Enquêtes de dommage antidumping

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Réexamen relatif à l’expiration no RR-2017-005

Tubes soudés en acier au carbone

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 15 octobre 2018

 



EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 11 décembre 2012 dans le cadre de l’enquête no NQ‑2012‑003, concernant des :

TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU TAIPEI CHINOIS, DE LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE, DU SULTANAT D’OMAN, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA THAÏLANDE ET DES ÉMIRATS ARABES UNIS

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé au réexamen relatif à l’expiration de conclusions rendues le 11 décembre 2012 dans l’enquête no NQ‑2012‑003.

Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par la présente ses conclusions concernant les marchandises susmentionnées.




Serge Fréchette                       
Serge Fréchette
Membre présidant




Jean Bédard                            
Jean Bédard
Membre




Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience :                                             les 7 et 8 août 2018

Membres du Tribunal :                                          Serge Fréchette, membre présidant
Jean Bédard, membre
Randolph W. Heggart, membre

Personnel de soutien :                                            Elysia Van Zeyl, conseillère juridique principale
Mark Howell, analyste principal
Rhonda Heintzman, analyste
Thy Dao, analyste
Heidi Matuschka, analyste
Julie Charlebois, conseillère, Services de données
Jyotsna Venkatesh, commis, Enquêtes sur les recours commerciaux

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Nova Steel Inc. and Nova Tube Inc.

Paul Conlin
R. Benjamin Mills
Linden Dales
Shannel Rajan
Manon Carpentier
Shannon McSheffrey
Greg Landry

Atlas Tube Canada ULC

Lawrence L. Herman

Bolton Steel Tube Co. Ltd.

Paul Conlin
Shannel Rajan

 

Importateurs/exportateurs/autres

Conseiller/représentant

Syndicat des Métallos

Craig Logie

Producteurs/gouvernements étrangers

Conseillers/représentants

Al Jazeera Steel Products Co. SAOG

Greg Somers

Gouvernement de l’Inde

Rahul Goel

TÉMOINS :

Pina Santillo
Contrôleur
Novamerican Steel Inc.

Lawrence P. Cannon
Directeur financier
Novamerican Steel Inc.

Scott B. Jones
Président
Nova Steel Inc.

Alexandre Gravel
Directeur général
Structural Tubing and Pipe, Canada
Nova Tube Inc.

Dennis Costello
Directeur régional – Ontario
Flocor Inc.

Winston Penny
Président
Bolton Steel Tube Co. Ltd.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Il s’agit d’un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1], des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 11 décembre 2012, dans le cadre de l’enquête no NQ‑2012‑003, concernant le dumping de tubes soudés en acier au carbone, aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de 1/2 po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C200-97 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, et à l’exception des tubes en acier au carbone d’une épaisseur de 1 mm (SPCC‑1, diamètre extérieur de 25,6 mm), à double enrobage (enrobés en premier de polystyrène butadiène acrylonitrile, ensuite de polychlorure de vinyle); et des tubes non galvanisés répondant à la norme ASTM A53, de nuance B, de nomenclature 80, avec un diamètre intérieur de 1 1/4 po à 1 1/2 po, mesurant 22 pi, avec un soudure intérieure biseautée, originaires ou exportés de la République de Corée, et produits avec de l’acier AISI C1022M dont la teneur en carbone est de 0,18 p. 100 à 0,23 p. 100 et dont la teneur en manganèse est de 0,80 p. 100 à 1,00 p. 100, originaires ou exportés du Taipei chinois (à l’exception des marchandises exportées du Taipei chinois par Chung Hung Steel Corporation et Shin Yang Steel Co. Ltd), de la République de l’Inde, du Sultanat d’Oman, de la République de Corée, de la Thaïlande et des Émirats arabes unis (à l’exception des marchandises exportées des Émirats arabes unis par Conares Metal Supply Ltd.), et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République de l’Inde (les marchandises en question).

2.                  Aux termes de la LMSI, les conclusions de dommage ou de menace de dommage et la protection spéciale conférée par les droits antidumping ou compensateurs qui y sont associés expirent cinq ans après la date d’émission de la dernière ordonnance ou des dernières conclusions, à moins qu’un réexamen relatif à l’expiration n’ait été entrepris avant cette date. Les conclusions rendues le 11 décembre 2012 devaient donc expirer le 10 décembre 2017. Le Tribunal a amorcé son réexamen relatif à l’expiration le 8 décembre 2017.

3.                  Le 7 mai 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a déterminé qu’il y aurait vraisemblablement poursuite ou reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en question.

4.                  Le 8 mai 2018, le Tribunal a demandé aux producteurs nationaux, aux importateurs et aux producteurs étrangers de tubes soudés en acier au carbone (TSAC) de répondre à des questionnaires. À partir des réponses obtenues aux questionnaires et d’autres informations au dossier, des rapports d’enquête public et protégé ont été préparés et versés au dossier. La période visée par le présent réexamen s’étend du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018.

5.                  Le 6 juillet 2018, le Tribunal a reçu des observations à l’appui de la prorogation des conclusions de la part de Nova Steel Inc. et Nova Tube Inc. (collectivement, Nova), d’Atlas Tube ULC (Atlas), de Bolton Steel Tube Co. Ltd. (Bolton) et du Syndicat des Métallos. Le 13 juillet 2018, le Tribunal a reçu des observations s’opposant à la prorogation des conclusions de la part d’Al Jazeera Steel Products Co. SOAG (Al Jazeera).

6.                  Compte tenu des arguments présentés dans le mémoire de Nova concernant la portée des marchandises en question et des marchandises similaires, le Tribunal a préparé un supplément du rapport d’enquête, qui a été versé au dossier le 7 août 2018.

7.                  Le Tribunal a tenu une audience, en séances publiques et à huis clos, à Ottawa les 7 et 8 août 2018, où il a entendu les exposés des conseillers juridiques des parties et le témoignage de plusieurs témoins de la branche de production nationale.

8.                  Le Tribunal n’a reçu aucune demande d’exclusion de produits.

PRODUIT

Informations sur les produits

9.                  Les TSAC servent habituellement à l’acheminement à basse pression de la vapeur, de l’eau, du gaz naturel, de l’air et d’autres liquides et gaz dans des systèmes tels que la plomberie et le chauffage, la climatisation et l’arrosage aux fins de protection contre l’incendie. Les TSAC sont aussi utilisés comme tubes pour pilotis et soutien structurel pour clôture de même que pour d’autres systèmes mécaniques et à faible capacité portante.

10.              Les normes les plus courantes des TSAC sont les normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083, de qualité commerciale et AWWA C200-97 ou les normes équivalentes. Les TSAC peuvent également être produits pour répondre à des normes exclusives ou de pays étrangers, comme c’est souvent le cas des tubes pour clôture. Par exemple, les TSAC importés peuvent être produits selon la norme britannique BS 1387.

11.              Les TSAC sont habituellement classés sous le numéro tarifaire 7306.30.00[2], même si certains produits visés par ce numéro tarifaire ne sont pas considérés comme des TSAC et si certaines tailles de TSAC ne sont pas visées par les conclusions en question. À l’audience, le Tribunal a appris que parfois les produits utilisés dans les applications automobiles sont importés en vertu de ce numéro tarifaire, mais qu’ils ne sont pas habituellement considérés comme des tuyaux normalisés[3].

CADRE LÉGISLATIF

12.              Aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage ou un retard à la branche de production nationale[4].

13.              De plus, aux termes du paragraphe 76.03(12) de la LMSI, le Tribunal doit rendre une ordonnance en vue soit d’annuler les conclusions de l’enquête no NQ-2012-003 s’il conclut que l’expiration des conclusions ne causera vraisemblablement pas de dommage, soit de proroger les conclusions, avec ou sans modifications, s’il conclut que l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage.

14.              Avant de procéder à son analyse concernant la probabilité de dommage, le Tribunal doit d’abord déterminer quelles marchandises constituent des « marchandises similaires » et ensuite déterminer quels producteurs nationaux constituent la « branche de production nationale » aux fins de son analyse.

15.              Le Tribunal doit également déterminer s’il évaluera les effets cumulatifs du dumping et du subventionnement des marchandises en question (c’est-à-dire s’il procédera au cumul croisé des effets). Le Tribunal doit aussi déterminer s’il est pertinent d’évaluer les effets probables de la reprise ou de la poursuite du dumping et du subventionnement des marchandises en question pour tous les pays visés de manière cumulative (c’est-à-dire s’il compte effectuer une analyse globale des effets probables ou mener une analyse distincte pour chaque pays visé).

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

16.              Pour que le Tribunal puisse déterminer si la reprise ou la poursuite du dumping et du subventionnement des marchandises en question causera vraisemblablement un dommage sensible aux producteurs nationaux de marchandises similaires, il doit déterminer quelles marchandises produites au pays, s’il y en a, constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Le Tribunal doit également évaluer s’il y a plus d’une catégorie de marchandise parmi les marchandises en question et les marchandises similaires[5].

17.              Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme suit :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause ;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

18.              Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en question, le Tribunal tient généralement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients)[6].

