TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE

TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE
Enquête no NQ-2012-003R

Conclusions et motifs rendus
le vendredi 8 décembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant :

LE DUMPING DE TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU TAIPEI CHINOIS

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, suivant une demande par le ministre des Finances en vertu de l’article 76.1 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à un réexamen de ses conclusions rendues le 11 décembre 2012, dans le cadre de l’enquête no NQ‑2012‑003, concernant le dumping de tubes soudés en acier au carbone, aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de 1/2 po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C200-97 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API – et à l’exception des tubes en acier au carbone d’une épaisseur de 1 mm (SPCC-1, diamètre extérieur de 25,6 mm), à double enrobage (enrobés en premier de polystyrène butadiène acrylonitrile, ensuite de polychlorure de vinyle), ainsi que des tubes non galvanisés répondant à la norme ASTM A53, de nuance B, de nomenclature 80, avec un diamètre intérieur de 1 1/4 po à 1 1/2 po, mesurant 22 pi, avec une soudure intérieure biseautée, originaires ou exportés de la République de Corée, et produits avec de l’acier AISI C1022M dont la teneur en carbone est de 0,18 p. 100 à 0,23 p. 100 et dont la teneur en manganèse est de 0,80 p. 100 à 1,00 p. 100 – originaires ou exportés du Taipei chinois.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur confirme que le dumping des marchandises susmentionnées, à l’exclusion de celles exportées par Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd., a menacé de causer un dommage. Par conséquent, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par les présentes ses conclusions rendues dans l’enquête nº NQ-2012-003, excluant, pour plus de certitude, les marchandises exportées par Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Ann Penner, membre
Jean Bédard, membre

Personnel de soutien : Nick Covelli, conseiller juridique principal
Peter Jarosz, conseiller juridique
Rebecca Campbell, analyste principal

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Atlas Tube Canada ULC

Lawrence Herman

Nova Tube Inc./Nova Steel Inc.

Paul Conlin
Linden Dales
Shannel Rajan

Welded Tube of Canada

Lawrence Herman

 

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Conares Metal Supply Ltd.

Cyndee Todgham Cherniak
Heather Innes

Chung Hung Steel Corporation

Huang Kai-Ming

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. La présente instance découle des conclusions de menace de dommage rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 11 décembre 2012, dans l’enquête no NQ-2012-003 (ci‑après « l’Enquête »), selon lesquelles le dumping et/ou le subventionnement de certains tubes soudés en acier au carbone (les marchandises en question) originaires ou exportés de divers pays, y compris du Taipei chinois et des Émirats arabes unis, menaçaient de causer un dommage à une branche de production nationale.
  2. En 2015-2016, le Taipei chinois a contesté avec succès certains aspects des conclusions devant un groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans Canada – Mesures antidumping visant les importations de certains tubes soudés en acier au carbone en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (DS482).[1] Notamment aux fins du présent réexamen, le groupe spécial de l’OMC a déterminé que les conclusions, en ce qui avait trait à deux exportateurs du Taipei chinois ayant des marges de dumping de minimis, étaient incompatibles avec l’Accord antidumping de l’OMC.
  3. L’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC a adopté le rapport du groupe spécial, et le Canada a informé l’ORD qu’il avait l’intention de mettre en œuvre les recommandations et la décision de l’ORD rendues dans DS482 d’ici le 25 mars 2018.
  4. Le 21 juillet 2017, le ministre des Finances a demandé au Tribunal de « réexaminer ses conclusions à l’égard de certains tubes soudés en acier au carbone originaires ou exportés du Taipei chinois vu les recommandations et les conclusions de l’ORD dans DS482 »[2] [traduction].
  5. Le ministre a présenté une demande semblable à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et, à l’issue de son réexamen, l’ASFC a mis fin à son enquête de dumping concernant les exportateurs du Taipei chinois ayant des marges de dumping de minimis, à savoir Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd. Par conséquent, ces exportateurs ne sont plus assujettis ni aux conclusions du Tribunal ni au présent réexamen. Avant cette étape, le Parlement a modifié la Loi sur les mesures spéciales d’importation[3] (LMSI) afin de permettre à l’ASFC de mettre fin aux enquêtes de dumping à l’égard des exportateurs ayant des marges de dumping de minimis.
  6. Le Tribunal a entrepris le présent réexamen le 28 juillet 2017 et a publié un rapport d’enquête révisé le 10 octobre 2017 qui comprenait les volumes et les valeurs d’importations ajustés afin de refléter la résiliation des enquêtes de l’ASFC à l’égard des exportateurs de minimis du Taipei chinois. Le Tribunal a invité les parties intéressées à déposer des observations composées d’arguments strictement liés à la conclusion de menace de dommage, ayant trait en particulier au rapport d’enquête révisé et à certains paragraphes précis de l’exposé des motifs du Tribunal daté du 27 décembre 2012, dans lequel la justification des conclusions de menace de dommage était expliquée.
  7. Le Tribunal a reçu des observations de divers producteurs nationaux qui ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions de menace de dommage, et de la part de Conares – un exportateur de minimis des Émirats arabes unis – en faveur de l’exclusion de ses marchandises des conclusions. Aucune partie n’a soutenu la position selon laquelle les conclusions devaient être abrogées, et le Tribunal n’a reçu aucune observation de parties intéressées du Taipei chinois.
  8. Le Tribunal a statué sur l’affaire sans tenir d’audience et en tenant compte des observations écrites, du rapport d’enquête révisé, de l’exposé des motifs de la décision daté du 27 décembre 2012 et des recommandations et conclusions de l’ORD dans la décision DS482.

