Enquêtes de dommage antidumping

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Réexamen relatif à l’expiration no RR-2018-006

Tubes structuraux

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 16 octobre 2019

 



EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 décembre 2013, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2013-001, concernant des :

TUBES STRUCTURAUX ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE LA RÉPUBLIQUE TURQUE

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé au réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 20 décembre 2013 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR‑2013‑001, prorogeant, en partie, son ordonnance rendue le 22 décembre 2008 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration nRR‑2008‑001, prorogeant ses conclusions rendues le 23 décembre 2003 dans le cadre de l’enquête no NQ‑2003‑001, concernant le dumping de tubes structuraux appelés sections structurales creuses en acier au carbone et en acier allié, soudés, dont le diamètre extérieur est de dimension n’excédant pas 16,0 pouces (406,4 mm) pour les produits ronds et d’une périphérie n’excédant pas 48,0 pouces (1 219,2 mm) pour les produits rectangulaires et carrés, répondant généralement aux normes suivantes, mais n’étant pas limitées à ASTM A500, ASTM A513, CSA G.40.21-87-50W ou à des normes analogues, originaires ou exportés de la République de Corée et de la République turque.

Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par les présentes son ordonnance concernant les marchandises susmentionnées.




Jean Bédard                            
Jean Bédard
Membre présidant




Susan D. Beaubien                 
Susan D. Beaubien
Membre




Serge Fréchette                       
Serge Fréchette
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience :                                             les 6, 7 et 8 août 2019

Membres du Tribunal :                                          Jean Bédard, membre présidant
Susan D. Beaubien, membre
Serge Fréchette, membre

Personnel de soutien :                                            Kalyn Eadie, conseillère juridique principale
Gayatri Shankarraman, analyste principale

                                                                              Rebecca Campbell, analyste

                                                                              Mylène Lanthier, analyste

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Welded Tube of Canada

Atlas Tube Canada ULC

Nova Steel Inc./Nova Tube Inc.

Lawrence L. Herman

 

Paul Conlin
Shannel Rajan
Manon Carpentier
Shannon McSheffrey

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Syndicat des Métallos

Craig Logie
Christopher Somerville
Jacob Millar

Gouvernement de la Turquie

Aysegul Sahinoglu Yerdes

TÉMOINS :

R.S. (Butch) Mandel
Welded Tube of Canada
Président-directeur général

Andrew Weston
Welded Tube of Canada Corp.
Vice-président, Ventes, division des tubes industriels

George Rabideau
Atlas Tube Canada ULC
Directeur des ventes au Canada

David Halcrow
Russel Metals Inc.
Vice-président, Achats

Alexandre Gravel
Nova Tube Inc.
Directeur général, Tuyaux et tubes structurels (Canada)

Mark Rowlinson
Syndicat des Métallos
Adjoint au directeur national pour le Canada

John Manfre
Welded Tube of Canada
Président du syndicat local

Marc McArthur
Aciers Transbec
Président-directeur général

Garry Kupchinski
Bourgault Industries Ltd.
Acheteur d’acier et négociateur de contrats

Kevin Graham
Bourgault Industries Ltd.
Gestionnaire des matières

Trevor Oar
Bourgault Industries Ltd.
Acheteur stratégique

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé au réexamen relatif à l’expiration[1] de son ordonnance rendue le 20 décembre 2013 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2013-001[2]. Cette ordonnance constituait une mesure corrective en réponse au dommage causé par le dumping de certains tubes structuraux, appelés sections structurales creuses (SSC), originaires ou exportés de la République de Corée (Corée) et de la République turque (Turquie) (les marchandises en cause)[3].

2.                  Le mandat du Tribunal dans le cadre du présent réexamen consiste à déterminer si l’expiration de l’ordonnance causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale. Le cas échéant, l’ordonnance peut être prorogée, avec ou sans modification, pour une période additionnelle de cinq ans. Si l’expiration de l’ordonnance ne causera vraisemblablement pas de dommage à la branche de production nationale, l’ordonnance sera annulée.

3.                  En l’espèce, le Tribunal a conclu qu’un tel dommage sera vraisemblablement causé et ordonne par conséquent la prorogation de l’ordonnance, sans modification. Les motifs à l’appui de sa décision sont présentés ci-après.

CONTEXTE DE LA PROCÉDURE

4.                  Aux termes de la LMSI, les conclusions de dommage ou de menace de dommage et la protection spéciale conférée par les droits antidumping ou compensateurs qui y sont associés expirent cinq ans après la date à laquelle les conclusions sont rendues. Si une ou des ordonnances prorogeant les conclusions ont été rendues, l’ordonnance expire cinq ans suivant la date de la dernière ordonnance rendue aux termes de l’alinéa 76.03(12)b). Dans un cas comme dans l’autre, les conclusions ou l’ordonnance n’expireront pas si un réexamen relatif à l’expiration est entrepris avant la date d’expiration.

5.                  Le 10 décembre 2018, le Tribunal a publié un avis selon lequel il allait procéder au réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance. Cette décision a entraîné l’ouverture d’une enquête de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) visant à déterminer si l’expiration de l’ordonnance du Tribunal causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping. Le 9 mai 2019, aux termes de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a conclu que l’expiration de l’ordonnance causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause[4].

6.                  Le 10 mai 2018, le Tribunal a entrepris la phase d’enquête de son réexamen relatif à l’expiration afin de déterminer si la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale.

7.                  La période visée par le présent réexamen comprend les trois années civiles complètes allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 ainsi que la période intermédiaire du 1er janvier au 31 mars 2019. À des fins de comparaison, des renseignements ont également été recueillis pour la période intermédiaire du 1er janvier au 31 mars 2018. Le Tribunal a demandé à des producteurs nationaux, importateurs et producteurs étrangers de SSC de remplir des questionnaires. Le Tribunal a reçu six questionnaires remplis de la part de producteurs nationaux, et quatre de la part d’importateurs[5]. Aucun producteur étranger n’a rempli le questionnaire qui lui était adressé. En utilisant les réponses aux questionnaires et d’autres renseignements versés au dossier, des versions confidentielle et non confidentielle du rapport d’enquête ont été préparées et versées au dossier le 2 juillet 2019. Des versions révisées ont été présentées le 19 juillet 2019. Avant l’audience, le Tribunal a également transmis des demandes de renseignements à certaines entreprises, à la suite desquelles il a reçu des réponses publiques et protégées qui ont été versées au dossier[6].

8.                  Atlas Tube Canada ULC (Atlas), Welded Tube of Canada Corporation (Welded Tube), Nova Steel Inc. et Nova Tube Inc. (Nova) et le Syndicat des Métallos (collectivement, les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance) se sont toutes exprimées en faveur d’une prorogation de l’ordonnance, et ont déposé des observations à l’appui. Aucune partie n’a formulé d’observations s’opposant à une prorogation de l’ordonnance[7].

9.                  Le Tribunal n’a reçu aucune demande d’exclusion de produits.

10.              Le Tribunal a tenu une audience au cours de laquelle il a entendu des témoignages publics et à huis clos, à Ottawa (Ontario), du 6 au 8 août 2019. Atlas, Welded Tube, Nova et le Syndicat des Métallos ont présenté des témoins et étaient représentés par un conseiller juridique à l’audience.

11.              M. David Halcrow, de Russel Metals, a témoigné à l’appui de la branche de production nationale.

12.              M. Marc McArthur, d’Aciers Transbec, et MM. Garry Kupchinski, Kevin Graham et Trevor Oar, de Bourgault Industries Ltd., ont comparu en tant que témoins du Tribunal.

13.              Au cours de l’audience, un témoin de Welded Tube a mentionné que certaines erreurs avaient été relevées dans les réponses de l’entreprise au questionnaire du Tribunal à l’intention des producteurs nationaux[8]. Le Tribunal a reçu des réponses révisées le 22 août 2019[9], puis des révisions aux versions confidentielle et non confidentielle du rapport d’enquête ont été préparées et versées au dossier le 23 août 2019[10]. Après l’audience, le Tribunal a transmis des demandes de renseignements supplémentaires à certaines entreprises, à la suite desquelles il a reçu des réponses confidentielles et non confidentielles qui ont été versées au dossier[11]. Le Tribunal a également ajouté au dossier public trois autres documents qui avaient trait aux questions soulevées par le Tribunal lors des plaidoiries à l’audience[12], et il a demandé des observations supplémentaires au sujet de ces documents. Les observations supplémentaires ont été reçues le 23 août 2019 et versées au dossier[13].

PRODUIT

Définition du produit

14.              L’ASFC a défini les marchandises en cause comme suit :

Tubes structuraux appelés sections structurales creuses (SSC) en acier au carbone et en acier allié, soudés, dont le diamètre extérieur est de dimension n’excédant pas 16 po (406,4 mm) pour les produits ronds et d’une périphérie n’excédant pas 48 po (1 219,2 mm) pour les produits rectangulaires et carrés, répondant généralement aux normes suivantes, sans y être limités, ASTM A500, ASTM A513, CSA G.40.21-87-50W, ou à des normes analogues, originaires ou exportés de la République de Corée et de la République turque[14].

Renseignements sur le produit

15.              L’ASFC a fourni les renseignements supplémentaires suivants sur le produit :

[22] Les SSC sont conçues pour être utilisées dans des structures porteuses en surface. Les SSC sont utilisées à des fins de construction générale comme éléments de structure dans les bâtiments et les ponts, comme structure de protection sur l’équipement lourd et à d’autres fins comme des garde-corps de routes, des barrières et pour l’éclairage extérieur. Les marchandises peuvent aussi être utilisées à des fins non structurelles dans des produits manufacturés comme le matériel agricole, les remorques, les rayonnages et les systèmes d’entreposage.

[23] Les SSC ne sont pas utilisées comme tubes pour véhicules automobiles, notamment les systèmes d’échappement, les pare-chocs et autres pièces semblables, qui comportent habituellement des tubes fabriqués selon des spécifications qui leur sont propres. Les SSC ne sont pas conçues non plus pour acheminer des liquides ou des gaz.

[24] Les SSC qui ont été galvanisées (c.-à-d. enduites de zinc) ou enduites d’autres métaux ne sont pas visées par l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse[15].

CADRE LÉGISLATIF

16.              Avant de procéder à son analyse concernant la probabilité de dommage, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer quelles entreprises constituent la « branche de production nationale ».

17.              Le Tribunal doit aussi déterminer s’il est indiqué d’évaluer les effets cumulatifs probables de la poursuite ou de la reprise du dumping des marchandises en cause en provenance de tous les pays, c’est-à-dire s’il procédera à une seule analyse des effets probables ou à une analyse distincte à l’égard de chacun des pays visés.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

18.              Afin de déterminer si la reprise ou la poursuite du dumping des marchandises en cause causera vraisemblablement un dommage sensible aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays, s’il y en a, constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en cause. Il doit également évaluer s’il y a plus d’une catégorie de marchandise parmi les marchandises en cause et les marchandises similaires[16].

19.              Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises comme suit :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

20.              Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en cause, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises, comme leur composition et leur apparence, et leurs caractéristiques de marché, comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients[17].

21.              Le Tribunal a déjà conclu que les SSC produites au pays sont des marchandises similaires aux marchandises en cause et qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandise[18]. Les parties en faveur de la prorogation de l’ordonnance continuent d’appuyer cette conclusion. Elles affirment que les SSC produites par la branche de production nationale constituent des produits de base qui entrent en concurrence directe avec les marchandises en cause. De plus, les SSC produites au pays ont les mêmes caractéristiques physiques et utilisations finales, et sont vendues par l’entremise des mêmes circuits de distribution que les marchandises en cause[19].

22.              Le Tribunal ne voit aucune raison de déroger à ses conclusions précédentes selon lesquelles les SSC produites au pays constituent des marchandises similaires aux marchandises en cause.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

23.              Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » de la façon suivante :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

24.              Le Tribunal doit donc déterminer s’il est probable qu’un dommage soit causé aux producteurs nationaux dans leur ensemble ou aux producteurs nationaux dont la production constitue une proportion majeure de la production collective de marchandises similaires[20].

25.              Au cours de la période visée par le réexamen, on comptait neuf producteurs connus de SSC au Canada : Atlas, Welded Tube, Nova, Bull Moose Tube, Atlantic Tube and Steel Inc., Acier Fati Steel Inc., International Tubular Products, Lahman Manufacturing, et Quali-T-Tube. Inc.

26.              Pour ce qui est du questionnaire à l’intention des producteurs nationaux, le Tribunal a reçu des questionnaires entièrement remplis d’Atlas, de Welded Tube, de Nova et d’Atlantic Tube and Steel Inc. et des questionnaires partiellement remplis (tous les renseignements sauf les données financières) de Bull Moose Tube et d’Acier Fati Steel. International Tubular Products, Lahman Manufacturing et Quali-T-Tube n’ont transmis aucun renseignement au Tribunal.