19.              Pour ce qui est des conclusions visées par le présent réexamen, et dans les procédures visant les TSAC de la République populaire de Chine (Chine), le Tribunal a conclu que les TSAC fabriqués au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et qu’ils constituent une seule catégorie de marchandise. Les parties qui appuient la prorogation des conclusions et les parties adverses s’entendent pour dire que les faits relatifs aux TSAC (par exemple les caractéristiques physiques, les méthodes de production, les circuits de distribution, les utilisations finales, etc.) appuient toujours cette conclusion.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

20.              Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « branche de production nationale » comme suit :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

21.              Le Tribunal doit donc déterminer s’il est probable qu’un dommage soit causé aux producteurs nationaux dans leur ensemble ou aux producteurs nationaux dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires[7].

22.              Il y a actuellement quatre producteurs de TSAC au Canada : Atlas, Bolton, DFI et Nova. Parmi ceux-ci, Nova est le plus important, représentant la vaste majorité des ventes nationales totales de la production nationale pendant la période visée par le réexamen[8]. Nova et Bolton représentent ensemble la presque totalité de la production nationale totale pendant la période visée par le présent réexamen. Il convient toutefois de noter que les données financières de Bolton n’ont pas été intégrées au rapport d’enquête parce que les renseignements fournis par cette dernière n’étaient pas suffisamment précis. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que les renseignements financiers fournis par Nova, étant donné la proportion majeure de la production collective nationale totale dont elle est responsable, sont suffisamment représentatifs de la branche de production nationale.

CUMUL

23.              Le paragraphe 76.03(11) de la LMSI prévoit que le Tribunal évalue les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises « importées au Canada en provenance de plus d’un pays [...] s’il est convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, compte tenu des conditions de concurrence [...] » entre les marchandises importées au Canada d’un des pays visés et les marchandises en provenance d’un autre de ces pays ou entre ces marchandises et des marchandises similaires.

24.              Dans le cadre de l’examen des conditions de concurrence entre les marchandises, le Tribunal tient habituellement compte des facteurs suivants, le cas échéant : le degré de fongibilité des marchandises de chacun des pays visés par rapport à celles des autres pays visés ou aux marchandises similaires, l’existence ou non de ventes d’importations provenant de divers pays visés et de marchandises similaires sur les mêmes marchés géographiques, l’existence de canaux de distribution communs ou similaires, les différences entre le moment de l’arrivée des importations en provenance d’un des pays visés et l’arrivée de celles en provenance des autres pays visés et la disponibilité des marchandises similaires offertes par la branche de production nationale.

25.              Le présent réexamen relatif à l’expiration porte sur des marchandises en question en provenance de six pays (Taipei chinois, Corée, Thaïlande, Oman, Émirats arabes unis [EAU] et Inde) qui ont été sous‑évaluées selon l’enquête originale de l’ASFC. Le 7 mai 2018, l’ASFC a conclu que l’expiration des conclusions causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en provenance de ces six pays au Canada. Les marchandises en question en provenance de l’un de ces pays, l’Inde, étaient également subventionnées selon l’enquête originale de l’ASFC. Le 7 mai 2018, l’ASFC a conclu que l’expiration des conclusions causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du subventionnement des marchandises en provenance de l’Inde. Dans le cadre de l’enquête originale, le Tribunal a évalué cumulativement les effets des marchandises en provenance de ces six pays dans son analyse de dommage, pour en venir à la conclusion qu’elles menaçaient de causer un dommage sensible à la branche de production nationale[9].

26.              Comme c’était le cas pour l’enquête de dommage, les conditions de la concurrence continuent de favoriser une analyse cumulative qui porte sur l’incidence des marchandises en question en provenance des six pays. En particulier, il est clair que les TSAC sont considérés comme un produit de base[10]. Le Canada est considéré comme un marché mature pour les TSAC, caractérisé par un nombre limité de circuits de distribution et un nombre limité d’acheteurs connus[11]. Bien que le Tribunal ait entendu des témoignages selon lesquels les TSAC en provenance du Moyen-Orient (à savoir les EAU et Oman) ont tendance à arriver sur la côte est du Canada et que les TSAC en provenance de l’Asie arrivent sur la côte ouest du Canada, selon la preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que cette distinction géographique fait peu de différence réelle sur la façon dont les marchandises sont vendues ou distribuées au Canada[12]. En particulier, la preuve indique que les TSAC sont habituellement achetés par d’importants distributeurs qui font affaire à la taille du pays[13]. Comme l’a indiqué M. Gravel de Nova, le prix de telles ventes est composé d’un prix de base, qui est la norme pour tous les emplacements approvisionnés par ce distributeur, plus un montant pour le fret, qui variera selon l’emplacement où les TSAC sont livrés[14]. En d’autres termes, la géographie n’est pas un facteur limitatif pour les marchandises similaires ou en question. Examinés ensemble, ces faits suggèrent que le Tribunal pourrait utiliser une approche cumulative dans le cadre de son analyse des marchandises en question; toutefois, pour les raisons indiquées en détail ci-dessous, le Tribunal est d’avis que l’approche la plus appropriée, si l’on tient compte des obligations internationales du Canada, de la jurisprudence de l’OMC et du libellé de la LMSI, consiste à mener une analyse distincte des marchandises en question de l’Inde.

27.              Le Tribunal tient aussi compte des rapports du Groupe spécial et de l’Organe d’appel de l’OMC dans États-Unis – Acier au carbone (Inde) sur la question du cumul[15]. En particulier, le Tribunal prend note la conclusion de l’Organe d’appel selon laquelle « le fait que les importations font l’objet d’enquêtes en matière de droits compensateurs simultanées est une condition préalable nécessaire pour qu’une évaluation cumulative soit effectuée conformément à l’article 15.3 [de l’Accord SCM de l’OMC] »[16]. Le Tribunal tient également compte des conclusions plus récentes du Groupe spécial de l’OMC dans Canada – Tubes soudés[17] et il est d’avis que cette décision est la confirmation qu’il est permis d’évaluer de façon cumulative les effets du dumping et du subventionnement des mêmes marchandises en provenance d’un seul pays.

28.              L’approche du Tribunal à l’égard du cumul, et le cumul croisé qui découle ou pourrait découler d’une décision en matière de cumul, dans les enquêtes a évolué depuis la conclusion dans États-Unis – Acier au carbone (Inde). Récemment, dans Résine de polyéthylène téréphtalate, les importations en provenance de la Chine et de l’Inde étaient visées à la fois par une enquête antidumping et une enquête en matière de droits compensateurs alors que les importations en provenance d’Oman et du Pakistan n’étaient visées que par une enquête antidumping[18]. En référence aux affaires États-Unis – Acier au carbone (Inde) et Canada – Tubes soudés, le Tribunal a formulé les commentaires suivants :

Le Tribunal est d’avis que, lorsqu’on les interprète ensemble, les rapports de l’OMC susmentionnés autorisent l’évaluation cumulative des effets de dumping et de subventionnement des marchandises provenant d’un seul pays, mais n’autorisent pas une évaluation cumulative des effets des marchandises provenant d’un pays qui ont été subventionnées et sous-évaluées avec les effets de marchandises provenant d’un autre pays qui ont été uniquement sous-évaluées ou uniquement subventionnées. Il s’ensuit nécessairement que les rapports de l’OMC rendent également impossible de cumuler les effets des marchandises sous-évaluées provenant d’un pays avec les effets des marchandises subventionnées provenant d’un autre pays[19].

29.              Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a examiné un principe d’interprétation législative bien établi selon lequel une loi canadienne est réputée conforme au droit international et est interprétée en tant que tel sauf lorsque le libellé de la loi commande clairement un autre résultat[20]. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI oblige le Tribunal à cumuler (« évalue les effets cumulatifs »), le Tribunal a conclu que cette disposition, interprétée conformément aux obligations légales internationales du Canada établies par l’OMC dans les décisions susmentionnées, le fait uniquement dans des circonstances qui ne risqueraient pas, en même temps, de contrevenir aux dispositions de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires[21] (Accord SMC) ou de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (Accord antidumping)[22].

30.              En d’autres termes, dans le cadre d’une enquête où les marchandises sont sous‑évaluées et en supposant que les autres conditions du paragraphe 42(3) sont réunies, elles peuvent être cumulées avec d’autres marchandises qui sont sous‑évaluées. De même, dans le cadre d’une enquête où les marchandises sont subventionnées et dans la mesure où les autres conditions du paragraphe 42(3) sont réunies, elles peuvent être cumulées avec d’autres marchandises qui sont subventionnées. Toutefois, dans le cadre d’une enquête portant sur un groupe de marchandises qui sont à la fois sous‑évaluées et subventionnées, ces marchandises ne peuvent pas être examinées cumulativement avec des marchandises qui sont subventionnées uniquement, parce que cela donnerait lieu à une analyse qui appuierait l’imposition de droits compensateurs, mais qui serait entachée par les effets des marchandises qui, bien qu’elles fassent l’objet d’un commerce déloyal, ne font pas l’objet d’un subventionnement semblable. Le même problème survient si ces marchandises qui sont sous‑évaluées uniquement sont examinées cumulativement avec des marchandises qui sont à la fois sous‑évaluées et subventionnées.

31.              La solution consistait alors pour le Tribunal à exécuter deux analyses distinctes dans Résine PET – l’une portant sur les marchandises en question qui ont été sous‑évaluées uniquement et une deuxième portant sur les marchandises en question qui ont été sous‑évaluées et subventionnées. En séparant les marchandises ainsi, le Tribunal pouvait continuer le cumul, comme l’indique la LMSI, mais il évite le résultat qui doit, selon l’OMC, être évité par les autorités qui décident si les mesures sont nécessaires pour lutter contre les marchandises subventionnées ou sous-évaluées.

