Enquêtes de dommage antidumping

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Enquête préliminaire de dommage no PI-2020-002

Contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux

Décision rendue
le lundi 10 août 2020

Motifs rendus
le mardi 25 août 2020

 



EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant des :

CONTREPLAQUÉS DÉCORATIFS ET AUTRES CONTREPLAQUÉS NON STRUCTURAUX

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement de contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux, même à surface revêtue ou recouverte, et plateformes à âme en placage pour la production de contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux, originaires ou exportés de la République populaire de Chine, ont causé un dommage ou un retard, ou menacent de causer un dommage, selon la définition de ces termes dans la Loi sur les mesures spéciales d’importation. Les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux sont définis comme des contreplaqués multicouches plats ou autres panneaux plaqués, constitués d’au moins deux couches ou épaisseurs de placages en bois et d’une âme, dont la face et/ou le dos sont plaqués en bois. Les placages ainsi que l’âme sont collés ou autrement liés entre eux. Les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux comprennent les produits répondant à l’American National Standard for Hardwood and Decorative Plywood, ANSI/HPVA HP-1-2016 (y compris toute révision de cette norme), à l’exclusion des produits suivants :

a) Contreplaqués structuraux qui sont fabriqués pour répondre à la norme de produits des États-Unis PS 1-09, PS 2-09 ou PS 2-10 destinée aux contreplaqués structuraux (y compris toute révision de cette norme ou de toute norme internationale sensiblement équivalente destinée aux contreplaqués structuraux), et dont la face et le dos sont plaqués en bois de conifères;

b) Produits de contreplaqués finis pour revêtement de sol;

c) Contreplaqués ayant une forme ou des caractéristiques autres que celles d’un panneau plat;

d) Panneaux Plyform à face de film phénolique (PFF), aussi appelés contreplaqués à film de surface phénolique (PSF), définis comme des panneaux relevant de la classe de liaison « Exterior » ou « Exposure 1 » de l’Engineered Wood Association, ayant une couche de film phénolique opaque d’un poids égal ou supérieur à 90 grammes par mètre cubique, liée en permanence sur la face et le dos des placages, ainsi qu’un revêtement opaque résistant à l’humidité appliqué sur les bords;

e) Composants de portes et de fenêtres en bois de placage stratifié ayant (1) une largeur maximale de 44 millimètres, une épaisseur de 30 millimètres à 72 millimètres et une longueur inférieure à 2413 millimètres, (2) un adhésif extérieur à point d’ébullition de l’eau, (3) un module d’élasticité de 1 500 000 livres par pouce carré ou plus, (4) un placage d’âme assemblé par entures multiples ou par recouvrement, dont toutes les couches sont orientées de manière à ce que le grain soit parallèle, ou dont au plus trois couches dispersées de placage sont orientées de manière à ce que le grain soit perpendiculaire aux autres couches, et (5) une couche supérieure usinée comportant un bord incurvé et un ou plusieurs canaux profilés sur toute la longueur.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 11 juin 2020, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement de contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux en provenance de la Chine.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

Peter Burn

Peter Burn
Membre

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre

 


 

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant
Peter Burn, membre
Cheryl Beckett, membre

Personnel de soutien :

Martin Goyette, conseiller juridique principal
Jessye Kilburn, conseillère juridique
Mark Howell, analyste principal
Andrew Wigmore, analyste
Thy Dao, analyste
Julie Charlebois, conseillère, Service des données

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

Association canadienne du contreplaqué et des placages de bois dur
Commonwealth Plywood
Rockshield Engineered Wood Products ULC
Columbia Forest Products

Paul Conlin
Benjamin P. Bedard
Anne-Marie Oatway
Manon Carpentier
Greg Landry
Shannon McSheffrey
Lydia Blois
Annie Arko
Nasrudin Mumin

Upper Canada Forest Products Ltd.

Riyaz Dattu
Gajan Sathananthan

Canusa Wood Products Limited
Hardwoods Specialty Products LP
McCorry & Co. Ltd.
Panoply Wood Products Inc.