CADRE LÉGISLATIF

  1. La demande du ministre relative au présent réexamen a été présentée au Tribunal aux termes de l’alinéa 76.1(1)b) de la LMSI, lequel prévoit ce qui suit :

76.1 (1) S’il l’estime nécessaire pour mettre en oeuvre une recommandation ou une décision de l’Organe de règlement des différends constitué en vertu de l’article 2 de l’annexe 2 de l’Accord sur l’OMC, le ministre des Finances peut demander, compte tenu de la recommandation ou de la décision :

[...]

b) au Tribunal de réexaminer, en totalité ou en partie, une ordonnance ou des conclusions rendues en vertu des articles 3 à 6; le Tribunal peut accorder une nouvelle audition sur cette question.

  1. La responsabilité du Tribunal à la conclusion du réexamen est énoncée aux paragraphes 76.1(2) à 76.1(4) de la LMSI, lesquels prévoient ce qui suit :

(2) Une fois terminé le réexamen, le président ou le Tribunal :

a) ou bien confirme la décision, la révision, l’ordonnance ou les conclusions;

b) ou bien confirme la décision, la révision, l’ordonnance ou les conclusions et les assortit des modifications qu’il estime indiquées;

c) ou bien annule la décision, la révision, l’ordonnance ou les conclusions et les remplace par celles qu’il estime indiquées.

[...]

(3) Le président et le Tribunal sont tenus de motiver les confirmations visées aux alinéas (2)a) ou b) ou les remplacements visés à l’alinéa (2)c) et d’indiquer quelles sont les marchandises visées et, si cela est possible, les fournisseurs et les pays d’exportation visés.

[...]

(4) Le président et le Tribunal sont tenus de notifier le ministre des Finances des confirmations visées aux alinéas (2)a) ou b) ou des remplacements visés à l’alinéa (2)c).

