers fabriqués à la main ont gagné en popularité depuis l’enquête de dommage. Les éviers fabriqués à la main ont des coins moins arrondis et une apparence moderne comme les éviers que l’on retrouve dans les restaurants[40]. Même si les éviers fabriqués à la main sont exclus de la définition du produit en l’espèce, la branche de production nationale allègue que ces éviers sont importés et vendus à bas prix pour concurrencer leurs éviers emboutis[41].
  3. Un autre changement important dans le marché canadien est le fait que les marchandises en question aient récupéré une part du marché malgré l’imposition des droits : dans la dernière période visée par le réexamen, les marchandises en question ont regagné la part du marché qu’elles détenaient lors de la dernière période d’enquête[42]. Par ailleurs, les importations d’éviers en acier inoxydable de pays non visés ont gagné une part du marché par rapport à la période d’enquête[43].
  4. Par ailleurs, depuis 2012, certains importateurs principaux des marchandises en question ont augmenté leurs achats de marchandises produites au pays. Même si de grands détaillants comme Home Depot, Rona, Canadian Tire, Wal-Mart, Costco et IKEA ont importé les marchandises en question pendant la période d’enquête[44], après l’imposition des droits, plusieurs ont recommencé à s’approvisionner en partie auprès des producteurs nationaux[45], à un point tel que certains n’importent plus du tout les marchandises en question[46].
  5. La croissance des importations des marchandises en question est survenue parallèlement et en dépit de la croissance économique constante affichée par la Chine, notamment une hausse de 25 p. cent de la valeur totale de la production de l’industrie de la construction de bâtiments de 2014 à 2016, suivie d’une hausse estimée de 12 p. cent en 2017[47]. Le Tribunal n’a pas de prévision pour la construction de bâtiments après 2017, mais une croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Chine deux fois supérieure à la croissance moyenne du PIB mondial est prévue, tant en 2018 qu’en 2019[48]. Par conséquent, il est probable que les mêmes conditions économiques nationales de la Chine qui ont prévalu lors de la croissance de la part de marché des marchandises en question pendant la période visée par le réexamen se poursuivront.
  6. Enfin, il importe de souligner que, depuis 2012, des conclusions relatives aux droits antidumping et compensateurs contre les producteurs chinois d’éviers en acier inoxydable ont été rendues aux États-Unis (11 avril 2013), en Australie (26 mars 2015) et au Mexique (9 mai 2015)[49]. Par conséquent, du moins à court et à moyen termes, si les conclusions du Tribunal étaient annulées, le Canada serait le seul pays en Amérique du Nord sans mesures de recours commercial à l’égard des marchandises en question.

Rendement probable de la branche de production nationale si les conclusions sont prorogées