27.              Atlas est le premier producteur national en importance de marchandises similaires. Sa production constitue à elle seule une proportion importante de la production nationale et des ventes intérieures de la production nationale[21]. Collectivement, Atlas, Welded Tube, Nova et Atlantic Tube and Steel Inc. génèrent une proportion majeure de l’ensemble de la production collective nationale de marchandises similaires et elles forment la branche de production nationale aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration[22].

CUMUL

28.              En vertu du paragraphe 76.03(11) de la LMSI, le Tribunal évaluera les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises « importées au Canada en provenance de plus d’un pays [...] s’il est convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, compte tenu des conditions de concurrence ». Les conditions de concurrences pertinentes sont celles qui existent entre les marchandises importées au Canada d’un de ces pays et les marchandises provenant de tout autre pays, ou entre ces marchandises et les marchandises similaires.

29.              Dans le cadre de l’examen des conditions de concurrence entre les marchandises, le Tribunal tient habituellement compte des facteurs suivants, le cas échéant : le degré de fongibilité des marchandises de chacun des pays visés par rapport à celles des autres pays visés ou aux marchandises similaires, l’existence ou non de ventes d’importations provenant de divers pays visés et de marchandises similaires sur les mêmes marchés géographiques, l’existence de canaux de distribution communs ou similaires, les différences entre le moment de l’arrivée des importations en provenance d’un des pays visés et l’arrivée de celles en provenance des autres pays visés et la disponibilité des marchandises similaires offertes par la branche de production nationale.

30.              Dans le contexte des réexamens relatifs à l’expiration, comme l’a affirmé le Tribunal, l’analyse des effets de la poursuite ou de la reprise du dumping et l’évaluation des conditions de concurrence doivent être prospectives. Par conséquent, lorsque le Tribunal effectue une analyse prospective des conditions de concurrence dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, son examen suppose au préalable que la concurrence existera véritablement à court et à moyen terme. Autrement dit, si l’ordonnance est annulée, les marchandises provenant de producteurs concurrents seront vraisemblablement présentes sur le même marché au même moment.

31.              Dans le précédent réexamen relatif à l’expiration, l’effet vraisemblable de la reprise du dumping et des expéditions en provenance de la Corée et de la Turquie a été évalué de manière cumulative[23]. Atlas et Welded Tube font valoir qu’il y a également lieu d’évaluer les effets cumulatifs aux fins du présent réexamen.

32.              Le Tribunal n’a entendu aucun élément de preuve qui pourrait l’amener à conclure que les conditions de concurrence changeront au cours des 12 à 18 prochains mois si l’ordonnance est annulée. Les éléments de preuve étayent la conclusion voulant que les marchandises en cause entreront vraisemblablement à nouveau sur le marché par des canaux de distribution établis si l’ordonnance est annulée. Dans un tel scénario, les marchandises en cause seront en concurrence entre elles et avec les marchandises similaires[24]. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de faire une évaluation cumulative des effets probables d’une poursuite ou d’une reprise du dumping des marchandises en cause en provenance de Corée et de Turquie.

ANALYSE DE LA PROBABILITÉ DE DOMMAGE

33.              Le réexamen relatif à l’expiration est de nature prospective[25]. Par conséquent, les éléments de preuve recueillis pendant la période visée par le réexamen, au cours de laquelle une ordonnance ou des conclusions étaient en vigueur, ne sont pertinents que dans la mesure où ils influent sur l’analyse prospective visant à déterminer si l’expiration de l’ordonnance ou des conclusions causera vraisemblablement un dommage[26].

34.              Il n’y a pas de présomption de dommage dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration. Les conclusions doivent être fondées sur des éléments de preuve positifs, en conformité avec la législation nationale et les exigences des accords de l’Organisation mondiale du commerce[27]. Dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, les éléments de preuve positifs peuvent comprendre des éléments de preuve fondés sur des faits antérieurs qui appuient des conclusions prospectives[28].

35.              Le paragraphe 37.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[29] dresse la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte lorsqu’il évalue la probabilité de dommage quand l’ASFC a déterminé qu’il y a probabilité de poursuite ou de reprise du dumping. Les facteurs que le Tribunal juge pertinents en l’espèce sont exposés en détail plus bas.

36.              Dans le cadre de son analyse de la probabilité de dommage, le Tribunal a constamment indiqué qu’il faut s’en tenir aux circonstances auxquelles on peut raisonnablement s’attendre à court et à moyen terme, soit généralement dans les 12 à 24 prochains mois. Atlas et Welded Tube ont fait valoir qu’une période de 12 à 18 mois avait été utilisée lors du dernier examen relatif à l’expiration et elles ont soutenu qu’il serait spéculatif de tenir compte d’une période plus longue.

37.              Dans des décisions antérieures, le Tribunal a invoqué la volatilité des marchés mondial et national comme motif pour limiter son examen à une période de 12 à 18 mois[30]. Par exemple, dans de récents réexamens portant sur des tubes soudés en acier au carbone (TSAC), le Tribunal a choisi une période plus courte de 12 à 18 mois en raison de la volatilité des marchés canadien et mondial des TSAC[31]. Cette approche est particulièrement pertinente en l’espèce, car les TSAC sont produits au moyen de la même machinerie que les SSC et de nombreux participants au marché sont les mêmes[32].

38.              Dans le cadre du présent réexamen, la preuve indique que le marché de l’acier est toujours volatil en raison de la hausse des tensions commerciales et de l’incertitude entre les États-Unis et la Chine, des mesures de restriction du commerce visant l’importation des produits d’acier dans plusieurs pays et le ralentissement général de l’économie à l’échelle mondiale[33]. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il est approprié de limiter son analyse aux circonstances probables au cours des prochains 12 à 18 mois.

Changements dans les conditions du marché

39.              Le Tribunal déterminera d’abord si des changements sont survenus dans les conditions du marché international et national afin d’évaluer les volumes et les prix probables des marchandises en cause et leur incidence sur la branche de production nationale advenant l’annulation de l’ordonnance[34].

Conditions du marché international

40.              En général, la situation économique mondiale semble s’affaiblir. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les prévisions pour la croissance réelle du PIB ont été revues à la baisse et le commerce mondial ralentit dans un contexte où l’incertitude concernant les politiques commerciales est de plus en plus grande[35]. En particulier, l’industrie mondiale de l’acier traverse une période de grande instabilité inhabituelle en raison des récents développements qui sont détaillés ci‑dessous.

        Capacité excédentaire mondiale de production d’acier

41.              Dans plusieurs décisions rendues récemment, le Tribunal a reconnu que la capacité mondiale de production d’acier était excédentaire, ce qui engendrait des effets néfastes continus sur le commerce mondial de l’acier[36]. Selon l’OCDE, après une baisse en 2016 et en 2017, la capacité mondiale de production de l’acier est demeurée stable pour s’établir à 2,24 milliards de tonnes métriques en décembre 2018, d’après les estimations[37]. Bien que la demande d’acier ait augmenté, selon les estimations, de 2,1 p. 100 en 2018, la capacité demeure bien supérieure à la production et à la demande[38]. La demande mondiale d’acier devrait augmenter à nouveau en 2019 et en 2020, mais l’incertitude causée par les tensions commerciales et la multiplication des mesures de protection commerciale pourrait atténuer cette croissance[39].

42.              Selon Nova, la crise de la capacité excédentaire mondiale de production de l’acier a un effet particulier sur le marché et les prix des SSC, c’est-à-dire qu’elle génère une offre excédentaire de bobines d’acier laminées à chaud (BLC), le produit intrant des SSC, à bas prix. Par conséquent, les producteurs nationaux qui font l’acquisition de BLC à des prix équitables sont en concurrence avec les producteurs de SSC étrangers qui ont accès à des BLC à bas prix, ce qui leur permet de produire des SSC à plus bas prix[40].

43.              Atlas et Welded Tube reprennent ces observations et font également mention du « poids de la Chine ». Elles fait valoir que la Chine est le principal contributeur à la crise de la capacité excédentaire mondiale et que l’on fait état d’un léger ralentissement de son économie, tandis que les projections indiquent que la demande d’acier stagnera ou affichera une croissance négative, en particulier dans les secteurs de la construction, de l’automobile et de l’énergie[41]. Selon Atlas et Welded Tube, cette conjoncture fera en sorte que les producteurs de SSC chinois chercheront de nouveaux marchés d’exportation pour leurs produits, ce qui entraînera une baisse des prix à l’échelle internationale et au Canada. De l’avis d’Atlas, la Chine est également un marché important pour les exportations coréennes d’acier. C’est pourquoi tout ralentissement de l’économie chinoise fera particulièrement en sorte que la Corée devra trouver d’autres marchés pour l’exportation de ces SSC[42].

        Multiplication des mesures commerciales visant les produits d’acier à l’échelle internationale

44.              Le 8 mars 2018, les États-Unis ont imposé un tarif douanier de 25 p. 100 sur les importations d’acier, y compris les SSC, au titre de l’article 232 de la Trade Expansion Act of 1962 (les mesures au titre de l’article 232), ce qui marque un changement important dans les conditions du marché international des produits d’acier. Pour l’heure, le tarif douanier de 25 p. 100 s’applique à la Turquie, bien que, jusqu’au 16 mai 2019, les importations turques étaient assujetties à un tarif douanier de 50 p. 100. Par suite d’un accord ayant été négocié et conclu au printemps 2018, la Corée est exemptée des mesures au titre de l’article 232 visant l’acier, mais ses importations d’acier sont assujetties à un quota fixé à 70 p. 100 des importations pendant la période de 2015 à 2017[43].

45.              En raison notamment des préoccupations concernant un éventuel détournement à la suite de l’adoption du tarif douanier américain, l’Union européenne a imposé des mesures de sauvegarde définitives sur les importations de 26 produits d’acier, dont les SSC, le 31 janvier 2019. Ces mesures revêtent la forme de contingents tarifaires (CT), qui visent à maintenir les importations à leurs niveaux antérieurs, tout en appliquant un tarif douanier aux importations qui dépassent ces niveaux[44].

46.              Au départ, les mesures au titre de l’article 232 ne s’appliquaient pas au Canada et au Mexique. Cependant, le 31 mai 2018, les États-Unis ont élargi l’application de ces mesures pour inclure le Canada et le Mexique et ont imposé un tarif douanier de 25 p. 100 sur l’importation de certains produits d’acier[45]. Le 1er juillet 2018, le Canada a réagi en imposant une contre-mesure, soit une surtaxe de 25 p. 100 sur les importations de produits d’acier visant 5,59 milliards de dollars en importations originaires des États-Unis, dont les SSC[46].

47.              Conséquemment, le 25 octobre 2018, le Canada a imposé des mesures de sauvegarde provisoires sur les importations de sept catégories de produits d’acier – ces mesures ne visaient pas les SSC, mais, chose importante, elles s’appliquaient aux BLC. Par ailleurs, les mesures de sauvegarde ne s’appliquaient pas aux importations originaires des États-Unis, car elles sont déjà visées par la contre-mesure[47]. Le 26 avril 2019, le Canada a imposé des mesures de sauvegarde définitives, qui revêtent la forme de CT, sur les importations de deux des sept catégories : la tôle forte et le fil en acier inoxydable[48].

48.              Le 17 mai 2019, les États-Unis et le Canada ont annoncé qu’ils avaient conclu une entente négociée en vue d’éliminer les mesures au titre de l’article 232 et les contre-mesures canadiennes, qui ont pris fin le 19 mai 2019[49]. L’entente négociée prévoit que des mesures peuvent être imposées de nouveau si les importations d’acier « portent le volume des échanges au-delà des volumes antérieurs pendant une longue période, en tenant compte de la part de marché »[50].

Conditions du marché national

49.              Malgré l’imposition et le retrait des mesures au titre de l’article 232 et des contre-mesures canadiennes, les conditions du marché canadien des SSC étaient stables durant la période visée par le réexamen et elles devraient demeurer stables selon les projections de croissance soutenue des dépenses d’immobilisations et de construction non résidentielle au cours des 12 à 18 prochains mois. Cependant, en raison de l’incertitude et des tensions commerciales à l’échelle internationale, le prix des produits de base risque de baisser.

50.              Selon Atlas et Welded Tube, le marché canadien a enregistré une légère hausse durant la période visée par le réexamen, laquelle est attribuable à la combinaison de faibles taux d’intérêt et de la demande du secteur de la construction, principalement concentrée dans le centre du Canada. Les témoins ont affirmé que le marché canadien des SSC était généralement fort durant la période visée par le réexamen, même si la croissance dans l’ouest du Canada a diminué récemment en raison de l’effondrement des cours du pétrole et du ralentissement dans le secteur de l’agriculture. Dans l’est du Canada, la taille du marché est demeurée stable[51].

