Enquêtes de dommage antidumping

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Contenu de la décision

Enquête no NQ-2020-001

Tôles fortes

Conclusions rendues
le vendredi 5 février 2021

Motifs rendus
le lundi 22 février 2021

 



EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant des :

TÔLES FORTES

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), afin de déterminer si le dumping de certaines tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur plus grande que 72 pouces (+/‑ 1 829 mm) à 152 pouces (+/‑ 3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,375 pouce (+/‑ 9,525 mm) jusqu’à 4,5 pouces (+/‑ 114,3 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), originaires ou exportées du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de la République fédérale d’Allemagne (Allemagne) et de la République de Turquie (Turquie) (les marchandises en cause), à l’exclusion :

  • des tôles en bobines, et

  • des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »),

a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

Il demeure entendu que les marchandises en cause incluent des tôles d’acier qui contiennent de l’acier allié en plus grande quantité que ce qui est toléré selon les normes de l’industrie à condition que l’acier ne réponde pas aux exigences des normes de l’industrie en matière de nuance d’alliage de tôle d’acier.

Le 7 janvier 2021, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), conformément à l’alinéa 41(1)a) de la LMSI, a clos son enquête de dumping à l’égard des marchandises susmentionnées exportées au Canada de la Turquie par Ereğli Demir ve Çelik Fabrikalari T.A.Ş. Conformément à l’alinéa 41(1)b) de la LMSI, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping concernant les marchandises susmentionnées originaires ou exportées du Taipei chinois et de l’Allemagne.

À la suite de l’enquête du Tribunal, aux termes du paragraphe 42(4.1) de la LMSI, le Tribunal conclut que le volume des marchandises sous-évaluées originaires ou exportées de la Turquie est négligeable. Conséquemment, le Tribunal, par les présentes, clôt son enquête concernant le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la Turquie.

Aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises susmentionnées, originaires ou exportées du Taipei chinois et de l’Allemagne, a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

En outre, le Tribunal exclut, par les présentes, les marchandises décrites à l’annexe des présentes conclusions de dommage.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.


 

ANNEXE

PRODUITS EXCLUS DES CONCLUSIONS

1. Tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes :

  • ASME SA-285/SA-285M ou ASTM A-285/A-285M,

  • ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M,

  • ASME SA-515/SA-515M ou ASTM A-515/A-515M,

  • ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M (y compris, mais sans s’y limiter, SA/A516 nuance 70),

  • ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M, ou

  • ASME SA-841/SA-841M ou ASTM A-841/A-841M,

qui sont normalisées (traitées thermiquement) et dégazées sous vide (y compris en fusion), dont la teneur en soufre est inférieure à 0,003 p. 100 et la teneur en phosphore est inférieure ou égale à 0,017 p. 100, importées exclusivement pour utilisation dans la fabrication d’appareils à pression destinés au secteur pétrolier et gazier pour utilisation en milieu corrosif et dans des applications relatives à la fissuration par l’hydrogène.

2. Tôles d’acier au carbone laminées à chaud de nuance ASME SA‑516 nuance 70 ou ASTM A‑516 nuance 70 normalisées (traitées thermiquement), dont l’épaisseur est supérieure à 3,28 pouces.

3. Tôles d’acier au carbone laminées à chaud produites conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes :

  • ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M, normalisées,

  • ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M, normalisées, et

  • ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M, normalisées,

dans les dimensions suivantes :

  • Épaisseur de 2,5 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces, toutes longueurs,

  • Épaisseur égale ou supérieure à 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces, toutes longueurs,

  • Épaisseur supérieure à 3,28 pouces, toutes largeurs, toutes longueurs.

4. Tôles fortes importées par Irving Shipbuilding Inc. en vue de leur utilisation dans le cadre du projet de construction de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique.

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Date de l’audience :

le 15 janvier 2021

Membres du Tribunal :

Randolph W. Heggart, membre présidant
Susan D. Beaubien, membre
Serge Fréchette, membre

Personnel de soutien :

Kalyn Eadie, conseillère juridique principale
Heidi Lee, conseillère juridique
Gayatri Shankarraman, analyste principale
Rebecca Campbell, analyste
Mylène Lanthier, analyste
Grant MacDougall, analyste
Marie-Josée Monette, conseillère, Services des données

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux/parties qui appuient

Conseillers/représentants

Algoma Steel Inc.

Benjamin P. Bedard
Lydia Blois
Meagan Brae Vestby
Manon Carpentier
Linden Dales
Greg Landry
Shannel J. Rajan
M. Drew Tyler

SSAB Central Inc.

Alison FitzGerald
Erika Woolgar

United Steelworkers

Craig Logie
Masiel Matus
Jacob Millar
Christopher Somerville

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Acier Wirth Steel
China Steel Corporation
Ilsenburger Grobblech GmbH
Salzgitter Mannesmann Grobblech GmbH
Salzgitter Mannesmann International (Canada) Inc.

Peter Clark
Barry Desormeaux

Aktien-Gesellschaft Der Dillinger Hüttenwerke

Neil Campbell
Chris Scheitterlein

Alberta Pressure Vessel Manufacturers’ Association

Victoria Bazan

Ereğli Demir ve Çelik Fabrikaları T.A.Ş.

Fatih Çitak
Buğrahan Eldelekli
Arda Onkök

Irving Shipbuilding Inc.

Carmen Francis
Robert A. Glasgow
Martha L. Harrison
Oksana Migitko

Marmen Inc. and Marmen Énergie Inc.

Maxime Gagnier

Ministry of Trade of the Republic of Turkey

Gülay Tanriyapisi

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Le mandat du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans la présente enquête [1] est de déterminer si le dumping de certaines tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, originaires ou exportées du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de la République fédérale d’Allemagne (Allemagne) et de la République de Turquie (Turquie).(ensemble, les marchandises en cause) a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[2] Le Tribunal a déterminé, pour les motifs qui suivent, que le volume de marchandises sous‑évaluées originaires ou exportées de la Turquie est négligeable. Ainsi, le Tribunal a mis fin à son enquête à l’égard du dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la Turquie.

[3] Le Tribunal a déterminé, pour les motifs qui suivent, que le dumping des marchandises en cause provenant du Taipei chinois et de l’Allemagne a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

CONTEXTE

[4] La présente enquête découle d’une plainte déposée auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 6 avril 2020 par Algoma Steel Inc. (Algoma) et de la décision subséquente rendue par le président de l’ASFC le 27 mai 2020 d’ouvrir une enquête sur le dumping allégué des tôles fortes originaires ou exportées du Taipei chinois, de l’Allemagne, de la Corée du Sud, de la Malaisie et de la Turquie.

[5] Le 28 mai 2020, à la suite de la décision prise par l’ASFC d’ouvrir l’enquête, le Tribunal a amorcé une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI. Le 27 juillet 2020, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des tôles fortes en provenance du Taipei chinois, de l’Allemagne, de la Corée du Sud, de la Malaisie et de la Turquie avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale [2] .

[6] Le 9 octobre 2020, le président de l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping concernant les tôles fortes originaires ou exportées du Taipei chinois, de l’Allemagne et de la Turquie. Le même jour, le président de l’ASFC a mis fin à l’enquête de dumping visant les tôles fortes originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Malaisie au motif que les volumes des importations de marchandises sous-évaluées en provenance de ces deux pays étaient négligeables [3] . Le 13 octobre 2020, le Tribunal a par conséquent publié un avis d’ouverture d’enquête portant sur l’effet dommageable allégué du dumping des tôles fortes provenant du Taipei chinois, de l’Allemagne et de la Turquie [4] .

[7] L’enquête du Tribunal visait la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2020 et comportait deux périodes intermédiaires, soit du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019 (période intermédiaire de 2019) et du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020 (période intermédiaire de 2020).

[8] Dans le cadre de son enquête, le Tribunal a demandé à un certain nombre de producteurs nationaux, d’importateurs, d’acheteurs ainsi que de producteurs étrangers des marchandises en cause de répondre à des questionnaires [5] . Le Tribunal a reçu 4 réponses au questionnaire à l’intention des producteurs nationaux de la part d’entreprises affirmant fabriquer des « marchandises similaires » aux marchandises en cause, 20 réponses au questionnaire à l’intention des importateurs de la part d’entreprises affirmant importer des marchandises correspondant à la définition du produit et 18 réponses au questionnaire à l’intention des acheteurs de la part d’entreprises affirmant acheter soit les marchandises en cause, soit des marchandises correspondant à la définition du produit, soit les deux. Le Tribunal a également reçu 5 réponses au questionnaire à l’intention des producteurs étrangers de la part d’entreprises affirmant produire les marchandises en cause dans le Taipei chinois, en Allemagne ou en Turquie [6] .

[9] En se fondant sur les réponses aux questionnaires, le personnel du Secrétariat du Tribunal a préparé une version publique et une version protégée du rapport d’enquête, lesquelles ont été publiées le 30 novembre 2020 [7] . La version publique du rapport d’enquête a été distribuée, avec le reste du dossier public, aux parties qui avaient déposé des avis de participation à l’enquête. La version protégée du rapport d’enquête contenant des renseignements désignés comme confidentiels a été distribuée, avec le reste du dossier protégé, aux conseillers juridiques qui avaient signé l’acte de déclaration et d’engagement requis. Les rapports d’enquête ont été modifiés une première fois le 10 décembre 2020, puis une deuxième fois le 12 janvier 2021 à la suite de la décision définitive de l’ASFC [8] .

[10] Selon le calendrier de l’enquête joint à l’avis d’ouverture d’enquête, les demandes d’exclusion de produits devaient être déposées au plus tard le 7 décembre 2020. Le Tribunal a reçu 18 demandes d’exclusion de produits, soit 2 provenant de l’Alberta Pressure Vessels Manufacturers Association (APVMA), 1 provenant d’Irving Shipbuilding Inc. (ISI), 7 provenant d’Ilsenburger Grobblech GmbH (ILG) et 8 provenant de Salzgitter Mannesmann International (Canada) Inc. (SMIC).

[11] Le 7 décembre 2020, Algoma, l’APVMA, ILG, SMIC et Acier Wirth Steel (Wirth) ont déposé auprès du Tribunal diverses demandes d’information à l’intention d’Algoma, de SSAB Central Inc. (SSAB) et d’Ereğli Demir ve Çelik Fabrikaları T.A.Ş. (Erdemir). Le 9 décembre 2020, Algoma et SSAB se sont opposées à certaines des demandes d’information qui leur étaient adressées. Le 14 décembre 2020, le Tribunal a émis des directives pour préciser aux parties quelles demandes d’information exigeaient une réponse. Les réponses, reçues le 21 décembre 2020, ont été versées au dossier. Le 8 janvier 2021, le Tribunal a présenté ses propres demandes d’information visant les producteurs nationaux, les importateurs et les producteurs étrangers. Les réponses, reçues le 12 janvier 2021, ont été versées au dossier.

[12] Également le 7 décembre 2020, Algoma a déposé un mémoire, des déclarations de témoins et d’autres éléments de preuve appuyant des conclusions de dommage ou de menace de dommage. SSAB a déposé des éléments de preuve ainsi qu’une déclaration à l’appui des observations d’Algoma. Le Syndicat des Métallos a déposé deux déclarations de témoins appuyant des conclusions de dommage ou de menace de dommage.

[13] Le 14 décembre 2020, ILG, SMIC, Wirth, Erdemir ainsi que Marmen Inc. et Marmen Énergie Inc. (collectivement, Marmen) [9] ont déposé des mémoires, des déclarations de témoins et d’autres éléments de preuve à l’encontre de conclusions de dommage ou de menace de dommage.

[14] Le 23 décembre 2020, Algoma a déposé un mémoire en réponse, une déclaration de témoin en réponse et des éléments de preuve additionnels.

[15] ISI et l’APVMA ont présenté des observations sur la question des exclusions, mais pas sur la question du dommage ou de la menace de dommage. Bien que la China Steel Corporation, Aktien‑Gesellschaft der Dillinger Hüttenwerke (Dillinger) et le ministère du Commerce de la République de Turquie aient déposé des avis de participation, ils n’ont pas présenté d’éléments de preuve ou d’arguments, pris position ou participé autrement à l’enquête.

[16] Le 7 décembre 2020, le Tribunal a avisé les parties qu’en raison des mesures sanitaires liées à la COVID-19, l’audience en personne prévue au début de janvier 2021 était annulée. Le Tribunal a publié une ébauche de procédure de substitution pour l’audience et a invité les parties à donner leurs commentaires sur cette ébauche. Des commentaires ont été reçus le 11 décembre 2020.

[17] Le 18 décembre 2020, en tenant compte des observations présentées par les parties, le Tribunal a émis des directives concernant la procédure pour l’audience. Conformément à ces directives, les parties avaient la possibilité de proposer des questions écrites à l’intention d’autres parties. Les parties avaient aussi l’occasion de manifester leur opposition à l’égard de ces questions et de répliquer aux oppositions. Wirth et ILG ont proposé des questions à l’intention d’Algoma, et Algoma a proposé des questions à l’intention de Wirth, de SMIC et de l’APVMA. Algoma, l’APVMA, SMIC et Wirth se sont opposées à certaines des questions qui leur étaient adressées. Algoma, Wirth et ILG ont répliqué aux oppositions formulées à l’égard des questions qu’elles avaient proposées.

[18] À la lumière de ces observations, le Tribunal a transmis des questions écrites à Algoma, à SMIC, à Wirth et à l’APVMA le 8 janvier 2021. Le Tribunal a également fait parvenir ses propres questions à Algoma, à ISI et à Marmen. Le Tribunal a reçu des réponses écrites des parties le 12 janvier 2021.

[19] Le 4 janvier 2021, ILG a présenté une demande afin que des éléments de preuve additionnels soient versés au dossier du Tribunal, demande qui a été acceptée le 7 janvier 2021. Le 12 janvier 2021, Algoma et ILG ont présenté de nouvelles demandes ayant pour but d’ajouter des éléments de preuve additionnels au dossier du Tribunal [10] , lesquels ont été acceptés et versés au dossier le 13 janvier 2021.

[20] Le 15 janvier 2021, dans le cadre d’une vidéoconférence publique, le Tribunal a entendu les plaidoiries finales des parties sur la question du dommage, la question de la menace de dommage et la question des exclusions.

[21] Le Tribunal a rendu ses conclusions le 5 février 2021.

Questions préliminaires

[22] La procédure d’audience établie par le Tribunal dans le cadre de la présente enquête avait pour but de permettre aux parties de présenter tous leurs arguments, malgré les contraintes imposées par les mesures sanitaires liées à la COVID-19.

[23] La procédure visait tout particulièrement à offrir aux parties l’occasion d’évaluer le contenu des observations des autres parties en demandant des éclaircissements ou des explications à propos des éléments de preuve déposés. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les parties pouvaient s’opposer aux questions qui leur étaient adressées, et les parties à l’origine de ces questions avaient par la suite la possibilité de répliquer aux oppositions formulées.

[24] ILG a proposé plusieurs questions sur l’approvisionnement en brames provenant d’Algoma, questions auxquelles Algoma s’est opposée. Dans le cadre de sa réponse aux oppositions formulées par Algoma, ILG a présenté une déclaration de témoin supplémentaire de M. Oliver Laubner. Algoma s’est opposée au dépôt de la déclaration de témoin au motif que la procédure d’audience n’autorisait pas le dépôt d’éléments de preuve visant à justifier la pertinence des questions proposées. Selon Algoma, si ILG souhaitait verser un élément de preuve additionnel au dossier, elle devait expliquer pourquoi elle n’avait pas déposé celui-ci en même temps que son mémoire. En réponse à l’opposition d’Algoma, ILG a fait observer qu’elle aurait normalement examiné la question dans le cadre du contre-interrogatoire du témoin d’Algoma, Mme Laura Devoni, et de l’interrogatoire principal de M. Laubner, soutenant que la preuve avait été déposée de manière conforme à ce qui se serait produit si le Tribunal avait tenu une audience en personne.

[25] Le Tribunal n’a pas autorisé le dépôt de la déclaration de témoin supplémentaire et a fait savoir qu’il expliquerait les raisons de son refus dans le présent exposé des motifs.

[26] La procédure d’audience dans la présente enquête ne prévoyait pas le dépôt d’éléments de preuve supplémentaires dans le cadre du processus d’opposition et de réplique. Les parties étaient autorisées à déposer des éléments de preuve additionnels avec leurs réponses aux questions, après que le Tribunal eut déterminé à quelles questions il fallait répondre, mais le processus de questions et réponses en lui-même se limitait aux demandes d’éclaircissements ou d’explications relatives aux éléments de preuve déposés antérieurement par les autres parties.

[27] ILG aurait dû, selon la procédure prescrite, demander au Tribunal l’autorisation de déposer un élément de preuve additionnel en retard. ILG n’a pas procédé ainsi.

[28] La pratique habituelle du Tribunal dans le cadre d’enquêtes de dommage aux termes de l’article 42 de la LMSI consiste à adopter une approche libérale en ce qui a trait à l’admissibilité des éléments de preuve [11] . Cette approche découle, d’une part, du principe bien établi en common law selon lequel les tribunaux administratifs sont maîtres de leur propre procédure et qu’ils ne sont pas strictement liés aux règles de la preuve et, d’autre part, de la loi qui confère au Tribunal le mandat de tenir ses audiences « [...] de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances [12] ». Il n’en demeure pas moins que les directives du Tribunal concernant les procédures et les règles de justice naturelle doivent être respectées.

[29] Le Tribunal s’attend des parties qu’elles mettent tout en œuvre pour défendre leur cause et présenter les meilleurs éléments de preuve possible. Toutefois, aux termes de l’article 24.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (Règles), les parties peuvent déposer une requête visant à obtenir l’autorisation de déposer un élément de preuve additionnel en retard. La requête doit faire état de ce qui suit : (i) les motifs pour lesquels le document n’a pas été déposé à temps; (ii) la pertinence du document à l’endroit des questions qui font l’objet de l’enquête; (iii) les motifs pour lesquels le dépôt tardif devrait être autorisé [13] . Le Tribunal peut, dans des circonstances exceptionnelles et s’il l’estime juste et équitable dans les circonstances, autoriser le dépôt tardif [14] . Pour ce faire, le Tribunal doit tenir compte du principe selon lequel une partie ne devrait pas être autorisée à scinder sa preuve ou à déposer en retard des éléments de preuve non pertinents ou qui causeraient un préjudice à la capacité des autres parties à présenter leurs arguments.