  1. Le Tribunal se penchera d’abord sur le rendement récent de la branche de production nationale et, ensuite, sur son rendement probable si les conclusions sont prorogées. Le Tribunal examinera également si des facteurs pertinents autres que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont une incidence avérée ou probable sur le rendement de la branche de production nationale à court et à moyen termes[50].
  2. Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal conclut qu’en dépit de l’application des conclusions, la branche de production nationale continuera de composer avec une importante pression sur les prix exercée par les marchandises dans les segments clés du marché. Par conséquent, la branche de production nationale continuera d’éprouver d’importantes difficultés à court et à moyen termes.
  3. Dans l’ensemble, les droits ont stabilisé les prix des marchandises en question pendant la période visée par le réexamen. De 2009 à 2011, les prix unitaires moyens ($ CA) des marchandises en question ont chuté rapidement chaque année – de 121 $ à 105 $ à 89 $ – et ont entraîné une sous-cotation des prix canadiens de 2010 à 2011 par des montants encore plus importants, tandis que les prix unitaires moyens des marchandises produites au Canada ont eux aussi diminué, passant de 119 $ à 118 $ à 116 $[51]. Entre la période d’enquête et celle visée par le réexamen, les prix des marchandises en question ont néanmoins augmenté, passant de 89 $ en 2011 à 100 $ en 2014, tandis que les prix des marchandises en question ont chuté encore davantage alors que les producteurs nationaux tentaient de s’adapter au nouveau marché concurrentiel[52].
  4. Malgré les prix plus stables vers la fin de la période visée par le réexamen, le rendement de la branche de production nationale est demeuré faible :
  • La branche de production nationale a perdu une part de marché importante dans l’ensemble des trois segments[53]. Au cours de la période intermédiaire de 2017, la part de marché des producteurs canadiens a diminué de manière encore plus importante, tant en termes relatifs qu’absolus, qu’elle ne l’avait fait à toute autre période pendant la période visée par le réexamen, au bénéfice des marchandises en question[54].
  • La branche de production nationale a accusé des pertes continues de ses revenus nets[55].
  • En outre, la production, les ventes intérieures, les ventes à l’exportation, les salaires directs, les heures directes travaillées, le nombre d’employés directs et l’utilisation de la capacité ont chuté considérablement de 2014 à 2016[56].
  1. Toutefois, la preuve démontre que les producteurs canadiens ont continué d’améliorer leurs chiffres d’affaires et qu’ils planifient pour l’avenir. La branche de production nationale s’affaire activement à réduire ses coûts de fabrication des marchandises depuis l’entrée en vigueur des conclusions[57]. Par ailleurs, les producteurs canadiens ont continué d’investir pendant la période visée par le réexamen, notamment en procédant à des mises à jour de produits avec de grands détaillants afin de conserver leur clientèle[58], et ils prévoient faire d’autres investissements en 2018 et 2019[59]. Ils ont également regagné et conservé d’importants clients détaillants clés qu’ils avaient perdus avant l’imposition des droits aux termes de la LMSI[60].
  2. Même si les éviers fabriqués à la main semblent avoir connu un gain de popularité au cours des dernières années, il semble improbable qu’ils soient la raison principale du mauvais rendement de la branche de production nationale. Tel qu’il a été susmentionné, la taille du marché canadien pour les éviers en acier inoxydable a diminué entre la période d’enquête et la période visée par le réexamen. Toutefois, même en attribuant toute cette baisse à la transition aux éviers fabriqués à la main, l’incidence nette sur le rendement de la branche de production nationale est faible. Même si la branche de production nationale avait réussi à concurrencer ces « pertes » de ventes, son rendement aurait tout de même été faible en raison de la concurrence engendrée par les marchandises en question.
  3. Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que, même advenant la prorogation des conclusions, la branche de production nationale continuerait probablement de faire face à une forte concurrence en raison des marchandises en question, même à des prix de commerce loyal. Cependant, tel qu’il sera expliqué plus en détail ci-après, l’annulation des conclusions entraînerait des résultats encore pires pour la branche de production nationale, notamment la cessation possible des activités de fabrication au Canada.

Volume probable des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées si les conclusions sont annulées

