Enquêtes de dommage antidumping

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Enquête no NQ-2020-004

Barres d’armature pour béton

Conclusions rendues
le vendredi 4 juin 2021

Motifs rendus
le lundi 21 juin 2021

 



EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant :

BARRES D’ARMATURE POUR BÉTON

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), afin de déterminer si le dumping de barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et les produits de barres d’armature fabriqués, originaires ou exportées de la République algérienne démocratique et populaire, de la République arabe d’Égypte, de la République d’Indonésie, de la République italienne, de la Malaisie, de la République de Singapour et de la République socialiste du Vietnam, a causé un dommage ou un retard, ou menace de causer un dommage, selon la définition de ces termes dans la LMSI. La définition de produit exclut en outre « les armatures d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs de 1 pied (30,48 cm) jusques et y compris 8 pieds (243,84 cm) ».

À la suite de l’enquête du Tribunal et d’une décision définitive rendue le 5 mai 2021 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, selon laquelle les marchandises susmentionnées ont fait l’objet de dumping, le Tribunal conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dit dumping a causé un dommage à la branche de production nationale.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Date de l’audience :

le 7 mai 2021

Membres du Tribunal :

Peter Burn, membre présidant
Georges Bujold, membre
Frédéric Seppey, membre

Personnel de soutien :

Alain Xatruch, conseiller juridique principal
Jessye Kilburn, conseillère juridique
Gayatri Shankarraman, analyste principale
Grant MacDougall, analyste
Rebecca Campbell, analyste
Rhonda Heintzman, analyste
Marie-Josée Monette, conseillère, Services de données
Arthur Grenon, conseiller, Services de données

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

AltaSteel Inc.

Benjamin P. Bedard
Linden Dales
Shannel J. Rajan
Greg Landry
Manon Carpentier

ArcelorMittal Long Products Canada, G.P.

Paul Conlin
Anne-Marie Oatway
Lydia Blois
Meagan Brae Vestby
Shannon L. McSheffrey

Gerdau Ameristeel Corporation

Christopher J. Kent
Gerry Stobo
Christopher J. Cochlin
Andrew M. Lanouette
Marc McLaren-Caux
Michael Milne
Susana May Yon Lee
Andrew Paterson
E. Melisa Celebican
Jordan Lebold
Alexander Hobbs
Cynthia Wallace

Max Aicher (North America) Limited

Jonathan O’Hara
Lisa Page
Chris Scheitterlein
Shahnaz Dhanani
William Wu
Thomas van den Hoogen

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Al Ezz Dekheila Steel Company – Alexandria
NatSteel Holdings Pte Ltd.

Greg Somers

Délégation de l’Union européenne au Canada

Maud Labat

Hoa Phat Dung Quat Steel Joint Stock Company
Hoa Phat Group Joint Stock Company

Peter Clark
Barry Desormeaux

Ministère du Commerce de la République d’Indonésie

Mme Pradnyawati

Syndicat des Métallos

Craig Logie
Christopher Somerville
Jacob Millar

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Le mandat du Tribunal canadien du commerce extérieur dans la présente enquête menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] est de déterminer si le dumping de certaines barres d’armature pour béton, souvent identifiées comme armature, originaires ou exportées de la République algérienne démocratique et populaire (Algérie), de la République arabe d’Égypte (Égypte), de la République d’Indonésie (Indonésie), de la République italienne (Italie), de la Malaisie, de la République de Singapour (Singapour) et de la République socialiste du Vietnam (Vietnam) (les marchandises en cause) a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[2] Le Tribunal a déterminé, pour les motifs qui suivent, que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage à la branche de production nationale.

CONTEXTE

[3] La présente enquête découle d’une plainte déposée auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 4 août 2020 par AltaSteel Inc. (AltaSteel), ArcelorMittal Long Products Canada, G.P. (AMPLC) et Gerdau Ameristeel Corporation (Gerdau) (collectivement, les parties plaignantes) et de la décision subséquente rendue par l’ASFC le 22 septembre 2020 d’ouvrir une enquête sur le présumé dumping des marchandises en cause.

[4] Le 23 septembre 2020, à la suite de la décision de l’ASFC d’ouvrir l’enquête, le Tribunal a amorcé une enquête préliminaire de dommage aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI. Le 23 novembre 2020, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale [2] .

[5] Le 4 février 2021, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping concernant les marchandises en cause [3] . Elle a aussi estimé que l’imposition de droits provisoires était nécessaire pour empêcher qu’un dommage ne soit causé [4] . Le Tribunal a commencé la présente enquête le 5 février 2021 [5] .

[6] La période visée par l’enquête du Tribunal portait sur trois années complètes, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, ainsi que sur deux périodes intermédiaires, soit du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2019 (période intermédiaire de 2019) et du 1er janvier 2020 au 30 septembre 2020 (période intermédiaire de 2020) [6] .

[7] Dans le cadre de son enquête, le Tribunal a demandé à un certain nombre de producteurs nationaux, d’importateurs, d’acheteurs ainsi que de producteurs étrangers de barres d’armature de répondre à des questionnaires. Le Tribunal a reçu 5 réponses de producteurs nationaux de marchandises qui correspondent à la définition du produit, 13 réponses d’importateurs des marchandises en cause ou de marchandises qui correspondent à la définition du produit, ainsi que 11 réponses d’acheteurs et 4 réponses de producteurs étrangers de telles marchandises.

[8] En se fondant sur les réponses aux questionnaires et les autres renseignements figurant au dossier, le personnel du Secrétariat du Tribunal a préparé des versions publique et protégée du rapport d’enquête, lesquelles ont été publiées le 26 mars 2021 [7] . Les deux versions du rapport d’enquête ont fait l’objet d’un certain nombre de révisions, et des rapports entièrement révisés ont été publiés le 29 avril 2021. D’autres modifications ont été apportées le 4 mai 2021.

[9] Le 6 avril 2021, AltaSteel et AMPLC ont déposé auprès du Tribunal diverses demandes d’information destinées à Al Ezz Dekheila Steel Company – Alexandria (EZDK), à NatSteel Holdings Pte Ltd. (NatSteel), à Hoa Phat Dung Quat Steel Joint Stock Company et à Hoa Phat Group Joint Stock Company (collectivement, Hoa Phat), ainsi qu’à deux importateurs de marchandises en cause qui ne participaient pas à l’enquête. EZDK, NatSteel et Hoa Phat ne se sont pas opposées aux demandes d’information qui leur étaient adressées et ont fourni l’information demandée avant que le Tribunal puisse rendre une décision. Le 14 avril 2021, après avoir examiné les demandes d’information et pris en compte le raisonnement qui les sous‑tend ainsi que les renseignements figurant au dossier, le Tribunal a jugé que les deux importateurs n’avaient pas à répondre aux demandes d’information qui leur étaient adressées.

[10] Le 7 avril 2021, AltaSteel, AMPLC, Gerdau, Max Aicher North America Limited (MANA) et le Syndicat des Métallos [8] ont déposé des mémoires, des déclarations de témoins et d’autres éléments de preuve à l’appui de conclusions de dommage ou de menace de dommage à l’égard des marchandises en cause. Le 14 avril 2021, EZDK, NatSteel et Hoa Phat ont quant à elles déposé des mémoires, une déclaration de témoin et d’autres éléments de preuve en opposition à des conclusions de dommage ou de menace de dommage [9] . AltaSteel, AMPLC, Gerdau et MANA ont déposé des mémoires en réponse et des éléments de preuve supplémentaires le 21 avril 2021.

[11] Le 9 avril 2021, le Tribunal a transmis des directives concernant le déroulement de l’audience, qui, en raison des restrictions en matière de santé publique attribuables à la pandémie de COVID‑19, serait tenue sur la foi des pièces versées au dossier, à l’exception des plaidoiries finales des parties, qui seraient entendues par vidéoconférence. Conformément aux directives du Tribunal, les parties avaient la possibilité de proposer des questions écrites destinées à d’autres parties. Elles avaient aussi l’occasion de manifester leur opposition à l’égard de ces questions et de présenter des réponses relativement à toute opposition soulevée.

[12] Le 23 avril 2021, le Tribunal a reçu des questions proposées par Hoa Phat à l’intention de AMPLC et de Gerdau. AMPLC s’est opposée aux questions, mais pas Gerdau. Hoa Phat a présenté des réponses relativement à l’opposition soulevée par AMPLC. Le 29 avril 2021, après avoir examiné les questions proposées et avoir tenu compte des oppositions et des réponses, le Tribunal a ordonné à AMPLC et à Gerdau de répondre aux questions. Le Tribunal a reçu les réponses écrites le 4 mai 2021.

[13] Le 7 mai 2021, le Tribunal a entendu les plaidoiries finales des parties concernant les questions de dommage et de menace de dommage dans le cadre d’une vidéoconférence publique.

[14] Le Tribunal a rendu ses conclusions le 4 juin 2021.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DE L’ASFC

Pays et exportateur

Marge de dumping
(% du prix à l’exportation)

Algérie

4,8

Spa Tosyali Iron Steel Industry Algerie

4,8

Égypte

23,1

Tous les exportateurs

23,1

Indonésie

3,3

PT Putra Baja Deli

3,3

Italie

23,1

Tous les exportateurs

23,1

Malaisie

23,1

Tous les exportateurs

23,1

Singapour

23,1

Tous les exportateurs

23,1

Vietnam

10,5

Hoa Phat Dung Quat Steel Joint Stock Company

10,5

[15] Le 5 mai 2021, aux termes de l’alinéa 41(1)b) de la LMSI, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping à l’égard des marchandises en cause [10] . La période visée par l’enquête de l’ASFC était du 1er juin 2019 au 30 juin 2020 [11] . Les marges de dumping qui suivent ont été calculées par l’ASFC pour chaque exportateur et pays visé [12] :

PRODUIT

Définition du produit

[16] L’ASFC a défini les marchandises en cause comme suit :

Barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et les produits de barres d’armature fabriqués, originaires ou exportées de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam.

Sont aussi exclues les armatures d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs de 1 pied (30,48 cm) jusques et y compris 8 pieds (243,84 cm) [13] .

Renseignements sur le produit

[17] L’ASFC a fourni les renseignements supplémentaires suivants concernant le produit, son procédé de fabrication et son utilisation :

[33] Il est entendu que les marchandises en cause comprennent toutes les barres à haute adhérence laminées à chaud, fabriquées à partir d’acier à billettes, d’acier à rail, d’acier à essieu, d’acier faiblement allié et d’autres aciers alliés qui ne correspondent pas à la définition de l’acier inoxydable.

[34] Les barres d’armature nues, aussi appelées « non revêtues » ou « noires », servent généralement pour des projets en milieu non corrosif où les revêtements anticorrosion ne sont pas nécessaires. Inversement, celles avec revêtement anticorrosion (par exemple celles avec résine époxyde ou galvanisées à chaud) servent pour des projets de béton qui seront exposés à des agents corrosifs, comme le sel de voirie. Les marchandises en cause incluent les barres d’armature nues et les barres d’armature munies d’un revêtement ou d’un fini de surface.

[35] Les produits de barres d’armature fabriqués sont généralement conçus au moyen de programmes de conception automatisée par ordinateur, et réalisés sur mesure pour les besoins précis du projet d’un client. Ils ont habituellement un revêtement protecteur ou anticorrosif. Les barres d’armature simplement coupées à longueur ne sont pas considérées comme des produits de barres d’armature fabriqués exclus de la définition des marchandises en cause.

[36] Les barres d’armature sont fabriquées au Canada conformément à la Norme nationale du Canada CAN/CSA‑G30.18‑09(R2019), Barres d’acier au carbone pour l’armature du béton (la « Norme nationale »), établie par l’Association canadienne de normalisation (CSA) et approuvée par le Conseil canadien des normes.

