Enquêtes de dommage antidumping

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Enquête no NQ-2016-004R

Certains éléments d’acier de fabrication industrielle

Conclusions et motifs rendus
le vendredi 26 juin 2020

 



EU ÉGARD À une réouverture d’enquête aux termes de l’article 44 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

ET EU ÉGARD À une décision de la Cour d’appel fédérale, rendue le 28 février 2020, annulant la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur dans le cadre de l’enquête no NQ-2016-004, rendue le 25 mai 2017, dans la mesure où elle a trait à l’exclusion de produit demandée par Fluor Canada Ltd., à celle demandée par Suncor Energy Inc. et Fort Hills Energy L.P., ainsi qu’à celle demandée par LNG Canada Development Inc.

CERTAINS ÉLÉMENTS D’ACIER DE FABRICATION INDUSTRIELLE

RÉEXAMEN ET CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes des dispositions de l’article 44 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a repris son enquête en vue de rendre une nouvelle décision ayant trait à certaines exclusions.

À la suite de cette enquête, la nouvelle décision sur renvoi du Tribunal canadien du commerce extérieur est que ses conclusions rendues le 25 mai 2017 seront révisées pour être formulées comme suit :

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, afin de déterminer si le dumping d’éléments de la charpente de bâtiments, de matériels d’exploitation, d’enceintes de confinement, de structures d’accès, de structures de traitement, et de structures pour le transport et la manutention des matériaux, en acier ouvré de construction ou en grosse tôlerie, y compris les poutres d’acier, les colonnes, les pièces de contreventement, les charpentes, les garde-corps, les escaliers, les poutres continues, les galeries et les structures de châssis de transporteurs à courroie, les portiques, les silos, les goulottes, les trémies, les réseaux de gaines, les réservoirs de traitement, les râteliers à tubes et les distributeurs à lattes mécaniques, soit assemblés ou partiellement assemblés en modules, ou non assemblés, devant servir dans : 1. l’extraction, le transport et le traitement du pétrole et du gaz; 2. l’industrie minière (extraction, transport, stockage et traitement); 3. les centrales électriques industrielles; 4. les usines pétrochimiques; 5. les cimenteries; 6. les usines d’engrais; et 7. les fonderies de métaux industriels; à l’exclusion des pylônes électriques, des produits d’acier laminé non travaillés, des poutres d’acier non travaillées, des chevalets de pompage, des structures pour la  production d’énergie solaire, éolienne et marémotrice, des centrales électriques dont la capacité nominale est inférieure à 100 MW, des marchandises classées comme « constructions préfabriquées » sous le code SH 9406.00.90.30, de l’acier de construction utilisé dans des unités industrielles autres que celles décrites ci-dessus; et des produits assujettis aux ordonnances ou aux conclusions dans Certaines pièces d’attache (RR-2014-001), Certains tubes structuraux (RR-2013-001), Certaines tôles d’acier laminées à chaud (III) (RR-2012-001), Certaines tôles d’acier au carbone (VII) (NQ-2013-005) et Certains caillebotis en acier (NQ-2010-002); originaires ou exportés de la République populaire de Chine, de la République de Corée et du Royaume d’Espagne, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, ont causé un dommage ou menacent de cause un dommage.

À la suite de l’enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur, et de la publication de la décision définitive datée du 25 avril 2017 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, selon laquelle les marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de Corée et du Royaume d’Espagne ont fait l’objet de dumping et que les marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont fait l’objet de subventionnement, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de Corée (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Hanmaek Heavy Industries Co., Ltd.) et du Royaume d’Espagne (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Cintasa, S.A.), et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, ont causé un dommage à la branche de production nationale.