[30] En l’espèce, ILG a déposé la déclaration de témoin supplémentaire pour justifier la pertinence des questions qu’elle avait proposées à propos des brames fournies par Algoma, soutenant que la déclaration expliquait les problèmes d’approvisionnement en brames et les retards dans le processus, de la commande jusqu’à l’utilisation.

[31] Le Tribunal a estimé que la preuve apportée par la déclaration supplémentaire de M. Laubner n’était pas pertinente dans le cadre du dossier dont il était saisi et ne permettrait pas de l’éclairer dans son enquête. En outre, aucune raison n’a été donnée au Tribunal pour expliquer pourquoi la preuve n’avait pas pu être déposée plus tôt dans la procédure, par exemple au moment où ILG a déposé son mémoire. La déclaration supplémentaire consistait principalement en des affirmations et des arguments additionnels au sujet de la fiabilité de l’approvisionnement en brames provenant d’Algoma et de la pertinence de cet élément dans l’enquête du Tribunal, une question qui a été soulevée dans les mémoires des parties qui s’opposent à des conclusions de dommage.

[32] Le Tribunal a également conclu qu’en raison du dépôt tardif de la preuve, le fait d’accepter que celle-ci soit versée au dossier causerait un préjudice à l’endroit d’Algoma, préjudice qui ne serait pas compensé par la valeur probante de l’élément de preuve.

[33] Par conséquent, le Tribunal n’a pas retenu la preuve additionnelle présentée sous la forme d’une déclaration supplémentaire de la part de M. Laubner.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DE L’ASFC

[34] Le 7 janvier 2021, aux termes de l’alinéa 41(1)(a) de la LMSI, l’ASFC a clos son enquête à l’égard des tôles fortes exportées de la Turquie par Erdemir puisque la marge de dumping définitive qu’elle avait calculée pour cette firme était zéro [15] .

[35] Le même jour, aux termes de l’alinéa 41(1)(b) de la LMSI, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping à l’égard de certaines tôles fortes originaires ou exportées du Taipei chinois et de l’Allemagne. L’ASFC a déterminé que 100 p. 100 des importations provenant du Taipei chinois et de l’Allemagne avaient fait l’objet de dumping [16] . La période visée par l’enquête de l’ASFC était du 1er mars 2019 au 29 février 2020 [17] . L’ASFC a fixé les marges de dumping suivantes : [18]

Pays d’origine ou d’exportation

Exportateur

Marge moyenne pondérée de dumping exprimée en pourcentage du prix à l’exportation

Taipei chinois

China Steel Corporation

7.0%

Tous les autres exportateurs

80.6%

Allemagne

Dillinger

6.3%

Tous les autres exportateurs

68.6%

 

PRODUIT

Définition du produit

[36] L’ASFC a défini les marchandises en cause comme suit :

Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur plus grande que 72 pouces (+/‑ 1 829 mm) à 152 pouces (+/‑ 3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,375 pouce (+/‑ 9,525 mm) jusqu’à 4,5 pouces (+/‑ 114,3 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l’exclusion :

  • · des tôles en bobines, et

  • · des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »),

Il demeure entendu que les marchandises en cause incluent des tôles d’acier qui contiennent de l’acier allié en plus grande quantité que ce qui est toléré selon les normes de l’industrie à condition que l’acier ne réponde pas aux exigences des normes de l’industrie en matière de nuance d’alliage de tôle d’acier [19] .

Renseignements sur le produit

[37] L’ASFC a fourni les renseignements supplémentaires suivants sur le produit :

Précisions

[29] Les tôles sont produites selon des nuances et des normes spécifiques. Ces nuances et normes sont destinées à des utilisations finales spécifiques. Les normes communes comprennent celles de l’American Society for Mechanical Engineers (ASME) et de l’American Society for Testing and Materials (ASTM). Par exemple, les normes ASTM/ASME A36, A283, A573 ou A709 peuvent être destinées aux tôles de construction, qui sont utilisées dans diverses applications de construction. Les tôles répondant aux normes A515 et A516M/A516, nuance 70, servent à la construction d’appareils sous pression, qui contiennent des gaz ou des liquides sous haute pression.

[30] Les tôles de qualité pour appareils sous pression peuvent être dégazées sous vide pour obtenir les caractéristiques souhaitées, en particulier une faible teneur en soufre, en carbone et en gaz (H2, N2, 02), une meilleure propreté et une meilleure récupération des ferro‑alliages. Ces caractéristiques peuvent être utilisées dans des applications de transport des fluides acides et des applications nécessitant une résistance à la fissuration par l’hydrogène (HIC) et à la fracture à basse température.

[31] Certaines de ces jauges et spécifications, ainsi que des longueurs et largeurs spécifiques, commandent un supplément de prix.

Fabrication

[32] Bien que les détails puissent varier d’une usine à l’autre, le procédé par lequel les tôles d’acier au carbone sont fabriquées est essentiellement le même pour tous les producteurs à l’échelle mondiale et comporte les étapes suivantes :

  • · chauffage des brames avant le laminage

  • · décalaminage

  • · laminage

  • · dressage

  • · coupe aux dimensions voulues

  • · inspection et tests

  • · expédition

[33] Chez Algoma, les brames sont placées dans des fours de réchauffage, acheminées progressivement et chauffées à environ 1 300 °C (2 370 °F) avant leur déchargement, puis décalaminées par des jets d’eau à haute pression. La première réduction de l’épaisseur de l’acier est effectuée dans le dégrossisseur, où la brame est réduite en épaisseur, selon l’épaisseur finale spécifiée de la tôle.

[34] Les tôles plus épaisses (c.‑à‑d. de ⅜ pouce et plus) sont acheminées directement dans le laminoir à tôles fortes de 166 pouces, où elles sont réduites à leur épaisseur finale, puis dressées et envoyées à l’aire de finition des tôles, où elles sont calibrées, refendues, coupées à la longueur spécifiée (par découpage ou oxycoupage), testées et expédiées.

[35] Dans le cas des tôles plus légères, le laminoir à tôles fortes de 166 pouces sert de dégrossisseur, et la brame allongée est acheminée au laminoir de bandes larges de 106 pouces, où elle est réduite à son épaisseur finale en six opérations, puis embobinée. Les bobines sont acheminées à la chaîne de finition no 1, où elles sont déroulées, dressées, coupées à la longueur spécifiée, testées, regroupées et expédiées.

[36] Séparément, certains centres de service exploitent des chaînes de coupe à longueur qui coupent les tôles à partir de bobines.

Utilisation

[37] Les marchandises en cause et les marchandises similaires sont utilisées dans de nombreuses applications et plus communément pour la fabrication de voitures de chemin de fer, de réservoirs de stockage de pétrole et de gaz, de machinerie lourde, d’équipement agricole, de ponts, de bâtiments industriels, de tours de bureaux, de navires et de barges, ainsi que de réservoirs sous pression. [20]

[Notes omises]

CADRE LÉGISLATIF

[38] Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’enquêter afin de déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, le terme « dommage » étant défini au paragraphe 2(1) comme un « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». À cet égard, l’expression « branche de production nationale » est aussi définie au paragraphe 2(1) par référence à la production nationale de « marchandises similaires ».

[39] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.

[40] Étant donné que les marchandises en cause sont originaires ou exportées de plus d’un pays, le Tribunal doit aussi déterminer si les conditions préalables à une évaluation des effets cumulatifs sur la branche de production nationale du dumping des marchandises en cause provenant de tous les pays visés sont satisfaites (c’est-à-dire s’il procédera à une seule analyse de dommage ou à une analyse distincte pour chacun des pays visés).

[41] Le Tribunal peut ensuite évaluer si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage sensible à la branche de production nationale [21] . Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage sensible, il déterminera s’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale [22] . Comme la branche de production nationale est déjà établie, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question du retard [23] .

[42] Dans le cadre de son analyse, le Tribunal examinera aussi d’autres facteurs qui ont pu avoir des répercussions sur la branche de production nationale, de manière à s’assurer qu’un dommage ou une menace de dommage causé par de tels facteurs ne soit pas attribué aux effets du dumping.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISE

[43] Pour déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé ou menace de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays, s’il en existe, constituent des marchandises similaires aux marchandises en question. Le Tribunal doit aussi déterminer si les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent plus d’une catégorie de marchandises [24] .

[44] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[45] Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en question, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients) [25] .

[46] Lorsqu’il examine la question des catégories de marchandise, le Tribunal détermine habituellement si les marchandises potentiellement comprises dans des catégories distinctes de marchandise constituent des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandise [26] .

[47] Dans son enquête préliminaire de dommage, le Tribunal a déterminé que les tôles fortes de production nationale et les marchandises en cause étaient des marchandises similaires et qu’il existait une seule catégorie de marchandises [27] . Algoma soutient que les éléments de preuve continuent d’appuyer la conclusion selon laquelle les tôles fortes de production nationale et les marchandises en cause sont des marchandises similaires, car il s’agit de « produits de base interchangeables, utilisés pour les mêmes applications et vendus au moyen des mêmes réseaux de distribution » [28] .

[48] Algoma soutient par ailleurs qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises, bien qu’elle reconnaisse que la définition du produit englobe des tôles de différentes spécifications, y compris les tôles de construction et les tôles pour appareils sous pression, et que d’autres facteurs de différenciation existent, comme la limite d’élasticité requise, les caractéristiques chimiques, les essais et les dimensions. Algoma fait valoir que, malgré les différences, les tôles fortes constituent des produits de base, et que si les exigences sur le plan des caractéristiques physiques et des essais sont satisfaites, le prix est le facteur déterminant dans la conclusion d’une vente.

[49] Les parties qui s’opposent à des conclusions de dommage allèguent que la définition de produit présentée par Algoma est trop large, au point d’englober des produits qu’Algoma ne fabrique pas. Plutôt que de traiter la question sous l’angle des marchandises similaires, les parties qui s’opposent ont déposé des demandes d’exclusion visant ces produits.

[50] Par ailleurs, ILG, qui a explicitement affirmé qu’elle ne souhaitait pas invoquer le fait que certains types de tôles fortes qu’elle produit constituent une catégorie distincte de marchandises, s’est également opposée à l’utilisation du terme « produit de base » pour désigner les tôles fortes. De l’avis d’ILG, les tôles ne sont pas un produit de base, car ce ne sont pas toutes les formes de tôles qui peuvent être substituées les unes aux autres. Dans sa déclaration de témoin, M. Laubner affirme dans son énoncé de témoin que les différentes nuances possèdent des caractéristiques et des propriétés variables et qu’elles doivent être certifiées aux fins de leur utilisation finale [29] . Algoma a répliqué qu’elle n’a pas affirmé que tous les types de tôles fortes sont parfaitement interchangeables pour l’ensemble des nuances et des spécifications qu’englobe la définition du produit.

[51] Le Tribunal emploie le terme « produit de base » pour désigner le fait que la tôle est un produit acheté en fonction du prix, et il a reconnu à maintes reprises que ce ne sont pas tous les types de tôles qui peuvent être parfaitement substitués les uns aux autres eu égard aux nuances, aux dimensions et à d’autres spécifications. À titre d’exemple, dans son analyse visant à déterminer si les tôles de construction et les tôles pour appareils à pression devaient être considérées comme deux catégories distinctes de marchandises dans Tôles VII Enquête [30] , le Tribunal souligne qu’il est possible que les différents types de tôles ne soient pas « [...] parfaitement substituables pour l’ensemble des utilisations finales potentielles [...] », mais que ces différents types de tôles « [...] sont des variantes de tôles sur une échelle continue de produits qui constituent une seule catégorie de marchandise » [31] .

[52] Rien ne laisse croire que la situation est différente dans le cas des tôles fortes. La branche de production nationale fabrique essentiellement la même gamme de produits que les marchandises en cause [32] . Bien que les répondants au questionnaire aient indiqué que les producteurs allemands, en particulier, fabriquent des tôles offrant une plus grande variété de dimensions et de spécifications que celles produites par la branche de production nationale [33] , la majorité des acheteurs a mentionné que les marchandises en cause et les marchandises de production nationale sont « généralement » interchangeables [34] . Les répondants ont indiqué qu’il était important que les marchandises respectent leurs spécifications techniques, mais que si ces exigences sont satisfaites, les marchandises sont interchangeables [35] .

[53] Par ailleurs, les marchandises de production nationale et les marchandises en cause répondent, de manière générale, aux mêmes besoins des clients, sont en concurrence directe et dépendent des mêmes circuits de distribution [36] .

[54] Les producteurs nationaux et les producteurs des marchandises en cause majorent de façon similaire les prix pour les diverses nuances, dimensions et spécifications, ou ajoutent des frais comparables pour des « suppléments », et les prix des produits (si on écarte le dumping) sont similaires lorsqu’on tient compte de ces facteurs [37] .

[55] En outre, selon les éléments de preuve dont le Tribunal dispose dans la présente enquête, les tôles fortes représentent un produit sensible au prix. La majorité des répondants au questionnaire a indiqué acheter « généralement » le produit au prix le plus bas [38] . Bien qu’en l’espèce, les acheteurs aient mentionné la qualité du produit, les délais et modalités de livraison et la fiabilité de l’approvisionnement comme raisons de ne pas se procurer le produit au prix le plus bas, une majorité de répondants a aussi précisé qu’une réduction de prix allant jusqu’à 15 p. 100 ferait en sorte que le prix deviendrait le facteur principal des décisions d’achat [39] . De plus, les répondants ont dit qu’une diminution du prix de vente de l’ordre de 5 à 20 p. 100 les inciterait à effectuer au moins 10 p. 100 plus d’achats de tôles fortes provenant des pays visés [40] . Selon la déclaration de M. Brandow, le prix serait, de manière générale, le facteur le plus important pour les clients dans leurs décisions d’achat [41] .

[56] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la branche de production nationale produit des marchandises similaires aux marchandises en cause et qu’il existe une seule catégorie de marchandises.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[57] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » comme suit :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[58] Le Tribunal doit donc déterminer s’il y a eu dommage ou s’il y a menace de dommage pour l’ensemble des producteurs nationaux ou pour les producteurs nationaux dont la production constitue une proportion majeure de la production collective de marchandises similaires [42] .

[59] Le dossier du Tribunal contient des données relatives à quatre producteurs nationaux, à savoir Algoma, Janco, SSAB et Samuel Son & Co [43] .

[60] Algoma est la seule aciérie au Canada qui produit des tôles fortes. Les autres producteurs énumérés sont des centres de services qui achètent des bobines d’acier de différentes épaisseurs de tôles et les coupent en longueurs rectilignes pour en faire des tôles fortes. Le Tribunal a affirmé à maintes reprises que les centres de service sont des producteurs de tôles et qu’ils doivent être inclus dans la branche de production nationale [44] .

[61] Algoma, SSAB, Janco et Samuel représentent la vaste majorité de la production nationale de marchandises similaires [45] . Par conséquent, le Tribunal conclut que ces quatre producteurs constituent la branche de production nationale aux fins de la présente enquête.

CUMUL

[62] Aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal doit évaluer les effets cumulatifs du dumping des marchandises en cause s’il est convaincu que la marge de dumping ayant trait aux marchandises provenant de chacun des pays visés n’est pas minimale, que les volumes des marchandises sous-évaluées provenant de chacun des pays visés ne sont pas négligeables, que le cumul est indiqué compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun des pays ou entre ces marchandises et les marchandises similaires.

Caractère négligeable et caractère minimal

[63] Les volumes de marchandises sous-évaluées provenant du Taipei chinois et de l’Allemagne ne sont pas négligeables, et les marges de dumping ne sont pas minimales [46] . Toutefois, la question du caractère négligeable des volumes d’importation se pose dans la présente enquête à l’égard des marchandises sous-évaluées provenant de la Turquie.

[64] Aux termes du paragraphe 42(4.1), « [l]orsqu’il conclut que le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées provenant d’un pays est négligeable, le Tribunal clôt l’enquête sur ces marchandises ». On considère généralement que le volume de marchandises sous-évaluées est négligeable s’il est inférieur à 3 p. 100 de la totalité des marchandises importées au Canada qui correspondent à la description du produit [47] .

[65] Bien que l’ASFC ait mis fin à son enquête sur le dumping concernant les tôles fortes exportées de la Turquie par Erdemir, le Tribunal estime qu’il lui incombe néanmoins de clore son enquête pour l’ensemble du pays si le volume des importations de la Turquie est négligeable.

[66] Pour déterminer si le volume des importations sous-évaluées provenant d’un pays est négligeable, le Tribunal examine habituellement les activités d’importation au cours de la période visée par l’enquête de l’ASFC [48] . Pendant cette période, 100 p. 100 des importations de marchandises en cause de la Turquie provenaient d’Erdemir, et l’ASFC a par conséquent déterminé que le volume des marchandises sous-évaluées originaires de la Turquie, en pourcentage du volume total des importations de marchandises correspondant à la définition du produit, était de 0 p. 100 [49] .

[67] Le Tribunal conclut donc que le volume des marchandises en cause sous‑évaluées, originaires ou exportées de la Turquie, est négligeable au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Par conséquent, le Tribunal clôt son enquête concernant le dumping des marchandises en cause originaires ou exportées de la Turquie en vertu du paragraphe 42(4.1) de la LMSI.

Conditions de concurrence

[68] Le Tribunal doit maintenant évaluer s’il est opportun d’effectuer une analyse des effets cumulatifs du dumping des marchandises en provenance du Taipei chinois et de l’Allemagne en tenant compte des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun de ces pays ou entre ces marchandises et les marchandises similaires.