  1. Ensuite, le Tribunal examinera le volume probable des marchandises sous-évaluées et subventionnées advenant l’annulation des conclusions et, en particulier, la question de savoir si une augmentation importante du volume des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires, est vraisemblable ou non[61].
  2. En l’espèce, le Tribunal conclut qu’advenant l’annulation des conclusions, les importations des marchandises en question augmenteront probablement de façon considérable puisque les producteurs chinois ont une capacité excédentaire plus que suffisante pour desservir eux-mêmes l’ensemble du marché canadien. Le Canada serait un marché attrayant pour les marchandises en question compte tenu des conclusions en vigueur en Australie, aux États-Unis et au Mexique. Les exportateurs chinois ont démontré un intérêt continu dans l’accroissement des ventes aux clients canadiens, qui en retour se sont montrés réceptifs à leurs propositions de commercialisation en guise de solution de rechange à faible prix aux marchandises canadiennes.
  3. Les producteurs canadiens allèguent que les producteurs chinois ont une capacité excédentaire importante[62]. L’ASFC a conclu, d’après les réponses de quatre exportateurs qui ont coopéré dans le cadre son tout dernier réexamen, que, malgré une augmentation des volumes généraux de production de la part des exportateurs chinois de 2013 à 2015, ces derniers « gard[e]nt toujours une imposante surcapacité »[63]. L’ASFC a également conclu qu’il existe plus d’une centaine de producteurs d’éviers en acier inoxydable en Chine, ce qui entraînerait une capacité de production considérable étant donné que la capacité de production annuelle combinée de quatre exportateurs totalise à elle seule 1,1 million d’unités[64].
  4. Le Tribunal conclut qu’il est probable que les producteurs chinois des marchandises en question ont actuellement une capacité excédentaire suffisante pour déplacer la production nationale au Canada, même si les niveaux actuels des importations des marchandises en question sont plus faibles que pendant la période visée par l’enquête[65]. Il n’est pas contesté que la production au Canada est une fraction de la capacité excédentaire des seuls quatre producteurs chinois qui ont fait l’objet d’une enquête par l’ASFC. Étant donné qu’il y a plus d’une centaine de producteurs des marchandises en question en Chine, il est raisonnable de conclure que les producteurs chinois dans leur ensemble jouissent d’une capacité plus que suffisante pour accaparer la totalité ou une partie importante de la part du marché actuel de la branche de production nationale. Il n’y a aucune preuve que cette capacité excédentaire est susceptible d’être réacheminée à d’autres fins ou d’être réduite.
  5. Si les conclusions étaient annulées, une partie de cette capacité excédentaire serait probablement transformée en production pour le marché canadien puisque la majorité de la production chinoise est exportée[66]. Toutefois, les grands marchés que représentent les États-Unis, l’Australie et le Mexique ont adopté des mesures antidumping et/ou compensatoires sur les marchandises en question, limitant la capacité des exportateurs chinois d’avoir accès à ces marchés[67]. De plus, le volume de ventes des exportateurs chinois dans les marchés étrangers autres que le Canada a chuté considérablement de 2013 à 2015[68]. Cette chute pousse encore plus les producteurs et les exportateurs chinois à trouver d’autres marchés.
  6. L’annulation des droits ne pourrait que rendre le marché canadien plus attrayant. Les volumes absolus des marchandises en question ont augmenté pendant la période visée par le réexamen malgré les conclusions[69]. De plus, la proportion des importations des marchandises en question par rapport à la production nationale et aux ventes de la production nationale a également augmenté de 2014 à 2016 ainsi que de la période intermédiaire de 2016 à la période intermédiaire de 2017[70], attestant du rôle prépondérant que les marchandises en question ont joué sur le marché canadien au cours de la période visée par le réexamen.
  7. Les producteurs nationaux soutiennent que l’annulation des conclusions entraînerait d’autres diminutions des ventes dans le segment du marché de détail, les clients majeurs étant susceptibles de se tourner vers les marchandises en question[71]. À l’appui, les producteurs nationaux allèguent qu’ils ont reçu des communications de producteurs chinois à la recherche de clients canadiens, que les producteurs chinois participent à des salons professionnels canadiens pour tenter de dénicher de nouveaux clients canadiens, et que les grands détaillants maintiennent en poste, en Chine, un effectif chargé de l’approvisionnement afin de constamment surveiller les débouchés[72]. Par conséquent, les exportateurs chinois disposeraient d’importantes raisons et occasions d’exporter davantage au Canada si les conclusions étaient annulées.
  8. Sans les conclusions, l’accroissement des volumes d’importation des marchandises en question serait probablement considérable et, d’après les données historiques, il serait aussi rapide. Les producteurs chinois sont entrés promptement sur le marché canadien pendant la période d’enquête; les ventes d’importations des marchandises en question ont augmenté de 113 p. cent[73] de 2009 à 2011 et les producteurs chinois ont plus que doublé leur part de marché[74] pendant la même période en raison de sous-cotations agressives[75]. En outre, dans la période qui a précédé l’imposition de droits aux États-Unis, les producteurs chinois ont vu leurs exportations vers les États-Unis passer de 2,0 millions d’unités à 3,2 millions d’unités de 2009 à 2011, soit une hausse de 57 p. cent[76]. Ces quantités sont considérablement supérieures à celles que l’on retrouve sur le marché canadien. Par conséquent, la taille du marché canadien ne serait pas un obstacle pour les exportateurs chinois.
  9. Même si le marché est mature, il y a suffisamment de possibilités pour que la part du marché des marchandises en question connaisse une croissance importante dans les segments du marché des grossistes et, plus particulièrement, des détaillants, au moyen de la sous-cotation des prix pour obtenir des clients de la branche de production nationale. Plusieurs importants grossistes ont déjà une stratégie commerciale établie et efficace en approvisionnement auprès de la Chine[77]. Novanni soutient qu’elle continue de perdre une part de marché dans ce segment au profit des marchandises en question[78]. Même si la branche de production nationale a recouvré sa présence dans le segment du marché des détaillants depuis la publication des conclusions, les grandes chaînes de magasins à l’échelle nationale ont facilement accès aux exportateurs chinois ainsi qu’à leurs entrepôts de distribution, ce qui leur permettrait d’importer elles-mêmes directement de grands volumes des marchandises en question[79].
  10. En résumé, le Tribunal est d’avis que, advenant l’annulation des conclusions, il y aurait une augmentation marquée du volume des importations des marchandises en question, tant en termes absolus qu’en termes relatifs.

