DRY WHEAT PASTA

PÂTES ALIMENTAIRES SÉCHÉES À BASE DE BLÉ
Enquête no NQ-2017-005

Conclusions rendues
le jeudi 26 juillet 2018

Motifs rendus
le vendredi 10 août 2018

 

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant des

PÂTES ALIMENTAIRES SÉCHÉES À BASE DE BLÉ

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, afin de déterminer si le dumping et le subventionnement de pâtes alimentaires séchées à base de blé; ni farcies ni autrement préparées, et dont la teneur en œufs ne dépasse pas deux pour cent; même enrichies, fortifiées, biologiques ou de blé entier; et même contenant du lait ou d’autres ingrédients; originaires ou exportées de la République de Turquie; à l’exclusion des pâtes alimentaires réfrigérées, congelées ou en conserve, ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Suite à l’enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur, et suite à la publication de décisions définitives datées du 26 juin 2018 rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada selon lesquelles les marchandises susmentionnées ont fait l’objet de dumping et de subventionnement, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience : du 25 au 29 juin 2018

Membres du Tribunal : Jean Bédard, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Ann Penner, membre

Personnel de soutien : Courtney Fitzpatrick, conseillère juridique principale
Dustin Kenall, conseiller juridique
Rebecca Campbell, analyste
Josée St-Amand, analyste
Grant MacDougall, analyste
Julie Charlebois, analyste de soutien
Kristina Emmerson, agente des enquêtes sur les recours commerciaux
Jyotsna Venkatesh, agente des enquêtes sur les recours commerciaux

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires

Greg Tereposky
Vince DeRose
Jennifer Radford
Daniel Hohnstein
Stephanie Desjardins
Chirani Mudunkotuwa
Martin Perron

 

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

AGT Foods and Ingredients
Durum Gida Sanayi ve Ticaret A.S.
Mediterranean Exporters Association
 

Victoria Bazan

Loblaws Inc.
Shopper’s Drug Mart Corporation

Jeffrey Thomas

TÉMOINS :

Gary Fiorelli
Directeur des services financiers
Italpasta Limited

Orville Anderson
Contrôleur
Italpasta Limited

Frank P. DeMichino
Directeur de l’exploitation
Italpasta Limited

Mike Medeiros
Directeur, Activités de vente au détail
Italpasta Limited

Ralph Younes
Vice-président, Ventes et marketing
Primo Foods Inc.

John Porco
Directeur de l’exploitation
Primo Foods Inc.

Fabian Venier
Vice-président, Logistique
Primo Foods Inc.

Enzo D’adamo
Directeur des ventes
Grisspasta Products Ltd.

Eddy Petaccia
Vice-président
Grisspasta Products Ltd.

Nathalie Madiba
Contrôleuse
Grisspasta Products Ltd.

A. Kadir Kulahcioglu
Directeur général, Durum Gida Sanayi ve Ticaret A.S.
Président, Association of Turkish Pasta Manufacturers
 

Murad Al-Katib
Président et PDG
AGT Food and Ingredients

Gulcin Arslan Hazar
Directeur général adjoint
Durum Gida Sanayi ve Ticaret A.S.

Ian M. Cleghorn
Vice-président, Opérations
Loblaw Companies Limited

Joel Young
Gestionnaire de produits
Wal-Mart Canada Corp.

Doug Watt
Président et PDG
Catelli Foods Corporation

Ryan Hood
Marchand de produits national
Sobeys Inc.

Danielle Pelletier
Directrice, Approvisionnement national et systèmes de soutien, Épiceries
Metro Richelieu Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

SOMMAIRE

  1. Le Tribunal conclut que le dumping et le subventionnement des marchandises en question au cours de la période visée par l’enquête a causé un dommage sensible à la branche de production nationale en ciblant le secteur du marché des pâtes alimentaires séchées à base de blé le plus sensible aux prix, à savoir le secteur de la vente au détail, où la grande majorité de la production canadienne était vendue à des prix concurrentiels et à la baisse sous une marque maison ou une marque nationale établie.
  2. Les pâtes alimentaires exportées de la Turquie ont fait leur apparition sur le marché canadien en 2011, lorsqu’un producteur canadien a perdu le contrat d’une marque maison au profit d’un producteur turc[1]. Cependant, la dynamique sur le marché n’a pas changé avant 2015, date à laquelle les marchandises en question se sont établies solidement au Canada, Durum Gida ayant remporté le contrat relatif à la marque maison d’un grand détaillant canadien, Loblaws, aux dépens d’un producteur canadien. Durum Gida a remporté le contrat principalement parce qu’elle était en mesure de fournir un produit de haute qualité à un prix extrêmement bas, grâce au dumping et au subventionnement. Loblaws a refilé les économies à ses clients, ce qui lui a permis d’attirer des clients et d’augmenter ses ventes de pâtes alimentaires séchées à base de blé.
  3. Les concurrents de Loblaws, surtout les détaillants à marge réduite, en ont pris note. Ils ont constaté qu’un grand détaillant canadien avait accès à un approvisionnement fiable d’un produit de qualité à un prix concurrentiel grâce à un fournisseur étranger. Il s’est ensuivi un nivellement par le bas en matière de prix, les détaillants souhaitant maintenir ou augmenter leurs ventes de ce produit essentiel. Certains détaillants ont reçu ou sollicité des offres crédibles de la part de producteurs turcs en vue d’approvisionner leur propre entreprise de marque maison. D’autres ont exercé des pressions sur les producteurs canadiens pour qu’ils réduisent le prix des pâtes alimentaires fournies pour une marque maison ou vendues sous une marque nationale établie.
  4. Cette série d’événements a eu une incidence sur l’ensemble du marché canadien de pâtes alimentaires séchées à base de blé et sur l’ensemble des producteurs. D’une façon ou d’une autre, tous les producteurs nationaux ont eu à s’adapter à la présence sur le marché canadien des pâtes alimentaires sous-évaluées et subventionnées provenant de la Turquie. Par conséquent, la branche de production nationale a subi un dommage sensible de deux façons importantes. Premièrement, les détaillants ont obtenu des concessions de prix de leurs fournisseurs nationaux de produits de marque maison, ce qui a réduit considérablement leur marge de profit déjà très mince. Deuxièmement, le contrat entre Loblaws et Durum Gida a déclenché une guerre de prix et entraîné une chute spectaculaire des prix, ce qui a intensifié le marché déjà très concurrentiel. Cette guerre de prix a forcé les producteurs nationaux à faire un choix : ou bien ils réduisaient leurs prix ou bien ils s’exposaient au risque de perdre des ventes et leur part du marché. Elle a également accéléré la concurrence entre les marques privées et les marques nationales, au point où les producteurs nationaux doivent maintenant envisager de modifier leur stratégie commerciale, par exemple étendre leurs activités dans le secteur de marché lié aux marques maison, où la marge de profit est moins élevée, ou se consacrer davantage à la vente de produits destinés à un créneau, au détriment de leur part de marché. Cette situation ne fera qu’intensifier la concurrence par les prix et le dommage causé à la branche de production nationale.

INTRODUCTION

  1. Le mandat du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans la présente enquête[2] est de déterminer si le dumping et le subventionnement de pâtes alimentaires séchées à base de blé originaires ou exportées de la République de Turquie (Turquie) (les marchandises en question) ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.
  2. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a conclu que les marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.

CONTEXTE

  1. La présente enquête découle d’une plainte déposée le 11 septembre 2017 par l’Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires (ACFPA) et de la décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le 28 décembre 2017, de lancer une enquête sur les présumés dumping et subventionnement dommageables de pâtes alimentaires séchées à base de blé originaires ou exportées de la Turquie.
  2. L’enquête de l’ASFC a engendré le lancement d’une enquête préliminaire de dommage par le Tribunal le 29 décembre 2017. Le 26 février 2018, le Tribunal a conclu que la preuve indiquait, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale.
  3. Le 26 mars 2018, l’ASFC a rendu des décisions provisoires de dumping et de subventionnement qui ont entraîné l’imposition de droits antidumping et de droits compensateurs provisoires sur les marchandises en question ainsi que l’ouverture de la présente enquête de dommage. Le Tribunal a émis un avis de lancement d’une enquête le 29 mars 2018. La période visée par l’enquête du Tribunal couvre trois années complètes, soit du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.
  4. L’ACFPA compte trois membres, qui sont en faveur d’une conclusion de dommage ou de menace de dommage : Italpasta Limited (Italpasta), Primo Foods Inc. (Primo) et Grisspasta Products Ltd. (Grisspasta).
  5. Les parties qui s’opposent à une conclusion de dommage sont AGT Foods and Ingredients (AGT), Durum Gida Sanayi Ve Ticaret A.S. (Durum Gida) et la Mediterranean Exporters Association.
  6. Deux autres entités ont déposé un avis de participation. Un témoin pour Loblaws Inc. (Loblaws) a déposé une déclaration et a été interrogé à l’audience, mais Loblaws n’a pas pris position, ni en faveur, ni en opposition à la plainte. Pulse Canada n’a pas déposé d’éléments de preuve, présenté d’arguments, pris position ni participé autrement à l’instance.
  7. Le 29 mars 2018, le personnel du Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur du Service canadien des tribunaux administratifs du Canada (Secrétariat du TCCE) a remis des questionnaires aux producteurs nationaux, aux importateurs, aux acheteurs, aux producteurs étrangers et aux exportateurs de pâtes alimentaires séchées à base de blé. En se servant des réponses aux questionnaires et des données sur l’importation de l’ASFC, le personnel du Secrétariat du TCCE a préparé une version publique et une version protégée du rapport d’enquête, qui ont été publiées le 17 mai 2018. Le rapport d’enquête public a été distribué, accompagné des réponses aux questionnaires publics, aux parties ayant déposé des avis de participation à l’enquête. Un rapport d’enquête protégé, contenant des renseignements désignés comme étant confidentiels, a été remis aux avocats qui avaient signé l’acte de déclaration et d’engagement requis, ainsi que le reste du dossier protégé.
  8. Selon le calendrier, la date limite pour le dépôt des demandes d’exclusion de produits était le 24 mai 2018. Aucune demande d’exclusion de produits n’a été reçue. Le 25 mai et le 5 juin 2018, les parties ont déposé des mémoires, des déclarations de témoins et d’autres éléments de preuve en réponse. Le 12 juin 2018, l’ACFPA a déposé des observations en réponse et des déclarations de témoins en réponse. Une version publique révisée et une version protégée révisée du rapport d’enquête ont été publiées le 11 juin 2018.
  9. Le 25 mai 2018, les parties ont présenté au Tribunal diverses demandes de renseignements adressées aux autres parties. Puisque certaines parties se sont opposées à certaines demandes de renseignements, le 31 mai 2018, le Tribunal a émis des directives pour indiquer aux parties quelles demandes de renseignements exigeaient une réponse. Le Tribunal a également présenté ses propres demandes de renseignements aux parties et à des tiers.
  10. Le Tribunal a tenu une audience à Ottawa (Ontario) du 25 au 29 juin 2018. Certaines séances étaient publiques et d’autres ont eu lieu à huis clos. Toutes les parties représentées ont fait entendre des témoins. Le Tribunal a lui-même appelé quatre témoins : M. Joel Young de Wal-Mart Canada Corp. (Walmart); M. Doug Watt de Catelli Foods Corporation (Catelli); M. Ryan Hood de Sobey’s Inc. (Sobeys); et Mme Danielle Pelletier de Metro Richelieu Inc. (Metro).
  11. Lorsqu’il est devenu évident que deux des témoins du Tribunal (M. Hood de Sobeys et M. Young de Walmart) avaient besoin de renseignements additionnels pour répondre à certaines des questions posées à l’audience, le Tribunal leur a remis une demande de renseignements par écrit, et les avocats des parties ont eu la possibilité de formuler des observations sur les réponses qui ont été fournies. Les observations des deux parties ont été reçues le 12 juillet 2018.
  12. Le Tribunal a rendu ses conclusions le 26 juillet 2018.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DE L’ASFC

  1. Le 26 juin 2018, l’ASFC a rendu des décisions définitives de dumping et de subventionnement. La période visée par l’enquête de l’ASFC sur le dumping s’étendait du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017. La période visée par l’enquête sur le subventionnement s’étendait du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2017.
  2. L’ASFC a déterminé que 100 p. 100 des marchandises en question ont été sous-évaluées et subventionnées. Elle a également déterminé que la marge moyenne pondérée de dumping, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation, était de 7 p. 100 dans le cas de Durum Gida et de 99,9 p. 100 dans le cas des autres exportateurs turcs, et que le montant de subvention, exprimé en pourcentage du prix à l’exportation, était de 1,4 p. 100 dans le cas de Durum Gida et de 4,2 p. 100 dans le cas des autres exportateurs turcs.