[69] Les facteurs dont tient généralement compte le Tribunal dans l’évaluation des conditions de concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires comprennent l’interchangeabilité, la qualité, le prix, les circuits de distribution, les modes de transport, le moment de l’arrivée des importations et la répartition géographique. Le Tribunal peut également tenir compte d’autres facteurs pour décider si les exportations d’un pays donné devraient entrer dans le cumul, et aucun facteur ne peut, à lui seul, être déterminant [50] .

[70] Algoma est d’avis qu’il serait indiqué d’effectuer une analyse des effets cumulatifs du dumping des marchandises en provenance du Taipei chinois et de l’Allemagne. Algoma soutient que les marchandises en cause et les marchandises similaires sont des produits interchangeables, compte tenu du fait que toutes les tôles fortes sont fabriquées suivant des spécifications communes et qu’elles ont la même apparence. Algoma ajoute que les marchandises en cause et les marchandises produites au pays sont vendues par l’intermédiaire de circuits de distribution similaires, se livrent une concurrence ayant pour objet les mêmes comptes-clients et sont de qualité égale lorsqu’elles sont produites selon les mêmes spécifications. En outre, Algoma soutient que les importations provenant des pays visés sont acheminées au moyen des mêmes modes de transport et qu’il n’existe aucune différence substantielle en ce qui concerne le moment de l’arrivée des importations en provenance des pays visés.

[71] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, lorsqu’elles sont fabriquées conformément aux mêmes spécifications techniques, les tôles fortes sont fongibles sur le marché et le prix est le principal facteur qui guide les décisions d’achat.

[72] Les répondants au questionnaire estiment que la qualité du produit est grandement comparable entre les marchandises similaires et les marchandises en cause, et entre les marchandises en cause provenant du Taipei chinois et les marchandises en cause originaires de l’Allemagne [51] .

[73] Par ailleurs, les tôles fortes provenant des pays visés sont expédiées au Canada par le même moyen de transport (transport maritime), et les marchandises en cause et les marchandises similaires font appel à des circuits de distribution semblables [52] . Les marchandises en cause et les marchandises similaires sont vendues à des distributeurs et à des utilisateurs finaux [53] et se livrent une concurrence pour les mêmes comptes-clients [54] . Bien que la branche de production nationale jouisse d’un avantage sur le plan des délais de livraison, les marchandises en cause et les marchandises similaires sont présentes et se livrent concurrence sur le marché au même moment [55] .

[74] Compte tenu des facteurs analysés ci-dessus, le Tribunal est convaincu qu’il est indiqué d’évaluer les effets cumulatifs du dumping des tôles fortes en provenance du Taipei chinois et de l’Allemagne.

ANALYSE DU DOMMAGE

[75] Le paragraphe 37.1(1) du Règlement [56] prévoit que, pour déterminer si le dumping a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit tenir compte du volume des marchandises sous-évaluées, de leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché national et de leur incidence sur la situation de la branche de production nationale. Le paragraphe 37.1(3) exige également que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1), et si des facteurs autres que le dumping des marchandises ont causé un dommage.

Contexte de l’analyse de dommage

[76] Avant d’examiner chacun des facteurs de dommage, le Tribunal énoncera brièvement certains des éléments qui ont eu une incidence sur le marché des tôles fortes durant la période visée par l’enquête, car ces éléments sont pertinents au regard de l’analyse présentée ci-dessous.

[77] En mars 2018, les États-Unis ont imposé des droits de 25 p. 100 sur les importations de certains produits de l’acier provenant de la plupart des pays, dont les tôles d’acier laminées à chaud, conformément à l’article 232 de la Trade Expansion Act of 1962 (les droits imposés au titre de l’article 232) [57] .

[78] Le Canada n’était initialement pas assujetti aux droits imposés au titre de l’article 232, mais les États-Unis ont étendu leur application pour inclure le Canada le 31 mai 2018. Le 1er juillet 2018, le Canada a répondu en imposant des droits de rétorsion, soit une surtaxe de 25 p. 100 sur les importations de certains produits provenant des États-Unis, y compris les tôles d’acier [58] . Le 17 mai 2019, les États-Unis et le Canada sont parvenus à un accord suivant lequel les États‑Unis convenaient d’éliminer tous les droits imposés au titre de l’article 232 sur les importations de produits de l’acier provenant du Canada, et le Canada convenait d’éliminer tous les droits de rétorsion afférents [59] .

[79] De plus, en octobre 2018, le Canada a appliqué des mesures de sauvegarde provisoires sur sept catégories de produits de l’acier, dont les tôles fortes, qui visent un sous-ensemble des tôles correspondant à la définition du produit dans la présente enquête. Le Tribunal a établi que les tôles fortes étaient importées en quantité tellement accrue et dans des conditions telles que leur importation constituait une cause principale de menace de dommage grave porté à la branche de production nationale. Le Tribunal a recommandé l’imposition d’un contingent tarifaire sur toutes les importations de tôles fortes, à l’exception de celles provenant des États-Unis, du Mexique, d’autres pays avec lesquels le Canada a conclu des accords commerciaux et des pays ayant droit au Tarif de préférence général [60] . Les mesures de sauvegarde définitives recommandées par le Tribunal ont été mises en application le 9 mai 2019 [61] .

[80] Enfin, la pandémie de COVID-19 a commencé à toucher le marché national et les marchés internationaux vers la fin de la période visée par l’enquête du Tribunal, en particulier durant la période intermédiaire de 2020 [62] .

Volume des importations des marchandises sous-évaluées

[81] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal doit prendre en compte le volume des marchandises sous-évaluées et, plus particulièrement, doit déterminer s’il y a eu une augmentation marquée du volume soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires.

[82] Algoma soutient que le volume des importations de marchandises sous-évaluées a augmenté de façon considérable en 2018 comparativement à 2017 et à nouveau en 2019 comparativement à 2018, tant en valeur absolue que par rapport à la production nationale et aux ventes de la production nationale. Algoma affirme que l’imposition par les États-Unis, en 2017, de droits antidumping sur les tôles provenant des pays visés a fait en sorte que les marchandises en cause ont dû être redirigées du marché des États-Unis vers celui du Canada, à très faible prix. Algoma ajoute que les importations de marchandises en cause ont augmenté en 2019, mais que les importations provenant de certains pays étrangers ont toutefois diminué.

[83] En quantité absolue, le volume des importations de marchandises en cause a augmenté de 54 p. 100 en 2018 par rapport à 2017 et de 42 p. 100 en 2019 par rapport à 2018. Les volumes des importations de marchandises en cause ont baissé de 46 p. 100 durant la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019 [63] . Si l’on examine isolément les tendances observées à la fin de la période visée par l’enquête, les volumes des importations de marchandises en cause ont diminué de 9 p. 100 au cours de la deuxième moitié de 2019 par rapport à la première moitié de 2019, et ont baissé de 40 p. 100 au cours de la première moitié de 2020 par rapport à la deuxième moitié de 2019 [64] .

[84] Les volumes des importations de marchandises non visées ont diminué de 16 p. 100 en 2018 et de 29 p. 100 en 2019 et ont augmenté de 3 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019. Les importations provenant des États-Unis ont diminué de 36 p. 100 en 2018 et de 26 p. 100 en 2019 et ont augmenté de 99 p. 100 durant la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019. Par contre, les importations provenant de la Turquie ont augmenté de 22 p. 100 en 2018 par rapport à 2019 avant de diminuer de 67 p. 100 en 2019 et de 100 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019 [65] .

[85] Les volumes des importations de marchandises en cause exprimés en pourcentage des ventes de la production nationale ont augmenté en 2018 et en 2019, enregistrant une hausse totale de 22 points de pourcentage entre 2017 et 2019. Ce ratio a diminué de 17 points de pourcentage pendant la période intermédiaire de 2020 comparativement à la période intermédiaire de 2019, mais est demeuré plus élevé qu’il ne l’a été en 2017. Les mêmes tendances ont été observées en ce qui a trait au ratio des importations de marchandises en cause par rapport à la production nationale [66] . L’ensemble du marché canadien a diminué de 6 p. 100 en 2018 et de 12 p. 100 en 2019. Il a également diminué de 13 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019 [67] .

[86] La part des importations des marchandises en cause a considérablement augmenté entre 2017 et 2019, mais a baissé durant la période intermédiaire de 2020 comparativement à la période intermédiaire de 2019 [68] . À l’instar de l’ensemble du marché, le volume des importations totales a diminué en quantité absolue au cours de la période visée par l’enquête, enregistrant une baisse de 16 p. 100 en 2018, de 20 p. 100 en 2019 et de 7 p. 100 entre la période intermédiaire de 2019 et la période intermédiaire de 2020 [69] .

[87] Comme il sera expliqué ci-dessous, les prix nationaux ont commencé à chuter rapidement au milieu de 2019. M. Brandow affirme que la chute des prix rend les importations d’outre-mer moins attrayantes, car elles risquent de devoir être vendues à perte en raison des longs délais de livraison. En effet, il se peut que le prix du marché ait considérablement baissé entre le moment où ces importations ont été achetées et celui où elles sont livrées. Comme le mentionne M. Brandow, les volumes des importations de marchandises en cause ont donc commencé à baisser lorsque les prix ont commencé à chuter au milieu de 2019 [70] . Algoma fait observer que cette dynamique a été reconnue par les importateurs par le passé et que le Tribunal l’a acceptée dans des affaires antérieures [71] .

[88] Selon Mme Devoni, la durée et l’ampleur de la légère hausse des prix observée à la fin de 2019 et au cours des premiers mois de 2020 n’étaient pas suffisantes pour entraîner une forte augmentation des importations d’outre-mer. De plus, la pandémie de COVID-19, qui a eu des répercussions négatives importantes sur le commerce mondial et sur les activités d’importation en général, a frappé avant que la voie maritime de l’Est n’ouvre à la navigation, ce qui a également contribué à la diminution générale des importations au cours de la période intermédiaire de 2020 [72] . En effet, les éléments de preuve montrent que les importations provenant de tous les pays étrangers, non seulement des pays visés, ont diminué durant la période intermédiaire de 2020 comparativement à la période intermédiaire de 2019.

[89] Compte tenu de ces renseignements, le Tribunal conclut qu’il y a eu une augmentation marquée du volume des importations de marchandises en cause en 2018 et en 2019, tant en quantité absolue qu’en quantité relative. Le Tribunal accueille les éléments de preuve selon lesquels les volumes des importations ont baissé au cours de la deuxième moitié de 2019 en raison de la chute rapide des prix nationaux, ainsi que les éléments de preuve selon lesquels la pandémie a empêché les importations d’outre-mer de revenir sur le marché au cours de la période intermédiaire de 2020.

Effets des marchandises sous-évaluées sur les prix

[90] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si les marchandises sous-évaluées ont mené, de façon marquée, soit à la sous-cotation ou à la baisse du prix des marchandises similaires, soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui, par ailleurs, se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous-évaluées sur les prix et les effets sur les prix qui découlent d’autres facteurs.

Sous-cotation des prix

[91] Algoma soutient que les marchandises en cause ont entraîné une sous-cotation des prix nationaux en 2018 et au cours de la première moitié de 2019, afin d’obtenir l’augmentation des volumes décrite précédemment.

[92] Les données sur les prix de vente moyens indiquent que les marchandises en cause ont mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires en 2018, en 2019 et pendant la période intermédiaire de 2019 [73] . Les données sur les prix de vente moyens ne montrent toutefois pas de sous‑cotation durant la période intermédiaire de 2020, au cours de laquelle il y a eu une baisse des volumes de marchandises en cause (comparativement à la période intermédiaire de 2019).

[93] Algoma fait valoir qu’il convient d’utiliser les prix des importations – et non les prix du marché – pour effectuer une comparaison avec les prix de vente nationaux, car les forts volumes d’importations qui entrent au Canada se comparent davantage aux volumes de ventes d’Algoma, tandis que les prix de revente englobent les petits volumes de ventes effectuées ainsi que des tôles qui ont subi des transformations secondaires mineures. Le Tribunal fait observer que, lorsqu’on compare les prix de vente moyens des producteurs nationaux avec les prix à l’importation des marchandises en cause, le degré de sous-cotation (c-à-d. la différence de prix) augmente davantage en 2018, en 2019 et pendant la période intermédiaire de 2019 [74] .

[94] Pour ce qui est des ventes aux distributeurs, on observe une importante sous-cotation des prix en 2018, en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2019 lorsqu’on compare les prix de vente des producteurs nationaux aux prix de vente des marchandises en cause [75] . En ce qui concerne les ventes aux utilisateurs finaux, on observe une sous-cotation des prix en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2019 lorsqu’on compare le prix de vente des producteurs nationaux au prix de vente des marchandises en cause [76] .

[95] Le Tribunal a également recueilli des données sur les prix de quatre produits de référence. Les données sur les produits de référence pour chaque trimestre comparant les prix de vente nationaux et les prix de vente des marchandises en cause pour les produits de référence 1 à 3, qui offrent la comparaison la plus juste, révèlent qu’il y a eu 37 cas de concurrence entre les marchandises similaires et les marchandises en cause ainsi que 16 cas de sous-cotation des prix [77] . L’ampleur de la sous-cotation a diminué et, dans certains cas, la sous-cotation a été éliminée vers la fin de 2019; cependant, dans les cas où il y a eu une sous-cotation des prix, celle-ci était importante [78] .

[96] Le Tribunal a recueilli des données sur les ventes de marchandises similaires et de marchandises en cause à des clients communs, qui démontrent l’existence d’une concurrence directe entre les mêmes clients. Les données montrent qu’il y a eu 15 cas de concurrence entre les marchandises similaires et les marchandises en cause à l’égard de quatre clients. Cette concurrence a entraîné huit cas de sous-cotation des prix [79] . Les cas de sous-cotation des prix ont principalement eu lieu entre le troisième trimestre de 2018 et le troisième trimestre de 2019, et le degré de sous-cotation observé était important. À l’instar des produits de référence, les prix des ventes aux clients communs effectuées par les producteurs nationaux étaient inférieurs à ceux des marchandises en cause vers la fin de 2019.

[97] Enfin, Algoma a présenté des rapports sur les activités d’importation qui font état d’une concurrence directe de même nature, c’est-à-dire où tous les autres facteurs sont comparables, sauf le prix. Parmi les six exemples qui concernent les marchandises en cause, cinq sont des exemples d’importations arrivées en 2019 et deux sont des exemples d’importations arrivées au cours de la deuxième moitié de 2019. Encore une fois, l’ampleur de la sous-cotation observée dans ces rapports sur les activités d’importation est importante.

[98] Les parties qui s’opposent soutiennent que les importations de marchandises provenant des États-Unis ont dominé le marché canadien et ont causé le dommage subi par la branche de production nationale. Elles affirment que les prix des marchandises provenant des États-Unis ont entraîné la sous-cotation des prix des producteurs nationaux au cours de la deuxième moitié de 2018, à la fin de 2019 et en 2020.

[99] Les prix de vente des importations provenant des États-Unis étaient inférieurs aux prix des ventes faites à partir de la production nationale en 2018, en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2019 et étaient inférieurs aux prix des marchandises en cause en 2017, en 2018 et au cours de la période intermédiaire de 2020 [80] . Les prix de vente des importations provenant des États‑Unis étaient également inférieurs aux prix de vente des producteurs nationaux au niveau commercial des utilisateurs finaux en 2018, en 2019 et pendant la période intermédiaire de 2019, et au niveau commercial des distributeurs en 2018 et pendant la période intermédiaire de 2019. Les prix de vente des marchandises provenant des États‑Unis vendues aux distributeurs par les importateurs étaient quant à eux supérieurs aux prix à l’importation des marchandises en cause chaque année durant la période visée par l’enquête, sauf en 2017. Par contre, les prix de vente des marchandises provenant des États-Unis vendues aux utilisateurs finaux par les importateurs étaient en général inférieurs aux prix de vente des marchandises en cause chaque année au cours de la période visée, sauf en 2019 [81] .

[100] La branche de production nationale réplique que, par le passé, les prix des importations provenant des États-Unis étaient généralement similaires à ceux des marchandises nationales et n’ont habituellement pas entraîné une sous-cotation des prix de vente nationaux. La branche de production nationale fait remarquer que le Tribunal a reconnu dans un récent réexamen relatif à l’expiration visant des tôles qu’il y a eu un écart entre les prix américains et les prix canadiens pendant la période d’application des droits imposés au titre de l’article 232 et des mesures de rétorsion adoptées par le Canada, mais que cet écart était une situation temporaire et qu’on s’attendait à ce que les prix des marchandises provenant de pays étrangers soient les plus bas sur le marché à l’avenir [82] .

[101] Comme il a été mentionné précédemment, les données indiquent que les prix de vente des importations provenant des États-Unis étaient inférieurs aux prix de vente nationaux pendant une partie de la période visée par l’enquête. Peu importe que cette situation temporaire ait été ou non causée par l’application des droits au titre de l’article 232, l’incidence que ces importations pourraient avoir eue sur la branche de production nationale ne devrait pas être attribuable à la présence des importations de marchandises en cause sur le marché. Cependant, les prix de vente des importations provenant des États-Unis étaient supérieurs au prix de vente des marchandises en cause en 2019, année au cours de laquelle la sous-cotation des prix par les marchandises en cause était la plus marquée.

[102] Le Tribunal fait également remarquer que les prix de vente des marchandises importées provenant de la Turquie étaient inférieurs aux prix de vente nationaux en 2017, en 2018, en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2019, mais étaient supérieurs pendant la période intermédiaire de 2020. La même tendance peut être observée en ce qui a trait aux ventes effectuées aux distributeurs [83] .

[103] Le Tribunal souligne que l’ampleur de la sous-cotation observée dans les données sur les produits de référence et les ventes aux clients communs, qui démontrent l’existence d’une concurrence directe de même nature, était importante, et que cette sous-cotation s’est produite alors que les volumes des importations et des ventes et la part de marché des marchandises en cause augmentaient. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont entraîné une importante sous-cotation des prix en 2018, en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2019.