Effets probables des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix advenant l’annulation des conclusions

  1. Le Tribunal prendra maintenant en compte les prix probables des marchandises sous-évaluées et subventionnées advenant l’annulation des conclusions, et le fait que le dumping et le subventionnement entraînera vraisemblablement ou non, de façon marquée, soit la sous-cotation des prix des marchandises similaires, soit la baisse de ces prix, soit la compression de ceux-ci en empêchant les augmentations de prix qui autrement se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix et les effets découlant vraisemblablement d’autres facteurs ayant une incidence sur les prix[80].
  2. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’annulation des conclusions entraînerait vraisemblablement une sous-cotation des prix plus marquée dans le segment du marché des grossistes, accompagnée par une nouvelle sous-cotation chez les détaillants; les producteurs nationaux n’auraient alors d’autre choix que de baisser leurs prix ou de perdre des ventes.
  3. Les acheteurs d’éviers en acier inoxydable sont « très sensibles aux prix »[81] [traduction]; par conséquent, le marché s’appuie fortement sur les rabais, les escomptes et d’autres incitations par les prix[82]. Chaque segment de marché fixe des prix concurrentiels pour les marchandises d’entrée de gamme en tant que produits de base afin de maintenir une part de marché dans ce marché mature[83]. Dans le segment du fabricant, les clients accordent la priorité au prix, comme ils ont tendance à offrir sans frais les éviers en acier inoxydable avec les comptoirs à leurs clients[84]. Dans le segment du marché de détail, les grandes chaînes de magasins se font concurrence en fonction des prix pour attirer des consommateurs du grand public. Dans le segment du marché des grossistes, plusieurs grossistes importants ont une stratégie commerciale établie et efficace en approvisionnement auprès de la Chine avec un minimum de dépenses afin de livrer concurrence au chapitre des clients, en particulier pour les produits d’entrée de gamme fournis à la construction de maisons neuves[85]. Par conséquent, la branche de production nationale est très vulnérable à la sous-cotation des prix.
  4. Les importateurs des marchandises en question sont déjà en tête des ventes à bas prix dans une grande partie du marché. Pour ce qui est du segment du marché des grossistes, les marchandises en question ont joui d’un avantage important et croissant en matière de prix par rapport aux valeurs unitaires des ventes provenant de la production nationale pendant la période visée par le réexamen. Novanni soutient qu’elle a continué de perdre une part de marché dans ce segment en raison de la sous-cotation des prix par les importateurs des marchandises en question[86]. Elle affirme également avoir subi une baisse et une compression de ses prix pendant la période visée par le réexamen[87]. Dans le segment de marché des fabricants, les marchandises en question affichent également un léger, mais croissant avantage en matière de prix[88]. Sans la protection conférée par les conclusions, les fournisseurs des marchandises en question seraient davantage en mesure de baisser leurs prix et de faire croître leur avantage sur le plan des prix, accaparant une part de marché supplémentaire de la branche de production nationale dans ces segments.
  5. Pour ce qui est du segment du marché des détaillants, aucune sous-cotation des prix n’a été observée pendant la période visée par le réexamen, par rapport à l’importante sous-cotation des prix observée dans ce segment pendant la période d’enquête[89]. Advenant l’annulation des conclusions, les fournisseurs des marchandises en question chercheraient à regagner les grands détaillants qui se sont tournés vers d’autres fournisseurs lorsque les droits aux termes de la LMSI ont été imposés[90]. Dans un marché sensible aux prix, ils y parviendraient en offrant des prix inférieurs à ceux des producteurs nationaux. Novanni estime qu’elle serait confrontée à une importante sous-cotation de l’ordre de 20 à 30 p. cent[91]. En effet, le degré de sous‐cotation serait probablement important étant donné les montants élevés de droits aux termes de la LMSI dont ont dû s’acquitter les exportateurs chinois (4,13 M$) pendant la période visée par le réexamen[92]. Lorsque ces droits sont soustraits de la valeur marchande des marchandises en question vendues pendant la période visée par le réexamen, il est évident que les prix des marchandises en question en découlant auraient été beaucoup plus bas que les prix des marchandises produites au pays[93].
  6. Selon les éléments de preuve susmentionnés, le Tribunal conclut que l’annulation des conclusions entraînerait des effets négatifs importants sur les prix pour la branche de production nationale.

