Enquêtes de dommage antidumping

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Contenu de la décision

Enquête no NQ-2018-003

Tubes soudés en acier au carbone

Conclusions rendues
le vendredi 15 février 2019

Motifs rendus
le lundi 4 mars 2019

 



EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant des :

TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, afin de déterminer si le dumping de tubes soudés en acier au carbone, aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de ½ po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C200‑97 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, originaires ou exportés de la République islamique du Pakistan, de la République des Philippines, de la République de Turquie et de la République socialiste du Vietnam, a causé un dommage ou un retard, ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

À la suite de l’enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur et d’une décision définitive rendue le 16 janvier 2019 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, selon laquelle les marchandises susmentionnées en provenance de la République islamique du Pakistan, de la République des Philippines, de la République de Turquie (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Erbosan Erciyas Boru Sanayii ve Ticaret A.S.) et de la République socialiste du Vietnam, ont fait l’objet de dumping, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, que le dumping des marchandises susmentionnées, originaires ou exportées de la République islamique du Pakistan, de la République des Philippines, de la République de Turquie (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Erbosan Erciyas Boru Sanayii ve Ticaret A.S.) et de la République socialiste du Vietnam, a causé un dommage à la branche de production nationale.

Jean Bédard

Jean Bédard
Membre présidant

Ann Penner

Ann Penner
Membre

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :

les 14, 16, 18 et 19 janvier 2019

Membres du Tribunal :

Jean Bédard, membre présidant
Ann Penner, membre
Randolph W. Heggart, membre

Personnel de soutien :

Courtney Fitzpatrick, conseillère, juridique principal

 

Mark Howell, conseiller juridique

 

Andrew Wigmore, analyste principal

 

Thy Dao, analyste

 

Heidi Matuschka, analyste

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux/parties plaignantes

Conseillers/représentants

Nova Tube Inc./Nova Steel Inc.

Paul Conlin
R. Benjamin Mills
Shannel Rajan
Manon Carpentier
Shannon McSheffrey
Lydia Blois

Atlas Tube Canada ULC

Lawrence L. Herman

DFI Corporation

Dalton Albrecht
Krystal Hicks

Syndicat des Métallos

Craig Logie
Fiona Campbell
Christopher Somerville

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

International Industries Limited et
Canada Wire and Metal Inc.

Matthew Kronby
Jesse Goldman
Josh Scheinert
Jacob Mantle
Sam Levy

Borusan Mannesmann Boru

Victoria Bazan

Hoa Phat Steel Pipe Company Limited,
Hoa Phat Steel Pipe Company Limited – Hungyen Branch,
Binh Duong Hoa Phat Steel Pipe Company Limited et
Hoa Phat Long An Steel Pipe Company Limited

Peter Clark
Daehyun Yeo
William Bradley

Howell Pipe & Supply

Duncan Stacey

Producteurs ou gouvernements étrangers

 

Commission nationale du tarif du ministère du Commerce du gouvernement du Pakistan

Khizar Hayat
Muhammad Sarfraz Nawaz Khan

Ministère du Commerce du gouvernement de la Turquie

Özgür Volkan Ağar
Hasan Kocasoy

TÉMOINS :

Mark Rowlinson
Syndicat des Métallos
Adjoint au directeur national canadien

Alain Duhamel
Syndicat des Métallos
Président de la section locale 2423

Pina Santillo
Novamerican Steel
Contrôleur général

Lawrence P. Cannon
Novamerican Steel
Directeur financier

Scott Jones
Nova Steel Inc.
Président directeur général

Alexandre Gravel
Nova Tube Inc.
Directeur général, Tubes et tuyaux structurels (Canada)

Winston Penny
Bolton Steel Tube Co. Ltd.
Président

Mirza Samar Abbas
International Industries Limited
Directeur général, Vente et commercialisation mondiales

Salman Raza
Brampton Pipe & Tube Inc.
Partenaire commercial, Amérique du Nord

Roy Byrne
Crane Supply
Vice-président à l’approvisionnement

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1]  Le mandat du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans la présente enquête [1] est de déterminer si le dumping de certains tubes soudés en acier au carbone (TSAC) originaires ou exportées de la République islamique du Pakistan (Pakistan), de la République des Philippines (Philippines), de la République de Turquie (Turquie) et de la République socialiste du Vietnam (Vietnam) (les marchandises en question) a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[2]  Le Tribunal conclut que, pour les motifs ci-après, le dumping des marchandises en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Par conséquent, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) imposera des droits antidumping définitifs sur les importations de marchandises en question.

CONTEXTE

[3]  La présente enquête découle d’une plainte déposée par Novamerican Steel Inc. au nom de ses filiales, Nova Tube Inc. et Nova Steel Inc. (collectivement, Nova), le 31 mai 2018, et de la décision de l’ASFC, le 20 juillet 2018, d’ouvrir une enquête sur le dumping allégué des marchandises en question.

[4]  À la suite de la décision de l’ASFC d’ouvrir l’enquête, le 23 juillet 2018, le Tribunal a ouvert son enquête préliminaire de dommage aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI, afin de déterminer s’il y avait une indication raisonnable que le dumping des marchandises en question avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. Le 18 septembre 2018, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale.

[5]  Le 18 octobre 2018, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping qui a entraîné l’imposition de droits provisoires sur les marchandises en question et l’ouverture de la présente enquête. Le 19 octobre 2018, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête. La période visée par l’enquête du Tribunal couvre trois années complètes, soit du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que la période intermédiaire du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018.

[6]  Les parties plaignantes sont Nova, Atlas Tube Canada ULC (Atlas), DFI Corporation (DFI), et le Syndicat des Métallos (Métallos).

[7]  Les parties adverses sont International Industries Limited (IIL), Canada Wire and Metal Inc. (Canada Wire), Borusan Mannesmann Boru (BMB), Hoa Phat Steel Pipe Company Limited, Binh Duong Hoa Phat Steel Pipe Company Limited, Hoa Phat Long An Steel Pipe Company Limited, Hoa Phat Steel Pipe Company Limited (collectivement, Hoa Phat), Howell Pipe & Supply (Howell), la Commission nationale du tarif du ministère du Commerce du gouvernement du Pakistan (GDP), et le ministère du Commerce du gouvernement de la Turquie (GDLT).

[8]  Le 19 octobre 2018, le Tribunal a affiché des questionnaires sur son site Web et a demandé aux producteurs nationaux ainsi qu’à certains importateurs, acheteurs et producteurs étrangers de TSAC d’y répondre. À l’aide des réponses aux questionnaires et des données de l’ASFC sur les importations, le personnel du Secrétariat du Tribunal a préparé des versions confidentielle et non confidentielle des rapports d’enquête, lesquelles ont été publiées le 7 décembre 2018. La version non confidentielle des rapports d’enquête ainsi que le reste du dossier non confidentiel ont été distribués aux parties qui avaient déposé un avis de participation à l’enquête. La version confidentielle du rapport d’enquête, contenant des renseignements désignés confidentiels, ainsi que le reste du dossier confidentiel, ont été distribués aux conseillers juridiques qui avaient signé un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

[9]  Selon le calendrier, les demandes d’exclusion de produits devaient être déposées au plus tard le 13 décembre 2018, à 12 h. Aucune demande d’exclusion de produits n’a été reçue.

[10]  Le 14 décembre 2018, les parties plaignantes ont déposé des mémoires et d’autres éléments de preuve. Atlas, Nova et les Métallos ont également déposé des déclarations de témoins. Le 27 décembre 2018, IIL, BMB, Hoa Phat et le GDP ont déposé des mémoires, et IIL, BMB et Hoa Phat ont déposé des déclarations de témoins et d’autres éléments de preuve. Le 7 janvier 2019, les parties plaignantes ont déposé des observations en réponse et Nova a déposé des déclarations de témoins en réponse.

[11]  Le 15 décembre 2018, IIL a soumis diverses demandes de renseignements à l’intention de Nova et d’Evraz Inc. NA Canada (Evraz). Le Tribunal a émis des directives à l’intention de Nova le 21 décembre 2018, précisant à quelles demandes de renseignements elle était tenue de répondre. Le Tribunal a émis des demandes de renseignements à Evraz, qui a déposé sa réponse le 3 janvier 2019; après avoir demandé une courte prolongation du délai, Nova a soumis sa réponse le 4 janvier 2019.

[12]  Des versions révisées des versions confidentielle et non confidentielle des rapports d’enquête ont été émises le 4 janvier 2019. Des révisions additionnelles à ces deux versions des rapports d’enquête ont été émises le 17 janvier 2019, à la suite de la clôture de l’enquête de dumping de l’ASFC à l’égard des TSAC exportés de la Turquie par Erbosan Erciyas Boru Sanayii ve Ticaret A.S. (Erbosan). Les rapports révisés démontrent que les importations de marchandises en question d’Erbosan de la Turquie avaient une marge de dumping minimale et devraient être traités comme des marchandises n’ayant pas fait l’objet de dumping aux fins de l’analyse de dommage ou de menace de dommage du Tribunal.

[13]  Le Tribunal a tenu une audience à Ottawa (Ontario), les 14, 16, 18 et 19 janvier 2019, comportant des séances publiques et à huis clos. Nova, les Métallos et IIL ont présenté des témoins. Le Tribunal a désigné M. Roy Byrne, de Crane Supply (Crane), comme témoin du Tribunal.

[14]  Le Tribunal a rendu sa décision le 15 février 2019.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DE L’ASFC

[15]  Le 16 janvier 2019, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping. L’ASFC a conclu que la totalité des marchandises en question importées au Canada du Pakistan, des Philippines et du Vietnam avait fait l’objet de dumping et qu’une quantité moindre de marchandises en question importées au Canada de la Turquie avait fait l’objet de dumping [2] . La période visée par l’enquête de dumping de l’ASFC allait du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018. L’ASFC a déterminé les marges de dumping suivantes [3]  :

Exportateurs

Marge de dumping exprimée en pourcentage du prix à l’exportation

Pakistan

 

Tous les exportateurs

66,8 %

Total – Pakistan

66,8 %

Philippines

 

HLD Clark Steel Pipe Co., Inc.

18,1 %

Tous les autres exportateurs

66,8 %

Total – Philippines

18,8 %

Turquie

 

Borusan

3,3 %

Cayirova Boru ve Sanayi Ticaret A.S.

8,8 %

Erbosan

0,6 %

Tous les autres exportateurs

45,8 %

Total – Turquie

2,7 %

Vietnam

 

Hoa Phat

4,9 %

SeAH Steel Vina Corporation

3,0 %

State Pipe and Supply Inc.

26,1 %

Tous les autres exportateurs

54,2 %

Total – Vietnam

4,4 %

PRODUIT

Définition du produit

[16]  L’ASFC a défini les marchandises en question ainsi [4]  :

tubes soudés en acier au carbone, aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de ½ po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C20097 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, originaires ou exportés de la République islamique du Pakistan, de la République des Philippines, de la République de Turquie et de la République socialiste du Vietnam.

Renseignements sur le produit

[17]  L’ASFC a fourni les renseignements supplémentaires suivants sur le produit, dans son exposé des motifs de la décision provisoire [5]  :

[25] Les tubes en acier se classent généralement dans les groupes suivants selon leur utilisation ultime : TSAC (ou tubes normalisés), conduites sous pression, tubes de canalisation, tuyaux structuraux, tuyaux à usages mécaniques et fournitures tubulaires pour puits de pétrole (« FTPP »). Les produits qui entrent dans cette définition sont communément appelés dans l’industrie des « TSAC ».

[26] Les TSAC sont généralement produits selon diverses normes de l’industrie, comme l’American Society for Testing and Materials (ASTM) A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083, la norme de qualité commerciale et l’American Water Works Association (AWWA) C200-97. Les TSAC peuvent aussi être produits selon des normes exclusives plutôt que selon les normes de l’industrie, comme c’est souvent le cas pour les tubes de clôtures, ou selon des normes étrangères. Par exemple, les TSAC importés peuvent être produits selon la Norme britannique (« BS ») 1387 ou BS EN 10255.

[...]

[36] Les TSAC peuvent servir entre autres à la distribution de la vapeur, de l’eau, du gaz naturel, de l’air et d’autres liquides et gaz à basse pression dans des systèmes de plomberie et de chauffage, des conditionneurs d’air, des réseaux d’irrigation par aspersion et d’autres systèmes connexes. Les TSAC peuvent aussi servir de support structurel et dans certains systèmes mécaniques, notamment pour les tubes de clôtures, et de produit intermédiaire pour la protection des fils électriques, comme les chemises de conduit.

Portée du produit

[18]  Au cours de l’enquête préliminaire de dommage, Hoa Phat a demandé au Tribunal de confirmer que les produits tubulaires de moins de 6 po de nuance A correspondant à la norme ASTM A500 utilisés comme tubes pour clôtures n’entraient pas dans la portée de la définition du produit en l’espèce [6] . À ce moment-là, le Tribunal a indiqué que « [p]lus de renseignements [étaient] nécessaires pour évaluer si, ou dans quelle mesure, les tubes correspondant à la norme ASTM A500 (correspondant autrement aux termes de la définition du produit) font partie de la catégorie de tubes qui sont “aussi appelés tuyaux normalisés” ou des “tubes pour clôture” » [7] . Le Tribunal a également indiqué qu’il examinerait davantage cette question dans l’éventualité d’une enquête définitive de dommage.

[19]  Afin de pouvoir examiner cette question, les questionnaires ont été structuré de façon à recueillir séparément les données sur les produits tubulaires d’un diamètre nominal de ½ po à 6 po inclusivement, portant une inscription unique et correspondant à la norme ASTM A500, et le Tribunal a enjoint le personnel du Secrétariat du Tribunal de préparer deux rapports d’enquête en l’instance, soit un qui tenait compte des données relatives à la norme ASTM A500 et un qui les excluait.

[20]  Le 4 décembre 2018, le Tribunal a envoyé une lettre à l’ASFC, lui demandant des éclaircissements sur la question de savoir si l’ASFC avait appliqué la définition du produit dans PI-2018-004 de façon à inclure les produits qui répondent aux exigences de la norme ASTM A500 aux seules fins de l’imposition de droits aux termes de la LMSI, et, dans l’affirmative, lui demandant de préciser les facteurs appliqués par l’ASFC dans le cadre de son évaluation de la question de savoir si de tels produits avaient été inclus. L’ASFC a répondu à la lettre le 14 décembre 2018, et sa réponse a été déposée dans le dossier non confidentiel. Le 27 décembre 2018, le Tribunal a envoyé une autre lettre à l’ASFC, lui demandant des éclaircissements sur une question particulière, et l’ASFC a répondu à cette lettre le 7 janvier 2019. Cette réponse a été déposée dans le dossier confidentiel, puis ultérieurement placée dans le dossier non confidentiel.