PRODUIT

Définition du produit

  1. L’ASFC a défini les marchandises en question comme suit :

Pâtes alimentaires séchées à base de blé; ni farcies ni autrement préparées, et dont la teneur en œufs ne dépasse pas deux pour cent; même enrichies, fortifiées, biologiques ou de blé entier; et même contenant du lait ou d’autres ingrédients; originaires ou exportées de la République de Turquie; à l’exclusion des pâtes alimentaires réfrigérées, congelées ou en conserve.

Renseignements additionnels sur le produit

  1. Les marchandises en question comprennent toutes les pâtes blanches, standard, ordinaires, de blé entier ou biologiques dans la famille des pâtes alimentaires à la semoule de blé dur. Celles-ci peuvent être enrichies, et contenir du lait ou d’autres ingrédients facultatifs tels que des légumes en morceaux, en poudre ou en purée; du gluten, des enzymes, des vitamines, des colorants et des aromatisants.
  2. Les marchandises en question comprennent les pâtes de forme allongée (généralement appelées vermicelles et qui comprennent les spaghettis, spaghettinis, capellis, linguinis, vermicelles, cheveux d’ange, fettuccines et nids de pâtes), les pâtes de forme courte (généralement appelées macaronis et qui comprennent les macaronis, pennes, rigatonis, rotinis, fusillis et zitis) et les pâtes de forme spéciale (y compris les boucles, coquilles, cannellonis, manicottis, lasagnes et roues).
  3. Les marchandises en cause sont importées dans différents types et tailles d’emballages. L’emballage peut inclure des boîtes de carton ou carton dur, des sacs en polyéthylène ou polypropylène. Il existe une grande variété de formats, dont les plus communs sont : 200 g, 375 g, 400 g, 454 g, 500 g, 750 g, 800 g, 900 g, 1 kg, 10 lb, 20 lb, 30 lb, 40 lb, 50 lb, les boîtes « de spécialité » et le vrac. Au Canada, les pâtes alimentaires séchées à base de blé sont généralement emballées par les producteurs eux-mêmes.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’enquêter afin de déterminer si le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage, le terme « dommage » étant défini au paragraphe 2(1) comme un « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». À cet égard, l’expression « branche de production nationale » est aussi définie au paragraphe 2(1) par référence à la production nationale de « marchandises similaires ».
  2. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.
  3. Étant donné que l’ASFC a déterminé que les marchandises en question ont été sous-évaluées et subventionnées, le Tribunal doit aussi déterminer s’il convient d’évaluer l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement des marchandises en question (c’est-à-dire s’il procédera au cumul croisé des effets) dans le cadre de la présente enquête.
  4. Le Tribunal peut ensuite évaluer si les marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage sensible, il déterminera s’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale[3]. Comme la branche de production nationale est déjà établie, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question du retard[4].
  5. Dans le cadre de son analyse, le Tribunal examinera aussi d’autres facteurs qui ont pu avoir des répercussions sur la branche de production nationale, de manière à s’assurer qu’un dommage ou une menace de dommage causé par de tels facteurs ne soit pas attribué aux effets du dumping et du subventionnement.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

  1. Pour déterminer si le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au Canada, s’il en existe, constituent des marchandises similaires aux marchandises en question. Le Tribunal doit aussi déterminer si les marchandises en question et les marchandises similaires constituent plus d’une catégorie de marchandise[5].
  2. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

  1. Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en question, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients)[6].
  2. Lorsqu’il examine la question des catégories de marchandise, le Tribunal détermine généralement si les marchandises potentiellement comprises dans les catégories distinctes de marchandise constituent des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandise[7].
  3. Les parties conviennent que les pâtes alimentaires séchées à base de blé produites au Canada dont la description est la même que celle des marchandises en question constituent des « marchandises similaires » par rapport aux marchandises en question. De plus, les parties conviennent qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises. Par conséquent, et sur la foi des éléments de preuve au dossier portant sur les facteurs susmentionnés, le Tribunal effectuera son analyse de dommage en fonction d’une seule catégorie de marchandise.
  4. Lors de l’enquête, la question a été soulevée de savoir si les ensembles pour pâtes alimentaires, définis comme des pâtes alimentaires séchées à base de blé dont l’emballage contient un sachet séparé d’assaisonnement ou de sauce (par exemple, les ensembles pour macaroni au fromage), devraient être inclus dans la définition du produit. Le Tribunal a choisi de recueillir les données pertinentes et de les inclure dans son rapport d’enquête sans décider si les ensembles pour pâtes alimentaires sont visés par la définition de pâtes alimentaires séchées à base de blé ou représentent des marchandises similaires[8].
  5. Selon l’ACFPA, les ensembles pour pâtes alimentaires sont visés par la définition du produit et ne devraient pas être exclus, puisque 1) aucune demande d’exclusion n’a été déposée et que 2) s’ils étaient exclus, les ensembles pour pâtes alimentaires pourraient servir à contourner toute conclusion. Les parties qui s’opposent à une conclusion de dommage n’ont pas pris position. En ce qui a trait à la question de savoir si les ensembles pour pâtes alimentaires sont des marchandises similaires, aucune partie n’a présenté d’éléments de preuve relatifs aux caractéristiques physiques ou aux caractéristiques de marché des ensembles pour pâtes alimentaires, ni présenté d’observations pour montrer si ou comment leur utilisation ou leurs caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.
  6. Normalement, conformément au paragraphe 43(1) de la LMSI, la conclusion de dommage du Tribunal définit les marchandises concernées et précise les marchandises exclues, le cas échéant. En effet, le Tribunal a conclu que, dans la mesure où la définition des marchandises en question manque de clarté, il a la compétence requise pour l’interpréter sans redéfinir les marchandises en question[9]. Toutefois, lorsque la question est théorique ou que les éléments de preuve dont dispose le Tribunal ne lui permettent pas de prendre une décision éclairée, le Tribunal s’en remettra à l’évaluation de l’assujettissement ou de la portée menée plus tard, lorsque la question sera prête à être trancher[10].
  7. En l’espèce, la définition du produit manque de clarté relativement aux ensembles pour pâtes alimentaires, en ce sens qu’il n’est pas clair si ceux-ci constituent des pâtes alimentaires « autrement préparées », qui sont exclues expressément de la définition du produit. En outre, aucun élément de preuve solide ne montre que les ensembles pour pâtes alimentaires sont des marchandises similaires, puisque les parties n’ont pas présenté d’éléments de preuve à cet égard et que Kraft-Heinz Canada ULC (Kraft) (le principal producteur national d’ensembles pour pâtes alimentaires à l’exception d’autre production mineure[11]) n’a pas participé à l’instance. Fait plus important, aucune des marchandises en question importées au cours de la période visée par l’enquête (ou toute période, à la connaissance du Tribunal fondée sur le dossier complet) ne comprend des ensembles pour pâtes alimentaires[12]. Les ensembles pour pâtes alimentaires (produites au pays ou importées de pays non visés) semblent constituer un créneau du marché apparent total, compte tenu du volume des ventes et des niveaux de prix[13]. En conséquence, le Tribunal conclut que la question du statut des ensembles pour pâtes alimentaires est en grande partie théorique, parce qu’elle vise notamment la concurrence future des importations provenant de pays visés. En outre, l’inclusion (ou l’exclusion) des ensembles pour pâtes alimentaires et de Kraft n’a aucune incidence importante sur l’analyse de dommage du Tribunal. Comme il en sera question ci-dessous, les produits de référence ne comprennent pas d’ensembles pour pâtes alimentaires et fournissent la meilleure preuve de la concurrence directe avec les marchandises en question. Le Tribunal n’a donc pas à trancher la question du statut des ensembles pour pâtes alimentaires dans le contexte de son enquête de dommage (et il ne devrait pas le faire).
  8. La procédure en matière d’assujettissement ou de portée prévue par la LMSI[14] convient davantage pour répondre à la question de savoir si les importations futures d’ensembles pour pâtes alimentaires provenant de la Turquie seraient visées par la définition du produit (choisie par l’ACFPA et adoptée par l’ASFC) ou si elles en seraient exclues au motif qu’il s’agit de pâtes alimentaires séchées à base de blé « autrement préparées ».
  9. En outre, bien que le Tribunal ait déjà estimé que le risque de contournement constituait un facteur dont il fallait tenir compte dans l’analyse d’une demande d’exclusion[15], à son avis il ne peut tirer la même conclusion en l’espèce pour deux raisons : 1) on ne sait pas avec certitude si les ensembles pour pâtes alimentaires sont des marchandises en question devant être exclues; 2) le Parlement a récemment mis en œuvre un régime pour certains types d’enquêtes anticontournement, dont il est permis de penser qu’il pourrait être utilisé pour traiter de ce type de contournement, dans le cadre duquel l’ASFC peut ouvrir une enquête seulement après que le Tribunal a tiré une conclusion de dommage[16].

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

  1. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » comme suit :

l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

  1. Le Tribunal doit donc déterminer si un dommage a été causé à l’ensemble des producteurs nationaux ou aux producteurs dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires, ou s’il y a menace de dommage[17].
  2. L’ACFPA fait valoir que la décision du Tribunal devrait être fondée sur le dommage causé aux producteurs nationaux dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires. La Cour d’appel fédérale a interprété l’expression « proportion majeure » comme signifiant une proportion « importante » plutôt que la majorité de la production totale de marchandises similaires au Canada[18]. Comme il n’est pas contesté qu’ils constituent une proportion importante de la production totale (même si l’on tient compte d’un marché total qui comprend les ensembles pour pâtes alimentaires de Kraft), les membres de l’ACFPA soutiennent qu’ils n’ont pas à prouver qu’un dommage a été causé ou menace d’être causé à Catelli ou à Kraft.
  3. Les parties qui s’opposent à une conclusion de dommage font valoir que la conclusion de dommage du Tribunal devrait être fondée sur l’ensemble des producteurs nationaux. Ainsi, elles s’opposent à l’argument selon lequel le Tribunal devrait limiter son analyse à Primo, Italpasta et Grisspasta.
  4. Les deux parties conviennent que, conformément à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Essar Steel Algoma Inc. c. Jindal Steel and Power Limited[19], la question de savoir s’il faut évaluer le dommage causé à la branche de production nationale dans son ensemble ou à une proportion majeure de celle-ci relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal. Elle dépend des faits qui découlent de l’enquête du Tribunal, notamment les différences entre les producteurs sur le plan de la structure et du comportement et la disponibilité de la preuve. L’option prévue au paragraphe 2(1) de la LMSI vise à permettre au Tribunal d’évaluer le dommage en fonction des faits de chaque affaire, tout en respectant l’obligation internationale qui incombe au Canada de mener un examen objectif qui repose sur des éléments de preuve positifs pour l’ensemble de la branche de production nationale[20]. La définition ne vise pas à prévoir une norme de preuve moins exigeante pour les plaignants lorsque les faits de l’affaire sont défavorables à l’égard de certains producteurs nationaux[21]. Dans tous les cas, il incombe aux producteurs nationaux de cerner une raison logique justifiant que le Tribunal se serve de la norme de la proportion majeure plutôt que la norme de l’ensemble de la branche de production nationale, puisque le recours à la première norme pose le risque qu’une conclusion de dommage soit fondée sur « une impression trompeuse des données relatives à la branche de production dans son ensemble[22] ».
  5. En l’espèce, Catelli (le seul producteur national important de pâtes alimentaires séchées à base de blé qui ne fait pas partie de l’ACFPA) fait directement concurrence aux membres de l’ACFPA en ce qui concerne la vente de pâtes alimentaires séchées à base de blé. Elle a également rempli les questionnaires du Tribunal, répondu aux demandes de renseignements du Tribunal et participé à l’audience en tant que témoin du Tribunal. En conséquence, il n’y a aucune raison de ne pas la considérer comme faisant partie de la branche de production nationale aux fins de l’analyse de dommage du Tribunal.
  6. Kraft fabrique des pâtes alimentaires séchées à base de blé au Canada, mais seulement à des fins de consommation interne pour la production d’ensembles pour pâtes alimentaires[23]. Kraft ne vend pas et ne fournit pas de pâtes alimentaires séchées à base de blé de façon à faire concurrence aux autres acheteurs, vendeurs ou producteurs du marché. Pour les raisons données ci-dessus, la présente enquête porte principalement sur les pâtes alimentaires séchées à base de blé, et non sur les ensembles pour pâtes alimentaires. Cela étant dit, le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la branche de production nationale en termes de production de marchandises similaires. Le Tribunal conclut donc qu’il n’existe aucun fondement législatif permettant d’exclure Kraft de la branche de production nationale aux fins de la présente enquête au motif que les pâtes alimentaires séchées à base de blé qu’elle fabrique visent la transformation interne[24]. Cependant, comme il est expliqué en détail ci-dessous, le Tribunal axera son analyse de dommage sur l’incidence des marchandises en question sur le marché commercial.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le cadre analytique approprié consiste à évaluer le dommage causé à la branche de production nationale dans son ensemble, composée, aux fins de la présente enquête, de Primo, d’Italpasta, de Grisspasta, de Catelli et, le cas échéant, de Kraft.
  8. Le Tribunal fait également remarquer que la production totale d’Italpasta, de Primo, de Grisspasta et de Catelli constituait la vaste majorité de la production collective nationale au cours de la période visée par l’enquête[25]. Ainsi, même si l’on inclut Kraft et sa production de pâtes alimentaires destinées aux ensembles pour pâtes alimentaires, la production de ces quatre producteurs constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires.