[104] Le Tribunal reconnaît également que des marchandises non visées originaires des États‑Unis et de la Turquie étaient importées à bas prix sur le marché durant la période visée par l’enquête et que l’effet que ces marchandises ont eu sur les prix nationaux ne devrait pas être attribuable aux marchandises en cause. Toutefois, le Tribunal est d’avis que la pression exercée sur les prix avec laquelle la branche de production nationale a dû composer était attribuable à la présence des marchandises en cause sur le marché canadien.

Baisse des prix

[105] Selon Algoma, le prix du marché a commencé à chuter rapidement en avril 2019, après la publication du rapport définitif du Tribunal sur les mesures de sauvegarde [84] . Algoma est d’avis que cette baisse des prix, en particulier au cours des deuxième, troisième et quatrième trimestres de 2019, est attribuable en partie à la concurrence avec les importations de marchandises en cause. Algoma soutient que cet argument s’appuie sur les données relatives aux produits de référence pour chaque trimestre, qui montrent qu’il y a eu une sous-cotation des prix du produit de référence 1 au cours des deuxième et troisième trimestres de 2019 et du produit de référence 2 au cours du deuxième trimestre de 2019.

[106] Les prix de vente moyens des marchandises similaires ont augmenté de 28 p. 100 de 2017 à 2018, puis sont demeurés stables en 2019 avant de diminuer de 35 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 comparativement à la période intermédiaire de 2019. Si l’on examine isolément les tendances observées à la fin de la période visée par l’enquête, les prix de vente moyens des marchandises similaires ont baissé de 29 p. 100 au cours de la deuxième moitié de 2019 par rapport à la première moitié de 2019.

[107] En comparaison, la hausse et la baisse des prix de vente moyens des marchandises en cause étaient moins importantes. En effet, ces prix ont augmenté de 9 p. 100 en 2018 et de 2 p. 100 en 2019 avant de diminuer de 14 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019. La même tendance a été observée pour ce qui est des prix à l’importation des marchandises en cause. Si l’on examine séparément les tendances observées à la fin de la période visée par l’enquête, les prix de vente moyens des marchandises en cause ont diminué de 12 p. 100 au cours de la deuxième moitié de 2019 comparativement à la période intermédiaire de 2019 [85] .

[108] Des tendances semblables se dégagent de la comparaison des prix des marchandises similaires et des prix des marchandises en cause au niveau commercial des distributeurs et des utilisateurs finaux durant la période visée par l’enquête [86] .

[109] Les conclusions tirées par le Tribunal en ce qui a trait aux volumes des importations et à la sous-cotation des prix qui ont été décrites précédemment sont importantes dans ce contexte. Les prix nationaux ont commencé à baisser considérablement au cours de la deuxième moitié de 2019 et de la période intermédiaire de 2020 suivant une période de sous-cotation importante des prix et une longue période d’augmentation des volumes de marchandises en cause.

[110] De plus, le fait que les producteurs nationaux ont conservé, et même augmenté, leur part de marché durant cette période donne à penser qu’ils ont baissé leurs prix en réponse à cette sous‑cotation dans le but de maintenir leurs volumes de ventes, ce qui a entraîné une baisse des prix.

[111] Les parties qui s’opposent font valoir que la hausse des prix observée en 2018 a été causée par les effets des droits imposés au titre de l’article 232 et des mesures de rétorsion, et que cette hausse était donc artificielle et n’était pas attribuable à la demande sous-jacente. Elles soutiennent en outre que c’est le manque de demande et non pas les marchandises en cause qui a entraîné la baisse des prix enregistrée au cours de la deuxième moitié de 2019, après l’élimination, en mai 2019, des droits imposés au titre de l’article 232 et des droits de rétorsion imposés par le Canada.

[112] Les parties qui s’opposent affirment également que les prix ont chuté au cours de la deuxième moitié de 2019 parce que les importations provenant des États-Unis ont réintégré le marché après l’élimination des droits de rétorsion imposés par le Canada. M. Fernando Ferreira de Wirth mentionne que lorsque les droits de rétorsion ont été éliminés en mai 2019, les prix des tôles importées par voie ferroviaire ou par camion (c.-à-d. les importations provenant des États-Unis) ont chuté du jour au lendemain [87] . Selon les parties qui s’opposent, entre mai et novembre 2019, les tôles fortes produites au pays étaient en concurrence avec les importations à bas prix provenant des États‑Unis, et non avec les marchandises en cause.

[113] Monsieur Brandow reconnaît que la hausse des prix observée en 2018 a été causée en partie par les mesures de rétorsion commerciales imposées et n’était pas attribuable à la demande [88] . Il reconnaît en outre que la demande était faible à partir de la deuxième moitié de 2019 en raison de l’incertitude commerciale, des signes de ralentissement économique, de la disparition de Caterpillar Inc. et de John Deere du marché de l’Est du Canada, ainsi que de la volatilité du secteur pétrolier et gazier dans le marché de l’Ouest du Canada, ce qui a eu une incidence sur le marché et a contribué à la réduction des prix nationaux en 2019 [89] . De plus, les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 ont affaibli davantage la demande pendant la période intermédiaire de 2020. Les témoins d’Algoma soutiennent néanmoins que le dumping des marchandises en cause est également à l’origine de la diminution de ses prix de vente au cours de 2019 [90] .

[114] Algoma soutient en outre que les prix ont en fait commencé à chuter avant mai 2019, date à laquelle les droits imposés au titre de l’article 232 et les mesures de rétorsion adoptées par le Canada ont été levés, et ont continué de baisser tout au long de 2019. Selon Algoma, cela est corroboré par le témoignage de M. Jonathan Adkins de SMIC.

[115] Dans sa déclaration de témoin, M. Adkins affirme que les prix ont commencé à chuter en novembre et en décembre 2018 en raison de la faiblesse de la demande au cours de la deuxième moitié de 2018, et que la demande est demeurée faible dans la plupart des secteurs de l’industrie entre le premier et le troisième trimestre de 2019. Il soutient que l’élimination des droits imposés par les États-Unis et le Canada a accéléré la chute des prix [91] . Algoma souligne que ces facteurs étaient présents avant l’élimination des droits de rétorsion imposés par le Canada sur les importations provenant des États-Unis.

[116] Bien que la levée des droits imposés par les États-Unis et le Canada ait entraîné une baisse additionnelle des prix, le Tribunal est d’avis que d’autres facteurs étaient effectivement déjà présents avant mai 2019. En effet, la faible demande et l’effet des stocks, de même que le volume croissant des importations de marchandises en cause en 2018 et en 2019, exerçaient déjà une pression à la baisse sur les prix canadiens.

[117] Il ne fait aucun doute que d’autres facteurs sont entrés en jeu pendant cette période, mais les éléments de preuve concernant les volumes croissants des importations de marchandises en cause en 2018 et en 2019, et la sous-cotation des prix observée au cours de cette période, démontrent que les marchandises en cause ont, en soi, fait baisser de manière importante les prix des marchandises similaires en 2019.

Compression des prix

[118] Dans son évaluation visant à déterminer si le prix des marchandises en cause a mené à la compression du prix des marchandises similaires, le Tribunal compare habituellement le coût unitaire moyen des marchandises fabriquées ou le coût unitaire moyen des marchandises vendues par la branche de production nationale avec les valeurs unitaires moyennes des ventes de la branche de production nationale sur le marché national, afin de déterminer si la branche de production nationale a été en mesure d’augmenter ses prix de vente en fonction de la hausse de ses coûts.

[119] De 2017 à 2018, l’augmentation du prix de vente national était supérieure à l’augmentation du coût des marchandises vendues par la branche de production nationale. Par contre, de 2018 à 2019, le prix de vente national est demeuré stable, alors que le coût des marchandises vendues a continué d’augmenter, ce qui coïncide avec l’augmentation de la concurrence exercée par les marchandises en cause en 2019.

[120] Algoma soutient que les prix étaient très volatils en 2018 et en 2019 et qu’une comparaison de ses prix et de ses coûts au début et à la fin de cette période démontre de surcroît qu’il y a eu une compression des prix. Le Tribunal confirme qu’en comparant les données du premier trimestre de 2018 et du dernier trimestre de 2019, on constate une baisse des prix d’Algoma et une augmentation des coûts des marchandises vendues [92] .

[121] Comme il a été mentionné dans la section précédente, d’autres facteurs que les marchandises en cause ont également contribué à la baisse des prix. Cependant, les volumes des marchandises en cause qui étaient importées à des prix de sous-cotation ont augmenté rapidement en 2018 et en 2019. Compte tenu de la preuve, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont, de façon marquée, mené à la compression des prix des marchandises similaires en 2019.

Incidence sur la branche de production nationale

[122] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation [93] . Cette incidence doit être distinguée de l’incidence des autres facteurs sur la branche de production nationale [94] . Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, le retard ou la menace de dommage en fonction du volume, des effets sur les prix des marchandises sous-évaluées et de leur incidence sur la branche de production nationale.

Ventes et part de marché

[123] Selon Algoma, la part de marché des importations de marchandises en cause a augmenté entre 2017 et la période intermédiaire de 2019, et cette augmentation était supérieure à l’augmentation de la part de marché de la branche de production nationale au cours de cette même période. Algoma soutient qu’elle aurait dû être en mesure d’augmenter davantage ses gains lorsque la part de marché détenue par les États-Unis a diminué considérablement, mais elle n’a pas pu le faire en raison de la concurrence exercée par les marchandises en cause à bas prix.

[124] Les parties qui s’opposent font valoir que la part de marché de la branche de production nationale a augmenté au cours de la période visée par l’enquête et qu’il n’est pas approprié de considérer qu’Algoma a subi un dommage parce qu’elle aurait perdu l’occasion d’augmenter encore plus ses parts de marché, surtout que la taille du marché a diminué de façon importante durant la période visée par l’enquête. De plus, elles affirment que la diminution de la taille du marché elle‑même ne peut être exclue comme une autre cause possible de dommage.

[125] Les parties qui s’opposent soulignent également que les importations de marchandises en cause se sont emparées de la part de marché laissée libre par les importations provenant des États‑Unis lorsque les mesures de rétorsion adoptées par le Canada étaient en vigueur, mais qu’elles ont perdu cette part lorsque les importations provenant des États-Unis sont revenues sur le marché. Elles soutiennent donc que les importations de marchandises en cause ne pouvaient pas avoir causé de dommage à la branche de production nationale en lui faisant perdre des parts de marché.

[126] La branche de production nationale affirme que, après la désorganisation du marché causée par l’application des droits imposés au titre de l’article 232 et des mesures de rétorsion adoptées par le Canada, les importations provenant des États-Unis ont regagné la part de marché qu’elles détenaient par le passé, mais ne l’ont pas augmenté davantage. De plus, elle soutient que les importations provenant des États-Unis sont vendues à des prix du marché qui ont été négociés de façon équitable.

[127] Le volume du marché total des tôles fortes a diminué de 6 p. 100 en 2018 par rapport à 2017, de 12 p. 100 en 2019 par rapport à 2018 et de 13 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 comparativement à la période intermédiaire de 2019 [95] . Dans ce contexte, les ventes nationales provenant de la production nationale ont augmenté de 7 p. 100 en 2018 par rapport à 2017, mais ont diminué de 5 p. 100 en 2019 par rapport à 2018 et ont diminué de nouveau de 5 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019 [96] .

[128] La part de marché de la branche de production nationale a augmenté de façon constante durant la période visée par l’enquête. La part de marché des importations de marchandises en cause a augmenté entre 2017 et 2019 et a diminué au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019. La même tendance a été observée en ce qui a trait à la part de marché des importations de marchandises provenant de pays non visés autres que les États-Unis et la Turquie. Par contre, la part de marché des importations en provenance des États-Unis a diminué de façon importante entre 2017 et 2019, mais est revenue à son niveau de 2017 au cours de la période intermédiaire de 2020 [97] . La part de marché des importations provenant de la Turquie a augmenté en 2018, mais a diminué en 2019 et au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019 [98] .

[129] Le Tribunal conclut que la part de marché de la branche de production nationale a certes augmenté, mais que cette augmentation n’était pas celle à laquelle on pouvait s’attendre en raison de la présence des importations sous-évaluées, et ce, en dépit de l’occasion qui s’est présentée lorsque les importations provenant des États-Unis ont perdu leur part de marché.

Résultats financiers

[130] Les résultats financiers consolidés de la branche de production nationale révèlent que les ventes sur le marché national ont augmenté en 2018, mais qu’elles ont enregistré une baisse importante en 2019 [99] . Il semblerait que la baisse des volumes de ventes et de la valeur nette des ventes entre 2018 et 2019 en soient la cause même si, comme il a été mentionné précédemment, le coût des marchandises vendues a augmenté.

[131] Lorsque les données relatives à la première et à la deuxième moitié de 2019 sont examinées séparément, il est évident que les résultats favorables enregistrés au cours de la première moitié de 2019 ont été annulés par les résultats moins favorables enregistrés au cours de la deuxième moitié de 2019 [100] . Cette constatation est compatible avec l’affirmation d’Algoma selon laquelle les prix ont commencé à chuter en avril 2019, ainsi qu’avec la conclusion du Tribunal énoncée précédemment selon laquelle la branche de production nationale a apparemment choisi de baisser ses prix plutôt que de risquer de perdre des ventes et sa part de marché. Les résultats financiers se sont améliorés quelque peu au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la deuxième moitié de 2019, mais le rendement enregistré durant la période intermédiaire de 2020 était tout de même moins bon que celui enregistré pendant la période intermédiaire de 2019.

[132] La diminution des volumes de ventes et des prix des exportations aux États-Unis, ainsi que l’augmentation des coûts associés à la vente de marchandises aux États-Unis, ont eu une incidence négative sur le rendement à l’exportation de la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête. Rien ne prouve que les marchandises en cause ont eu une incidence sur le rendement des ventes à l’exportation ni qu’elles ont contribué à la baisse du rendement des ventes à l’exportation. Cependant, en examinant l’apport qu’ont eu les ventes à l’exportation sur les ventes nettes totales des producteurs comparativement aux ventes sur le marché national [101] et à la rentabilité générale, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont, en soi, eu des effets négatifs marqués sur la rentabilité générale de la branche de production nationale en 2019 en entraînant une sous-cotation, une baisse et une compression des prix des tôles fortes sur le marché canadien.

Autres indicateurs de rendement

[133] La production nationale est demeurée stable en 2018 et en 2019, puis a augmenté au cours de la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019. La productivité a diminué légèrement entre 2017 et 2019. L’utilisation de la capacité est également demeurée stable au cours de la période visée par l’enquête, mais le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale relatif aux marchandises similaires est très faible [102] .

[134] Selon les représentants du Syndicat des Métallos, les importations de marchandises sous‑évaluées entraînent une instabilité du marché qui rend difficile le maintien en poste d’employés qualifiés [103] . Ils soutiennent également que les effets des importations de marchandises sous-évaluées ont une incidence directe sur les niveaux d’emploi et que la diminution récente de la production et les mises à pied qui en ont découlé sont attribuables à la présence des marchandises sous-évaluées ainsi qu’aux effets de la pandémie de COVID-19 [104] . Le Tribunal conclut donc que le dumping des marchandises en cause a une incidence directe sur les niveaux d’emploi.

[135] À peu près rien ne prouve que la présence accrue des marchandises en cause sur le marché canadien a eu une incidence négative sur les liquidités, les salaires, la croissance, la capacité de financement, les investissements ou le rendement sur capital investi de la branche de production nationale durant la période visée par l’enquête [105] .

Importance de la marge de dumping

[136] Comme il a été mentionné précédemment, les marges de dumping déterminées par l’ASFC variaient de 6,3 p. 100 à 80,6 p. 100 et n’étaient donc pas négligeables. Cela dit, le Tribunal est d’avis que les marges de dumping, exprimées en pourcentage du prix à l’exportation, ne reflètent pas forcément l’ampleur des effets dommageables causés par les prix des marchandises en cause au Canada durant la période visée par l’enquête. Par conséquent, l’importance des marges de dumping n’ajoute pas grand-chose aux éléments de preuve et à l’analyse du dommage.

Lien de causalité

[137] Les parties qui s’opposent soutiennent que d’autres facteurs que le dumping des marchandises en cause ont causé le dommage subi par Algoma. Certains des arguments soulevés, en particulier ceux concernant l’incidence des droits imposés au titre de l’article 232 et des mesures de rétorsion adoptées par le Canada, ainsi que le volume et les effets sur les prix des importations provenant des États-Unis, ont été présentés dans les paragraphes précédents.

Pandémie de COVID-19

[138] Le Tribunal conclut que le dommage causé par les marchandises en cause est survenu en 2019 avant le début de la pandémie. Par conséquent, les effets de la pandémie de COVID-19 qui ont commencé à se faire sentir au cours de la période intermédiaire de 2020 étaient plus importants que l’effet des marchandises en cause durant la période visée par l’enquête et n’ont fait que s’ajouter au dommage que subissait déjà la branche de production nationale.

Concurrence au sein de la branche de production nationale

[139] Les parties qui s’opposent font remarquer que chaque année durant la période visée par l’enquête, sauf en 2018 et pendant la période intermédiaire de 2019, les producteurs nationaux ont importé de plus grands volumes de marchandises provenant des États-Unis que les importateurs. À cet égard, les parties qui s’opposent précisent que dans Tôles VIII, le Tribunal a souligné que la branche de production nationale importait de grands volumes de marchandises en provenance des États-Unis et que cet élément devait être considéré comme une cause potentielle de dommage auto‑infligé [106] .

[140] D’après M. James Macphail de SSAB, son entreprise importe des États-Unis les marchandises qu’elle n’est pas en mesure de produire dans ses installations de Toronto [107] . Algoma soutient que ces importations n’ont donc pas remplacé la production canadienne.