[21]  De plus, le Tribunal a reçu des observations et entendu des arguments concernant la question de savoir si la portée de la définition du produit inclut les produits répondant aux exigences de la norme ASTM A500.

[22]  Pour les motifs suivants, le Tribunal conclut par la négative.

Observations des parties

[23]  Nova et Atlas soutiennent que la définition du produit a une portée large et qu’une simple lecture de la définition permet de savoir qu’elle inclut les produits tubulaires d’un diamètre nominal de ½ po à 6 po inclusivement, correspondant à la norme ASTM A500.

[24]  Nova soutient que, dans certains cas, les produits tubulaires d’un diamètre nominal de ½ po à 6 po inclusivement, qui répondent aux exigences de la norme ASTM A500 et qui sont utilisés dans l’une des applications énoncées dans la définition du produit sont des tuyaux normalisés visés par la définition du produit. Selon Nova, un produit correspondant à la norme ASTM A500 peut subir certaines opérations de finition visant à le transformer en tuyau normalisé, comme de le galvaniser ou de le couper à longueur (dans le cas de tubes pour clôture), ou de l’enduire et de le biseauter (dans le cas du tubage de puits d’eau). Nova soutient également que la définition du produit inclut une liste non exhaustive de spécifications de produit, et que l’absence de la norme ASTM A500 dans cette liste de spécifications ne signifie pas qu’elle n’entre pas dans la portée de la définition du produit. Nova soutient également que la définition du produit précise les utilisations ultimes particulières des produits, y compris leur utilisation comme des tubes pour clôture et des tubes de puits d’eau.

[25]  Atlas soutient que la définition du produit fait référence aux produits « aussi appelés » tuyaux normalisés et « généralement » fournis pour répondre à un certain nombre d’exigences d’une norme ASTM,  « y compris » pour un certain nombre d’utilisations ultimes, comme pour clôture, pilotis et autres. De plus, elle soutient que rien dans le libellé de la définition du produit ne restreint les marchandises en question aux exigences des normes ASTM énumérées dans la définition du produit.

[26]  Hoa Phat, BMB et IIL soutiennent que les produits correspondant à la norme ASTM A500 n’entrent pas dans la portée de la définition du produit.

[27]  Hoa Phat soutient que l’ASTM A500 est une norme de spécification qui s’applique aux sections structurales creuses (SSC); elle ne s’applique pas aux TSAC étant donné les différences qui existent entre les processus de fabrication. Elle soutient également que d’associer la définition du produit seulement à la norme ASTM A500 et à une utilisation ultime particulière (comme la fabrication de clôtures) est problématique d’un point de vue d’application, en particulier parce que les codes du Système harmonisé (SH) énumérés ne créent pas de distinction entre les produits en fonction de leur utilisation ultime. Finalement, Hoa Phat mentionne un article sur les différences entre les tubes correspondant à la norme ASTM A53 et les sections structurales correspondant à la norme ASTM A500, et note que le produit correspondant à la norme ASTM A500 est adapté pour répondre à des besoins structuraux.

[28]  BMB soutient que ni la définition du produit ni les renseignements supplémentaires sur le produit fournis par l’ASFC en l’espèce ne mentionnent la norme ASTM A500. BMB note que les exportateurs turcs n’ont pas inclus de renseignement sur les ventes nationales, les ventes à l’exportation ou les coûts associés à la norme ASTM A500 dans leur rapport à l’ASFC. BMB soutient également que, si la norme ASTM A500 entre dans la définition du produit, les renseignements sur un certain nombre d’autres producteurs nationaux sont absents des données sur la branche de production nationale. Finalement, BMB soutient qu’il n’y a pas de composante relative à l’utilisation ultime dans la définition du produit.

[29]  IIL partage l’avis que la norme ASTM A500 n’entre pas dans la définition du produit.

Analyse du Tribunal

[30]  Il est bien établi que le Tribunal doit effectuer son enquête de dommage conformément à la définition des marchandises en question fournie par l’ASFC [8] . Si le Tribunal a de la difficulté à déterminer la portée exacte des marchandises, ou si le Tribunal conclut que la définition des marchandises en question fournie par l’ASFC est ambiguë, le Tribunal peut interpréter ou demander des éclaircissements quant au sens de certains mots contenus dans la définition, tant et aussi longtemps que cela n’équivaut pas à une nouvelle définition des marchandises en question [9] .

[31]  La définition du produit en l’espèce est large. Elle couvre les TSAC « aussi appelés tuyaux normalisés », d’un diamètre nominal de ½ po à 6 po inclusivement. La définition énumère un certain nombre de normes techniques pour lesquelles les TSAC sont « habituellement fournis pour [y] répondre », et indique que les normes équivalentes sont également inclues. Finalement, la définition du produit fournit une liste non exhaustive des tubes qui entrent dans la définition du produit, y compris le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis et les tubes pour clôture. La seule exclusion explicite énoncée dans la définition du produit fait référence aux tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API.

[32]  Le Tribunal reconnaît que l’emploi des termes « habituellement fournis pour répondre » devant la liste des normes indique que celle-ci est non exhaustive, ce qui suggère que des normes autres que celles énumérées dans la définition du produit (comme la norme ASTM A500) pourraient entrer dans la portée de la définition du produit. Cependant, le Tribunal conclut que le terme « habituellement », lu dans son contexte, est limité par la phrase « aussi appelés tuyaux normalisés » (« commonly identified as standard pipe » en anglais) énoncée dans la définition du produit, de sorte que seules les normes qui sont aussi appelées, ou nommées, tuyaux normalisés entrent dans la définition du produit [10] .

[33]  Les éléments de preuve en l’espèce n’établissent pas que la norme ASTM A500 est habituellement associée à des tuyaux normalisés. Il existe des éléments de preuve portant que les produits correspondant à la norme ASTM A500 peuvent être, et ont été, parfois utilisés dans certaines applications de tuyaux normalisés qui n’exigent pas un essai hydraulique, comme pour le tubage de puits d’eau (dans des régions autres que le Québec et les Maritimes) et la fabrication de clôtures [11] . Cependant, les éléments de preuve établissent également que la norme ASTM A500 est généralement utilisée dans des applications relatives à des SSC pour le soutien d’édifices et dans le domaine de la construction, et qu’au cours de la période visée par l’enquête, son utilisation dans des applications de tuyaux normalisés au Canada était rare [12] . De plus, M. Jones de Nova a expliqué dans sa déclaration de témoin que le produit correspondant à la norme ASTM A500 dépasse les exigences de certaines de ces applications, comme la fabrication de clôtures, mais il peut être possible d’un point de vue commercial de l’utiliser comme tubes pour clôture si son prix est suffisamment bas. Le Tribunal est d’avis que cela ne permet pas d’établir que les produits correspondant à la norme ASTM A500 sont des produits qui sont aussi appelés, ou nommés, tuyaux normalisés.

[34]  Le Tribunal n’est pas convaincu que l’inclusion du « tubage de puits d’eau, [des] tubes pour pilotis, [des] tubes pour arrosage et [des] tubes pour clôture » donne lieu à une composante d’utilisation ultime dans la définition du produit, tel que le soutient Nova. Le Tribunal note que les renseignements supplémentaires sur le produit fournis par l’ASFC font référence aux TSAC ou aux tuyaux normalisés en tant que sous-ensemble d’une plus large catégorie de tubes d’aciers, ce qui soutient davantage l’avis du Tribunal qu’il y a un groupe discernable de tubes appelés TSAC ou tuyaux normalisés [13] . D’autres tubes énumérés par l’ASFC incluent des conduites sous pression, des tubes de canalisation, des tuyaux structuraux, des tuyaux à usages mécaniques et des fournitures tubulaires pour puits de pétrole. L’ASFC continue en décrivant un certain nombre d’applications dans lesquelles les TSAC ou les tuyaux normalisés peuvent être utilisés [14] . Le Tribunal conclut que, lus conjointement aux renseignements supplémentaires sur le produit fourni par l’ASFC, les renvois dans la définition du produit à du tubage de puits d’eau, à des tubes pour pilotis, à des tubes pour arrosage et à des tubes pour clôture font référence à des exemples d’applications où les TSAC ou les tuyaux normalisés peuvent être utilisés, contrairement à une disposition relative aux utilisations ultimes englobant tous les tubes soudés en acier au carbone utilisés dans de telles applications.

[35]  En d’autres termes, le fait que d’autres tubes soudés en acier au carbone (c’est-à-dire autres que des tuyaux normalisés) peuvent être utilisés dans ces applications, ou dans des applications similaires, ne fait pas, selon le Tribunal, entrer ce type de tubes dans la portée de la définition du produit en l’espèce. Comme l’a noté le Tribunal dans Tubes pour pilotis, « la notion de substituabilité ne doit pas entrer en ligne de compte dans les considérations à examiner pour déterminer quelles marchandises sont assujetties à une définition de produit sauf si le libellé de la définition l’exige explicitement ou par implication nécessaire » [15] . La définition du produit en l’espèce ne contient pas un langage explicite concernant l’utilisation ultime, tel que « utilisés comme » [traduction] ou « devant servir à » [traduction], ni, tel que décrit ci-dessus et ci‑dessous, une disposition relative à l’utilisation ultime nécessairement implicite.

[36]  L’interprétation de la définition du produit comme incluant une liste non exhaustive d’utilisations ultimes combinée à une liste non exhaustive de spécifications techniques pourrait mener à une situation où les tubes en acier qui ne sont pas aussi appelés, ou nommés, tuyaux normalisés entreraient dans la portée de la définition du produit en raison d’un usage possible, par exemple, comme tubes pour clôture ou tubage de puits d’eau. Cela élargirait sensiblement la portée de la définition du produit, étant donné le nombre de produits qui seraient substituables vers le bas pour ces utilisations ultimes. Cela pourrait aussi mener à des difficultés d’application. Par exemple, un distributeur ne connaitrait pas nécessairement l’utilisation ultime définitive du tube qu’il importe.

[37]  Le Tribunal conclut que, pour soutenir une interprétation si élargie, il faudrait que le libellé de la définition du produit soit plus clair en ce sens. De plus, le Tribunal a entendu que deux applications clés des TSAC sont la plomberie et le chauffage, mais ces utilisations sont absentes de cette liste. Il est difficile de concilier que la définition d’un produit visant à établir une composante relative aux utilisations ultimes omettrait deux des principales utilisations ultimes des TSAC [16] . Le Tribunal conclut que la meilleure interprétation de la définition du produit est que le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture constituent une liste indicative non exhaustive des applications où des tuyaux normalisés sont souvent utilisés, et non pas une liste des utilisations ultimes qui étendrait la portée de la définition du produit de façon à inclure tous et chacun des produits substituables [17] .

[38]  Le Tribunal reconnaît que l’ASFC a déposé une réponse datée du 14 décembre 2018, dans laquelle elle indique que la définition du produit pourrait englober « les produits répondant à la norme ASTM A500 seulement [...] si les produits en question répondent autrement à la définition du produit pertinent » [traduction] et que « l’ASFC n’appliquerait ces définitions qu’à des produits tubulaires servant dans des applications nécessitant un soutien structurel léger et dans certains systèmes mécaniques, comme dans la fabrication de clôtures » [traduction] [18] . Cependant, le Tribunal note qu’il n’a pas reçu d’éléments de preuve portant que des droits ont été recueillis relativement aux deux ordonnances antérieures concernant essentiellement la même définition du produit. De plus, bien que ces déclarations de l’ASFC donnent une indication quant à la manière dont l’ASFC peut appliquer des conclusions positives concernant les TSAC rendues par le Tribunal, ces déclarations ne lient pas le Tribunal. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal est d’avis que l’interprétation adéquate de la définition du produit est qu’elle n’inclut pas la norme ASTM A500, ce à quoi le Tribunal conclut. [19]

[39]  Par conséquent, le Tribunal fondera son analyse de dommage sur le fait que les produits portant une inscription unique et correspondant à la norme ASTM A500 n’entrent pas dans la portée de la définition des marchandises en question [20] .

[40]  Dans l’éventualité où des questions subsistent à l’égard de la subjectivité d’une éventuelle importation particulière, le Tribunal conclut qu’elles sont mieux réglées par des procédures fondées sur la subjectivité ou la portée prévues par la LMSI [21] .

CADRE LÉGISLATIF

[41]  Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’enquêter afin de déterminer si le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, le terme « dommage » étant défini au paragraphe 2(1) comme un « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». À cet égard, l’expression « branche de production nationale » est aussi définie au paragraphe 2(1) par référence à la production nationale de « marchandises similaires ».

[42]  Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.

[43]  Étant donné que les marchandises en question sont originaires ou exportées de plus d’un pays, le Tribunal doit aussi déterminer si les conditions préalables à une évaluation des effets cumulatifs sur la branche de production nationale du dumping des marchandises en question provenant de tous les pays visés sont satisfaites (c’est-à-dire s’il procédera à une seule analyse de dommage ou à une analyse distincte pour chacun des pays visés).

[44]  Le Tribunal peut ensuite évaluer si le dumping des marchandises en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale [22] . Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage sensible, il déterminera s’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale [23] . Comme la branche de production nationale est déjà établie, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question du retard [24] .

[45]  Dans le cadre de son analyse, le Tribunal examinera aussi d’autres facteurs qui ont pu avoir des répercussions sur la branche de production nationale, de manière à s’assurer qu’un dommage ou une menace de dommage causé par de tels facteurs ne soit pas attribué aux effets du dumping.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

[46]  Pour déterminer si le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au Canada, s’il en existe, constituent des marchandises similaires aux marchandises en question. Le Tribunal doit aussi déterminer si les marchandises en question et les marchandises similaires sont constituées de plus d’une catégorie de marchandise [25] .

[47]  Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[48]  Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux autres marchandises, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients) [26] . Lorsqu’il examine la question des catégories de marchandise, le Tribunal considère habituellement si les marchandises potentiellement comprises dans des catégories distinctes de marchandise constituent des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandise [27] .