  1. Même si la demande du ministre ne fait référence qu’aux conclusions de menace de dommage à l’égard du Taipei chinois, le Tribunal a rendu ses conclusions dans l’Enquête en s’appuyant sur une évaluation cumulative des marchandises provenant du Taipei chinois avec les marchandises provenant des autres pays qui ont aussi fait l’objet de l’enquête, en application du paragraphe 42(3) de la LMSI. Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal a réexaminé les conclusions de menace de dommage à l’égard du Taipei chinois (à l’exception des exportateurs de minimis) et des autres pays visés de façon cumulative, et non à l’égard du Taipei chinois séparément.
  2. Dans son réexamen de la question de savoir si des marchandises menacent de causer un dommage, le Tribunal est guidé par les facteurs énoncés au paragraphe 37.1(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[4]. Est également pertinent le paragraphe 2(1.5) de la LMSI, qui énonce qu’on ne peut conclure à la menace de dommage que si les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement des marchandises est susceptible de causer un dommage sont nettement prévues et imminentes. Par ailleurs, le paragraphe 37.1(3) du Règlement exige que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et la menace de dommage, en fonction des facteurs énumérés au paragraphe 37.1(2), et si des facteurs autres que le dumping et le subventionnement des marchandises menacent de causer un dommage.

ANALYSE

Période de l’analyse

  1. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a conclu qu’il était opportun de se concentrer sur les 12 à 18 mois à compter de décembre 2012. Par conséquent, c’est la période qui a été utilisée dans le présent réexamen.

Important taux de croissance du volume de marchandises sous-évaluées et subventionnées

  1. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a conclu qu’il y aurait une augmentation considérable des volumes d’importation de marchandises sous-évaluées et subventionnées dans un avenir rapproché. Cette conclusion était fondée ce qui suit :

    1)   le taux de croissance triple des volumes d’importation en termes absolus, et aussi la forte augmentation par rapport à la production et la consommation de marchandises semblables produites au pays entre 2009 et 2011;

    2)   le Canada représentant une destination attrayante pour les marchandises au cours des 12 à 18 mois à venir compte tenu de la faiblesse continue des économies des pays visés;

    3)   la probabilité que les pays visés soient confrontés à une concurrence accrue sur leurs marchés nationaux de la part de la Chine.

    Le Tribunal a également conclu que les pays visés avaient une capacité de production d’environ 45 fois la taille du marché canadien, qu’ils ont tendance à rechercher des marchés d’exportation, et que leurs possibilités d’exportation vers d’autres marchés étaient limitées en raison de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par l’Union européenne et les États-Unis.

  2. Le rapport d’enquête révisé montre que les volumes d’importation sont pratiquement inchangés avec la suppression des marchandises des exportateurs de minimis du Taipei chinois. Les volumes d’importation de 2009 et 2010 n’ont pas changé du tout, et les volumes d’importation de 2011 et juin 2012 sont seulement légèrement inférieurs. Le taux de croissance des volumes d’importation en termes absolus et relatifs entre 2009 et 2011 demeure très élevé[5].
  3. La suppression des exportateurs de minimis du Taipei chinois n’a aucune incidence sur les conclusions de fait du Tribunal sur l’attractivité du marché canadien et la probabilité des pays visés d’être confrontés à une concurrence accrue dans leurs marchés nationaux.
  4. La suppression des exportateurs de minimis du Taipei chinois de l’équation ne modifie pas fondamentalement le fait que la capacité de production dans les pays visés était d’environ 45 fois la taille de celle du marché canadien. La capacité des exportateurs de minimis du Taipei chinois représente seulement un faible pourcentage de la capacité totale des pays visés[6].
  5. La suppression des exportateurs de minimis du Taipei chinois de l’équation ne modifie pas le fait que les pays visés avaient tendance à exporter. Cette conclusion de fait n’était pas fondée sur des éléments de preuve propres à ces exportateurs[7]. Cela ne change pas non plus le fait que l’Union européenne et les États-Unis ont mis en œuvre des mesures antidumping ou compensatoires qui visent des marchandises semblables ou identiques en provenance des pays visés.
  6. Par conséquent, le Tribunal demeure d’avis qu’il y aurait eu une augmentation considérable des volumes d’importation des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

Incidence potentielle des marchandises en question sur les prix des marchandises similaires

  1. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a conclu qu’il y aurait d’importants effets négatifs sur les prix des marchandises similaires produites au pays au cours des 12 à 18 mois à venir. Cette conclusion était fondée ce qui suit :

    1)   les marchandises en question dominaient le marché en matière de prix;

    2)   les marchandises en question continueraient de dominer le marché en matière de prix;

    3)   les producteurs nationaux étaient déjà sous la pression d’offrir des prix compétitifs à leurs clients;

    4)   les marchandises en question bénéficiaient d’un réseau de distribution existant au Canada;

    5)   les importateurs étaient prêts à continuer de s’approvisionner auprès des pays visés.