32.              Le Tribunal reconnaît que la décision États-Unis – Acier au carbone (Inde) portait sur une enquête originale et non sur ce que le Canada appelle un réexamen relatif à l’expiration (et que certaines autres administrations appellent un « réexamen à l’extinction »). En effet, il s’agit de la première affaire depuis un certain temps qui oblige le Tribunal à tenir compte de la question de savoir s’il devrait appliquer cette conclusion dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration et de la façon dont il devrait le faire. À ce jour, le Tribunal a adopté diverses approches en ce qui concerne les réexamens relatifs à l’expiration, comme l’illustre le contraste entre les affaires Raccords de tuyauterie en cuivre[23] et Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud[24]; il profitera donc de cette occasion pour offrir des éclaircissements grandement nécessaires.

33.              Nova a soutenu que les dispositions de l’Accord SMC en question dans États-Unis – Acier au carbone (Inde) ne s’appliquent pas aux réexamens relatifs à l’expiration. En particulier, Nova a effectué une analyse textuelle de l’article 15.3, qui est ainsi libellé :

15.3 Dans les cas où les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays feront simultanément l’objet d’enquêtes en matière de droits compensateurs, les autorités chargées des enquêtes ne pourront procéder à une évaluation cumulative des effets de ces importations que si elles déterminent a) que le montant du subventionnement établi en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieur au niveau de minimis au sens du paragraphe 9 de l’article 11 et que le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable, et b) qu’une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée à la lumière des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit national similaire.

34.              Nova a suggéré que le renvoi dans cet article à une enquête et au « montant du subventionnement » indique qu’il vise uniquement les enquêtes originales ou les enquêtes de dommage, ainsi qu’elles sont appelées au Canada. Cela découle, selon Nova, du fait que l’ASFC n’établit pas le montant du subventionnement ou ne fait pas une détermination de minimis en fonction du volume des importations dans les réexamens relatifs à l’expiration.

35.              De plus, Nova a renvoyé à l’article 21 de l’Accord SMC qui comporte les obligations applicables aux réexamens relatifs à l’expiration. En particulier, Nova a renvoyé le Tribunal à l’article 21.4 de l’Accord SMC qui est ainsi libellé :

21.4. Les dispositions de l’article 12 concernant les éléments de preuve et la procédure s’appliqueront à tout réexamen effectué au titre du présent article. Tout réexamen de ce type sera effectué avec diligence et sera normalement terminé dans un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle il aura été entrepris.

36.              Pour ce motif, Nova a soutenu que seules les dispositions de l’article 12, qui portent sur les questions concernant la collecte et l’utilisation d’éléments de preuve et d’autres questions procédurales, s’appliquent aux enquêtes et aux réexamens relatifs à l’expiration. En d’autres termes, vu l’absence de renvoi à l’article 15, le Tribunal n’a pas à procéder au cumul dans les réexamens relatifs à l’expiration.

37.              De plus, Nova a renvoyé à un passage du rapport du Groupe spécial dans États-Unis – Acier au carbone (Inde)[25] qui porte sur l’argument de l’Inde selon lequel les dispositions américaines exigeant le cumul dans le cadre des réexamens à l’extinction étaient incompatibles avec les obligations de l’article 15 de l’Accord SMC. Sur cette question, le Groupe spécial a adopté les arguments des États-Unis selon lesquels l’article 15 n’impose pas d’obligations dans le cadre des réexamens à l’extinction. Le Groupe spécial a renvoyé au paragraphe suivant du rapport de l’Organe d’appel dans États-Unis – Réexamens à l’extinction concernant les PTCP, qui portait sur un argument semblable présenté en vertu de dispositions équivalentes à l’Accord antidumping :

Compte tenu de l’absence de renvois textuels et étant donné la nature et le but différents de ces deux déterminations, nous sommes d’avis qu’aux fins du « réexamen » d’une détermination de l’existence d’un dommage qui a déjà été établie conformément à l’article 3, l’article 11.3 n’exige pas que l’existence du dommage soit à nouveau déterminée conformément à l’article 3. Nous concluons donc qu’il n’est pas prescrit aux autorités chargées de l’enquête de respecter les dispositions de l’article 3 lors de l’établissement d’une détermination de la probabilité d’un dommage[26].

38.              Nova a fait remarquer que le libellé utilisé par l’Organe d’appel dans cet extrait renvoie à la détermination de l’existence d’un dommage qui a été fait « conformément à l’article 3 », l’équivalent dans l’Accord antidumping de l’article 15 de l’Accord SMC. Nova a soutenu que les conclusions de dommage en question dans le réexamen relatif à l’expiration devant le Tribunal ont été rendues conformément à l’article 15, malgré le fait qu’il s’agissait d’une analyse unique dans le cadre de laquelle tous les pays ont été cumulés, puisque les conclusions ont été rendues avant la publication de la décision États-Unis – Acier au carbone (Inde) et parce que la décision de l’OMC s’applique strictement uniquement aux parties dans ce litige, à savoir les États-Unis et l’Inde. En outre, elle a fait remarquer que les conclusions de dommage en question dans le présent réexamen relatif à l’expiration étaient les seules conclusions du Tribunal à avoir été portées devant l’OMC et qu’elles ont donc été approuvées par l’OMC, même si elle reconnaît que la décision du Tribunal de procéder au cumul n’était pas en litige en l’espèce.

39.              Pour les motifs qui précèdent, Nova a soutenu que le Tribunal devait effectuer une seule analyse, en particulier une analyse qui cumule tous les pays en question, afin d’évaluer la question de savoir si les marchandises en question causeraient vraisemblablement un dommage. Subsidiairement toutefois, Nova a soutenu que le Tribunal pouvait (mais qu’il n’y était pas tenu, puisqu’il s’agissait d’un réexamen relatif à l’expiration et non d’une enquête) mener une deuxième analyse portant uniquement sur les marchandises en question en provenance de l’Inde.

40.              Al Jazeera a suggéré que l’interprétation par Nova de l’article 15.3 était trop étroite et restrictive. Malgré l’absence d’une obligation positive dans l’Accord SMC exigeant le cumul, Al Jazeera a soutenu que le Tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il faut procéder au cumul, et dans quelle mesure il faut le faire, et en particulier celui de décider que le pays qui fait du dumping et du subventionnement ne doit pas être cumulé avec les pays qui ne font que du dumping. Renvoyant encore une fois au paragraphe 7.389 dans États-Unis – Acier au carbone (Inde), Al Jazeera a insisté sur les commentaires de l’Organe d’appel selon lesquels « il n’est pas prescrit aux autorités chargées de l’enquête de respecter les dispositions de l’article 3 lors de l’établissement d’une détermination de la probabilité d’un dommage » [nos italiques]. En effet, Al Jazeera a suggéré que, bien qu’il ne soit pas prescrit au Tribunal de respecter les dispositions qui s’appliquent aux enquêtes dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, il ne lui est pas non plus interdit de le faire. En outre, Al Jazeera a suggéré que la tenue d’une analyse cumulative unique de tous les pays perpétue le résultat erroné que la décision États-Unis – Acier au carbone (Inde) avait pour but d’empêcher.

41.              Lorsqu’il décide de la façon de tenir une analyse du dommage dans le cadre de son réexamen relatif à l’expiration, le Tribunal conclut qu’il est utile d’examiner la question de savoir si des obligations, s’il y a lieu, dans ce scénario découlent des obligations en vertu de l’Accord SMC. Le Tribunal garde ainsi à l’esprit le paragraphe 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités[27] qui indique ce qui suit :

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

42.              Cette disposition favorise une approche conforme à l’approche contextuelle moderne de l’interprétation des lois, selon laquelle le libellé d’un texte de loi doit être interprété dans l’ensemble de son contexte et dans son sens grammatical et ordinaire en harmonie avec les dispositions de la loi, l’objet de la loi et l’intention du Parlement[28].

43.              L’Accord SMC est plutôt atypique en ce sens qu’il ne comporte aucun énoncé explicite de son objet et de son but ni un préambule ou des attendus à partir desquels le Tribunal pourrait extrapoler son objet et son but. Cela étant dit, l’OMC a eu plusieurs fois l’occasion de réfléchir à l’objet et au but de l’Accord SMC, comme il est indiqué ci-dessous.

44.              Dans Canada – Aéronefs, le Groupe spécial de l’OMC a suggéré que l’objet et le but de l’Accord SMC pouvaient être qualifiés comme « l’établissement de disciplines multilatérales en partant du principe que certaines formes d’intervention des pouvoirs publics faussent le commerce international, [ou] peuvent fausser [le commerce international]” »[29]. De même, dans Brésil – Aéronefs, le Groupe spécial a déclaré que « l’objet et le but de l’Accord SMC sont d’imposer des disciplines multilatérales pour les subventions qui faussent les échanges internationaux »[30]. En outre, dans États-Unis – Restrictions à l’exportation, le Groupe spécial a déclaré qu’il « est clair que l’objet et le but de l’Accord sont de soumettre à des disciplines les subventions qui faussent les échanges [...] »[31].