[49]  Dans son enquête préliminaire du dommage, le Tribunal a conclu que les TSAC produits au Canada qui ont la même description que les marchandises en question constituaient des marchandises similaires aux marchandises en question [28] . Le Tribunal a rappelé que, dans des procédures antérieures impliquant des TSAC de la Chine, du Taipei chinois, de l’Inde, d’Oman, de la Corée, de la Thaïlande, et des Émirats arabes unis, il a conclu que les TSAC produits au Canada sont des marchandises similaires aux marchandises en question, car toutes deux partagent des caractéristiques physiques et du marché, peuvent généralement être substituées et sont en concurrence directe sur le marché canadien [29] .

[50]  Au cours de la présente enquête, une question a été soulevée quant à savoir si les tubes de canalisation déclassés d’Evraz répondant à la norme ASTM A252 constituaient des marchandises similaires aux marchandises en question. Nova soutient qu’Evraz ne produit pas de TSAC « à dessein » [traduction], mais vend plutôt des tubes « déclassés » qui ne répondent pas aux normes des tubes de canalisation ni aux spécifications des FTPP afin de recouvrer des coûts. Nova soutient également que les TSAC vendus par Evraz exigent une fabrication additionnelle, comme une finition des extrémités ou une coupe à longueur, avant qu’ils puissent être utilisés dans des applications de tubes pour pilotis et ils n’ont donc pas subi la finition exigée pour être considérés des TSAC.

[51]  IIL souligne la déclaration d’Evraz selon laquelle la production et les ventes qu’elle a rapportées au Tribunal entrent dans la portée de la définition du produit et sont inscrites à titre de produit correspondant à la norme ASTM A252. IIL soutient également que les clients d’Evraz qui achètent des produits correspondant à la norme ASTM A252 sont des entreprises de tubes et de tuyaux, et non pas des marchands de ferraille. BMB soutient que la production de tubes déclassés d’Evraz constitue une production nationale de marchandises similaires parce qu’Evraz vend des tubes entièrement formés. Comme il en sera discuté plus en détail plus loin dans les présents motifs, BMB a comparé cela au travail effectué par Nova Tube Inc. (Nova Tube), que BMB a caractérisé de « finition et rien de plus » [traduction]. Hoa Phat était d’accord avec IIL et BMB que la production de produits déclassés correspondant à la norme ASTM A252 d’Evraz constitue des marchandises similaires.

[52]  De l’avis du Tribunal, il ne fait aucun doute que la fabrication de produits déclassés correspondant à la norme ASTM A252 d’Evraz constitue une production de marchandises similaires. Evraz a rempli un questionnaire certifié à l’intention des producteurs pour ses tubes déclassés et a caractérisé ces tubes comme correspondant à la norme d’ASTM A252 dans sa réponse au questionnaire [30] . De plus, dans la lettre d’accompagnement de la réponse d’Evraz au questionnaire à l’intention des producteurs datée du 13 novembre 2018, l’avocat d’Evraz a confirmé que ces tubes déclassés correspondent à la norme ASTM A252 et portent ainsi une inscription unique [31] . M. Smith d’Evraz a fourni des renseignements supplémentaires au Tribunal dans une lettre datée du 13 décembre 2018, jointe au mémoire de Nova, dans laquelle il reconnaît que les tubes correspondant à la norme ASTM A252 que vend Evraz exigent une fabrication additionnelle afin de servir de pilotis et peuvent ne pas être appropriés à toutes les applications de pilotis. [32]

[53]  De l’avis du Tribunal, les TSAC d’un diamètre de ½ po à 6 po qui répondent à la norme de spécification ASTM A252 entrent clairement dans la portée de la définition du produit en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucune raison d’exclure les tubes certifiés correspondant à la norme ASTM A252 d’Evraz de la portée des marchandises similaires, malgré le fait que ces tubes peuvent avoir été produits à partir de tubes de canalisation ou de FTPP déclassés, et peuvent exiger une fabrication additionnelle avant de servir de pilotis. De l’avis du Tribunal, le fait qu’Evraz ne produit pas de tubes correspondant à la norme ASTM A53 ou galvanisés, et ne fait pas concurrence à Nova dans ces segments du marché, est non pertinent pour répondre à la question de savoir si ses produits qui correspondent à la norme ASTM A252 sont des marchandises similaires.

[54]  Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les TSAC produits au Canada, y compris ceux qui sont produits par Evraz, constituent des marchandises similaires aux marchandises en question.

[55]  Dans son enquête préliminaire du dommage, le Tribunal a également conclu que les TSAC produits au Canada constituent une seule catégorie de marchandises. Par conséquent, le Tribunal a indiqué ce qui suit [33]  :

Dans un certain nombre de décisions antérieures, le Tribunal a conclu que les TSAC ne correspondent qu’à une seule catégorie de marchandise. Le Tribunal n’est pas convaincu qu’il existe une raison convaincante de sous-diviser les TSAC en plusieurs catégories de marchandise en l’espèce. Le Tribunal a précédemment affirmé que « [d]es marchandises peuvent faire partie d’une même catégorie de marchandise même si elles se déclinent en de multiples variétés, différant, par exemple, sur le plan des nuances et des caractéristiques liées à l’utilisation finale, de sorte qu’elles ne sont pas nécessairement substituables les unes aux autres ». Il n’est pas contesté qu’il existe des différences entre les TSAC. Cependant, la plainte indique, et les conclusions antérieures concernant les TSAC montrent que les TSAC, tel que définis dans la définition du produit, partagent un certain nombre de caractéristiques, comme la forme, la composition métallurgique et les finitions des extrémités. Les TSAC sont également distribués par les mêmes circuits, que ce soit d’abord aux distributeurs ou directement aux utilisateurs finaux. En ce qui concerne les conditions du marché, la plainte indique que, bien que les TSAC ne soient pas parfaitement interchangeables, il existe une substituabilité entre les produits, ainsi qu’une substituabilité vers le bas des TSAC d’une nuance supérieure pour des utilisations nécessitant une nuance inférieure, comme la fabrication de clôtures.

[Notes omises]

[56]  Le Tribunal n’a pas reçu d’observations  à l’encontre de ces conclusions préliminaires. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter de sa conclusion selon laquelle les TSAC produits au Canada constituent des marchandises similaires aux marchandises en question et qu’il n’existe qu’une seule catégorie de marchandises. L’analyse du Tribunal sera fondée sur cette conclusion.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[57]  Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » comme suit :

l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[58]  Le Tribunal doit donc déterminer si un dommage a été causé, ou s’il y a menace de dommage, à l’ensemble des producteurs nationaux ou aux producteurs nationaux dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires [34] .

Observations des parties

[59]  BMB pose la question de savoir si Nova Tube était en soi un producteur de marchandises similaires en raison de la structure des opérations de Novamerican. BMB reconnaît que les entreprises du groupe Nova produisent des TSAC, mais soutient que les renseignements financiers rapportés par Nova dans le questionnaire à l’intention des producteurs ne concernent que Nova Tube et ne concerne donc que la finition, et non pas la production de marchandises similaires. BMB soutient également que le Tribunal ne possède pas de renseignements sur les coûts de fabrication qui constituent le coût de production des TSAC.

[60]  À l’appui de sa position, BMB mentionne la décision du Tribunal dans Fournitures tubulaires pour puits de pétrole, dans laquelle il a conclu que les entreprises qui effectuent la finition des tubes verts ou des manchons ne sont pas des producteurs nationaux parce que leurs opérations n’entraînent pas la création de FTPP distincts qui sont différents d’un tube vert [35] . BMB mentionne également la décision du Tribunal dans Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, dans laquelle le Tribunal a conclu que les activités de fabrication de Bri-Steel au Canada relèvent de la production nationale, et non uniquement de la finition. Dans cette décision, le Tribunal a conclu que le procédé complexe d’expansion thermique à un stade de production relativement précoce, qui entraîne une modification importante du produit, équivaut à la création d’un nouveau produit sensiblement différent [36] .

[61]  Nova soutient que les données financières qu’elle a fournies sont pertinentes à la production et aux ventes des marchandises similaires. Les données fournies par Nova Tube et Nova Steel Inc. (Nova Steel) reflètent les affaires relatives aux TSAC de Novamerican. Nova soutient également que le rôle de Nova Tube dans la production de TSAC est considérable, notant que 75 p. 100 du coût de transformation de tubes bruts en TSAC est effectué par Nova Tube à son usine de la rue Saint-Patrick.

[62]  Nova soutient également que les coûts de Nova Steel sont inclus dans la réponse au questionnaire de Nova Tube. Elle note que certaines annexes concernent spécifiquement Nova Steel et que Nova Steel transfère des produits à Nova Tube au coût de production (c’est-à-dire sans faire de profit). Nova Tube est responsable de la vente des TSAC et est le centre de profit des opérations de TSAC de Nova.

[63]  Finalement, Nova soutient que le Tribunal a reconnu, dans TSAC NQ 2012, que Nova Tube était un producteur national de marchandises similaires, et, dans TSAC NQ 2008, que son prédécesseur, ArcelorMittal, était un producteur national de marchandises similaires.

Analyse du Tribunal

[64]  Il n’est pas contesté que les entreprises du groupe Nova, considérées dans leur ensemble, sont des producteurs nationaux de TSAC. La question soulevée par BMB est celle de savoir si Nova Tube, en soi, constitue un producteur national, et, sinon, si le Tribunal a les données nécessaires pour évaluer le rendement de Nova au cours de la période visée par l’enquête.

[65]  M. Jones a fourni un aperçu des opérations de Nova dans sa déclaration de témoin et à l’audience. Il a expliqué que les bobines laminées à chaud (BLC) arrivent à Nova Steel, où elles sont fendues, puis envoyées à l’usine de Delta, qui fabrique des pièces brutes de 2 1/2 po à 6 po, ou à l’usine de Baie D’Urfé, qui fabrique des pièces brutes de 1/2 à 2 1/2 po [37] . Les tubes qui seront éventuellement vendus en tant que tuyaux normalisés sont ensuite transférés, au prix coûtant, à l’usine de Nova Tube de la rue Saint-Patrick, où ils seront redressés, finis aux extrémités, testés, peints, inscrits et emballés [38] . Ces tubes peuvent être galvanisés, coupés, cannelés par laminage ou filetés à l’usine de la rue Saint-Patrick, selon les besoins du client [39] . Au cours de son témoignage public et à huis clos, M. Jones a précisé que, à son avis, les pièces brutes ou les manchons sont transformés en tuyaux normalisés par Nova Tube à son usine de la rue Saint‑Patrick, notant que les SSC ne sont en réalité qu’un produit non fini [40] . Il n’est pas contesté qu’en plus des opérations de son usine de la rue Saint-Patrick, Nova Tube est responsable de la commercialisation, de la distribution et de la vente des TSAC [41] .

[66]  M. Jones a affirmé dans sa déclaration de témoin que « [l]es usines de Delta et de Baie D’Urfé effectuent des opérations de fabrication à façon et transfèrent des manchons non finis à l’usine de Nova Tube de la rue Saint-Patrick [...]. Nous avons organisé ces unités afin de tirer avantage des efficacités » [traduction], et que « Nova Tube demeure propriétaire du produit tout au long du processus de production et gère toutes les opérations de mise à l’essai, de finition et de commercialisation » [traduction] [42] . Des déclarations faites à l’audience par M. Jones et M. Cannon étaient similaires [43] .

[67]  Le Tribunal a déjà conclu que la prestation contre rémunération ou à façon de services de production à des producteurs nationaux, alors que les producteurs demeurent propriétaires des marchandises, n’est pas une production nationale de marchandises similaires [44] . En adoptant cette approche, et selon la description ci-dessus des opérations, le travail effectué par les usines de Delta et de Baie D’Urfé semblerait être des opérations à façon, une conclusion qui est conforme à la décision du Tribunal de considérer Nova Tube comme un producteur national en l’espèce.

[68]  Dans son témoignage à l’audience publique, M. Jones a indiqué que les marchandises sont transférées au prix coûtant, mais a affirmé que cela faisait partie du processus de transformation à façon, et a ajouté que le processus de transformation à façon engageait des frais [45] . Une réponse donnée lors du témoignage à huis clos mine toutefois cette déclaration [46] . Par conséquent, le Tribunal ne peut pas conclure avec certitude que l’arrangement entre les entités de Nova constitue effectivement une opération de fabrication à façon.  

[69]  Néanmoins, le Tribunal est convaincu que le travail effectué par Nova Tube à son usine de la rue Saint-Patrick équivaut à une production nationale de marchandises similaires. C’est là que les tubes bruts sont transformés en TSAC. Avant l’achèvement de ces opérations, particulièrement la mise à l’essai et l’inscription, les pièces brutes ou les manchons peuvent encore être transformés ou être vendus comme d’autres types de produits tubulaires, tout comme les SSC qui sont commercialisées et vendues par Nova Steel. De plus, en ce qui concerne le coût de transformation de SSC en TSAC, le Tribunal a entendu qu’une partie considérable de ces coûts est associée au travail effectué à l’usine de la rue Saint-Patrick [47] .

[70]  Le Tribunal est également convaincu qu’il a les données nécessaires pour évaluer le rendement de Nova Tube au cours de la période visée par l’enquête. Premièrement, le Tribunal note que les états financiers que le Tribunal a demandés et qui apparaissent dans le rapport d’enquête portent sur la vente de marchandises similaires, et non pas sur la production. Deuxièmement, l’état des résultats fournis par Nova Tube inclut le coût total de production des marchandises similaires, car il tient compte du travail effectué par d’autres entités de Nova à titre de coût des matières directes [48] . Troisièmement, le Tribunal est convaincu que Nova Tube n’a pas omis de profits réalisés par les autres usines de Nova, car les éléments de preuve indiquent que ces usines sont exploitées en tant que centres de coûts, et que les tubes bruts sont transférés au prix coûtant entre les différentes usines de Nova [49] .

[71]  Pour tous les motifs susmentionnés, que Nova Tube effectue des opérations de fabrication à façon ou qu’elle traite des matières premières transférées au prix coûtant, la conclusion du Tribunal selon laquelle Nova Tube est un producteur national de marchandises similaires ne sera pas modifiée.

[72]  La conclusion du Tribunal selon laquelle Nova Tube est un producteur national de marchandises similaires est conforme à la conclusion du Tribunal dans TSAC NQ 2012, après avoir examiné une question similaire :

Le Tribunal accepte [...] que Nova Tube est une entité intégrée au groupe de sociétés de Novamerican et qu’elle est responsable de la production de certains TSAC ainsi que de la vente et de la commercialisation de tous les TSAC.