Incidence probable sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions

  1. Finalement, le Tribunal évaluera l’incidence probable des volumes et des prix susmentionnés sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions[94], en tenant compte du rendement probable de la branche de production nationale dans l’éventualité où les conclusions seraient prorogées. Dans le cadre de cette analyse, le Tribunal fait une distinction entre l’incidence probable des marchandises sous-évaluées et subventionnées et l’incidence probable de tout autre facteur qui agit ou qui pourrait vraisemblablement agir sur la branche de production nationale.
  2. Les deux producteurs nationaux soutiennent qu’advenant l’annulation des conclusions, ils ne seraient plus en mesure de réduire les marges ou de répercuter les hausses de coûts sur les clients. De plus, ils soutiennent que toute autre diminution de la part de marché de la branche de production nationale entraînerait des taux d’utilisation de la capacité trop bas pour justifier le maintien de l’exploitation au Canada[95].
  3. Le Tribunal conclut que la hausse probable des volumes des importations des marchandises en question à bas prix découlant de l’annulation des conclusions risque de causer un dommage à la branche de production nationale. Bien qu’il soit probable que les producteurs nationaux continueraient d’être confrontés à une vive concurrence en raison des marchandises en question, et ce, même advenant la prorogation des conclusions, la situation sans les conclusions en vigueur serait sensiblement pire. Les producteurs nationaux ne peuvent égaler toute autre sous-cotation de prix compte tenu du fait que le marché au Canada soit parvenu à maturité. Par conséquent, ils ne seraient pas en mesure de conserver une clientèle suffisante, et la viabilité de la branche de production nationale s’en trouverait gravement compromise.

DÉCISION

  1. À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut qu’advenant l’annulation des conclusions, la reprise ou la poursuite probable du dumping et du subventionnement des marchandises en question causera vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production nationale.

CONCLUSION

  1. Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI, le Tribunal proroge ses conclusions à l’égard des marchandises en question.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[2].     Éviers en acier inoxydable (24 mai 2012), NQ-2011-002 (TCCE).

[3].     Pièce RR-2017-001-05, vol. 1.1 aux pp. 12-14 [Rapport d’enquête public].

[4].     Rapport d’enquête public aux pp. 13-14.