CUMUL CROISÉ

  1. Aucune disposition législative ne traite directement du cumul croisé des effets du dumping et du subventionnement. Toutefois, comme indiqué dans plusieurs causes antérieures[26], les effets du dumping et du subventionnement des mêmes marchandises en provenance d’un pays donné se manifestent par un seul ensemble d’effets dommageables sur les prix, et il n’est pas possible d’isoler les effets causés par le dumping de ceux qui sont causés par le subventionnement. En fait, les effets sont si étroitement entremêlés qu’il est impossible d’en attribuer une proportion précise au dumping et une autre au subventionnement.
  2. Compte tenu de ce qui précède, la pratique courante du Tribunal consiste à effectuer le cumul croisé des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées. Dans la présente instance, aucune partie n’a fait valoir que les effets causés par le dumping devraient être évalués séparément de ceux causés par le subventionnement. Par conséquent, le Tribunal évaluera les effets cumulatifs du dumping et du subventionnement des marchandises en question.

ANALYSE DE DOMMAGE

  1. Le paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[27] prévoit que, pour déterminer si le dumping et le subventionnement ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit tenir compte du volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées, de leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché national et de leur incidence sur la situation de la branche de production nationale. Le paragraphe 37.1(3) exige également que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et le dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1), et si des facteurs autres que le dumping et le subventionnement des marchandises ont causé un dommage.

Considérations préliminaires

  1. Avant et pendant l’audience, les parties qui s’opposent à une conclusion de dommage ont contesté le fait que le volume des importations provenant de pays non visés, tel qu’il est indiqué dans le rapport d’enquête du Tribunal, était nettement inférieur au volume estimé par l’ASFC dans ses décisions définitives de dumping et de subventionnement. Elles ont fait valoir que cette divergence a une incidence importante sur l’analyse du Tribunal, notamment en ce qui a trait à l’évaluation de la part de marché et des tendances.
  2. Le Tribunal reconnaît qu’il existe des divergences entre les données sur l’importation de l’ASFC et celles du Tribunal en ce qui a trait aux pays non visés[28]. En effet, les divergences de cette nature ne sont pas rares dans les cas où les données sur l’importation de l’ASFC sont fondées sur les codes du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (codes SH), qui incluent un ensemble plus vaste de marchandises que les marchandises en question, telles qu’elles sont énoncées dans la définition du produit donnée aux fins de l’enquête. Pour sa part, le Tribunal a appliqué une méthode bien établie pour estimer les importations et les ventes provenant des pays non visés : il s’est appuyé sur les données relatives à l’importation fournies dans les réponses aux questionnaires du Tribunal et, pour les importateurs non sondés et ceux n’ayant pas répondu aux questionnaires, sur des estimations réalisées à l’aide des données de l’ASFC sur les importations[29]. L’un des objectifs des questionnaires et des estimations consiste à cerner seulement les importations et les ventes de marchandises qui sont visées par la définition du produit, ce qui fait en sorte que le volume des marchandises est inférieur à celui des données liées au code SH de l’ASFC.
  3. Bien que les données contenues dans le rapport d’enquête sous-estiment peut-être le volume réel des importations provenant de pays non visés, le Tribunal estime que ces données constituent la meilleure preuve au dossier concernant le volume et la part de marché relatifs des importations provenant de pays non visés. Fait plus important, le Tribunal est convaincu que les données contenues dans le rapport d’enquête brossent un tableau raisonnable et proportionnel du marché canadien en ce qui concerne la part de marché relative des marchandises en question, des importations provenant de pays non visés et des marchandises similaires, et pour ce qui est de l’évolution de la concurrence entre les marchandises en question et les marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête.

Vue d’ensemble du marché des pâtes alimentaires séchées à base de blé au Canada

  1. Le marché canadien des pâtes alimentaires séchées à base de blé se divise en trois segments principaux, à savoir le segment de détail, le segment des services alimentaires et le segment industriel. Le segment de détail est de loin le plus grand, et la grande majorité de la production et des ventes de la branche de production nationale y est associée[30].
  2. Le segment de détail est arrivé à maturité. La concurrence y est vive et soumise à quatre grandes dynamiques.
  3. Premièrement, les pâtes alimentaires séchées à base de blé sont un produit à faible marge[31]. Elles sont faites de deux ingrédients principaux : la semoule de blé dur et l’eau. Leur production (bien qu’elle soit automatisée et capitalistique) repose sur des méthodes vieilles de plusieurs décennies, par lesquelles la farine et l’eau sont mélangées, la pâte est passée à travers des matrices et coupée pour obtenir les pâtes alimentaires qui seront séchées, puis emballées. Tous les producteurs ont essentiellement recours à la même technologie pour produire les pâtes alimentaires séchées à base de blé[32]. Le prix des produits est directement lié à celui de la farine de semoule, lequel dépend du prix du blé dur. Bien que les consommateurs demandent de plus en plus des produits faits de blé entier, sans gluten, à forte teneur en fibres, artisanaux, frais ou présentant d’autres caractéristiques qui commandent un prix supérieur[33], les ventes au détail demeurent principalement composées de pâtes alimentaires séchées à base de farine de semoule blanche offertes dans les coupes classiques (par exemple spaghettis)[34]. Étant donné que les pâtes alimentaires séchées à base de blé sont un bien de consommation de base (de fait, les détaillants reconnaissent qu’elles jouent sur l’achalandage des magasins)[35], la concurrence est fortement axée sur les prix, en particulier dans le cas des pâtes alimentaires séchées à base de farine de blé blanche qui sont offertes dans les formes et coupes classiques et qui sont issues de la production de masse et destinées à la consommation de masse[36]. Les détaillants surveillent jusqu’à toutes les semaines les prix auxquels les autres détaillants vendent les pâtes alimentaires séchées à base de blé considérées comme des produits de base (comme les spaghettis blancs emballés en paquets de cellophane de 900 grammes)[37].
  4. Deuxièmement, les producteurs canadiens écoulent la majeure partie de leur production auprès de détaillants qui sont des chaînes de supermarchés nationales ou régionales[38]. Les pâtes alimentaires séchées à base de blé sont ensuite proposées aux consommateurs sous une marque nationale bien connue (par exemple Catelli, Italpasta, Primo) ou sous la marque maison du détaillant (Sans nom chez Loblaws, Sélection chez Metro, Great Value chez Walmart, et ainsi de suite). Les produits de marque maison forment un sous-groupe de plus en plus important du marché de détail[39].
  5. Troisièmement, les détaillants nationaux jouissent d’un pouvoir d’achat important auprès des producteurs de pâtes alimentaires séchées à base de blé, car ils sont pour les producteurs la principale passerelle permettant d’accéder au marché de la consommation de masse[40]. Les détaillants nationaux contrôlent le volume des ventes en décidant de la répartition de l’espace sur les tablettes, en ayant recours au placement de produits, en jouant sur les prix de détail et en faisant des promotions pour attirer la clientèle en magasin[41]. Parallèlement, ils font directement concurrence à leurs fournisseurs en offrant des produits de marque maison, lesquels sont omniprésents chez les grands détaillants nationaux dans le marché des pâtes alimentaires séchées à base de blé.
  6. Quatrièmement, les marques nationales et les marques maison de pâtes alimentaires séchées à base de blé sont en concurrence directe entre elles, mais les producteurs et détaillants misent sur des stratégies différentes dans l’un et l’autre des cas pour maximiser leurs ventes et leurs profits. Règle générale, les pâtes alimentaires séchées à base de blé de marque nationale sont vendues aux détaillants et consommateurs à un prix supérieur par rapport aux produits de marque maison, une différence qui est principalement attribuable à la valeur des marques. Par le passé, cet écart s’est situé entre 10 et 25 p. 100[42]. Le prix supérieur que peut commander un produit de pâtes alimentaires de marque nationale est fonction des préférences et perceptions des consommateurs, lesquelles sont influencées par le goût, la qualité des produits, le pays d’origine (presque exclusivement l’Italie, tenue en haute estime par certains consommateurs du fait que les pâtes alimentaires sont depuis longtemps associées à la gastronomie italienne)[43] et les investissements en marketing[44]. La valeur accordée aux marques nationales s’est érodée au cours de la dernière décennie, en raison de changements dans les goûts des consommateurs, en particulier parce que les pâtes alimentaires séchées à base de blé de marque maison sont davantage vues comme des produits concurrentiels, tant sur le plan de la qualité que sur le plan du prix[45]. Les enseignes à bas prix des grands détaillants (par exemple No Frills, Food Basics et FreshCo), qui se livrent concurrence entre elles et qui sont également concurrentes de Walmart, ajoutent une pression sur les prix. Au cours de la période visée par l’enquête, l’écart de prix entre les marques nationales et les marques maison de pâtes alimentaires chez certains détaillants a dépassé ce qui était auparavant accepté. Les contrats d’approvisionnement de produits devant être vendus sous la marque maison d’un grand détaillant sont essentiels pour les producteurs, car en plus de leur permettre d’augmenter leur part de marché, ils leur procurent une source de revenus additionnelle qui, même si les marges sont inférieures par rapport à celles liées aux produits de marque nationale, leur permet de couvrir leurs coûts fixes et d’accroître l’utilisation de leur capacité[46].
  7. Le segment des services alimentaires et le segment industriel, bien qu’importants pour certains producteurs en particulier, ne sont pas les facteurs qui façonnent la concurrence sur le marché canadien. Le segment des services alimentaires comprend les établissements institutionnels, les restaurants et les chaînes de restaurants. Par rapport au segment de détail, il représente un pourcentage beaucoup moindre du marché apparent[47]. Le segment industriel comprend les fabricants de produits alimentaires transformés dans lesquels on trouve des pâtes alimentaires séchées à base de blé (par exemple les repas surgelés). En pourcentage, ce segment est celui qui pèse le moins lourd dans le marché apparent, et de loin[48], sauf qu’il a pour particularité non négligeable d’être lié au segment de détail, car les produits qui le composent sont généralement vendus par les détaillants. Le conditionnement à forfait, par lequel un producteur fabrique et emballe les pâtes alimentaires portant l’étiquette d’un autre producteur, est une pratique propre à un seul producteur national et se limite surtout à la fourniture de formes et de coupes particulières.
  8. Des pratiques d’établissement des prix différentes ont cours dans le segment des services alimentaires et dans le segment industriel. Ainsi, l’effet de faibles prix dans le segment de détail ne se fera peut-être pas sentir immédiatement dans ces segments de marché. Cela dit, un recul marqué des prix dans le segment de détail se répercutera dans ces autres segments. De fait, selon des témoignages entendus par le Tribunal, l’effet commence à se faire sentir[49].
  9. Bien qu’un volume important des marchandises en question sous-évaluées et subventionnées importées au cours de la période visée par l’enquête provenait d’un exportateur (Durum Gida) et était destiné à un acheteur (Loblaws) en vue de ventes sous une marque maison, la présence des marchandises en question a généralement eu des conséquences importantes, sensibles et dommageables pour la branche de production nationale dans son ensemble, étant donné les dynamiques du marché concurrentiel mentionnées ci-dessus[50].