Nova Steel effectue tous les achats de bobines laminées à chaud pour Nova Steel et Nova Tube. Nova Steel refend les bobines laminées à chaud et les expédie à son usine de Baie-d’Urfé ou à l’usine Delta de Nova Tube à des fins de traitement. Les ébauches de TSAC sont ensuite expédiées à l’usine de Nova Tube sur la rue Saint-Patrick, à Montréal, pour la finition.

Essentiellement, la structure organisationnelle de Novamerican découle de l’acquisition des entités appartenant antérieurement à ArcelorMittal. Étant donné la façon dont ArcelorMittal organisait sa production dans TSAC 2008, et le fait qu’à cette époque ArcelorMittal était reconnue comme un producteur national de TSAC, le Tribunal est convaincu que Nova Tube fait partie de la branche de production nationale [50] .

[73]  Les éléments de preuve montrent donc qu’il y a actuellement cinq producteurs de TSAC au Canada : Atlas, Bolton, DFI, Evraz et Nova Tube. Nova Tube est le plus grand producteur national car il représente la majorité des ventes totales de la production nationale au cours de la période d’enquête [51] . Il incombe de noter que les données financières et les indicateurs de rendement du rapport d’enquête n’incluent qu’Atlas, Nova Tube et DFI, qui, ensemble, représentent la quasi totalité de la production nationale [52] . Bolton n’a pas entièrement répondu au questionnaire et, par conséquent, ses données n’ont pu être utilisées dans le rapport d’enquête [53] . De plus, Evraz n’était pas en mesure de fournir les renseignements financiers demandés dans le questionnaire du Tribunal en raison de la nature de la production de TSAC d’Evraz [54] . Néanmoins, le Tribunal est convaincu qu’Atlas, DFI et Nova Tube représentent la majeure partie de la production nationale au cours de la période d’enquête. Par conséquent, le Tribunal conclut que ces trois producteurs constituent la branche de production nationale aux fins de l’analyse de dommage du Tribunal.

CUMUL

[74]  Aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal doit évaluer les effets cumulatifs du dumping des marchandises en question s’il est convaincu que la marge de dumping ayant trait aux marchandises provenant de chacun des pays visés n’est pas minimale, que les volumes des marchandises sous-évaluées provenant de chacun des pays visés ne sont pas négligeables [55] et que le cumul est indiqué compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun des pays ou entre ces marchandises et les marchandises similaires. En outre, selon le paragraphe 42(4.1) de la LMSI, si le volume des marchandises sous-évaluées provenant d’un pays est négligeable, le Tribunal doit clore son enquête sur ces marchandises.

Observations des parties

[75]  IIL soutient que l’incidence des importations en question provenant du Pakistan devrait être évaluée indépendamment de celles des autres pays parce que ces importations ne sont pas en concurrence directe avec les marchandises similaires produites au Canada ou avec d’autres importations de marchandises en question. IIL soutient qu’elle est la seule exportatrice du Pakistan et que la vaste majorité des exportations de marchandises en question d’IIL (et, par conséquent, du Pakistan) sont des tubes pour clôture galvanisés vendus à un distributeur dans l’ouest du Canada. IIL soutient également que son intention n’a jamais été de nuire au marché canadien, mais qu’elle a commencé à exporter au Canada en raison d’un besoin non satisfait sur le marché canadien pour des tubes pour clôture galvanisés de qualité à un prix concurrentiel, particulièrement en Colombie-Britannique et en Alberta. À son avis, Nova Tube n’était pas (et n’est actuellement pas) présente, d’une façon marquée, sur le marché des tubes pour clôture dans l’ouest du Canada. IIL note également le coût élevé du transport de TSAC du Québec et de l’Ontario vers la Colombie-Britannique et l’Alberta, et le fait que peu d’allégations de dommage de Nova se rapportaient aux marchandises en question provenant du Pakistan.

[76]  Hoa Phat soutient que ses importations ne devraient pas être évaluées de façon cumulative par rapport aux importations provenant d’autres pays visés ou à d’autres importations provenant du Vietnam. Elle soutient qu’elle n’a pas vendu aux mêmes distributeurs que Nova Tube, qu’elle n’a exporté que de petits volumes de tubes pour clôture enduits d’un fini de poudre, et qu’elle les a vendus à des prix sains.

[77]  Nova et Atlas soutiennent qu’une évaluation cumulative est justifiée en l’espèce. Nova soutient que les mêmes conditions de concurrence existent entre les marchandises en question, et entre les marchandises en question et les marchandises similaires. Elle soutient que les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada sont interchangeables et que les marchandises en question se font concurrence entre elles et sont en concurrence avec la branche de production nationale partout au Canada. Nova soutient qu’elle fait concurrence avec les marchandises en question en Ontario et au Québec, et qu’elle est également active dans l’ouest du Canada. Nova soutient également que les distributeurs ont des réseaux de distribution et des installations partout au Canada, ce qui leur permet de distribuer les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada partout au pays. Finalement, Nova soutient que les moyens de transport sont similaires, c’est-à-dire que les marchandises en question arrivent par transport maritime, puis sont transportées par chemin de fer ou par camions.

[78]  Atlas soutient que, étant donné que les marchandises en question sont des produits de base, leur interchangeabilité et le fait qu’elles sont en concurrence directe avec les tubes produits au Canada justifient une évaluation cumulative des marchandises en question. Atlas soutient également que c’est le dommage ou la menace de dommage causé par les effets cumulatifs de cette série d’importations dont il est question en l’espèce.

Analyse du Tribunal

[79]  Pour les motifs suivants, le Tribunal est convaincu qu’il est approprié d’entreprendre une évaluation des effets cumulatifs du dumping de toutes les marchandises en question.

Marge de dumping et volume des marchandises sous-évaluées

[80]  Conformément au paragraphe 2(1) de la LMSI, une marge de dumping qui est inférieure à 2 p. 100 du prix à l’exportation des marchandises est considérée comme « minimale ». Le Tribunal est convaincu que les marges de dumping pour chacun des pays visés ne sont pas minimales, car l’ASFC a déterminé que les marges des pays visés sont supérieures à 2 p. 100 du prix à l’exportation [56] .

[81]  Selon le paragraphe 2(1) de la LMSI, le qualificatif « négligeable », selon le passage pertinent [57] , s’entend d’un volume de marchandises en question provenant de chacun des pays visés qui est inférieur à 3 p. 100 du volume total des importations de marchandises visées et non visées qui satisfont à la définition du produit et qui sont dédouanées au Canada provenant de tous les pays [58] . Le Tribunal est convaincu que le volume des importations de marchandises en question provenant du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam était supérieur aux seuils relatifs au caractère négligeable pendant la période visée par l’enquête de l’ASFC [59] .

[82]  Par conséquent, le Tribunal conclut que la première partie du critère prévu au paragraphe 42(3) de la LMSI est satisfaite.

Conditions de concurrence

[83]  En ce qui concerne la deuxième partie du critère prévu au paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal doit être convaincu que les marchandises en question se font concurrence ou sont en concurrence avec des marchandises similaires produites au Canada. Le Tribunal a conclu que les facteurs pertinents relatifs à l’évaluation des conditions de concurrence peuvent comprendre l’interchangeabilité, la qualité, les prix, les circuits de distribution, les modes de transport, le moment de l’arrivée des importations et la répartition géographique [60] . Le Tribunal a également reconnu qu’il peut tenir compte d’autres facteurs pour décider si les exportations d’un pays donné devraient entrer dans le cumul et qu’aucun facteur n’a à lui seul un poids déterminant [61] .

[84]  Après avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve et des observations sur cette question, le Tribunal est convaincu que des conditions de concurrence similaires existent entre les marchandises en question, et entre les marchandises en question et les marchandises similaires.

[85]  La majorité des acheteurs de TSAC ont indiqué que les marchandises en question des Philippines, de la Turquie et du Vietnam sont toujours ou souvent interchangeables avec des marchandises similaires produites au Canada, et que les marchandises du Pakistan sont souvent ou parfois interchangeables. [62] De plus, selon les acheteurs, les marchandises en question de tous les pays visés et les marchandises similaires produites au Canada sont généralement comparables quant à la qualité des produits, au respect des spécifications techniques, à la disponibilité des spécifications exclusives, à la finition, à la capacité de retourner les produits et à la capacité de négocier les prix [63] .

[86]  Le Tribunal a reconnu à plusieurs occasions que les TSAC sont un produit de base et, par conséquent, sont très sensibles aux prix [64] . Les éléments de preuve figurant au dossier confirment l’importance du prix, particulièrement lorsque les normes relatives à la qualité des services et des produits sont satisfaites. À cet égard, huit des neuf acheteurs qui ont indiqué que les marchandises à un prix inférieur remportent habituellement le contrat ou la vente ont noté que les délais et les modalités de livraison, la qualité des produits et les relations d’approvisionnement à long terme sont les trois principales raisons pour lesquelles ils ne choisissent pas le produit le moins coûteux [65] . Les témoignages de M. Gravel de Nova et de M. Byrne de Crane ont confirmé que, si la qualité des produits et d’autres modalités contractuelles sont satisfaites, le prix devient le facteur le plus important dans les décisions d’achat [66] .

[87]  Les délais de livraison des importations en question achetées des distributeurs et provenant de tous les pays sont similaires [67] . Bien que les saisons puissent avoir une influence sur les achats de TSAC, étant donné que les achats de TSAC sont liés à l’activité de construction, aucun élément de preuve convaincant n’indique que cette influence des saisons détermine, à un degré significatif, le moment de l’importation des marchandises en question, ni n’indique des différences significatives dans les conditions de concurrence entre les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada [68] .

[88]  Le Tribunal conclut également qu’il existe des circuits de distribution semblables pour les TSAC provenant de chacun des pays visés, comme c’est le cas entre les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada. Bien que les réponses des acheteurs suggèrent que les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada peuvent ne pas toujours être vendues dans des circuits de distribution similaires [69] , la majorité des producteurs nationaux vendent aux distributeurs, et font certaines ventes aux utilisateurs finaux, et la majorité des importateurs sont également des distributeurs qui vendent aux distributeurs et/ou aux utilisateurs finaux [70] . Les données du rapport d’enquête montrent également que la majorité des ventes des répondants au questionnaire ont été réalisées par l’entremise de distributeurs, et non aux utilisateurs finaux directement [71] .

[89]  Les éléments de preuve susmentionnés, particulièrement la caractérisation des TSAC comme produits de base et produits fongibles, suggèrent fortement qu’une évaluation cumulative des effets du dumping des marchandises en question des quatre pays visés serait appropriée en l’espèce. Cependant, comme il a été susmentionné, IIL soutient que les marchandises en question du Pakistan ne devraient pas être cumulées, principalement en raison de l’absence de ventes de tubes pour clôture par des producteurs nationaux dans l’ouest du Canada.

[90]  Il y a eu des importations provenant des quatre pays visés tout au long de la période visée par l’enquête [72] . M. Rabideau d’Atlas a indiqué dans sa déclaration de témoin que les tubes en acier de la Turquie, y compris les tubes pour pilotis, sont principalement importés dans l’est du Canada, tandis que les tubes provenant de l’Asie, particulièrement du Pakistan, des Philippines et du Vietnam, entrent au Canada par les ports de la région de Vancouver [73] . Cependant, tel qu’abordé ci-dessous, cela peut ne pas toujours être le cas. De plus, le port d’arrivée des marchandises n’est pas nécessairement indicatif de la région où elles sont vendues. Les acheteurs de TSAC sont des maîtres-distributeurs et des distributeurs qui ont des installations partout dans le pays et qui sont en mesure de distribuer des marchandises similaires produites au Canada et des importations à l’échelle nationale [74] . Au cours de la période visée par l’enquête, les producteurs nationaux et les importateurs ont vendu des TSAC, à un degré variable, dans les mêmes régions dans l’ensemble du Canada. Les ventes au Québec et en Ontario représentaient la plus grande part des ventes des producteurs nationaux et des importateurs. Les ventes en Alberta et en Colombie-Britannique représentaient la deuxième plus grande part des ventes [75] . Bien que ces données n’aient pas réparti les ventes d’importations en fonction de leur origine ou de leur spécification, cela suggère effectivement que toutes les importations de TSAC et les marchandises similaires produites au Canada sont distribuées dans l’ensemble du Canada.

[91]  Des éléments de preuve démontrent les ventes dans l’ouest du Canada de marchandises en question provenant des quatre pays visés, indiquant ainsi que les marchandises en question sont en concurrence dans cette région [76] . M. Gravel a également témoigné que Nova commercialise et vend des tuyaux normalisés « d’un océan à l’autre dans tout le pays » [traduction], ajoutant que l’ouest du Canada « représente un marché difficile, principalement en raison des bas prix des importations que nous obtenons des pays visés dans l’ouest » [traduction] [77] .

[92]  En ce qui concerne les tubes pour clôture, M. Gravel a confirmé que Nova a vendu certains tubes pour clôture dans l’ouest du Canada au cours de la période visée par l’enquête [78] . Il a également indiqué dans sa déclaration de témoin que « les acheteurs sont au courant que Nova tient à ces occasions d’affaires, particulièrement sur le marché des clôtures, en raison de mon contact constant; cependant, en raison des grandes différences de prix, Nova n’a que rarement la chance de soumissionner » [traduction] [79] . Le Tribunal n’est pas convaincu que les ventes limitées de Nova dans l’ouest du Canada soient suffisantes en soi pour établir des différences entre les conditions de concurrence, notamment qu’une évaluation cumulative n’est pas appropriée, particulièrement compte tenu de la conclusion du Tribunal selon laquelle il n’y a qu’une catégorie de marchandises en l’espèce. Tel que susmentionné, les marchandises en question sont en concurrence dans l’ouest du Canada. Par exemple, des marchandises en question provenant du Pakistan et du Vietnam ont été achetées par le même distributeur, situé dans l’ouest du Canada, au cours de la période visée par l’enquête [80] . De plus, le Tribunal ne peut pas constaté que les importations en question provenant du Pakistan, qui sont principalement des produits de nuance A correspondant à la norme ASTM A53, ne seraient pas en concurrence dans d’autres segments du marché [81] . À cet égard, les importations de tubes pour clôture à bas prix pourraient avoir une réaction en chaîne sur les prix d’autres marchandises et des marchandises similaires vendues dans l’ouest du Canada et ailleurs.

[93]  Bien que les cas de concurrence directe entre les tubes pour clôture produits au Canada et les tubes pour clôture en question provenant du Pakistan dans l’ouest du Canada puissent être plus rares que les cas de concurrence entre d’autres marchandises en question et des produits similaires aux TSAC, le Tribunal est convaincu qu’il existe une concurrence entre les pays visés eux-mêmes et entre les pays visés et les marchandises similaires pour d’autres produits de TSAC, et que Nova poursuit activement les ventes de tubes pour clôture dans cette région.