Jesse Goldman
Matthew Kronby
Julia Webster
Samuel Levy
Erica Lindberg
Jacob Mantle

Syndicat des Métallos
Unifor

Craig Logie
Christopher Somerville
Jacob Millar
Masiel Matus
Annie (Qurrat-ul-ain) Tayyab

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1]  Le 21 avril 2020, Columbia Forest Products (CFP), Husky Plywood, une division de Commonwealth Plywood Co. Ltd. (Husky), Rockshield Engineered Wood Products, ULC (Rockshield) et l’Association canadienne du contreplaqué et des placages de bois dur (ACCPBD) (les plaignantes) ont déposé une plainte auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) alléguant que le dumping et le subventionnement de contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux provenant de la République populaire de Chine (Chine) (les marchandises en question) avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale.

[2]  Le 11 juin 2020, l’ASFC a ouvert une enquête concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en question, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] . Dans son exposé des motifs concernant l’ouverture de l’enquête, l’ASFC a estimé que, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, les marchandises en question avaient été sous-évaluées selon une marge de dumping de 52 % et qu’elles avaient été subventionnées au taux de 39,6 % (ces deux données étant exprimées en pourcentage du prix à l’exportation) [2] .

[3]  À la suite de la décision de l’ASFC d’ouvrir une enquête, le 12 juin 2020 le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a entrepris son enquête préliminaire de dommage, conformément au paragraphe 34(2) de la LMSI, pour déterminer si les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale [3] .

[4]  La plainte est appuyée par le Syndicat des Métallos et Unifor. Upper Canada Forest Products Ltd., Canusa Wood Products Limited, Hardwoods Specialty Products LP, McCorry & Co. Ltd. et Panoply Wood Products Inc. ont déposé un avis de participation, mais elles n’ont pas déposé d’observations. Les plaignantes n’ont déposé aucune autre observation après le dépôt de la plainte. Le Tribunal n’a reçu aucune observation s’opposant à la plainte.

[5]  Le 10 août 2020, le Tribunal a conclu à l’existence d’éléments de preuve qui indiquaient, de façon raisonnable, que les marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Les motifs de cette décision sont énoncés ci-après.

DÉFINITION DU PRODUIT

[6]  Les marchandises en question ont été définies comme suit par l’ASFC :

Contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux, même à surface revêtue ou recouverte, et plateformes à âme en placage pour la production de contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux, originaires ou exportés de la République populaire de Chine. Les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux sont définis comme des contreplaqués multicouches plats ou autres panneaux plaqués, constitués d’au moins deux couches ou épaisseurs de placages en bois et d’une âme, dont la face et/ou le dos sont plaqués en bois. Les placages ainsi que l’âme sont collés ou autrement liés entre eux. Les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux comprennent les produits répondant à l’American National Standard for Hardwood and Decorative Plywood, ANSI/HPVA HP‑1‑2016 (y compris toute révision de cette norme).

Sont exclus les produits suivants :

a) Contreplaqués structuraux qui sont fabriqués pour répondre à la norme de produits des États‑Unis PS 1‑09, PS 2‑09 ou PS 2‑10 destinée aux contreplaqués structuraux (y compris toute révision de cette norme ou de toute norme internationale sensiblement équivalente destinée aux contreplaqués structuraux), et dont la face et le dos sont plaqués en bois de conifères;

b) Produits de contreplaqués finis pour revêtement de sol;

c) Contreplaqués ayant une forme ou des caractéristiques autres que celles d’un panneau plat;

d) Panneaux Plyform à face de film phénolique (PFF), aussi appelés contreplaqués à film de surface phénolique (PSF), définis comme des panneaux relevant de la classe de liaison « Exterior » ou « Exposure 1 » de l’Engineered Wood Association, ayant une couche de film phénolique opaque d’un poids égal ou supérieur à 90 grammes par mètre cube, liée en permanence sur la face et le dos des placages, ainsi qu’un revêtement opaque résistant à l’humidité appliqué sur les bords; et

e) Composants de portes et de fenêtres en bois de placage stratifié ayant (1) une largeur maximale de 44 millimètres, une épaisseur de 30 millimètres à 72 millimètres et une longueur inférieure à 2413 millimètres, (2) un adhésif extérieur à point d’ébullition de l’eau, (3) un module d’élasticité de 1 500 000 livres par pouce carré ou plus, (4) un placage d’âme assemblé par entures multiples ou par recouvrement, dont toutes les couches sont orientées de manière à ce que le grain soit parallèle, ou dont au plus trois couches dispersées de placage sont orientées de manière à ce que le grain soit perpendiculaire aux autres couches, et (5) une couche supérieure usinée comportant un bord incurvé et un ou plusieurs canaux profilés sur toute la longueur [4] .