51.              Pour ce qui est de l’avenir, Atlas et Welded Tube font valoir que les projections relatives aux dépenses en immobilisations et en infrastructure sont toujours optimistes pour le reste de 2019 et pour 2020. Plus précisément, selon Statistique Canada, les dépenses en immobilisations pour la construction non résidentielle et la machinerie et l’équipement devraient augmenter de 2,5 p. 100 en 2019, après avoir enregistré une hausse de 4,3 p. 100 en 2017 et de 2,5 p. 100 en 2018[52]. Une reprise des marchés de l’immobilier et un regain de l’activité d’exportation étaient également prévus pour le deuxième trimestre de 2019.

52.              Selon Nova, le secteur de la construction a atteint un plateau et le prix des produits de base devrait rester vulnérable à l’évolution des échanges commerciaux dans un avenir prévisible. Cependant, les témoins de la branche de production nationale ont affirmé que la demande de SSC sur le marché canadien devrait demeurer stable[53].

53.              D’après les données du rapport d’enquête du Tribunal, l’ensemble du marché national des SSC s’établissait à environ 442 672 tonnes métriques en 2016, 435 634 tonnes métriques en 2017 et 467 680 tonnes métriques en 2018[54].

54.              Comme indiqué dans les observations d’Atlas et de Welded Tube, les estimations de l’ASFC du volume des importations des pays non visés et de l’ensemble du marché pour 2017 et 2018 étaient nettement plus élevées que celles présentées dans le rapport d’enquête du Tribunal[55]. Selon le rapport d’enquête[56], cette différence s’explique probablement en raison des changements de 2017 aux codes du système harmonisé (HS), soit le retrait des suffixes statistiques propres aux SSC. Par conséquent, depuis le 1er janvier 2017, on a observé une augmentation importante du volume des marchandises qui ne cadraient pas avec la définition du produit, mais qui ont tout de même été incluses dans les données d’importation pour les pays non visés fournies par l’ASFC, car il n’était plus possible de différencier facilement les importations de SSC des autres types de produits d’acier.

55.              À l’audience, les témoins des parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance ont tous confirmé que le volume du marché national s’établit à environ 500 000 tonnes métriques[57]. Ce volume correspond aux données présentées dans le rapport d’enquête du Tribunal. Par conséquent, le Tribunal s’appuie sur les données présentées dans le rapport dans le cadre de l’analyse qui suit.

56.              L’ensemble du marché a diminué de 2 p. 100 en 2017, comparativement à 2016, mais a augmenté de 7 p. 100 en 2018, comparativement à 2017, et de 8 p. 100 au premier trimestre de 2019, comparativement au premier trimestre de 2018. Les ventes nationales de la production nationale ont affiché une tendance similaire, à savoir une baisse de 1 p. 100 en 2017, puis une augmentation de 8 p. 100 en 2018 et de 11 p. 100 au premier trimestre de 2019, comparativement au premier trimestre de 2018[58].

57.              Pour ce qui est des parts en pourcentage, la branche de la production nationale détenait une part importante du marché durant l’ensemble de la période visée par le réexamen; la majeure partie du reste des parts était détenue par des importations non visées originaires des États-Unis, bien que leur part de marché ait légèrement diminué en 2017 par rapport à 2016 et à nouveau au premier trimestre de 2019 par rapport au premier trimestre de 2018[59].

58.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance soutiennent que, comme les exportateurs sont assujettis à des restrictions dans les marchés européens et américains, ils doivent chercher d’autres marchés pour leurs produits d’acier. Selon les données relatives à la perception des droits de l’ASFC, les importations des marchandises en cause sont négligeables[60], ce qui donne à penser que les exportateurs coréens et turcs ne se sont pas encore tournés vers le marché canadien pour écouler leur excédent de SSC. Par ailleurs, en ce qui concerne les pays non visés autres que les États-Unis, le rapport d’enquête montre que les volumes absolus restent faibles et que la part de marché est négligeable[61].

59.              Les restrictions à l’importation entre les États-Unis et le Canada ont eu des effets importants sur le flux des échanges de SSC. Bien que les importations de SSC originaires des États-Unis aient diminué durant la période visée par le réexamen, il convient de noter qu’elles ont diminué considérablement (de 51 p. 100) au premier trimestre de 2019, lorsque les contre-mesures étaient en vigueur, par rapport au premier trimestre de 2018, lorsqu’elles ne l’étaient pas[62]. À l’audience, certains témoins ont affirmé avoir reçu des offres majorées pour les SSC américaines après le retrait des contre-mesures canadiennes[63].

Volume probable des importations de marchandises sous-évaluées

60.              Aux termes de l’alinéa 37.2(2)a) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte du volume probable des marchandises sous-évaluées ou subventionnées dans l’éventualité où l’ordonnance est annulée et, en particulier, du fait de savoir si une augmentation importante du volume des importations des marchandises sous-évaluées, soit en quantité absolue ou par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires, est vraisemblable.

61.              Pour évaluer le volume probable des importations de marchandises sous-évaluées, le Tribunal prend en compte plusieurs facteurs, dont les suivants : le rendement probable de la branche de production étrangère, la possibilité pour les producteurs étrangers de produire les marchandises dans des installations servant actuellement à la production d’autres marchandises, la preuve de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par d’autres gouvernements et le fait que les mesures prises par d’autres gouvernements causeront vraisemblablement ou non un détournement au Canada des marchandises sous‑évaluées ou subventionnées[64].

62.              Selon les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance, le Tribunal a toujours conclu que les SSC étaient un produit de base. Par conséquent, les importations se concurrencent entre elles et font face aux marchandises produites par la branche nationale, essentiellement sur la base du prix.

63.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance font aussi valoir que les producteurs coréens et turcs misent sur l’exportation et qu’ils s’intéressent grandement au marché canadien. Ils soulignent que la multiplication des mesures commerciales visant les produits tubulaires imposées par les pays en cause prouve l’existence d’un risque de détournement des marchandises vers le marché canadien.

64.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance soutiennent en outre que les conditions dans les économies coréennes et turques, en général, et dans leur industrie sidérurgique, en particulier, sont faibles. Or, ces conditions inciteront davantage les producteurs à chercher des marchés d’exportation pour leurs produits. Par ailleurs, comme les SSC sont produites au moyen du même équipement que les TSAC, le potentiel de production et les volumes d’exportation probables augmentent de façon exponentielle, car les producteurs étrangers peuvent facilement passer à la production de SSC si les droits sont supprimés.

65.              Compte tenu des motifs mentionnés ci-dessus, le Tribunal conclut qu’il est fort probable que l’annulation de l’ordonnance entraîne une augmentation importante du volume des marchandises en cause dans les prochains 12 à 18 mois. Les producteurs d’acier turcs et coréens misent sur l’exportation, et la production d’acier a continuellement dépassé la demande dans les deux pays. Il est peu probable que cette situation change si l’on se base sur les prévisions économiques de ces pays. De plus, l’imposition de quotas et d’autres mesures de restriction commerciale visant les SSC coréennes et turques a pour effet d’accroître le risque que les exportateurs de ces pays recommencent à exporter d’importants volumes de SSC au Canada, car ils doivent trouver de nouveaux marchés pour leur excédent. En outre, selon les dernières conclusions à l’égard des importations de TSAC originaires de la Corée et de la Turquie, les exportateurs de ces pays ont des antécédents récents de dumping et, malgré le fait que les données relatives à la perception des droits de l’ASFC indiquent un volume minimal d’importations des marchandises en cause, ces exportateurs ont maintenu un accès aux canaux de distribution sur le marché canadien.

Rendement probable de la branche de production étrangère

        Turquie

66.              L’économie turque se remet encore d’une crise monétaire qui a eu lieu en août 2018 et qui a entraîné une contraction de la demande d’acier. La reprise devrait se poursuivre en 2019, avec une certaine stabilisation en 2020[65]. Selon l’OCDE, la croissance du PIB réel (en glissement annuel) a été positive tout au long de la période visée par le réexamen, mais elle devrait diminuer de 1,8 p. 100 en 2019 avant de rebondir en 2020[66].

67.              Le Canada est un important marché d’exportation pour l’acier turc, représentant 3 p. 100 du volume des exportations de la Turquie en 2018. La Turquie était le huitième exportateur mondial d’acier en 2017 et exportait près de 50 p. 100 de sa production. En 2018, les exportations turques d’acier ont augmenté de 22 p. 100, l’excédent commercial de la Turquie a atteint 9,5 millions de tonnes métriques et les exportations ont augmenté à 53 p. 100 de la production, par rapport à 2017. Les exportations turques de tubes et tuyaux représentaient 2 millions de tonnes métriques en 2018[67].

        Corée

68.              Un ralentissement de l’industrie coréenne des industries de l’automobile et de la construction navale en 2018 a entraîné une baisse de la consommation d’acier[68]. La demande d’acier devrait rebondir de 1,1 p. 100 en 2019, après s’être contractée de 4,1 p. 100 en 2018, tous ses principaux secteurs utilisateurs d’acier connaissant des difficultés[69]. Une nouvelle reprise modérée est attendue en 2020[70].

69.              La Corée était le quatrième exportateur mondial d’acier en 2017. En 2018, la Corée a exporté 29,8 millions de tonnes métriques d’acier, soit environ 41 p. 100 de sa production totale, et a enregistré un excédent commercial de 15 millions de tonnes métriques[71].

70.              Les produits tubulaires représentaient 7 p. 100 des exportations de la Corée en 2018, pour un total de 2 millions de tonnes métriques. Les États-Unis représentaient la plus grande part des exportations coréennes de tubes et de tuyaux, soit 45 p. 100, tandis que le Canada occupait la deuxième place avec 10 p. 100 (199 000 tonnes métriques)[72].

71.              En résumé, ce qui précède montre que les pays visés sont d’importants exportateurs d’acier et, en particulier, de tubes et de tuyaux. La production d’acier a constamment dépassé la demande dans les deux pays. Les prévisions actuelles ne prévoient qu’une légère augmentation de la demande intérieure d’acier, ce qui donne à penser que les exportateurs coréens et turcs continueront d’exporter de grandes quantités d’acier à court et moyen terme.

        Possibilité de changement de production et de détournement

72.              Comme mentionné ci-dessus, selon les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance, les mesures commerciales imposées par les États-Unis et l’Union européenne, deux marchés importants pour les SSC, présentent un risque important de détournement. Nova a fourni des estimations des volumes de SSC qui pourraient détournés de ces marchés et détournés vers le Canada, soit des centaines de milliers de tonnes métriques.

73.              En plus de ces mesures, les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance ont fait valoir que les exportations coréennes et turques de tubes et tuyaux sont assujetties à des mesures antidumping et compensatoires au Canada et dans d’autres pays. Ces mesures limitent encore davantage l’accès au marché pour les exportations coréennes et turques. Par ailleurs, l’imposition de mesures augmente la probabilité que ces exportateurs ciblent le marché canadien si l’ordonnance est annulée. Selon les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance, l’existence de ces mesures démontre également une propension au dumping de la part des producteurs de SSC coréens et turcs.

74.              Nova soutient également que, selon les récentes conclusions à l’égard des importations de TSAC originaires de Corée et de Turquie en particulier, les exportateurs de ces pays ont toujours accès aux canaux de distribution du marché canadien. De plus, d’après Nova, compte tenu du fait que les importations originaires de la Corée et de la Turquie sont assujetties à des conclusions antidumping au Canada, il est probable que les exportateurs coréens et turcs de TSAC passeront à la production de SSC et exporteront leur SSC sur le marché canadien afin de maintenir l’utilisation des capacités en cas d’annulation de commandes.

75.              Les estimations de Nova relatives au détournement se fondent sur des données statistiques liées à un code SH à six chiffres, lequel englobe des produits qui ne sont pas visés par la définition du produit. De ce fait, le risque de détournement allégué par Nova pourrait être surestimé. Néanmoins, d’importants volumes de SSC pourraient être détournés des marchés américains et européens compte tenu de ces mesures. Si l’ordonnance est annulée, il est probable que les exportateurs de la Corée et de la Turquie cherchent à vendre des SSC sur le marché canadien, car il s’agirait d’un des rares marchés à ne pas être protégé par des recours commerciaux[73].

76.              Le Tribunal reconnaît que ce scénario est encore plus susceptible de se produire compte tenu des conclusions canadiennes en vigueur visant les TSAC coréens et turcs. Ces exportateurs pourraient facilement passer à la production de SSC si l’ordonnance visée par le réexamen en l’espèce est annulée.

77.              De plus, la preuve confirme que les exportateurs turcs et coréens continuent de faire des offres pour la fourniture de TSAC et ont donc maintenu le contact avec leurs canaux de distribution au Canada[74].