[37] Les numéros d’identification suivants sont les plus communs pour les marchandises en cause au Canada; les chiffres entre parenthèses sont le diamètre correspondant à chacun, en millimètres (mm) : 10 (11,3), 15 (16,0), 20 (19,5), 25 (25,2), 30 (29,9), 35 (35,7). Les dimensions des barres d’armature correspondent généralement au numéro d’identification de la barre avec la lettre « M ». Ainsi, une barre 10M a le numéro d’identification 10 et un diamètre de 11,3 mm. Il est possible également d’obtenir d’autres diamètres et d’utiliser d’autres systèmes de mesure. Par exemple, la barre no 7 (approximativement 22 mm) en mesure impériale est une désignation généralement utilisée pour les plafonds de mines.

[38] La Norme nationale précise deux types de barres d’armature, soit ordinaires ou « R » et soudables ou « W ». On privilégie celles du type R pour des usages généraux, et celles du type W lorsqu’il faut tenir compte de facteurs comme le soudage, le cintrage ou la ductilité. Les barres d’armature soudées ont déjà été un produit de première qualité pour l’industrie canadienne, ce qui reflétait le coût plus élevé de l’acier allié; cependant, étant donné que toutes les importations sont des produits soudables, l’industrie canadienne en est venue à fabriquer ceux‑ci comme des produits standard. Les barres d’armature soudables peuvent toujours se substituer aux barres d’armature ordinaires dans toutes les applications, mais l’inverse n’est pas vrai.

[39] La Norme nationale fixe également des limites (inférieures) d’élasticité de 300, 400, 500 et 600, chaque chiffre étant une mesure exprimée en mégapascals (MPa). On obtient le type et la limite d’élasticité des barres d’armature en combinant le nombre et le type. Ainsi, 400R correspond à une barre ordinaire ayant une limite d’élasticité de 400 MPa, et 400W, à une barre soudée ayant une limite d’élasticité de 400 MPa. La limite d’élasticité se mesure avec un extensomètre, comme le veut l’article 9 de la Norme nationale.

[40] Bien que leurs longueurs standard soient de 6 mètres (20 pieds), 12 mètres (40 pieds) et 18 mètres (60 pieds), les barres d’armature peuvent être coupées et vendues en d’autres longueurs selon les spécifications des clients, ou vendues en bobines.

Fabrication

[41] Les barres d’armature à haute adhérence en acier peuvent être fabriquées dans une aciérie intégrée ou une usine qui utilise des rebuts métalliques ferreux comme matière première. Les rebuts ferreux sont amenés à température de fusion dans un four électrique à arc, puis transformés dans un four‑poche. L’acier en fusion est ensuite coulé en continu en billettes d’acier rectangulaires qui seront coupées à longueur. Une usine intégrée pourrait aussi fabriquer des billettes avec l’acier en fusion. Les billettes sont ensuite laminées en barres d’armature de différentes dimensions, qui sont coupées en différentes longueurs selon les exigences des clients.

[42] Les barres d’armature à haute adhérence sont laminées avec des saillies sur la surface, ce qui améliore l’adhérence du béton et assure un renfort. Les saillies doivent respecter les exigences énoncées dans les normes nationales.

Utilisation

[43] Les barres d’armature sont destinées avant tout à la construction. Elles servent surtout à renforcer les structures de béton et de maçonnerie. Rendant le béton plus résistant à la tension et à la compression, elles l’empêchent de se fissurer pendant la cure ou à la suite de changements de température. Les barres d’armature sont également connues comme des « barres de renfort en acier » [14] .

[Notes omises]

CADRE LÉGISLATIF

[18] Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’enquêter afin de déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou un retard [15] ou menace de causer un dommage, le terme « dommage » étant défini au paragraphe 2(1) comme un « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». À cet égard, l’expression « branche de production nationale » est aussi définie au paragraphe 2(1) par référence à la production nationale de « marchandises similaires ».

[19] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.

[20] Étant donné que les marchandises en cause sont originaires ou exportées de plus d’un pays, le Tribunal doit aussi déterminer si, dans les circonstances de la présente enquête, les conditions prévues aux dispositions législatives exigeant qu’il procède à une évaluation des effets cumulatifs du dumping des marchandises en cause, provenant de tous les pays visés, sur la branche de production nationale sont satisfaites (c’est-à-dire s’il procédera à une seule analyse de dommage ou à une analyse distincte pour chacun des pays visés).

[21] Le Tribunal peut ensuite évaluer si les marchandises en cause ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale [16] . Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage sensible, il déterminera s’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale [17] .

[22] Dans le cadre de son analyse, le Tribunal examinera aussi d’autres facteurs qui ont pu avoir des répercussions sur la branche de production nationale, de manière à s’assurer qu’un dommage ou une menace de dommage causé par de tels facteurs ne soit pas attribué aux effets du dumping.

[23] À titre préliminaire, le Tribunal souligne qu’EZDK, NatSteel et Hoa Phat ont fait valoir que le fardeau de la preuve dans les enquêtes de dommage incombe entièrement aux parties qui appuient des conclusions de dommage ou de menace de dommage et qu’en cas de doute, le Tribunal doit conclure à l’absence de dommage. Elles ont précisé également que rien n’oblige le Tribunal à conclure à l’existence d’un dommage, même dans les causes où il n’y a pas d’opposition.

[24] Dans une enquête de dommage, aucune des parties n’a le fardeau de prouver que ses prétentions sont fondées [18] . Par exemple, les producteurs nationaux en l’espèce n’ont pas l’obligation stricte de prouver que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou menace de causer un dommage. Le Tribunal mène son enquête et rend ses conclusions en se fondant sur son évaluation de tous les renseignements dont il dispose, y compris les renseignements qu’il demande et collecte lui-même [19] . Cela dit, les producteurs nationaux sont les mieux placés pour fournir des éléments de preuve à l’appui de conclusions de dommage ou de menace de dommage [20] . Par ailleurs, toutes les parties ont un intérêt pratique et direct à bien faire valoir leurs intérêts.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISES

[25] Pour déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé ou menace de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au Canada, s’il en existe, constituent des marchandises similaires aux marchandises en cause. Le Tribunal doit aussi déterminer si les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent plus d’une catégorie de marchandises [21] .

[26] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[27] Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en cause, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients) [22] .

[28] Lorsqu’il examine la question des catégories de marchandise, le Tribunal détermine habituellement si les marchandises potentiellement comprises dans des catégories distinctes de marchandises constituent des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandises [23] .

[29] Dans des instances antérieures concernant les barres d’armature, le Tribunal a toujours conclu, après avoir pris en compte les facteurs susmentionnés, que les barres d’armature produites au pays et de même description que les barres d’armature importées en cause étaient des « marchandises similaires » aux barres d’armature importées en cause et qu’il n’y avait qu’une seule catégorie de marchandises [24] . Dans Barres d’armature I, le Tribunal a notamment conclu que les marchandises en cause et les barres d’armature produites au pays étaient des produits de base qui se livraient concurrence par le biais du prix sur le marché canadien et qui étaient par ailleurs entièrement interchangeables [25] . Il a également conclu que les barres d’armature non revêtues (ou noires) et les barres revêtues faisaient partie du même continuum de marchandises et étaient, dans les circonstances appropriées, suffisamment substituables les unes aux autres pour justifier qu’on tienne compte d’une seule catégorie de marchandises [26] .

[30] Étant donné qu’aucune des parties n’a contesté ces conclusions antérieures sur les questions des marchandises similaires et des catégories de marchandises, ni pendant l’enquête préliminaire ni pendant l’enquête définitive de dommage, et en l’absence de tout élément de preuve contraire, le Tribunal ne voit aucune raison de tirer des conclusions différentes dans le cadre de la présente enquête.

[31] Par conséquent, le Tribunal effectuera son analyse en partant du principe que les barres d’armature produites au pays et de même description que les marchandises en cause constituent des « marchandises similaires » aux marchandises en cause et qu’il y a une seule catégorie de marchandises.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[32] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » comme suit :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[33] Le Tribunal doit donc déterminer si un dommage a été causé, ou s’il y a menace de dommage, à l’ensemble des producteurs nationaux ou aux producteurs dont la production représente une proportion majeure de la production totale de marchandises similaires [27] .

[34] Au cours de la période visée par l’enquête, il y avait cinq producteurs nationaux connus de barres d’armature : AltaSteel, AMPLC, Gerdau, MANA et Ivaco Rolling Mills 2004 L.P. (Ivaco). Comme ces producteurs représentaient la totalité de la production nationale connue de marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête, ils forment la branche de production nationale aux fins de la présente enquête.

[35] Le Tribunal souligne que, bien qu’il ait reçu des réponses aux questionnaires des cinq producteurs nationaux, la réponse d’Ivaco était incomplète puisqu’elle n’a pas présenté ses résultats financiers ou des renseignements relatifs à certains des autres indicateurs de rendement dont le Tribunal tient habituellement compte dans le cadre de son analyse du dommage. Toutefois, étant donné que la production collective des marchandises similaires par les quatre autres producteurs nationaux représentait presque toute la production nationale connue [28] , le Tribunal estime que le rendement de ces quatre producteurs représente raisonnablement l’état de l’ensemble de la branche de production nationale.

CUMUL

[36] Aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal doit évaluer les effets cumulatifs du dumping des marchandises importées au Canada en provenance de plus d’un des pays visés s’il est convaincu 1) que la marge de dumping ayant trait aux marchandises provenant de chacun des pays visés n’est pas minimale et que le volume des marchandises sous-évaluées provenant de chacun des pays visés n’est pas négligeable, et 2) qu’une telle évaluation est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de n’importe quel de ces pays et les marchandises de n’importe quel autre de ces pays ou les marchandises similaires de production nationale.

Caractère minimal et caractère négligeable

[37] Aux termes du paragraphe 2(1) de la LMSI, « minimale » s’entend, dans le cas d’une marge de dumping, d’une marge inférieure à deux pour cent du prix à l’exportation des marchandises et « négligeable » s’entend d’un volume qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises correspondant à la définition du produit qui sont dédouanées au Canada provenant de tous les pays.

[38] Comme il est mentionné ci‑dessus, les marges de dumping pour chacun des pays visés, telles qu’elles ont été consignées par l’ASFC dans sa décision définitive, étaient supérieures à deux pour cent et n’étaient donc pas « minimales » [29] .

[39] Pour déterminer si le volume de marchandises sous‑évaluées provenant d’un pays est négligeable, le Tribunal tient habituellement compte du volume d’importation pendant la période visée par l’enquête de l’ASFC [30] qui, en l’espèce, correspond à une période de 13 mois s’échelonnant du 1er juin 2019 au 30 juin 2020. Au cours de cette période, le volume de marchandises sous‑évaluées provenant de chacun des pays visés, tel qu’il a été consigné par l’ASFC dans sa décision définitive, était supérieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises importées correspondant à la définition du produit et n’était donc pas « négligeable » [31] .

Conditions de concurrence

[40] Ayant déterminé que les marges de dumping n’étaient pas minimales et que les volumes de marchandises sous-évaluées n’étaient pas négligeables, le Tribunal doit maintenant évaluer s’il est indiqué d’effectuer une analyse des effets cumulatifs du dumping des marchandises en provenance des sept pays visés compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun de ces pays et/ou entre ces marchandises et les marchandises similaires de production nationale.

[41] Les facteurs dont tient généralement compte le Tribunal dans l’évaluation des conditions de concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires comprennent l’interchangeabilité, la qualité, le prix, les circuits de distribution, les modes de transport, le moment de l’arrivée des importations et la répartition géographique. Le Tribunal peut également tenir compte d’autres facteurs pour décider si les exportations d’un pays donné devraient entrer dans le cumul, et aucun facteur ne peut, à lui seul, être déterminant [32] .