CADRE LÉGISLATIF

[7]  Le paragraphe 34(2) de la LMSI énonce le mandat du Tribunal en ce qui concerne les enquêtes préliminaires de dommage. Il prévoit que le Tribunal doit déterminer « si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping [...] des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».

[8]  L’expression « indiquent, de façon raisonnable » n’est pas définie dans la LMSI, mais elle signifie que les éléments de preuve n’ont pas à être « concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités » [5] [traduction]. La norme de preuve requise par l’expression « indiquent, de façon raisonnable » est moins élevée que celle qui s’applique lors d’une enquête définitive de dommage menée aux termes de l’article 42 de la LMSI [6] .

[9]  Les éléments de preuve recueillis dans la phase préliminaire de la procédure sont beaucoup moins détaillés et exhaustifs que dans une enquête définitive de dommage. Tous les éléments de preuve ne sont pas disponibles à la phase préliminaire, et aucune audience n’est tenue permettant d’examiner pleinement ce qui est disponible. En conséquence, la preuve n’est pas évaluée dans la même mesure que dans une enquête définitive de dommage.

[10]  À la présente étape de l’enquête, la norme de preuve qui s’applique est moins rigoureuse que celle retenue dans le cadre d’une enquête définitive de dommage, et les plaintes seront examinées libéralement [7] .

[11]  L’issue d’une enquête préliminaire de dommage ne doit toutefois pas être tenue pour acquise [8] . De simples affirmations ne sont pas suffisantes [9] . Les plaintes, ainsi que le dossier des parties opposées, doivent être étayés d’éléments de preuve positifs et suffisants. De tels éléments de preuve doivent également être pertinents, en ce sens qu’ils répondent aux exigences de la LMSI et concernent des facteurs pertinents du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [10] .

[12]  Avant d’examiner les allégations de dommage ou de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites par la branche de production nationale constituent des « marchandises similaires » par rapport aux marchandises en question, en plus de circonscrire la branche de production nationale qui produit ces marchandises. Cette analyse est nécessaire, car le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l’expression « branche de production nationale » comme « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ». De plus, le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires », par rapport à toutes autres marchandises, comme suit : « Selon le cas : a) marchandises identiques aux marchandises en cause; b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause ».

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

[13]  Dans la plainte, il est affirmé que les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux de production nationale sont des marchandises similaires aux marchandises en question et qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandise. À cet égard, les plaignantes soutiennent que les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux sont habituellement vendus pour répondre à des besoins précis et que, par conséquent, les caractéristiques physiques des marchandises importées et celles des marchandises de production nationale sont les mêmes. De plus, les mêmes méthodes de production sont utilisées pour les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux importés et ceux produits aux pays. Au Canada, les producteurs sont soit des producteurs « en une étape » ou des producteurs « trois plis » (ou « en deux étapes »). Les fabricants chinois sont habituellement des producteurs « trois plis ». Les caractéristiques du marché sont également les mêmes pour les contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux de production nationale ou importés, tout comme les besoins des clients auxquels ils répondent [11] .

[14]  Pour ce qui est de la question des catégories de marchandise, les plaignantes font valoir que même si les espèces de bois, les dimensions, le nombre de plis et l’utilisation finale des contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux varient, ces marchandises font partie d’un même continuum et elles sont interchangeables. Les plaignantes soutiennent aussi que dans sa décision de 2017, la U.S. International Trade Commission (Commission du commerce international des États-Unis) a conclu que les marchandises similaires produites en Chine et aux États-Unis constituaient une unique catégorie de marchandise [12] .