45.              De plus, dans États-Unis – Acier au carbone de l’Allemagne, l’Organe d’appel a formulé certaines observations sur l’objet et le but de l’Accord SMC ainsi :

Nous estimons donc que le Groupe spécial a identifié à bon escient, comme faisant partie des objectifs de l’Accord SMC, l’établissement d’un cadre de droits et d’obligations relatif aux droits compensateurs, et la création d’un ensemble de règles que les Membres de l’OMC doivent respecter lorsqu’ils utilisent de tels droits. La partie V[32] de l’Accord vise à établir un équilibre entre le droit d’imposer des droits compensateurs pour contrebalancer le subventionnement qui cause un dommage, et les obligations que les Membres doivent respecter pour ce faire[33].

46.              Bien que le Tribunal soit conscient des commentaires du Groupe spécial dans Canada – Aéronefs[34] et qu’il prenne soin de ne pas accorder un poids indu aux arguments ou à la jurisprudence portant sur les objets et les buts de l’Accord SMC, il semble manifeste et ne devrait pas être controversé de constater que, tel qu’évoqué dans les déclarations de l’OMC qui précèdent, l’Accord SMC a pour but d’imposer des mesures disciplinaires aux gouvernements qui offrent certains types de subventions tout en fournissant des règles de base aux gouvernements qui souhaitent imposer ou maintenir des recours commerciaux pour lutter contre les dommages causés par de telles subventions. Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’un énoncé juste des objectifs de l’Accord SMC, qu’il soit examiné dans le contexte d’une enquête originale ou dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration.

47.              Selon ce qui précède, il serait exagéré de conclure que cet accord et ses dispositions ont pour but de corriger toute manifestation d’un commerce déloyal – en effet, pour le commerce déloyal visé par le dumping, il existe un traité distinct (l’Accord antidumping).

48.              Après avoir examiné les dispositions précises de l’Accord SMC, en particulier les articles 15.2 et 21.4, le Tribunal est d’accord avec Nova pour dire que l’Accord SMC ne l’oblige pas à analyser la probabilité d’un dommage découlant des marchandises sous-évaluées uniquement séparément de la probabilité d’un dommage découlant des marchandises qui sont à la fois sous-évaluées et subventionnées. Par conséquent, le Tribunal est convaincu qu’une omission de le faire dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration ne contreviendrait pas aux dispositions de l’Accord SMC. Toutefois, le Tribunal est d’avis que l’absence d’une interdiction de cumul dans ces circonstances ne mène pas nécessairement à la conclusion que le cumul dans ces circonstances est approprié.

49.              Dans États-Unis – Réexamens à l’extinction concernant les PTCP[35], l’Organe d’appel a déclaré que les autorités chargées de l’enquête n’avaient pas « carte blanche » pour faire des évaluations cumulatives pendant les réexamens à l’extinction; la décision de recourir au cumul pendant un réexamen à l’extinction doit être étayée par des éléments de preuve positifs et une base factuelle suffisante[36]. On peut soutenir que la probabilité d’une conclusion de dommage fondée sur une évaluation cumulative des marchandises en provenance de pays qui ne font pas simultanément l’objet du même type d’enquête serait une conclusion qui ne serait pas appuyée par des éléments de preuve positifs et une base factuelle suffisante parce que les causes des dommages seraient confondues. En d’autres termes, comme elle s’applique au présent réexamen relatif à l’expiration, la preuve liée aux marchandises en question en provenance de l’Inde pourrait être considérée comme une preuve positive appuyant la poursuite des droits compensateurs contre l’Inde, mais la preuve liée aux marchandises qui ne sont pas subventionnées (c’est-à-dire la preuve liée aux cinq pays qui font du dumping uniquement) ne peut être qualifiée d’éléments de preuve positifs appuyant la poursuite des droits compensateurs, malgré le fait qu’une telle preuve puisse très bien être considérée comme une preuve positive au soutien du maintien des droits antidumping.

50.              Les décideurs administratifs sont liés par les lois nationales, au besoin, qui sont interprétées en référence aux obligations découlant de conventions[37]. Comme l’a reconnu le juge Gonthier dans National Corn Growers, parfois une ambiguïté dans les lois nationales n’est évidente que lorsque l’on examine les obligations indiquées dans les accords internationaux que les lois nationales ont pour but de mettre en œuvre[38]. Que ce soit dans le cadre d’enquêtes de dommage ou de réexamens relatifs à l’expiration, le libellé de la LMSI ne comporte aucune interdiction sur le cumul dans des circonstances où un groupe de marchandises est sous-évalué et un autre est sous-évalué et subventionné. Ce n’est que lorsque cette disposition de la LMSI est interprétée en référence aux obligations de l’Accord SMC et à la jurisprudence de l’OMC que la question de la façon dont le cumul est abordé dans la LMSI devient évidente.

51.              Si le Tribunal devait interpréter le paragraphe 76.03(11) de la LMSI en référence aux obligations internationales du Canada en vertu de l’Accord SMC et concluait qu’il devrait cumuler tous les pays visés puisque l’Accord SMC n’interdit pas le cumul dans le cadre des réexamens relatifs à l’expiration, cette approche mènerait à une interprétation absurde de deux dispositions presque identiques en vertu de la LMSI. Plus particulièrement, le paragraphe 42(3) prévoit ce qui suit :

(3) Lors de l’ouverture ou de la poursuite de l’enquête, le Tribunal évalue les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance de plus d’un pays, s’il est convaincu à la fois que :

a) relativement aux importations de marchandises de chacun de ces pays, la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas minimal et que le volume des importations n’est pas négligeable;

b) l’évaluation des effets cumulatifs est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un ou de plusieurs de ces pays et :

(i) soit les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un ou de plusieurs autres de ces pays,

(ii) soit les marchandises similaires des producteurs nationaux.

[Nos italiques]

52.              À titre de comparaison, le paragraphe 76.03(11) de la LMSI prévoit ce qui suit :

(11) Pour l’application du paragraphe (10), le Tribunal évalue les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises importées au Canada en provenance de plus d’un pays et visées par la décision prise par le président au titre du paragraphe (9), s’il est convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises visées par l’ordonnance ou les conclusions et importées au Canada d’un de ces pays, et :

a) soit celles visées par l’ordonnance ou les conclusions et importées au Canada en provenance d’un autre de ces pays;

b) soit celles similaires des producteurs nationaux.

[Nos italiques]

53.              Il convient de noter que la disposition de la LMSI qui oblige le cumul dans le cadre de réexamens relatifs à l’expiration est, à tous égards importants, identique au libellé utilisé dans le cadre des enquêtes de dommages. Ainsi, l’adoption de l’interprétation préconisée par la branche de production nationale mène au résultat selon lequel deux dispositions très semblables de la LMSI, à savoir les paragraphes 42(3) et 76.03(11), sont interprétées et appliquées différemment. Une telle interprétation ne peut être maintenue.

54.              Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal mènera deux analyses distinctes : une portant sur la probabilité de dommage découlant des marchandises en question en provenance du Taipei chinois, de la Corée, de Thaïlande, d’Oman et des EAU, et une analyse distincte portant sur la probabilité de dommage découlant des marchandises en question en provenance de l’Inde.

55.              En ce qui concerne le cumul croisé, étant donné la conclusion du Groupe spécial de l’OMC dans Canada – Tubes soudés, le Tribunal conclut qu’il est approprié de faire un cumul croisé pour les marchandises en question en provenance de l’Inde. Tel qu’indiqué ci-dessus et dans Résine PET, selon le Tribunal, Canada – Tubes soudés permet une évaluation du cumul (croisé) des effets du dumping et du subventionnement des mêmes marchandises en provenance d’un seul pays.

ANALYSE DE LA PROBABILITÉ DE DOMMAGE

56.              Un réexamen relatif à l’expiration est prévisionnel[39]. Par conséquent, les éléments de preuve recueillis concernant la période visée par le réexamen, au cours de laquelle une ordonnance ou des conclusions sont en vigueur, sont pertinents dans la mesure où ils influent sur l’analyse prospective visant à déterminer si l’expiration de l’ordonnance ou des conclusions causera vraisemblablement un dommage[40].

57.              Il n’y a pas de présomption de dommage dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration; les conclusions doivent être fondées sur des éléments de preuve positifs, en conformité avec la législation nationale et les exigences des accords de l’OMC[41]. Dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, les éléments de preuve positifs peuvent comprendre des éléments de preuve fondés sur des faits antérieurs qui appuient des conclusions prospectives[42].

58.              En évaluant la probabilité de dommage, le Tribunal a constamment indiqué qu’il faut s’en tenir aux circonstances auxquelles on peut raisonnablement s’attendre à court et à moyen terme, soit généralement dans les 12 à 24 mois après l’expiration des conclusions ou de l’ordonnance.

59.                    Nova a soutenu que, dans la présente affaire, il convient d’examiner une plus courte période, soit une période de 12 à 18 mois après la date d’expiration des conclusions, compte tenu de la volatilité actuelle des marchés canadien et mondial pour les TSAC. Le Tribunal est d’accord.

60.              Le paragraphe 37.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation[43] dresse la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte lorsqu’il évalue la probabilité de dommage dans les cas où l’ASFC conclut à une probabilité de poursuite ou de reprise du dumping et/ou du subventionnement. Les facteurs que le Tribunal estime pertinents dans le contexte du présent réexamen relatif à l’expiration sont analysés en détail ci‑dessous.