[42] AltaSteel et AMPLC soutiennent qu’une évaluation des effets cumulatifs est justifiée en l’espèce parce que les barres d’armature sont fongibles et que les marchandises en cause se livrent directement concurrence et livrent concurrence aux marchandises similaires de production nationale auprès de clients communs partout au Canada. Elles font également valoir que le Tribunal a jugé approprié de procéder à une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en cause provenant de tous les pays visés, tant dans Barres d’armature I que dans Barres d’armature II. Elles affirment que les facteurs qui appuient une évaluation des effets cumulatifs sont les mêmes en ce qui concerne les pays visés en l’espèce. Gerdau a présenté des arguments similaires en faveur d’une évaluation des effets cumulatifs.

[43] Pour leur part, EZDK, NatSteel et Hoa Phat n’ont pas présenté d’observation ni d’élément de preuve à l’appui d’une évaluation de façon décumulée. En fait, au cours de la procédure, elles ont reconnu qu’elles ne l’avaient pas fait et ont laissé entendre que l’évaluation des effets cumulatifs était appropriée en déclarant que le droit semblait « assez bien établi à cet égard » [33] [traduction].

[44] Le Tribunal a conclu à maintes reprises que les barres d’armature sont des produits de base qui se livrent concurrence en fonction du prix [34] . Rien n’indique que la situation a changé puisque 8 des 11 répondants au questionnaire du Tribunal destiné aux acheteurs ont déclaré que les produits les moins chers remportent toujours ou habituellement la vente [35] . En outre, 10 des 11 répondants ont indiqué que le prix net le plus bas était un facteur très important pris en compte dans les décisions d’achat [36] .

[45] Les éléments de preuve au dossier confirment également la nature interchangeable des marchandises en cause provenant de chacun des sept pays visés par l’enquête avec les marchandises similaires de production nationale; en effet, presque tous les répondants au questionnaire du Tribunal à l’intention des acheteurs ont indiqué que les marchandises sont toujours ou habituellement interchangeables [37] .

[46] En ce qui concerne les autres facteurs habituellement pris en compte par le Tribunal pour évaluer les conditions de concurrence, les éléments de preuve font largement pencher la balance en faveur d’une évaluation des effets cumulatifs. Tant les marchandises en cause que les marchandises similaires de production nationale sont vendues directement à des distributeurs et à des utilisateurs finaux (c’est-à-dire des fabricants) [38] , ainsi que sur les mêmes marchés géographiques au Canada [39] . Les marchandises en cause sont également expédiées au Canada par le même moyen de transport (fret maritime) et, bien qu’il y ait un certain décalage dans le moment de leur arrivée en raison des délais d’expédition [40] , elles étaient néanmoins présentes sur le marché pendant toute la période visée par l’enquête [41] et, par conséquent, elles étaient manifestement en concurrence avec les marchandises similaires.

[47] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu qu’une évaluation des effets cumulatifs du dumping des marchandises en cause provenant des sept pays visés est appropriée dans les circonstances [42] .

ANALYSE DE DOMMAGE

[48] Le paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [43] prévoit que, pour déterminer si le dumping a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit tenir compte du volume des marchandises sous-évaluées, de leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché national et de leur incidence sur la situation de la branche de production nationale. Le paragraphe 37.1(3) exige également que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1), et si des facteurs autres que le dumping des marchandises ont causé un dommage.

[49] Avant de procéder à son analyse de dommage, le Tribunal donnera d’abord un peu de contexte à cette analyse en résumant les développements importants qui se sont produits depuis qu’il a rendu ses conclusions dans Barres d’armature I et qui ont influencé le marché des barres d’armature pendant la période visée par l’enquête.

Contexte de l’analyse de dommage

[50] Les barres d’armature sont le plus élémentaire des produits longs, et constituent à ce titre la quintessence du produit de base. En ce qui les concerne, la concurrence est essentiellement fondée sur le prix. Néanmoins, le Tribunal sait que les barres d’armature jouent un rôle économique important dans la production des produits longs. En effet, il est possible d’en organiser la production afin d’optimiser l’utilisation de la capacité de lignes de production servant à fabriquer des produits longs de plus grande valeur. De plus, le Tribunal sait que la vente de barres d’armature, tant que le prix couvre les coûts variables et une partie des coûts fixes, peut bonifier la rentabilité globale.

[51] Le présent dossier (Barres d’armature III) s’inscrit dans un contexte de remplacement des sources des importateurs sur le marché canadien, en raison des obstacles douaniers visant les importations de l’acier dans plusieurs des principaux marchés de ce matériau.

[52] En janvier 2015, dans l’enquête Barres d’armature I, le Tribunal a conclu que le dumping des barres d’armature originaires de la Chine, de la Corée et de la Turquie (les pays visés dans Barres d’armature I), de même que le subventionnement des barres d’armature originaires de la Chine, menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Ces conclusions sont toujours en vigueur, le Tribunal les ayant prorogées en octobre 2020 à la suite d’un réexamen relatif à l’expiration [44] .

[53] En mai 2017, dans l’enquête Barres d’armature II, le Tribunal a conclu que le dumping des barres d’armature originaires du Bélarus, du territoire douanier distinct de Taïwan, Penghu, Kimmen et Matsu (Taïpei chinois), de Hong Kong, du Japon, du Portugal et de l’Espagne (les pays visés dans Barres d’armature II) avait causé un dommage à la branche de production nationale. Ces conclusions expireront en mai 2022, à moins que le Tribunal ne procède à un réexamen relatif à l’expiration entretemps.

[54] En mars 2018, conformément à l’article 232 de la U.S. Trade Expansion Act of 1962, les États-Unis ont imposé des droits de 25 p. 100 sur les importations de certains produits de l’acier, y compris les barres d’armature, provenant de la plupart des pays (les mesures aux termes de l’article 232). Initialement, les mesures aux termes de l’article 232 ne s’appliquaient pas au Canada, mais les États-Unis en ont étendu la portée pour y soumettre le Canada le 31 mai 2018. Le 1er juillet 2018, le Canada a répondu en imposant des représailles tarifaires, soit une surtaxe de 25 p. 100 sur l’importation de certains produits provenant des États-Unis, y compris les barres d’armature [45] . Le 17 mai 2019, les États-Unis et le Canada ont conclu un accord suivant lequel les États-Unis convenaient d’éliminer les droits découlant des mesures aux termes de l’article 232 à l’encontre des importations de produit de l’acier provenant du Canada et le Canada convenait d’éliminer les représailles tarifaires [46] .

[55] En octobre 2018, le gouvernement du Canada a imposé des mesures de sauvegarde provisoires visant sept catégories de produits de l’acier, y compris les barres d’armature, provenant de presque toutes les sources [47] . En avril 2019, le Tribunal a conclu dans le cadre de l’enquête de sauvegarde subséquente que les importations au Canada de barres d’armature provenant de toutes les sources (sauf de quelques pays exclus de la portée de l’enquête) n’avaient pas causé de dommage grave ni ne menaçaient de causer un dommage grave aux producteurs nationaux des marchandises similaires ou directement concurrentes [48] . Par conséquent les mesures de sauvegarde provisoires visant les barres d’armature ont été levées.

[56] Dans Enquête de sauvegarde sur l’acier, le Tribunal a conclu que l’augmentation sensible des importations de barres d’armature au Canada dans le premier semestre de 2018 était largement attribuable aux barres d’armature provenant de la Turquie, qui ont commencé à réapparaître sur le marché canadien durant le premier semestre de 2017 [49] . De l’avis du Tribunal, l’augmentation des importations de barres d’armature provenant de la Turquie était essentiellement le résultat de la dépréciation rapide et soutenue de la monnaie du pays, la livre turque. Cette dépréciation a permis aux exportateurs qui avaient obtenu des valeurs normales exprimées dans leur propre monnaie de baisser le prix d’exportation au Canada de leurs barres d’armature sans être assujettis à des droits antidumping [50] . En décembre 2018, l’ASFC a réagi à ce problème en mettant à jour les valeurs normales applicables à certaines barres d’armature exportées au Canada par deux exportateurs turcs et en les exprimant en dollars américains plutôt qu’en livres turques [51] . En 2019, les importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I (lesquels comprennent la Turquie) ont chuté [52] .

[57] Le 4 décembre 2020, moins de deux semaines après que le Tribunal ait rendu sa décision provisoire de dommage en l’espèce, l’ASFC a lancé de sa propre initiative une enquête sur le dumping potentiellement dommageable de certaines barres d’armature originaires d’Oman et de la Russie (Barres d’armature IV). Le 25 janvier 2021, le Tribunal a rendu sa décision provisoire selon laquelle les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale [53] . Le 4 mars 2021, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping à l’égard de ces marchandises. L’ASFC a rendu une décision définitive de dumping le 2 juin 2021 [54] .

[58] Enfin, la pandémie de COVID-19 a eu des effets sur le marché national et les marchés internationaux des barres d’armature. Les principaux marchés d’utilisateurs finaux de produits de l’acier se sont effondrés en mars et en avril 2020. Ils ont commencé à se ressaisir en mai et en juin 2020, mais le taux de reprise varie largement d’une région à l’autre, et selon certaines prévisions il pourrait s’écouler des années avant que la demande d’acier se rétablisse [55] .

Volume des importations des marchandises sous-évaluées

[59] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal doit prendre en compte le volume des marchandises sous-évaluées et, plus particulièrement, doit déterminer s’il y a eu une augmentation marquée du volume soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à l’achat de marchandises similaires.

[60] En quantité absolue, le volume des importations visées a augmenté de 160 p. 100 en 2019 par rapport à 2018 et de 27 p. 100 en 2020 par rapport à 2019 [56] . Le volume des importations visées a aussi augmenté de 85 p. 100 dans la période intermédiaire de 2020 par rapport à la période intermédiaire de 2019.

[61] Ces données montrent bien que la principale augmentation du volume des importations visées s’est produite en 2019. Or, les données du rapport d’enquête du Tribunal montrent que c’est durant le quatrième trimestre que plus de la moitié de l’ensemble des importations visées de 2019 est entrée au pays [57] . On peut y voir l’indication que les importateurs et les exportateurs des marchandises en cause ont saisi l’occasion représentée par la quasi-disparition des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I en 2019 [58] , après que l’ASFC ait mis à jour les valeurs normales de deux exportateurs turcs en décembre 2018 et que le gouvernement du Canada ait retiré ses mesures de sauvegarde provisoires au deuxième trimestre de 2019.

[62] De fait, la part des importations totales détenue par les marchandises en cause a augmenté de 39 points de pourcentage entre 2018 et 2019, alors que la part détenue par les importations non visées attribuables aux importateurs a diminué de 34 points de pourcentage durant la même période. Ces chiffres s’expliquent au premier chef par la chute marquée des importations de barres d’armature provenant des pays visés dans Barres d’armature I [59] . La part des importations totales détenue par les marchandises en cause a continué de croître en 2020 (de 6 points de pourcentage additionnels), tandis que la part des importations totales détenue par les importations non visées attribuables aux importateurs a reculé du même nombre de points de pourcentage.

[63] Par rapport à la production nationale, le volume des importations visées a augmenté de 22 points de pourcentage en 2019, puis de 12 autres points de pourcentage en 2020, pour une augmentation totale de 34 points de pourcentage sur l’ensemble de la période visée par l’enquête [60] . La tendance est semblable en ce qui concerne le volume des importations visées par rapport aux ventes intérieures de la production nationale, qui a augmenté de 22 points de pourcentage en 2019, puis de 14 points de pourcentage en 2020, pour une augmentation totale de 36 points de pourcentage sur l’ensemble de la période visée par l’enquête. La taille du marché canadien dans son ensemble est restée relativement stable pendant cette période, avec une contraction de 2 p. 100 en 2019, puis une augmentation de 5 p. 100 en 2020 [61] .

[64] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis qu’il y a eu une augmentation sensible du volume des importations visées au cours de la période visée par l’enquête, à la fois en quantité absolue et relative.