[141] Le Tribunal fait remarquer que ces importations pourraient en fait remplacer la production canadienne. D’une part, SSAB a choisi de s’approvisionner auprès de ses filiales aux États-Unis au lieu d’investir pour produire les marchandises au Canada. D’autre part, la branche de production nationale pourrait répondre aux besoins de ces clients en leur offrant des tôles produites au Canada au lieu que SSAB les importe des États-Unis, car, en théorie, SSAB pourrait acheter ces marchandises d’Algoma. Aucun élément de preuve au dossier n’indique qu’Algoma n’est pas en mesure de produire les tôles en question. En fait, comme le montrent les données sur les clients communs, Algoma est en concurrence directe avec les marchandises que SSAB importe des États‑Unis [108] . De plus, rien n’indique que les tôles importées par SSAB subiront des transformations ultérieures qui en feront des marchandises qu’Algoma ne pourrait pas produire.

[142] Le Tribunal conclut qu’on ne s’attend pas à ce que les membres de la branche de production nationale achètent des marchandises de leurs concurrents pour combler les lacunes dans leur offre de produits. Autrement dit, SSAB n’est pas tenue d’acheter auprès d’Algoma les tôles fortes qu’elle ne peut pas produire au lieu de les importer des États-Unis. Le Tribunal reconnaît que ces importations sont susceptibles de causer un dommage à la branche de production nationale et que ce dommage ne devrait pas être attribuable au dumping des marchandises en cause. Cependant, il ne s’agit que d’une autre cause possible de dommage et, tout compte fait, cet élément ne remet pas en question la conclusion selon laquelle les marchandises en cause ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

Problèmes d’approvisionnement et de qualité

[143] Marmen soutient qu’Algoma a perdu des ventes en raison de son incapacité à lui fournir les volumes dont elle avait besoin et des problèmes de qualité des tôles fabriquées par Algoma, et non à cause de la concurrence dans les prix relativement aux importations de marchandises sous-évaluées. Marmen affirme que même si elle achète depuis longtemps des tôles fortes auprès d’Algoma, elle comble ses besoins en marchandises en achetant également des tôles fortes provenant de l’Allemagne.

[144] À titre d’élément de preuve, Marmen mentionne une offre d’achat qu’Algoma n’a pas été en mesure de combler. Marmen confirme ensuite qu’Algoma est en mesure de produire des tôles fortes qui ont les mêmes spécifications techniques que les produits que Marmen achète de producteurs allemands, mais la qualité des tôles fabriquées par Algoma n’était pas la même et ne répondait pas aux besoins de Marmen [109] .

[145] Marmen fait en outre valoir qu’elle est le seul fabricant de tours éoliennes au Canada et qu’elle ne pourrait pas continuer de livrer concurrence aux producteurs étrangers dans son secteur d’activité si elle ne pouvait pas acheter des tôles fortes provenant de l’Allemagne.

[146] Algoma affirme qu’elle n’a pas comblé l’offre mentionnée par Marmen parce qu’elle refusait de respecter le barème de prix proposé par Marmen et non pas parce qu’elle n’était pas capable de lui fournir la quantité d’acier requise [110] . De plus, Algoma soutient que le Tribunal ne devrait pas tenir compte des répercussions sur les activités de Marmen dans le cadre de la présente enquête. Selon elle, Marmen devrait plutôt demander au Tribunal d’ouvrir une enquête d’intérêt public aux termes de l’article 45 de la LMSI.

[147] Algoma a raison de dire que le Tribunal ne doit pas tenir compte des répercussions sur les utilisateurs en aval dans le contexte d’une enquête menée en vertu de l’article 42 de la LMSI, et que de telles répercussions peuvent être examinées dans le cadre d’une enquête d’intérêt public. Tout bien considéré, le Tribunal accepte en outre que toute perte de vente à Marmen ne soit pas entièrement attribuable à des problèmes de qualité ou à des problèmes liés à la capacité d’approvisionnement d’Algoma, d’autant plus que Marmen soutient que le prix est aussi un facteur dans ses décisions d’achat [111] . De plus, Marmen n’a pas fourni des motifs ou des éléments de preuve suffisants pour réfuter l’argument selon lequel les marchandises en cause ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

[148] Toutefois, dans la mesure où Marmen a des motifs et des arguments complémentaires à faire valoir, elle peut exercer la voie de recours prévue à l’article 45 de la LMSI. Subsidiairement, une autre voie de recours possible serait pour Marmen de demander une exclusion pour certains produits en demandant qu’un réexamen intermédiaire soit effectué s’il est établi que la branche de production nationale sera incapable de fabriquer un produit qui répond à ses exigences à l’avenir.

Conclusion à l’égard du lien de causalité

[149] Il n’est pas nécessaire que le dumping soit le seul facteur ayant contribué au dommage subi par la branche de production nationale :

[...] dans des enquêtes de dommage, d’autres facteurs sont presque toujours présents et [le Tribunal] ne peut pas imputer au dumping le dommage causé par ces autres facteurs. Il n’est pas nécessaire, toutefois, que le dumping soit l’unique cause ou la principale cause du dommage. Les dispositions législatives prescrivent que le dommage causé par le dumping doit être un dommage sensible [112] .

[150] Le Tribunal doit donc établir si, en dépit des pertes subies par la branche de production nationale qui peuvent être attribuables à d’autres facteurs, le dumping des marchandises en cause constitue, en soi, une cause de dommage sensible [113] .

[151] Le Tribunal conclut que, même si d’autres facteurs que le dumping des marchandises en cause ont eu une incidence sur le rendement de la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête, les marchandises en cause ont, en soi, causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

Caractère sensible

[152] Le Tribunal doit maintenant déterminer si les effets des importations de marchandises en cause décrits ci-dessus revêtent un caractère « sensible », tel que le prévoit la définition de « dommage » à l’article 2 de la LMSI. La LMSI ne définit pas le terme « sensible ». Cependant, tant l’ampleur du dommage au cours de la période visée que le moment et la période pendant laquelle le dommage a été subi sont des facteurs pertinents à prendre en compte pour établir si un dommage causé par les marchandises en cause est « sensible » [114] .

[153] Dans la présente affaire, la branche de production nationale a subi un dommage en 2019, particulièrement pendant la deuxième moitié de 2019. Ce dommage s’est manifesté sous la forme de sous-cotation, de baisse et de compression des prix, ce qui a eu une incidence négative sur le rendement financier de la branche de production nationale. De plus, le dommage était plus prononcé au cours de la deuxième moitié de 2019, période qui coïncide avec la période visée par l’enquête de l’ASFC, au cours de laquelle de grands volumes d’importations de marchandises sous-évaluées entraient sur le marché national [115] . Encore une fois, il appert de l’analyse ci-dessus que la branche de production nationale a décidé de baisser ses prix pour faire concurrence aux marchandises en cause et ainsi maintenir ses volumes de ventes et conserver sa part de marché dans un marché en déclin. Par conséquent, le rendement financier de la branche de production nationale s’est considérablement détérioré au cours de la deuxième moitié de 2019, ce qui a eu une incidence tout aussi importante sur sa rentabilité.

[154] Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le dommage revêtait un caractère sensible [116] . Le Tribunal conclut donc que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

Conclusion

[155] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en cause originaires du Taipei chinois et de l’Allemagne a causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de savoir si les marchandises en cause menacent de causer un dommage.

EXCLUSIONS

[156] Le Tribunal a reçu 18 demandes d’exclusion de produits, dont deux demandes de l’APVMA, une demande d’ISI, sept demandes d’ILG et huit demandes de SMIC. Cependant, il y a de nombreux recoupements entre les 18 demandes et des exclusions ne sont donc demandées que pour les 10 produits décrits ci-dessous. Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal a décidé d’accorder une exclusion à quatre de ces 10 produits.

[157] Avant de se pencher sur ces demandes, le Tribunal présentera certains principes généraux et les facteurs pertinents qu’il a pris en considération pour déterminer s’il devait accorder ou non les exclusions de produits demandées. Le Tribunal examinera également certains enjeux communs à plusieurs demandes.

Principes généraux et facteurs pertinents

[158] La LMSI permet implicitement au Tribunal d’accorder des exclusions de la portée des conclusions [117] . Les exclusions de produits constituent une mesure corrective extraordinaire qui n’est accordée que si le Tribunal est d’avis que de telles exclusions ne causeront pas de dommage à la branche de production nationale [118] . Le principe est que, malgré la conclusion générale selon laquelle le dumping des marchandises a causé un dommage à la branche de production nationale, il peut y avoir des éléments de preuve particuliers qui indiquent que l’importation de certains produits visés par la définition des marchandises n’a pas causé de dommage.

[159] Pour décider si une exclusion risque de causer un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal examine des facteurs comme la question de savoir si la branche de production nationale produit, fournit activement ou est en mesure de produire des marchandises similaires par rapport aux marchandises en cause pour lesquelles l’exclusion est demandée [119] .

[160] Le Tribunal rejette habituellement les demandes d’exclusion si la branche de production nationale fabrique déjà ces produits, même si elle le fait en quantité limitée [120] . Lorsque le Tribunal examine la question de savoir si la branche de production nationale fabrique des marchandises substituables ou concurrentes, il tient généralement compte de plusieurs des caractéristiques des produits, dont les caractéristiques physiques, la qualité, le prix, le segment de marché et l’utilisation finale, pour évaluer le niveau de concurrence entre les marchandises importées et les marchandises canadiennes.

[161] Lorsque des marchandises identiques ou substituables aux produits faisant l’objet d’une demande d’exclusion ne sont pas produites au pays, le Tribunal peut se demander s’il existe des éléments de preuve indiquant une production nationale prévue de produits identiques ou substituables ou des éléments de preuve indiquant que la branche de production nationale prévoit devenir un fournisseur actif de tels produits à court ou à moyen terme [121] . Le Tribunal a conclu dans des affaires antérieures que, lorsque la branche de production nationale présente des éléments de preuve indiquant « son intention ferme de commencer à produire un produit, une exclusion ne doit pas être accordée à l’égard de ce produit » [122] . Par exemple, dans Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié [123] , le Tribunal a conclu que ce qui suit indiquait une intention ferme :

En outre, le Tribunal conclut que M. Rasmussen a affirmé de façon convaincante dans son témoignage que Bri-Steel est prête à accroître sa production et à fabriquer des tubes de canalisation sans soudure au diamètre extérieur variant de 8 pouces jusqu’à 12 pouces, étant donné que cet accroissement nécessiterait un « investissement minimal » [traduction] dans l’équipement, et qu’elle pourrait commencer à produire des tubes dans cette gamme de tailles au cours des prochains mois. Selon M. Rasmussen, Bri-Steel n’a pas encore fait cet investissement parce qu’elle ne peut livrer concurrence aux prix sous-évalués et subventionnés des marchandises en question dans cette gamme de tailles [124] .

[162] Dans la présente enquête, l’APVMA, ILG et SMIC contestent toutes le fait qu’Algoma, qui est la partie plaignante, aurait élargi indûment la portée de la définition du produit en incluant des marchandises qu’elle ne fabrique pas et pour lesquelles elle a consenti à une exclusion dans le cadre du processus d’exclusion qui a été mené dans le cadre de l’enquête de sauvegarde concernant les tôles fortes effectuée par le Tribunal [125] .

[163] En réponse, Algoma soutient qu’elle est maintenant capable de fabriquer tous les produits pour lesquels une exclusion a été demandée (sauf lorsqu’elle a déjà consenti aux demandes d’exclusion).

[164] Le Tribunal fait remarquer que le critère à appliquer pour déterminer s’il convient d’accorder une exclusion pendant le processus d’exclusion mené dans le cadre de l’enquête de sauvegarde est énoncé explicitement dans le Décret concernant l’enquête d’exclusion et est différent du critère que le Tribunal applique généralement durant une enquête menée en vertu de la LMSI. Dans le rapport GC-2018-001-E1, le Tribunal a fourni les explications suivantes :

8. L’article 4 du Décret concernant l’enquête d’exclusion prévoit que « [s]’il établit, à l’égard d’une marchandise visée par une demande visée à l’alinéa 3a), qu’il n’y a aucune source d’approvisionnement nationale ou aucun plan ferme ou commercialement viable pour sa production nationale, le Tribunal recommande que la marchandise soit exclue du [Décret imposant une surtaxe] » [nos italiques].

9. Ainsi, s’il établit qu’il n’y a à l’égard de ces marchandises aucune source d’approvisionnement nationale ou aucun plan ferme et commercialement viable pour leur production nationale, le Tribunal, conformément à la directive fournie dans le Décret concernant l’enquête d’exclusion, recommande l’exclusion de ces marchandises de la portée des mesures de sauvegarde.

[...]

18. Le Décret concernant l’enquête d’exclusion envisage qu’une source d’approvisionnement nationale pourrait également viser une marchandise qui satisfait à l’exigence d’un « plan ferme et commercialement viable pour sa production nationale ». En vue de déterminer si des circonstances précises répondent à cette exigence, le Tribunal examinera des facteurs comme ceux-ci :

  • approbations internes des entreprises, par exemple des engagements de capitaux ou autres engagements;

  • calendrier de production;

  • certifications techniques;

  • acceptation des clients;

  • mise à l’essai de produits;

  • efforts de vente.

[165] En résumé, s’il n’y avait aucune source d’approvisionnement nationale pour une marchandise, le Tribunal devait rejeter une demande d’exclusion seulement s’il y avait un « plan ferme et commercialement viable pour sa production nationale », comme le montre l’existence des facteurs énoncés au paragraphe 18 précité.

[166] Le Tribunal souligne que les objectifs de la procédure menée aux termes de la LMSI et de l’enquête de sauvegarde sont différents, car les marchandises faisant l’objet d’une ordonnance de sauvegarde ne sont pas sous-évaluées et, dans le contexte des affaires relevant de la LMSI, l’enquête vise à déterminer si l’octroi d’une exclusion causerait un dommage à la branche de production nationale. Au bout du compte, bien que les facteurs pris en considération pendant l’enquête de sauvegarde sur les exclusions s’appliquent également à l’enquête menée dans une affaire relevant de la LMSI, chaque affaire sera jugée selon sa propre preuve.

[167] En outre, le fait que le Tribunal puisse avoir accordé des exclusions pour des produits qui ressemblent à ceux visés par les présentes demandes ne constitue pas, en soi, une preuve suffisante pour accueillir une demande d’exclusion. Le Tribunal a déclaré qu’il n’est pas lié par les décisions antérieures et que celles-ci ne confèrent aucun droit relativement aux demandes d’exclusion. Pour trancher la question de savoir s’il doit accorder ou non une exclusion, le Tribunal tient plutôt compte de l’ensemble de la preuve et des circonstances propres à chaque cas [126] .

[168] Lorsque ce principe est mis en corrélation avec la différence qui existe entre la norme qui a été appliquée pour déterminer s’il convenait d’accorder des exclusions dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1 et la norme à appliquer dans les enquêtes menées en vertu de la LMSI, le Tribunal estime que le fait qu’une exclusion ait été accordée dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1 n’est pas déterminant pour ce qui est des demandes d’exclusion formulées dans le cadre de la présente enquête.

[169] De plus, le Tribunal est conscient du fait qu’il a déjà conclu qu’il incombe au demandeur d’une exclusion de démontrer que l’importation des marchandises faisant l’objet de sa demande ne causera pas de dommage à la branche de production nationale [127] . Par conséquent, le fardeau de la preuve incombe au demandeur, qui doit déposer des éléments de preuve à l’appui de sa demande [128] . Toutefois, il incombe également aux producteurs nationaux de déposer des éléments de preuve pour réfuter la preuve du demandeur [129] . Finalement, le Tribunal doit déterminer s’il exercera son pouvoir discrétionnaire pour accorder des exclusions de produits en se fondant sur son appréciation de l’ensemble des éléments de preuve au dossier.

[170] En général, le Tribunal voit d’un mauvais œil l’absence d’éléments de preuve concernant les efforts qu’a déployés un demandeur pour communiquer avec les producteurs nationaux afin d’obtenir la confirmation qu’ils sont en mesure de fournir les produits pour lesquels des exclusions sont demandées. Comme il a été mentionné précédemment, ILG et SMIC ont invoqué le fait que des demandes d’exclusion identiques, ou formulées en des termes semblables, ont été accueillies dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001 -E1 pour appuyer bon nombre de leurs demandes et n’ont présenté aucun élément de preuve indiquant qu’elles ont tenté de nouveau de communiquer avec la branche de production nationale pour acheter ces produits.

[171] L’APVMA soutient qu’elle s’est acquittée de son fardeau, compte tenu du fait que les efforts déployés en ce sens doivent être appréciés au regard de la capacité du demandeur d’obtenir des éléments de preuve relativement à ses échanges commerciaux avec la branche de production nationale ou d’obtenir des éléments de preuve de sources publiques, et qu’Algoma ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de rejeter la demande d’exclusion de l’APVMA concernant des tôles de certaines dimensions. Plus précisément, l’APVMA conteste le fait qu’Algoma n’a pas énoncé clairement ses restrictions concernant les dimensions.

[172] L’APVMA et ILG affirment en outre que, pour que les demandes d’exclusion soient rejetées, Algoma devrait démontrer qu’elle a vendu en quantités commerciales les produits pour lesquels des exclusions sont demandées. Le Tribunal fait remarquer qu’une telle exigence n’est pas compatible avec la norme décrite précédemment qui a été appliquée dans des affaires antérieures relevant de la LMSI, où la production prévue et une ferme intention de devenir un fournisseur actif ont été jugées suffisantes.

[173] Selon Algoma, les parties qui demandent des exclusions ont déployé des efforts concertés pour trouver des marchandises qui ont une composition chimique et des dimensions différentes de celles qu’Algoma a déjà produites par le passé ou pour demander, en fournissant peu ou pas de justification, les mêmes exclusions que celles accordées dans le cadre d’autres recours commerciaux afin de potentiellement nuire aux conclusions rendues. Algoma fait remarquer que le Tribunal a déjà indiqué qu’il tient compte du fait qu’une exclusion pourrait nuire aux effets réparateurs des conclusions rendues en encourageant les acheteurs à cesser de se procurer en grand nombre les marchandises sous-évaluées qui font l’objet de la conclusion pour se procurer les marchandises sous-évaluées visées par l’exclusion [130] . Algoma souligne également qu’à cause de l’exclusion de tôles de certaines dimensions, il est facile pour les importateurs d’éviter l’application de droits, comme le démontrent le fait que les importateurs ont commencé à importer des tôles un peu moins larges après l’imposition de mesures de sauvegarde visant les tôles fortes, qui s’appliquent aux tôles de 80 pouces et plus de largeur [131] .