Changements dans les conditions du marché

61.                    Afin d’évaluer les volumes et les prix probables des marchandises en question et leur incidence sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions, le Tribunal prendra d’abord en compte les changements des conditions du marché à l’échelle nationale et internationale[44].

Conditions du marché international

62.                    Le marché mondial de l’acier en général, et des TSAC en particulier, est instable en raison de plusieurs événements récents. Par ailleurs, plusieurs conditions du marché international qui figuraient dans l’enquête initiale existent toujours.

        Les tarifs douaniers imposés par les États-Unis et les réactions qu’ils ont provoquées à l’échelle internationale

63.                    Le 8 mars 2018, les États-Unis ont imposé un tarif de 25 p. 100 sur les importations d’acier[45], ce qui a fortement changé les conditions du marché international pour les produits d’acier, y compris les TSAC. L’imposition de ce tarif risque d’entraîner un détournement de l’acier vers les marchés non américains, y compris le Canada. Le risque de détournement est prononcé pour les marchandises en question pour lesquelles les États-Unis ont toujours représenté un important marché d’exportation, même si certains pays exportateurs sont déjà assujettis à des droits antidumping ou compensateurs aux États-Unis. Le tarif de 25 p. 100 s’applique aux TSAC provenant de tous les pays visés, sauf la Corée, à qui les États-Unis ont plutôt imposé un quota. Selon les données de juin et de juillet 2018, par rapport à celles de juin et de juillet 2017, il semble que le tarif a eu pour effet de réduire le volume des importations de tuyaux normalisés aux États-Unis[46].

64.                    Le 1er juillet 2018, en réponse au tarif des États-Unis, le Canada a imposé un tarif de 25 p. 100 à titre de mesure de rétorsion sur les importations américaines d’acier, y compris les TSAC.

65.                    En outre, compte tenu des mesures commerciales adoptées par les pays tiers (y compris le tarif américain) et l’augmentation des importations d’acier sur ses marchés, l’Union européenne (UE) a ouvert, en mars 2018, une enquête de sauvegarde concernant les importations de produits d’acier, y compris les TSAC[47]. L’UE est particulièrement préoccupée par la possibilité de détournement découlant du tarif américain. À compter de juillet 2018, l’UE impose des mesures de sauvegarde provisoires relatives aux TSAC. Les mesures se présentent sous la forme de contingents tarifaires visant à préserver les niveaux antérieurs des importations, tout en imposant un tarif sur les importations qui dépassent ces niveaux.

66.                    En avril 2018, la Turquie a emboîté le pas en ouvrant, elle aussi, une enquête de sauvegarde concernant l’acier. L’enquête, qui porte sur des produits d’acier tels que les TSAC, est présentée comme étant une mesure préventive contre les effets du tarif américain.

        La demande mondiale d’acier

67.                    Bien que Nova ait qualifié la demande d’acier comme étant faible, les preuves documentaires indiquent une récente croissance modérée[48]. Cela dit, comme nous le verrons plus loin, il existe encore des problèmes structurels et beaucoup d’incertitude au sein de la branche de production.

        L’augmentation de la surcapacité et de la capacité à l’échelle mondiale

68.                    Les mesures mentionnées ci-dessus découlent principalement du déséquilibre structurel présent sur le marché, qui existe depuis un certain temps. La forte intensité capitalistique de la production des TSAC et des coûts fixes élevés encouragent les aciéries à réaliser des ventes même à bas prix afin d’accroître l’utilisation de la capacité[49]. Tandis que certains producteurs ont réduit la capacité, d’autres continuent de l’accroître[50]. Par conséquent, la production d’acier continue d’augmenter et de dépasser largement la demande[51].

Conditions du marché national

69.                    D’après Nova, la demande de TSAC au Canada est généralement constante d’une année à l’autre, avoisinant les 200 000 tonnes métriques[52]. Nova a également qualifié le marché comme étant arrivé à maturité[53], comme ayant une clientèle connue et des possibilités de croissance limitées[54].

70.                    L’estimation de Nova diffère quelque peu de la taille du marché évaluée au cours de l’enquête du Tribunal; toutefois, l’estimation de Nova et celle du Tribunal ont tendance à se rejoindre en 2017. D’après les estimations du Tribunal, le volume total du marché apparent semblait augmenter chaque année de la période visée par le réexamen : plus précisément, de 10 p. 100 en 2016, de 28 p. 100 en 2017 et de 68 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2018 par rapport à la période intermédiaire de 2017[55]. Après avoir retiré les données des importations qui semblaient s’appliquer à l’industrie automobile, cette tendance à la hausse se poursuit, même si la taille du marché est un peu moins grande[56].

71.                    En ce qui concerne l’offre, le changement le plus important sur le marché intérieur est l’arrivée de nouvelles sources d’importation de TSAC, notamment en provenance du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam. Les importations provenant de ces quatre sources ont augmenté de 60 p. 100 en 2016, et de 31 p. 100 supplémentaires en 2017[57]. Le volume des importations provenant de ces sources au cours de la période intermédiaire de 2018 était 107 p. 100 plus élevé que celui au cours de la période intermédiaire de 2017. Cette tendance se reflète par une augmentation globale des importations au cours de la période visée par le réexamen, soit de 14 p. 100 en 2016, de 36 p. 100 en 2017 et de 88 p. 100 pendant la période intermédiaire de 2018[58]. Le 20 juillet 2018, l’ASFC a ouvert une enquête concernant le dumping de TSAC provenant du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam.

72.                    Les importations autres que celles en question ont accru leur part du marché au cours de la période visée par le réexamen, en hausse de trois points de pourcentage en 2016 et de deux points de pourcentage supplémentaires en 2017[59]. Cette croissance est due en grande partie aux importations provenant des quatre pays susmentionnés, tandis que les marchandises américaines ont perdu des parts de marché au cours de la période visée par le réexamen[60]. Les États-Unis constituaient une importante source d’importations tout au long de la période visée par le réexamen, même si les quatre pays susmentionnés ont dépassé le volume de TSAC importés des États-Unis en 2016 et sont restés au-dessus en 2017. Lorsque l’on retire les données relatives à l’industrie automobile, les volumes de marchandises en question importées des États-Unis sont plus bas, bien que ces derniers demeurent une importante source d’importations[61].

73.                    Les marchandises en question ont continué à pénétrer sur le marché canadien à la suite des conclusions, mais pas dans une mesure importante malgré les fortes augmentations en pourcentage de certaines sources des marchandises en question d’une année à l’autre. En particulier, les importations en question provenant de la Thaïlande ont augmenté de 22 p. 100 en 2016 et de 867 p. 100 en 2017[62]. Les importations en question provenant de l’Inde ont augmenté au cours de la période visée par le réexamen, de 178 p. 100 en 2016 et de plus de 1 000 p. 100 en 2017[63]. Cependant, les importations en question représentaient seulement un infime pourcentage du marché total pendant toutes les années de la période visée par le réexamen[64]. En réalité, les marchandises en question provenant des Émirats arabes unis, du Taipei chinois et d’Oman étaient quasiment absentes du marché canadien au cours de la période visée par le réexamen.

74.                    En ce qui concerne l’établissement des prix, Nova indique que les importations provenant du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam ont exercé de nouvelles pressions sur les prix dans le marché canadien des TSAC. Les données recueillies indiquent que les valeurs unitaires des importations provenant de ces pays ont tendance à figurer parmi les plus bas prix sur le marché[65].

75.                    Un autre changement relatif à l’offre concerne les coûts des matières premières. Nova a précisé que les coûts directs des bobines laminées à chaud (BLC) ont augmenté considérablement au cours de la période visée par le réexamen. Le prix des BLC a augmenté de 17 p. 100 en 2016, puis à nouveau de 17 p. 100 en 2017, en dollars canadiens et selon le prix du Midwest américain[66]. En comparant les périodes intermédiaires, on constate que les BLC étaient 14 p. 100 plus chères en janvier-mars 2018 qu’à la même période en 2017[67]. Les pressions sur les prix mentionnées rendent le recouvrement de ces coûts accrus des BLC plus difficile, d’autant plus que ces dernières constituent un important élément du coût des TSAC[68].

Rendement probable de la branche de production nationale si les conclusions sont prorogées

76.              Le Tribunal examinera maintenant le rendement probable de la branche de production nationale dans l’éventualité où les conclusions seraient prorogées, en tenant compte du rendement récent de la branche de production nationale[69]. Aux fins de cette analyse, le Tribunal examinera si des facteurs pertinents autres que le dumping et/ou le subventionnement des marchandises en question ont une incidence avérée ou probable sur le rendement de la branche de production nationale à court et à moyen terme[70].

77.                    Nova soutient qu’elle et Bolton, les deux plus importants producteurs nationaux de TSAC, ont obtenu un faible rendement financier au cours des dernières années. Durant la période visée par le réexamen, Nova n’a été rentable qu’en 2015[71]. Les producteurs nationaux affirment que cela est principalement dû aux pressions sur les prix exercées par de nouvelles sources de marchandises à bas prix autres que celles en question, et aux volumes des ventes qu’elles ont fait perdre.