Effet des marchandises sous-évaluées sur les prix

[65] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si les marchandises sous-évaluées ont mené, de façon marquée, soit à la sous-cotation ou à la baisse du prix des marchandises similaires, soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui, par ailleurs, se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre l’effet des marchandises sous-évaluées sur les prix et l’effet sur les prix qui découlent d’autres facteurs.

[66] Comme susmentionné, le Tribunal a conclu à maintes reprises que les barres d’armature importées et les barres d’armature de production nationale sont des produits de base entièrement interchangeables qui se font concurrence sur le marché canadien en fonction du prix. Le prix est donc le principal facteur en cause dans les décisions d’achat. Les éléments de preuve recueillis par le Tribunal dans le cadre de la présente enquête abondent dans le même sens [62] .

Sous-cotation des prix

[67] Avant de chercher à déterminer si les marchandises en cause ont mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires de production nationale au cours de la période visée par l’enquête, le Tribunal doit d’abord déterminer s’il y a toujours lieu de considérer que les producteurs nationaux jouissent d’un prix national majoré, comme l’avait précédemment établi le Tribunal [63] .

[68] Dans Barres d’armature I, le Tribunal a déterminé que les producteurs nationaux jouissaient d’un prix national majoré de 25 $ à 40 $ par tonne [64] . Afin de tenir compte de cette majoration, le Tribunal a décidé de déduire un montant représentatif de 30 $ par tonne du prix annuel moyen par tonne pour les ventes de la production nationale. Le Tribunal a également tenu compte de cette majoration dans Barres d’armature II et dans Enquête de sauvegarde sur l’acier [65] . Dans ce dernier cas, le Tribunal a pris en considération des éléments de preuve selon lesquels, dans certains cas, la majoration du prix national était inférieure (de 0 $ à 10 $ par tonne).

[69] Les parties plaignantes font valoir que, selon leur expérience, la majoration du prix national se situe généralement entre 15 $ et 40 $ par tonne pour les clients disposés à payer un prix majoré, mais que dans bien des cas aucune majoration ne s’applique, car les clients s’attendent à ce que les producteurs nationaux s’alignent sur les prix des importations [66] . Selon le rapport d’enquête, 6 des 11 répondants au questionnaire à l’intention des acheteurs n’étaient pas prêts à payer un prix national majoré [67] . Chez les répondants disposés à payer un prix national majoré, la valeur moyenne de la majoration acceptable était de 83 $ par tonne [68] . Toutefois, la moyenne calculée en tenant compte de l’ensemble des 11 répondants revient à 33 $ par tonne. Dans les circonstances, le Tribunal estime donc qu’il est justifié et raisonnable de déduire un montant représentatif de 30 $ par tonne du prix de vente national afin de tenir compte de la majoration.

[70] Les données sur les prix de vente moyens indiquent que, au niveau global, le prix des marchandises en cause était supérieur au prix des marchandises similaires de production nationale en 2018, mais était inférieur à celui-ci en 2019 et en 2020, même après déduction de la majoration du prix national [69] . Les données montrent également que les importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I étaient offertes à des prix inférieurs à celui des marchandises similaires de production nationale sur toute la période, et à des prix inférieurs à celui des marchandises en cause en 2018 et en 2019. De même, le prix des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature II était inférieur à celui des marchandises similaires de production nationale en 2018 et en 2019, et inférieur au prix des marchandises en cause en 2018 (en 2019 leur prix était identique à celui des marchandises en cause).

[71] EZDK et NatSteel font valoir que les importations à bas prix provenant de ces pays non visés ont eu une plus grande incidence sur le prix national que les marchandises en cause. Ce n’est pas l’avis du Tribunal. Sauf en 2018 en ce qui concerne les pays visés dans Barres d’armature I, la part de marché détenue par les importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II était minimale, voire nulle, pour l’ensemble de la période visée par l’enquête et représentait donc une infime proportion de la part de marché détenue par les marchandises en cause [70] . Cela veut dire qu’en 2020, les marchandises en cause avaient le prix le plus bas sur le marché. Même si les importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I avaient un prix légèrement inférieur au prix des marchandises en cause en 2019, elles représentaient une part presque nulle du marché, et leur effet sur le prix des marchandises similaires de production nationale était donc vraisemblablement minime par rapport à l’effet des marchandises en cause.

[72] Pour ce qui est des ventes aux distributeurs et aux utilisateurs finaux, les données montrent des tendances semblables à celles qui sont susdécrites quant aux prix et à leurs écarts. Ainsi, le prix des marchandises en cause était inférieur à celui des marchandises similaires de production nationale, et le niveau de sous-cotation était supérieur à la majoration du prix national pour les deux niveaux commerciaux en 2019 et pour les distributeurs en 2020 (pour les utilisateurs finaux, les prix étaient identiques) [71] . Bien que le prix des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II était inférieur à celui des marchandises similaires et des marchandises en cause dans certains cas, comme ci-dessus, l’effet de ces importations sur les marchandises similaires a probablement été minimal étant donné leur faible volume de ventes, et donc leur faible part de marché, à ces niveaux commerciaux en 2019 et en 2020 [72] .

[73] Le Tribunal a également recueilli des données trimestrielles sur six produits de référence achetés et/ou vendus en 2019 et en 2020 (c’est-à-dire durant les huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête). Ces données, qui représentent une proportion substantielle de l’ensemble des ventes déclarées de la production nationale et des importations au cours de cette période [73] , soutiennent la thèse selon laquelle les marchandises en cause ont entraîné une sous-cotation généralisée des prix. De fait, dans 38 des 39 cas où il était possible d’établir des comparaisons trimestrielles entre les ventes de marchandises en cause et les ventes de la production nationale, le prix des marchandises en cause était inférieur au prix des marchandises similaires de production nationale et, dans 31 de ces 38 cas, le niveau de sous-cotation était supérieur à la majoration du prix national reconnue (30 $ par tonne) [74] .

[74] Le prix de vente des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II était également généralement inférieur au prix des marchandises similaires de production nationale, mais, pour l’essentiel, avant le deuxième trimestre de 2020 seulement [75] . Dans 16 des 30 cas où il y a eu à la fois des ventes des marchandises en cause et des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II, les marchandises en cause avaient le prix le plus bas sur le marché. Le prix de vente des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature II a été inférieur dans trois cas au premier trimestre de 2019, et celui des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I, dans 11 cas, du quatrième trimestre de 2019 au premier trimestre de 2020. Néanmoins, le prix des marchandises en cause était le plus bas sur le marché pour tous les produits de référence pour lesquels elles avaient des ventes au troisième trimestre de 2019 et du deuxième au quatrième trimestre de 2020, à une seule exception. De plus, étant donné que le volume des ventes de marchandises en cause a été sensiblement supérieur à celui des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I au quatrième trimestre de 2019 et au premier trimestre de 2020 [76] , il est raisonnable de présumer que ce sont les marchandises en cause qui ont eu la plus grande incidence sur les ventes de marchandises similaires de production nationale.

[75] Pour ce qui est des ventes à des clients communs, il n’a été possible d’établir des comparaisons trimestrielles que dans 25 cas en raison du peu de données disponibles [77] . Cette carence, conjuguée au fait que les données ne permettent pas de déterminer le type précis de produits vendus, a rendu les comparaisons moins convaincantes. Quoi qu’il en soit, dans plus de 75 p. 100 des cas où il a été possible d’établir des comparaisons trimestrielles, le prix des marchandises en cause était inférieur au prix des marchandises similaires de production nationale. Sauf dans un de ces cas, le niveau de sous-cotation était supérieur à la majoration du prix national. En outre, dans les trois cas où des ventes ont été déclarées à la fois pour des marchandises en cause et pour des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I, le prix des marchandises en cause était inférieur [78] .

[76] Pour terminer, les parties plaignantes ont fourni 50 exemples détaillés de concurrence directe entre les importations provenant des sept pays visés et les marchandises similaires de production nationale en 2019 et en 2020 [79] . Selon elles, ces exemples montrent que la sous-cotation des prix est, en moyenne, nettement supérieure à la majoration du prix national, ce qui aurait au bout du compte causé des pertes de ventes au profit des marchandises en cause ou forcé les producteurs nationaux à baisser leur prix afin de conserver des ventes.

[77] EZDK, NatSteel et Hoa Phat font valoir qu’aucune des allégations de ventes perdues présentées par les parties plaignantes à l’égard des importations visées provenant de l’Égypte, de Singapour et du Vietnam ne reflète le prix de vente réel de ces transactions. Selon elles, le Tribunal devrait par conséquent se pencher sur l’exactitude des allégations présentées à l’égard des autres pays visés.

[78] AltaSteel et AMLPC soulignent que le Tribunal a accepté, dans Réexamen Barres d’armature I, des éléments de preuve à l’égard de clients précis concernant 15 cas de sous-cotation attribuable à des importations provenant des pays visés (qui constituaient des importations non visées dans le cadre de ce réexamen relatif à l’expiration) en 2019 et en 2020 [80] . Elles ajoutent que le Tribunal a par le passé déterminé qu’il pouvait considérer que des allégations de dommage en nombre suffisant, même lorsque certaines étaient inexactes ou erronées sur certains aspects, étaient assez crédibles pour être prises en considération. Les parties plaignantes ont également réfuté les allégations selon lesquelles leurs prix présumés étaient inexacts [81] .

[79] De l’avis du Tribunal, dans l’ensemble, les allégations de dommage des parties plaignantes concernant des clients précis sont crédibles et devraient être prises en considération dans la présente enquête. Le Tribunal est conscient que de telles allégations sont nécessairement le résultat d’efforts de collecte de renseignements commerciaux de la part des producteurs nationaux, qui n’ont pas toujours accès à des sources d’information primaires. Par conséquent, il ne serait pas raisonnable d’exiger une exactitude parfaite. Plus important encore, en l’espèce, les allégations cadrent avec la situation de sous-cotation des prix dont l’existence a déjà été amplement établie par le rapport d’enquête du Tribunal.

[80] Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont, de façon marquée, mené à la sous-cotation du prix des marchandises similaires de production nationale, en particulier dans le deuxième semestre de 2019 et en 2020, c’est-à-dire la période où a été observée une augmentation marquée du volume des importations visées.

Baisse des prix

[81] En 2019, le prix de vente moyen des marchandises similaires de production nationale a augmenté de 4 p. 100, alors qu’en 2020 il a diminué de 14 p. 100, pour un recul de 11 p. 100 au cours de la période visée par l’enquête [82] . Le Tribunal remarque que même si le prix des marchandises similaires a augmenté sur l’ensemble de 2019, les données sur la période intermédiaire de 2019 montrent que les prix avaient déjà reculé de façon marquée au quatrième trimestre de 2019 [83] . Selon les calculs du Tribunal, au quatrième trimestre de 2019, le prix des marchandises similaires était inférieur de 10 p. 100 au prix de vente moyen pour la période intermédiaire de 2019, et inférieur de 4. p. 100 au prix de vente moyen de 2018 [84] .

[82] Selon AltaSteel et AMLPC, la valeur des ventes nettes de la branche de production nationale a en fait commencé à baisser au deuxième trimestre de 2019, à la suite du retrait des mesures de sauvegarde provisoires, et a continué de diminuer de trimestre en trimestre jusqu’à la fin de la période visée par l’enquête [85] . Lors de l’enquête préliminaire de dommage, le Tribunal a conclu, à partir des mêmes éléments de preuve mis de l’avant par AltaSteel et AMLPC en l’espèce, que le prix de vente national avait atteint son sommet au premier trimestre de 2019, avant de reculer de trimestre en trimestre par la suite, jusqu’au deuxième trimestre de 2020 [86] .