        Volumes absolus et relatifs

78.              Atlas et Welded Tube font valoir que, selon les données sur les permis d’importation, des volumes élevés de SSC et d’autres produits d’acier originaires de la Corée et de la Turquie sont importés au Canada. En 2018, le volume total s’établissait à 75 694 tonnes métriques. Pour les six premiers mois de 2019, le volume combiné atteignait 33 810 tonnes métriques. Ces chiffres montrent que les exportateurs coréens et turcs continuent de s’intéresser au marché canadien.

79.              Atlas et Welded Tube reconnaissent que, selon les données relatives à la perception des droits de l’ASFC, les volumes d’importation de SSC étaient négligeables au cours de la période visée par le réexamen et que les données relatives aux permis d’importation englobent des marchandises qui ne cadrent pas avec la définition de produit en l’espèce. Cependant, elles affirment qu’une telle activité témoigne de la participation au marché de la Corée et de la Turquie.

80.              De plus, Atlas et Welded Tube soutiennent que, lors de l’examen relatif à l’expiration précédent, le Tribunal avait estimé que les volumes s’établiraient probablement à environ 9 600 tonnes métriques par année si on permettait à l’ordonnance d’expirer. Elles soulignent que les volumes actuels, selon les données relatives aux permis d’importation, dépassent largement les estimations établies par le Tribunal dans le cadre de l’examen relatif à l’expiration précédent. Dans leurs observations supplémentaires, Atlas et Welded Tube indiquent que 9 600 tonnes métriques représentent environ 2 p. 100 du marché national. Comme la preuve démontre qu’un petit volume d’importations à bas prix peut avoir un effet néfaste (ce qui est expliqué plus en détail ci-après), Atlas et Welded Tube font valoir qu’une reprise des importations de marchandises sous‑évaluées à ce niveau pourrait avoir un effet négatif important sur le marché canadien.   

81.              Le Tribunal reconnait que ces données sont une preuve supplémentaire que les exportateurs coréens et turcs s’intéressent toujours au marché canadien, qu’ils ont établi des canaux de distribution au Canada et qu’ils peuvent exporter des volumes importants, en quantité absolue ou par rapport à la taille du marché canadien.

        Conclusion concernant les volumes probables

82.              Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que le volume des marchandises en cause importées de Corée et de Turquie augmentera de manière importante si l’ordonnance est annulée.

Effets probables des marchandises sous-évaluées sur les prix

83.              Le Tribunal doit prendre en compte l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si l’expiration de l’ordonnance mènera à la sous-cotation marquée ou à la baisse du prix de marchandises similaires, ou à la compression du prix de ces marchandises, en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises.[75] À cet effet, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous-évaluées sur les prix et tout autre effet qui pourrait vraisemblablement se produire dû à d’autres facteurs ayant un impact sur les prix.

Tendances récentes des prix

84.              Le prix des SSC sur le marché canadien a augmenté régulièrement pendant la période visée par le réexamen. Le prix du marché au premier trimestre de 2019 s’établissait à 1 437 $ la tonne métrique, soit une augmentation de 10 p. 100 par rapport au premier trimestre de 2018. La valeur unitaire des ventes nationales à partir de la production nationale a aussi augmenté pendant la période visée par le réexamen, tout comme celle des ventes à partir des importations[76].

85.              Les témoins des parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance ont affirmé que, au moment de l’audience (c’est-à-dire au troisième trimestre de 2019), le prix du marché des SSC était considérablement moins élevé que le prix du marché au premier trimestre de 2019[77]. Dans son témoignage, M. Halcrow a indiqué que le prix du marché canadien était d’environ 1 200 $ à 1 370 $ la tonne métrique[78].

86.              Les témoins d’Aciers Transbec et de Bourgault Industries ont confirmé que les prix avaient diminué depuis le retrait des droits imposés au titre de l’article 232 et des contre-mesures canadiennes en mai 2019[79]. Cependant, les témoins de Bourgault Industries ont affirmé avoir observé une augmentation des prix de 9 p. 100 depuis le 1er août 2019[80]. Dans son témoignage, M. Halcrow de Russel Metals a affirmé que les producteurs nationaux tentaient d’augmenter les prix[81].

Analyse de l’effet sur les prix

87.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance font valoir que les importations non visées à bas prix (de sources non américaines) entraînent une baisse du prix du marché des SSC. Si elles étaient autorisées à réintégrer le marché canadien, les marchandises en cause devraient égaler ou battre ces prix afin de regagner des parts de marché, ce qui aurait pour effet de faire baisser davantage le prix des SSC. De plus, les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance affirment qu’une compression des prix aura probablement lieu, car la branche de production nationale ne sera pas en mesure d’augmenter ses prix pour compenser l’augmentation prévue des coûts des SSC si elle doit soutenir la concurrence des marchandises sous-évaluées.

88.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance ont produit des éléments de preuve relatifs aux offres d’importation de SCC originaires de pays non visés et d’autres produits de tuyaux originaires de pays visés à des prix en deçà du prix du marché canadien[82]. En fonction des offres d’importation, les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance ont prévu que les marchandises en cause réapparaîtraient sur le marché à des prix d’au plus 1 000 $ à 1 300 $ la tonne métrique, si l’ordonnance est annulée. Ce prix prévu est considérablement moins élevé que le prix du marché qui s’établissait à 1 437 $, selon les observations à la fin de la période visée par le réexamen.

89.              À l’audience, Nova a fait valoir que les marchandises en cause réapparaîtraient sur le marché canadien à un prix 15 p. 100 moins élevé que le prix du marché à l’époque, soit de 1 200 $ à 1 370 $ la tonne métrique, en se fondant sur le prix de l’offre d’importation observée et le témoignage de l’un des témoins, qui a affirmé avoir reçu des offres pour des marchandises en provenance de l’étranger à ce niveau de prix[83].

90.              Nova a aussi fourni les prix récents des importations de SSC turques et coréennes aux États-Unis[84], convertis en dollars canadiens. Elle fait valoir que ces prix, considérablement moins élevés que le prix actuel sur le marché canadien[85], devraient être les prix des marchandises en cause.

91.              Les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance soutiennent que même un petit volume de marchandises à bas prix pourrait avoir un effet important sur le prix du marché canadien. Le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel de 5 000 à 10 000 tonnes métriques d’importations à bas prix feraient en sorte que le marché serait submergé et entraîneraient une baisse considérable des prix. Selon les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance, même un chargement de 500 tonnes métriques de marchandises à bas prix peut faire baisser le prix du marché[86].

92.              De plus, selon les parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance, la simple présence de ces offres à bas prix influe sur le marché, car les acheteurs potentiels savent que ces offres existent et ils les utilisent pour négocier les prix, ce qui a été confirmé par le témoin du Tribunal, M. McArthur[87]. Pour ce qui est des producteurs nationaux, M. Mandel a présenté un rapport confidentiel qui décrit en détail des cas où Welded Tube a dû baisser les prix pour contrer les offres d’importation[88] et il a affirmé que la même situation se produirait si les marchandises en cause étaient importées.

93.              Le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels les producteurs nationaux bénéficient d’un avantage ou d’une majoration sur le plan du prix par rapport aux producteurs étrangers, ce qui est notamment attribuable à des délais plus courts, à une meilleure qualité et à une fiabilité accrue de l’approvisionnement. Les témoins de Bourgault Industries ont affirmé qu’ils commencent à envisager l’achat d’importations que lorsque le prix est de 20 p. 100 moins élevé que celui à l’échelle nationale[89]. M. Halcrow a fait valoir que, en règle générale, les distributeurs ne considèrent pas l’achat d’importations étrangères jusqu’à ce que le prix soit réduit d’au moins 100 $ la tonne métrique par rapport à celui des producteurs nationaux[90]. Cependant, selon les prévisions de M. Halcrow, les prix offerts par les exportateurs coréens et turcs seraient plus bas que ceux des producteurs nationaux dans une plus grande mesure que le prix majoré, si l’ordonnance est annulée.[91]

94.              Compte tenu de cette preuve, et de la preuve dont il est fait état ci-dessus, concernant l’existence d’une capacité excédentaire importante et de l’orientation vers l’exportation dans les pays visés, combinées au nombre limité de nouveaux marchés pour l’exportation des marchandises en cause et d’autres produits d’acier, le Tribunal conclut que, afin d’accroître leur volume d’importation et leur part de marché, les marchandises en cause devraient en fait être vendues en deçà des prix courants, incluant la majoration du prix national.

95.              Pour ce qui est de la compression des prix, le Tribunal a entendu que le coût des SSC est largement tributaire de celui des BLC. Plus précisément, dans son témoignage, M. Mandel, de Welded Tube, a affirmé que le coût des BLC représente approximativement 80 p. 100 de celui des SSC[92]. En conséquence, si le coût des BLC augmentait sensiblement, les producteurs de SSC devraient également augmenter leurs prix afin de maintenir leur rentabilité.

96.              Atlas et Welded Tube font valoir que les prix de l’acier laminé à chaud ont augmenté rapidement dans les trois premiers trimestres de 2018, avant de diminuer à la fin de 2018 et durant le premier trimestre de 2019. Malgré cette baisse, Atlas et Welded Tube indiquent que le prix des BLC au deuxième trimestre de 2019 était d’environ 886 $ la tonne métrique, ce qui était encore bien au-dessus des prix de 2015 à 2017[93].

97.              Depuis juillet 2019, le prix nord-américain est de 830 $ la tonne métrique (sans inclure les frais de livraison)[94]. Des témoins de la branche de production nationale ont affirmé que les aciéries canadiennes produisant des BLC avaient annoncé trois augmentations de prix au cours des six dernières semaines[95].

98.              M. McArthur a confirmé que les producteurs nationaux de BLC tentaient d’augmenter les prix des BLC au moment de l’audience, mais il a souligné que le marché pourrait rejeter la tentative d’augmentation des prix[96]. Pour ce qui est des 12 à 18 prochains mois, Atlas et Welded Tube font valoir que le prix des BLC devrait se maintenir à environ 820 $ la tonne métrique (sans inclure les frais de livraison) jusqu’en 2020[97].

99.              L’augmentation des coûts des BLC se traduit dans les résultats financiers de la branche de production nationale. Les coûts directs des matières premières ont augmenté considérablement entre 2016 et 2018 et ont commencé à diminuer au premier trimestre de 2019, ce qui a entraîné une augmentation des coûts des produits fabriqués et des coûts des marchandises vendues. Les coûts des marchandises vendues ont augmenté plus rapidement que la valeur nette des ventes en 2017, par rapport à 2016, et surtout au premier trimestre de 2019, par rapport au premier trimestre de 2018[98].

100.          Le Tribunal conclut que si les marchandises en cause réapparaissent sur le marché, elles seront vendues à des prix considérablement inférieurs à celui du marché canadien, ce qui fera en sorte que les prix nationaux baisseront, puisque les producteurs nationaux n’auront d’autres choix que de réduire leurs prix afin de soutenir la concurrence. Par conséquent, selon le Tribunal, les marchandises en cause entraîneront probablement une réduction considérable des prix des marchandises similaires si l’ordonnance est annulée.

101.          Bien qu’il soit difficile de prédire avec une grande certitude de quelle façon évoluera le prix des BLC, compte tenu de l’incertitude qui règne en ce moment, le Tribunal reconnaît que, selon la preuve dont il dispose, il est fort probable que le prix des BLC augmente à court ou moyen terme et demeure supérieur aux prix en 2016 et 2017[99]. En outre, selon la preuve, les producteurs nationaux de SSC tentent actuellement d’augmenter les prix pour faire face à la hausse du prix des SSC. Le Tribunal conclut qu’il est probable que, si les marchandises en cause devaient réapparaître sur le marché à ce stade-ci et qu’elles font baisser les prix, comme indiqué ci-dessus, elles empêcheraient les producteurs nationaux de réaliser ces augmentations de prix. Par conséquent, le Tribunal conclut également que, si l’ordonnance est annulée, il est probable que le dumping des marchandises en cause entraîne une compression des prix pour la branche de production nationale, en empêchant des augmentations de prix qui auraient probablement eu lieu autrement.

Incidence probable sur la branche de production nationale

102.          Le Tribunal évaluera l’incidence probable des volumes et des prix discutés préalablement sur la branche de production nationale, dans l’éventualité où l’ordonnance serait prorogée[100]. Dans le cadre de cette analyse, le Tribunal fait une distinction entre l’incidence probable des marchandises sous‑évaluées et l’incidence probable de tout autre facteur qui agit ou qui pourrait vraisemblablement agir sur la branche de production nationale[101].

Données récentes sur le rendement

103.          Toutes sociétés confondues, le rendement financier de la branche de production nationale était positif durant la période visée par le réexamen. Les ventes nationales provenant de la production nationale ont diminué légèrement en 2017 par rapport à 2016, mais elles ont augmenté de 8 p. 100 en 2018 par rapport à 2017, et de 11 p. 100 au premier trimestre de 2019 par rapport à la même période en 2018[102]. La branche de production nationale détenait une part importante du marché national tout au long de la période visée par le réexamen[103] L’augmentation du coût des marchandises vendues a eu un effet sur les marges de profit et les recettes de la branche de production nationale au premier trimestre de 2019 par rapport à la même période en 2018[104]. Un certain redressement a été observé au deuxième trimestre de 2018[105].