78.                    Le volume total de la production nationale de TSAC a augmenté de 10 p. 100 en 2016, par rapport à 2015, puis est resté stable en 2017. Toutefois, cette augmentation était principalement attribuable à la production destinée à l’exportation, qui a augmenté de 61 p. 100 en 2016 avant de chuter de 10 p. 100 en 2017[72].

79.                    De manière générale, la production nationale destinée aux ventes nationales a diminué au cours de la période visée par le réexamen, aussi bien en quantité absolue qu’en pourcentage de la production totale[73]. Les taux d’utilisation de la capacité sont restés très faibles tout au long de la période visée par le réexamen, aussi bien en matière de production destinée aux ventes nationales que de production destinée aux ventes à l’exportation[74].

80.                    Les marges brutes ont diminué chaque année de la période visée par le réexamen. La plus importante baisse de marge brute a été enregistrée pendant la période intermédiaire de 2017, au cours de laquelle le coût des marchandises vendues était supérieur à la valeur marchande nette[75].

81.                    La branche de production nationale a perdu des parts de marché au cours de la période visée par le réexamen, chutant de trois points de pourcentage en 2016 et de quatre autres points de pourcentage en 2017. Les données pour la période intermédiaire de 2018 montrent que la part de marché de la branche de production nationale a chuté de neuf points de pourcentage par rapport à la même période en 2017[76].

82.                    Les heures directes travaillées, les salaires directs versés et la productivité totale ont augmenté[77], mais les emplois directs et indirects, les salaires indirects versés ainsi que les heures indirectes travaillées ont légèrement diminué[78].

83.                    Dans l’ensemble, les données semblent indiquer que la branche de production nationale ne s’en tire pas particulièrement bien, malgré la présence très limitée des marchandises en question sur le marché canadien. Rien n’indique que le rendement de la branche de production nationale s’améliorera, même si les conclusions sont prorogées.

84.                    Au contraire, au cours des 12 à 18 prochains mois, certains facteurs continueront de présenter d’importants nouveaux défis pour la branche de production nationale, notamment le tarif imposé par les États-Unis. M. Jones de Nova considère que l’incidence probable du tarif sur les activités d’exportation de l’entreprise sera « dommageable, voire désastreuse » [traduction][79]. Aux mois de juin et de juillet, Nova a été en mesure d’expédier certains TSAC aux États-Unis, en payant le plein tarif ou, dans certains cas, en divisant le tarif avec son client[80], mais M. Jones s’attend à ce que les exportations de l’entreprise vers les États-Unis passent de 30 000-40 000 tonnes métriques par année à « essentiellement zéro » [traduction][81]. De la même façon, la preuve de Bolton montre qu’elle a déjà été écartée du marché américain à la suite de l’imposition du tarif[82].

85.                    Selon certains, le ralentissement des exportations américaines vers le Canada, à la suite des mesures de rétorsion adoptées par ce dernier, pourrait permettre aux producteurs nationaux de servir le marché canadien en concluant des ventes qui étaient auparavant réalisées grâce aux importations américaines. Cependant, M. Jones a déclaré que Nova s’attend à ce que, de manière générale, les tarifs aient une incidence négative. Bien qu’il ait estimé que le volume annuel de TSAC expédiés des États-Unis est généralement de l’ordre de 20 000 tonnes métriques, et que Nova récupérerait probablement de 50 à 75 p. 100 de ce volume auparavant fourni par les États-Unis, ces gains ne suffisent pas pour compenser les pertes que Nova s’attend à essuyer à l’égard du volume de ses ventes à l’exportation vers les États-Unis[83].

86.                    Outre une probable diminution importante des exportations, la branche de production nationale devra certainement faire face à une concurrence accrue des importations de marchandises en question et des autres marchandises, détournées des États-Unis. Plus de 1 million de tonnes métriques de TSAC ont été importés aux États-Unis en 2017, provenant de toutes les sources confondues[84]. Le volume de TSAC exportés aux États-Unis provenant du Vietnam (88 711 tonnes métriques), de la Turquie (71 837 tonnes métriques) et du Mexique (49 639 tonnes métriques), lesquels ne sont actuellement pas visés par des conclusions concernant les TSAC au Canada, est supérieur à la taille totale du marché canadien des TSAC[85]

87.                    La branche de production nationale doit également faire face au risque que les TSAC soient détournés de l’UE au cours des 12 à 18 prochains mois ou aussi longtemps que les mesures de sauvegarde provisoires de l’UE seront en vigueur; toutefois, étant donné la façon dont les mesures de sauvegarde provisoires ont été structurées (c’est-à-dire le fait que les droits s’appliquent seulement lorsque les niveaux d’importation dépassent les moyennes historiques), le Tribunal est d’avis que cette situation présente moins de risques pour les producteurs nationaux que les importations détournées des États-Unis.

88.                    Une autre difficulté importante pour la branche de production nationale au cours des 12 à 18 prochains mois, sans rapport avec les importations en question, est le coût des matières premières, dont il est question plus en détail ci-dessous.

89.                    En dépit de ces difficultés probables qui apparaîtront indépendamment de la possibilité que les conclusions soient prorogées ou non, pour les motifs exposés ci-dessous, le rendement de la branche de production nationale serait nettement pire si les conclusions étaient annulées.

Volume probable des importations advenant l’annulation des conclusions

90.              L’alinéa 37.2(2)a) du Règlement exige du Tribunal qu’il prenne en considération le volume probable des marchandises sous-évaluées ou subventionnées advenant l’expiration des conclusions, et tout particulièrement la vraisemblance d’une augmentation importante du volume des importations des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires.

91.              Dans son évaluation du volume probable des importations de marchandises sous-évaluées et subventionnées, le Tribunal tient compte, selon leur pertinence, du rendement probable de la branche de production étrangère, de la possibilité pour les producteurs étrangers de produire les marchandises dans des installations servant actuellement à la production d’autres marchandises, de toute preuve de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par les autorités d’autres pays et de la possibilité que les mesures prises par les autorités d’un autre pays causent vraisemblablement ou non le détournement au Canada des marchandises en question[86]. Pour les motifs exposés précédemment, le Tribunal effectuera son examen dans la présente section ainsi que dans la section relative aux effets sur les prix séparément, en commençant par les importations provenant de cinq pays qui ont été uniquement sous-évaluées et en terminant avec les importations provenant de l’Inde qui ont été sous-évaluées et subventionnées.

Volume probable des importations du Taipei chinois, de Thaïlande, de la Corée, des EAU et d’Oman

92.                    La branche de production nationale soutient que les producteurs des cinq pays visés qui font du dumping uniquement continuent de s’intéresser au marché canadien et, qu’en raison de leur capacité de production et de leur orientation vers l’exportation, surtout par rapport aux conditions des marchés dans lesquels leurs marchandises doivent soutenir la concurrence, ils reprendront probablement le dumping de manière importante si les conclusions sont annulées.

93.                    D’après les données présentées dans le Simdex Metal Tube Manufacturers Worldwide Guide, les producteurs dans les cinq pays visés qui font du dumping uniquement sont dotés d’une grande capacité de production de TSAC[87]. Parmi les pays visés, la Corée est celle qui a de loin la plus grande capacité de production de TSAC, avec une capacité de près de 4 millions de tonnes métriques de TSAC. Les EAU ont une capacité de production de TSAC estimée à presque 2 millions de tonnes métriques par année, tandis que celle de la Thaïlande est légèrement supérieure à 1 million de tonnes métriques par année. La capacité de production de TSAC du Taipei chinois est estimée à environ 764 000 tonnes métriques par année[88]. Selon les rapports annuels d’Al Jazeera, la capacité de l’aciérie à tubes d’Oman, qui sert également à fabriquer des tuyaux, est de 300 000 tonnes métriques par année[89].

94.                    Certains producteurs, dont les données relatives à leur capacité se trouvent dans les estimations ci-dessus, ont été exclus des conclusions; cependant, même sans prendre en compte la capacité de ces producteurs, la capacité en découlant est importante par rapport à la taille du marché canadien.

95.                    Nova a qualifié les producteurs dans les cinq pays qui font du dumping uniquement comme étant axés sur l’exportation en ce qui concerne l’acier brut et les produits d’acier. Plus précisément, le Taipei chinois exporte plus de la moitié de sa production totale d’acier[90], et il y a un certain nombre de grands producteurs de tuyaux pour qui les exportations de tuyaux représentent une partie importante de la stratégie d’entreprise[91]. En ce qui concerne la Corée, environ 10 p. 100 de ses exportations d’acier en 2017, soit environ 3 millions de tonnes métriques, étaient des tuyaux et des tubes[92]. Les rapports indiquent que l’industrie de l’acier en Corée a déployé des efforts pour accroître ses exportations d’acier, qui semblent avoir porté fruit étant donné que les exportations de tuyaux et de tubes en acier auraient augmenté de 72,2 p. 100 entre janvier et août 2017, comparativement à la même période l’année précédente[93]. Un certain nombre de producteurs dans les pays visés ont exprimé publiquement leurs ambitions à l’échelle mondiale[94], renforcées notamment par une forte croissance des ventes à l’exportation malgré l’imposition de mesures commerciales dans de nombreux marchés. 