De plus, le Tribunal canadien du commerce extérieur exclut de ses conclusions les marchandises importées par Andritz Hydro Canada Inc. de Sinohydro lors de l’année civile 2017 pour le projet hydroélectrique Muskrat Falls dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

De plus, suite à la décision de la Cour d’appel fédérale, rendue le 28 février 2020, annulant les conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur, rendues le 25 mai 2017, dans la mesure où elle a trait à l’exclusion de produit demandée par Fluor Canada Ltd., à celle demandée par Suncor Energy Inc. et Fort Hills Energy L.P., ainsi qu’à celle demandée par LNG Canada Development Inc., le Tribunal canadien du commerce extérieur exclut les marchandises suivantes de ses conclusions, à condition que ces marchandises soient des marchandises en question :

1) EAFI contenus dans des modules contenant des EAFI et des marchandises autres que des EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles et valves) qui sont interconnectés et assemblés de façon permanente, dont le poids brut de chacun des modules excède 250 tonnes métriques au moment de leur importation, et dont les marchandises autres que les EAFI représentent au moins 30 % du poids brut du module au moment de l’importation, destinés à des travaux le long de la côte de la Colombie-Britannique;

2) EAFI assemblés, y compris les éléments de support structuraux, tels que châssis, colonnes et structures de consolidation, dans lesquels :

A. les EAFI ne constituent pas plus de 50 % du poids de tout équipement mécanique ou d’équipement sous pression importé tel que défini dans les présentes;

B. les EAFI ne pèsent pas plus de 10 000 kg; et

C. les EAFI sont fixés de façon permanente à un des équipements suivants (bien qu’un tel équipement complet puisse être partiellement démonté au moment de l’importation uniquement pour le transport) :

i. Équipement mécanique, c’est-à-dire un équipement mécanique conçu par des ingénieurs et ayant été mis à l’essai importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, respectant des paramètres de performance particuliers demandés par l’utilisateur final. L’équipement mécanique comprend sans s’y limiter les groupes hydrauliques, les compresseurs d’air, les stations de pompage et les groupes motopompes, les pompes flottantes pour bassins de résidus, les dragues, les transformateurs, les huiles de graissage, les châssis, les moteurs d’entraînement, les douches de sécurité, les systèmes d’injection de produits chimiques, les systèmes de traitement des eaux et des déchets, les échangeurs de chaleur à refroidissement par air, les groupes électrogènes, les pompes à vide et les systèmes de chauffage du gaz naturel.

ii. Équipement sous pression, c’est-à-dire un équipement dont la conception requiert l’approbation de l’Alberta Boiler Safety Association (ou d’un organisme de normalisation équivalent d’une autre province), notamment les récipients sous pression, les chaudières assemblées, les échangeurs de chaleur, les citernes et les condenseurs.

3) les EAFI incorporés dans les équipements suivants :

A. Une cabine électrique, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation à moyenne tension, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la cabine électrique satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

B. Une sous-station montée sur châssis, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la sous-station satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

mais sans exclure les marchandises qui satisfont à la susdite définition qui comprennent aussi un équipement mécanique ou de traitement.

Jean Bédard

Jean Bédard
Membre présidant

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

 


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Membres du Tribunal :

Jean Bédard, membre présidant
Rose Ann Ritcey, membre
Serge Fréchette, membre

Personnel de soutien :

Peter Jarosz, conseiller juridique principal
Shawn Jeffrey, analyste principal

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Institut canadien de la construction en acier

Benjamin P. Bedard
Paul Conlin
Linden Dales
Greg Landry
R. Benjamin Mills
Anne-Marie Oatway
Shannel J. Rajan
M. Drew Tyler

 

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Fluor Canada Ltd.

Jesse Goldman
Jacob Mantle
Julia Webster

Fort Hills Energy L.P.

Paul Lalonde
Anca Sattler
Sean Stephenson

Suncor Energy Inc.

Paul Lalonde
Anca Sattler
Sean Stephenson

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1]  La présente enquête a été reprise en partie suite à la décision de la Cour d’appel fédérale (la Cour), en date du 28 février 2020 [1] , qui a renvoyé au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) ses conclusions rendues dans le cadre de l’enquête no NQ-2016-004 le 25 mai 2017 en ce qui concerne le rejet de certaines demandes d’exclusion pour un réexamen afin que celles-ci concordent avec ses motifs.