[94]  En outre, des éléments de preuve démontrent la concurrence entre les marchandises en question elles-mêmes et entre les marchandises en question et les marchandises similaires dans le Canada central [82] . M. Gravel indique dans sa déclaration de témoin que les marchandises provenant du Pakistan peuvent apparaître dans l’est du Canada par l’entremise de distributeurs [83] . De plus, des éléments de preuve démontrent qu’au moins un acheteur en Ontario a acheté des marchandises similaires produites au Canada et des marchandises en question provenant du Pakistan au cours de la période visée par l’enquête [84] .

[95]  En ce qui concerne l’argument de Hoa Phat selon lequel ses exportations ne devraient pas être cumulées, le Tribunal note que l’évaluation du Tribunal met l’accent sur les conditions de concurrence qui existent sur le marché canadien relativement aux marchandises en question provenant de chacun des pays visés [85] . Il ne s’agit pas d’une évaluation réalisée en fonction de chaque exportateur.

[96]  En résumé, le Tribunal est convaincu que les conditions de concurrence entre les marchandises en question elles-mêmes et entre les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada sont semblables, et qu’elles ne justifient pas le décumul des marchandises en question du Pakistan ou de Hoa Phat en l’espèce. Le Tribunal procédera donc à l’évaluation du dommage en se fondant sur les effets cumulatifs des marchandises en question sous-évaluées provenant du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam.

ANALYSE DE DOMMAGE

[97]  Le paragraphe 37.1(1) du Règlement prévoit que, pour déterminer si le dumping a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit tenir compte du volume des marchandises sous-évaluées, de leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché national et de leur incidence sur la situation de la branche de production nationale. Le paragraphe 37.1(3) exige également que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1), et si des facteurs autres que le dumping des marchandises ont causé un dommage.

Aperçu du marché canadien des TSAC

[98]  Il s’agit de la troisième enquête du Tribunal sur les TSAC depuis 2008. En août 2008, le Tribunal a rendu des conclusions concernant certains TSAC sous-évalués et subventionnés provenant de la Chine. En août 2013, le Tribunal a ordonné la prorogation de ces conclusions, et a entamé un deuxième réexamen relatif à l’expiration en mai 2018 [86] . En décembre 2012, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping de certains TSAC provenant du Taipei chinois, de la République de l’Inde (Inde), du Sultanat d’Oman, de la République de Corée, du Royaume de la Thaïlande et des Émirats arabes unis, et le subventionnement de certains TSAC provenant de l’Inde menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. En octobre 2018, le tribunal a ordonné la prorogation de cette conclusion.

[99]  Le marché canadien des TSAC est arrivé à maturité : la clientèle est connue et les possibilités de croissance tendent à être limitées. Bien que la demande ait augmenté au cours de la période visée par l’enquête, il est prévu qu’elle demeure relativement stable dans l’avenir prévisible [87] . La majorité des ventes au Canada sont conclues avec des distributeurs, dont plusieurs sont de grandes entreprises ayant des installations partout au Canada [88] . Ces entreprises fournissent un éventail complet de tubes, de raccords et de soupapes à des entrepreneurs dans les secteurs de la plomberie et du chauffage, et maintiennent des stocks de ces articles normalisés à proximité des marchés de consommation. Les distributeurs nationaux coordonnent souvent leurs activités d’approvisionnement, et achètent des volumes considérables de TSAC, puis les distribueront à leurs installations partout au Canada [89] .

[100]  Les TSAC faisant l’objet de la présente enquête sont offerts dans un grand éventail de spécifications. La plus commune est la norme ASTM A53, qui est considérée comme la plus haute qualité et les produits y correspondant servent en plomberie et dans le domaine du chauffage. D’autres applications des tuyaux normalisés incluent des tubes pour pilotis (ASTM A252), du tubage de puits d’eau (ASTM A589), la protection contre les incendies (ASTM A795 ou ASTM A53) et des tubes pour clôture (ASTM F1048 ou de qualité commerciale).

L’importance du prix dans les décisions d’achat

[101]  Tel que susmentionné, les TSAC sont un produit de base, et le prix est un facteur déterminant dans les décisions d’achat. Les marchandises les moins coûteuses gagnent habituellement la vente, sous réserve des exigences en matière de spécifications techniques et de qualité. Par exemple, M. Gravel de Nova a témoigné que, lorsque des marchandises sont égales en termes de qualité, de finition et de livraison, le prix est le facteur le plus important, c’est-à-dire que la personne qui offre le meilleur prix gagne généralement la vente [90] . De même, M. Byrne de Crane a témoigné que, lorsque des marchandises sont égales en termes de norme et de qualité, le facteur déterminant ultime pour tout acheteur est le prix (ou plus particulièrement, le coût rendu total) [91] .

[102]  Les acheteurs ont indiqué que les marchandises en question et les marchandises similaires produites au Canada sont comparables pour un certain nombre de facteurs qualitatifs. Les marchandises similaires produites au Canada présentent généralement un avantage relativement aux « délais et [aux] modalités de livraison ». Cependant, en ce qui concerne le prix, les acheteurs ont indiqué clairement que les marchandises en question avaient un avantage par rapport aux marchandises similaires [92] .

La transparence des prix sur le marché

[103]  Les prix des TSAC sont généralement cotés en utilisant un prix de base, plus les coûts additionnels d’articles à valeur ajoutée (ou « extras »), comme un enduit (par exemple, une galvanisation), une finition des extrémités (par exemple, des tubes cannelés par laminage ou filetés et manchonnés) et des épaisseurs ou diamètres divers [93] .

[104]  Dans la majorité des cas, les prix sont connus sur le marché des TSAC au Canada. En d’autres termes, le marché est transparent et les fournisseurs sont largement au courant des tendances en matière de prix et des offres des fournisseurs étrangers et nationaux. Par conséquent, lorsque des TSAC sont importés au Canada à bas prix, ces prix sont habituellement susceptibles d’avoir une incidence sur l’ensemble du marché national.

[105]  Lorsqu’il a commenté sur le niveau de transparence des prix sur le marché, M. Raza de Brampton a témoigné que « [j]e n’aurais pas de travail si je n’avais pas reçu ce type de renseignements sur le marché [de la part de ma clientèle] » [traduction] [94] . M. Abbas de IIL a confirmé que le rôle de M. Raza est de « garder [IIL] à jour sur ce qui se passe, qui achète quelles quantités, quelles sont les tendances des prix; ils augmentent, diminuent, ce qui arrive sur le marché, et cetera, et cetera » [traduction] [95] .

[106]  M. Gravel de Nova a noté dans sa déclaration de témoin que lorsqu’il communique avec des clients potentiels au nom de Nova, il a « des discussions fréquentes avec les clients à propos des prix et des offres d’importations » [traduction] [96] . Il a ajouté : « Je suis personnellement impliqué dans la planification et la stratégie de vente, y compris la collecte et l’analyse des renseignements commerciaux recueillis auprès de la clientèle, ainsi que dans la réponse à ces renseignements » [traduction] [97] . Par conséquent, il a expliqué que Nova est bien consciente des prix des importations sur le marché canadien et qu’elle doit y répondre en ajustant ses prix afin de rester concurrentielle.

[107]  C’est en gardant de contexte à l’esprit que le Tribunal entreprendra son analyse de dommage.

Volume des importations des marchandises sous-évaluées

[108]  Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal doit prendre en compte le volume des marchandises sous-évaluées et, plus particulièrement, doit déterminer s’il y a eu une augmentation marquée du volume soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à l’achat de marchandises similaires.

[109]  Nova soutient qu’il y a eu une augmentation importante du volume des importations de marchandises en question, tant en termes absolus que relativement aux ventes issues de la branche de production nationale. Le Tribunal note que le volume était déjà élevé avant cette augmentation, puisque les importations de marchandises en question étaient déjà très présentes sur le marché en 2015 [98] . À l’inverse, BMB a demandé que le Tribunal tienne compte des plus récentes données sur la période visée par l’enquête, qui montrent que le volume des importations de marchandises en question diminue.

[110]  Des éléments de preuve dont est saisi le Tribunal indiquent que le volume absolu des importations de marchandises en question a augmenté de 78 p. 100 en 2016 pour atteindre son point le plus élevé dans la période visée par l’enquête, avant de diminuer de 5 p. 100 en 2017 [99] . L’augmentation nette de 2015 à 2017 était de 69 p. 100, ce qui est important en termes absolus [100] . Le volume des importations de marchandises en question dans la période intermédiaire de 2018 était à la baisse de 9 p. 100, comparativement à la période intermédiaire de 2017 [101] . Les éléments de preuve indiquent que cela s’est probablement produit lorsque certains fournisseurs se sont tournés vers d’autres sources afin de réduire la potentielle imposition de droits en vertu de la LMSI, lorsque la présente enquête a commencé [102] . Malgré cette récente diminution, le volume des importations de marchandises en question à la fin de la période visée par l’enquête est demeuré sensiblement supérieur au volume observé au début de la même période [103] .

[111]  Le volume des importations de marchandises en question a augmenté relativement à la production nationale et à la consommation de marchandises similaires en 2016, puis a diminué en 2017. Cependant, les volumes relatifs observés en 2017 étaient bien supérieurs à ceux de 2015. La proportion de la production nationale a diminué dans la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017, tandis que la proportion de la consommation de marchandises similaires a légèrement augmenté entre ces deux périodes [104] .

[112]  Par conséquent, même s’il y a eu une certaine variation au cours de la période visée par l’enquête, le Tribunal conclut qu’il y a eu une augmentation importante tant du volume des importations de marchandises en question que relativement à la consommation et à la production nationale de marchandises similaires.

Effets des marchandises sous-évaluées sur les prix

[113]  Aux termes de l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si les marchandises sous-évaluées ont mené, de façon marquée, soit à la sous-cotation ou à la baisse du prix des marchandises similaires, soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui, par ailleurs, se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous-évaluées sur les prix et les effets sur les prix qui découlent d’autres facteurs.

Observations des parties

[114]  Nova soutient que les pays visés ont augmenté leur part de marché en offrant des TSAC à des prix qui ont mené à la sous-cotation croissante des prix nationaux. De plus, Nova affirme que cette sous-cotation l’a forcée à sensiblement réduire ses prix afin de vendre ses marchandises. Pour mettre en évidence ce facteur, Nova a renvoyé à plusieurs allégations portant sur des clients en particulier selon lesquelles les prix des importations de marchandises en question avaient mené, de façon marquée, à la sous-cotation du prix de ses marchandises. Nova prétend également que les importations de marchandises en question incluaient souvent des « extras » en termes de traitement de la surface ou de finition des extrémités à un coût minimal ou gratuitement pour les clients canadiens. Nova prétend également que les importations de marchandises en question ont mené à une baisse importante et à une compression considérable du prix des marchandises similaires. Les observations de Nova sont appuyées par Atlas et DFI.

[115]  En ce qui concerne les tendances des prix, Nova fait valoir que le Tribunal devrait centrer son analyse principalement sur les données recueillies sur les sept produits de référence [105] et les ventes réalisées auprès de clients en particulier, et non sur les valeurs unitaires moyennes du marché, étant donné que les marchandises en question et les marchandises similaires comportent toutes deux un éventail de produits pour lesquels le coût et le prix varient sensiblement en fonction d’un produit particulier. Nova note également que les prix de référence et particuliers à un client sont présentés de façon trimestrielle, laquelle est plus détaillée, plutôt que de façon annuelle. En outre, Nova soutient que les prix unitaires moyens du marché pour les marchandises du Vietnam incluent une proportion importante de produits à prix élevés, puisqu’un des importateurs pertinents n’a importé que des tubes galvanisés au cours de la période visée par l’enquête.

[116]  IIL prétend que la branche de production nationale n’a pas subi un dommage sensible et que tout dommage subi par la branche de production nationale était le résultat d’autres facteurs, et non pas des marchandises en question. IIL soutient qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’il y a eu une sous-cotation des prix de vente moyens. ILL soutient également que les deux allégations portant sur des clients en particulier, pertinents pour IIL, ne présentent pas d’éléments de preuve indiquant une sous-cotation des prix puisque Nova n’a jamais tenté de participer à aucun de ces deux échanges. En ce qui concerne la baisse alléguée des prix, IIL soutient que la comparaison de Nova entre les prix de vente de la branche de production nationale et le prix des produits de référence des États-Unis ne tient pas compte des différences importantes en matière d’offre et de demande entre les deux pays, y compris les réponses du marché américain à l’imposition d’abord prévue puis actuelle de tarifs en vertu de l’article 232. IIL prétend également que le prétendu « resserrement des marges de profit » allégué par Nova diminue depuis 2017, étant donné que les augmentations des prix de vente de Nova sont plus marquées que ses coûts de matières directes et ses coût de marchandises vendues.

[117]  BMB soutient qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la compression alléguée des prix et les importations de marchandises en question en 2017, notant que la branche de production nationale avait choisi de réduire ses prix, et ce, même lorsque les prix des importations (de marchandises visées et non visées) augmentaient et que le marché s’élargissait.

[118]  Comme Nova, BMB soutient que les données sur les prix moyens n’établissent pas de comparaisons pertinentes en l’espèce, car elles portent sur un éventail de produits dont les prix varient largement. Cependant, elle prétend également qu’il en va de même pour les données sur le niveau commercial et les données relatives aux prix offerts à des clients en particulier. En outre, BMB soutient que les données sur les produits de référence en l’espèce sont peu utiles, car elles ne font pas de distinction en fonction de la finition des extrémités (c’est-à-dire lisses ou filetées et manchonnées).

Analyse du Tribunal

  L’utilité de l’utilisation de valeurs unitaires moyennes du marché

[119]  Tel que susmentionné, Nova et BMB prétendent que les prix moyens ne sont pas la meilleure mesure pour évaluer la sous-cotation des prix dans le cadre de la présente enquête. Le Tribunal est d’accord. Les marchandises en question et les marchandises similaires comprennent une combinaison de produits de différents enduits, nuances, épaisseurs et autres, dont le prix varie en fonction des divers « ajouts » (par exemple, une finition galvanisée) qui s’appliquent au prix de base [106] .