[83] Les données sur les prix contenues dans le rapport d’enquête du Tribunal confirment cette baisse soutenue. En effet, le prix de vente national moyen de chacun des six produits de référence a reculé tous les trimestres en 2019 et en 2020 (sauf pour un des produits de référence dont le prix est resté stable entre le premier et le deuxième trimestre de 2019) [87] . En moyenne, entre le deuxième trimestre de 2019 et le quatrième trimestre de 2020, le prix moyen des ventes intérieures des produits de référence a diminué de 20 p. 100. Le prix des ventes à des clients communs a aussi généralement baissé d’un trimestre à l’autre tout au long de 2019 et de 2020 [88] .

[84] EZDK et NatSteel font valoir que dans le cas de certains clients communs, la baisse des prix résulte purement de la concurrence au sein de la branche de production nationale, puisqu’il n’y a eu aucune importation de marchandises visées ni d’autres marchandises à bas prix.

[85] Les parties plaignantes soutiennent que le fait qu’il y ait eu baisse des prix dans le cas de clients qui n’ont pas acheté de marchandises en cause ne veut pas dire que la concurrence de ces marchandises n’a pas eu d’effet. Selon elles, il est probable qu’il y ait eu concurrence entre la branche de production nationale et les marchandises en cause, mais que les données du rapport d’enquête ne permettent pas de la percevoir. AltaSteel et AMLPC soulignent, par ailleurs, que dans certains cas les acheteurs n’achètent pas d’importations d’outre-mer, mais sont en concurrence avec d’autres fabricants qui le font, ce qui force les producteurs nationaux à baisser leurs prix.

[86] Le Tribunal estime qu’une baisse du prix des ventes intérieures à certains clients communs n’est pas nécessairement causée par la concurrence au sein de la branche de production nationale. Comme l’ont souligné les parties plaignantes, il y a probablement eu concurrence, sans qu’elle soit visible dans les données du rapport d’enquête. C’est d’autant plus vrai que les données sur les ventes à des clients communs n’ont pas été fournies par tous les répondants aux questionnaires. De plus, il semble, d’après les éléments de preuve au dossier, que les acheteurs qui n’achètent généralement pas de barres d’armature d’outre-mer demandent souvent aux producteurs nationaux de réduire leurs prix afin de concurrencer les manufacturiers qui achètent des barres d’armature importées [89] . Quoi qu’il en soit, comme susmentionné, le prix de vente moyen des marchandises similaires de production nationale, au niveau global et dans le cas des produits de référence, a suivi une tendance à la baisse au cours de la période visée par l’enquête.

[87] Le Tribunal remarque que le coût unitaire des marchandises vendues par la branche de production nationale a diminué de façon marquée en 2020 sous l’effet d’une baisse du coût des matériaux directs [90] , mais que la baisse de 14 p. 100 du prix de vente moyen des marchandises similaires de production nationale est plus importante encore. Un témoin de Gerdau a aussi confirmé que sa « marge sur les produits de métal », soit l’écart entre le coût des matières premières et le prix de vente réel, s’est nettement réduite entre le troisième trimestre de 2019 et le quatrième trimestre de 2020 [91] . Ces éléments de preuve montrent que la baisse des prix n’est pas entièrement attribuable à l’évolution des coûts de la branche de production nationale, ce qui pourrait indiquer que les marchandises en cause ont exercé une pression à la baisse sur le prix des marchandises similaires.

[88] Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont fait baisser de façon marquée le prix des marchandises similaires au deuxième semestre de 2019 et en 2020.

Compression des prix

[89] Pour déterminer si les marchandises en cause ont mené à la compression de prix des marchandises similaires de production nationale, le Tribunal compare habituellement le coût unitaire moyen des marchandises vendues ou leur coût de fabrication à leur valeur de vente unitaire moyenne sur le marché national afin de voir si la branche de production nationale a été en mesure de hausser ses prix de façon correspondante à la hausse de ses coûts [92] .

[90] Selon cette méthode, rien n’indique dans les données du rapport d’enquête qu’il y aurait eu compression de prix au cours de la période visée par l’enquête. Par unité, tant le coût des marchandises vendues que leur coût de fabrication ont diminué en 2019 et en 2020 [93] . En l’absence d’une hausse des coûts, il n’y avait pas lieu de hausser le prix des marchandises similaires de production nationale.

[91] Les parties plaignantes soutiennent que la branche de production nationale a dû composer avec une compression de prix en 2020 du fait que la baisse du prix de vente nette a été plus marquée que la baisse du coût des marchandises vendues. Toutefois, en l’absence d’une augmentation réelle du coût des marchandises vendues, le Tribunal classe habituellement les indications d’un resserrement des prix et des coûts comme une baisse de prix plutôt qu’une compression de prix. Par ailleurs, il peut tenir compte de cet élément dans l’évaluation des effets sur la rentabilité.

[92] Lors de l’audience, Altasteel et AMLPC ont fait valoir que la compression de prix « typique », laquelle suppose l’incapacité d’augmenter les prix pour composer avec une pression à la hausse sur les coûts, n’est pas assimilable à l’autre forme de compression de prix dont il est question ici, c’est-à-dire des circonstances où on se serait attendu à des prix supérieurs étant donné une situation « précaire » au chapitre des revenus nets [94] .

[93] L’alinéa 37.1(1)b) du Règlement décrit bien la compression de prix comme le fait d’empêcher les augmentations de prix qui « par ailleurs se seraient vraisemblablement produites ». Le Tribunal n’a reçu aucun élément de preuve sur les revenus nets supplémentaires qu’aurait dû générer la branche de production nationale par rapport à ses revenus nets de 2019, avant que se produise la compression de prix susdécrite.

[94] Le Tribunal conclut, par conséquent, que les marchandises en cause n’ont pas, de façon marquée, mené à la compression du prix des marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête.

Conclusion

[95] Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont, de façon marquée, mené à la sous-cotation et à la baisse du prix des marchandises similaires de production nationale au cours du deuxième semestre de 2019 et en 2020.

Incidence sur la branche de production nationale

[96] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation [95] . Cette incidence doit être distinguée de l’incidence des autres facteurs sur la branche de production nationale [96] . Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, le retard ou la menace de dommage en fonction du volume des marchandises sous-évaluées, de leurs effets sur les prix des marchandises similaires et de leur incidence sur la branche de production nationale.

Moment où le dommage a eu lieu

[97] EZDK et NatSteel ont fait valoir que, même si la branche de production nationale préfère considérer les changements survenus sur le marché en choisissant 2019 comme point de référence pour la comparaison, année au cours de laquelle la part de marché de la branche de production nationale a augmenté par rapport à 2018, alors que la taille du marché était en baisse, le Tribunal a pour pratique d’examiner soigneusement l’ensemble de la période visée par l’enquête et des tendances générales, plutôt que de choisir arbitrairement certaines périodes parmi d’autres.

[98] En réponse, AltaSteel et AMLPC ont soutenu que le Tribunal ne doit pas nécessairement conclure que le dommage a eu lieu tout au long de la période visée par l’enquête et qu’il convient que le Tribunal examine les données trimestrielles pour mieux évaluer les tendances récentes, qui peuvent être masquées par les résultats généraux annuels. Pour sa part, Gerdau a affirmé que, dans des enquêtes récentes démontrent que le Tribunal procède régulièrement à un examen approfondi du dommage concernant les parties pertinentes de la période visée par l’enquête, au besoin, conformément à l’évolution du marché [97] . Elle a ajouté que, dans Barres d’armature II, le Tribunal a souligné que la branche de production nationale a été confrontée à un exemple clair de remplacement des sources d’approvisionnement et a conclu que le dommage est survenu durant la dernière partie de la période visée par l’enquête [98] .

[99] Compte tenu du contexte factuel de la présente enquête, le Tribunal conclut qu’il convient d’utiliser, dans la mesure où la preuve au dossier le permet, le premier semestre de 2019 comme point de référence pour évaluer le dommage, comme l’ont proposé les parties plaignantes. En 2018, les volumes des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I (y compris la Turquie) étaient relativement élevés et leurs prix de vente sur le marché étaient bien inférieurs à ceux des marchandises similaires de production nationale et des marchandises en cause [99] , malgré les conclusions en vigueur contre ces pays. Cette situation n’a été corrigée qu’en décembre 2018, comme il est mentionné précédemment, lorsque l’ASFC a commencé à exprimer les valeurs normales pour deux exportateurs turcs en dollars américains plutôt qu’en livres turques [100] . Les ventes des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I ont diminué de 99 p. 100 de 2018 à 2019 [101] .

[100] L’amélioration de la situation de la branche nationale de 2018 à 2019, qui sera examinée de façon plus approfondie ci-après, était donc liée au recul des importations turques. Elle était également liée à l’imposition de mesures de sauvegarde provisoires au quatrième trimestre de 2018. Ces mesures ont été abrogées au deuxième trimestre de 2019, après quoi les marchandises en cause ont commencé à entrer en plus grand nombre sur le marché canadien. Ainsi, le premier semestre de 2019 était la première partie de la période visée par l’enquête pendant laquelle le marché n’était pas soumis à l’influence de quantités importantes d’importations de barres d’armature à bas prix. Le marché au début de 2019 représente donc un retour à la normale pour la branche de production nationale.

Ventes et part de marché

[101] Le volume du marché total des barres d’armature a diminué de 2 p. 100 en 2019, avant d’augmenter de 5 p. 100 en 2020, pour une augmentation totale de 3 p. 100 durant la période visée par l’enquête [102] . La branche de production nationale a mieux fait que le marché en 2019, puisque les ventes intérieures de la production nationale ont augmenté de 24 p. 100, mais elle a moins bien fait que le marché en 2020, puisque les ventes nationales ont diminué de 4 p. 100, pour une augmentation totale de 19 p. 100 durant la période visée par l’enquête. Par conséquent, la branche de production nationale n’a pas été en mesure de tirer avantage de la croissance du marché en 2020.

[102] La part de marché de la branche de production nationale a suivi une tendance semblable, augmentant de 12 points de pourcentage en 2019, avant de diminuer de 5 points de pourcentage en 2020, soit une augmentation totale de 7 points de pourcentage durant la période visée par l’enquête [103] . Cependant, comme il a été observé pour le prix national, la part de marché de la branche de production nationale a commencé à baisser avant la fin de 2019. En fait, selon les données portant sur les périodes intermédiaires, la part de marché de la branche de production nationale s’élevait à 60 p. 100 durant la période intermédiaire de 2019 et a chuté à 50 p. 100 au quatrième trimestre de 2020, soit une diminution totale de 10 points de pourcentage durant cette période [104] . La part de marché de la branche de production nationale au quatrième trimestre de 2020 (50 p. 100) n’était que de 5 points de pourcentage supérieurs à sa part de marché en 2018 (45 p. 100), année durant laquelle s’est fait sentir la concurrence des importations à bas prix en provenance des pays visés dans Barres d’armature I.

[103] La part de marché des marchandises en cause a augmenté de 15 points de pourcentage en 2019 et d’un autre 6 points de pourcentage en 2020, soit une augmentation totale de 21 points de pourcentage durant la période visée par l’enquête [105] . À l’inverse, et conformément au remplacement des sources d’approvisionnement apparent qui a eu lieu durant la période visée par l’enquête, la part de marché des importations provenant des pays visés dans Barres d’armature I a diminué de 25 points de pourcentage en 2019, avant d’augmenter de 2 points de pourcentage en 2020, soit une baisse de 24 points de pourcentage durant la période visée par l’enquête [106] . Par conséquent, selon les données susmentionnées, il est possible de supposer que la part de marché perdue par les pays visés dans Barres d’armature I en 2019 a été récupérée par les marchandises en cause et la branche de production nationale et que la part de marché perdue par la branche de production nationale en 2020 a été récupérée par les marchandises en cause [107] .

[104] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la preuve démontre que la branche de production nationale a perdu des ventes au profit des marchandises en cause en 2020, ainsi que des parts de marché au deuxième semestre de 2019 et au cours de 2020.