[2]  Les motifs pertinents de la Cour affirment ce qui suit :

In our view, the Tribunal’s decision on the exclusion requests is unreasonable. The only reason explicitly stated by the Tribunal for denying the requests was that they may include goods that are not subject goods. The Tribunal described this as a problem of jurisdiction.

In our view, the difficulty identified by the Tribunal as jurisdictional is in reality a minor technical matter. For example, LNG Canada [Development Inc.] suggested that the difficulty could have easily been avoided by including in the exclusion a phrase such as “if the goods are subject goods . . .”. It was incumbent on the Tribunal in these circumstances to consider ways in which the problem could be addressed. It appears that the Tribunal did not do so, and accordingly its consideration of the exclusion requests was unreasonable. [2]

[3]  Après réception de la décision de la Cour, le Tribunal a repris en partie son enquête aux termes de l’article 44 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [3] et a demandé aux parties de déposer des observations sur la question ci-dessus. Ce qui suit est un bref résumé des observations déposées par les parties.

[4]  Fluor Canada Ltd. (Fluor) demande à ce que soit ajouté à sa demande d’exclusion le membre de phrase suivant : « S’il est déterminé que les modules sont des marchandises en question » [traduction]. Initialement, sa demande d’exclusion concernait les :

EAFI contenus dans des modules contenant des EAFI et des marchandises autres que des EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles et valves) qui sont interconnectés et assemblés de façon permanente, dont le poids brut de chacun des modules excède 250 tonnes métriques au moment de leur importation, et dont les marchandises autres que les EAFI représentent au moins 30 % du poids brut du module au moment de l’importation, destinés à des travaux le long de la côte de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

[5]  Suncor Energy Inc. et Fort Hills Energy L.P. (collectivement Suncor) demande à ce que soit ajouté un membre de phrase uniquement à titre subsidiaire, et propose les suivants : « si elles sont des marchandises en question » ou « dans le cas où elles sont des marchandises en question » [traduction]. Ses deux demandes d’exclusion concernaient les :

a)  [...] éléments d’EAFI assemblés [4] , y compris les éléments de support structuraux, tels que châssis, colonnes et structures de consolidation, dans lesquels :

A.  les EAFI ne constituent pas plus de 50 % du poids de tout équipement mécanique ou d’équipement sous pression importé tel que défini dans les présentes;

B.  les EAFI ne pèsent pas plus de 10 000 kg; et

C.  les EAFI sont fixés de façon permanente à un des équipements suivants (bien qu’un tel équipement complet puisse être partiellement démonté au moment de l’importation uniquement pour le transport) :

1.  Équipement mécanique, c’est-à-dire un équipement mécanique conçu par des ingénieurs et ayant été mis à l’essai importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, respectant des paramètres de performance particuliers demandés par l’utilisateur final. L’équipement mécanique comprend sans s’y limiter les groupes hydrauliques, les compresseurs d’air, les stations de pompage et les groupes motopompes, les pompes flottantes pour bassins de résidus, les dragues, les transformateurs, les huiles de graissage, les châssis, les moteurs d’entraînement, les douches de sécurité, les systèmes d’injection de produits chimiques, les systèmes de traitement des eaux et des déchets, les échangeurs de chaleur à refroidissement par air, les groupes électrogènes, les pompes à vide et les systèmes de chauffage du gaz naturel.

2.  Équipement sous pression, c’est-à-dire un équipement dont la conception requiert l’approbation de l’Alberta Boiler Safety Association (ou d’un organisme équivalent d’une autre province), notamment les récipients sous pression, les chaudières assemblées, les échangeurs de chaleur, les citernes et les condenseurs.

[...] les éléments d’EAFI incorporés dans les équipements suivants :

A.  Une cabine électrique, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation à moyenne tension, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la cabine électrique satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

B.  Une sous-station montée sur châssis, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la sous‑station satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

mais sans exclure les marchandises qui satisfont à la définition susdite qui comprennent aussi un équipement mécanique ou de traitement.