104.          Pour ce qui est des ventes à l’exportation, le rendement de la branche de production nationale était aussi positif pendant la période visée par le réexamen. Cependant, le bénéfice net provenant des ventes à l’exportation a diminué considérablement au premier trimestre de 2019 par rapport à la même période en 2018[106]. Comme les États-Unis sont le principal marché d’exportation de la branche de production nationale, il est plus que probable que cette baisse soit attribuable à l’imposition des mesures au titre de l’article 232.

105.          Les charges financières de la branche de production nationale ont augmenté considérablement au premier trimestre de 2019 par rapport au premier trimestre de 2018, ce qui a contribué à la baisse importante du bénéfice net en 2019[107]. Cela dit, les charges financières au premier trimestre de 2018 semblaient inhabituellement basses[108].

106.          La capacité des aciéries et le taux d’utilisation de la capacité sont demeurés relativement stables, bien que le taux d’utilisation de la capacité ait diminué, passant de 53 p. 100 au premier trimestre de 2018 à 48 p. 100 au premier trimestre de 2019. Les emplois directs et les heures travaillées sont aussi demeurés relativement stables enregistrant une légère baisse au premier trimestre de 2019. Les producteurs nationaux ont également fait d’importants investissements pendant la période visée par le réexamen, en particulier en 2018[109].

Effet probable sur la branche de production nationale en cas d’annulation de l’ordonnance

107.          Atlas et Welded Tube font valoir qu’une réduction de 10 p. 100 du prix de vente sur le marché aurait un effet néfaste important sur les recettes, les marges de profit et le bénéfice net des entreprises. Comme indiqué ci-dessus, selon la branche de production nationale, les prix de vente des marchandises devraient s’établir entre 1 000 $ et 1 300 $ la tonne métrique, ce qui est au moins 10 p. 100 plus bas que le prix du marché à la fin de la période visée par le réexamen.

108.          M. Manfre, qui représente le Syndicat des Métallos à l’aciérie de Welded Tube, à Concord (Ontario), a affirmé qu’une reprise de l’importation des marchandises sous-évaluées et les pertes de recettes correspondantes entraîneraient la diminution du nombre d’emplois[110].

109.          Nova fait valoir que les marchandises en cause réapparaîtraient sur le marché à un prix 15 p. 100 inférieur au prix du marché canadien, entraînant une diminution des prix et une perte de ventes, ce qui mènerait à une baisse de la rentabilité. Par conséquent, les investissements prévus en immobilisations de Nova seraient compromis.

110.          Comme mentionné dans l’analyse qui précède, si l’ordonnance est annulée, les marchandises en cause réapparaîtront probablement sur le marché national en quantité importante et à des prix qui risquent sans doute d’entraîner une baisse et une compression des prix des marchandises similaires. Le Tribunal accepte également que la preuve de la branche de production nationale constitue une estimation raisonnable de l’incidence de la présence renouvelée des marchandises en cause sur les prix de la branche de production nationale et des répercussions qui en résulteraient sur sa rentabilité, si l’ordonnance est annulée.

111.          La preuve relative au rendement récent de la branche de production nationale indique que les producteurs ont constaté récemment que la rentabilité a diminué. Si les niveaux de prix baissent à la suite de la réapparition sur le marché canadien des marchandises en cause, le Tribunal conclut que la situation financière des producteurs nationaux se détériorera considérablement. Par ailleurs, compte tenu de la hausse des coûts des matières premières qui réduit les marges de profit, le Tribunal est d’avis que les producteurs nationaux seront probablement forcés de réduire leur production et seront incapables de justifier des investissements qui dépendent du rendement financier et des perspectives du marché.

Facteurs autres que le dumping

112.          Conformément à l’alinéa 37.2(2)k) du Règlement, le Tribunal peut prendre en compte tout autre facteur pertinent dans les circonstances. Par conséquent, le Tribunal a examiné certains facteurs qui ne sont pas liés au dumping et qui pourraient avoir un effet néfaste sur la branche de production nationale.

113.          Le coût des intrants est une préoccupation importante. Comme mentionné ci-dessus, la branche de production nationale prévoit que le coût des BLC continuera d’augmenter à court et à moyen terme. Ce facteur en soi aura un effet important sur la rentabilité. De plus, les producteurs nationaux ont présenté des éléments de preuve selon lesquels ils achètent des BLC principalement de sources nationales, mais que le prix nord-américain des BLC est plus élevé que le prix à l’échelle internationale. Ils ont également apporté la preuve que des options moins chères sont offertes sur le marché international et ils ont fait valoir que les pays visés bénéficient d’un avantage concurrentiel parce qu’ils sont en mesure de s’approvisionner en BLC auprès de la Chine et d’autres sources[111]. Bien que le Tribunal ait reconnu que l’ordonnance qu’il a rendue à l’égard des BLC originaires de la Chine, du Brésil, de l’Inde et de l’Ukraine pourrait rendre ces sources moins concurrentielles pour les producteurs canadiens de SSC, le Tribunal s’est néanmoins demandé si la branche de production nationale pourrait envisager de se tourner vers d’autres sources en dehors de l’Amérique du Nord afin de réduire ses coûts.

114.          Les producteurs nationaux ont répondu qu’ils considèrent toutes les sources d’approvisionnement avant de prendre une décision d’achat. Toutefois, les prix des SSC achetées au Canada ont jusqu’à présent été fixés de façon concurrentielle lorsque les coûts de propriété complets (y compris les coûts liés à l’expédition, à la manutention et au transport de l’acier en stock) sont pris en compte dans l’analyse. Ils ont ajouté que l’achat d’acier au Canada présente certains avantages sur le plan des délais, de la qualité et des services, et que les achats à l’étranger comportent des risques connexes, notamment le risque que le prix diminue pendant la période de deux à trois mois nécessaire pour que l’acier soit fabriqué et expédié au Canada. Dans ce scénario, l’acheteur se retrouverait probablement avec des stocks à prix élevés. Les producteurs nationaux ont ajouté qu’ils tentent d’améliorer leur efficacité opérationnelle interne afin d’atténuer cette hausse des coûts. Néanmoins, ils ont indiqué qu’ils envisageraient d’apporter des changements à leur stratégie d’acquisition si les BLC nationales n’étaient plus concurrentielles[112].

115.          Le Tribunal est convaincu que la stratégie d’acquisition de BLC des producteurs nationaux est rationnelle sur le plan économique. Ils soutiennent qu’ils préfèrent acheter sur le marché intérieur parce qu’ils sont en mesure d’obtenir des BLC à des prix compétitifs, en particulier si l’on tient compte du coût total de propriété. Même s’ils ont indiqué que la loyauté envers leurs fournisseurs canadiens est une considération importante, elle n’est pas sans limites.

116.          Le Tribunal s’est aussi penché sur la capacité de la branche de production nationale à accroître ses ventes à l’exportation pour améliorer sa situation financière, surtout depuis que les mesures au titre de l’article 232 visant le Canada ont été retirées et que le marché américain est à nouveau ouvert à la branche de production nationale. Les témoins de la branche de production nationale ont affirmé qu’ils hésitaient à retourner aux ventes à l’exportation aux États-Unis en raison de la menace de rétablissement des mesures au titre de l’article 232 s’il y a une poussée des importations au-dessus des niveaux historiques. Par conséquent, ils assurent le suivi de leurs volumes d’exportation. De plus, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels la demande d’acier fabriqué à l’extérieur des États-Unis a diminué en raison des exigences « fabriqué aux États-Unis » relatives aux projets d’infrastructure[113]. Il a également entendu des témoignages selon lesquels le marché américain n’est pas solide et que les producteurs américains de SSC font de plus en plus d’offres de SSC au Canada[114].

117.          Malgré ces préoccupations, les producteurs nationaux ont fait savoir qu’ils visaient à maintenir leurs volumes d’exportation historiques vers les États-Unis[115]. L’approche qui sera finalement adoptée par les producteurs nationaux pour retrouver les niveaux historiques des exportations vers les États-Unis pourrait avoir une incidence sur son rendement à court et à moyen terme. Toutefois, le Tribunal estime qu’il ne s’est pas écoulé suffisamment de temps depuis le retrait des mesures au titre de l’article 232 pour conclure définitivement que les producteurs nationaux pourront reprendre ou augmenter leurs volumes d’exportation vers les États-Unis.

118.          Lors de l’audience, le Tribunal a également entendu des témoignages selon lesquels Atlas avait l’intention d’investir dans une nouvelle aciérie aux États-Unis.[116] Le Tribunal s’est donc demandé si cette décision aurait une incidence négative sur la production et les ventes canadiennes. Atlas a fait valoir qu’elle avait fait d’importants investissements dans ses opérations canadiennes pendant la période visée par le réexamen et a souligné des éléments de la preuve au dossier concernant d’autres projets d’investissements importants[117]. Elle a également soutenu que les aciéries américaines devaient fabriquer différentes gammes de tailles de SSC non produites au Canada et que les aciéries canadiennes demeureront une importante source d’approvisionnement[118].

119.          Le Tribunal reconnaît que les produits qui seront fabriqués à la nouvelle aciérie américaine semblent plus gros que les tubes pouvant être fabriqués au Canada. Par conséquent, la construction de cette aciérie ne semble pas avoir d’incidence directe évidente sur les ventes et la production canadiennes. De plus, le Tribunal souligne que la mise en service de la nouvelle aciérie n’est pas prévue avant septembre 2021[119], ce qui est en dehors de la période visée de 12 à 18 mois.

120.          Enfin, le Tribunal relève qu’une grande partie de l’argumentation des parties qui appuient la prorogation de l’ordonnance est axée sur le fait que la concurrence des importations non visées fait déjà baisser le prix sur le marché intérieur. De plus, les mesures commerciales des États-Unis et de l’Union européenne s’appliquent également aux SSC non visées qui peuvent être détournées vers le marché canadien si elles sont exclues des marchés américain et européen. Néanmoins, la capacité importante et l’orientation des producteurs des marchandises en cause vers l’exportation indiquent que la situation de la branche de production nationale sera probablement encore plus défavorable de façon significative si l’ordonnance est annulée.

121.          Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’annulation de l’ordonnance causerait, en soi, probablement un dommage sensible à la branche de production nationale.

Commentaires additionnels

122.          À la fin de l’étape de la plaidoirie, les membres du Tribunal ont posé plusieurs questions aux conseillers juridiques. Durant les échanges qui ont eu lieu, ces derniers ont formulé des commentaires et des arguments que les membres du Tribunal souhaitent aborder dans le but de faire preuve d’une transparence maximale et de fournir une orientation aux parties qui participeront à l’avenir dans des réexamens relatifs à l’expiration.

123.          La première question posée aux conseillers juridiques pourrait être considérée comme étant de nature philosophique. Essentiellement, les membres du Tribunal on demandé si le nombre d’années qui se sont écoulées depuis la conclusion initiale constituait un facteur pertinent dont le Tribunal devait tenir compte. Dans l’affirmative, quelle incidence le fait que des recours commerciaux offrent une protection depuis longtemps aurait-elle dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration? Cette question a été soulevée en raison du fait qu’il s’agit du troisième réexamen depuis la conclusion initiale. En outre, depuis cette conclusion, la branche de production nationale a considérablement amélioré son rendement dans le marché canadien[120].

124.          Les autres questions soulevées par les membres du Tribunal étaient plus précises. Certains éléments factuels ont été mis en évidence durant l’audience, et les membres du Tribunal étaient d’avis qu’ils n’ont peut-être pas été abordés suffisamment en détail par les conseillers juridiques et les parties. Ces questions concernaient le coût des intrants, le rendement à l’exportation et la construction d’une nouvelle aciérie par Atlas, dont il a été question dans l’examen des « autres facteurs » dans les paragraphes précédents[121].

Temps écoulé depuis la conclusion initiale

125.          Lorsqu’ils ont répondu à la question du Tribunal, les conseillers juridiques ont indiqué, chacun à leur manière, que selon le libellé de l’article 11.1 de l’Accord antidumping, les droits antidumping ne devraient rester en vigueur que le temps nécessaire[122]. Ils ont également fait valoir que le terme « nécessaire » devrait être interprété de manière à vouloir dire que ces droits sont essentiels pour prévenir la poursuite ou la reprise du dumping qui causerait un dommage sensible à la branche de production nationale au cours des 12 à 24 prochains mois. Les conseillers juridiques ont exprimé leur opinion collective selon laquelle le nombre de fois où une ordonnance a fait l’objet d’un réexamen n’est pas pertinent dans le cadre de l’application du critère juridique[123].