Rendement financier

[105] Le rendement financier de la branche de production nationale, en ce qui concerne les ventes intérieures, s’est amélioré en 2019, car sa marge bénéficiaire brute unitaire a augmenté considérablement en raison d’une hausse des prix de vente et d’une baisse relativement faible du coût des marchandises vendues [108] . Cette situation, combinée à une forte augmentation du volume des ventes, a entraîné une augmentation encore plus importante de la marge brute totale pour cette année-là.

[106] En 2020, les marges brutes de la branche de production nationale se sont détériorées sur une base unitaire, car ses prix de vente ont diminué d’un montant plus élevé que le coût de ses marchandises vendues. Une légère diminution de son volume des ventes a également contribué à une réduction de la marge brute totale pour cette année-là. La perte de parts de marché a également privé la branche de production nationale de la possibilité d’améliorer sa rentabilité en 2020. En somme, 2020 a été l’exact opposé de 2019 et, à toutes fins utiles, le rendement financier de la branche de production nationale a été similaire à celui de 2018, lorsqu’elle a dû faire face à des importations à bas prix en provenance des pays visés dans Barres d’armature I.

[107] Comme il est mentionné précédemment, les prix de vente de la branche de production nationale ont commencé à baisser au deuxième trimestre de 2019 et ont poursuivi leur tendance à la baisse jusqu’à la fin de la période visée par l’enquête, ce qui signifie que les marges brutes unitaires de la branche de production nationale ont probablement commencé à se détériorer à un certain moment en 2019. En fait, la preuve au dossier le confirme, car la marge brute unitaire de la branche de production nationale pour la période intermédiaire de 2019 était supérieure à celle pour l’ensemble de 2019, ce qui indique que ses marges brutes avaient au moins commencé à se détériorer au quatrième trimestre de 2019 [109] . En outre, l’état des résultats consolidé préparé par la branche de production nationale, présenté sur une base trimestrielle, montre clairement que les marges brutes unitaires ont commencé à diminuer au troisième trimestre 2019 [110] .

[108] Les résultats des ventes à l’exportation de la branche de production nationale étaient généralement inférieurs à ceux de ses ventes intérieures [111] . Bien que ses marges brutes unitaires sur les ventes à l’exportation aient suivi la même tendance que celles des ventes intérieures, ses marges brutes totales ont augmenté tout au long de la période visée par l’enquête en raison d’augmentations importantes des volumes des ventes. Toutefois, les marges brutes unitaires et totales étaient inférieures à celles des ventes intérieures.

Autres indicateurs de rendement

[109] Les volumes de production destinée aux ventes intérieures ont augmenté de 21 p. 100 en 2019, avant de diminuer de 5 p. 100 en 2020 [112] . Cette augmentation et cette diminution sont essentiellement de la même ampleur que celles mentionnées précédemment pour les ventes intérieures provenant de la production nationale de la branche de production nationale.

[110] La situation de la branche de production nationale était légèrement meilleure pour ce qui est de la production totale, car la production destinée aux ventes à l’exportation a augmenté tout au long de la période visée par l’enquête, ce qui s’est traduit par une augmentation des volumes de production totale de 23 p. 100 en 2019, avant de rester essentiellement stable en 2020.

[111] Les taux d’utilisation de la capacité pour les ventes intérieures sont passés de 17 p. 100 en 2018 à 21 p. 100 en 2019, avant de retomber à 20 p. 100 en 2020 [113] . Toutefois, comme la capacité pratique des usines a diminué tout au long de la période visée par l’enquête, les taux d’utilisation de la capacité de 2019 et de 2020 ont été supérieurs d’un point de pourcentage à ce qu’ils auraient été si la capacité des usines était demeurée au niveau de 2018.

[112] En ce qui concerne les indicateurs liés à l’emploi direct, le nombre d’employés de la branche de production nationale, les heures travaillées et les salaires versés ont augmenté ou sont restés stables en 2019 et en 2020 [114] . Selon la preuve au dossier, certains producteurs nationaux ont reçu des subventions salariales liées à la COVID en 2020. Cet élément, combiné au fait que la production nationale totale est restée stable en 2020, explique probablement pourquoi les facteurs liés à l’emploi n’ont pas diminué en 2020.

[113] Les stocks de barres d’armature de la branche de production nationale ont considérablement augmenté tout au long de la période visée par l’enquête, tant sur le plan du volume que de la valeur, bien que l’augmentation de la valeur n’ait pas été aussi importante étant donné que la valeur unitaire des stocks a diminué en 2019 et 2020 [115] .

[114] Conformément aux résultats financiers de la branche de production nationale et à certains de ses autres indicateurs de rendement, les investissements ont augmenté en 2019, avant de diminuer en 2020 [116] . Compte tenu de ce fait, il semble que certains investissements ont été reportés ou retardés en 2020, au moment où les importations visées ont pris une plus grande part du marché et où les prix de vente intérieurs ont diminué.

[115] Enfin, bien que les producteurs nationaux aient affirmé que la présence accrue des marchandises en cause sur le marché canadien avait eu des effets négatifs sur leur flux de trésorerie, leur croissance, leur capacité de mobiliser des capitaux ou le rendement de leurs investissements pendant la période visée par l’enquête [117] , très peu d’éléments de preuve ont été présentés à ce sujet [118] .

Conclusion

[116] Compte tenu des facteurs mentionnés précédemment, le Tribunal conclut que la branche de production nationale a subi un dommage, à compter du deuxième semestre de 2019 et en 2020, sous la forme d’une réduction des marges brutes ainsi que d’une perte de ventes et de parts de marché, ce qui, à son tour, a eu une incidence négative sur la production nationale, la rentabilité, l’utilisation de la capacité, les stocks et les investissements.

Autres facteurs et lien de causalité

[117] Comme il est mentionné précédemment, aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, en fonction du volume des marchandises en cause, de leurs effets sur les prix des marchandises similaires et de leur incidence sur la branche de production nationale. Pour ce faire, le Tribunal doit faire la distinction entre l’incidence des marchandises en cause et l’effet d’autres facteurs sur la situation de la branche de production nationale [119] . Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause ont, en elles-mêmes, causé un dommage à la branche de production nationale.

[118] EZDK, NatSteel et Hoa Phat ont soulevé plusieurs facteurs autres que le dumping des marchandises en cause, qui, selon elles, ont causé tout dommage que la branche de production nationale a pu subir.

[119] EZDK, NatSteel et Hoa Phat ont aussi cité différentes décisions de l’OMC et plusieurs dispositions de l’Accord antidumping, pour faire valoir que le Tribunal doit appliquer une norme élevée dans son appréciation de la preuve et du lien de causalité. AMLPC et AltaSteel ont soutenu que ces références à des sources du droit international constituent une tentative de demander au Tribunal d’appliquer une norme plus élevée pour ce qui est du dommage et du lien de causalité que ce qui est prévu par la législation canadienne.

[120] Toutefois, à l’audience, le conseiller juridique d’EZDK et de NatSteel a affirmé que « l’accord antidumping n’a pas été mentionné pour faire valoir qu’il favorise une interprétation différente de celle à laquelle nous sommes habitués [120] » [traduction]. Le Tribunal estime que EZDK et NatSteel tiennent à souligner l’importance d’une analyse rigoureuse du lien de causalité, plutôt que de plaider en faveur d’une norme plus élevée que celle que le Tribunal applique habituellement. Dans toute enquête, il va sans dire que l’appréciation de la preuve et du lien de causalité par le Tribunal doit être objective et rigoureuse, et que le Tribunal tiendra compte de toute preuve au dossier montrant que des facteurs autres que le dumping peuvent avoir causé dommage. Le Tribunal ne considère pas que les observations des parties concernant le droit international soient déterminantes dans le contexte de la présente enquête et, par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal ne les examinera pas davantage. Toutefois, ci-après, le Tribunal examinera, conformément à sa pratique habituelle, les facteurs autres que le dumping soulevés par les parties pour déterminer si les marchandises en cause, en elles-mêmes, ont causé un dommage à la branche de production nationale.

COVID-19 et incidence sur la demande

[121] Hoa Phat a fait valoir que les producteurs nationaux ne peuvent pas attribuer aux marchandises en cause les effets négatifs liés à la baisse de la demande, en particulier compte tenu de l’incidence de la pandémie de COVID-19. EZDK et NatSteel ont soutenu que tout ralentissement subi par la branche de production nationale en 2020 par rapport à 2019 était un « soubresaut du marché » [traduction] attribuable à la COVID-19 [121] .

[122] Les parties plaignantes ont fait valoir que la pandémie de COVID-19 n’a eu aucune incidence sur la demande de barres d’armature puisque le marché canadien des barres d’armature a enregistré une hausse en 2020. En outre, AltaSteel et AMLPC ont soutenu que les marchandises en cause ont commencé à nuire à la branche de production nationale avant la pandémie de COVID‑19 et cette situation s’est poursuivie pendant la période d’incertitude liée à la pandémie.

[123] Le Tribunal conclut que la pandémie ne semble pas avoir eu une incidence négative sur la demande de barres d’armature au Canada puisque le marché a en fait augmenté de 5 p. 100 en 2020 [122] . Par conséquent, si la pandémie a eu une incidence quelconque sur le marché canadien des barres d’armature en 2020, elle a été relativement faible et sans doute peu importante dans le contexte de la présente enquête. Comme il est expliqué précédemment, le dommage causé à la branche de production nationale a commencé au deuxième semestre de 2019, avant le début de la pandémie. Cette situation est semblable à celle qui s’est produite dans Tôles fortes, où le Tribunal a énoncé ce qui suit :

[...] le dommage causé par les marchandises en cause est survenu en 2019 avant le début de la pandémie. Par conséquent, les effets de la pandémie de COVID-19 qui ont commencé à se faire sentir au cours de la période intermédiaire de 2020 étaient plus importants que l’effet des marchandises en cause durant la période visée par l’enquête et n’ont fait que s’ajouter au dommage que subissait déjà la branche de production nationale [123] .

[124] Par conséquent, bien que la pandémie soit certainement un facteur contextuel important dont il faut tenir compte, elle n’était pas, de l’avis du Tribunal, une cause de la baisse du rendement de la branche de production nationale.

Le marché nord-américain des barres d’armature

[125] Hoa Phat a soutenu que les prix des barres d’armature nord-américaines sont maintenus à un niveau artificiellement élevé en raison d’une protection étendue, notamment les mesures aux termes de l’article 232, la surtaxe du Canada imposée en représailles sur les importations en provenance des États‑Unis et les mesures de sauvegarde provisoires adoptées par le Canada. Elle a fait valoir que ces mesures, et l’incertitude commerciale qui les accompagne, sont des facteurs autres que le dumping qui ont eu une incidence sur la branche de production nationale. Selon Hoa Phat, ces mesures ont déséquilibré le marché parce que les exportations américaines vers le Canada et les exportations canadiennes vers les États-Unis ont diminué et que les prix ont atteint des niveaux très élevés jusqu’à ce que la surtaxe canadienne soit supprimée.

[126] En réponse, les parties plaignantes ont soutenu que Hoa Phat a simplement évoqué cette cause possible de dommage sans évaluation du contexte ni effort pour quantifier l’incidence sur la branche de production nationale.

[127] De l’avis du Tribunal, l’incidence, le cas échéant, des mesures aux termes de l’article 232 sur le marché canadien serait sans doute une augmentation de l’offre de barres d’armature de sources étrangères (du fait du détournement) et une baisse des prix. En outre, comme il est mentionné précédemment, tant la surtaxe du Canada imposée en représailles sur les importations en provenance des États‑Unis que les mesures de sauvegarde provisoires du Canada ont été éliminées au deuxième trimestre de 2019 et n’ont donc été en vigueur que pendant une courte période. Quoi qu’il en soit, la surtaxe a eu pour effet de réduire les volumes des importations en provenance des États‑Unis, qui ont été systématiquement vendues à des prix plus élevés que les marchandises en cause et les marchandises similaires de production nationale tout au long de la période visée par l’enquête [124] . Quant aux mesures de sauvegarde provisoires, elles ne prévoyaient que des restrictions quantitatives aux importations (c’est-à-dire que les prix n’ont pas été touchés).