[Traduction]

[6]  L’Institut canadien de la construction en acier (ICCA), au nom des producteurs nationaux, est en faveur d’accorder la demande d’exclusion de Suncor telle que consentie et, subsidiairement, d’accorder également la demande d’exclusion de Fluor telle que consentie (et subsidiairement encore d’accorder les deux demandes en ajoutant le membre de phrase suivant : « si les marchandises sont des marchandises en question » [traduction]). L’ICCA soutient que les demandes d’exclusion de Fluor et de LNG Canada Development Inc. (LNG Canada) sont maintenant sans objet en vertu du Décret de remise des droits imposés sur les marchandises en question destinées aux travaux de LNG Canada à Kitimat [5] .

[7]  LNG Canada n’a pas participé à la présente étape du réexamen. Sa demande d’exclusion concernait les « modules contenant des éléments d’acier de fabrication industrielle (“EAFI”) et les marchandises autres que les EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles, appareils de mesure et valves) qui sont interconnectées et assemblées de façon permanente destinées aux travaux de LNG Canada à Kitimat (Colombie-Britannique) » [traduction].

ANALYSE SUR RENVOI DU TRIBUNAL

[8]  La Cour a clairement indiqué que la seule erreur du Tribunal était son omission, à la lumière du consentement de la branche de production nationale d’accorder les exclusions, de prendre en considération une approche pratique pour résoudre les difficultés que la Cour avait constatées dans la formulation des exclusions. L’existence du consentement de la branche de production nationale a été fondamentale dans la décision de la Cour.

[9]  D’abord, il est important d’indiquer que, malgré les indications du contraire par la Cour [6] , le dossier du Tribunal indique que les producteurs nationaux n’avaient pas consenti à la demande de LNG Canada dans son entièreté. Ils se sont opposés à ce que celle-ci soit accordée et ont avancés des arguments selon lesquels ils pouvaient produire les marchandises en question dont le poids n’excède pas 250 tonnes métriques [7] . Le dossier du Tribunal indique que l’exclusion demandée par Fluor recoupait en partie celle de LNG Canada, c’est-à-dire en ce qui concerne les marchandises excédant 250 tonnes métriques pour les travaux de LNG Canada, mais ne comprenait pas les marchandises n’excédant pas 250 tonnes métriques destinées à ces travaux.

[10]  Aussi, la décision de la Cour n’empêche pas le Tribunal de maintenant formuler explicitement d’autres motifs pour accorder ou rejeter l’une ou l’autre de ces demandes.

Exclusion demandée par Suncor

[11]  L’exclusion devrait être accordée pour les marchandises décrites au paragraphe 39(a) des observations de Suncor, avec l’ajout du membre de phrase suivant : « à condition que ces marchandises soient des marchandises en question » [traduction]. Cet ajout est nécessaire car il concorde avec les affirmations précédentes du Tribunal selon lesquelles il ne peut déterminer s’il s’agit de marchandises en question. Sans cet ajout, on pourrait en déduire que le Tribunal considère qu’elles sont des marchandises en question, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

Exclusion demandée par Fluor

[12]  Pour les raisons indiquées ci-dessus, l’exclusion initialement demandée par Fluor, c’est-à-dire l’exclusion des marchandises décrites au cours de l’enquête et pour laquelle les parties ont laissé entendre au Tribunal qu’elles étaient d’accord, devrait être accordée avec l’ajout du membre de phrase suivant : « à condition que ces marchandises soient des marchandises en question » [traduction]. La description des marchandises faisant l’objet de l’exclusion qui est accordée doit se limiter uniquement aux EAFI étant donné que les marchandises en question sur lesquelles portaient l’enquête étaient des EAFI et non des « modules » (« modules »).

[13]  Le renvoi au Tribunal par la Cour de sa décision initiale de ne pas accorder l’exclusion demandée par Fluor a pour effet de ramener la situation au contexte qui existait au moment de l’enquête. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut qu’il serait inapproprié, comme l’a fait observer la branche de production nationale, de prendre en considération l’existence du Décret de remise des droits, une mesure qui a été adoptée après que le Tribunal eut terminé son enquête et rendu sa décision, afin de déterminer si la demande de Fluor est sans objet. Le Tribunal reconnaît que le Décret de remise des droits est un texte réglementaire qui est recevable devant les tribunaux et qui peut être considéré. Toutefois, le fait demeure que le Décret de remise des droits est une considération factuelle a posteriori, c’est-à-dire une dont le Tribunal n’aurait pas tenu compte dans le cadre de sa procédure initiale. De plus, le Décret de remise des droits ne permet pas de trancher d’une manière rigoureuse une demande d’exclusion.