  2. Les exportateurs de minimis ne dominaient pas eux-mêmes le marché au niveau des prix. D’après la version originale du rapport d’enquête, la valeur unitaire moyenne des importations originaires du Taipei chinois était plus élevée que les valeurs d’au moins un autre pays visé pendant toute la période de l’enquête, même si parfois elles étaient proches[8]. Le rapport d’enquête révisé montre que, les exportateurs de minimis du Taipei chinois en moins, les valeurs unitaires moyennes des importations du Taipei chinois sont inférieures. Les valeurs unitaires moyennes les plus basses en 2010 et 2011 provenaient d’autres exportateurs du Taipei chinois ou d’autres pays visés[9]. La suppression des exportateurs de minimis du Taipei chinois de l’équation n’a donc aucune incidence sur la conclusion du Tribunal selon laquelle les marchandises en question dominaient le marché au niveau des prix et qu’elles continueraient de le faire.
  3. La suppression des exportateurs de minimis du Taipei chinois de l’équation ne change pas le fait non plus que les producteurs nationaux étaient déjà confrontés à la pression de fournir à leurs clients des prix compétitifs, que les marchandises en question bénéficiaient d’un réseau de distribution existant au Canada et que les importateurs étaient prêts à continuer de s’approvisionner auprès des pays visés. Aucune des conclusions de fait n’était fondée de façon significative sur les activités des exportateurs de minimis du Taipei chinois.
  4. Par conséquent, le Tribunal demeure d’avis qu’il y aurait eu des effets négatifs importants sur les prix des marchandises similaires produites au pays.

Incidence potentielle des marchandises en question sur la branche de production nationale

  1. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a conclu que l’incidence négative potentielle des marchandises en question sur la branche de production nationale sera probablement importante. Cette conclusion était fondée ce qui suit :

    1)   les marchandises en question se sont accaparé une part disproportionnelle de l’augmentation de la demande du marché canadien en 2011, presque entièrement aux dépens des producteurs nationaux;

    2)   la profitabilité de la branche de production nationale était à la baisse;

    3)   les producteurs nationaux avaient réagi à la présence des marchandises en question en déployant à plein rendement leurs ressources et en misant sur la production de marchandises non visées plus rentables;

    4)   les producteurs nationaux avaient déjà subi une réduction des heures et des salaires;

    5)   l’accès au financement était déjà réduit. La pression continue exercée par les marchandises en question entraînerait l’érosion des marges bénéficiaires à un seuil insoutenable et mettrait en péril la viabilité de certains producteurs nationaux.

  2. La part de marché représentée par les exportateurs de minimis du Taipei chinois était très petite en 2011[10]. Par conséquent, la conclusion de fait selon laquelle les marchandises en question avaient accaparé une part disproportionnelle de la demande du marché en 2011 vaut toujours.
  3. La suppression de l’analyse des exportateurs de minimis du Taipei chinois ne compromet pas la situation de la branche de production nationale telle que l’a conclu l’Enquête, ou l’impact financier qui aurait résulté de l’important taux de croissance des volumes d’importation et des effets négatifs importants dus aux marchandises en question.
  4. Par conséquent, le Tribunal demeure convaincu que l’incidence des marchandises en question sur la branche de production nationale aurait été importante.