[120]  Dans TSAC NQ 2008, le Tribunal a indiqué que « la combinaison de produits, c.-à-d. la gamme de produits ainsi que les dimensions et les types des produits, peut être un facteur dans la comparaison entre les prix de vente moyens des marchandises similaires et ceux des marchandises en question. Les différences dans la combinaison de produits peuvent masquer la véritable différence de prix entre des produits comparables. » [107] En outre, le Tribunal a également observé dans TSAC NQ 2012 que certaines différences de combinaison de produits entre les marchandises en question et les marchandises similaires pourraient mener à des prix moyens plus élevés, ce qui pourrait occulter l’étendue des effets des marchandises en question sur les prix [108] . Par conséquent, dans les deux affaires, le Tribunal a jugé que les renseignements sur les produits de référence fournissaient le fondement le plus fiable ou analogue pour comparer les prix.

[121]  En l’espèce, les importations de marchandises en question contenaient une proportion supérieure de TSAC fabriqués selon la norme de spécification ASTM A53, et une proportion supérieure de TSAC galvanisés, contrairement à noirs, comparativement aux marchandises similaires produites au Canada. Étant donné que la norme ASTM A53 est une spécification supérieure qui exige normalement un prix plus élevé et que les TSAC galvanisés exigent également un prix supérieur à celui des TSAC noirs, les prix moyens des marchandises en question semblent être pondérés vers des produits plus coûteux, comparativement aux prix moyens des marchandises similaires [109] . De plus, tel que susmentionné, les marchandises similaires produites au Canada incluent une proportion de produits déclassés ou « de deuxième qualité » qui entraînent un prix de vente moyen inférieur, et aucun élément de preuve ne démontre que des produits déclassés se retrouvent dans les marchandises en question. Étant donné cette combinaison de produits, l’étendue des effets des marchandises en question sur les prix des marchandises produites au Canada pourrait être dissimulée par ces chiffres moyens.

[122]  Par conséquent, dans son analyse, le Tribunal s’est appuyé davantage sur les données relatives aux produits de référence. Il a recueilli des données sur sept produits de référence de diverses spécifications (c’est-à-dire la norme ASTM A53 ou de qualité commerciale), finitions (c’est-à-dire noir ou galvanisé) et tailles (c’est-à-dire d’un à quatre pouces ou six pouces) de marchandises similaires et de marchandises en question [110] . Ensemble, ces produits représentent une part raisonnable des ventes de marchandises produites au Canada et importées, particulièrement des importations de marchandises en question, même si des comparaisons significatives ne peuvent être faites entre les marchandises similaires et les marchandises en question à l’égard de tous les produits de référence [111] . Notamment, les produits de référence no 1, 2, 4 et 7 constituaient plus des deux tiers des ventes de marchandises produites au Canada, des importations et des ventes d’importations en 2017 [112] .

  Le prix d’achat par rapport au prix de vente

[123]  Tel que susmentionné, Nova soutient aussi que ni les prix de vente moyens du marché ni les prix de vente moyens des produits de référence estimés pour le Vietnam ne sont adéquatement comparables aux prix de vente de Nova, étant donné que ces prix comprennent ceux d’un importateur qui est également un client de Nova. De l’avis de Nova, elle fait concurrence au producteur étranger lorsque cet importateur choisit d’importer des marchandises en question plutôt que d’acheter à Nova.

[124]  En outre, Atlas et DFI soutiennent toutes deux que le Tribunal devrait comparer les prix d’achat des importations de tous les importateurs et les prix de vente des producteurs nationaux. De l’avis d’Atlas, c’est le prix des importations qui fait concurrence aux prix des producteurs nationaux.

[125]  Aucune observation sur cette question n’a été reçue de la part des parties adverses.

[126]  Habituellement, le Tribunal commence son évaluation des effets sur les prix en prenant pour hypothèse que les producteurs nationaux sont en concurrence avec les importateurs au premier niveau de vente sur le marché national, c’est-à-dire au niveau de la première vente faite par un importateur-distributeur à un autre distributeur ou à un utilisateur final [113] . Cependant, le Tribunal a déjà conclu dans le passé que, lorsque les producteurs nationaux sont en concurrence directe avec des producteurs étrangers pour la vente à des distributeurs qui, eux aussi, importent directement des marchandises en question, il est raisonnable pour le Tribunal d’utiliser les prix d’achat de ces importateurs-distributeurs plutôt que les prix de vente de ceux-ci dans son évaluation de la sous-cotation des prix [114] .

[127]  En l’espèce, six des neuf importateurs se sont déclarés distributeurs [115] . De plus, une part importante des ventes de la branche de production nationale ont été faites à des distributeurs [116] . Puisque ces distributeurs peuvent choisir d’importer des TSAC de producteurs étrangers ou d’acheter à la branche de production nationale, le Tribunal conclut qu’il est raisonnable de tenir compte du fait que les prix d’achat des importateurs-distributeurs reflètent correctement le niveau de concurrence auquel est confrontée la branche de production nationale, du moins à l’égard d’une part considérable du marché [117] .

[128]  Compte tenu de ce qui précède, dans son analyse de la sous-cotation des prix, le Tribunal a comparé les prix de vente de marchandises similaires produites au Canada au prix d’achat ainsi qu’au prix de vente des marchandises en question [118] .

  Sous-cotation des prix

[129]  Le prix d’achat moyen des importations de marchandises en question a mené à la sous-cotation du prix de vente moyen des marchandises similaires produites au Canada au cours de chaque année complète de la période visée par l’enquête, bien que cette sous-cotation, de 3 p. 100, n’ait pas été significative en 2017. Aucune sous-cotation n’a été identifiée au cours de la période intermédiaire de 2018. La comparaison aux importations de marchandises non visées était similaire [119] .

[130]  Les résultats diffèrent lorsque le prix de vente des importations de marchandises en question est examiné. Le prix moyen des marchandises en question était, de façon significative, supérieur au prix moyen des marchandises similaires produites au Canada pendant chaque période visée par l’enquête. Bien qu’il ait été conclu que le prix moyen de marchandises non visées ait mené à la sous-cotation des marchandises similaires, cette situation ne s’est produite qu’en 2015 et en 2016. En outre, la sous-cotation observée en 2015 n’a pas été jugée comme significative [120] .

[131]  En ce qui concerne les ventes aux distributeurs, le prix moyen des marchandises en question a mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires en 2016 seulement [121] . En ce qui concerne les ventes aux utilisateurs finaux, le prix moyen des marchandises en question a mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires en 2017 seulement, mais pas d’un montant important [122] .

[132]  En ce qui concerne les comptes communs, les ventes de marchandises en question ont mené à la sous-cotation des prix de vente des marchandises similaires dans les quatre cas où les deux types de marchandises ont été vendus à ces comptes [123] .

[133]  Lorsque le prix de vente moyen des marchandises en question de référence est examiné, les marchandises en question ont mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires dans les 28 cas où les deux types de marchandises ont été vendus sur le marché apparent. Le pourcentage de la sous-cotation variait de 9 p. 100 à 44 p. 100. Si l’on considère les importations de marchandises non visées, le prix d’achat moyen de ces importations a mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires dans 31 cas sur 32 où les deux types de marchandises ont été vendus sur le marché apparent. Le pourcentage de la sous-cotation variait de 1 p. 100 à 29 p. 100 [124] .

[134]  Lorsque le prix de vente moyen des marchandises en question de référence est examiné, il y avait certains cas où les marchandises en question avaient un prix plus élevé que les marchandises similaires produites au Canada [125] . Néanmoins, les marchandises en question ont tout de même mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires dans 21 cas sur 28, lorsque les deux types de marchandises étaient vendus sur le marché apparent. Le pourcentage de la sous-cotation variait de moins de 1 p. 100 à 35 p. 100, avec une sous-cotation considérable au cours de la période visée par l’enquête pour quatre des six [126] produits. Si l’on considère les importations de marchandises non visées, le prix de vente moyen de ces marchandises a mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires dans 25 cas sur 32 où les deux types de marchandises ont été vendus sur le marché apparent. Le pourcentage de la sous-cotation variait de 2 p. 100 à 22 p. 100 [127] .

[135]  En ce qui concerne l’allégation de Nova selon laquelle les importations des pays visés comportent souvent des « extras » en termes de traitement de surface ou de finition des extrémités à un coût moindre, ou gratuitement, pour les clients canadiens, le Tribunal ne considère pas qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour valider cette allégation, notant que M. Abbas d’IIL a témoigné que « [l]es prix sont essentiellement fondés sur les prix des BLC que nous obtenons [...], puis notre coût de conversion et une certaine marge de profits que nous aimerions obtenir » [traduction] [128] . M. Byrne de Crane a également témoigné à huis clos sur cette question [129] .

[136]  M. Gravel de Nova a parlé d’allégations particulières de pertes de vente dans sa déclaration de témoin afin de démontrer la sous-cotation qui avait eu lieu relativement à des transactions particulières. Nonobstant qu’IIL conteste deux de ces allégations, le Tribunal conclut qu’il y avait un certain nombre de cas où les producteurs nationaux ont perdu des ventes au profit de marchandises en question moins coûteuses, ce qui corrobore les éléments de preuve quant à la sous-cotation des prix observée dans le rapport d’enquête [130] .

[137]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont mené, de façon marquée, à une sous cotation des prix sur toute la période visée par l’enquête.

  Baisse des prix

[138]  Le prix de vente moyen des marchandises similaires produites au Canada a baissé en 2016 pour ensuite augmenter légèrement en 2017, menant à une baisse générale de 6 p. 100 entre 2015 et 2017. Cette baisse a coïncidé avec une diminution de 2 p. 100 du prix moyen des marchandises en question [131] . Entre les périodes intermédiaires de 2017 et de 2018, le prix de vente moyen de marchandises similaires produites au Canada et des marchandises en question a augmenté de 15 p. 100 [132] .

[139]  En ce qui concerne les ventes aux distributeurs, le prix de vente moyen des marchandises similaires produites au Canada a baissé en 2016 et en 2017, menant à une baisse générale de 9 p. 100 entre 2015 et 2017. Cette baisse a coïncidé avec une augmentation de 1 p. 100 du prix moyen des marchandises en question [133] . Entre les périodes intermédiaires de 2017 et de 2018, le prix de vente moyen de marchandises similaires produites au Canada et des marchandises en question a augmenté de 15 p. 100 et de 11 p. 100, respectivement [134] .

[140]  En ce qui concerne les ventes aux utilisateurs finaux, le prix de vente moyen des marchandises similaires produites au Canada a baissé en 2016 pour ensuite augmenter en 2017, menant à une augmentation générale de 7 p. 100 entre 2015 et 2017. Cette augmentation a coïncidé avec une diminution de 23 p. 100 du prix moyen des marchandises en question [135] . Entre les périodes intermédiaires de 2017 et de 2018, le prix de vente moyen de marchandises similaires produites au Canada et des marchandises en question a augmenté de 9 p. 100 et de 33 p. 100, respectivement [136] .

[141]  Il n’y avait qu’un compte commun à partir duquel il était possible de faire des comparaisons entre les marchandises en question et les marchandises similaires. En ce qui concerne ce compte, les prix trimestriels des marchandises similaires ont fluctué au cours des trimestres, et il y a eu une augmentation générale autour de 11 p. 100. Les prix des marchandises en question ont également fluctué, et il y a eu des augmentations générales autour de 12 p. 100 [137] .

[142]  En ce qui concerne les produits de référence, les données sur les prix montrent que les prix de vente des marchandises en question et des marchandises similaires ont fluctué, parfois de façon significative, au cours des trimestres. En général, les prix des marchandises similaires ont augmenté au cours de la période examinée pour les cinq produits de référence vendus par la branche de production nationale, variant de moins de 1 p. 100 à 31 p. 100. Inversement, les prix des marchandises en question ont diminué au cours de la période examinée pour trois produits de référence vendus, variant de 1 p. 100 à 4 p. 100, tandis que les prix de deux produits ont augmenté de 15 p. 100 et 29 p. 100, respectivement [138] .

[143]  Nova a fourni des exemples, dans ses allégations portant sur des clients en particulier, de cas où elle avait dû baisser ses prix pour obtenir des ventes, ce qui est appuyé par les éléments de preuve et le témoignage de M. Gravel [139] .

[144]  Nova affirme également que les différences croissantes entre le prix au comptant dans le Midwest américain et le prix des TSAC au Canada (qui se sont historiquement suivi de près) sont un autre exemple montrant que les prix ont constamment diminué au cours de la période visée par l’enquête. IIL réplique que cette analyse omet de tenir compte des différences importantes en matière d’approvisionnement et de demande entre les marchés américain et canadien. Le Tribunal s’est déjà appuyé sur les prix au comptant dans le Midwest américain dans son analyse de l’incidence des prix [140] . Cependant, la pertinence et la fiabilité de ces prix au comptant n’ont été que peu abordées au cours des présentes procédures, et le Tribunal n’est pas en position de confirmer que ces données offrent une comparaison fiable ou pertinente en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal n’a pas tenu compte de ces données pour prendre sa décision [141] .

[145]  Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure qu’il y a eu une baisse importante des prix au cours de la période visée par l’enquête. Une légère baisse des prix est évidente dans les prix moyens et au niveau des distributeurs entre 2015 et 2017. Cependant, le Tribunal est d’avis que l’augmentation des prix des produits de référence et des comptes communs l’empêche de conclure à une baisse importante des prix en l’espèce.

  Compression des prix

[146]  Pour évaluer si le prix des marchandises en question a comprimé le prix des marchandises similaires, le Tribunal compare habituellement le coût unitaire moyen des marchandises fabriquées ou celui des marchandises vendues de la branche de production nationale avec sa valeur de vente unitaire moyenne sur le marché national pour déterminer si la branche de production nationale a été en mesure d’augmenter les prix de vente en fonction des augmentations des coûts. Cependant, le Tribunal peut aussi examiner de façon plus générale si les marchandises en question ont, de façon marquée, mené « à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises » [142] .

[147]  Le coût annuel des marchandises fabriquées et le coût annuel des marchandises vendues de la branche de production nationale (en termes de dollars par tonne) ont augmenté de 2015 à 2017, alors que son prix de vente unitaire a également augmenté au cours de la même période, mais à un niveau moindre. Entre les périodes intermédiaires de 2017 et de 2018, le coût des marchandises vendues et le coût des marchandises fabriquées dans la branche de production nationale ont augmenté, et la valeur unitaire a augmenté de façon plus marquée [143] .