[14]  Plus important encore, le Décret de remise des droits ne s’applique pas à toutes les marchandises pour lesquelles Fluor demandait une exclusion des conclusions du Tribunal [8] . Ainsi, accorder l’exclusion demeure pertinent sur le plan pratique.

Exclusion demandée par LNG Canada

[15]  Dans le cadre de l’enquête initiale, LNG Canada a demandé l’exclusion suivante :

Modules contenant des éléments d’acier de fabrication industrielle (« EAFI ») et les marchandises autres que les EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles, appareils de mesure et valves) qui sont interconnectées et assemblées de façon permanente destinées aux travaux de LNG Canada à Kitimat (Colombie-Britannique) [9] .

[Traduction]

[16]  Sur son formulaire de demande d’exclusion, LNG Canada donne les raisons suivantes pour sa demande :

Selon l’enquête qui a été effectuée, la branche de production nationale ne semble pas avoir la capacité de produire des modules en nombre suffisant et à une échelle qui puisse répondre aux besoins des travaux de LNGC [10] .

[Traduction]

[17]  Dans le même paragraphe, LNG Canada a jouté :

Toutefois, LNGC reconnaît que la branche de production nationale puisse être en mesure de répondre à une petite partie des besoins, particulièrement en ce qui concerne les modules de petite dimension. LNGC se réserve le droit de modifier sa demande d’exclusion le cas échéant [11] .

[Traduction]

[18]  Premièrement, le Tribunal prend acte que LNG Canada demande une exclusion pour les modules contenant des marchandises en question. L’exclusion ne concerne pas directement les marchandises en questions, qui sont des EAFI. Le Tribunal ne peut accorder d’exclusion pour des marchandises sur lesquelles une enquête n’a pas porté et, par conséquent, ne peut accorder l’exclusion telle que formulée par LNG Canada.

[19]  Le Tribunal prend aussi acte que la branche de production nationale n’a pas consentie entièrement à la demande d’exclusion de LNG Canada. Au cours de la plaidoirie finale, les conseillers juridiques de la branche de production nationale ont indiqué que celle-ci avait consentie à une exclusion qui s’appliquerait aux EAFI dans des modules de plus de 250 tonnes métriques, selon certaines conditions [12] . Bien qu’aucun accord oral ou écrit n’ait été présenté au Tribunal par les parties en ce qui concerne cette portion de la demande d’exclusion de LNG Canada, le Tribunal prend acte qu’un tel consentement a été formulé verbalement par les conseillers juridiques de la branche de production nationale.

[20]  Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’accorder une exclusion distincte pour répondre à la portion de la demande de LNG Canada à laquelle la branche de production nationale avait consentie.

[21]  L’exclusion accordée ci-dessus à Fluor [13] est d’ordre général, c’est-à-dire qu’elle ne concerne pas uniquement Fluor. L’exclusion s’applique aux EAFI contenus dans des modules de plus de 250 tonnes métriques. L’exclusion à laquelle ont consenti Fluor et la branche de production nationale comprend également une condition additionnelle ayant trait à la quantité minimale des éléments autres que des EAFI qui doivent être inclus dans les modules.

[22]  Bien que la demande d’exclusion de LNG Canada soit pour des « modules », elle indique que ces modules comprennent des EAFI et des marchandises autres que des EAFI. Le Tribunal conclut que la condition additionnelle est raisonnable. Elle fait en sorte qu’il y ait plus qu’une quantité symbolique de « marchandises autres que des EAFI » dans les grands modules auxquels s’applique l’exclusion et qu’ils ne s’avéreront pas être des EAFI assemblés portant un autre nom. Elle offre un degré additionnel de protection à la branche de protection nationale contre un dommage futur. En conséquence, le Tribunal conclut que l’exclusion déjà accordée à Fluor englobe adéquatement la portion de la demande de LNG Canada à laquelle avait consenti la branche de production nationale.