Volume des importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées

  1. Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal doit prendre en compte le volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées et, plus particulièrement, doit déterminer s’il y a eu une augmentation marquée du volume soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à l’achat de marchandises similaires.
  2. En termes absolus, le volume des importations des marchandises en question s’est accru au cours de la période visée par l’enquête, soit de 112 p. 100 en 2016, puis de 16 p. 100 en 2017[51]. Par rapport à la production et à la consommation des marchandises produites au pays, le volume des importations des marchandises en question a augmenté de 5 points de pourcentage en 2016 et de 2 points de pourcentage en 2017[52].
  3. Cette hausse du volume des importations des marchandises en question explique la majeure partie de l’augmentation des importations totales au cours de la période visée par l’enquête[53]. Ainsi, les marchandises en question — qui avaient au départ une présence minime et éparse sur le marché et qui n’étaient destinées qu’à la vente de produits de marque maison dans les magasins à rabais et à la vente de produits de marques connues à des détaillants de spécialités ethniques — ont fermement pris pied partout au pays en tant que marchandises de préférence aux fins de la vente de produits de marque maison de Loblaws, l’une des grandes chaînes de supermarchés du Canada[54].
  4. Le Tribunal conclut qu’il y a eu une augmentation importante du volume absolu et du volume relatif des importations des marchandises en question au cours de la période visée par l’enquête.

Effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix

  1. Aux termes de l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’effet des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si les marchandises sous-évaluées et subventionnées ont mené, de façon marquée, soit à la sous-cotation ou à la baisse du prix des marchandises similaires, soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui, par ailleurs, se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur les prix et les effets sur les prix qui découlent d’autres facteurs.
  2. À cette fin, le personnel du Secrétariat du TCCE a recueilli des données auprès des producteurs, des importateurs et des acheteurs nationaux ainsi qu’auprès des producteurs étrangers concernant les ventes par segment de marché et par niveau commercial, les ventes à des comptes communs et les ventes de six produits de référence, sur une base trimestrielle.
  3. Les produits de référence englobent différents formats (900 grammes, 450-454 grammes), types d’emballage (carton, cellophane/plastique) et types de marque (marque nationale, marque maison) des marchandises similaires et des marchandises en question. Collectivement, ces produits représentent une part importante des ventes de la production nationale et des importations, en particulier des importations des marchandises en question, bien qu’il ne soit pas possible pour tous les produits de référence de faire des comparaisons valables entre les marchandises similaires et les marchandises en question[55].
  4. Le produit de référence no 2 (900 g, marque maison, cellophane) est le premier en importance au regard du volume, ayant représenté plus de la moitié du volume des importations des marchandises en question en 2016 et en 2017[56]. Par ailleurs, le prix du produit de référence no 2 et le prix du produit de référence no 1 (900 g, marque nationale, cellophane) sont liés, car le produit de référence no 2 est l’équivalent de marque maison du produit de référence no 1[57]. Ensemble, ces deux produits de référence représentent un pourcentage important des ventes de la production nationale[58]. Ces deux produits de référence, à savoir des pâtes alimentaires séchées à base de blé nature, blanches, constituent également le type de pâtes alimentaires pour lequel la sensibilité au prix est la plus grande[59]. Au cours de l’audience, les témoins de Walmart, Sobeys et Metro ont confirmé que les sacs de pâtes alimentaires de 900 g faisaient l’objet d’une concurrence par les prix particulièrement vive[60].
  5. Pour comprendre l’analyse des effets sur les prix réalisée par le Tribunal, il convient de savoir que les marchandises en question ont été vendues en presque totalité dans le sous-segment des produits de marque maison, dans le segment de détail, et que la quantité vendue de pâtes alimentaires de marque provenant de Turquie a été infime dans le secteur de détail et dans le segment des services alimentaires, et nulle dans le segment industriel[61].
  6. Il importe également de souligner que dans l’analyse des prix que fait le Tribunal ci-après, les données de Kraft sont mises de côté dans les chiffres sur les valeurs unitaires. En effet, comme il est mentionné ci-dessus, le Tribunal a mené son analyse de dommage en mettant l’accent sur les pâtes alimentaires séchées à base de blé, et non sur les ensembles pour pâtes alimentaires, et sur l’incidence des marchandises en question sur le segment de détail et, dans une moindre mesure, sur le segment des services alimentaires et le segment industriel[62]. Cela dit, dans certains cas, le Tribunal fait référence aux données de Kraft, dans un souci d’exhaustivité ou pour que la discussion des données puisse se faire plus publiquement au besoin.

Sous-cotation des prix

  1. Sur une base annuelle, les valeurs unitaires moyennes des marchandises en question ont entraîné, de façon marquée, une sous-cotation de celles des marchandises similaires et des marchandises importées non visées, et ce, à chacune des années de la période visée par l’enquête[63]. La sous-cotation des prix était manifeste dans le segment de détail et dans le segment des services alimentaires du marché[64]. L’ampleur de la sous-cotation était importante, et elle l’aurait été encore plus si le Tribunal avait tenu compte des valeurs unitaires de Kraft dans son analyse.
  2. En ce qui concerne les ventes à des comptes communs, les valeurs unitaires des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires et des marchandises importées de pays non visés, et ce, à chacun des trimestres de 2016 et de 2017 en cas de concurrence directe[65].
  3. En ce qui a trait aux ventes des produits de référence, les comparaisons de prix font ressortir une sous-cotation marquée entraînée par les marchandises en question pour chaque comparaison de prix et à chacun des trimestres pour lesquels les données sur les produits de référence ont été recueillies[66]. En comparaison, les prix des importations en provenance de pays non visés ont mené à la sous-cotation des prix des marchandises similaires dans une moindre mesure ainsi que dans un moins grand nombre de cas[67].
  4. Les marchandises en question ont mené à une sous-cotation marquée des prix du produit de référence no 2 (900 g, marque maison, cellophane), du produit de référence no 4 (450-545 g, marque maison, carton) et du produit de référence no 5 (450-545 g, marque nationale, cellophane) dans chaque cas de concurrence en 2016 et en 2017[68].
  5. Comme il est mentionné ci-dessus, les produits de marque nationale ont toujours commandé des prix supérieurs de 10 à 25 p. 100[69]. Il est utile de souligner que l’ampleur de la sous-cotation observée entre le produit de référence no 1 (pâtes alimentaires de marque nationale) et les marchandises en question correspondant au produit de référence no 2 (pâtes alimentaires de marque maison) dépasse cet avantage de prix observé par le passé. De fait, l’écart entre les prix des marchandises similaires et les prix des marchandises en question correspondant au produit de référence no 2 (lequel concerne uniquement des produits de marque maison) était plus grand que l’écart de prix observé par le passé entre les marques nationales et les marques maison[70].
  6. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont entraîné une sous-cotation marquée des prix durant toute la période visée par l’enquête.

Baisse des prix

  1. Les valeurs unitaires moyennes des marchandises en question ont légèrement augmenté en 2016, puis elles ont diminué en 2017, de sorte qu’elles ont enregistré une baisse globale de 4 p. 100 au cours de la période visée par l’enquête. Exclusion faite des ventes d’ensembles pour pâtes alimentaires de Kraft, les prix ont reculé à un rythme presque deux fois plus rapide à chacune des années. Ce déclin a coïncidé avec une diminution de 17 p. 100 des prix des marchandises en question. Les prix des marchandises importées en provenance de pays non visés se sont accrus au cours de la même période[71].
  2. Dans le segment de détail, les valeurs unitaires moyennes des ventes de marchandises similaires des producteurs nationaux ont suivi la même tendance, essentiellement. Les prix des marchandises similaires se sont accrus en 2016 et ils ont diminué en 2017, pour enregistrer une baisse globale de 4 p. 100 au cours de la période visée par l’enquête. Exclusion faite des ventes d’ensembles pour pâtes alimentaires de Kraft, la baisse des prix s’est faite plus de deux fois plus rapidement à chacune des années. Dans le segment de détail, les valeurs unitaires des marchandises en question ont reculé de 17 p. 100 pendant la période visée par l’enquête[72].
  3. Dans le segment des services alimentaires, les prix des marchandises similaires ont suivi une tendance légèrement différente : les valeurs unitaires moyennes des marchandises similaires (que l’on tienne compte de Kraft ou non) ont chuté en 2016 avant de revenir à leurs niveaux de 2015 en 2017. Dans ce segment, les valeurs unitaires des marchandises en question ont diminué de 8 p. 100 pendant la période visée par l’enquête[73].
  4. Les données sur les prix des produits de référence font ressortir des résultats contrastés quant à l’évolution des prix de vente des marchandises en question et des marchandises similaires[74]. Dans le cas du produit de référence no 1, les prix trimestriels des marchandises similaires ont fluctué : ils sont demeurés stables ou ont légèrement augmenté jusqu’au premier trimestre de 2017, puis ils ont effectué un plongeon au deuxième trimestre de 2017, avant d’enregistrer de nouvelles hausses aux troisième et quatrième trimestres de 2017, de sorte qu’ils ont progressé de 1 p. 100 globalement. Il n’y a eu aucune vente des marchandises en question correspondant au produit de référence no 1[75]. Dans le cas du produit de référence no 2, principale source de concurrence entre les marchandises similaires et les marchandises en question, les prix trimestriels des marchandises similaires ont diminué régulièrement entre le premier trimestre de 2016 et le quatrième trimestre de 2017. Les prix des marchandises similaires ont légèrement augmenté au premier trimestre de 2017 et au troisième trimestre de 2017, et ils ont connu leur chute la plus prononcée au quatrième trimestre de 2016, de sorte qu’ils ont reculé de 18 p. 100 globalement. Les prix trimestriels des marchandises en question ont diminué ou sont demeurés stables, et ce, à chacun des trimestres, si l’on exclut la faible hausse observée au troisième trimestre de 2017, de sorte que la diminution globale s’est établie à 19 p. 100[76].
  5. Dans le cas du produit de référence no 5, les prix des marchandises similaires ont diminué au cours de quatre trimestres, de sorte que la diminution globale s’est établie à 9 p. 100. Les prix des marchandises en question se sont accrus de 5 p. 100 entre le premier trimestre 2016 et le quatrième trimestre de 2017, mais ils sont toutefois demeurés bien inférieurs aux prix des marchandises similaires[77].
  6. Il est essentiel de tenir compte du lien qui existe entre les produits de référence no 1 et no 2 pour comprendre l’incidence des marchandises en question dans le marché canadien. Comme il est mentionné précédemment, les produits de marque nationale commandent des prix supérieurs à ceux des produits de marque maison; ainsi, les prix du produit de référence no 1 auraient dû demeurer supérieurs de 10 à 25 p. 100 à ceux du produit de référence no 2[78]. Cela dit, la sous-cotation marquée entraînée par les marchandises en question a eu un effet à la baisse sur les prix du produit de référence no 2. Qui plus est, l’écart de prix entre le produit de référence no 1 et les marchandises en question correspondant au produit de référence no 2 s’est accru bien au-delà de celui observé par le passé. Cette situation a contraint les producteurs nationaux, en particulier les producteurs de produits de marque maison, de faire un choix entre baisser les prix de leurs produits de marque nationale, comme le produit de référence no 1, ou s’exposer au risque de perdre des ventes dans l’éventualité où les consommateurs deviendraient moins fidèles aux marques et se tourneraient vers des produits de rechange offerts à prix moindre, comme les marchandises en question[79].
  7. Le Tribunal accorde un poids important aux éléments de preuve qui montrent qu’il y a eu une baisse des prix du produit de référence no 2 et au lien qui existe entre ce produit et le produit de référence no 1. Comme il est mentionné précédemment, ces produits de référence pèsent lourd dans les volumes des ventes et sont à l’origine d’une bonne partie de la vive concurrence exercée sur les prix dans le marché. Par ailleurs, comme il en sera question ci-après, la concurrence attribuable aux marchandises en question offertes à faible prix dans la catégorie des pâtes alimentaires de marque maison vendues en sacs de 900 g est le premier exemple d’une série d’effets sur les prix qui ont mené à un dommage important causé à la branche de production nationale.
  8. Les témoignages entendus à l’audience corroborent les éléments de preuve au regard de la baisse des prix[80]. Comme l’a affirmé M. Porco de Primo, la pression exercée sur les prix dans le marché au cours de la période visée par l’enquête « [...] a été sans répit. À l’heure actuelle, il y a encore cette pression qui pousse les prix à la baisse »[81] [traduction]. Les témoins ont également présenté des éléments de preuve montrant qu’il y a eu une baisse des prix liés à certains comptes. Ils ont fait valoir que plusieurs détaillants ont mentionné la concurrence des marchandises en question offertes à faible prix dans le marché afin de négocier des prix moindres auprès des fournisseurs[82]. Bien que les éléments de preuve présentés au cours de l’audience montrent que tous les détaillants ne mentionnaient pas les marchandises en question lors de leurs négociations[83], le Tribunal convient que les producteurs nationaux devaient composer avec une pression importante de la part des détaillants qui souhaitaient obtenir les produits de marque maison à prix moindre, et que cette pression était directement liée à la présence des marchandises en question offertes à faible prix dans le marché[84].
  9. Notamment, selon ce que le Tribunal a entendu, à la mi-année 2016, le prix des paquets de 900 g de pâtes alimentaires séchées à base de blé blanches portant la marque maison de Loblaws a été réduit de moitié, à 1 $[85]. Cette baisse marquée a eu lieu au moment où le volume des marchandises en question a augmenté de façon importante[86]. D’autres détaillants ont suivi l’exemple de Loblaws et ont diminué les prix des pâtes alimentaires portant leur marque[87]. Par conséquent, les producteurs nationaux qui étaient en concurrence directe avec les marchandises en question dans le segment des produits de marque maison ont dû composer avec une baisse marquée des prix[88]. Les prix des produits de marque nationale ont également reculé, étant donné la pression exercée par les détaillants pour que les producteurs nationaux abaissent leurs prix, et qu’ainsi puisse demeurer intact l’écart de prix entre les produits de marque maison et les produits de marque nationale[89].
  10. Des exemples de baisses de prix propres à des comptes particuliers ont également été présentés relativement au segment des services alimentaires[90]. Dans le segment des services alimentaires comme dans le segment industriel, les marges bénéficiaires sont déjà maigres étant donné l’absence de budget prévu pour tenir compte d’activités commerciales telles que les activités de promotion et de marketing. Ainsi, étant donné que les prix étaient déjà bas, la pression exercée sur les prix a eu une incidence particulièrement prononcée dans le segment des services alimentaires [91].
  11. Des éléments de preuve montrent également qu’un certain nombre d’autres producteurs turcs ont approché les acheteurs canadiens pour faire affaire avec eux[92]. Primo a été sollicitée par des producteurs turcs[93]. De grands détaillants canadiens ont également reçu des propositions de prix ou en ont sollicité[94]. Dans le segment des services alimentaires et dans le segment industriel, des clients ont également été sollicités par des producteurs turcs[95]. Ainsi, même si aucun contrat supplémentaire visant l’approvisionnement de produits de marque maison n’a été conclu par d’autres producteurs turcs, cette simple possibilité permettait aux détaillants de demander à leurs fournisseurs canadiens de leur consentir des prix moindres.
  12. Les parties adverses font valoir que toute baisse des prix ne peut être attribuée aux marchandises en question. Elles soutiennent que les baisses sont attribuables à une diminution des prix du blé dur, et par extension de la semoule de blé dur, au cours de la période visée par l’enquête. L’ACFPA soutient en réponse que le déclin des prix du blé dur n’a eu aucune commune mesure avec la baisse des prix avec laquelle les producteurs nationaux ont dû composer durant la période visée par l’enquête.
  13. Plusieurs témoins ont mentionné que la pression à la baisse exercée par les marchandises en question offertes à faible prix les avait obligés à réduire leurs prix plus rapidement que le rythme auquel les prix du blé dur baissaient. Un témoin a fait référence aux données d’un sondage réalisé par une tierce personne, lesquelles donnent à penser que les prix au détail des produits de marque maison ont enregistré une baisse deux fois plus marquée que celle des prix du blé dur entre le deuxième trimestre de 2016 et la fin de 2017[96].
  14. Il n’est pas contesté que les prix du blé dur et de la semoule de blé dur ont diminué, en général, au cours de la période visée par l’enquête, et que cette diminution a contribué à la tendance à la baisse suivie par les prix des marchandises en question et des marchandises similaires[97]. Cela dit, ces baisses n’expliquent pas l’ampleur du recul des prix qu’ont connu les producteurs nationaux en 2016 et en 2017, et en particulier de la baisse du prix des pâtes alimentaires séchées à base de blé vendues en sacs de 900 g sous une marque maison. Par exemple, dans le cas du produit de référence no 1, les données trimestrielles liées au blé dur ambré (FAB Minneapolis) montrent que le prix de ce blé, en dollars canadiens, s’est en fait grandement accru entre le troisième trimestre de 2016 et le troisième trimestre de 2017, alors que les prix des marchandises similaires correspondant au produit de référence no 1 ont diminué de 1 p. 100, et que les prix des marchandises similaires correspondant au produit de référence no 2 ont reculé de 9 p. 100 au cours de la même période[98]. Par ailleurs, la baisse des prix a duré plus longtemps qu’au cours des cycles précédents de l’évolution des prix du blé dur. Certains détaillants ont même exprimé à leurs fournisseurs qu’ils avaient de sérieux doutes quant à leur capacité à continuer de vendre les produits de marque nationale commandant des marges élevées[99].
  15. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que, bien que certaines entreprises aient été plus durement touchées que d’autres, la branche de production nationale dans son ensemble a subi une importante baisse des prix au cours de la période visée par l’enquête.