[5].     Le formulaire d’observations pour les parties qui se représentent elles-mêmes est accessible à toutes les parties à un réexamen relatif à l’expiration et est conçu à leur intention. Il s’agit d’un moyen pratique pour une partie de déposer ses éléments de preuve et ses arguments au Tribunal, qu’ils soient en faveur de la prorogation de conclusions ou opposés à celle-ci.

[6].     Pièce RR-2017-001-A-01A, vol. 11; pièce RR-2017-001-B-01A, vol. 11.

[7].     Le volume est le produit de la longueur, de la largeur et de la profondeur de la cuvette, peu importe l’évasement et le rayon de la cuvette. La longueur se mesure de l’avant à l’arrière du rebord de la cuvette et la largeur, de gauche à droite du rebord de la cuvette. La profondeur, quant à elle, se mesure du rebord de la cuvette jusqu’au fond de l’évier au point se trouvant le plus près du drain.

[8].     L’expression « éviers fabriqués à la main » s’entend du processus par lequel les éviers sont moulés à la main. Les éviers sont encochés et pliés, puis leurs côtés sont soudés et polis à la main pour fabriquer un évier ayant la forme d’une boîte. Les éviers fabriqués à la main peuvent aussi être appelés des éviers artisanaux ou des éviers faits à la main.

[9].     Selon le paragraphe 2(1) de la LMSI, « dommage » s’entend d’un « dommage sensible causé à une branche de production nationale », et « retard » s’entend d’un « retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale » [nos italiques]. Comme il existe actuellement une branche de production nationale établie, la question de savoir si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un retard ne se pose pas dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration.

[10].   Si le Tribunal détermine que le présent réexamen relatif à l’expiration vise plus d’une catégorie de marchandise, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation and Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[11].   Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48.

[12].   Éviers NQ aux par. 53-57.

[13].   Ibid. aux par. 54-55.

[14].   Rapport d’enquête public aux pp. 11-12; pièce RR-2017-001-A-01 à la p. 13, vol. 11 [Observations publiques de Novanni] (confirmant la conformité aux normes CSA et de l’industrie; alléguant que les marchandises en question étaient analogues aux éviers de FKC); ibid. aux pp. 40-47 (montrant divers modèles vendus par des importateurs en gros); pièce RR-2017-001-B-01 aux pp. 30-33, vol. 11 [Observations publiques de FKC] (échantillons d’annonces en ligne de marchandises en question indiquant les spécifications, les dimensions, les matériaux, l’épaisseur, la finition, etc.).

[15].   Rapport d’enquête public, tableau 2 (indiquant les circuits de vente communs); Observations publiques de Novanni aux pp. 18-20; Observations publiques de FKC à la p. 15.

[16].   Observations publiques de FKC à la p. 10.

[17].   Observations publiques de Novanni à la p. 13.

[18].   « Proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité. Japan Electrical Manufacturers Assoc. c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] A.C.F. nº 652 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.); Chine – Droits antidumping et compensateurs visant certaines automobiles en provenance des États-Unis (23 mai 2014), OMC Doc. WT/DS440/R, rapport du groupe spécial au par. 7.207; Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (15 juillet 2011), OMC Doc. WT/DS397/AB/R, rapport de l’Organe d’appel aux par. 411, 419, 430; Argentine – Droits antidumping définitifs visant la viande de volaille en provenance du Brésil (22 avril 2003), OMC Doc. WT/DS241/R, rapport du groupe spécial aux par. 7.341-7.344.

[19].   Éviers NQ aux par. 67-69.

[20].   Ibid. au par. 71.

[21].   Pièce RR-2017-001-06 (protégée), tableau 8, vol. 2.1 [Rapport d’enquête protégé].

[22].   Ibid., tableaux 6 et 8.

[23].   Ibid., tableau 22.

[24].   Éviers NQ aux par. 73-76.

[25].   Joints de tubes courts (7 avril 2017), RR-2016-001 (TCCE) au par. 31.

[26].   Certains lave-vaisselle et sécheuses (25 avril 2005), RR-2004-005 (TCCE) au par. 16.