126.          Le Tribunal souscrit à cette position générale, car elle reflète correctement la manière dont les articles 11.1 et 11.3 de l’Accord antidumping ont été interprétés par les groupes spéciaux de règlement de différends et l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)[124]. Elle est également conforme à la position adoptée par le Tribunal dans ses décisions précédentes[125]

127.          L’article 11.1 prévoit que les droits antidumping « ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping qui cause un dommage » [nos italiques, nos caractères gras]. Comme l’Organe d’appel l’a souligné, le maintien d’un droit antidumping « est une “exception” à l’obligation sinon imposée de supprimer le droit au bout de cinq ans »[126]. Il s’agit également d’une exception aux principes généraux qui sous-tendent les traités commerciaux, notamment au principe selon lequel le libre-échange devrait être facilité.

128.          Ainsi, le maintien des droits antidumping n’est pas automatique. Chaque fois que l’on envisage de proroger une conclusion, il doit y avoir suffisamment d’éléments probants pour démontrer l’existence de conditions qui satisfont au critère juridique requis.

129.          Lorsqu’ils ont commenté la pertinence du rendement de la branche de production nationale dans le contexte de l’analyse applicable à un réexamen relatif à l’expiration, les conseillers juridiques ont indiqué que l’état de la branche de production nationale à un moment donné n’est pas pertinent. La question clé est celle de savoir si des dommages seraient causés, peu importe la position dans laquelle l’industrie se trouve[127]. Les conseillers juridiques ont fait valoir que, contrairement à l’Accord sur les sauvegardes de l’OMC, l’Accord antidumping ou la LMSI n’établissent aucun lien entre la durée de la protection de droits antidumping et le temps nécessaire à l’industrie pour se remettre sur pied[128]. Essentiellement, les conseillers juridiques ont soutenu que le Tribunal doit prendre l’industrie telle qu’elle est et évaluer si le dommage probable serait sensible en tenant compte des renseignements financiers les plus récents[129].

130.          De l’avis du Tribunal, les conseillers juridiques semblent prétendre que le rôle du Tribunal se limite à effectuer une analyse quantitative sous forme de « liste de vérification » de nature prospective pour évaluer l’état potentiel de la branche de production nationale au cours des 12 à 24 prochains mois. Le Tribunal adopte un point de vue différent en ce qui concerne la pertinence du rendement de la branche de production nationale au fil du temps, c’est-à-dire durant la période qui s’est écoulée depuis l’imposition de droits antidumping, à compter de la date de la conclusion initiale, lorsqu’il s’agit de déterminer si une ordonnance imposant des droits antidumping doit être prorogée en vertu de la LMSI, au motif que les droits sont toujours « nécessaires » selon l’article 11.1 de l’Accord antidumping[130].

131.          Dans leur réponse à la question du Tribunal, les conseillers juridiques ont mis l’accent sur l’incidence qu’aurait le rendement de la branche de production nationale sur le caractère sensible du dommage. À cet égard, le Tribunal convient que l’analyse du caractère sensible repose principalement sur les renseignements financiers les plus récents et sur l’incidence qu’ils ont sur l’analyse prospective. 

132.          Cependant, les conseillers juridiques n’ont pas abordé de manière significative l’incidence du rendement de la branche de production nationale sur l’analyse de la causalité. Par exemple, l’absence de toute initiative de la part de la branche de production nationale pour améliorer sa compétitivité pourrait-elle devenir, avec le temps, un « autre facteur » que le Tribunal devrait prendre en compte dans son analyse de la causalité[131]? Autrement dit, les actes ou les omissions de la branche de production nationale concernant sa compétitivité deviennent-ils au fil du temps plus pertinents dans les cas où le Tribunal envisage de proroger une conclusion de cinq années supplémentaires après plusieurs prorogations antérieures? Si l’on prend ces prorogations de façon cumulative, cela veut dire que le libre-échange aura été limité pendant longtemps. Le Tribunal est d’avis que, selon les circonstances, il pourrait s’agir d’un élément valide à prendre en compte dans l’analyse de la causalité.

133.          Ces considérations soulèvent la question de savoir si le Tribunal devrait tenir compte de certains aspects non quantitatifs du rendement de la branche de production nationale durant la période pendant laquelle l’ordonnance était en vigueur lorsqu’il évalue s’il y a lieu de proroger l’ordonnance.

134.          Les recours commerciaux sont importants pour permettre aux producteurs nationaux de livrer une concurrence équitable sur le marché canadien. Toutefois, la mise en œuvre de recours commerciaux n’est justifiée que lorsque l’existence d’un dommage attribuable à des importations faisant l’objet d’un dumping est établie (dans le cas d’un réexamen relatif à l’expiration, il s’agirait du dommage susceptible de découler de l’annulation d’une ordonnance ou d’une conclusion).

135.          Les investissements dans les nouvelles technologies, les chaînes de production ou d’autres types d’investissements qui amélioreraient l’efficacité et la compétitivité sont aussi importants. L’innovation peut également permettre aux producteurs nationaux de livrer une meilleure concurrence aux producteurs étrangers. Il ne s’agit là que de quelques exemples d’actes qui sont susceptibles d’accroître la compétitivité d’une industrie. À l’inverse, l’absence de tels actes réduirait la capacité d’une industrie à faire face à la concurrence étrangère et pourrait avoir une influence sur son rendement financier à court et à moyen terme. La disponibilité et la faisabilité de ces stratégies concurrentielles additionnelles dépendent bien sûr de l’état de la technologie dans une industrie donnée ainsi que de l’état de l’économie. Par conséquent, ces facteurs devraient être pris en compte de façon ponctuelle.

136.          Le Tribunal est d’avis qu’il n’évaluerait pas adéquatement l’existence d’un lien de causalité entre le dumping probable des importations en question et le dommage sensible probable à la branche de production nationale s’il ne prenait pas en compte l’incidence que les actes (ou les omissions) de la branche de production nationale pourraient avoir sur son rendement futur. Cela est particulièrement vrai lorsque la branche de production nationale a profité pendant longtemps d’une protection antidumping. En ce sens, le Tribunal croit qu’une évaluation de ces autres facteurs est pertinente dans le cadre d’une analyse appropriée du lien de causalité lors d’un réexamen relatif à l’expiration.

137.          Les parties qui demandent au Tribunal de procéder à un réexamen doivent fournir des renseignements qui sont utiles et qui justifient la nécessité d’un tel réexamen[132]. Bien qu’aucun fardeau similaire ne soit imposé aux parties durant le réexamen, il va de soi, sur le plan pratique, que l’obligation de convaincre le Tribunal imposée aux parties qui demandent la prorogation d’une ordonnance ne prend pas fin lorsque le Tribunal décide de procéder à un réexamen.

138.          Lors de l’enquête, les parties ont également le fardeau de convaincre le Tribunal que les conditions requises sont respectées et que les droits sont « nécessaires ». Elles doivent entre autres fournir des éléments de preuve ou une explication des stratégies économiques et des initiatives qu’elles ont mises en place pour renforcer leurs positions concurrentielles au cours de la période durant laquelle l’industrie a bénéficié de la protection des recours commerciaux, notamment grâce aux exemples mentionnés précédemment. Si les parties n’ont pas pu mettre en œuvre ces stratégies, elles doivent aider le Tribunal à comprendre pourquoi celles-ci n’étaient pas réalisables.

139.          Étant donné que les droits antidumping constituent une mesure économique exceptionnelle, les parties qui demandent la prorogation d’une ordonnance doivent faire de leur mieux pour présenter les meilleurs éléments de preuve qui sont à leur disposition et pour examiner soigneusement tous les facteurs qui sont pertinents dans le contexte du caractère sensible du dommage et du lien de causalité que le Tribunal doit évaluer.

Éléments factuels révélés durant les témoignages et obligation du Tribunal d’examiner les questions soulevées par ces éléments

140.          Durant l’étape des témoignages à l’audience, les témoins de la branche nationale de production ont commenté certains faits qui figuraient déjà au dossier et en ont présenté d’autres. Ces nouveaux faits avaient des incidences qui ont quelque peu surpris le Tribunal. Comme il a été mentionné précédemment, à l’étape de la plaidoirie, le Tribunal a indiqué qu’il croyait que ces nouveaux éléments factuels pouvaient être pertinents dans le cadre de ses délibérations et qu’ils n’avaient peut-être pas été abordés de manière suffisamment approfondie par les parties. Par conséquent, il a demandé aux conseillers juridiques de formuler des commentaires sur l’importance et l’incidence de ces faits additionnels.

141.          En réponse, les conseillers juridiques ont indiqué que, même si le Tribunal était mal à l’aise, il était tenu d’examiner uniquement les éléments de preuve au dossier, à moins que les témoins ne soient rappelés à la barre ou que d’autres étapes procédurales ne soient enclenchées[133]. Ils ont milité en faveur d’une approche prudente et se sont dits inquiets que le Tribunal cherche à les obliger à tenir compte d’éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier[134]. En ce qui concerne les nouveaux faits révélés durant les témoignages et leur pertinence dans le contexte des questions que le Tribunal doit examiner et trancher, les conseillers juridiques ont laissé entendre que l’absence de parties adverses rendait l’incidence des nouveaux faits moins pertinente, voire même sans importance. Ils ont ajouté que l’absence de parties adverses limitait le pouvoir du Tribunal d’examiner ces faits et de soupeser leur incidence, et ont affirmé que le Tribunal ne devrait pas assumer un rôle qui appartiendrait aux parties adverses s’il y en avait. Ils se sont également dits préoccupés par le fait que cela pourrait être vu comme jetant un doute sur l’impartialité du Tribunal[135].

142.          D’emblée, le Tribunal souhaite rassurer les conseillers juridiques en leur indiquant qu’il est pleinement conscient qu’il ne doit tenir compte que des éléments de preuve qui figurent au dossier. Il sait également que les conseilleurs juridiques ne peuvent pas fournir d’éléments de preuve pour étayer les déclarations de leurs témoins. Les parties n’ont pas à s’en faire; le Tribunal connaît bien les principes fondamentaux du droit qui s’appliquent à l’exercice de sa compétence.

143.          Ce que le Tribunal tentait de faire en posant ces questions était d’informer les conseillers juridiques qu’il était d’avis que certains des faits (et leur incidence) soulevés lors des témoignages étaient pertinents et qu’ils n’avaient peut-être pas été abordés adéquatement. Pour dire les choses franchement, ces faits ont été passés sous silence lors des plaidoiries, jusqu’à ce que les membres du Tribunal les soulèvent. Le Tribunal s’est efforcé de donner aux conseillers juridiques l’occasion de commenter la situation tout en étant bien au courant que des mesures procédurales pouvaient être prises s’il estimait qu’il était nécessaire d’aborder ces faits plus en détail.

144.          Le Tribunal souscrit à la plupart des commentaires formulés par les conseillers juridiques en réponse à ses questions. Toutefois, il reste un point important de désaccord apparent entre les conseillers juridiques et le Tribunal. Le fait qu’aucune partie ne s’oppose à la prorogation de l’ordonnance (y compris à la possibilité que les questions cernées par le Tribunal soient soulevées) ne limite aucunement le rôle du Tribunal à l’égard de l’examen de ces questions. C’est particulièrement le cas lorsque le Tribunal considère ces questions comme étant pertinentes dans le cadre de l’exercice de sa compétence.

145.          En l’espèce, il vaut la peine d’examiner quelques concepts de base qui guident le Tribunal dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration sous le régime de la LMSI. Ces concepts découlent des obligations commerciales internationales du Canada prévues dans les accords de l’OMC et existent aussi dans le droit canadien.

146.          D’abord et avant tout, les conclusions du Tribunal doivent être fondées sur des éléments de preuve positifs[136]. La norme des éléments de preuve positifs imposée à l’article 3.1 de l’Accord antidumping s’applique également aux réexamens relatifs à l’expiration[137].

147.          L’autorité chargée de l’enquête est tenue d’évaluer tous les facteurs pertinents. Pour ce faire, elle doit avoir suffisamment de renseignements sur ces facteurs. Il n’y a aucune limite, expresse ou implicite, à l’égard des mesures que l’autorité peut prendre pour obtenir de tels renseignements[138], sous réserve des considérations liées à l’équité procédurale.

148.          Le concept d’éléments de preuve positifs se rapporte à la qualité des éléments de preuve sur lesquels les autorités peuvent se fonder pour déterminer l’existence d’un dommage. Selon l’Organe d’appel, les éléments de preuve positifs doivent être de caractère affirmatif, objectif et vérifiable et doivent être crédibles[139].