Compression des prix

  1. Afin d’évaluer si le prix des marchandises en question a mené à la compression du prix des marchandises similaires, le Tribunal compare généralement le coût unitaire moyen des marchandises vendues ou fabriquées par la branche de production nationale avec le prix de vente unitaire moyen de la branche de production nationale sur le marché canadien pour déterminer si celle-ci a pu augmenter ses prix de vente de façon à tenir compte des hausses de ses coûts de production. Cependant, le Tribunal peut examiner plus généralement si les marchandises en question ont, de façon marquée, « mené à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises »[100].
  2. Aucun élément de preuve solide ne montre que les producteurs nationaux ont été constamment dans l’impossibilité de répercuter leurs hausses de coûts, ou une partie importante de ces hausses, au cours de la période visée par l’enquête. Le coût annuel des marchandises fabriquées et le coût annuel des marchandises vendues de la branche de production nationale (exprimés en dollars le kilo) ont diminué à chacune des années de la période visée par l’enquête[101], tout comme leurs coûts liés à la semoule de blé[102]. De plus, au cours de l’audience, aucun des producteurs nationaux n’a affirmé que les conditions négociées avec les détaillants avaient changé durant la période visée par l’enquête. Sur papier, ils étaient encore en mesure de rajuster leurs prix de vente en réponse aux fluctuations marquées des prix du blé dur[103].
  3. Dans les faits, toutefois, certains producteurs nationaux affirment qu’en raison de la présence des marchandises en question dans le marché, ils ne pouvaient augmenter leurs prix en réponse aux fluctuations de prix du blé dur et de la semoule de blé dur, au début de 2017. Italpasta a mentionné un cas survenu après une hausse du coût de la semoule de blé, au début de 2017, où un client a refusé la hausse de coût demandée en raison d’une autre offre concurrentielle dans le marché[104]. Primo a souligné également que « quand les coûts du blé dur étaient en hausse, la présence de pâtes alimentaires turques nous a empêchés d’augmenter nos prix pour compenser »[105] [traduction].
  4. Selon ce qui précède, le Tribunal, bien qu’il convienne que certains producteurs nationaux ont pu être confrontés à des cas de compression des prix au début de 2017, conclut que la branche de production nationale, dans son ensemble, n’a pas connu de compression marquée des prix au cours de la période visée par l’enquête.

Incidence sur la branche de production nationale

  1. Aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation[106]. Cette incidence doit être distinguée de l’incidence des autres facteurs sur la branche de production nationale[107]. Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et le dommage, le retard ou la menace de dommage en fonction du volume, des effets sur les prix des marchandises sous-évaluées et subventionnées et de l’incidence sur la branche de production nationale. Comme il est mentionné précédemment, le Tribunal mettra l’accent sur les indicateurs de rendement des producteurs nationaux qui approvisionnent le segment de détail, étant donné le poids énorme de ce segment de marché dans la production nationale.

Production, ventes de la production nationale et part de marché

  1. La production nationale et les ventes totales de la production nationale ont quelque peu diminué à chacune des années de la période visée par l’enquête[108], alors que le marché apparent total a connu une croissance de 2 p. 100 au cours de la période visée par l’enquête[109]. Cette tendance à la baisse des volumes de production et de vente a coïncidé avec une hausse des volumes des importations des marchandises en question offertes à faible prix.
  2. Au regard des parts de marché, les marchandises en question ont gagné cinq points de pourcentage au cours de la période visée par l’enquête. À l’opposé, au cours de la même période, les parts de marché des producteurs nationaux et des importations provenant des pays non visés ont reculé par un montant similaire[110].
  3. Les producteurs nationaux ont réagi de différentes manières à la présence grandissante des marchandises en question offertes à faible prix au cours de la période visée par l’enquête. Certains ont préféré faire concurrence aux faibles prix des marchandises en question, ou les égaler, afin de maintenir les volumes, alors que d’autres ont tenté de garder les prix intacts aux dépens de leurs ventes et de leur part de marché[111]. Toutefois, en définitive, même les producteurs qui ont eu pour stratégie d’égaler les prix ont perdu des ventes et ont vu leur part de marché diminuer, en raison de la concurrence de plus en plus présente et de plus en plus vive dans le marché après l’arrivée des marchandises de Durum Gida.
  4. Une partie de la baisse de la production, des ventes et des parts de marché de la branche de production nationale observée à la fin de 2015 et en 2016 est directement attribuable au fait que le compte des pâtes alimentaires de la marque maison Sans nom de Loblaws a été perdu au profit de Durum Gida[112].
  5. Les parties adverses soutiennent que la perte de ce compte a nui à un seul producteur, et que tout dommage ne peut donc être considéré comme étant sensible pour la branche de production nationale dans son ensemble. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Ce compte en particulier, ainsi que la hausse subséquente du volume des pâtes alimentaires turques sous-évaluées et subventionnées, a enclenché une cascade d’événements qui ont touché tous les producteurs nationaux, quoique de manières différentes. En bref, les reculs de la production, des ventes et des parts de marché se sont fait sentir dans toute la branche de production nationale.
  6. Les marchandises en question offertes à faible prix ont accéléré la croissance du segment de marché des produits de marque maison, une tendance qui s’installait graduellement depuis plusieurs décennies dans le marché canadien et qui s’est traduite par une perte de part de marché pour les producteurs nationaux de produits de marque nationale[113]. Ces effets ont également été ressentis sous la forme d’une réduction de l’espace réservé aux produits de marque nationale sur les tablettes et par une concurrence accrue entre les producteurs nationaux au regard d’autres perspectives commerciales liées aux produits de marque maison[114].
  7. Les parties adverses font également valoir que le prix n’est pas le seul facteur qui a joué dans la décision de Loblaws d’abandonner un producteur national au profit d’un producteur turc : la qualité inférieure des produits, sur le plan de la couleur, est également à blâmer[115]. En réponse, l’ACFPA affirme que Loblaws n’a jamais soulevé ce problème avant de fermer le compte, et elle ajoute que chacun de ses trois membres a confirmé que si on lui en avait donné l’occasion, il aurait pu respecter toute exigence que Loblaws aurait pu avoir sur le plan de la qualité[116]. En particulier, Primo a fait des tests (dont les résultats sont confidentiels) pour comparer ses pâtes alimentaires à celles de Durum Gida, et selon elle, il n’y a nul doute qu’elle puisse égaler ou dépasser la qualité des pâtes alimentaires turques[117].
  8. Le Tribunal n’adhère pas à l’idée voulant que les pâtes alimentaires séchées à base de blé du Canada présentent des problèmes de qualité. Le Tribunal est d’avis que les prix moindres offerts par Durum Gida ont été un facteur important dans la décision de Loblaws de changer de fournisseur[118]. Les éléments de preuve étayant la décoloration alléguée n’étaient pas cohérents, Loblaws ayant affirmé que les pâtes alimentaires en cause étaient d’une certaine couleur, alors que Durum Gida mentionnait une autre couleur[119]. Loblaws n’a fourni aucun élément de preuve documentaire démontrant qu’elle ait déjà soulevé des préoccupations concernant la qualité ou la couleur des produits d’Italpasta avant de mettre fin à la longue relation qui unissait les deux entreprises[120]. De plus, ce n’est pas clair si Loblaws a contacté d’autres producteurs canadiens à l’époque pour savoir si ceux-ci seraient en mesure de répondre à ses exigences[121]. La preuve donne à penser que la qualité est étroitement liée au mélange de semoule de blé, et que les pâtes alimentaires faites de farine composée exclusivement de blé dur de grade 1 répondent aux exigences de qualité normales[122]. Tous les producteurs nationaux utilisent de l’équipement moderne de fabrication de pâtes alimentaires et ont accès au blé dur de grade 1 sur le marché mondial pour produire leur semoule de blé.
  9. De plus, outre Loblaws, aucun autre détaillant n’a exprimé de préoccupations concernant la qualité des pâtes alimentaires séchées à base de blé produites au pays[123].
  10. Étant donné l’absence d’éléments de preuve concomitants étayant l’allégation de qualité inférieure, et étant donné qu’il n’y pas eu de contrôle diligent de l’état de la branche de production nationale avant que soit prise la décision de changer de fournisseur, le Tribunal conclut que ce facteur n’est pas bien fondé.
  11. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont eu une incidence négative importante sur la production, les ventes et la part de marché de la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête.