Autres facteurs

  1. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a conclu que même si les importations de la Turquie, un pays non visé, pouvaient continuer d’être une source de concurrence pour la branche de production nationale, il y avait néanmoins une menace de dommage de la part des pays visés. Le Tribunal a également conclu que les importations en provenance des États-Unis ne présentaient pas de risque pour la branche de production nationale. La clôture des enquêtes de dumping en ce qui a trait aux exportateurs de minimis du Taipei chinois n’a aucune incidence sur ces conclusions.
  2. En outre, puisque les volumes d’importation des exportateurs de minimis du Taipei chinois étaient relativement faibles et que leurs prix étaient relativement élevés, il n’y a aucune raison de croire que la présence de leurs biens sur le marché intérieur dans les 12 à 18 mois à venir briserait le lien causal entre la menace de dommage et le dumping et subventionnement des marchandises en question.

Conclusion

  1. Par conséquent, le Tribunal conclut que le dumping et le subventionnement des marchandises en question, à l’exclusion des marchandises exportées par les exportateurs de minimis du Taipei chinois, menaçaient en effet de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

DEMANDE D’EXCLUSION

  1. La LMSI permet implicitement au Tribunal d’exclure des marchandises de la portée de conclusions[11]. Le Tribunal n’accorde de telles exclusions que s’il est convaincu que les marchandises ne causeront pas de dommage à la branche de production nationale[12].
  2. Dans le cadre de l’Enquête, le Tribunal a rejeté la demande de Conares d’exclure ses marchandises des conclusions de menace de dommage, même s’il avait supprimé le volume et les prix des marchandises de Conares de son analyse de dommage pour le motif qu’elles n’avaient pas été sous-évaluées. Le Tribunal a conclu qu’une telle exclusion représentait une menace de dommage grave et imminente à la branche de production nationale. En l’espèce, Conares a demandé au Tribunal d’examiner de nouveau sa demande d’exclusion à la lumière de la décision DS482, même si le groupe spécial de l’OMC n’avait examiné que les exportateurs de minimis du Taipei chinois. La branche de production nationale s’est opposée à la demande de Conares au motif qu’elle ne relève pas du présent réexamen.
  3. Même si le raisonnement derrière la décision DS482 semble indiquer que soumettre Conares aux conclusions serait contraire à l’Accord antidumping, le Tribunal conclut qu’il n’a pas le pouvoir d’accorder le redressement que Conares demande en l’espèce. L’ASFC n’a pas mis fin à son enquête de dumping à l’égard de Conares et, par conséquent, Conares continue d’être assujettie aux conclusions originales et au présent réexamen. Comme dans le cas de l’ASFC, la demande du ministre au Tribunal était limitée explicitement aux deux exportateurs de minimis du Taipei chinois. Le ministre n’a pas demandé au Tribunal de réexaminer la conclusion à l’égard de Conares. Cela indique clairement les limites du pouvoir conféré au Tribunal par le ministre en vertu de l’article 76.1 de la LMSI.
  4. Conares soutient que le Tribunal a le pouvoir, aux termes de l’alinéa 76.1(2)b) de la LMSI, de proroger les conclusions en y apportant des modifications qu’il estime indiquées malgré le libellé précis de la demande du ministre et ainsi d’accorder l’exclusion qu’elle demande. Le Tribunal n’est pas d’accord. En vertu de l’alinéa 76.1(2)b), le ministre peut demander au Tribunal de « réexaminer, en totalité ou en partie, une ordonnance ou des conclusions rendues » [nos italiques]. En l’espèce, le ministre a demandé au Tribunal de réexaminer une partie de sa décision dans l’Enquête. Une lecture contextuelle de l’alinéa 76.1(2)b) indique que le pouvoir accordé au Tribunal de modifier les conclusions originales est limité par les termes de la demande du ministre. Faire autrement, comme le suggère Conares, voudrait dire que le Tribunal peut écarter les termes de la demande du ministre lorsque le ministre choisit de demander au Tribunal de réexaminer seulement une partie d’une décision originale. Il ne peut en être ainsi. Par conséquent, la demande d’exclusion de Conares est rejetée.
  5. Toutefois, Conares recevra en effet le redressement qu’elle demande. Comme l’explique l’exposé des motifs du Tribunal dans la procédure d’expiration no LE-2017-003, le Tribunal permettra aux conclusions d’expirer relativement à Conares à compter de la date de la décision du Tribunal dans la présente affaire. Par ailleurs, l’exposé des motifs de la procédure d’expiration discutera également d’une autre avenue potentielle pour les exportateurs qui sont dans une situation semblable à celle de Conares.
  6. Par conséquent, la demande d’exclusion de Conares est rejetée.