[128] Il n’y a aucune autre preuve que les facteurs liés au marché nord-américain, dans leur ensemble, ont causé un dommage à la branche de production nationale. Hoa Phat a évoqué ces facteurs sans tenter de quantifier leur incidence ou d’expliquer précisément comment ils auraient pu causer un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal conclut donc que ces facteurs ne sont pas responsables du dommage subi par la branche de production nationale.

Importations à bas prix provenant des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II

[129] EZDK et NatSteel ont soutenu que les importations à bas prix en provenance des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II ont eu un effet plus important sur les prix nationaux que les marchandises en cause et ont donc été une cause de dommage. Elles ont fait valoir que, même si les volumes des importations en provenance de ces pays étaient inférieurs aux volumes des marchandises en cause, le Tribunal a déjà conclu que même un seul envoi d’importations à bas prix peut avoir un effet négatif et dévastateur sur les prix du marché canadien [125] .

[130] Comme il est mentionné précédemment, bien que la preuve dont dispose le Tribunal dans la présente enquête définitive montre que les importations en provenance des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires de production nationale et des marchandises en cause à certains moments en 2018 et en 2019, les ventes des importations en provenance de ces pays représentaient collectivement un pourcentage beaucoup plus faible du marché que les marchandises en cause en 2019 et en 2020 [126] . Par ailleurs, les marchandises en cause dominaient le marché sur le plan du prix en 2020 [127] , année où la majeure partie du dommage a été subie.

[131] Dans Feuillards en acier, le Tribunal a conclu que, étant donné la taille relative et la fragilité du marché canadien, même des offres d’importation apparemment modestes peuvent avoir une incidence négative sur les prix du marché [128] . Bien qu’il ne fasse aucun doute que de telles offres puissent avoir une incidence négative sur les prix, cette situation se produirait surtout dans des circonstances où il n’y aurait pas d’autres importations à bas prix sur le marché. Autrement dit, une telle offre serait le catalyseur qui déclencherait une chaîne d’événements entraînant une spirale de baisse de prix. Ce n’était manifestement pas le cas en l’espèce, car les prix ont commencé à baisser au cours d’une période où les importations en provenance des pays visés dans Barres d’armature I et Barres d’armature II avaient pratiquement disparu du marché et où les marchandises en cause étaient déjà solidement implantées et entraînaient une sous-cotation des prix nationaux.

Rendement de la branche de production nationale sur le plan des exportations

[132] EZDK et NatSteel ont fait valoir que le mauvais rendement de la branche de production nationale sur le plan des exportations signifie que des facteurs autres que le dumping sont à l’origine des difficultés de celle-ci.

[133] Comme il est mentionné précédemment, bien que le rendement de la branche de production nationale sur le plan des exportations ait été inférieur à son rendement sur le plan des ventes intérieures, ses marges brutes totales ont augmenté tout au long de la période visée par l’enquête en raison des augmentations importantes des volumes des ventes à l’exportation [129] . Quoi qu’il en soit, les ventes à l’exportation de la branche de production nationale représentent un pourcentage relativement faible de ses ventes totales et n’ont pas d’incidence importante sur son rendement financier global [130] . Par conséquent, le Tribunal conclut que le rendement de la branche de production nationale sur le plan des exportations n’annule pas l’incidence des marchandises en cause.

Pénuries sur le plan de l’approvisionnement

[134] Hoa Phat fait valoir que les producteurs nationaux prévoient augmenter leur capacité, ce qui confirme les préoccupations des acheteurs au sujet des pénuries sur le marché national.

[135] Les parties plaignantes ont soutenu que la branche de production nationale a une capacité suffisante pour approvisionner le marché canadien des barres d’armature sans la présence des marchandises en cause. Gerdau a souligné que la capacité excédentaire de la branche de production nationale en 2020 était nettement supérieure au volume des importations visées. De plus, AltaSteel et AMLPC ont fait valoir que, quoi qu’il en soit, le Tribunal a conclu à maintes reprises que la branche de production nationale n’est pas tenue d’approvisionner l’ensemble du marché [131] .

[136] Le Tribunal souligne que plusieurs acheteurs de barres d’armature, qui ont répondu au questionnaire à l’intention des acheteurs, ont fait part de leurs préoccupations concernant la possibilité de s’approvisionner auprès des producteurs nationaux [132] . Cependant, le rapport d’enquête montre clairement que les producteurs nationaux, dans leur ensemble, avaient une capacité excédentaire suffisante durant la période visée par l’enquête [133] . Le Tribunal n’est pas convaincu qu’une pénurie globale sur le plan de l’approvisionnement en barres d’armature auprès des producteurs nationaux puisse avoir causé un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[137] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime que la preuve, dans son ensemble, permet d’établir qu’aucun des facteurs soulevés par les parties s’opposant à une conclusion de dommage n’est suffisant pour attribuer le dommage à des causes autres que le dumping des marchandises en cause. Par conséquent, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en cause, à lui seul, a causé un dommage à la branche de production nationale à partir du deuxième semestre de 2019 et en 2020, une période qui a coïncidé avec une augmentation des importations visées et une réduction des prix de vente nationaux.

Caractère sensible

[138] Le Tribunal doit maintenant déterminer si les effets des importations de marchandises en cause décrits précédemment revêtent un caractère « sensible », tel que le prévoit la définition de « dommage » à l’article 2 de la LMSI. Bien que la LMSI ne définisse pas le terme « sensible », le Tribunal a jugé auparavant qu’il s’entend d’un dommage qui est plus que de minimis, mais qui n’est pas nécessairement grave [134] . Enfin, le Tribunal évalue le caractère sensible de tout dommage au cas par cas, en prenant en compte la portée (c’est-à-dire la gravité), le moment et la durée du dommage [135] .

[139] Dans les cas où la durée du dommage ne représentait qu’une partie de la période visée par l’enquête, le Tribunal s’est déjà penché sur la question de savoir si le dommage était le plus répandu pendant une période qui s’inscrivait dans la période visée par l’enquête de l’ASFC et qui coïncidait avec l’entrée sur le marché d’importants volumes de marchandises en cause [136] . En l’espèce, les éléments de preuve indiquent que la branche de production nationale a subi un dommage principalement sous la forme d’une baisse de rentabilité, d’une perte de ventes et d’une diminution de la part de marché au cours du deuxième semestre de 2019 et en 2020 – une période qui a coïncidé avec une augmentation importante des importations visées et qui a largement chevauché la période visée par l’enquête de l’ASFC.

[140] Le Tribunal est donc convaincu que la portée, le moment et la durée du dommage en l’espèce sont tels qu’il peut être considéré comme sensible. Comme le Tribunal a conclu que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage à la branche de production nationale, il n’a pas à se pencher sur la question de savoir si les marchandises en cause menacent de causer un dommage.

CONCLUSION

[141] Le Tribunal conclut par les présentes, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage à la branche de production nationale.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

 



[1] L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[2] Barres d’armature pour béton (23 novembre 2020), PI-2020-004 (TCCE) [Barres d’armature III PI].

[3] Pièce NQ-2020-004-01 aux p. 10-11.

[4] Ibid. à la p. 11.

[5] Pièce NQ-2020-004-03.

[7] La version protégée du rapport d’enquête contenant des renseignements désignés comme confidentiels a été distribuée, avec le reste du dossier confidentiel, aux avocats qui avaient signé l’acte de déclaration et d’engagement nécessaire.

[8] Le Syndicat des Métallos est un syndicat international qui représente un certain nombre de travailleurs impliqués directement ou indirectement dans la production de barres d’armature chez AltaSteel, AMLPC et Gerdau (voir pièce NQ-2020-004-E-01 aux p. 1-2).

[9] Bien que la délégation de l’Union européenne au Canada et le ministère du Commerce de la République d’Indonésie aient déposé des avis de participation, ils n’ont pas déposé d’observations au cours de cette procédure.

[10] Pièce NQ-2020-004-04 aux p. 17-18.

[11] Pièce NQ-2020-004-04A au par. 13.

[12] Pièce NQ-2020-004-04 à la p. 11.

[13] Ibid. à la p. 17.

[14] Pièce NQ-2020-004-04A aux p. 41-42.

[15] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « retard » comme un « [...] retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale ». Comme la branche de production nationale est déjà établie, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner la question du retard.

[16] Le Tribunal déterminera les effets du dumping des marchandises en cause sur la branche de production nationale pour chacun des pays ou pour les pays cumulés, comme il convient.

[17] Le dommage et la menace de dommage sont des conclusions distinctes; le Tribunal n’est pas tenu de rendre de conclusions à propos de la menace de dommage aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI à moins qu’il n’ait préalablement conclu qu’il n’y a pas de dommage.

[18] Stelco Inc. c. Canada (Tribunal canadien du commerce extérieur), [1995] A.C.F. no 832 (CA). Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE) au par. 34 où le Tribunal a aussi affirmé qu’aucune partie n’a le fardeau de démontrer leur position dans le cadre d’un réexamen relatif à l’expiration.

[19] Les conclusions du Tribunal doivent être fondées sur des éléments de preuve positifs, comme l’exige l’article 3.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [Accord antidumping] (en ligne : https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/19-adp.pdf).

[20] Dans les faits, sans des éléments de preuve normalement fournis par les producteurs nationaux, il peut être difficile de conclure à l’existence de dommage ou de menace de dommage. Voir, par exemple, Pizzas autolevantes congelées (18 août 2004), NQ-2004-003 (TCCE) où, quelques jours avant l’audience, la partie plaignante a retiré son mémoire et tous les éléments de preuve qu’elle avait présentés, ce qui, selon le Tribunal, a nui à la valeur probante et au caractère persuasif de la plainte et des autres éléments de preuve au dossier. Le Tribunal a conclu à l’absence de dommage ou de menace de dommage dans cette affaire.

[21] Si le Tribunal détermine que la présente enquête vise plus d’une catégorie de marchandises, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[22] Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48.

[23] Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 115; voir aussi Panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) à la p. 10.

[24] Voir Barres d’armature pour béton (9 janvier 2015), NQ-2014-001 (TCCE) [Barres d’armature I] aux par. 47, 79; Barres d’armature pour béton (3 mai 2017), NQ-2016-003 (TCCE) [Barres d’armature II] au par. 45; Barres d’armature pour béton (14 octobre 2020), RR-2019-003 (TCCE) [Réexamen Barres d’armature I] au par. 33. Voir aussi Enquête de sauvegarde sur l’importation de certains produits de l’acier (3 avril 2019), GC-2018-001 (TCCE) [Enquête de sauvegarde sur l’acier] aux p. 59-60 où le Tribunal, dans le cadre d’une enquête de sauvegarde menée aux termes de l’alinéa 20(2)a) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, a conclu que les barres d’armature fabriquées au pays étaient des « marchandises similaires ou directement concurrentes » aux barres d’armature importées en question.

[25] Barres d’armature I au par. 47.

[26] Ibid. au par. 74.

[27] L’expression « proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité : Japan Electrical Manufacturers Association c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] 2 C.F. 652 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Le Tribunal antidumping, [1978] 1 C.F. 222 (C.A.F.); rapport du groupe spécial, Chine – Automobiles (É‑U), WT/DS440/R au par. 7.207; rapport de l’Organe d’appel, CE – Éléments de fixation (Chine), WT/DS397/AB/R aux par. 411, 412, 419; rapport du groupe spécial, Argentine – Viande de volaille (Brésil), WT/DS241/R au par. 7.341.

[28] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 23.

[29] Pièce NQ-2020-004-04 à la p. 11.