Rentabilité

  1. Le rendement financier de la branche de production nationale a souffert au cours de la période visée par l’enquête[124]. En particulier, les ventes nettes et les marges bénéficiaires brutes se sont détériorées, particulièrement entre 2016 et 2017, à la faveur d’une sous-cotation importante des prix causée par les marchandises en question et également des effets à la baisse sur les prix entraînés par les marchandises en question[125].
  2. Les parties adverses font valoir que la baisse de rendement des producteurs nationaux a été attribuable à la hausse des coûts du blé dur en 2017, mais les éléments de preuve donnent à penser que la baisse des prix est le facteur qui a le plus pesé dans la balance. Bien que le Tribunal admette que les coûts fluctuent en cours d’année, il reste que le coût des marchandises vendues et le coût des marchandises fabriquées de la branche de production nationale dans son ensemble ont diminué à chacune des années de la période visée par l’enquête. Notamment, de 2016 à 2017, la baisse des marges bénéficiaires brutes a été plus marquée que le recul du coût des marchandises fabriquées[126].
  3. En outre, dans la mesure où les fluctuations des coûts du blé dur ont affecté les prix des pâtes alimentaires séchées à base de blé, le Tribunal conclut que l’effet sur la rentabilité en soi n’aurait pas nécessairement dû être aussi marqué dans les faits. Pour un certain nombre de producteurs nationaux et de détaillants, l’établissement des coûts se faisait « à livre ouvert » au cours de la période visée par l’enquête; ainsi, ils conservaient la capacité de négocier les prix dans l’éventualité de fluctuations importantes des coûts des intrants, dans l’esprit d’assurer la stabilité des marges bénéficiaires et de veiller à ce que les arrangements commerciaux demeurent avantageux pour les deux parties.
  4. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont eu une incidence négative importante sur la rentabilité de la branche de production nationale, en particulier en 2017.

Utilisation de la capacité

  1. Au cours de la période visée par l’enquête, le taux d’utilisation de la capacité global de la branche de production nationale a nettement diminué[127]. Cette baisse a été observée pour tous les types de ventes. Le recul le plus marqué a pris la forme d’une diminution de 6 points de pourcentage des ventes intérieures des produits de marque nationale, suivi d’une baisse de 2 points de pourcentage des ventes intérieures de produits de marque maison et des ventes à l’exportation[128].
  2. Les parties adverses font valoir que l’utilisation de la capacité d’un seul producteur national pourrait avoir été affectée par les marchandises en question. Toutefois, le Tribunal est d’avis que cet argument ne tient pas compte du fait que les ventes des marchandises en question ont augmenté chaque année et qu’elles ont conquis une part de marché importante aux dépens des produits de pâtes alimentaires, à la fois dans le segment des marques maison et dans celui des marques nationales.
  3. Par conséquent, bien qu’une partie de la diminution de l’utilisation de la capacité soit attribuable à des facteurs autres, comme la demande à l’exportation, le Tribunal conclut qu’une part importante de la baisse est directement attribuable à la croissance des marchandises en question, et que ce recul a eu une incidence négative sur la branche de production nationale, sous la forme d’une hausse des coûts de production et d’une baisse de la rentabilité par kilogramme[129].

Investissement

  1. Les investissements ont été importants et stables en 2015 et en 2016, avant de chuter brusquement en 2017. On s’attend à une hausse marquée en 2018 et en 2019, mais les projections dépendent de l’issue de l’espèce[130].
  2. Au cours de l’audience, le Tribunal a entendu des témoignages crédibles voulant que les producteurs nationaux aient réduit certains investissements d’envergure en réponse à la concurrence exercée par les marchandises en question offertes à faible prix[131]. Comme il en est question précédemment, l’écart de prix grandissant entre les pâtes alimentaires de marque nationale et les pâtes alimentaires de marque maison[132] a forcé les producteurs nationaux à faire un choix difficile entre la stratégie de suivre les prix des produits de marque maison et celle de maintenir les prix et ainsi perdre des ventes. Dans un cas comme dans l’autre, leur rentabilité continuera de s’éroder, et leurs investissements souffriront.

Stocks

  1. Au total, le volume et la valeur des stocks ont diminué au cours de la période visée par l’enquête, tout en demeurant élevés[133]. Comme nous le verrons ci-après, pour limiter leurs stocks à ces mêmes niveaux (c’est-à-dire pour éviter qu’il y ait accumulation à la suite d’une diminution des ventes), les producteurs nationaux ont dû prendre des mesures sans précédent, comme mettre des travailleurs à pied et d’autres mesures[134]. Ces mesures ont exacerbé les pertes de revenus des producteurs concernés en augmentant leurs coûts de production et ont eu des conséquences négatives pour les employés.

Emplois, salaires et productivité

  1. Au cours de la période visée par l’enquête, le nombre total d’emplois directs de la branche de production nationale s’est accru de 1 p. 100 chaque année, alors que le nombre total d’emplois indirects a diminué de 1 p. 100 en 2016 et de 7 p. 100 en 2017[135]. Les salaires totaux ont augmenté de 9 p. 100 en 2016 et ils ont diminué de 5 p. 100 en 2017, de sorte qu’une hausse de 4 p. 100 a été enregistrée au cours de la période visée par l’enquête[136].
  2. Bien que la baisse globale du nombre total d’heures travaillées n’ait été que de 1 p. 100, le nombre d’heures travaillées par travailleur direct s’est accru de 1 p. 100 en 2016, puis a chuté de 6 p. 100 en 2017. La productivité exprimée en kilogrammes par travailleur direct a décliné de 3 p. 100 chaque année. Exprimée en kilogramme par heure de travail direct, la productivité a diminué de 2 p. 100 en 2016 pour ensuite augmenter de 5 p. 100 en 2017[137].
  3. L’ACFPA fait valoir qu’en dépit de ce portrait global faisant ressortir une situation plutôt stable pour la branche de production nationale, les producteurs pris individuellement ont dû prendre des mesures sans précédent de réduction des effectifs[138]. Les parties adverses soutiennent que tout effet négatif ressenti a été le fait d’un seul producteur, et que cet effet n’est donc pas sensible.
  4. Pour les mêmes motifs que ceux relatifs à l’utilisation de la capacité, le Tribunal reconnaît que les mises à pied et autres mesures ont été causées en grande partie par les marchandises en question. Bien que ces mesures étaient temporaires et de portée limitée dans bien des cas, le Tribunal conclut que n’eût été ces mesures, la branche de production nationale aurait connu une baisse de rentabilité encore plus grande au cours de la période visée par l’enquête.
  5. Par conséquent, le Tribunal conclut que la hausse des importations des marchandises en question à faible prix a eu une incidence négative sur les niveaux d’emploi et sur la productivité.

Liquidités, rendement du capital investi, croissance et capacité de financement

  1. Des éléments de preuve montrent que les marchandises en question, du fait de leur répercussion sur la rentabilité de la branche de production nationale en 2017, ont également eu une incidence négative sur la croissance, la capacité d’investir et le rendement sur capital investi de la branche de production nationale[139].

Importance de la marge de dumping et de subventionnement

  1. Comme il est mentionné précédemment, le sous-alinéa 37.1(1)c)(ii.1) du Règlement prévoit que l’importance de la marge de dumping des marchandises en question ou le montant de subvention octroyé pour celles-ci sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si ces marchandises ont causé un dommage.
  2. Les parties adverses soutiennent que si les effets des marges de dumping et du montant de subvention avaient été éliminés (c’est-à-dire si le Tribunal augmentait les prix de Durum Gida d’un montant équivalent à la marge de dumping et au montant de subvention), Durum Gida aurait tout de même obtenu le compte des produits de marque maison de Loblaws, et la baisse de prix aurait tout de même eu lieu en conséquence. En d’autres termes, les parties adverses font valoir que la faible marge de dumping et le faible montant de subvention de Durum Gida remet en question tout lien causal entre le dumping et le subventionnement, d’une part, et le dommage causé à la branche de production nationale, d’autre part.
  3. La branche de production nationale, faisant référence à certains rapports de l’OMC, répond qu’il n’y a pas lieu d’évaluer l’importance de la marge de dumping ou du montant de subvention d’une manière particulière ou d’accorder un poids particulier à ce facteur. Tout ce qu’il y a lieu d’évaluer est l’importance des chiffres sur le fond, en plus de l’ensemble des autres indicateurs de dommage. La branche de production nationale fait également valoir qu’une marge de dumping ou un montant de subvention de faible importance peut tout de même être dommageable, et que, par extension, c’est aussi le cas d’une marge de dumping ou d’un montant de subvention relativement faible. La branche de production nationale souligne que la principale question à trancher par le Tribunal est celle de savoir si les marchandises sous-évaluées et subventionnées causent un dommage.
  4. Comme il est mentionné précédemment, l’ASFC établit à 7,0 p. 100 et à 1,4 p. 100, respectivement, la marge de dumping et le montant de subvention définitifs dans le cas de Durum Gida[140]. La marge de dumping et le montant de subvention liés à « tous les autres » producteurs turcs (c’est-à-dire ceux pour lesquels il n’y a pas de valeurs normales spécifiques) sont de 99,9 p. 100 et de 4,2 p. 100, respectivement[141].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit conclure que l’importance de la marge de dumping ou du montant de subvention des marchandises en question est importante, et que ces facteurs ont vraisemblablement contribué au succès des marchandises en question dans le marché.
  6. Les rapports de l’OMC mentionnent clairement que l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (Accord antidumping) et l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires n’envisagent pas, ni n’exigent, que soit réalisé un examen des effets des importations faisant l’objet de dumping et des importations subventionnées, en plus d’un examen des effets du dumping ou du subventionnement en tant qu’effets distincts des importations subventionnées[142]. Ainsi, l’analyse de dommage du Tribunal met l’accent sur l’effet des importations sous-évaluées et subventionnées plutôt que sur les effets du dumping et du subventionnement en eux-mêmes. C’est ce que le Tribunal a fait ci-dessus en examinant les volumes et les effets sur les prix des marchandises en question, et l’incidence qui en découle.
  7. En outre, l’importance des marges ne peut être examinée sans tenir compte des faits et du contexte propres au marché en question. Dans certains contextes, la présence de faibles marges bénéficiaires jouera en défaveur de conclusions de dommage, par exemple dans les cas où les marchandises en question sont des produits de qualité supérieure vendus à un prix nettement plus élevé que ce qui est autrement observé dans le marché. Cela dit, la preuve montre qu’au cours de la période visée par l’enquête, la majorité des importations des marchandises en question était constituée de pâtes alimentaires de marque maison vendues en paquets de cellophane de 900 g, lesquelles ont mené à une sous-cotation des prix des marchandises similaires de marque maison et de marque nationale, ce qui, comme il est mentionné précédemment, a causé un dommage à la branche de production nationale[143].

Sommaire

  1. Ayant examiné dans l’analyse qui précède les effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la situation de la branche de production nationale, et ayant fait la distinction entre ces effets et ceux d’autres facteurs connus qui ont également eu une incidence sur la branche de production nationale, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont en elles-mêmes, par leurs volumes importants et croissants et en raison de la sous-cotation importante qu’elles ont entraînée, causé un dommage à la branche de production nationale, sous la forme d’une baisse des prix, d’une diminution des ventes et des parts de marché, d’une baisse des volumes de production, de la rentabilité et de l’emploi, ainsi que d’un recul de l’utilisation de la capacité et des investissements.