CONCLUSION

  1. Le Tribunal confirme que le dumping des marchandises en question, à l’exclusion de celles exportées par Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd., a menacé de causer un dommage. Par conséquent, le Tribunal proroge par les présentes ses conclusions rendues dans l’enquête no NQ‑2012‑003, excluant, pour plus de certitude, les marchandises exportées par Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd.
 

[1].     Canada – Mesures antidumping visant les importations de certains tubes soudés en acier au carbone en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (21 décembre 2016), OMC Doc. WT/DS482/R, rapport du Groupe spécial.

[2].     Pièce NQ-2012-003R-01, vol. 1.

[3].     L.R.C., 1985, ch. S-15 [LMSI].

[4].     DORS/84-927 [Règlement]. Le paragraphe 37.1(2) du Règlement prévoit ce qui suit : « Les facteurs qui peuvent être pris en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage sont les suivants : a) la nature de la subvention en cause et les répercussions qu’elle aura vraisemblablement sur le commerce; b) s’il y a eu un taux d’augmentation marquée des marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada qui indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante des importations au Canada des marchandises sous-évaluées ou subventionnées; c) s’il y a une capacité disponible accessible suffisante ou une augmentation imminente et marquée dans la capacité d’un exportateur, laquelle indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles; d) la possibilité d’un changement de production dans le cas où les installations qui peuvent servir à produire les marchandises servent à la production d’autres marchandises; e) si les marchandises sont importées sur le marché national à des prix qui auront vraisemblablement pour effet de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix de marchandises similaires et d’accroître la demande en importations additionnelles de ces marchandises; f) les stocks de marchandises; g) l’incidence négative réelle et potentielle sur les efforts déployés pour le développement et la production, y compris ceux déployés pour produire une version modifiée ou améliorée de marchandises similaires; g.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci; g.2) la preuve de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par les autorités d’un pays autre que le Canada sur des marchandises de même description ou des marchandises semblables; h) tout autre facteur pertinent dans les circonstances. »

[5].     Pièce NQ-2012-003R-08 (protégée), tableaux 40, 43 et 48, vol. 2.1.

[6].     Pièce NQ-2012-003-07A, onglet 13 à la p. 40, vol. 11B.

[7].     Pièce NQ-2012-003-A-02 (protégée) aux pages 47, 58, 62-64, 67-68, 77-78, Vol. 12; pièce NQ-2012-003-A-07A, onglet 13 à IV-11–IV-12, IV-14, IV-21, IV-23–IV-24, Vol. 11B; Ibid., onglet 33.

[8].     Pièce NQ-2012-003-07D (protégée), tableau 45, vol. 2.1A.

[9].     Pièce NQ-2012-003R-08 (protégée), tableau 45, vol. 2.1.

[10].   Ibid., tableau 50.

[11].   Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping, [1978] 2 C.F. 507 (CAF); Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping (1985) 9 C.E.R. 210 (CAF); groupe spécial binational, Moteurs à induction originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique (préjudice) (11 septembre 1991), CDA-90-1904-01; groupe spécial binational, Certaines tôles d’acier laminées à froid originaires ou exportées des États-Unis d’Amérique (préjudice) (13 juillet 1994), CDA-93-1904-09.

[12].   Voir, par exemple, Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 339; Certains fils en acier inoxydable (30 juillet 2004), NQ-2004-001 (TCCE) au par. 96.