[15]  Compte tenu des éléments de preuve au dossier et des facteurs ayant trait à l’analyse des questions des marchandises similaires et des catégories de marchandise [13] , le Tribunal conclut que les contreplaqués décoratifs et les autres contreplaqués non structuraux de production nationale qui répondent à la même description que les marchandises en question sont des « marchandises similaires » aux marchandises en question et qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises.

[16]  Cependant, dans son enquête définitive de dommage, le Tribunal visera à confirmer ses conclusions concernant les marchandises similaires et les catégories de marchandise en examinant de manière approfondie le rôle des plateformes à âme en placage comme intrant dans le processus de production des contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux, ainsi que leur rôle sur le marché.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[17]  Selon les éléments de preuve déposés par les plaignantes, on dénombre 12 producteurs nationaux de contreplaqués décoratifs et d’autres contreplaqués non structuraux. Par conséquent, au vu de ces éléments de preuve, ces 12 producteurs constituent la branche de production nationale. De plus, dans la plainte, il est affirmé que les trois producteurs à l’origine de la plainte sont responsables à eux seuls (sans compter les autres membres de l’ACCPBD) d’une proportion élevée de la production nationale.

[18]  Dans son analyse, pour les fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal examinera l’incidence des importations en question sur la branche de production nationale dans son ensemble, mais il souligne que certaines des données disponibles à cette étape-ci portent sur la situation des trois producteurs à l’origine de la plainte seulement. Compte tenu de la proportion élevée de la production nationale dont sont responsables ces trois producteurs [14] , le Tribunal considère que les données concernant leur situation sont raisonnablement représentatives de la situation de l’ensemble de la branche de production nationale aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage. 

CUMUL-CROISÉ

[19]  Lorsque des marchandises en question provenant d’une même source sont à la fois sous-évaluées et subventionnées, le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire ni possible de désenchevêtrer les effets du subventionnement et ceux du dumping [15] . Le Tribunal analysera donc les effets cumulatifs du dumping et du subventionnement des marchandises dans la présente enquête préliminaire.

ANALYSE DE DOMMAGE

Volumes d’importation des marchandises sous-évaluées et subventionnées

[20]  L’ASFC a réalisé ses propres estimations des volumes d’importation des marchandises en question, lesquelles sont différentes des estimations des volumes fournies par les plaignantes [16] . Selon les estimations de l’ASFC, en valeur absolue, les volumes d’importation des marchandises en question ont augmenté en 2018 par rapport à 2017, puis ont diminué en 2019, mais sont demeurés au‑dessus des niveaux de 2017. Durant ces années, le marché total des contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux a enregistré une baisse. En valeur relative (comparativement à la production nationale et aux ventes nationales de la production nationale), les volumes d’importation des marchandises en question ont augmenté de façon marquée de 2017 à 2019.

[21]  Compte tenu de la preuve au dossier, et en particulier des estimations des volumes d’importation des marchandises en question de l’ASFC, le Tribunal conclut qu’il existe une indication raisonnable d’une augmentation marquée des importations des marchandises en question, à la fois en valeur absolue et relative.

[22]  Dans le contexte de l’enquête définitive de dommage, le Tribunal examinera de façon approfondie les données sur les importations de façon à s’assurer de ne pas inclure des marchandises non visées et surestimer le volume des marchandises en question. 

Effets sur les prix des marchandises similaires

[23]  Les plaignantes soutiennent que les marchandises en question ont entraîné une sous-cotation des prix, ce qui a donné lieu à une perte de ventes et de parts de marché. Les plaignantes affirment également que les marchandises en question ont entraîné de façon marquée une sous-cotation des prix intérieurs des produits de qualité « atelier » ou produits de qualité inférieure et que les producteurs chinois vendent des produits de qualité normale ou de qualité supérieure en remplacement de ceux-ci.

[24]  À l’appui de leurs prétentions concernant les effets sur les prix, les plaignantes se fondent sur les données disponibles relatives aux prix des importations, leurs propres prix de vente intérieurs, ainsi que des allégations spécifiques de dommage. Pour ce qui est de ces dernières, la plainte renferme certaines allégations de perte de ventes en raison de la sous-cotation des prix et des allégations de cas où les producteurs nationaux ont dû baisser leur prix pour conserver des ventes [17] .