[148]  Le fait que les prix de vente aient augmenté de façon plus marquée que le coût des marchandises vendues et le coût des marchandises fabriquées au cours de la période intermédiaire de 2018 n’empêche pas de conclure que la compression était évidente en 2017. Par conséquent, la branche de production nationale a été incapable d’augmenter ses prix pour compenser le coût croissant des marchandises vendues et le coût croissant des marchandises fabriquées cette année-là, ce que les entreprises seraient habituellement en mesure de faire dans un marché stable.

[149]  En réponse à l’allégation de Nova selon laquelle les prix des TSAC au Canada n’ont pas augmenté au même rythme que le coût des BLC, IIL soutient que Nova a choisi d’utiliser des BLC de l’Amérique du Nord, qui sont, depuis quelques années, les plus coûteuses au monde. BMB a fait une observation similaire. IIL reconnaît que, bien que Nova ait été parfaitement en droit de faire ce choix, elle ne peut pas ensuite blâmer les importations de marchandises en question lorsque les produits obtenus ne sont pas concurrentiels sur le plan des coûts. Selon IIL, le fait de ne pas être concurrentiel sur le plan des coûts n’indique pas qu’il y a compression des prix.

[150]  En réponse, Nova prétend que rien n’indique qu’elle aurait accès aux prix offerts à IIL et à BMB pour des BLC, et que les prix théoriquement offerts qui ont été soumis par ces parties pour des nuances non spécifiées ne tenaient pas compte des coûts de transport et d’autres coûts ou facteurs de risque. Nova soutient également qu’il y a actuellement des mesures en vigueur au Canada contre les BLC de sources importantes d’exportation. Finalement, selon Nova, il existe plusieurs facteurs (en plus du prix) qui déterminent le coût total des BLC, y compris les délais de production, les coûts de livraison et de logistique, et le risque accru associé à l’achat d’un produit étranger.

[151]  Le témoignage de M. Jones a confirmé que Nova surveille constamment ses prix de BLC sur le marché. De plus, puisqu’elle est le plus grand acheteur de BLC au Canada, Nova a un pouvoir d’achat suffisant pour négocier le meilleur prix d’achat possible [144] . M. Jones a également témoigné que Nova avait importé des BLC de la Turquie en 2016, mais en ce qui concerne les offres plus récentes, a conclu que, bien que les BLC de la Turquie puissent avoir été à un prix inférieur, le coût total pour Nova serait supérieur une fois d’autres coûts et facteurs qualitatifs pris en compte [145] . Il a expliqué qu’il est difficile de prendre des décisions d’acheter en grandes quantités lorsqu’il y a des retards de livraison sur un marché instable, étant donné que le prix peut ne plus être aussi avantageux au moment où les BLC arrivent finalement. Il a également expliqué que Nova a développé des nuances spéciales en collaboration avec ses fournisseurs nationaux de BLC au Canada, lesquels aident Nova à enrouler les tubes plus rapidement et à produire des tubes de meilleure qualité, et où tout problème peut être réglé auprès du fournisseur le jour suivant [146] .

[152]  La LMSI n’oblige pas un producteur national de renoncer à des intrants nationaux, et le Tribunal a récemment conclu que la décision de la branche de production nationale d’acheter des intrants de l’Amérique du Nord n’était pas une cause de dommage, en partie parce que ces intrants ont été achetés dans le cadre de négociations indépendantes et que les prix payés pour ces intrants étaient conformes aux tendances mondiales, bien qu’ils aient été supérieurs à ceux d’autres parties du monde [147] . En outre, le Tribunal accepte qu’il y ait certains avantages pour les entreprises à obtenir des matières premières localement ou dans un marché géographiquement près. Finalement, des mesures sont en vigueur au Canada visant les BLC d’un certain nombre de pays, ce qui pourrait avoir une incidence sur le prix auquel des importations de certaines BLC seraient disponibles au Canada [148] . Le Tribunal note également que les prix des BLC dans d’autres régions ont aussi augmenté en 2017 et que, à la période intermédiaire de 2018, la différence des prix des BLC et la moyenne des prix dans d’autres régions n’étaient pas aussi importantes, comparativement aux années antérieures [149] . Par conséquent, le Tribunal conclut que les décisions en matière d’approvisionnement en BLC de la branche de production nationale n’étaient pas une cause de dommage en l’espèce.

[153]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les volumes élevés de marchandises en question sur le marché national en 2016 et en 2017, qui ont mené à une sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires produites au Canada, ont empêché la branche de production nationale d’augmenter ses prix pour compenser la hausse des coûts des marchandises fabriquées et des coûts des marchandises vendues en 2017.

  Résumé

[154]  Le Tribunal conclut que les marchandises en question ont mené, de façon marquée, à une sous-cotation et à une compression des prix des marchandises similaires produites au Canada au cours de la période visée par l’enquête.

Incidence sur la branche de production nationale

[155]  L’alinéa 37.1(1)c) du Règlement fournit une liste non-exhaustive de facteurs dont le Tribunal peut tenir compte, tel que l’incidence des marchandises sous-évaluées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur la situation de la branche de production nationale [150] . Cette incidence doit être distinguée d’autres facteurs ayant aussi une incidence sur la branche de production nationale [151] . Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit considérer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, le retard ou la menace de dommage en fonction du volume, des effets sur les prix des marchandises sous-évaluées et de leur incidence sur la branche de production nationale.

Observations des parties

[156]  Nova soutient que les marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale sous forme d’une production réduite et de taux d’utilisation de la capacité moindres, de pertes de ventes et de la part de marché, d’une détérioration des résultats financiers et d’une nuisance aux nouveaux projets d’investissement. Notamment, Nova prétend qu’il y a une corrélation directe entre le volume croissant des importations de marchandises en question et la diminution de la part de marché et du rendement financier de Nova. Nova prétend également qu’il y a eu une certaine reprise à partir de la période intermédiaire de 2018, au fur et à mesure que le marché a pris connaissance de la présente enquête.

[157]  Les Métallos soutiennent que les volumes croissants de marchandises en question au cours de la période visée par l’enquête ont causé à la branche de production nationale des pertes de ventes et une diminution de ses volumes de production, et que ces pertes ont mené à des réductions de l’emploi, des heures travaillées, des salaires et des prestations de retraite, et ont eu des conséquences négatives sur leurs membres.

[158]  Atlas soutient la position de Nova que des conclusions de dommage ou de menace de dommage devraient être rendues en l’espèce. DFI soutient également les observations de Nova, notant que des volumes importants de marchandises en question ont constitué une part marquée du marché, causant ainsi un dommage à la branche de production nationale, particulièrement sous forme de volumes de production réduits et d’une marge de profits moindre.

[159]  IIL soutient que pour presque tous les facteurs de dommage pertinents, la branche de production nationale n’a subi aucun effet préjudiciable. IIL soutient également que, dans la mesure où la branche de production nationale a subi un dommage, tout dommage découlait d’autres facteurs, et non des marchandises en question. Hoa Phat soutient que, après un examen attentif, les éléments de preuve de la branche de production nationale et les renseignements contenus dans le rapport d’enquête ne corroborent pas des éléments de preuve convaincants et affirmatifs établissant que les importations de marchandises en question ont causé un dommage. BMB soutient que les éléments de preuve dont est saisi le Tribunal ne soutiennent pas des conclusions selon lesquelles les importations de marchandises en question ont causé un dommage sensible à l’ensemble de la branche de production nationale.

Analyse du Tribunal

[160]  Les ventes nationales de la production nationale ont diminué de 5 p. 100 en 2016 et ont augmenté de 25 p. 100 en 2017, pour une augmentation générale de 18 p. 100 de 2015 à 2017. Cette augmentation générale des ventes nationales a également coïncidé avec une augmentation de 33 p. 100 de l’ensemble du marché apparent. Parallèlement, les ventes d’importations de marchandises en question ont augmenté de façon marquée (de 78 p. 100) en 2016 et ont diminué de 5 p. 100 en 2017, pour une augmentation générale de 69 p. 100. Les ventes d’importations de marchandises non visées ont diminué en 2016 et ont augmenté en 2017, pour une augmentation générale de 19 p. 100, et les importations de pays autres que les États-Unis constituaient le principal moteur de l’augmentation en 2017 [152] .

[161]  Les ventes nationales de la production nationale ont diminué de 10 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. Les ventes de marchandises en question ont également diminué de 9 p. 100 entre ces deux périodes, tandis que les ventes d’importations de marchandises non visées ont augmenté de façon marquée; les pays autres que les États-Unis constituaient aussi le principal moteur de cette augmentation. L’ensemble du marché apparent a augmenté de 6 p. 100 au cours de cette période [153] . La connaissance de l’existence du présent dossier de recours commerciaux peut avoir contribué à la diminution des importations de marchandises en question au cours de la période intermédiaire de 2018, tel que décrit par M. Byrne de Crane [154] .

[162]  Les ventes aux distributeurs recensées ont augmenté de 34 p. 100 de 2015 à 2017. Les ventes de la production nationale aux distributeurs ont augmenté de 1 p. 100 de 2015 à 2016 et ont augmenté de 23 p. 100 en 2017, pour une augmentation générale de 25 p. 100 de 2015 à 2017. Les ventes de la production nationale aux distributeurs ont diminué de 14 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. Les ventes de marchandises en question à des distributeurs ont augmenté chaque année, pour une augmentation générale de 60 p. 100, tandis que les ventes d’importations de marchandises non visées de pays autres que les États-Unis ont diminués en 2016 et ont augmenté en 2017, avant d’augmenter entre les deux périodes intermédiaires. Tel que susmentionné, la majorité des ventes des répondants au questionnaire ont été réalisées auprès de distributeurs, et non directement à des utilisateurs finaux [155] .

[163]  Les ventes de la production nationale aux utilisateurs finaux ont diminué de 30 p. 100 en 2016 et ont augmenté de 36 p. 100 en 2017, pour une diminution générale de 5 p. 100 de 2015 à 2017. Les ventes aux utilisateurs finaux ont augmenté de 14 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. Les ventes de marchandises en question aux utilisateurs finaux étaient considérables en 2016, mais elles étaient autrement très basses. Les ventes de marchandises non visées de pays autres que les États-Unis étaient très basses en 2015 et en 2016, et ont augmenté de façon marquée en 2017 et entre les deux périodes intermédiaires [156] .

[164]  La branche de production nationale a perdu une partie de sa part de marché au cours de la période visée par l’enquête. La part de marché apparent attribuable aux ventes de la production nationale a diminué de trois points de pourcentage en 2016 et a été maintenue en 2017. Elle a diminué de six points de pourcentage au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017, mais est demeurée stable par rapport à l’ensemble de l’année 2017 [157] .

[165]  Parallèlement, la part de marché des marchandises en question a augmenté de 19 points de pourcentage en 2016 et a diminué de 12 points de pourcentage en 2017, pour demeurer sensiblement supérieure aux niveaux de 2015. La part de marché des importations de marchandises non visées de pays autre que les États-Unis a diminué de 7 points de pourcentage en 2016 et a augmenté de 11 points de pourcentage en 2017. Les États-Unis ont perdu de leur part de marché de 2015 à 2017. Entre les deux périodes intermédiaires, la part de marché des marchandises en question a diminué de 5 points de pourcentage (tout en restant au-dessus des niveaux de 2015), tandis que la part de marché des marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis a augmenté pour atteindre son point le plus élevé au cours de la période visée par l’enquête, devenant similaire à celle des importations de marchandises en question [158] . Tel que susmentionné, la prise de connaissance de l’existence du présent dossier de recours commerciaux par le marché peut avoir contribué à l’augmentation des importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis.

[166]  Un examen des ventes aux distributeurs révèle également que la branche de production nationale a perdu de sa part de marché au cours de la période visée par l’enquête, bien que les tendances soient quelque peu différentes. La branche de production nationale a gagné un point de pourcentage de part de marché en 2016 et a perdu quatre points de pourcentage en 2017. Sa part de ces ventes est demeurée stable au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017 [159] . Les marchandises en question ont gagné trois points de pourcentage en 2016 et deux autres points de pourcentage en 2017. La part des marchandises en question a diminué de six points de pourcentage au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. Les importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis ont également augmenté leur part dans ce segment au cours de la période visée par l’enquête, mais ont conservé une plus petite part que les marchandises en question [160] . Encore une fois, les ventes aux distributeurs représentent le segment du marché le plus important; ce segment est aussi celui où les ventes de marchandises en question sont le plus fortement concentrées [161] .

[167]  Les volumes de ventes perdues de la branche de production nationale et la part de marché réduite sont confirmés par les déclarations de témoins et leur témoignage. M. Gravel et M. Cannon de Nova ont tous deux indiqué que Nova a perdu des ventes en raison d’une augmentation marquée du volume de marchandises en question à des prix inférieurs à ceux de Nova de 2015 à 2017 [162] . Dans certains segments du marché, comme celui des clôtures, M. Gravel a affirmé que bien souvent on ne lui a pas donné la chance de soumissionner en raison des différences marquées entre les prix de Nova et ceux des marchandises en question [163] . À huis clos, M. Jones, de Nova, a discuté des changements dans le comportement d’achat des distributeurs qui achètent une combinaison de marchandises similaires produites au Canada et de marchandises en question [164] . Le Tribunal a également entendu un témoignage à huis clos sur l’achat de quantités considérables de marchandises en question par Crane en 2016 et la manière dont cet achat aurait pu avoir une incidence sur les volumes des ventes de la branche de production nationale au cours de la même année [165] .

[168]  Pris ensemble, le Tribunal a conclu que les éléments de preuve indiquent qu’en 2016, les marchandises en question ont capturé des ventes et ont gagné une part de marché aux dépens de la branche de production nationale. De plus, la présence continue de volumes importants de marchandises en question à prix moindres en 2017 et au cours de la période intermédiaire de 2018 a empêché la branche de production nationale d’augmenter suffisamment ses ventes pour reprendre la part de marché qu’elle avait perdu au profit des marchandises en question, même si le marché a accru [166] . Les importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis ont vraisemblablement aussi contribué à l’impossibilité pour la branche de production nationale de se reprendre en 2017 et au cours de la période intermédiaire de 2018, quoique dans une moindre mesure. Par conséquent, le Tribunal conclut que la branche de production nationale aurait vraisemblablement obtenu des volumes de vente et une part de marché plus élevés si ce n’était des volumes importants de marchandises en question sur le marché et de la sous-cotation marquée qui a eu lieu au cours de la période visée par l’enquête.