149.          L’article 11 de l’Accord antidumping envisage un processus associant à la fois un aspect d’enquête et un aspect décisionnel et il attribue aux autorités un rôle actif et non passif en matière de prise de décision[140]. Dans ce contexte, le Tribunal mène une enquête quasi judiciaire dont l’audience constitue une étape importante, sans pour autant être la seule. Cette enquête quasi judiciaire doit être menée en conformité avec les règles de la justice naturelle et de l’équité procédurale. Cependant, lorsqu’il mène une enquête sur les recours commerciaux, le Tribunal n’agit pas seulement comme un tribunal le ferait lors d’un procès. Contrairement aux procédures purement contradictoires où les tribunaux peuvent accorder une réparation à laquelle aucune partie ne s’oppose, le Tribunal ne peut considérer l’absence d’opposition comme étant un facteur pertinent ou déterminant dans le contexte des décisions qu’il doit prendre. Par conséquent, le fait qu’une partie s’oppose ou non à la prorogation de l’ordonnance n’est pas pertinent.

150.          Dans un réexamen relatif à l’expiration, le concept de lien de causalité est fondamental à l’analyse de la probabilité qu’un dommage soit causé[141]. Ainsi, une fois que le Tribunal juge qu’il y a suffisamment d’éléments factuels pertinents qui doivent être précisés afin qu’il soit en mesure d’évaluer leur incidence possible, il doit poursuivre son enquête dans la mesure du possible en tenant compte des dates limites applicables imposées par la loi. Lorsque vient le temps de tirer sa conclusion et de rendre sa décision, le Tribunal ne doit pas hésiter à faire usage de son pouvoir pour vérifier les faits dans toute la mesure du possible afin de consigner les meilleurs éléments de preuve disponibles au dossier. L’autorité chargée de l’enquête doit disposer d’une base factuelle suffisante pour lui permettre de tirer des conclusions motivées et adéquates concernant la probabilité que le dumping des importations en question subsiste ou se reproduise et concernant la probabilité du dommage qui serait causé par un tel dumping[142].

151.          Dans des décisions antérieures, les membres du Tribunal ont déjà établi que le prix d’achat des BLC par la branche de production nationale[143] et le rendement à l’exportation de cette dernière[144] étaient des questions pertinentes pour son analyse du lien de causalité. Elles étaient particulièrement pertinentes pour la détermination des facteurs de non-imputation. De plus, comme il est décrit ci-dessus, le Tribunal s’est rendu compte au moment de l’audience qu’une entreprise affiliée à un producteur national avait fait un investissement important dans des installations de production à l’étranger. Le Tribunal était d’avis que les commentaires faits par les témoins durant l’audience ont soulevé des questions qui devaient être examinées plus attentivement.

152.          Comme il est indiqué dans les présents motifs, le Tribunal a exercé son pouvoir afin de poser des questions additionnelles aux parties concernant deux de ces trois sujets, et l’a fait sous forme de demandes de renseignements supplémentaires. Les réponses à ces questions ont permis au Tribunal de confirmer qu’il disposait de la base factuelle nécessaire pour terminer son analyse de la probabilité d’un dommage. En ce qui a trait au troisième sujet, c’est-à-dire l’investissement fait par une entreprise affiliée à un producteur national, le Tribunal a trouvé les documents publics de l’entreprise en question, les a mis au dossier et a sollicité les commentaires des conseillers juridiques. Ces enquêtes supplémentaires ont convaincu le Tribunal que la nouvelle installation ne deviendrait opérationnelle qu’après la période de 12 à 18 mois qui était pertinente dans le cadre de l’analyse prospective. Ainsi, la question ne méritait pas que l’on s’y attarde plus longtemps.

153.          L’absence de partie adverse ne change rien aux obligations du Tribunal et à la manière dont il doit exercer son rôle d’enquête. Le Tribunal doit s’assurer de disposer de la base factuelle qui lui permettra de tirer des conclusions motivées et adéquates. Tant que les actes du Tribunal visent à établir la base factuelle sur laquelle il se fondera pour rendre sa décision à la fin de son enquête quasi judiciaire et tant qu’ils respectent les règles de la justice naturelle et de l’équité procédurale dans le cadre d’une enquête, l’indépendance du Tribunal demeure intacte aux fins de l’Accord antidumping et conformément au droit canadien.

DÉCISION

154.          Par conséquent, aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI, le Tribunal proroge par les présentes son ordonnance concernant les marchandises en cause.




Jean Bédard                            
Jean Bédard
Membre présidant




Serge Fréchette                       
Serge Fréchette
Membre




Susan D. Beaubien                 
Susan D. Beaubien
Membre



[1].     Le réexamen relatif à l’expiration est mené aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

[2].     Cette ordonnance prorogeait en partie celle rendue par le Tribunal le 22 décembre 2008, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2008-001, par laquelle avaient été prorogées ses conclusions rendues le 23 décembre 2003, dans le cadre de l’enquête no NQ-2003-001.

[3].     La définition complète du produit se trouve au paragraphe 14.

[4].     Pièce RR-2018-006-03, vol. 1 à la p. 5.

[5].     Le Tribunal a reçu des réponses de 20 entreprises qui disaient ne pas avoir importé de marchandises répondant à la définition du produit au cours de la période visée par le réexamen : pièce RR-2018-006-05A, vol. 1 à la p. 8.

[6].     Les demandes du Tribunal se trouvent aux pièces RR-2018-006-RFI-01 et RFI-02; les réponses des parties sont incluses dans les pièces RR-2018-006-RI-01, RI-01A, RI-01B, RI-01C, RI-01D, RI-02, RI-02A, RI-02B, RI‑02C, RI-02D, RI-03, RI-03A, RI-03B, RI-03C, RI-03D et RI-03E.

[7].     Le ministre du Commerce de la Turquie a déposé un avis de participation, mais il n’a pas présenté d’observations et il n’a pas comparu à l’audience.

[8].     Transcription de l’audience à huis clos, vol. 1, 6 août 2019, à la p. 3.

[9].     Pièce RR-2018-006-15.03B, vol. 3; pièce RR-2018-006-16.03 (protégée), vol. 4.

[10].   Pièce RR-2018-006-05B, vol. 1.1; pièce RR-2018-006-06B (protégée), vol. 2.1.

[11].   Les demandes du Tribunal se trouvent dans la pièce RR-2018-006-RFI-03; les réponses des parties sont présentées dans les pièces RR-2018-006-RI-01E, RI-01F, RI-02E, RI-03F et RI-03G.

[12].   Pièces RR-2018-006-33.02, 33.03 et 33.04, vol. 1.

[13].   Pièces RR-2018-006-42, vol. 1; RR-2018-006-43, vol. 1, RR-2018-006-44 (protégée), vol. 2.

[14].   Pièce RR-2018-006-03A, vol. 1 à la p. 45.

[15].   Pièce RR-2018-006-03A, vol. 1 à la p. 45.

[16].   Si le Tribunal détermine que le présent réexamen relatif à l’expiration vise plus d’une catégorie de marchandises, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation and Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. and Anti-dumping Tribunal, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[17].   Voir par exemple Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48.

[18].   Tubes structuraux (20 décembre 2013), RR-2013-001 (TCCE) [RR-2013-001] aux par. 22-23.

[19].   Pièce RR-2018-006-A-03 aux par. 16-17, vol. 11; pièce RR-2016-006-A-05 aux par. 24, 29, vol. 11; pièce RR-2018-006-C-02 aux par. 10-11, 14, vol. 11.

[20].   « Proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité. Japan Electrical Manufacturers Assoc. c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] A.C.F. nº 652 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.); Chine – Droits antidumping et compensateurs visant certaines automobiles en provenance des États-Unis (23 mai 2014), OMC Doc. WT/DS440/R, rapport du groupe spécial au par. 7.207; Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (15 juillet 2011), OMC Doc. WT/DS397/AB/R, rapport de l’Organe d’appel aux par. 411, 412, 419; Argentine – Droits antidumping définitifs visant la viande de volaille en provenance du Brésil (22 avril 2003), OMC Doc. WT/DS241/R, rapport du groupe spécial au par. 7.341.

[21].   Pièce RR-2018-006-A-03 au par. 2, vol. 11; pièce RR-2018-006-A-04 (protégée) au par. 8, vol. 12; pièce RR-2018-006-05A au tableau 29, vol. 1.1; pièce RR-2018-006-06A (protégée) à l’annexe 18, vol. 2.1.

[22].   Pièce RR-2018-006-05A au tableau 29, vol. 1.1; pièce RR-2018-006-06A (protégée) aux annexes 15, 18, 24 et 27, vol. 2.1.

[23].   Les marchandises provenant d’Afrique du Sud ont fait l’objet d’une analyse distincte, car le Tribunal n’était pas convaincu que ces marchandises réapparaîtraient vraisemblablement sur le marché canadien. En définitive, le Tribunal a annulé son ordonnance visant l’Afrique du Sud; voir RR-2013-001 aux par. 39-41, 157.

[24].   Pièce RR-2016-006-A-05 aux par. 24, 29, 54, vol. 11; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 30, 65, 97, 98; vol. 2, 7 août 2019, aux p. 184-185.

[25].   Certains lave-vaisselle et sécheuses (ordonnance de procédure du 25 avril 2005), RR-2004-005 (TCCE) au par. 16.

[26].   Raccords de tuyauterie en cuivre (17 février 2012), RR-2011-001 (TCCE) au par. 56. Dans Conteneurs thermoélectriques (9 décembre 2013), RR-2012-004 (TCCE) au par. 14, le Tribunal a affirmé que le contexte d’analyse dans lequel il est statué sur un réexamen relatif à l’expiration comprend souvent l'évaluation d’éléments de preuve rétrospectifs appuyant des conclusions prospectives. Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE) au par. 21.

[27].   Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (16 août 2006), RR-2005-002 (TCCE) au par. 59.

[28].   Conteneurs thermoélectriques; Extrusions d’aluminium.

[29].   D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[30].   Voir Tubes structuraux (22 décembre 2008), RR-2008-001 (TCCE) au par. 48.

[31].   Tubes soudés en acier au carbone (28 mars 2019), RR-2018-001 (TCCE) au par. 34; Tubes soudés en acier au carbone (15 octobre 2018), RR-2017-005 (TCCE) au par. 59.

[32].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 92, 96; vol. 2, 7 août 2019, à la p. 137.

[33].   Pièce RR-2018-006-A-03 aux par. 40, 57, vol. 11; pièce RR-2018-006-A-05 au par. 8, vol. 11.

[34].   Voir l’alinéa 37.2(2)j) du Règlement.

[35].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 9, vol. 11.

[36].   Enquêtes de sauvegarde sur l’importation de certains produits de l’acier (3 avril 2019), GC-2018-001 (TCCE) à la p. 12; Tubes soudés en acier au carbone (28 mars 2019), RR-2018-001 (TCCE) au par. 50; Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz (28 novembre 2018), RR-2017-006 (TCCE) au par. 53.

[37].   Pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 5 aux p. 346 et 370, vol. 11.

[38].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 8 aux p. 176-177, vol. 11; pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 5 aux p. 346, 357-358, 360, 370, vol. 11.

[39].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 8 à la p. 176, vol. 11.

[40].   Il existe des ordonnances antidumping et compensatoires en vigueur au Canada visant les BLC originaires des principaux pays exportateurs, dont la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Ukraine.

[41].   Pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 5 aux p. 347-348, 373, vol. 11.

[42].   Pièce RR-2018-006-A-03 au par. 26, vol. 11; pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 10 à la p. 452, vol. 11.

[43].   Ibid., pièce jointe 4; pièce RR-2018-006-A-01, onglet 6 aux p. 162-163, vol. 11; pièce RR-2018-006-A-01, onglet 6 aux p. 164-165, vol. 11.

[44].   Pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 4, vol. 11.

[45].   Ibid., pièce jointe 3, vol. 11.

[46].   Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (acier et aluminium), C.P. 2018-961, Gaz. C. 2018.II.2951.

[47].   Décret imposant une surtaxe sur l’importation de certains produits de l’acier, DORS/2018-206, Gaz. C. 2018.II.3724.

[48].   Décret modifiant le Décret imposant une surtaxe sur l’importation de certains produits de l’acier (sauvegardes définitives), C.P. 2019-474, Gaz. C. 2019.II.1893.

[49].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 12, vol. 11; pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 3, vol. 11; Décret abrogeant le Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (acier et aluminium), C.P. 2019-522, Gaz. C. 2019.II.2051.

[50].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 12, vol. 11.

[51].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 14, 39, 94, 106; vol. 2, 7 août 2019, à la p. 153.

[52].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 3 à la p. 1, vol. 11.

[53].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 14, 109.

[54].   Pièce RR-2018-006-05A, tableau 8, vol. 1.1.

[55].   Pièce RR-2018-006-03A, vol. 1 à la p. 9.

[56].   Pièce RR-2018-006-05A, vol. 1.1 aux p. 5-6.

[57].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 38, 54, 63, 103.

[58].   Pièce RR-2018-006-05A, tableau 9, vol. 1.1.

[59].   Pièce RR-2018-006-06A (protégée), tableau 10, vol. 2.1.

[60].   Ibid., tableau 4.

[61].   Pièce RR-2018-006-06A (protégée), tableau 5, vol. 2.1; ibid., tableau 7.