[25]  L’ASFC a réalisé sa propre analyse comparative des prix. Le niveau de sous-cotation des prix calculé par l’ASFC est sensiblement plus bas que celui de l’estimation des plaignantes. Néanmoins, les données de l’ASFC indiquent clairement que le niveau de sous-cotation des prix par les importations en question était important et a augmenté entre 2017 et 2019 [18] .

[26]  Compte tenu de la preuve au dossier, le Tribunal conclut qu’il existe une indication raisonnable de sous-cotation des prix. Par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal n’examinera pas, dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage, les allégations de baisse de prix des plaignantes.

Incidence sur la branche de production nationale

[27]  Dans le cadre de son analyse en vertu de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal tient compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus précisément, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation.

[28]  Lors d’une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, l’existence d’un lien de causalité entre le dumping ou le subventionnement des marchandises en question et le dommage subi selon l’incidence qu’a sur la branche de production nationale le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées et l’effet de ces marchandises sur les prix. Le critère qui s’applique consiste à se demander si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises en question a, à lui seul [19] , causé un dommage.

[29]  Dans la plainte, il est affirmé que les marchandises en question ont causé un dommage important à la branche de production nationale en raison de la sous-cotation des prix, de la baisse des prix, de la perte de ventes et de parts de marché, de la sous-utilisation de la capacité, ainsi que de l’incidence négative sur les résultats financiers et les investissements actuels et proposés.

[30]  Le Tribunal a examiné les éléments de preuves confidentiels et non confidentiels déposés par les plaignantes à la lumière des facteurs pertinents. Pour ce qui est des ventes sur le marché intérieur provenant de la production nationale, l’estimation des ventes figurant dans la plainte comprend les ventes de l’ensemble de la branche de production nationale, c’est-à-dire les 12 producteurs nationaux. Le reste des données concernant la situation de la branche de production nationale ne comprend que les trois producteurs ayant déposé la plainte (CFP, Husky et Rockshield). Le Tribunal est convaincu à cette étape-ci que ces renseignements sont représentatifs de la situation de la branche de production nationale, car les plaignantes représentent une proportion élevée de la production nationale des marchandises en question [20] . L’enquête définitive de dommage du Tribunal brossera un portrait plus complet et plus précis de la situation de la branche de production nationale dans son ensemble.

[31]  Les éléments de preuves déposés avec la plainte indiquent que les volumes de production [21] et les volumes des ventes provenant de la production nationale [22] ont légèrement augmenté en 2018 par rapport à 2017, puis ont diminué en 2019. L’utilisation de la capacité, laquelle était déjà à un niveau relativement bas [23] , a suivi la même tendance.

[32]  Les plaignantes font valoir que les importations des marchandises en question ont entraîné une perte des parts de marché pour la branche de production nationale, que les producteurs nationaux sont désormais des acteurs secondaires sur le marché intérieur et que les importations en question dominent le marché. Comme mentionné ci-dessus, l’estimation de l’ASFC concernant les volumes d’importation des marchandises en question diffère de celle fournie dans la plainte. Par conséquent, les estimations de l’ASFC concernant les parts de marché diffèrent aussi de celles concernant les parts de marché fournies dans la plainte. Néanmoins, les tendances sont semblables dans les deux ensembles de données : la part de marché de la branche de production nationale a augmenté en 2018 par rapport à 2017, mais elle a diminué en 2019, au même moment où la part de marché des importations en question a continué d’augmenter, durant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019 [24] .

[33]  Les données confidentielles et les tendances relatives aux résultats financiers des producteurs à l’origine de la plainte indiquent en général que les importations en question ont eu une incidence négative [25] . Si les résultats financiers des producteurs à l’origine de la plainte ont connu une certaine évolution positive, la version confidentielle de la plainte contient une explication des plaignantes quant à la raison pour laquelle cette évolution positive est néanmoins révélatrice d’un préjudice [26] . 

[34]  Les plaignantes affirment que la présence des présumées marchandises en question sous‑évaluées et subventionnées a eu une incidence négative sur les investissements récents et futurs [27] .

[35]  Ayant examiné les éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut qu’il existe une indication raisonnable que la branche de production nationale a subi un dommage sensible. En particulier, selon les éléments de preuve, il existe une indication raisonnable de perte de ventes et de parts de marché, de sous-utilisation de la capacité et de réduction des résultats financiers.