[23]  Comme indiqué ci-dessus, LNG Canada avait prévu que la branche de production nationale puisse être « en mesure de répondre à une petite partie des besoins, particulièrement en ce qui concerne les modules de petite dimension » [14] . LNG Canada a dit se réserver le droit de modifier sa demande d’exclusion le cas échéant [15] . La branche de production nationale a présenté de nombreux éléments de preuve indiquant qu’elle est en mesure de produire des marchandises similaires pour inclusion dans les modules [16] . En consentant à la demande d’exclusion pour les EAFI contenus uniquement dans des modules dont le poids brut excède 250 tonnes métriques, la branche de production nationale a indiqué a contrario qu’elle avait la capacité de produire, d’assembler et de livrer au Canada des EAFI incorporées dans des modules pesant 250 tonnes métriques ou moins tout comme l’avait anticipé LNG Canada.

[24]  Le Tribunal prend acte qu’il n’y a aucune preuve au dossier selon laquelle la branche de production nationale ne peut produire des EAFI qui pourraient être « interconnectés et assemblés » dans les modules. Après examen de la preuve, le Tribunal considère que la branche de production nationale est en mesure de répondre aux besoins du segment de marché non compris dans les exclusions consenties et accordées par le Tribunal. Le Tribunal conclut que d’accorder une exclusion additionnelle pour les EAFI contenus dans les modules pesant 250 tonnes métriques ou moins causerait un dommage sensible à la branche de production nationale.

[25]  Pour ces motifs, la demande d’exclusion de LNG Canada est rejetée et la décision initiale du Tribunal ayant trait à cette demande d’exclusion demeure inchangée.

[26]  Le Tribunal prend acte que, à la différence de Suncor et de Fluor, LNG Canada n’a pas participé à la présente procédure. Le Tribunal ne peut faire ni ne fera de suppositions sur les raisons pour lesquelles LNG Canada n’a pas participé à la procédure, bien qu’il prenne connaissance d’office du fait que LNG Canada semble avoir pris une voie parallèle afin d’obtenir la mesure demandée. LNG Canada a demandé et obtenu le Décret de remise des droits sur les importations d’EAFI qu’elle utilise dans ses travaux. En conséquence, ces marchandises peuvent être importées au Canada en franchise de droits qui auraient pu s’appliquer en vertu de la décision initiale du Tribunal. LNG Canada a donc obtenu la mesure qu’elle demandait.

CONCLUSIONS

[27]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal arrive aux conclusions énoncées ci-dessous après avoir réexaminé la question.

[28]  La nouvelle décision sur renvoi du Tribunal est que ses conclusions rendues le 25 mai 2017 seront révisées pour être formulées comme suit :

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, afin de déterminer si le dumping d’éléments de la charpente de bâtiments, de matériels d’exploitation, d’enceintes de confinement, de structures d’accès, de structures de traitement, et de structures pour le transport et la manutention des matériaux, en acier ouvré de construction ou en grosse tôlerie, y compris les poutres d’acier, les colonnes, les pièces de contreventement, les charpentes, les garde-corps, les escaliers, les poutres continues, les galeries et les structures de châssis de transporteurs à courroie, les portiques, les silos, les goulottes, les trémies, les réseaux de gaines, les réservoirs de traitement, les râteliers à tubes et les distributeurs à lattes mécaniques, soit assemblés ou partiellement assemblés en modules, ou non assemblés, devant servir dans : 1. l’extraction, le transport et le traitement du pétrole et du gaz; 2. l’industrie minière (extraction, transport, stockage et traitement); 3. les centrales électriques industrielles; 4. les usines pétrochimiques; 5. les cimenteries; 6. les usines d’engrais; et 7. les fonderies de métaux industriels; à l’exclusion des pylônes électriques, des produits d’acier laminé non travaillés, des poutres d’acier non travaillées, des chevalets de pompage, des structures pour la  production d’énergie solaire, éolienne et marémotrice, des centrales électriques dont la capacité nominale est inférieure à 100 MW, des marchandises classées comme « constructions préfabriquées » sous le code SH 9406.00.90.30, de l’acier de construction utilisé dans des unités industrielles autres que celles décrites ci-dessus; et des produits assujettis aux ordonnances ou aux conclusions dans Certaines pièces d’attache (RR-2014-001), Certains tubes structuraux (RR-2013-001), Certaines tôles d’acier laminées à chaud (III) (RR-2012-001), Certaines tôles d’acier au carbone (VII) (NQ-2013-005) et Certains caillebotis en acier (NQ-2010-002); originaires ou exportés de la République populaire de Chine, de la République de Corée et du Royaume d’Espagne, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, ont causé un dommage ou menacent de cause un dommage..