[174] Algoma ajoute qu’il lui est difficile de prouver qu’elle est capable de fabriquer un produit pour lequel il n’y a rarement, voire jamais, eu de demande. D’après Algoma, les producteurs d’acier ne fabriquent et ne vendent généralement pas des marchandises pour lesquelles il n’y a aucune demande sur le marché.

[175] Par conséquent, Algoma soutient que le Tribunal devrait également se demander s’il existe des éléments de preuve démontrant qu’il y a un besoin actuel ou imminent pour un produit sur le marché national lorsqu’il doit décider s’il y a lieu ou non d’exclure un produit. Algoma fait valoir que, dans les formulaires de demande d’exclusion de produit, SMIC a déclaré que certains des produits pour lesquels une exclusion est demandée n’ont pas été importés et ILG n’a déclaré aucune vente à l’exportation au Canada de ces mêmes produits.

[176] ILG et SMIC répliquent qu’Algoma essaie d’inventer les règles de ce processus d’exclusion au fur et à mesure et que le fait qu’elles n’ont pas reçu de commandes pour un produit en particulier ne devrait pas permettre à Algoma de s’opposer à une demande d’exclusion et au Tribunal de rejeter une telle demande. ILG et SMIC affirment que si la branche de production nationale n’est pas capable de produire un certain type de tôles, des droits antidumping ne devraient alors pas être imposés sur ces marchandises.

[177] Le Tribunal n’a pas jugé utile de tenir compte du fait que l’absence d’importations ou d’exportations de certains produits laissait croire que la demande d’exclusion n’est pas nécessaire. Le Tribunal estime que l’absence d’éléments de preuve indiquant que des tentatives ont été faites pour obtenir les produits auprès de la branche de production nationale est plus pertinente, étant donné que le processus d’exclusion vise à déterminer si l’exclusion causera un dommage à la branche de production nationale.

[178] Le Tribunal examinera maintenant les demandes d’exclusion de produits portant sur les marchandises en cause qu’il a reçues de chacun des demandeurs indiqués ci-dessus.

Analyse de demandes d’exclusion précises

Exclusions accordées avec consentement

[179] Une demande d’exclusion d’un produit peut être accordée par le Tribunal avec ou sans le consentement de la branche de production nationale. Toutefois, si la branche de production nationale consent à la demande d’exclusion, ou si elle ne s’y oppose pas, le Tribunal conclut habituellement que d’accorder la demande d’exclusion ne causerait pas de dommage.

[180] La branche de production nationale a consenti aux demandes d’exclusions suivantes [132] :

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes :

  • ASME SA-285/SA-285M ou ASTM A-285/A-285M,

  • ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M,

  • ASME SA-515/SA-515M ou ASTM A-515/A-515M,

  • ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M (y compris, mais sans s’y limiter, SA/A516 nuance 70),

  • ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M, ou

  • ASME SA-841/SA-841M ou ASTM A-841/A-841M,

qui sont normalisées (traitées thermiquement) et dégazées sous vide (y compris en fusion), dont la teneur en soufre est inférieure à 0,003 p. 100 et la teneur en phosphore est inférieure ou égale à 0,017 p. 100, importées exclusivement pour utilisation dans la fabrication d’appareils à pression destinés au secteur pétrolier et gazier pour utilisation en milieu corrosif et dans des applications relatives à la fissuration par l’hydrogène. [133]

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud de nuance ASME SA‑516 nuance 70 ou ASTM A‑516 nuance 70 normalisées (traitées thermiquement), dont l’épaisseur est supérieure à 3,28 pouces.

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud produites conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes :

  • ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M, normalisées,

  • ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M, normalisées, et

  • ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A-537M, normalisées, dans les dimensions suivantes :

  • Épaisseur de 2,5 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces, toutes longueurs,

  • Épaisseur égale ou supérieure à 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces, toutes longueurs,

  • Épaisseur supérieure à 3,28 pouces, toutes largeurs, toutes longueurs. [134]

[181] Étant donné que la branche de production nationale a consenti à ces exclusions, le Tribunal conclut qu’elles ne causeront pas de dommage. Ces produits sont donc exclus des conclusions du Tribunal.

Demande d’ISI

[182] ISI a demandé l’exclusion des produits suivants :

Tôles d’acier correspondant à la définition du produit pour utilisation dans le cadre du projet de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique et du projet de navires de combat canadiens [135] .

[Traduction]

[183] ISI soutient qu’Algoma n’était pas en mesure de fournir des tôles fortes qui répondent aux spécifications rigoureuses en matière d’épaisseur, de nuance, de rigidité et de résistance aux chocs prescrites par le projet de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique et le projet de navires de combat canadiens, qui font partie de la Stratégie nationale de construction navale du gouvernement du Canada. ISI prétend qu’elle ne peut pas accepter des produits substituables parce que les tôles serviront à la construction de navires qui seront utilisés à des fins de défense nationale et que les tôles doivent donc répondre à ces spécifications rigoureuses.

[184] ISI fait en outre remarquer que la branche de production nationale pourrait être en mesure de produire des tôles qui répondent aux exigences prescrites par le projet de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique et le projet de navires de combat canadiens, mais qu’un investissement important en temps et en ressources serait nécessaire. ISI doute qu’Algoma soit prête à faire ou à s’engager à faire les investissements nécessaires. Même si Algoma faisait de tels investissements, rien ne permettrait de garantir que les tôles répondraient aux exigences d’ISI.

[185] Algoma soutient qu’elle a prouvé qu’elle est capable de répondre aux spécifications prescrites [136] . Algoma mentionne également qu’elle a fourni de l’acier pour d’autres projets de construction navale, dont le projet de navires de soutien interarmées de la Marine royale canadienne.

[186] ISI est d’avis qu’Algoma n’a pas prouvé qu’elle serait en mesure de répondre aux exigences en matière d’épaisseur, de largeur et de résistance aux chocs. De plus, selon ISI, Algoma n’a pas démontré que toutes ses tôles répondront à l’ensemble des spécifications, ce qui est une exigence de ces projets [137] .

[187] Lors de l’audience du Tribunal qui a eu lieu le 15 janvier 2021, ISI et Algoma ont indiqué qu’elles négociaient un consentement partiel à l’égard de la demande d’exclusion d’ISI. Le 18 janvier 2021, ISI et Algoma ont proposé le libellé suivant au Tribunal :

Tôles fortes importées par Irving Shipbuilding Inc. en vue de leur utilisation pour la construction du cinquième navire du projet de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique de la Marine royale canadienne [138] .

[Traduction]

[188] Les deux parties maintiennent néanmoins leur position initiale; en effet, ISI refuse de modifier sa demande d’exclusion initiale et Algoma soutient qu’elle est tout à fait capable de fournir ces produits.

[189] Au vu de la preuve, le Tribunal accorde plus de poids aux arguments d’ISI et estime qu’ils sont plus convaincants sur ce point que ceux d’Algoma. Tout bien considéré, le Tribunal conclut qu’Algoma n’est actuellement pas en mesure de produire des tôles qui répondent aux spécifications du projet de construction de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique [139] . Le Tribunal conclut également qu’Algoma n’a pas présenté d’éléments de preuve indiquant son intention ferme de commencer à produire des tôles qui répondent à ces spécifications particulières.

[190] En outre, le Tribunal fait remarquer qu’il est particulièrement important de respecter les spécifications précises qui ont été établies pour ces projets, car les produits seront utilisés à des fins de défense nationale. Le Tribunal conclut que, étant donné que la branche de production nationale n’est actuellement pas apte à fournir les tôles fortes qui sont requises pour le projet de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, l’exclusion de ces produits ne lui causera pas de dommage.

[191] La demande d’exclure les tôles fortes destinées à être utilisées dans le cadre du projet de navires de combat canadiens est rejetée. Compte tenu des éléments de preuve confidentiels produits, le Tribunal établit que cette demande est à la fois prématurée et spéculative [140] . Le Tribunal souligne que, si les circonstances changent, la question d’une exclusion pourra être réexaminée si les parties déposent une demande de réexamen intermédiaire. De plus, les parties peuvent exercer d’autres voies de recours en présentant par exemple une demande de décret de remise de droits en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[192] Par conséquent, le Tribunal exclut les produits suivants de ses conclusions :

Tôles fortes importées par Irving Shipbuilding Inc. en vue de leur utilisation dans le cadre du projet de construction de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique.

Demandes de l’APVMA, d’ILG et de SMIC

[193] L’APVMA a demandé l’exclusion des produits suivants :

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes : ASME SA-516/SA-516M ou ASTM A-516/A-516M, normalisées, ASME SA-299/SA-299M ou ASTM A-299/A-299M, normalisées, et ASME SA-537/SA-537M ou ASTM A-537/A537M, normalisées, des dimensions suivantes :

Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 473 pouces,

Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 380 pouces,

Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 150 pouces et longueur supérieure à 270 pouces,

Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 420 pouces,

Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 340 pouces,

Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 102 pouces et longueur supérieure à 395 pouces,

Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces et longueur supérieure à 235 pouces,

Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 88 pouces et longueur supérieure à 412 pouces,

Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 380 pouces,

Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 300 pouces,

Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces, toutes longueurs,

Épaisseur de 2.75 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 345 pouces,

Épaisseur de 2.75 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 270 pouces,

Épaisseur égale ou supérieure à de 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 310 pouces,

Épaisseur égale ou supérieure à 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces, toutes longueurs,

Épaisseur égale ou supérieure à 3.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 290 pouces, et

Épaisseur supérieure à 3.28 pouces, de toutes largeurs, toutes longueurs. [141]

[194] ILG et SMIC ont fait essentiellement la même demande, sauf pour quelques variations quant à la longueur et l’épaisseur :

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées conformément aux spécifications et dans les nuances suivantes : ASME SA516/SA516M ou ASTM A516/A516M, normalisées, ASME SA299/SA299M ou ASTM A299/A299M, normalisées, et ASME SA537/SA537M ou ASTM A537/A537M, normalisées, des dimensions suivantes :

(i) Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 473 pouces,

(ii) Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 380 pouces,

(iii) Épaisseur de 2 pouces, largeur égale ou supérieure à 150 pouces et longueur supérieure à 270 pouces,

(iv) Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 420 pouces,

(v) Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 102 pouces et longueur supérieure à 395 pouces,

(vi) Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 330 pouces,

(vii) Épaisseur de 2.25 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces, toutes longueurs,

(viii) Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 88 pouces et longueur supérieure à 412 pouces,

(ix) Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 380 pouces,

(x) Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces et longueur supérieure à 300 pouces,

(xi) Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 151 pouces, toutes longueurs,

(xii) Épaisseur de 2.75 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 340 pouces,

(xiii) Épaisseur de 2.75 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces, toutes longueurs,

(xiv) Épaisseur de 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces et longueur supérieure à 250 pouces,

(xv) Épaisseur de 3 pouces, largeur égale ou supérieure à 121 pouces, toutes longueurs,

(xvi) Épaisseur de 2.5 pouces, largeur égale ou supérieure à 97 pouces, toutes longueurs, ou

(xvii) Épaisseur égale ou supérieure à de 3.5 pouces, toutes largeurs, toutes longueurs. [142]

[195] Comme il a été mentionné précédemment, Algoma a consenti à une partie de ces demandes. Algoma reconnaît qu’elle n’est actuellement pas en mesure de produire des tôles fortes normalisées d’une épaisseur de 2,5 pouces et d’une largeur égale ou supérieure à 151 pouces, d’une épaisseur de 3 pouces et d’une largeur égale ou supérieure à 121 pouces, ou d’une épaisseur supérieure à 3,28 pouces [143] .

[196] En ce qui concerne les autres dimensions, l’APVMA, ILG et SMIC font valoir qu’Algoma a consenti à l’exclusion de ces produits (ou de produits ayant des dimensions similaires dans le cas de la demande d’APVMA) dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1. L’APVMA a présenté des éléments de preuve qui montrent que des demandes visant les produits offerts dans certaines des dimensions indiquées ont été rejetées par Algoma [144] .

[197] Algoma prétend qu’elle a déployé des efforts pour être en mesure de produire des marchandises d’autres dimensions depuis le processus d’exclusion mené à l’égard de l’enquête de sauvegarde. Elle affirme qu’elle est maintenant en mesure de produire et de normaliser sur demande des tôles fortes des dimensions indiquées et qu’elle modifie encore son procédé de production pour lui permettre d’offrir des produits dans une gamme de dimensions encore plus grande.

[198] Dans sa déclaration de témoin, Mme Devoni a fourni des longueurs maximales pour les combinaisons d’épaisseur et de largeur indiquées qui sont supérieures à celles énoncées dans les demandes d’exclusion [145] . De plus, pour appuyer ses affirmations, Algoma a présenté des éléments de preuve qui montrent qu’elle a produit et vendu des tôles fortes dans certaines des dimensions demandées [146] .

[199] Les spécifications indiquées dans ces demandes s’appliquent toutes aux tôles de qualité pour appareils sous pression. Selon Mme Devoni, les éléments de preuve indiquant qu’Algoma est capable de produire des tôles de construction de ces dimensions démontrent qu’Algoma est également en mesure de produire des tôles de qualité pour appareils sous pression de dimensions identiques, car elle a la capacité de produire ces deux types de tôles dans les mêmes dimensions [147] . Algoma a également présenté une étude technique qu’elle avait commandée en ce qui concerne l’augmentation de la coupe transversale des tôles qu’elle peut produire à l’aide de l’un de ses fours de traitement thermique [148] . Algoma soutient que cette étude démontre qu’elle a amélioré sa capacité à normaliser des tôles depuis le processus d’exclusion mené à l’égard de l’enquête de sauvegarde.

[200] En réponse, M. Ernest Reimer de l’APVMA affirme qu’il ne faut pas confondre la capacité à produire des tôles de construction de certaines dimensions et la capacité à produire des tôles de qualité pour appareils sous pression de certaines dimensions, parce que la demande d’exclusion concerne des tôles normalisées et que les tôles de construction sont généralement à l’état brut de laminage (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas normalisées). L’APVMA soutient qu’Algoma n’a pas démontré qu’elle peut effectivement produire des tôles normalisées de ces dimensions et que tout ce qu’Algoma a fait depuis l’enquête de sauvegarde, c’est commander une étude technique afin d’étudier la possibilité de normaliser des tôles de plus grandes dimensions à l’avenir.

[201] Le Tribunal a demandé des éclaircissements sur l’affirmation de Mme Devoni selon laquelle les éléments de preuve indiquant qu’Algoma est capable de produire des tôles de construction de certaines dimensions démontrent qu’elle est également en mesure de produire des tôles de qualité pour appareils sous pression de dimensions identiques. En réponse à la question du Tribunal, Algoma affirme qu’elle est en mesure de normaliser des tôles de toutes les dimensions indiquées dans la demande d’exclusion citée et que c’est pour cette raison que le fait qu’elle est capable de produire des tôles de construction laminées (c’est-à-dire sa capacité de produire des tôles laminées de différentes dimensions à partir de brames) démontre qu’elle est également en mesure de produire des tôles traitées thermiquement des dimensions indiquées (sauf les tôles pour lesquelles elle a consenti à une exclusion) [149] .

[202] Algoma fait valoir qu’elle met actuellement en œuvre les conclusions du rapport de son étude technique et qu’elle a augmenté la coupe transversale maximale des tôles qui peuvent être normalisées dans son four de traitement thermique. Algoma prétend que cette augmentation lui permet de produire des tôles de toutes les dimensions indiquées dans les demandes d’exclusion, sauf les tôles pour lesquelles elle a consenti à une exclusion [150] .

[203] Algoma précise qu’elle prévoit également augmenter, jusqu’aux dimensions maximales établies dans le rapport de son étude technique, la coupe transversale maximale des tôles qui seront normalisées à l’aide d’un procédé par étape. Ainsi, elle serait en mesure de produire des tôles de qualité pour appareils sous pression d’autres dimensions que celles indiquées dans les demandes d’exclusion [151] .

[204] Compte tenu de ces éléments de preuve, le Tribunal estime qu’Algoma est actuellement capable de produire des tôles qui répondent aux spécifications énoncées dans les demandes d’exclusion dans des dimensions qui dépassent celles indiquées dans ces demandes. Par conséquent, le Tribunal conclut que d’accorder ces demandes d’exclusion causerait un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal rejette donc les demandes d’exclusion, sauf celles auxquelles Algoma a consenti.

Demandes d’ILG et de SMIC

[205] ILG et SMIC ont demandé l’exclusion des produits suivants :

  • Tôles d’acier au carbone laminées à chaud pour utilisation dans la fabrication de tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz (aussi appelées « tôles à tube ») [152] .

  • Tôles d’acier au carbone laminées à chaud de nuances API 5L X70 PSL2 ou CSA nuance 483 catégorie II pour utilisation dans la fabrication de tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz [153] .

  • Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, et ayant un poids individuel maximal supérieur à 15 tm (15 000 kg ou 33 000 lb) [154] .

[Traduction]

  • [206] Pour les motifs énoncés ci-après, ces demandes d’exclusion sont rejetées.

[207] En ce qui concerne la demande d’exclure les tôles ayant un poids individuel supérieur à 15 tonnes métriques ou 33 000 livres, ILG et SMIC soutiennent qu’Algoma ne peut pas produire des tôles de longueurs commercialisables lorsqu’elle doit fabriquer des tôles d’une épaisseur supérieure à 60 mm et d’une largeur supérieure à 2 500 mm. ILG et SMIC affirment en outre qu’il serait plus facile pour les services des douanes de vérifier le poids des tôles étant donné qu’il est plus difficile de vérifier si les restrictions relatives à la largeur, à la longueur et à l’épaisseur ont été respectées.