[27].   Raccords de tuyauterie en cuivre (17 février 2012), RR-2011-001 (TCCE) au par. 56. Dans Conteneurs thermoélectriques (9 décembre 2013), RR-2012-004 (TCCE) au par. 14, le Tribunal a affirmé que le contexte d’analyse dans lequel il est statué sur un réexamen relatif à l’expiration comprend souvent l'évaluation d’éléments de preuve rétrospectifs appuyant des conclusions prospectives. Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE) au par. 21.

[28].   Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (16 août 2006), RR-2005-002 (TCCE) au par. 59.

[29].   Conteneurs thermoélectriques au par. 14; Extrusions d’aluminium au par. 21. En raison du nombre peu élevé de participants à ce réexamen relatif à l’expiration, la plupart des données sur les importations, les ventes, les prix, la production et les résultats financiers, même agrégées, ne peuvent être divulguées, pour des raisons de confidentialité. Dans la mesure du possible, les présents motifs donnent un pourcentage approximatif ou un ordre de grandeur général.

[30].   D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[31].   Observations publiques de Novanni à la p. 18.

[32].   Pièce RR-2017-001-10A, tableau 40, vol. 1.3 [Rapport d’enquête public révisé du NQ]; Rapport d’enquête protégé, au tableau 10.

[33].   Rapport d’enquête public révisé du NQ, au tableau 27; Rapport d’enquête protégé aux tableaux 10 et 24.

[34].   Société canadienne d’hypothèques et de logement, Perspectives du marché de l’habitation (automne 2017) [Rapport SCHL] au tableau 1, en ligne : https://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/es‌ub/61502/61502_2017_B02.‌pdf? ‌fr=15170685‌47924; Rapport d’enquête public au tableau 49.

[35].   Dans le but d’adopter une approche plus conservatrice, le Tribunal a choisi d’utiliser les prévisions basses de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, et non ses prévisions élevées. Rapport SCHL au tableau 1.

[36].   Rapport d’enquête protégé aux tableaux 10, 13 et 16.

[37].   Rapport d’enquête protégé au tableau 19; Observations publiques de FKC, à la p. 15; pièce RR-2017-001-25.02, vol. 7.1C, à la p. 15 [Réponse publique de Novanni à l’ASFC].

[38].   Éviers NQ, aux par. 44-45 et 91 à 94.

[39].   Alinéa 37.2(2)j) du Règlement.

[40].   Observations publiques de FKC à la p. 25.

[41].   Observations publiques de Novanni à la p. 18.

[42].   Rapport d’enquête protégé au tableau 12; pièce RR-2017-001-11 (protégée), tableau 42, vol. 2.3 [Rapport d’enquête protégé du NQ].

[43].   Ibid. au tableau 42; Rapport d’enquête public au tableau 8.

[44].   Pièce RR-2017-001-10 aux pp. 17-18, no 6, vol. 1.3.

[45].   Observations publiques de Novanni aux pp. 18-19; Observations publiques de FKC à la p. 16.

[46].   Rapport d’enquête public au tableau 2; pièce RR-2017-001-19.09 (protégée), vol. 6 à la p. 104.

[47].   Rapport d’enquête public au tableau 50.

[48].   Ibid.

[49].   Ibid. au tableau 1.

[50].   Alinéa 37.2(2)k) du Règlement. Aux termes de l’alinéa 37.2(2)c) du Règlement le Tribunal doit examiner le rendement probable de la branche de production nationale, compte tenu de son rendement récent, y compris les tendances de la production, de l’utilisation de la capacité, des niveaux d’emploi, des prix, des ventes, des stocks, de la part de marché, des exportations et des bénéfices.

[51].   Rapport d’enquête public révisé du NQ au tableau 46.

[52].   Ibid.; Rapport d’enquête protégé au tableau 24.

[53].   Ibid. aux tableaux 15, 18 et 21.

[54].   Ibid. au tableau 12.

[55].   Ibid. au tableau 42.

[56].   Ibid. au tableau 45.