À la suite de l’enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur, et de la publication de la décision définitive datée du 25 avril 2017 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, selon laquelle les marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de Corée et du Royaume d’Espagne ont fait l’objet de dumping et que les marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont fait l’objet de subventionnement, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de Corée (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Hanmaek Heavy Industries Co., Ltd.) et du Royaume d’Espagne (à l’exclusion des marchandises susmentionnées exportées par Cintasa, S.A.), et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine, ont causé un dommage à la branche de production nationale.

De plus, le Tribunal canadien du commerce extérieur exclut de ses conclusions les marchandises importées par Andritz Hydro Canada Inc. de Sinohydro lors de l’année civile 2017 pour le projet hydroélectrique Muskrat Falls dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

De plus, suite à la décision de la Cour d’appel fédérale rendue le 28 février 2020, annulant les conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur rendues le 25 mai 2017, dans la mesure où elle a trait à l’exclusion de produit demandée par Fluor Canada Ltd., à celle demandée par Suncor Energy Inc. et Fort Hills Energy L.P., ainsi qu’à celle demandée par LNG Canada Development Inc., le Tribunal canadien du commerce extérieur exclut les marchandises suivantes de ses conclusions, à condition que ces marchandises soient des marchandises en question :

1) EAFI contenus dans des modules contenant des EAFI et des marchandises autres que des EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles et valves) qui sont interconnectés et assemblés de façon permanente, dont le poids brut de chacun des modules excède 250 tonnes métriques au moment de leur importation, et dont les marchandises autres que les EAFI représentent au moins 30 % du poids brut du module au moment de l’importation, destinés à des travaux le long de la côte de la Colombie-Britannique;

2) EAFI assemblés, y compris les éléments de support structuraux, tels que châssis, colonnes et structures de consolidation, dans lesquels :

A. les EAFI ne constituent pas plus de 50 % du poids de tout équipement mécanique ou d’équipement sous pression importé tel que défini dans les présentes;

B. les EAFI ne pèsent pas plus de 10 000 kg; et

C. les EAFI sont fixés de façon permanente à un des équipements suivants (bien qu’un tel équipement complet puisse être partiellement démonté au moment de l’importation uniquement pour le transport) :

i. Équipement mécanique, c’est-à-dire un équipement mécanique conçu par des ingénieurs et ayant été mis à l’essai importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, respectant des paramètres de performance particuliers demandés par l’utilisateur final. L’équipement mécanique comprend sans s’y limiter les groupes hydrauliques, les compresseurs d’air, les stations de pompage et les groupes motopompes, les pompes flottantes pour bassins de résidus, les dragues, les transformateurs, les huiles de graissage, les châssis, les moteurs d’entraînement, les douches de sécurité, les systèmes d’injection de produits chimiques, les systèmes de traitement des eaux et des déchets, les échangeurs de chaleur à refroidissement par air, les groupes électrogènes, les pompes à vide et les systèmes de chauffage du gaz naturel.

ii. Équipement sous pression, c’est-à-dire un équipement dont la conception requiert l’approbation de l’Alberta Boiler Safety Association (ou d’un organisme équivalent d’une autre province), notamment les récipients sous pression, les chaudières assemblées, les échangeurs de chaleur, les citernes et les condenseurs.