[208] En réponse, Algoma a déposé des éléments de preuve démontrant qu’elle a déjà produit et vendu des tôles fortes dont le poids individuel était supérieur à 33 000 livres en 2019 et en 2020 [155] . ILG et SMIC semblent avoir accepté ces éléments de preuve, car elles n’ont présenté aucune observation en réponse.

[209] Le Tribunal reconnaît qu’Algoma a produit et vendu des tôles fortes dont le poids individuel était supérieur à 33 000 livres ou 15 tonnes métriques et conclut donc qu’Algoma subirait un dommage si ladite exclusion était accordée.

[210] En ce qui a trait aux deux demandes d’exclusion concernant les tôles pour utilisation dans la fabrication de tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz (aussi appelées « tôles à tube »), ILG et SMC font valoir que ces produits ont été exclus dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC‑2018-001-E1. Le Tribunal avait tiré les conclusions suivantes dans ce rapport :

68. Salzgitter affirme que « [l]es tôles à tube ont toujours été exclues des enquêtes sur les tôles lourdes menées en vertu de la LMSI » [traduction]. En outre, elle soutient qu’Algoma n’a pas été en mesure de démontrer qu’elle a récemment fabriqué et vendu le deuxième produit susmentionné. Algoma s’oppose aux deux demandes au motif qu’elle peut vendre ces produits et qu’elle les vend. Elle a fourni des éléments de preuve à l’égard de la vente de tôles à tube et d’un essai réalisé en 2008, qui n’a donné lieu à aucune commande, ainsi que la liste publiée des nuances de tôles qu’elle produit, ce qui comprend différentes nuances de tubes de canalisation API. De plus, Algoma souligne que les demandes de Salzgitter exigent en elles-mêmes que l’utilisation finale soit la fabrication de tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz, ce qui montre qu’il est possible de respecter ce type d’exigence concernant les exclusions.

69. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve présentés par Algoma ne suffisent pas à démontrer qu’elle fabrique ou peut fabriquer les produits demandés par Salzgitter, ni qu’elle a l’intention de le faire. Les factures censées montrer la vente de tôles à tube concernent des produits à l’extérieur de la gamme de dimensions des tôles lourdes. En outre, un essai réalisé en 2008 remonte à trop longtemps pour être accepté comme preuve de capacité actuelle de production et encore moins de plan ferme de production. Par conséquent, le Tribunal recommande d’accorder les deux exclusions, qui correspondent aux sixième et septième exclusions recommandées dans le sommaire.

[Notes omises, nos italiques]

[211] Algoma soutient qu’elle peut produire d’autres éléments de preuve que ceux présentés lors de l’enquête de sauvegarde pour démontrer qu’elle peut fabriquer ces produits sur demande. Algoma précise que sur son site Web, il est indiqué qu’elle peut fabriquer des tubes de canalisation de nuances API 5L B, X42, X46, X52, X60, X65 et X70 [156] .

[212] En outre, Algoma mentionne que le rapport d’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1 indique qu’Evraz est actuellement le seul acheteur de tôles fortes destinées à être utilisées dans la fabrication de tubes de canalisation au Canada. Mme Devoni a affirmé lors de son témoignage qu’Algoma est capable de fournir à ce producteur les deux types de tôles à tube visées par les demandes d’exclusion, mais qu’elle n’a pas eu l’occasion de le faire [157] . Algoma a déposé d’autres éléments de preuve confidentiels qui établissent qu’elle prévoit commencer à fournir des tôles à tube aux producteurs de tubes de canalisation [158] .

[213] ILG et SMIC n’ont fourni aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle Algoma ne peut pas fabriquer ces produits. Elles se sont appuyées exclusivement sur le fait que des exclusions ont été accordées à l’égard de ces produits dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC‑2018-001-E1. Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal estime que le fait qu’une exclusion a été accordée à l’issue du processus d’exclusion mené à l’égard de l’enquête de sauvegarde n’est pas suffisant pour appuyer une demande d’exclusion dans la présente affaire.

[214] Aux fins de la présente affaire, le Tribunal accueille donc les éléments de preuve d’Algoma qui démontrent qu’elle a la capacité nécessaire et un plan pour commencer à fabriquer les produits qui font l’objet des demandes d’exclusion. Par conséquent, le Tribunal conclut que d’accorder ces demandes causerait un dommage à la branche de production nationale.

Demande d’ILG

[215] ILG a demandé l’exclusion des produits suivants :

Tôles de construction en acier allié résistant à faible teneur de nuance ASTM A1066/A1066M produites selon un procédé thermomécanique contrôlé [159] .

[Traduction]

[216] ILG fait valoir que les tôles fabriquées de cette façon ne s’inscrivent pas dans la portée du plan de production d’Algoma et qu’elles ont fait l’objet d’une exclusion dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1. ILG ajoute que, à sa connaissance, Algoma n’a pas modifié ses capacités depuis que l’exclusion relative à ces produits a été accordée dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1.

[217] En réponse, M. Kashif Rehman d’Algoma affirme que la nuance A1066 est une spécification des tôles de construction en acier pour les nuances 50, 60, 65, 70 et 80 produites selon un procédé thermomécanique contrôlé et qu’Algoma peut fabriquer ces produits [160] . Algoma a déposé des éléments de preuve indiquant qu’elle a vendu des tôles produites selon un procédé thermomécanique contrôlé pour utilisation dans la construction de navires [161] et qu’elle peut fabriquer des tôles de construction de nuances 50W, 60W et 65W, ainsi que des tubes de canalisation API de nuances X60, X65 et X70 [162] . Algoma soutient qu’elle n’est actuellement pas en mesure de produire des tôles fortes de nuance 80, mais qu’elle travaille actuellement au développement de ce produit [163] .

[218] Selon Mme Devoni et M. Rehman, l’efficacité a limité la capacité d’Algoma à produire des tôles de cette nuance par le passé [164] . Mme Devoni soutient qu’Algoma a un plan ferme pour produire ces tôles de manière plus efficace à l’avenir [165] .

[219] ILG réplique qu’il n’est pas clair qu’Algoma a modifié son procédé de production depuis qu’une exclusion a été accordée dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1 et que ces modifications lui permettraient de fabriquer les produits demandés.

[220] ILG n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle Algoma ne peut pas fabriquer ce produit et s’est appuyée exclusivement sur le fait qu’une exclusion a été accordée à l’égard de ce produit dans le cadre de l’enquête de sauvegarde GC-2018-001-E1. Par conséquent, aucune des parties ne conteste l’affirmation de Mme Devoni et de M. Rehman selon laquelle Algoma est maintenant en mesure de fabriquer ce produit et travaille actuellement à l’amélioration de sa capacité afin de fabriquer ce produit de manière plus efficace. Aux fins de la présente affaire, le Tribunal est prêt à reconnaître qu’Algoma est en mesure de fabriquer ce produit et qu’elle a un plan pour commencer à le fournir, et que l’octroi de cette exclusion causerait un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, cette demande d’exclusion est rejetée.

Demandes de SMIC

[221] SMIC a demandé l’exclusion des produits suivants :

  • Tôles d’acier laminées à chaud d’une épaisseur supérieure à 1,25 pouce répondant aux spécifications énoncées ci-dessous dont la teneur garantie en silicone se situe entre 0,15 p. 100 et 0,22 p. 100 :

  • - Tôles à quadruple certification répondant aux spécifications ASTM A36, ASME SA36, CSA G40.21 de nuance 38W et CSA G40.21 de nuance 44W, ou à des spécifications de mesures équivalentes.

  • - Tôles à double certification répondant aux spécifications ASTM A572 de nuance 50 et CSA G40.21 de nuance 50W, ou à des spécifications de mesures équivalentes.

  • - Tôles à double certification répondant aux spécifications ASTM A572 de nuance 50 et CSA G40.21 de nuance 50WT de catégorie 4, ou à des spécifications de mesures équivalentes [166] .

  • Tôles d’acier laminées à chaud répondant à la spécification ASME SA-516 de nuance 70N qui sont normalisées et qui ont été dégazées sous vide en fusion dont la teneur en vanadium et en niobium correspond aux mesures suivantes pour utilisation ou utilisation possible en milieu corrosif :

- Teneur en niobium inférieure ou égale à 0,015 p. 100 et en vanadium inférieure ou égale à 0,015 p. 100.

- Teneur en niobium et en vanadium inférieure ou égale à 0,02 p. 100 [167] .

[Traduction]

[222] Algoma ne possède pas l’équipement nécessaire pour dégazer sous vide les tôles qu’elle fabrique et importe des brames pour produire des tôles dégazées sous vide, c’est-à-dire toutes les tôles qui doivent répondre à des exigences restrictives en ce qui concerne la composition chimique comme ce type de tôles [168] . Algoma soutient qu’elle est donc capable de fabriquer ces produits sur demande en important des brames qui ont la composition chimique requise.

[223] ILG et SMIC doutent de la sécurité et de la fiabilité de l’approvisionnement en brames d’Algoma. Toutefois, Algoma soutient que sa source d’approvisionnement en brames est fiable [169] , et ILG et SMIC n’ont déposé aucun élément de preuve indiquant que l’approvisionnement en brames d’Algoma a déjà posé problème par le passé.

[224] En ce qui concerne la demande concernant les tôles dont la teneur garantie en silicone se situe entre 0,15 p. 100 et 0,22 p. 100, SMIC prétend qu’Algoma ne peut pas garantir la teneur en silicone maximale des tôles d’une épaisseur supérieure à 1,25 pouce et a présenté des éléments de preuve qui démontrent qu’Algoma n’a récemment pas été en mesure de fournir des tôles ayant cette composition chimique [170] . SMIC soutient en outre que son client n’exige pas que les tôles qui lui sont fournies soient « normalisées » [traduction], ce qui est le produit offert par Algoma. SMIC affirme qu’Algoma ne peut répondre à cette spécification qu’en fournissant des tôles normalisées, alors que d’autres aciéries sont capables d’y répondre sans soumettre leurs produits à un procédé de normalisation [171] .

[225] Algoma répond que, comme il a été mentionné précédemment, SMIC lui a récemment commandé ce type de tôles. Algoma présente également des éléments de preuve qui confirment qu’elle est capable de produire des tôles dont la teneur en silicone se situe entre 0,15 p. 100 et 0,22 p. 100. Algoma a d’ailleurs confirmé à SMIC qu’elle est en mesure de répondre à cette spécification [172] . Algoma semble laisser entendre qu’une erreur d’interprétation s’est produite en ce qui concerne la communication entre son représentant et SMIC au sujet de la teneur maximale en silicone des tôles offertes par Algoma.

[226] En réponse, SMIC répète que son client n’exige pas que les tôles qui lui sont fournies soient normalisées et qu’Algoma n’est pas en mesure de fabriquer le produit demandé par son client.

[227] Le 12 janvier 2021, Algoma a déposé des éléments de preuve supplémentaires qui indiquent que l’entreprise a, à une reprise, vendu des tôles de diverses dimensions dont la teneur en silicone se situait entre 0,15 p. 100 et 0,22 p. 100, répondant ainsi à la spécification établie [173] .

[228] Compte tenu des éléments de preuve présentés par Algoma, le Tribunal reconnaît, aux fins de la présente affaire, qu’Algoma peut fabriquer des tôles qui répondent aux spécifications prescrites et qu’elle a vendu ce type de produits à un client à au moins une reprise. Par conséquent, le Tribunal conclut que d’accorder cette demande d’exclusion causerait un dommage à la branche de production nationale.

[229] En ce qui a trait à la demande concernant les tôles ayant une faible teneur en niobium et en vanadium, SMIC affirme qu’Algoma n’offre pas ce type de produits et soutient que les utilisateurs du secteur pétrolier et gazier exigent des produits ayant cette composition chimique [174] .

[230] Algoma réplique qu’elle n’a jamais reçu de demande pour ce type de produits et qu’il lui suffirait d’acheter une quantité suffisante de brames ayant la composition chimique requise pour répondre à une telle demande. M. Rehman soutient qu’Algoma pourrait se procurer les brames dont elle a besoin auprès de son fournisseur [175] .

[231] Le Tribunal fait remarquer que SMIC n’a présenté aucun élément de preuve indiquant qu’elle a tenté d’acheter ce type de tôles auprès d’Algoma, alors qu’elle soutient que ce produit n’était pas disponible sur le marché canadien, ce qui est compatible avec l’argument d’Algoma selon lequel elle n’a jamais reçu de demande pour ce type de produits.

[232] Aux fins de la présente affaire, le Tribunal est prêt à accueillir l’argument d’Algoma selon lequel elle est en mesure de fabriquer ce produit à partir de brames importées. Par conséquent, le Tribunal conclut que d’accorder cette demande d’exclusion causerait un dommage à la branche de production nationale.

[233] Le Tribunal fait observer qu’il rejette bon nombre des demandes d’exclusion présentées en s’appuyant sur les observations et les attentes d’Algoma en ce qui a trait à sa capacité actuelle ou à moyen terme de fabriquer un produit fiable qui s’inscrit dans la portée des demandes d’exclusion et qui répond aux spécifications des clients. Les éléments de preuve déposés par Algoma à cet égard concernent, dans une certaine mesure, une production future qui est fondée sur les prévisions et les attentes actuelles de l’entreprise. Si ces prévisions et ces attentes ne se concrétisent pas, les circonstances pourraient alors être différentes et il pourrait être justifié de réexaminer les présentes conclusions en procédant à un réexamen intermédiaire.

CONCLUSION

[234] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage à la branche de production nationale.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

 



[1] L’enquête est menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[2] Tôles fortes (27 juillet 2020), PI-2020-001 (TCCE) [Tôles fortes PI].

[3] Pièce NQ-2020-001-01 à la p. 10.

[4] L’avis a été publié sur le site Web du Tribunal et dans la Gazette du Canada (voir Gaz. C. 2020.I.43).

[5] À ce moment, les marchandises en cause comprenaient des marchandises provenant du Taipei chinois, de l’Allemagne et de la Turquie.

[6] Pièce NQ-2020-001-06B aux p. 9-13.

[7] Pièce NQ-2020-001-06; pièce NQ-2020-001-07 (protégée).

[8] Pièce NQ-2020-001-06A; pièce NQ-2020-001-06B; pièce NQ-2020-001-07A (protégée); pièce NQ‑2020-001-07B (protégée).

[9] Le 15 décembre 2020, Marmen a déposé des observations à l’encontre de conclusions de dommage ou de menace de dommage à l’égard des marchandises en cause. Voir pièce NQ-2020-001-N-01 et pièce NQ-2020-001-N-02 (protégée). Le 21 décembre 2020, Marmen a déposé un avis de participation et a donné les raisons de son dépôt tardif. Le 22 décembre 2020, le Tribunal a accordé à Marmen le statut de partie à la présente enquête.

[10] Bien que ces demandes aient été déposées à titre d’avis de questions soulevées, le Tribunal fait observer que les deux demandes avaient pour but de verser des éléments de preuve additionnels au dossier au motif qu’ils n’avaient pas été disponibles préalablement et le Tribunal a fait droit à ces demandes.

[11] Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié (Ordonnance en date du 19 janvier 2016), NQ‑2015‑002 (TCCE) au par. 27.

[12] Ibid. aux par. 24-27 et à la note de bas de page 14, invoquant Canadian National Ry. Co. c. Bell Telephone Co. of Canada, [1939] R.C.S. 308, 1939 CanLII 34 (CSC).

[13] Avis de pratiques du Tribunal canadien du commerce extérieur – Gestion efficace des causes, annexe 1 au par. 2.

[14] Paragraphe 24.1(3) des Règles. Le Tribunal fait remarquer que ces considérations concordent avec la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale concernant la recevabilité de la preuve présentée en réplique. Voir Amgen Canada Inc. c. Apotex Inc., 2016 CAF 121 (CanLII).

[15] Pièce NQ-2020-001-04A aux p. 10, 21.

[16] Ibid. à la p. 11.

[17] Pièce NQ-2020-001-01A à la p. 4.

[18] Pièce NQ-2020-001-04A à la p. 15.

[19] Ibid. à la p. 10.

[20] Pièce NQ-2020-001-04B à la p. 8.

[21] Le Tribunal déterminera l’effet du dumping des marchandises en cause sur la branche de production nationale pour chacun des pays ou pour les pays cumulés, le cas échéant.

[22] Le dommage et la menace de dommage sont des conclusions distinctes; le Tribunal n’est pas tenu de rendre de conclusions à propos de la menace de dommage aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI à moins qu’il n’ait préalablement conclu qu’il n’y a pas de dommage.

[23] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « retard » comme « [l]e retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale ».

[24] Si le Tribunal détermine que la présente enquête vise plus d’une catégorie de marchandise, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[25] Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) [Raccords de tuyauterie en cuivre] au par. 48.

[26] Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 115; voir aussi Panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) à la p. 10.

[27] Tôles fortes PI aux par. 43-45.

[28] Ibid. au par. 44.

[29] Pièce NQ-2020-001-H-03 aux par. 28-31.

[30] Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (20 mai 2014), NQ-2013-005 (TCCE) [Tôles VII Enquête] au par. 48.

[31] Ibid.

[32] Le Tribunal a déjà conclu qu’il convient de régler de telles questions dans le cadre du processus d’exclusion de produits, à la condition que la branche de production nationale produise essentiellement la même gamme de produits de tôles que les marchandises en cause : Tôles VII Enquête au par. 38 et à la note de bas de page 22.

[33] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 9.

[34] Ibid., tableau 7.

[35] Pièce NQ-2020-001-12.20A aux p. 7-8; pièce NQ-2010-001-12.14A à la p. 8; pièce NQ-2020-001-12.15 à la p. 9.

[36] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 7; pièce NQ-2020-001-11A à la p. 10; pièce NQ-2020-001-A-05 aux par. 5-7.

[37] Pièce NQ-2020-001-A-05 aux par. 9-17; pièce NQ-2020-001-A-06 (protégée) à la pièce jointe 1; Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (6 janvier 2016), NQ-2015-001 (TCCE) [Tôles VIII] au par. 37; Tôles VII Enquête au par. 39; pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 45-48.

[38] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 12.

[39] Ibid.

[40] Ibid.

[41] Pièce NQ-2020-001-A-05 au par. 6.