[57].   Ibid. au tableau 42.

[58].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC aux pp. 16 et 18.

[59].   Rapport d’enquête protégé aux annexes 16-17.

[60].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC aux pp. 22 à 24.

[61].   L’examen du Tribunal portant sur le volume probable des importations sous-évaluées et subventionnées tient compte du rendement probable de la branche de production étrangère, de la possibilité que les producteurs étrangers produisent des marchandises dans les installations servant actuellement à produire d’autres marchandises, de l’imposition de mesures antidumping et/ou compensatoires par les autorités d’autres pays et de la possibilité que les mesures adoptées dans d’autres pays causent une réaffectation au Canada des marchandises en question. Alinéas 37.2(2)a), d), f), h) et i) du Règlement.

[62].   Observations publiques de Novanni à la p. 22; Observations publiques de FKC aux pp. 21 et 25.

[63].   Pièce RR-2017-001-03A, vol. 1A, au par. 65 [Motifs publics de l’ASFC].

[64].   Ibid. au par. 67.

[65].   À leur niveau le plus élevé en 2010, les importations des marchandises en question totalisaient 237 482 unités alors qu’à leur plus haut point pendant la période visée par le réexamen, elles totalisaient seulement 177 960 unités. Rapport d’enquête public révisé du NQ au tableau 30; Rapport d’enquête protégé au tableau 6.

[66].   Motifs publics de l’ASFC aux par. 68 à 70.

[67].   Observations publiques de FKC aux pp. 23-24; Observations publiques de Novanni à la p. 22; Rapport d’enquête public au tableau 1.

[68].   Motifs publics de l’ASFC au par. 70.

[69].       Rapport d’enquête public au tableau 6.

[70].   Rapport d’enquête protégé au tableau 9.

[71].       Observations publiques de FKC aux pp. 15-16; Observations publiques de Novanni aux pp. 18-19.

[72].   Observations publiques de FKC aux pp. 15-16; Observations publiques de Novanni aux pp. 21 et 23.

[73].   Rapport d’enquête public révisé du NQ au tableau 40.

[74].   Ibid. au tableau 27.

[75].   Ibid. au tableau 46.

[76].   Drawn Stainless Steel Sinks from China (11 avril 2013), Inv. Nos. 701-TA-489 et 731 TA 1201 (US ITC), à la p. 18, en ligne : https://www.usitc.gov/publications/701_731/pub4390_final.pdf.

[77].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC aux pp. 14-15; Observations publiques de FKC à la p. 15; Observations publiques de Novanni aux pp. 18-19.

[78].   Ibid. à la p. 20.

[79].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC à la p. 14; Observations publiques de FKC à la p. 15.

[80].   Alinéa 32.2(2)b) du Règlement.

[81].   Motifs publics de l’ASFC aux par. 78 et 83.

[82].   Éviers NQ aux par. 44-45 et 91 à 94.

[83].   Observations publiques de FK, à la p. 15; Observations publiques de Novanni à la p. 20.

[84].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC à la p. 15; Observations publiques de FKC au par. 15.

[85].   Réponse publique de Novanni à l’ASFC aux pp. 14-15; Observations publiques de FKC à la p. 15; Observations publiques de Novanni aux pp. 18-19.

[86].   Observations publiques de Novanni à la p. 20.

[87].   Ibid.

[88].   Rapport d’enquête protégé au tableau 30.

[89].   Ibid. au tableau 28; Éviers NQ aux par. 98 et 102-103.

[90].   Observations publiques de Novanni aux pp. 18-19; Observations publiques de FKC à la p. 16.

[91].   Observations publiques de Novanni à la p. 20.

[92].   Rapport d’enquête public au tableau 5.

[93].   Voir le Rapport d’enquête public au tableau 5 et le Rapport d’enquête protégé aux tableaux 10 et 24.

[94].   Alinéas 37.2(2)e) et g) du Règlement.

[95].   Observations publiques de FKC aux pp. 20 et 22; Observations publiques de Novanni aux pp. 23 et 25.