3) les EAFI incorporés dans les équipements suivants :

A. Une cabine électrique, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation à moyenne tension, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la cabine électrique satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

B. Une sous-station montée sur châssis, c’est-à-dire un local extérieur modulaire préfabriqué dans lequel on peut entrer, destiné à abriter un appareillage de commutation, importé comme équipement complet dans sa configuration opérationnelle finale, la sous-station satisfaisant aux normes de l’Association canadienne de normalisation avant l’importation;

mais sans exclure les marchandises qui satisfont à la susdite définition qui comprennent aussi un équipement mécanique ou de traitement.

Jean Bédard

Jean Bédard
Membre présidant

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

 



[1]   Fluor Canada Ltd. et al. v. Supreme Group et al. (28 février 2020), 2020 FCA 58 [décision de la Cour].

[2]   Décision de la Cour, par. 42-43. [Au moment de la publication de la version française des motifs du Tribunal, la décision de la Cour n’était disponible qu’en anglais. Un erratum sera publié lorsque la décision de la Cour sera disponible en français.]

[3]   L.R.C. (1985), c. S-15.

[4]   Le terme « éléments » (« components ») ne sera pas inclus dans la prise en considération du Tribunal de la formulation de l’exclusion pertinente, puisqu’il n’est pas nécessaire (éléments d’acier de fabrication industrielle ou EAFI est suffisant pour décrire brièvement les marchandises en question). Aussi, le terme « éléments » pourrait porter à confusion car il pourrait décrire des éléments d’Éléments(AFI), c’est-à-dire des parties d’EAFI, qui pourraient ne pas être des marchandises en question.

[5]   Le Décret de remise des droits a été passé après que le Tribunal eut rendu sa décision et après l’audience de la Cour : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2019-297/TexteComplet.html.

[6]   Voir les motifs de la Cour, par. 3, 36-37.

[7]   Voir entre autres le dossier non confidentiel du Tribunal ayant trait à l’exclusion de LNG Canada : pièces NQ-2016-004-26.06, NQ-2016-004-28.01 (voir particulièrement la pièce NQ-2016-004-28.01D) et NQ-2016-004-33.06; Transcription des dépositions non confidentielles, p. 523; Transcription de la plaidoirie non confidentielle, p. 736-745, 747.

[8]   Le Décret de remise des droits concerne deux chantiers en Colombie-Britannique, tandis que la demande d’exclusion de Fluor n’est pas restreinte de cette façon et concerne « des travaux le long de la côte de la Colombie-Britannique ».

[9]   Pièce NQ-2016-004-26.06, vol. 1.3, p. 225.

[10]   Pièce NQ-2016-004-26.06, vol. 1.3, p. 230 (par. 25).

[11]   Pièce NQ-2016-004-26.06, vol. 1.3, p. 230 (par. 25).

[12]   Transcription de l’audience publique, p. 747.

[13]   EAFI contenus dans des modules contenant des EAFI et des marchandises autres que des EAFI (y compris sans s’y limiter les canalisations, l’équipement ou la machinerie pour procédés industriels, câbles et valves) qui sont interconnectés et assemblés de façon permanente, dont le poids brut de chacun des modules excède 250 tonnes métriques au moment de leur importation, et dont les marchandises autres que les EAFI représentent au moins 30 % du poids brut du module au moment de l’importation, destinés à des travaux le long de la côte de la Colombie-Britannique.

[14]   Voir note 11 ci-dessus.

[15]   Le Tribunal prend acte que malgré la preuve présentée par la branche de production nationale, LNG Canada n’a pas modifié sa demander.

[16]   Pièces NQ-2016-004-26.06, NQ-2016-004-28.01D, NQ-2016-004-29.01C (protégée), NQ-2016-004-29.01A (protégée), NQ-2016-004-35.01, et NQ-2016-004-36.01 (protégée); Transcription de l’audience publique, p. 523‑527; Transcription de l’audience à huis clos, p. 332-333.

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