[42] L’expression « proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité : Japan Electrical Manufacturers Association c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] 2 C.F. 652 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.); rapport du groupe spécial, Chine – Automobiles (É‑U), WT/DS440/R, au par. 7.207; rapport de l’Organe d’appel, CE – Éléments de fixation (Chine), WT/DS397/AB/R, aux par. 411, 412, 419; rapport du groupe spécial, Argentine – Viande de volaille (Brésil), WT/DS241/R, au par. 7.341.

[43] Dans sa réponse au questionnaire à l’intention des producteurs, Tidy Steel Fab Ltd. affirme qu’elle ne produit pas de marchandises correspondant à la définition du produit. (Pièce NQ-2020-001-9.01). Puisque la réponse de Varsteel LTD. au questionnaire était incomplète, ses données n’ont pas servi au rapport d’enquête. Les éléments de preuve indiquent que Varsteel LTD. ne compte que pour une proportion infime de la production nationale de marchandises similaires. Étant donné la quantité de données obtenue, malgré ces contraintes, les données quantitatives et qualitatives obtenues des producteurs nationaux sont représentatives et fournissent un portrait juste quant à la proportion majeure de la branche de production nationale.

[44] Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (10 novembre 2020), RR-2019-004 (TCCE) au par. 28; Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (13 mars 2020), RR-2019-001 (TCCE) [Tôles VII Réexamen] au par. 31; Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (9 août 2018), RR‑2017‑004 (TCCE) au par. 33; Tôles VIII au par. 51.

[45] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 16; pièce NQ-2020-001-10.06 (protégée) à la p. 6.

[46] Pièce NQ-2020-001-04A à la p. 21.

[47] Selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la LMSI, le terme « négligeable » est un « [q]ualificatif applicable au volume des marchandises de même description, provenant d’un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada; exceptionnellement, n’est pas négligeable l’ensemble des marchandises de même description dédouanées au Canada — provenant d’au moins trois pays exportant chacun au Canada un volume négligeable de marchandises — qui représente un volume de plus de sept pour cent de cette totalité. »

[48] Barres d’armature pour béton (9 janvier 2015), NQ-2014-001 (TCCE) au par. 92; Tôles VIII au par. 84; Tubes en cuivre circulaires (18 décembre 2013), NQ-2013-004 (TCCE) à la note de bas de page 41; Tôles VII Enquête au par. 64; Raccords de tuyauterie en cuivre au par. 71. Cette façon de procéder est également conforme à la notification du Canada au Comité des pratiques antidumping de l’OMC selon laquelle il utilise habituellement la période d’enquête de l’ASFC pour faire cette détermination. Voir Comité des pratiques antidumping, Notification concernant la période utilisée pour déterminer si le volume des importations est négligeable au titre de l’Article 5.8 de l’Accord, G/ADP/N/100/CAN. Voir aussi Comité des pratiques antidumping, Recommandation concernant la période à prendre en considération pour déterminer si le volume des importations est négligeable aux fins de l’article 5.8 de l’Accord, G/ADP/10.

[49] Pièce NQ-2020-001-04A à la p. 21; pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 15.

[50] Feuilles d’acier résistant à la corrosion (21 février 2019), NQ-2018-004 (TCCE) au par. 45.

[51] Pièce NQ-2020-001-06B, tableaux 8, 9, 11.

[52] Pièce NQ-2020-001-23.02 à la p. 9; pièce NQ-2020-001-13.11 à la p. 1; pièce NQ-2020-001-06B, tableau 7.

[53] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 5; pièce NQ-2020-001-A-05 au par. 6.

[54] Pièce NQ-2020-001-18.04B à la p. 10; pièce NQ-2020-001-11A à la p. 10; pièce NQ-2020-001-18.12A à la p. 10; pièce NQ-2020-001-A-05 aux par. 5-6.

[55] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 33-36, 45-48.

[56] DORS/84-927 [Règlement].

[57] Pièce NQ-2020-001-A-01 à la pièce jointe 87.

[58] Avis des douanes 18-08: Surtaxes imposées sur certains produits originaires des États-Unis, en ligne : <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/publications/cn-ad/cn18-08-fra.html>.

[59] En ligne : https://www.canada.ca/fr/affaires-mondiales/nouvelles/2019/05/declaration-conjointe-du-canada-et-des-etats-unis-concernant-lapplication-de-droits-sur-lacier-et-laluminium-au-titre-de-larticle232.html.

[60] Enquête de sauvegarde sur l’importation de certains produits de l’acier (3 avril 2019), GC-2018-001 (TCCE) [Certains produits de l’acier].

[61] Décret imposant une surtaxe sur l’importation de certains produits de l’acier, DORS/2018-206, Gaz. C.2018.II.3724.

[62] Pièce NQ-2020-001-A-01 aux pièces jointes 4, 5, 94, 95.

[63] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 18.

[64] Les données ont été calculées au moyen des données de l’année 2019 entière et de la période intermédiaire de 2019; pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 17.

[65] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 18.

[66] Ibid., tableau 20.

[67] Ibid., tableau 22.

[68] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 19.

[69] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 18.

[70] Pièce NQ-2020-001-A-05 au par. 56.

[71] Tôles VII réexamen au par. 120.

[72] Pièce NQ-2020-001-A-03 au par. 46 et à la pièce jointe 5.

[73] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 39.

[74] Ibid., tableaux 37, 39.

[75] Ibid., tableau 41.

[76] Ibid., tableau 43.

[77] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 51. Le produit de référence 4 représente une sous-catégorie du produit de référence 3; ainsi, toutes les ventes associées au produit de référence 4 sont comprises dans les comparaisons associées au produit de référence 3.

[78] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 52.

[79] Ibid., tableaux 55-58.

[80] Ibid., tableau 39.

[81] Ibid., tableaux 41, 43.

[82] Tôles VII réexamen au par. 134.

[83] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 39, 41.

[84] Voir Certains produits de l’acier.

[85] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 39; pièce NQ-2020-001-06B, tableau 40. Les données ont été calculées au moyen des données de l’année 2019 entière et de la période intermédiaire de 2019; pièce NQ‑2020‑001-07B (protégée), tableau 39.

[86] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 41, 43.

[87] Pièce NQ-2020-001-F-01 au par. 17.

[88] Pièce NQ-2020-001-A-05 au par. 41.

[89] Ibid. aux par. 26-27, 30-31, 43.

[90] Pièce NQ-2020-001-A-03 au par. 50; pièce NQ-2020-001-A-05 aux par. 43, 45.

[91] Pièce NQ-2020-001-G-01 aux par. 38-39.

[92] Pièce NQ-2020-001-A-04 (protégée) à la pièce jointe 4.

[93] Les facteurs et les indices économiques comprennent (i) tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l’utilisation de la capacité de la branche de production, (ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement, (ii.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci.

[94] Aux termes de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit examiner si des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause ont causé un dommage. Les facteurs prescrits à cet égard sont (i) le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées, (ii) la contraction de la demande pour les marchandises ou pour des marchandises similaires, (iii) tout changement des habitudes de consommation des marchandises ou des marchandises similaires, (iv) les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la concurrence qu’ils se livrent, (v) les progrès technologiques, (vi) le rendement à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale à l’égard de marchandises similaires, et (vii) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

[95] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 22.

[96] Ibid.

[97] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 23.

[98] Ibid.

[99] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 59. Puisqu’un seul producteur national est responsable de la majorité de la production nationale, une discussion approfondie des résultats financiers consolidés de la branche de production nationale pourrait dévoiler des renseignements confidentiels appartenant à la partie dont il est question.

[100] Les données de la deuxième moitié de 2019 ont été calculées au moyen des données de l’année 2019 au complet et de la période intermédiaire de 2019, qui se trouvent à la pièce NQ‑2020-001-07B (protégée), tableau 59.

[101] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 59, 60.

[102] Pièce NQ-2020-001-06B, tableau 63; pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableau 62.

[103] Pièce NQ-2020-001-C-03 au par. 20.

[104] Pièce NQ-2020-001-C-01 aux par. 11-14.

[105] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 62, 67; pièce NQ-2020-001-06B, tableau 63.

[106] Tôles VIII au par. 146.

[107] Pièce NQ-2020-001-B-01 à la p. 2.

[108] Pièce NQ-2020-001-07B (protégée), tableaux 57, 58.

[109] Pièce NQ-2020-001-12.17 à la p. 8.

[110] Pièce NQ-2020-001-A-15 aux p. 1-2.

[111] Pièce NQ-2020-001-N-01 aux p. 2, 3; Transcription de l’audience publique aux p. 78, 82.

[112] Réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses (1 août 2000), NQ-2000-001 (TCCE) à la p. 27.

[113] Tôles VII Enquête au par. 180; Silicium métal (19 novembre 2013), NQ-2013-003 (TCCE) au par. 111.

[114] Dans Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud (27 octobre 1997), NQ-97-001 (TCCE) à la p. 15, le Tribunal a suggéré que le concept de caractère sensible peut comporter à la fois une dimension temporelle et une dimension quantitative, indiquant ce qui suit : « [c]ependant, le Tribunal est d’avis que, jusqu’à présent, la durée et la portée du dommage subi par la branche de production n’ont pas atteint un point tel qu’il puisse être qualifié de “dommage sensible” au sens de la LMSI » [nos italiques]. Le Tribunal observe en outre que bien que chaque cause dépende de ses propres faits, le Tribunal fait remarquer qu’il est plus probable que les éléments de preuve relatifs au passé récent soient pertinents pour établir l’existence d’un lien de causalité actuel entre le dumping et le dommage et pour justifier l’imposition de droits antidumping. Voir par exemple, Rapport du Groupe spécial, Mexique – Tubes et tuyaux en acier (Guatemala), WT/DS331/R, aux par. 7.227-7.228; Rapport de l’Organe d’appel, Mexique – Bœuf et riz, WT/DS295/AB/R, aux par. 165-166.)

[115] La période d’enquête de l’ASFC était du 1er mars 2019 au 29 février 2020.

[116] Bien que la durée du dommage ne représente qu’une partie de la période visée par l’enquête, le Tribunal conclut que ce fait n’enlève rien au caractère sensible du dommage subi par la branche de production nationale, lequel peut certainement être considéré comme sensible compte tenu de certaines de ses conclusions antérieures. Le Tribunal a déjà confirmé qu’un dommage s’étendant sur une telle période, même une période moins longue, peut effectivement être sensible. (Voir Feuilles d’acier résistant à la corrosion (16 novembre 2020), NQ-2019-002 (TCCE) au par. 145; Acier laminé à froid (21 décembre 2018), NQ-2018-002 (TCCE) au par. 99; Tiges de pompage (14 décembre 2018), NQ‑2018-001 (TCCE) au par. 151; Barres d’armature pour béton (3 mai 2017), NQ-2016-003 (TCCE) [Barres d’armature pour béton] aux par. 185‑188 et à la note de bas de page 182. De plus, le dommage était plus fréquent au cours de la deuxième moitié de 2019, période qui coïncide partiellement avec la période visée par l’enquête de l’ASFC, au cours de laquelle des volumes importants de marchandises importées sous‑évaluées entraient dans le marché intérieur.

[117] Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping, [1978] 2 C.F. 507 (CAF); Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping (1985) 9 C.E.R. 210 (CAF); Groupe spécial binational, Moteurs à induction originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique (préjudice) (11 septembre 1991), CDA-90-1904-01; Groupe spécial binational, Certaines tôles d’acier laminées à froid originaires ou exportées des États-Unis d’Amérique (préjudice) (13 juillet 1994), CDA931904-09.

[118] Voir par exemple Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 339; Fils en acier inoxydable (30 juillet 2004), NQ-2004-001 (TCCE) au par. 96.

[119] Certaines pièces d’attache (6 janvier 2010), RR-2009-001 (TCCE) [Pièces d’attache] au par. 245.

[120] Voir, par exemple, Barres d’armature pour béton (12 janvier 2000), NQ-99-002 (TCCE) à la p. 26, ou le Tribunal a indiqué « qu’il n’y a aucune exigence dans la LMSI voulant que la branche de production réponde à la totalité des besoins du marché. »

[121] Vis en acier au carbone (2 septembre 2020), RR-2019-002 (TCCE) au par. 239.

[122] Tôles VII Enquête au par. 222.

[123] (29 mars 2016), NQ-2015-002 (TCCE) [Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié].

[124] Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié au par. 209.

[125] Certains produits de l’acier (15 juillet 2019), GC-2018-001-E1 (TCCE) [GC-2018-001-E1].

[126] Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié au par. 215.

[127] Pièces d’attache au par. 243.

[128] Extrusions d’aluminium au par. 192. De manière générale, le Tribunal rejette les demandes d’exclusion de produits lorsqu’il y a un manque d’éléments de preuve convaincants, propres à la cause, sur les effets non dommageables probables des importations des produits particuliers visés par la définition des marchandises en question à l’appui des allégations du demandeur. En effet, le défaut de fournir des renseignements suffisants empêche les parties qui s’opposent à la demande de fournir des réponses adéquates et met le Tribunal dans la position où il ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure que l’importation des produits visés par la demande d’exclusion ne causera vraisemblablement pas de dommage à la branche de production nationale.

[129] Les exclusions demandées pourraient être accordées si les producteurs nationaux omettent de déposer des éléments de preuve pour réfuter la preuve du demandeur. Quoi qu’il en soit, tout comme sa décision à l’égard de la question de savoir si le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale, la décision du Tribunal à l’égard des demandes d’exclusion doit être fondée sur des éléments de preuve convaincants, sans égard à la partie les ayant déposés.

[130] Barres d’armature pour béton au par. 206.

[131] Pièce NQ-2020-001-A-01 au par. 78; pièce NQ-2020-001-A-06 (protégée) aux par. 66, 68, 69 et pièces jointes 2, 3, 11.

[132] Pièce NQ-2020-001-24.01 aux p. 72-73.

[133] Ceci est la demande formulée par ILG et SMIC. L’exclusion demandée par l’APVMA, et à laquelle Algoma a consenti, était la même, sauf pour la teneur minimale en phosphore inférieure ou égale 0.012 p. 100. Étant donné que 0.017 p. 100 est supérieur à 0.012 p. 100, le libellé de cette exclusion englobe aussi l’exclusion demandée par l’APVMA.

[134] Ceci est la demande formulée par l’APVMA. L’exclusion demandée par ILG et SMIC, et à laquelle Algoma a consenti, était l’exclusion de tôles dont l’épaisseur est supérieure ou égale 3.5 pouces, mais puisque 3.28 pouces est inférieur à 3.5 pouces, le libellé de cette exclusion englobe aussi l’exclusion demandée par ILG et SMIC.

[135] Pièce NQ-2020-001-22.02 à la p.3.

[136] Pièce NQ-2020-001-24.01 aux pièces jointes 12, 13; pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) aux pièces jointes 11-14.

[137] Pièce NQ-2020-001-26.01 aux p. 7-8; pièce NQ-2020-001-27.01 aux p. 7-8.

[138] Pièce NQ-2020-001-24.01D; pièce NQ-2020-001-26.01A.

[139] Pièce NQ-2020-001-27.01 (protégée) aux p. 7-8.

[140] Pièce NQ-2020-001-E-02 (protégée).

[141] Pièce NQ-2020-001-22.01 aux p. 28-29.

[142] Pièce NQ-2020-001-22.03 à la p.2; pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 31.

[143] Pièce NQ-2020-001-24.01 aux p. 73, 81; pièce NQ-2020-001-A-13 à la p. 8.

[144] Pièce NQ-2020-001-23.01 (protégée) à la pièce jointe 11.

[145] Pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) aux p. 28-30; pièce NQ-2020-001-25.01B (protégée) à la p. 3.

[146] Pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) aux pièces jointes 17, 18.

[147] Pièce NQ-2020-001-24.01 à la p. 79.

[148] Ibid.; pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) à la pièce jointe 22.

[149] Pièce NQ-2020-001-A-13 à la p. 6.

[150] Ibid. aux p. 7-8.

[151] Ibid. à la p. 8.

[152] Pièce NQ-2020-001-22.03 à la p. 21; pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 46.

[153] Pièce NQ-2020-001-22.03 à la p. 26; pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 51.

[154] Pièce NQ-2020-001-22.03 à la p. 31; pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 11.

[155] Pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) à la pièce jointe 3.

[156] Pièce NQ-2020-001-24.01 à la pièce jointe 10.

[157] Ibid. aux p. 76, 77; pièce NQ-2020-001-25.01A (protégée) à la p. 3.

[158] Pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) aux pièces jointes 6-8, 19-21.

[159] Pièce NQ-2020-001-22.03 à la p. 17.

[160] Pièce NQ-2020-001-24.01 à la p. 116.

[161] Ibid. à la pièce jointe 12; pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) à la pièce jointe 14.

[162] Pièce NQ-2020-001-24.01 à la pièce jointe 10; pièce NQ-2020-001-A-14 (protégée) à la pièce jointe 3.

[163] Pièce NQ-2020-001-A-13 à la p. 9.

[164] Pièce NQ-2020-001-24.01 aux p. 77, 116.

[165] Ibid. à la p. 77.

[166] Pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 2.

[167] Ibid. à la p. 24.

[168] Pièce NQ-2020-001-24.01 aux p. 75, 115; pièce A-03 au par. 9.

[169] Pièce NQ-2020-001-A-12 (protégée) aux par. 6-7.

[170] Pièce NQ-2020-001-23.04 (protégée) aux p. 9-59; pièce NQ-2020-001-23.04A (protégée) aux p. 5-14.

[171] Pièce NQ-2020-001-26.02 à la p. 34.

[172] Pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) aux pièces jointes 1, 2.

[173] Pièce NQ-2020-001-25.01B (protégée) à la pièce jointe 2.

[174] Pièce NQ-2020-001-22.04 à la p. 25; pièce NQ-2020-001-23.04 (protégée) aux p. 69-74.

[175] Pièce NQ-2020-001-24.01 à la p. 115; pièce NQ-2020-001-25.01 (protégée) à la p. 191 et à la pièce jointe 4.

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