[62].   Pièce RR-2018-006-05A, tableau 6, vol. 1.1.

[63].   Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, à la p. 159.

[64].   Alinéas 37.2(2)a), d), f), h) et i) du Règlement.

[65].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 8 à la p. 178, vol. 11.

[66].   Ibid., onglet 9 à la p. 187.

[67].   Pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 9 aux p. 442-443, vol. 11.

[68].   Ibid., pièce jointe 5 à la p. 359.

[69].   Ibid., pièce jointe 5 à la p. 376.

[70].   Pièce RR-2018-006-A-01, onglet 8 à la p. 178, vol. 11.

[71].   Pièce RR-2018-006-C-01, pièce jointe 10 aux p. 450-451, vol. 11.

[72].   Ibid., pièce jointe 10 aux p. 450-453.

[73].   Pièce RR-2018-006-05A, tableau 2, vol. 1.1.

[74].   Pièce RR-2018-006-C-02 aux par. 21, 22, vol. 11; pièce RR-2018-006-C-03 (protégée), pièce jointe 1, vol. 12; ibid., pièce jointe 2; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 96-97; vol. 2, 7 août 2019, à la p. 184.

[75].   Alinéa 37.2(2)b) du Règlement.

[76].   Pièce RR-2018-006-05A, tableau 21, vol. 1.1; pièce RR-2018-006-06A (protégée), tableau 21, vol. 2.1.

[77].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 23-24, 71.

[78].   Ibid. à la p. 70.

[79].   Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, aux p. 153, 199.

[80].   Ibid. aux p. 216-217.

[81].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 70, 81.

[82].   Pièce RR-2018-006-A-04 (protégée) aux p. 16-28, vol. 12; pièce RR-2018-006-A-06 (protégée) aux p. 15-28; pièce RR-2018-006-C-03 (protégée) aux p. 9-15, vol. 12.

[83].   Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, à la p. 183.

[84].   Pièce RR-2018-006-C-04 à la p. 3, vol. 11.

[85].   Transcription de l’audience publique, vol. 3, 8 août 2019, à la p. 256.

[86].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 19, 66; Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, aux p. 145, 175, 176.

[87].   Ibid. aux p. 176-177.

[88].   Pièce RR-2018-006-A-06 (protégée) à la p. 15, vol. 12.

[89].   Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, aux p. 203-205.

[90].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 80-81, 87.

[91].   Ibid. aux p. 88-89.

[92].   Ibid. à la p. 36.

[93].   Pièce RR-2018-006-A-01 au par. 112, vol. 11; pièce RR-2018-006-A-06 (protégée) au par. 22.

[94]    Pièce RR-2018-006-A-11 au par. 7 et pièce jointe 1, vol. 11.

[95].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 35-36.

[96]    Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, à la p. 171.

[97].   Pièce RR-2018-006-B-11 au par. 13 et pièce jointe 1, vol. 11.

[98].   Pièce RR-2018-006-06B (protégée), tableau 27, vol. 2.1

[99].   M. Gravel, de Nova, a témoigné que les prix américains et canadiens du HRC étaient désynchronisés, tandis que les mesures au titre de l’article 232 et les contre-mesures canadiennes étaient en place, les prix américains étant plus élevés : Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 122-123. M. McArthur d’Aciers Transbec a également témoigné que le prix canadien des BLC au cours de la même période était bas, car les fournisseurs canadiens de BLC n’étaient pas en mesure de vendre sur le marché américain et, par conséquent, le produit était saturé sur le marché canadien : Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, à la p. 171. Par conséquent, le Tribunal estime que les prix pratiqués dans le Midwest américain pourraient ne pas constituer un point de repère fiable pour les prix canadiens pendant la période où les droits au titre de l’article 232 et les contre-mesures canadiennes étaient en vigueur ou pendant la période suivant immédiatement leur retrait, et qu’il est approprié de comparer les prix actuels et futurs des BLC avec les prix en 2016 et 2017, lorsque le marché était plus stable. Toutefois, dans son témoignage, M. Gravel a affirmé qu’au moment de l’audience, les prix commençaient à se rapprocher les uns des autres au fur et à mesure que les prix canadiens augmentaient : Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, à la p. 123. Le Tribunal considère donc que le prix du Midwest américain est un indicateur fiable des prix canadiens des BLC dans l’avenir.

[100]. Alinéas 37.2(2)e) et g) du Règlement.

[101]. Voir l’alinéa 37.2(2)k) du Règlement.

[102]. Pièce RR-2018-006-05A, tableau 9, vol. 1.1.

[103].      Pièce RR-2018-006-06A (protégée), tableau 10, vol. 2.1.

[104]. Pièce RR-2018-006-06B (protégée), tableau 27, vol. 2.1.

[105]. Pièce RR-2018-006-RI-01D (protégée), vol 10; pièce RR-2018-006-RI-02D (protégée), vol. 10; pièce RR-2018-006-RI-03E (protégée), vol. 10.

[106].      Pièce RR-2018-006-06B (protégée), tableau 28, vol. 2.1.

[107].      Ibid., tableau 27.

[108].      Les explications concernant cette situation sont fournies dans le dossier confidentiel du présent réexamen.

[109]. Pièce RR-2018-006-06A (protégée), tableau 29, vol. 2.1.

[110]. Pièce RR-2018-006-D-01 aux par. 33-35, vol. 11.

[111]. Pièce RR-2018-006-C-01 aux par. 19, 28; pièce RR-2018-006-RI-01A (protégée), vol. 10; pièce RR-2018-006-RI-02A (protégée), vol. 10; RR-2018-006-RI-03A (protégée), vol. 10; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, à la p. 21; ibid. aux p. 36-37.

[112]. Pièce RR-2018-006-RI-01E, vol. 9; pièce RR-2018-006-RI-02E, vol. 9; pièce RR-2018-006-RI-03F, vol. 9.

[113].      Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 40-42.

[114]. Transcription de l’audience publique, vol. 2, 7 août 2019, à la p. 159.

[115].      Pièce RR-2018-006-RI-01E à la p. 3, vol. 9; pièce RR-2018-006-RI-02E à la p. 2, vol. 9; pièce RR-2018-006-RI-03F à la p. 4, vol. 9.

[116]. Transcription de l’audience publique, vol. 1, 6 août 2019, aux p. 17-18; pièce RR-2018-006-33.02, vol. 1; pièce RR-2018-006-33.03, vol. 1.

[117]. Pièce RR-2018-006-42 aux par. 7-11, vol. 1.

[118]. Ibid. aux par. 3-5.

[119]. Pièce RR-2018-006-33.02, vol. 1 aux par. 1-2.

[120]. Transcription de l’audience publique, vol. 3, 8 août 2019, aux p. 272-273.

[121]. Ibid. aux p. 281-283.

[122]. L’article 11.1 de l’Accord antidumping prévoit ce qui suit : « Les droits antidumping ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping qui cause un dommage. »

[123]. Transcription de l’audience publique, vol. 3, 8 août 2019, aux p. 273-281.

[124]. Par exemple, dans l’affaire CE – Accessoires de tuyauterie (Brésil), doc. de l’OMC no WT/DS219/R au par. 7.113, le groupe spécial a conclu ce qui suit : « l’article 11.1 n’établit pas d’obligation indépendante ou additionnelle » pour les autorités chargées de l’enquête, mais « constitue le fondement des procédures de réexamen définies à l’article 11.2 (et 11.3) en établissant un principe général et primordial, dont les modalités sont énoncées au paragraphe 2 (et au paragraphe 3) de cet article ». Dans l’affaire É.-U. – Réexamen à l’extinction concernant l’acier au carbone traité contre la corrosion (Japon), doc. de l’OMC no WT/DS244/AB/R au par. 113, l’Organe d’appel a conclu que le fait que l’article 11.3 s’applique « nonobstant les dispositions de l’article 11.1 et 11.2 […] confirme que la règle impérative de l’article 11.3 s’applique en plus, et indépendamment, des obligations énoncées dans les deux premiers paragraphes de l’article 11 ».

[125]. Voir, par exemple, Bicyclettes (7 décembre 2012), RR-2011-002 (TCCE) aux par. 148-150, et Certaines pommes de terre entières (10 septembre 2010), RR-2009-002 (TCCE) aux par. 212-214.

[126]. É.-U. – Réexamens à l’extinction concernant les produits tubulaires pour champs pétrolifères (Argentine), doc. de l’OMC no WT/DS268/AB/R au par. 178.

[127]. Transcription de l’audience publique, vol. 3, 8 août 2019, aux p. 274, 280.

[128]. Ibid. à la p. 277.

[129]. Ibid. à la p. 278.  

[130]. Le Tribunal a récemment abordé la pertinence du rendement de la branche de production nationale durant la période visée par l’enquête initiale dans l’affaire Conteneurs thermoélectriques (5 septembre 2019), RR‑2018‑004 (TCCE) aux par. 36-38.

[131]. La liste des « autres facteurs » que le Tribunal peut prendre en compte lorsqu’il évalue le lien de causalité se trouve à l’alinéa 37.2(2)k) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation et prévoit ce qui suit : « tout autre facteur relatif au comportement ou à l’état actuel ou probable, à l’échelle nationale ou internationale, de l’économie, du marché des marchandises ou de la branche de production dans son ensemble ou à l’égard d’un producteur, d’un exportateur, d’un courtier ou d’un négociant en particulier ».

[132]. Au titre du par. 76.03(4) de la LMSI, de l’article 37.2 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation et de l’article 73.2 des Règles du Tribunal canadien de commerce extérieur.

[133]. Transcription de l’audience publique, vol. 3, 8 août 2019, aux p. 283-284, 290.

[134]. Ibid. à la p. 295.

[135]. Transcription de l’audience publique, vol. 2, 8 août 2019, aux p. 283, 292-293.

[136]. L’article 3.1 de l’Accord antidumping prévoit ce qui suit : « La détermination de l’existence d’un dommage aux fins de l’article VI du GATT de 1994 se fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l’incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits. »

[137]. É.-U. – Réexamens à l’extinction concernant les produits tubulaires pour champs pétrolifères au par. 284. L’Organe d’appel a également conclu que, même si les autorités chargées de l’enquête ne sont pas tenues d’appliquer les méthodes spécifiques établies à l’article 3 dans les réexamens effectués sous le régime de l’article 11.3, si elles choisissent de le faire, elles doivent réaliser leurs analyses en conformité avec les principes énoncés à l’article 3. Voir É.-U. – Réexamens à l’extinction concernant les produits tubulaires pour champs pétrolifères au par. 277-285; É.-U. – Réexamen à l’extinction concernant l’acier traité contre la corrosion au par. 123.

[138]. UE – Chaussures (Chine), doc. de l’OMC no WT/DS405/R au par. 7.427 (rapport du groupe spécial, non porté en appel). À des fins de transparence, le Tribunal souhaite mentionner que le membre Fréchette faisait partie du groupe spécial dans ce litige.

[139]. É.-U. – Produits en acier laminés à chaud (Japon), doc. de l’OMC no WT/DS184/AB/R au par. 192.

[140].      É.-U. – Réexamen à l’extinction concernant l’acier traité contre la corrosion au par. 111.

[141]. Voir É.-U. – Mesures antidumping visant les produits tubulaires pour champs pétrolifères (Mexique), doc. de l’OMC no WT/DS282/AB/R aux par. 117-118. Le Tribunal a déjà déclaré par le passé qu’il reconnaît que l’Organe d’appel a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse du lien de causalité dans un réexamen relatif à l’expiration, mais que cela n’était pas pour autant interdit par l’Accord antidumping et qu’en application de la LMSI, cette analyse est obligatoire : Voir la décision Raccords de tuyauterie en cuivre (17 février 2012), RR-2011-001 aux par. 58-63. Comme il a été mentionné précédemment, lorsqu’une autorité chargée de l’enquête choisit d’appliquer les méthodes d’une enquête sur le dommage dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration, elle doit le faire en conformité avec les règles de l’article 3 de l’Accord antidumping. Par conséquent, une analyse du lien de causalité effectuée dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration devrait être réalisée en conformité avec l’article 3.5 de l’Accord antidumping.

[142]. É.-U. – Réexamen à l’extinction concernant les produits plats en acier au carbone traité contre la corrosion au par. 114.

[143]. Voir les décisions récentes : Tubes soudés en acier au carbone (28 mars 2019), RR-2018-001 (TCCE) au par. 42, et Tubes soudés en acier au carbone (15 février 2019), NQ-2018-003 (TCCE) au par. 152-153. Bien qu’elle concerne un produit différent, voir aussi la décision Tiges de pompage (14 décembre 2018), NQ-2018-001 (TCCE) au par. 94-95.

[144]. Silicium métal (22 août 2019), RR-2018-003 (TCCE) au par. 104; Acier laminé à froid (21 décembre 2018), NQ‑2018-002 (TCCE) au par. 103.

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