[36]  En outre, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il existe un lien de causalité entre l’augmentation marquée des volumes d’importation des marchandises en question et la sous-cotation du prix des marchandises similaires de production nationale par ces importations d’une part, et d’autre part, la détérioration du rendement économique de la branche de production nationale durant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. Dans son enquête définitive de dommage, le Tribunal se penchera sur la question de savoir si d’autres facteurs ont contribué à la détérioration du rendement économique de la branche de production nationale. 

[37]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

[38]  Étant donné sa conclusion, et par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal n’examinera pas la question de savoir s’il existe une indication raisonnable que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage. Cependant, le Tribunal examinera les allégations de menace de dommage dans le cadre de son enquête définitive de dommage.

CONCLUSION

[39]  Le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

Peter Burn

Peter Burn
Membre

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre

 



[1]   L.R.C., 1985, ch. S-15 [LMSI].

[2]   Pièce PI-2020-002-05, vol. 1, p. 69, 74.

[3]   Comme la branche de production nationale est déjà établie, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question du retard.

[4]   Pièce PI-2020-002-05, vol. 1, p. 54-55.

[5]   Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

[6]   Maïs-grain (10 octobre 2000), PI-2000-001 (TCCE), p. 7.

[7]   Voir par exemple Feuilles d’acier résistant à la corrosion (7 janvier 2020), PI-2019-002 (TCCE), par. 12.

[8]   Barres d’armature pour béton (12 août 2014), PI-2014-001 (TCCE), par. 18-19.

[9]   L’article 5 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’article 11 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’OMC exigent d’une autorité chargée d’une enquête qu’elle examine l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête; une plainte sera rejetée ou une enquête sera close dès que l’autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping ou subventionnement, ou au dommage, ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure, les affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents ne constituant pas des éléments de preuve suffisants.

[10]   D.O.R.S./84-927 [Règlement].

[11]   Pièce PI-2020-002-02.01, vol. 1, p. 2846-2847.

[12]   Pièce PI-2020-002-02.01, vol. 1, p. 2847-2848.

[13]   Pour trancher les questions de marchandises similaires et de catégories de marchandise, le Tribunal tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients). Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE), par. 48.

[14]   Pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 2939.

[15]   Voir par exemple Feuilles d’acier résistant à la corrosion (7 janvier 2020), PI-2019-002 (TCCE), par. 36.

[16]   Pièce PI-2020-002-05, vol. 1, p. 75, 77; pièce PI-2020-002-03.06 (protégée), vol. 2, p. 17. L’ASFC a exclu certains revêtements de sol et apporté d’autres corrections.

[17]   Pièce PI-2020-002-03.01 (protégée), vol. 2, p. 2977-2988.

[18]   Pièce PI-2020-002-05, vol. 1, p. 27; pièce PI-2020-002-03.06 (protégée), vol. 2, p. 38-39.

[19]   Plaques de plâtre (5 août 2016), PI-2016-001 (TCCE), par. 44; Fils machine de cuivre (30 octobre 2006), PI‑2006-002 (TCCE), par. 40, 43; Fils d’acier galvanisés (22 mars 2013), PI-2012-005 (TCCE), par. 75.

[20]   Voir supra, par. 18.

[21]   Pièce PI-2020-002-02.01, vol. 1, p. 2888; pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 29-30.

[22]   Pièce PI-2020-002-02.01, vol. 1, p. 26, 2845; pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 2953. Comme mentionné ci-dessus, la plainte donne une estimation des volumes de ventes totaux pour l’ensemble de la branche de production nationale tandis que le reste des données a trait aux trois producteurs ayant déposé la plainte.

[23]   Pièce PI-2020-002-02.01, vol. 1, p. 2888; pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 30.

[24]   Pièce PI-2020-002-05, vol. 1, p. 28; pièce PI-2020-002-03.06 (protégée), vol. 2, p. 18.

[25]   Pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 28.

[26]   Pièce PI-2020-03.01 (protégée), vol. 2, p. 2993.

[27]   Pièce PI-2020-002-03.01 (protégée), vol. 2, p. 2997-2998.

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