[169]  Le Tribunal conclut également que les marchandises en question ont eu une incidence sur les volumes de production de la branche de production nationale. Les volumes de la production totale de la branche de production nationale ont augmenté de 10 p. 100 en 2016 et d’un autre 15 p. 100 en 2017, pour une augmentation générale de 26 p. 100 de 2015 à 2017 [167] . La production totale a diminué de 3 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017 [168] . Cependant, la part de production nationale aux fins de consommation au Canada de la branche de production nationale a diminué de 2015 à 2017 [169] . De plus, malgré les ventes de produits déclassés d’Evraz sur le marché canadien, la production de produits de premier ordre aux fins de ventes nationales a diminué de 6 p. 100 de 2015 à 2017 [170] . Ce déclin a coïncidé avec une augmentation de 69 p. 100 du volume des importations de marchandises en question et une augmentation de 64 p. 100 du volume des importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis de 2015 à 2017 [171] . Par conséquent, une partie importante de cette perte de production est attribuable aux marchandises en question.

[170]  La production aux fins de ventes nationales de la branche de production nationale a diminué de 2 p. 100 supplémentaires au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017, mais cette diminution ne semble pas liée aux importations de marchandises en question, qui ont diminué de 9 p. 100 à ce même moment, car les fournisseurs cherchaient de nouvelles sources pour éviter les droits imposés en vertu de la LMSI. Les importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis ont augmenté de 76 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018. De même, la productivité en tonnes par employé a augmenté de 2015 à 2017. La productivité en tonnes par heure travaillée est demeurée relativement stable de 2015 à 2017 [172] . De plus, les données montrent que le volume des inventaires de la branche de production nationale a diminué au cours de la période visée par l’enquête, et aucun inventaire n’a été rapporté en réponse au questionnaire à l’intention des importateurs [173] . Parallèlement, la branche de production nationale a fait des investissements au cours de la période visée par l’enquête. La valeur de ces investissements a diminué en 2016, a augmenté en 2017 et il était prévu qu’elle augmenterait en 2018 au-delà des niveaux de 2015 [174] . Dans sa déclaration de témoin et à l’audience, M. Jones a expliqué que, depuis les conclusions dans TSAC NQ 2012, Nova avait réinvesti ses profits dans son entreprise. Ces investissements incluaient la rénovation d’un édifice et l’installation d’une nouvelle ligne [175] .

[171]  Néanmoins, en plus de l’incidence sur les extrants observée avant la période intermédiaire de 2018, l’incidence des marchandises en question peut également être observée dans les taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale [176] . Ces taux étaient très faibles tout au long de la période visée par l’enquête, aussi bien en matière de production destinée aux ventes nationales que de production destinée aux ventes à l’exportation. L’utilisation de la capacité aurait vraisemblablement été supérieure si ce n’avait été de la production réduite causée par les marchandises en question de 2015 à 2017.

[172]  Le nombre d’emplois directs et indirects est demeuré relativement stable de 2015 à 2017, et a augmenté au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. Les heures travaillées et les salaires versés, directement et indirectement, ont augmenté en 2016, diminué en 2017 et augmenté entre les deux périodes intermédiaires [177] .

[173]  Cela étant dit, plus récemment, les marchandises en question ont commencé à avoir une incidence négative sur les travailleurs de la branche de production nationale. M. Duhamel et M. Rowlinson ont expliqué que pour la première fois depuis sa création, Nova a soulevé la question de mises à pied possibles auprès des membres du syndicat [178] . Jusqu’à maintenant, Nova a délibérément choisi de retenir sa main-d’œuvre, car, selon M. Jones, « quand vous avez des personnes là, intéressées à travailler dans l’usine, et qui sont bien formées, vous faites tout ce que vous pouvez pour les retenir » [traduction] [179] . Néanmoins, Nova a pris des mesures, mis à part les mises à pied, qui ont eu une incidence sur ses employés. Des discussions ont été tenues entre les Métallos et Nova à propos d’ententes de partage d’emplois [180] , de mises à pied volontaires et de transferts temporaires à d’autres usines de Nova. Il y a eu aussi une incidence sur les plus récentes négociations collectives. Bien que le Tribunal reconnaisse que ces événements ont principalement eu lieu en dehors de la période visée par l’enquête, ce témoignage souligne l’incidence négative que les marchandises en question ont eue et pourraient continuer d’avoir en l’absence d’une conclusion de dommage ou de menace de dommage.

[174]  Les résultats financiers des ventes nationales de la branche de production nationale montrent que son rendement s’est détérioré depuis 2015. La valeur nette des ventes de la production nationale de la branche de production nationale, en tonnes, a diminué en 2016 et a augmenté en 2017. Parallèlement, les marges bénéficiaires brutes et les revenus nets ont diminué de façon marquée au cours de chaque année complète de la période visée par l’enquête [181] . Par exemple, M. Cannon de Nova a indiqué que, depuis 2015, cette période est difficile. Il a souligné la rentabilité minime de Nova en 2016 et a expliqué que l’entreprise n’a jamais eu un aussi bon rendement depuis [182] . Le rendement des ventes d’exportations de la branche de production nationale montre des résultats plus favorables [183] .

[175]  Les volumes importants de marchandises en question présents sur le marché en 2016 et en 2017 ont sans aucun doute contribué aux baisses des marges bénéficiaires brutes et des revenus nets de la branche de production nationale en 2016, lesquels ont été aggravés par les augmentations du coût des BLC en 2017 (tel que le démontrent les augmentations correspondantes des matières directes utilisées). Le Tribunal conclut que la sous-cotation et la compression importantes des prix causées par les marchandises en question constituaient des moteurs importants de ces baisses. Ces baisses coïncidaient aussi à une croissance importante du marché général par rapport à 2015 et à une hausse importante du volume des importations de marchandises en question et des ventes de marchandises en question et, dans une moindre mesure, des importations en provenance de pays autres que les États-Unis de 2015 à 2017.

[176]  La branche de production nationale a commencé à observer une certaine reprise au cours de la période intermédiaire de 2018, comparativement à la période intermédiaire de 2017. La valeur nette des ventes et les marges de profits ont augmenté, tout comme les revenus nets, dans une moindre mesure [184] . En règle générale, cependant, la branche de production nationale est restée dans une situation financière faible. Ces améliorations minimes coïncidaient avec une baisse du volume des importations de marchandises en question et des ventes de marchandises en question, qui était, du moins en partie, attribuables aux effets anticipés de la présente affaire sur le marché canadien.

[177]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale, principalement sous forme de ventes, d’une part de marché, d’une production et d’une rentabilité réduites.

  Ampleur de la marge de dumping

[178]  Tel que susmentionné, les marges de dumping déterminées par l’ASFC (excluant celle d’Erbosan, pour laquelle l’enquête a été close) variaient de 3 p. 100 à 66,8 p. 100, et n’étaient donc pas minimales. Certaines de ces marges sont importantes. Dans la présente affaire, l’ampleur des marges de dumping ajoute peu à l’analyse de dommage ci-dessus.

Autres facteurs

Concurrence au sein de la branche de production nationale

[179]  IIL prétend que la concurrence au sein de la branche de production nationale, notamment la sous-cotation des prix causée par les ventes de tubes « déclassés » par Evraz, était un facteur pertinent « non lié au dumping » qui a contribué à tout dommage subi par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête.

[180]  Tel que discuté ci-dessus, les éléments de preuve montrent qu’au cours de la période visée par l’enquête, Evraz a vendu des FTPP « déclassés » et des canalisations répondant aux normes de l’API en tant que tubes pour pilotis correspondant à la norme ASTM A252. Bien que ces tubes répondent à la norme de spécification ASTM A252 et soient donc des marchandises similaires produites au Canada, il ne s’agit pas d’un produit de premier ordre [185] . Les éléments de preuve montrent également que, bien que le prix des tubes vendus par Evraz aux distributeurs soit bas, ces tubes exigent une fabrication additionnelle avant de pouvoir servir de pilotis et peuvent ne pas être appropriés pour toutes ces applications [186] . Par conséquent, le Tribunal conclut que les prix auxquels les tubes d’Evraz sont éventuellement vendus aux utilisateurs finaux refléteraient vraisemblablement plus qu’une simple majoration des distributeurs. Des éléments de preuve montrent qu’un producteur national a perdu un volume minime de ventes au profit d’Evraz [187] . Cependant, en 2016, quand la branche de production a subi une baisse importante de sa part de marché et sa baisse la plus subite de ses marges bénéficiaires brutes, le rôle d’Evraz sur le marché canadien des TSAC était minime. Le Tribunal conclut donc que, dans l’ensemble, tout dommage causé par les ventes de tubes déclassés d’Evraz au cours de la période visée par l’enquête était, au mieux, minime [188] .

Tubes provenant de Chine

[181]  IIL soutient que les TSAC provenant de la Chine étaient une cause de dommage à la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête. M. Padidar de Canada Wire a décrit que les exportateurs de tubes provenant de la Chine déguisent des tubes soudés galvanisés en tubes sans soudure afin de contourner les mesures en place contre les TSAC provenant de Chine. Il a affirmé que ces tubes sont vendus à bas prix pour des applications relatives aux clôtures dans l’ouest du Canada [189] . M. Raza de Brampton Pipe a confirmé avoir vu des tubes sans soudure en provenance de la Chine sur le marché canadien des tubes pour clôture. Cependant, il a également indiqué que ces tubes n’étaient pas la principale source de préoccupation au cours de la période visée par l’enquête [190] . M. Gravel a également confirmé avoir vu ces tubes sur le marché, mais a affirmé que les marchandises en question étaient un problème plus important pour Nova [191] . Par conséquent, le Tribunal conclut que toute incidence de ces marchandises sur la branche de production nationale était minime.

Manque de producteurs nationaux dans l’ouest du Canada

[182]  M. Abbas d’IIL a affirmé que la firme a commencé à exporter au Canada six ans plus tôt, après avoir reçu des demandes de tubes galvanisés pour clôture dans l’ouest du Canada [192] . M. Raza a également indiqué qu’IIL a créé Brampton Tube en partie en raison d’une demande non satisfaite sur ce marché [193] .

[183]  Tel que discuté ci-dessus, dans le cadre de l’analyse sur le cumul du Tribunal, les éléments de preuve indiquent qu’au cours de la période visée par l’enquête, la branche de production nationale était pleinement présente sur l’ensemble du marché canadien. Bien que l’ouest du Canada puisse avoir été largement desservi par les importations au cours de cette période, tout manque de participation de la part de la branche de production nationale découlait principalement des bas prix auxquels étaient offertes ces importations dans l’ouest du Canada, contrairement à un manque d’intérêt de la part de la branche de production nationale. Pour ces motifs, le Tribunal ne considère pas que cela ait causé un dommage à la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête.

Résumé

[184]  La concurrence au sein de la branche de production nationale et la présence d’importations de marchandises non visées en provenance de pays autres que les États-Unis (y compris la possibilité de minimes volumes de tubes provenant de Chine) ont eu une certaine incidence sur le rendement de la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête. Le Tribunal conclut toutefois que la branche de production nationale aurait, de façon marquée, eu un meilleur rendement si ce n’étaient des volumes importants de marchandises en question à bas prix, qui, à partir de 2016, ont obtenu des ventes et gagné une part de marché aux dépens de la branche de production nationale. Ces volumes importants, par la sous-cotation importante des prix qu’ils ont causée, ont été la cause d’une compression importante des prix en 2017, ce qui, à son tour, a eu une incidence négative importante sur la rentabilité de la branche de production nationale. Le Tribunal trouve également significatif que les baisses les plus importantes de la rentabilité de la branche de production nationale soient survenues lorsque le volume des marchandises en question sur le marché était à son point le plus élevé [194] .

CONCLUSION

[185]  Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question de savoir si les marchandises en question ont menacé de causer un dommage.

Jean Bédard

Jean Bédard
Membre présidant

Ann Penner

Ann Penner
Membre

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre

 



[8] .  Dans Canada (Sous-ministre du Revenu National, Douanes et Accise – M.R.N.) c. Générale électrique du Canada Inc., [1994] A.C.F. no 847, au par. 9, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit : « Il est avéré que seul l’appelant a compétence pour définir les “marchandises” aux fins de l’enquête que peut entreprendre le TCCE pour décider s’il y a effectivement préjudice ». Mitsui and Co. c. Buchanan [1972] C.F. 944; Sarco Canada Limited c. Tribunal antidumping, [1979] 1 C. F. 247; Japan Electrical Manufacturers Association c. Tribunal antidumping, [1982] 2 C. F. 816.

[28] .  TSAC PI 2018 aux par. 28-30.

[33] .  TSAC PI 2018 au par. 35. Le Tribunal a réaffirmé cette position dans Tubes soudés en acier au carbone (15 octobre 2018), RR-2017-005 [TSAC RR 2018] au par. 19.

[53] .  Bien que Bolton n’ait rapporté que les ventes de produits correspondant à la norme ASTM A500 dans sa réponse au questionnaire à l’intention des producteurs du Tribunal, M. Penny de Bolton a témoigné à l’audience que Bolton produit des tubes galvanisés correspondant à la norme ASTM A53 pour des utilisations particulières, et a noté que les tubes pour clôture ne sont pas toujours produits selon une norme de spécification particulière, par exemple, de l’acier de qualité commerciale peut être utilisé pour fabriquer des tubes pour clôture. Par conséquent, malgré la réponse de Bolton au questionnaire, le Tribunal est convaincu que Bolton est un producteur national. Voir Transcription de l’audience publique à la p. 153 et pièce NQ-2018-003-12.06C (protégée), vol. 4 aux p. 11-12. Bolton a également omis de fournir des données financières exactes et utilisables.

[55] .  Selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la LMSI, le terme « négligeable » est le « [q]ualificatif applicable au volume des marchandises de même description, provenant d’un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada; exceptionnellement, n’est pas négligeable l’ensemble des marchandises de même description dédouanées au Canada – provenant d’au moins trois pays exportant chacun au Canada un volume négligeable de marchandises – qui représente un volume de plus de sept pour cent de cette totalité ».

[130] . Pièce NQ-2018-003-A-04 (protégée), vol. 12 aux par. 33, 35, 38-39, 42-43, 46, 50, 55-56, 60, 63, 70, 72, 84, 86.

[155] . Pièce NQ-2018-003-07E (protégée), tableaux 25, 29, 33, vol. 2.1; pièce NQ-2018-003-06E, tableau 26, vol. 1.1.

[171] . Pièce NQ-2018-003-07E (protégée), tableaux 17, 21, vol. 2.1; pièce NQ-2018-003-06E, tableaux 18, 22, vol. 1.1.

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