96.                    Le comportement des producteurs dans les cinq pays visés qui font du dumping uniquement est tel qu’ils considéreront probablement le Canada comme un marché d’exportation intéressant advenant l’annulation des conclusions, nonobstant la probabilité que d’autres pays (en particulier ceux qui sont les plus touchés par le tarif imposé par les États-Unis, comme le Vietnam, la Turquie et le Mexique) convoitent également le Canada comme nouveau marché cible. Il y a de moins en moins de marchés dans lesquels les TSAC provenant des cinq pays visés qui font du dumping uniquement peuvent soutenir la concurrence sans se heurter à des mesures antidumping ou compensatoires[95]. De plus, l’imposition du tarif américain force davantage les producteurs de TSAC dans les cinq pays visés qui font du dumping uniquement à chercher d’autres marchés d’exportation, notamment parce que les États-Unis ont généralement fait partie des plus importants marchés d’exportation pour ces cinq pays[96]. Les mesures de sauvegarde dans l’UE et en Turquie auront certainement un effet semblable, poussant les marchandises en question à chercher des marchés dans lesquels elles ne se heurtent pas à des droits ou à des restrictions de volume.

97.                    Le Tribunal est par ailleurs convaincu que les producteurs du Taipei chinois, de la Thaïlande et des EAU ont une grande capacité qui leur permet de produire des produits connexes, à savoir des sections structurales creuses (SSC)[97]. Les importations de SSC, qui sont habituellement fabriquées avec le même équipement que les TSAC et à partir d’une matière première semblable[98], ont considérablement augmenté au cours de la période visée par le réexamen et, la plupart du temps, entrent au Canada à des prix bas[99]. Si les conclusions concernant les pays visés qui font du dumping uniquement sont annulées, ces producteurs arrêteront probablement la production de SSC pour se remettre à produire des TSAC.

98.                    Compte tenu de ce qui précède, il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume de marchandises en question importées du Taipei chinois, de la Thaïlande, de la Corée, des EAU et d’Oman si les conclusions sont annulées.

Volume probable des importations de l’Inde

99.                    La branche de production nationale soutient qu’il est fort probable que d’importants volumes de marchandises en question provenant de l’Inde entrent au Canada dans l’éventualité où le Tribunal annulerait ses conclusions concernant les TSAC provenant de l’Inde en raison de la grande capacité de production, des niveaux élevés de production et de l’orientation générale vers l’exportation des producteurs indiens de TSAC. De plus, le tarif imposé par les États-Unis et les mesures de sauvegarde adoptées par l’UE augmentent la probabilité que les TSAC provenant de l’Inde soient détournés vers le Canada si les conclusions sont annulées.

100.                Nonobstant l’application de droits antidumping et de droits compensateurs aux TSAC indiens, l’Inde est restée présente sur le marché canadien au cours de la période visée par le réexamen et a légèrement augmenté sa part de marché entre 2016 et 2017[100]. Les mesures visant les TSAC indiens demeurent en vigueur aux États-Unis, même après quatre réexamens; toutefois, les marchandises en question provenant de l’Inde sont restées présentes sur ce marché également, en dépit des droits[101]. Cela semble indiquer que les exportateurs indiens portent un intérêt soutenu pour le marché canadien.

101.                La capacité de production estimée de TSAC pour l’Inde serait d’environ 4 millions de tonnes métriques[102]. Il s’agit d’une capacité de production de TSAC importante, aussi bien en quantité absolue que par rapport à la production et à la consommation de marchandises similaires au Canada.

102.                En ce qui concerne les exportations, les estimations indiquent que les tuyaux et les tubes représentent 9 p. 100 des exportations d’acier de l’Inde, ou 1,43 million de tonnes métriques[103], et des extraits de plusieurs stratégies d’entreprise et sites Web de producteurs indiens soulignent l’importance des marchés d’exportation pour les TSAC et d’autres produits d’acier[104]. D’après les données fournies par la World Steel Association, les exportations de produits tubulaires provenant de l’Inde ont augmenté en 2015 et 2016[105]. Par conséquent, le Tribunal conclut que les producteurs indiens de TSAC sont axés sur l’exportation.

103.                Compte tenu de leur orientation vers les exportations, les producteurs indiens ressentiront probablement les effets du tarif imposé par les États-Unis et des mesures adoptées par l’UE, et seront encouragés à trouver d’autres marchés afin d’absorber les volumes de TSAC habituellement exportés vers ces marchés[106]. La quantité de TSAC provenant de l’Inde pour lesquels il faut trouver un nouveau marché risque d’être importante, étant donné que les États-Unis représentaient l’un des plus importants partenaires commerciaux de l’Inde pour les tuyaux et les tubes, et ont reçu 31 p. 100 des exportations de tuyaux et de tubes provenant de l’Inde en 2017[107]. Comme mentionné plus haut à l’égard des cinq pays qui font du dumping uniquement, la présence de pays non visés frappés par le tarif américain ou par les mesures de sauvegarde de l’UE ou de la Turquie n’empêchera probablement pas les TSAC provenant de l’Inde d’entrer sur le marché canadien.

104.                Le Tribunal est aussi convaincu que les producteurs indiens ont une grande capacité de produire, et qu’ils produisent d’ailleurs des quantités importantes de produits connexes, à savoir des SSC[108]. Les importations de SSC, qui sont habituellement fabriquées avec le même équipement que les TSAC et à partir d’une matière première semblable[109], ont considérablement augmenté au cours de la période visée par le réexamen et entrent actuellement au Canada à des prix bas[110]. Le Tribunal est convaincu que, si les conclusions concernant l’Inde sont annulées, les producteurs indiens arrêteront probablement la production de SSC pour se remettre à produire des TSAC.

105.                Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il y aura vraisemblablement une importante augmentation du volume de marchandises en question importées de l’Inde si les conclusions sont annulées.

Effets probables des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix advenant l’annulation des conclusions

106.          Le Tribunal doit déterminer, advenant l’annulation des conclusions, si le dumping et le subventionnement des marchandises en question entraîneront vraisemblablement ou non, de façon marquée, soit la sous-cotation des prix des marchandises similaires, soit la baisse de ces prix, soit la compression de ceux-ci en empêchant les augmentations de prix qui autrement se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises[111]. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous‑évaluées ou subventionnées sur les prix et les effets découlant vraisemblablement d’autres facteurs ayant une incidence sur les prix.

Prix probables des marchandises en question provenant du Taipei chinois, de la Thaïlande, de la Corée, des EAU et d’Oman

107.          Advenant l’annulation des conclusions, les marchandises en question provenant du Taipei chinois, de la Thaïlande, de la Corée, des EAU et d’Oman entraîneront vraisemblablement une sous-cotation et une compression marquées des prix des marchandises similaires.

108.                La quasi-absence des marchandises en question provenant des cinq pays qui font du dumping uniquement au cours de la période visée par le réexamen laisse entendre que les producteurs de ces pays (à l’exception de ceux qui ont été exclus des conclusions) ne peuvent pas ou ne souhaitent pas faire concurrence à des valeurs normales. En outre, afin de faire face à la concurrence accrue des marchandises qui pourraient éventuellement être détournées vers le Canada en raison des mesures prises par les États-Unis et l’UE, et à la concurrence des marchandises similaires, les exportateurs de ces marchandises en question devront offrir des prix bas. Nova a formulé une série d’allégations au sujet de récentes pertes de ventes, qui indiquent que les prix des TSAC offerts par le Pakistan, les Philippines, la Turquie et le Vietnam sont, dans bien des cas, bien plus bas que les prix offerts par la branche de production nationale[112]. De la même façon, au cours de la période visée par le réexamen, les prix des marchandises provenant du Pakistan, des Philippines, de la Turquie et du Vietnam étaient presque toujours inférieurs aux prix des marchandises en question provenant de l’Inde ou des cinq pays visés qui font du dumping uniquement[113]. Non seulement les marchandises en question devront s’ajuster à ces prix, mais étant donné que les TSAC sont des produits de base, elles devront entrer sur le marché canadien à des prix plus bas que ceux qui sont actuellement offerts en vue de réaliser des ventes.

109.                Par ailleurs, les prix à l’exportation indiqués dans les réponses d’Al Jazeera au questionnaire à l’intention des producteurs étrangers[114], qui sont constamment inférieurs aux prix des producteurs nationaux du Canada, sont aussi révélateurs des prix auxquels les marchandises en question provenant d’Oman entreraient sur le marché canadien[115].

110.                Le Tribunal conclut également que les marchandises en question empêcheraient probablement les producteurs nationaux de hausser leurs prix pour couvrir l’augmentation des coûts. Comme mentionné plus haut, le prix des BLC a augmenté au cours de la période visée par le réexamen. Cela a eu une incidence sur le coût des marchandises vendues des producteurs nationaux[116]. Plus précisément, le coût par tonne métrique des marchandises vendues a légèrement diminué en 2016, mais a augmenté en 2017. Le coût par tonne métrique des marchandises fabriquées ou, plus précisément, la valeur unitaire des matières directes utilisées a également augmenté chaque année pendant la période visée par le réexamen[117]. Même s’il est difficile de prédire le risque que le coût des BLC augmente à l’avenir[118], les dernières données de CRU indiquent que le prix (du Midwest) américain pour les BLC a constamment augmenté au cours de chaque année de la période visée par le réexamen, passant de 532 $ (en 2015) à 854 $ la tonne métrique (pendant la période intermédiaire de 2018), soit une augmentation globale de près de 40 p. 100 entre 2015 et 2018[119]. Dans la mesure où les prix sont maintenus à leurs faibles niveaux actuels et où les marchandises en question provenant des cinq pays susmentionnés se rapprochent de ces niveaux, les producteurs nationaux ne parviendront probablement pas à faire absorber l’augmentation de ces coûts par leurs clients.