Caractère sensible

  1. Le Tribunal doit maintenant déterminer si les effets des importations des marchandises en question décrits ci-dessus revêtent un caractère « sensible », tel que le prévoit la définition de « dommage » à l’article 2 de la LMSI. La LMSI ne définit pas le terme « sensible ». Cependant, tant l’ampleur du dommage au cours de la période visée que le moment et la période pendant laquelle le dommage a été subi sont des facteurs pertinents à prendre en compte pour établir si un dommage causé par les marchandises en question est « sensible »[144].
  2. Le Tribunal rappelle qu’à la phase préliminaire de l’enquête de dommage, il a conclu que les éléments de preuve n’indiquaient pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage sensible à la branche de production nationale, mais qu’ils indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menaçaient de causer un dommage sensible[145]. Le Tribunal rappelle également avoir fait observer que l’enquête définitive de dommage ne se limitera pas à déterminer s’il existe une menace de dommage[146].
  3. L’enquête préliminaire de dommage et l’enquête définitive de dommage sont deux processus distincts. Le critère de l’« indication raisonnable » est celui qui s’applique à la phase préliminaire. Ce critère est moins rigoureux que le critère qui s’applique dans une enquête définitive de dommage menée en vertu de l’article 42 de la LMSI[147]. Règle générale, les éléments de preuve recueillis à la phase préliminaire de la procédure sont beaucoup moins détaillés et exhaustifs que dans une enquête définitive de dommage, étant donné que tous les éléments de preuve ne sont pas disponibles à la phase préliminaire et que, d’habitude, aucune audience n’est alors tenue pour examiner pleinement ce qui est disponible.
  4. À la phase préliminaire de l’enquête de dommage, les données de la plainte comportaient des lacunes, de sorte que le Tribunal avait conclu qu’il n’y avait pas d’indication raisonnable de dommage. Ces lacunes ont été corrigées dans le cadre du processus d’enquête du Tribunal, et les éléments de preuve ont été soumis à l’audience du Tribunal. Le portrait est différent maintenant que le Tribunal dispose de renseignements plus exhaustifs et à jour[148].
  5. En l’espèce, le dommage causé à la branche de production nationale s’est manifesté à la fin de 2016 et en 2017 principalement, quand un volume important et croissant de marchandises en question à faible prix affluait dans le marché canadien. Bien que ce cadre temporel ne constitue qu’une portion de la période visée par l’enquête, le Tribunal conclut, comme il l’a fait dans des décisions antérieures[149], que cela n’enlève rien au caractère sensible du dommage subi par la branche de production nationale, lequel a pris la forme d’une baisse des prix, d’une diminution des ventes et des parts de marché, d’une baisse des volumes de production, de la rentabilité et de l’emploi, ainsi que d’un recul de l’utilisation de la capacité et des investissements. De fait, les producteurs nationaux soutiennent que la situation actuelle du marché est insoutenable au point de les obliger à revoir leurs plans d’affaires et leurs stratégies commerciales[150].
  6. Le moment auquel le dommage a eu lieu est aussi significatif étant donné le chevauchement avec les périodes d’enquête de dumping et de subventionnement de l’ASFC : le dommage est à son plus fort lorsqu’il a été conclu que de grands volumes d’importation des marchandises en question étaient sous-évaluées et subventionnées. Qui plus est, tous les éléments de preuve au dossier qui ont été examinés étayent la conclusion voulant que les marchandises en question aient été le catalyseur de la guerre de prix dans le segment de détail (laquelle a, en définitive, mené à un dommage sensible pour la branche de production nationale) — la preuve ne fait état d’aucune autre perturbation du segment de détail, par exemple l’arrivée d’un nouveau joueur qui aurait pu déclencher la guerre de prix.
  7. L’importance du dommage n’était pas uniforme, et son appréciation doit se faire en tenant compte du fait que la branche de production nationale est composée de quatre producteurs dont les modèles d’affaires diffèrent. Ainsi, si certains producteurs nationaux ont subi une baisse importante de leurs recettes et de leur revenu net en raison de la baisse des prix, d’autres ont plutôt dû composer avec un recul du volume de leurs ventes et de leur part de marché ou ont dû faire des coupes importantes sous d’autres aspects pour préserver leur rendement financier[151]. En examinant tous les facteurs de dommage dans ce contexte, et compte tenu du poids important du segment de détail dans le marché des pâtes alimentaires séchées à base de blé, le Tribunal ne peut faire autrement que de conclure que la branche de production nationale a, dans son ensemble, subi un dommage sensible causé par les marchandises en question.

CONCLUSION

  1. Aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, le Tribunal conclut que le dumping et le subventionnement de pâtes alimentaires séchées à base de blé originaires ou exportés de la Turquie ont causé un dommage à la branche de production nationale.

 

 

[1].     Transcription de l’audience à huis clos à la p. 74.

[2].     L’enquête est menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[3].     Le dommage et la menace de dommage sont des conclusions distinctes; le Tribunal n’est pas tenu de rendre de conclusions à propos de la menace de dommage aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI à moins qu’il n’ait préalablement conclu qu’il n’y a pas de dommage.

[4].     Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « retard » comme « [l]e retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale ».

[5].     Si le Tribunal détermine que la présente enquête vise plus d’une catégorie de marchandise, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[6].     Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48.

[7].     Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 115; Panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) à la p. 10.

[8].     Pièce NQ-2017-005-06A, vol. 1.1A à la p. 11.

[9].     Certains éléments d’acier de fabrication industrielle (25 mai 2017), NQ-2016-004 (TCCE) [EAFI] au par. 36.

[10].   EAFI aux par. 39-40.

[11].   Pièce NQ-2017-005-11.08, vol. 3B aux p. 89-90.

[12].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 15, annexes 2, 4, 5, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-15.09A, vol. 6A à la p. 145; pièce NQ-2017-005-15.09C, vol. 6A. Le Tribunal prend aussi note du fait qu’aucune partie n’a présenté d’observations ou déposé d’éléments de preuve selon lesquels les importations des marchandises en question comprenaient également des ensembles pour pâtes alimentaires.

[13].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 19, 42, 86, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-12.08B (protégée), vol. 4B à la p. 34; pièce NQ-2017-005-15.15, vol. 6C à la p. 104; pièce NQ-2017-005-15.06, vol. 6 à la p. 131.

[14].   Articles 56-67 de la LMSI et articles 57.11 à 57.21 du Règlement.

[15].   Par exemple, Chaussures en cuir (27 décembre 2001), NQ-2001-003 (TCCE) à la p. 21.

[16].   Article 72 de la LMSI.

[17].   L’expression « proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité : Japan Electrical Manufacturers Association c. Canada (Tribunal antidumping), [1982] 2 C.F. 816 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.); Chine – Droits antidumping et compensateurs visant certaines automobiles en provenance des États-Unis (23 mai 2014), OMC Doc. WT/DS440/R, rapport du groupe spécial au par. 7.207; Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (15 juillet 2011), OMC Doc. WT/DS397/AB/R, rapport de l’Organe d’appel aux par. 411, 419, 430; Argentine – Droits antidumping définitifs visant la viande de volaille en provenance du Brésil (22 avril 2003), OMC Doc. WT/DS241/R, rapport du groupe spécial aux par. 7.341-7.344.

[18].   Par exemple, McCulloch of Canada Ltd. c. Le Tribunal antidumping (1977), [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.) à la p. 225.

[19].   Essar Steel Algoma Inc. c. Jindal Steel and Power Limited, 2017 CAF 166 (CanLII) [Essar Steel].

[20].   Voir Essar Steel aux par. 26-27. Voir également l’article 3.1 de l’Accord antidumping et l’article 15.1 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires.

[21].   Voir Tôles d’acier en carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (6 janvier 2016), NQ‐2015‐001 (TCCE) aux par. 50, 54 et 70.

[22].   États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon (24 juillet 2001), OMC Doc. WT/DS184/AB/R, rapport de l’Organe d’appel au par. 204.

[23].   Pièce NQ-2017-005-11.08, vol. 3B aux p. 89-90; pièce NQ-2017-005-12.08 (protégée), vol. 4B à la p. 21; pièce NQ-2017-005-12.08B (protégée), vol. 4B à la p. 34.

[24].   Blocs-ressorts pour matelas (24 novembre 2009), NQ-2009-002 (TCCE) aux par. 57-58.

[25].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 86, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-12.08B (protégée), vol. 4B à la p. 34.

[26].   Voir, par exemple, Fils machine de cuivre (28 mars 2007), NQ-2006-003 (TCCE) au par. 48; Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz (10 mars 2008), NQ-2007-001 (TCCE) au par. 76; Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 147.

[27].    DORS/84-927 [Règlement].

[28].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 15, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-05 (protégée), vol. 2 aux p. 66‐67.

[29].   Pièce NQ-2017-005-06A, vol. 1.1A à la p. 17.

[30].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 22, 28 et 34, vol. 2.1A.

[31].   Transcription de l’audience à huis clos à la p. 3; Transcription de l’audience publique à la p. 68; pièce NQ‐2017‐005-A-03 au par. 27, vol. 11.

[32].   Pièce NQ-2017-005-A-17, vol. 11A aux par. 2-5; pièce NQ-2017-005-A-15, vol. 11A aux par. 2-4.

[33].   Transcription de l’audience publique à la p. 182, 184 et 242.

[34].   Transcription de l’audience à huis clos à la p. 274.    

[35].   Transcription de l’audience publique à la p. 245.

[36].   Transcription de l’audience publique à la p. 202; pièce NQ-2017-005-06A, tableau 13, vol. 1.1A.

[37].   Transcription de l’audience publique aux p. 187 et 236; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 252.

[38].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 22, 28 et 34, vol. 2.1A.

[39].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 88, vol. 2.1A; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 135.

[40].   Par exemple, pièce NQ-2017-005-RI-09A (protégée) à la p. 03, vol. 10.

[41].   Transcription de l’audience publique aux p. 36, 74, 245; Transcription de l’audience à huis clos aux p. 60 et 63.

[42].   Transcription de l’audience publique à la p. 74; pièce NQ-2017-005-12.04 (protégée), vol. 4A à la p. 110; pièce NQ-2017-005-12.02 (protégée), vol. 4 à la p. 81; pièce NQ-2017-005-12.03 (protégée), vol. 4A à la p. 9; pièce NQ-2017-005-12.06 (protégée), vol. 4A à la p. 200.

[43].   Transcription de l’audience publique à la p. 242.

[44].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 319-320.         

[45].   Transcription de l’audience publique aux p. 73-74, 99 et 101.

[46].   Pièce NQ-2017-005-A-03 au par. 43, vol. 11; Transcription de l’audience à huis clos aux p. 150 et 325-326.

[47].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 22, 28 et 34, vol. 2.1A.

[48].   Ibid.

[49].   Pièce NQ-2017-005-A-05 (protégée) au par. 57, vol. 12; Transcription de l’audience publique à la p. 73; Transcription de l’audience à huis clos aux p. 155-156.

[50].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 19, 94, annexe 47, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-15.09B (protégée), vol. 6A à la p. 162; Transcription de l’audience publique aux p. 123-124.

[51].   Pièce NQ-2017-005-06A, tableau 16, vol. 1.1A.

[52].   Ibid., tableau 18.    

[53].   Ibid., tableau 16; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 15, vol. 2.1A. Précédemment dans les présents motifs, le Tribunal a abordé les préoccupations soulevées par les parties adverses concernant le volume des importations en provenance de pays non visés. Comme il y est mentionné, même si le volume réel des importations provenant de pays non visés a pu être légèrement sous-estimé dans le rapport d’enquête, le Tribunal est convaincu que les données du rapport offrent un portrait raisonnable et proportionnel du marché canadien au regard des volumes et des parts de marché exprimés en termes relatifs.

[54].   Transcription de l’audience à huis clos à la p. 153; ibid. à la p. 126; pièce NQ-2017-005-06A, tableau 6, vol. 1.1A.

[55].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 62, vol. 2.1A.

[56].   Ibid., tableaux 15, 62 et annexe 2.

[57].   Transcription de l’audience publique à la p. 252.

[58].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 62, vol. 2.1A.

[59].   Les produits de référence no 2, 3 4 et 5 englobent très peu de pâtes alimentaires à prix élevé comme celles à base de blé entier ou de légumes ou les pâtes alimentaires de formes particulières. Pièce NQ-2017-005-RI-09A (protégée) à la p. 2, vol. 10; pièce NQ-2017-005-RI-10A (protégée) à la p. 2, vol. 10; pièce NQ-2017-005-RI-11C (protégée) à la p. 3, vol. 10.

[60].   Transcription de l’audience publique aux p. 187, 236 et 250-251.

[61].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 22, 29 et 34, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-18.01 (protégée), vol. 6.1 à la p. 6; pièce NQ-2017-005-18.02 (protégée), vol. 6.1 à la p. 37.

[62].   Le Tribunal souligne que ces valeurs unitaires tiennent compte d’un infime volume d’ensembles de pâtes alimentaires produites par un autre producteur national, mais que l’effet sur les prix unitaires est négligeable.

[63].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 19, 42, vol. 2.1A.

[64].   Ibid., tableaux 22, 28, 44, 48. Comme il est mentionné précédemment, il n’y a eu aucune vente des marchandises en question dans le segment industriel.

[65].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 73-79, vol. 2.1A.

[66].   Ibid., tableaux 64, 66.

[67].   Ibid.

[68].   Ibid., tableaux 64 et 69.

[69].   Transcription de l’audience publique à la p. 74; pièce NQ-2017-005-12.04 (protégée), vol. 4A à la p. 110; pièce NQ-2017-005-12.02 (protégée), vol. 4 à la p. 81; pièce NQ-2017-005-12.03 (protégée), vol. 4A à la p. 9; pièce NQ-2017-005-12.06 (protégée), vol. 4A à la p. 200.

[70].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 56, 57, et 64, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-12.04 (protégée), vol. 4A à la p. 110; pièce NQ-2017-005-12.02 (protégée), vol. 4 à la p. 81; pièce NQ-2017-005-12.03 (protégée), vol. 4A à la p. 9; pièce NQ-2017-005-12.06 (protégée), vol. 4A à la p. 200.

[71].   Pièce NQ-2017-005-06A, tableau 43, vol. 1.1A; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 19, 42, vol. 2.1A.

[72].   Pièce NQ-2017-005-06A, tableaux 22, 44, 45, vol. 1.1A.

[73].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 28, 48, vol. 2.1A.

[74].   Ibid., tableaux 56-61.

[75].   Ibid., tableau 56.

[76].   Ibid., tableau 57.

[77].   Ibid., tableau 60.

[78].   Transcription de l’audience publique à la p. 74; pièce NQ-2017-005-12.04 (protégée), vol. 4A à la p. 110; pièce NQ-2017-005-12.02 (protégée), vol. 4 à la p. 81; pièce NQ-2017-005-12.03 (protégée), vol. 4A à la p. 9; pièce NQ-2017-005-12.06 (protégée), vol. 4A à la p. 200.

[79].   Transcription de l’audience à huis clos à la p. 330.

[80].   Transcription de l’audience publique aux p. 47, 70-71, 187, 206, 236-237, 250-251.

[81].   Ibid. à la p. 70.

[82].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 6-11, 51, 62, 98, 130, 141-142.

[83].   Voir, par exemple, Transcription de l’audience à huis clos à la p. 8; pièce NQ-2017-005-36 (protégée), vol. 2 à la p. 79.

[84].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 279-80, 295-297, 355-357, 380.

[85].   Transcription de l’audience publique à la p. 47.

[86].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 15, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-A-04 (protégée) aux par. 36-37.

[87].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 279-280. Comme il est mentionné précédemment, ces diminutions de prix sont manifestes dans les données pertinentes sur les produits de référence.

[88].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 44, 57, vol. 2.1A.

[89].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 11-12, 44, 60, 90, 141; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 56, 57, vol. 2.1A.

[90].   Pièce NQ-2017-005-A-02 aux par. 84-86, vol. 11.

[91].   Transcription de l’audience à huis clos à la p. 156.

[92].   Pièce NQ-2017-005-11.02, vol. 3A à la p. 3.

[93].   Pièce NQ-2017-005-A-18 (protégée), annexe 1, aux p. 10-48, vol. 12A; Transcription de l’audience publique à la p. 65. 

[94].   Pièce NQ-2017-005-37 (protégée), vol. 2 à la p. 82.  

[95].   Pièce NQ-2017-005-A-10 (protégée) aux par. 13-14, vol. 12.

[96].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 91, 340.

[97].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 85, 96, vol. 2.1A; Transcription de l’audience publique à la p. 29.

[98].   Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 56, 57, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-A-06 (protégée) à la p. 36, vol. 12. Selon d’autres observations entendues par le Tribunal, il peut s’écouler de 12 à 16 semaines avant que les hausses de prix entrent en vigueur (Transcription de l’audience à huis clos à la p. 86). L’analyse ci-dessus tient toujours si les prix des marchandises similaires sont décalés d’un trimestre pour tenir compte de cette particularité : les prix du produit de référence no 1 ont augmenté de 1 p. 100, et ceux du produit de référence no 2 ont diminué de 4 p. 100.

[99].   Transcription de l’audience à huis clos aux p. 329-330.

[100]. Sous-alinéa 37.1(1)b)(iii) du Règlement. Voir, par exemple, Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud et certaines tôles d’acier allié résistant à faible teneur (17 mai 1994), NQ-93-004 (TCCE) aux p. 20 et 21; Panneaux isolants en polyiso (6 mai 2010), NQ-2009-005 (TCCE) au par. 71. Une conclusion selon laquelle les marchandises sous-évaluées ont empêché les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour les marchandises similaires doit s’appuyer, notamment, sur un examen objectif d’éléments de preuve positifs portant ce qu’auraient été les prix des marchandises similaires, n’eût été le dumping. Russie – Droits antidumping sur les véhicules utilitaires légers en provenant d’Allemagne et d’Italie (27 janvier 2017), OMC Doc. WT-DS479/R, rapport du Groupe spécial aux par. 7.57 à 7.61; Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis (18 octobre 2012), OMC Doc. WT/DS414/AB/R, rapport de l’Organe d’appel aux par. 130, 141 et 152.

[101]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 82, vol. 2.1A.

[102]. Ibid., tableau 85.

[103]. Transcription de l’audience publique aux p. 27-28, 60-61; Transcription de l’audience à huis clos aux p. 36-37, 86-87, 317; voir aussi pièce NQ-2017-005-A-04 (protégée) au par. 59, vol. 12.

[104]. Ibid. à la p. 19.

[105]. Pièce NQ-2017-005-A-17 au par. 6, vol. 11A.

[106]. Les facteurs et les indices économiques comprennent (i) tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l’utilisation de la capacité de la branche de production, (ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement, (ii.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci (iii) dans le cas des produits agricoles qui sont subventionnés, y compris tout produit qui est un produit ou une marchandise agricole aux termes d’une loi fédérale ou provinciale, toute augmentation du fardeau subi par un programme de soutien gouvernemental.

[107]. Aux termes de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit examiner si des facteurs autres que le dumping ou le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Les facteurs prescrits à cet égard sont (i) le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées ou subventionnées, (ii) la contraction de la demande pour les marchandises ou pour des marchandises similaires, (iii) tout changement des habitudes de consommation des marchandises ou des marchandises similaires, (iv) les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la concurrence qu’ils se livrent, (v) les progrès technologiques, (vi) le rendement à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale à l’égard de marchandises similaires, et (vii) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

[108]. Pièce NQ-2017-005-06A, tableaux 87 et 20, vol. 1.1A; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 86 et 19, vol. 2.1A.

[109]. Pièce NQ-2017-005-06A, tableau 20, vol. 1.1A; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 19, vol. 2.1A.

[110]. Ibid., tableau 21, annexes 47, 48.

[111]. Transcription de l’audience à huis clos aux p. 6-10, 336; Transcription de l’audience publique à la p. 209.

[112]. Pièce NQ-2017-005-E-01 au par. 7, vol. 13A.

[113].      Pièce NQ-2017-005-C-04 (protégée) aux p. 214, 219, vol. 14A; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 21, vol. 2.1A; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 312; Transcription de l’audience publique à la p. 215.

[114]. Ibid. at 74; Transcription de l’audience à huis clos à la p.128-129, 141; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 21, vol. 2.1A.

[115]. Pièce NQ-2017-005-C-06 (protégée) au par. 8, vol. 14A.

[116]. Pièce NQ-2017-005-A-15 au par. 6, vol. 11A; pièce NQ-2017-005-A-19 au par. 3, Vol.11 A.

[117]. Pièce NQ-2017-005-A-18 (protégée) aux par. 10-15, vol. 12A; pièce NQ-2017-005-A-17 aux par. 10-15, vol. 11A; Transcription de l’audience publique à la p. 66.

[118]. Transcription de l’audience à huis clos à la p. 241.

[119]. Ibid. aux p. 232-233 et 259.

[120]. Pièce NQ-2017-005-A-16 (protégée) à la p. 7, vol. 12A.

[121]Transcription de l’audience publique à la p. 170.       

[122]. Transcription de l’audience à huis clos à la p. 24; pièce NQ-2017-005-A-15 au par. 7, vol. 11A.

[123]. Transcription de l’audience publique aux p. 66, 241; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 357.

[124]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 82, vol. 2.1A.

[125]. Ibid.

[126]. Ibid.

[127]. Ibid., tableau 86.

[128]. Ibid.

[129]. Pièce NQ-2017-005-A-04 (protégée) au par. 84, vol. 12.

[130]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 86, 87, vol. 2.1A.

[131]. Transcription de l’audience à huis clos aux p. 319-320.

[132]. Transcription de l’audience publique à la p. 74.

[133]. Pièce NQ-2017-005-06A, tableaux 86, 87, vol. 1.1A.

[134]. Pièce NQ-2017-005-A-02 (protégée) aux par. 90-91, vol. 12; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 103.

[135]. Pièce NQ-2017-005-06A, tableaux 86, 87, vol. 1.1A; pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 87, vol. 2.1A.

[136]. Pièce NQ-2017-005-06A, tableaux 86, 87, vol. 1.1A.

[137]. Ibid.

[138]. Pièce NQ-2017-005-A-02 (protégée) aux par. 90-91, vol. 12.

[139]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableau 93, vol. 2.1A; pièce NQ-2017-005-12.04 (protégée), vol. 4A à la p. 112; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 186. Aucun des producteurs nationaux n’a mentionné d’incidence négative sur sa capacité à mobiliser des capitaux.

[140]. Pièce NQ-2017-005-04, vol. 1 aux p. 167-168.

[141]. Ibid.

[142]. Canada — Mesures antidumping visant les importations de certains tubes soudés en acier au carbone (Taïwan) (21 décembre 2016), OMC Doc. WT/DS482/R, rapport du Groupe spécial au par. 7.100; Japon — Droits compensateurs visant les mémoires RAM dynamiques (Corée) (28 novembre 2007), OMC Doc. WT/DS336/AB/R, rapport de l’Organe d’appel aux par. 264-270.

[143]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), tableaux 15, 62 et annexe 2, vol. 2.1A.

[144]. Le Tribunal a affirmé, dans Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud (27 octobre 1997), NQ-97-001 (TCCE), à la p. 15, que le concept de sensibilité pouvait comporter des dimensions temporelle et quantitative; « [c]ependant, le Tribunal est d’avis que, jusqu’à présent, la durée et la portée du dommage subi par la branche de production n’ont pas atteint un point tel qu’il puisse être qualifié de “dommage sensible” au sens de la LMSI » [nos italiques].

[145]. Pâtes alimentaires séchées à base de blé (26 février 2018), PI-2017-004 (TCCE) aux par. 59-60.

[146]. Ibid. aux par. 81-83.

[147]. Certains maïs-grain (10 octobre 2000), PI-2000-001 (TCCE) à la p. 7.

[148]. Par exemple, le Tribunal rappelle que les données sur la totalité de l’année 2017 ainsi que les données sur les ventes de Catelli auprès des détaillants et sur le rendement financier de Catelli n’étaient pas disponibles et n’étaient pas incluses au dossier de l’enquête préliminaire de dommage.

[149]. Voir notamment Barres d’armature pour béton (3 mai 2017), NQ-2016-003 (TCCE) au par. 185 et à la note de bas de page 182.

[150]. Transcription de l’audience à huis clos aux p. 69, 140, 324-325; pièce NQ-2017-005-A-03 au par. 83, vol. 11; pièce NQ-2017-005-A-04 (protégée) aux par. 23, 82, vol. 12; pièce NQ-2017-005-A-06 (protégée) au par. 59, vol. 12.

[151]. Pièce NQ-2017-005-07A (protégée), annexe 22, vol. 2.1A; ibid., annexe 28; Transcription de l’audience à huis clos à la p. 8.