111.                Bien que le prix des marchandises similaires pourrait être comprimé même si les conclusions sont prorogées, en raison de la présence de marchandises autres que celles en question (c’est-à-dire provenant du Pakistan, des Philippines, du Vietnam et de la Turquie), si les conclusions sont annulées, le Tribunal est convaincu que les marchandises en question feront baisser les prix à des niveaux encore plus bas, sous-cotant le prix des marchandises nationales et limitant encore plus la capacité des producteurs nationaux à hausser les prix pour couvrir l’augmentation des coûts.

Prix probables des marchandises en question provenant de l’Inde

112.                Même si certains éléments de preuve indiquent que les prix de certaines marchandises en question provenant de l’Inde seraient plus élevés que ceux des autres marchandises en question dans le présent réexamen relatif à l’expiration, ces éléments proviennent des exportations d’un seul producteur indien et se rapportent à un produit-créneau; le Tribunal estime par conséquent qu’ils ne sont pas représentatifs des prix probables des importations indiennes de TSAC au Canada advenant l’annulation des conclusions[120].

113.                Étant donné que les TSAC sont des produits de base, afin de regagner des ventes et une part de marché au Canada, les prix des marchandises en question provenant de l’Inde devront être égaux ou inférieurs aux prix courants du marché. Compte tenu des faibles niveaux de prix qui sont constatés actuellement sur le marché et qui devraient rester ainsi à court terme, les prix des marchandises en question provenant de l’Inde seront probablement inférieurs aux prix des marchandises similaires, advenant l’annulation des conclusions.

114.                De plus, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus à l’égard des pays qui font du dumping uniquement, les producteurs nationaux ne seront pas en mesure de faire absorber les coûts supplémentaires liés aux BLC par leurs clients sous la forme de hausses de prix en raison de la présence de bas prix sur le marché, ce qui comprendrait les bas prix des marchandises en question provenant de l’Inde, advenant l’annulation des conclusions concernant l’Inde.

115.                Par conséquent, le Tribunal conclut que, si les conclusions concernant l’Inde sont annulées, les marchandises en question provenant de l’Inde auront probablement des effets néfastes importants sur les prix sur la branche de production nationale, semblables à ceux mentionnés ci-dessus en rapport avec les cinq pays qui font du dumping uniquement.

Incidence probable sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions

116.          Le Tribunal évaluera l’incidence probable des volumes et des prix susmentionnés sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions[121], en tenant compte du rendement probable de la branche de production nationale dans l’éventualité où les conclusions seraient prorogées, comme cela a été mentionné ci-dessus. Dans le cadre de cette analyse, le Tribunal fait une distinction entre l’incidence probable des marchandises sous-évaluées et subventionnées et l’incidence probable de tout autre facteur qui agit ou qui pourrait vraisemblablement agir sur la branche de production nationale, comme indiqué ci‑dessus[122].

117.                Tel que mentionné ci-dessous, les répercussions prévues que les marchandises en question auront sur la branche de production nationale sont les mêmes, peu importe qu’elles proviennent d’Inde ou des cinq pays visés qui font du dumping uniquement.

118.                Nova soutient qu’advenant l’annulation des conclusions, toutes les marchandises en question entreront au Canada en quantités importantes à des prix inférieurs aux siens, entraînant les prix des TSAC au Canada dans une spirale à la baisse. Selon Nova, les prix sur le marché sont déjà très faibles, en raison des importations provenant des pays non visés susmentionnés. Nova s’attend à ce que, dans la mesure où les marchandises en question réintègrent le marché canadien, elles devront être vendues à un prix égal ou inférieur aux prix courants du marché en vue de réaliser des ventes. Cette intensification de la concurrence en matière de prix forcera Nova à baisser son prix de vente d’au moins 50 $ la tonne métrique, voire peut-être plus, pour ne pas perdre des ventes[123]. Nova prétend que cette estimation, qui est fondée sur ses renseignements commerciaux et qui tient compte des offres comparables sur le marché canadien, est prudente, et qu’en réalité, il est probable que les prix chuteront bien davantage.

119.                Comme le montre l’analyse qui précède, si les conclusions étaient annulées, les marchandises en question provenant des cinq pays qui font du dumping uniquement et de l’Inde reviendraient probablement sur le marché national en quantités importantes et à des prix qui entraîneraient vraisemblablement une sous-cotation et une compression marquées des prix des marchandises similaires. Le Tribunal accepte également la preuve de Nova considérant qu’elle donne une estimation raisonnable de l’incidence de la présence renouvelée des marchandises en question sur les prix de Nova, advenant l’annulation des conclusions. La baisse des prix aura sans aucun doute une incidence sur les marges des producteurs nationaux.

120.                Les éléments de preuve portant sur le rendement récent de la branche de production nationale indiquent que les producteurs ont déjà de la difficulté à réaliser des ventes et à préserver leur rentabilité. Si les niveaux des prix chutent en raison du fait que les marchandises en question réintègrent le marché canadien, le Tribunal conclut que la situation financière des producteurs nationaux se détériorera. Par conséquent, et étant donné que la hausse des coûts des matières premières exerce une pression sur les marges, le Tribunal est d’avis que les producteurs nationaux seront probablement forcés à réduire leur production et ne seront pas en mesure de justifier des investissements qui dépendent du rendement financier et des perspectives du marché. En effet, Bolton a affirmé qu’elle serait forcée de cesser ses activités si les marchandises en question revenaient sur le marché à des prix sous-évalués et subventionnés[124].

121.                Par conséquent, même si la branche de production nationale fera vraisemblablement face à d’importants défis liés aux coûts élevés des BLC et aux mesures commerciales restrictives imposées par les États-Unis si les conclusions sont prorogées, la réintroduction sur le marché des marchandises en question sous-évaluées et subventionnées rendrait la tâche de relever ces défis pratiquement impossible aux producteurs nationaux et pourrait très bien entraîner l’effondrement de la branche de production nationale.

122.          À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut que l’annulation des conclusions causerait vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production nationale.

CONCLUSION

123.          Par conséquent, aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI, le Tribunal proroge ses conclusions concernant les marchandises en question.




Serge Fréchette                       
Serge Fréchette
Membre présidant




Jean Bédard                            
Jean Bédard
Membre




Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre



[36].   Ibid.

[39].   Certains lave-vaisselle et sécheuses (ordonnance de procédure datée du 25 avril 2005), RR-2004-005 (TCCE) au par. 16.

[40].   Raccords de tuyauterie en cuivre (17 février 2012), RR-2011-001 (TCCE) au par. 56. Dans Conteneurs thermoélectriques (9 décembre 2013), RR-2012-004 (TCCE) au par. 14 [Conteneurs thermoélectriques], le Tribunal a indiqué que le contexte d’analyse dans lequel il est statué sur un réexamen relatif à l’expiration comprend souvent l’évaluation d’éléments de preuve rétrospectifs appuyant des conclusions prospectives. Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE) au par. 21 [Extrusions d’aluminium].

[41].   Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (16 août 2006), RR-2005-002 (TCCE) au par. 59.

[42].   Conteneurs thermoélectriques au par. 14; Extrusions d’aluminium au par. 21.

[43].   D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[44].   Voir l’alinéa 37.2(2)j) du Règlement.

[47].   Pièce RR-2017-005-A-01, pièce jointe publique 5 à la p. 144, vol. 11.

[48].   Ibid., pièce jointe 9 aux p. 208-209; ibid., pièce jointe 27 à la p. 355, vol. 11A.

[49].    Tubes soudés en acier au carbone (19 avril 2013), RR-2012-003 (TCCE) au par. 42.

[51].   Ibid.

[52].   Ibid. aux par. 36, 51; transcription de l’audience publique à la p. 15.

[53].   Pièce RR-2017-005-A-05 au par. 36, vol. 11F.

[55].   Pièce RR-2017-005-06 (protégée), tableau 9, vol. 2.1.

[56].   Pièce RR-2017-005-06B (protégée), tableau 4, vol. 2.1. Les arguments de Nova ont laissé entendre que les tuyaux normalisés ne sont généralement pas utilisés dans l’industrie automobile. Cependant, le Tribunal a remarqué que certains répondants au questionnaire impliqués dans la construction automobile, et ayant en principe lu la description du produit, ont affirmé avoir importé des marchandises s’inscrivant dans le cadre du présent réexamen. Afin d’examiner l’incidence que les données en question auraient, le Tribunal a préparé un supplément au rapport d’enquête dans lequel les données fournies par ces répondants étaient supprimées.

[58].   Ibid.

[61].   Pièce RR-2017-005-06B (protégée), tableau 1, vol. 2.1.

[62].   Pièce RR-2017-005-05, tableau 9, vol. 1.1; pièce RR-2017-005-05B, tableau 5, vol. 1.1.

[63].   Ibid.

[64].   Pièce RR-2017-005-06 (protégée), tableau 10, vol. 2.1; pièce RR-2017-005-06B (protégée), tableau 10, vol. 2.1.

[67].   Ibid.

[78].   Ibid.

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