[30] Voir, par exemple, Tôles fortes (5 février 2021), NQ-2020-001 (TCCE) [Tôles fortes] au par. 66; Feuilles d’acier résistant à la corrosion (16 novembre 2020), NQ-2019-002 (TCCE) au par. 58; Barres d’armature I au par. 92. Cette façon de procéder est conforme à la notification du Canada au Comité des pratiques antidumping de l’OMC selon laquelle il utilise habituellement le volume des importations faisant l’objet d’un dumping pendant la période de collecte des données pour l’enquête de dumping pour faire cette détermination, c’est-à-dire la période visée par l’enquête de l’ASFC. Voir Notification concernant la période utilisée pour déterminer si le volume des importations est négligeable au titre de l’Article 5.8 de l’Accord, G/ADP/N/100/CAN.

[31] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 22.

[32] Feuilles d’acier résistant à la corrosion (21 février 2019), NQ-2018-004 (TCCE) au par. 45.

[33] Transcription de l’audience publique aux p. 123-124, 136, 158-159.

[34] Barres d’armature I au par. 47; Barres d’armature II au par. 68; Réexamen Barres d’armature I aux par. 228, 233.

[35] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 16.

[36] Ibid., tableau 19.

[37] Ibid., tableau 7.

[38] Ibid., tableaux 1, 3.

[39] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 83.

[40] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 7.

[41] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 28.

[42] Le Tribunal a donc tenu compte des volumes et des prix des importations visées provenant de tous les pays visés de manière cumulative. Ainsi, les observations d’EZDK, de NatSteel et de Hoa Phat qui portaient sur les répercussions distinctes sur les prix et l’incidence des importations en provenance de chacun des pays visés (c’est-à-dire l’Égypte, Singapour ou le Vietnam, de manière décumulée) ont été jugées dépourvu de toute pertinence juridique.

[43] DORS/84-927 [Règlement].

[44] Voir Réexamen Barres d’armature I.

[45] Avis des douanes 18-08 : Surtaxes imposées sur certains produits originaires des États-Unis, en ligne : <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/publications/cn-ad/cn18-08-fra.html>.

[46] En ligne : <https://www.canada.ca/fr/affaires-mondiales/nouvelles/2019/05/declaration-conjointe-du-canada-et-des-etats-unis-concernant-lapplication-de-droits-sur-lacier-et-laluminium-au-titre-de-larticle232.html>.

[47] Décret imposant une surtaxe sur l’importation de certains produits de l’acier, DORS/2018-206, en ligne : <https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2018-206/TexteComplet.html>. Le Tribunal souligne que, bien que les barres d’armature en acier inoxydable n’aient pas été exclues de la définition de produit dans Enquête de sauvegarde sur l’acier, elles ont été exclues de la définition de produit dans Barres d’armature I, Barres d’armature II et la présente enquête. Voir Enquête de sauvegarde sur l’acier à la p. 58.

[48] Voir Enquête de sauvegarde sur l’acier. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur définit « dommage grave » comme « une dégradation générale notable de la situation des producteurs nationaux ». Le Tribunal a conclu que cela était supérieur au seuil de dommage applicable dans le contexte des enquêtes de dommage en vertu de la LMSI, qui est celui du « dommage sensible » (voir Enquête de sauvegarde sur l’acier aux p. 29-30).

[49] Enquête de sauvegarde sur l’acier à la p. 65.

[50] Ibid.

[51] Ibid. aux p. 73-74.

[52] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 24.

[53] Barres d’armature pour béton (25 janvier 2021), PI-2020-005 (TCCE).

[54] En ligne : <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/rb42020/rb42020-nf-fra.html>.

[55] Voir, par exemple, pièce NQ-2020-004-A-01 à la p. 265.

[56] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 25.

[57] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 24. Il suffit de soustraire le volume total des importations visées pour la période intermédiaire de 2019 du volume total des importations visées pour l’ensemble de 2019, ce qui donne le volume des importations pour le quatrième trimestre.

[58] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 24.

[59] Ibid., tableau 26.

[60] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 27.

[61] Ibid., tableau 29.

[62] Ibid., tableaux 16, 19.

[63] Un « prix national majoré » est généralement le montant que les clients peuvent être prêts à payer pour des marchandises de production nationale par rapport à des marchandises produites à l’étranger.

[64] Barres d’armature I aux par. 139-141.

[65] Barres d’armature II aux par. 98, 108, 114; Enquête de sauvegarde sur l’acier à la p. 71.

[66] Voir, par exemple, pièce NQ-2020-004-C-04 au par. 33; pièce NQ-2020-004-D-05 au par. 29.

[67] Voir pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 8.

[68] Le Tribunal fait remarquer que, même si cinq répondants ont indiqué qu’ils étaient prêts à payer un prix national majoré, seulement quatre ont indiqué une valeur monétaire. Gerdau a soutenu que le montant de la majoration du prix national indiqué par ces répondants suggère qu’ils faisaient peut-être référence au niveau de sous-cotation des prix à l’importation par rapport aux prix nationaux. Le Tribunal considère que cela est certainement plausible étant donné ses conclusions antérieures systématiques d’un prix national majoré de l’ordre de 25 $ à 40 $ la tonne.

[69] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 45.

[70] Ibid., tableau 30.

[71] Ibid., tableaux 47, 49.

[72] Ibid., tableaux 34, 38.

[73] Ibid., tableau 41.

[74] Ibid., tableaux 57-58. Comme les données sur les prix de référence ont été recueillies pour six produits sur huit trimestres, un total de 48 comparaisons trimestrielles aurait été possible.

[75] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 57-58. Le Tribunal souligne qu’il n’y pas eu de ventes déclarées de produits de référence provenant des pays visés dans Barres d’armature II après le troisième trimestre de 2019.

[76] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), annexes 1-6.

[77] Ibid., tableaux 67-75. EZDK, NatSteel et Hoa Phat ont soutenu qu’il y avait peu d’éléments de preuve du dommage causé par les importations en provenance de l’Égypte, de Singapour et du Vietnam aux clients communs. Bien qu’il y ait eu très peu de cas de concurrence entre les marchandises en cause provenant de ces pays et les marchandises similaires de production nationale aux clients communs, le Tribunal fait remarquer qu’il a déjà conclu qu’une évaluation des effets cumulatifs était appropriée dans la présente enquête. Ainsi, les importations en provenance des sept pays visés doivent être examinées conjointement.

[78] Il n’y a pas eu de cas où il y a eu à la fois des ventes de marchandises en cause et des importations en provenance des pays visés dans Barres d’armature II.

[79] Ces exemples se trouvent dans les déclarations de témoins déposées par les parties plaignantes et résumées à la pièce NQ‑2020-004-A-02 (protégée) au par. 103 (tableau 8); pièce NQ-2020-004-D-02 (protégée) au par. 51 (tableau 8).

[80] Réexamen Barres d’armature I au par. 231.

[81] Voir pièce NQ-2020-004-A-10 (protégée) aux par. 106-112; pièce NQ-2020-004-D-10 (protégée) aux par. 26, 28-29, 32, 35.

[82] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 45; pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 46. En ce qui concerne les ventes aux distributeurs et aux utilisateurs finaux, les variations en pourcentage des prix de vente nationaux sont presque identiques aux variations de prix observées au niveau global. Voir pièce NQ-2020-004-06.H, tableaux 48, 50.

[83] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 45.

[84] Ibid., tableaux 28, 45. À l’aide des renseignements figurant dans ces deux tableaux du rapport d’enquête, le Tribunal a établi que le prix des marchandises similaires au quatrième trimestre de 2019 était de 850 $ la tonne.

[85] Pièce NQ-2020-004-A-01 à la p. 38 (tableau 9), 122-123.

[86] Barres d’armature III PI au par. 60.

[87] Pièce NQ-2020-004-07.I (protégée), tableaux 51-54; pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 55-56.

[88] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 67-75.

[89] Voir pièce NQ-2020-004-A-08 (protégée) aux par. 21, 36, 44-45.

[90] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 76.

[91] Pièce NQ-2020-004-D-04 (protégée) aux par. 25, 33.

[92] Tôles fortes au par. 118.

[93] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 76.

[94] Transcription de l’audience publique aux p. 37-38.

[95] Les facteurs et les indices économiques comprennent (i) tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l’utilisation de la capacité de la branche de production, (ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement, (ii.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci (iii) dans le cas des produits agricoles qui sont subventionnés, y compris tout produit qui est un produit ou une marchandise agricole aux termes d’une loi fédérale ou provinciale, toute augmentation du fardeau subi par un programme de soutien gouvernemental.

[96] Aux termes de l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement, le Tribunal doit examiner si des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause ont causé un dommage. Les facteurs prescrits à cet égard sont (i) le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées ou subventionnées, (ii) la contraction de la demande pour les marchandises ou pour des marchandises similaires, (iii) tout changement des habitudes de consommation des marchandises ou des marchandises similaires, (iv) les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la concurrence qu’ils se livrent, (v) les progrès technologiques, (vi) le rendement à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale à l’égard de marchandises similaires, et (vii) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

[97] Acier laminé à froid (21 décembre 2018), NQ-2018-002 (TCCE) [Acier laminé à froid] au par. 99; Tiges de pompage (14 décembre 2018), NQ-2018-001 (TCCE) au par. 151.

[98] Barres d’armature II aux par. 10, 82-83.

[99] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 24, 45.

[100] Enquête de sauvegarde sur l’acier aux p. 73-74.

[101] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 29.

[102] Ibid., tableaux 28-29.

[103] Ibid., tableaux 28, 30-31.

[104] Ibid., tableaux 28, 30. À l’aide des renseignements figurant au tableau 28 du rapport d’enquête, le Tribunal a pu établir la part de marché de la branche de production nationale au quatrième trimestre de 2020.

[105] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 28, 30-31.

[106] Les variations de points de pourcentage ne correspondent pas aux totaux en raison de l’arrondissement des chiffres. La part de marché détenue par les importations en provenance des pays visés dans Barres d’armature II est restée faible et relativement constante tout au long de la période visée par l’enquête.

[107] Le Tribunal souligne que les données pour les périodes intermédiaires montrent que la part de marché détenue par les pays visés dans Barres d’armature IV est passée de 1 pour cent durant la période intermédiaire 2020 à 7 pour cent au quatrième trimestre de 2020 (voir pièce NQ-2020-004-07.H [protégée], tableaux 28, 30). Cela laisse entendre que la branche de production nationale a peut-être cédé une certaine part de marché aux importations en provenance des pays visés dans Barres d’armature IV au quatrième trimestre de 2020. Néanmoins, de l’avis du Tribunal, la présence encore très importante des marchandises en cause au cours de ce trimestre, et à des prix toujours dominants sur le marché, permet de conclure qu’elles ont causé un dommage tout au long de l’année 2020.

[108] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 76.

[109] Ibid.

[110] Pièce NQ-2020-004-A-02 (protégée) à la p. 214. Les résultats consolidés de la branche de production nationale indiquent également que les marges brutes unitaires ont augmenté entre le troisième trimestre de 2020 et le quatrième trimestre de 2020 en raison d’une diminution du coût des marchandises vendues. Toutefois, elles sont restées nettement inférieures à leur sommet atteint au deuxième trimestre de 2019.

[111] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 77.

[112] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 80.

[113] Ibid., tableau 79.

[114] Ibid., tableau 80; pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 80.

[115] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 80.

[116] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 79.

[117] Ibid., tableau 84.

[118] Gerdau a fourni quelques éléments de preuve concernant ces facteurs. Voir pièce NQ-2020-004-10.02 (protégée) aux p. 74‑77.

[119] Voir l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement.

[120] Transcription de l’audience publique à la p. 102.

[121] Ibid. à la p. 140.

[122] Pièce NQ-2020-004-06.H, tableau 29.

[123] Tôles fortes au par. 138.

[124] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 24, 45, 51-56.

[125] Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (15 août 2011), RR-2010-001 (TCCE) [Feuillards en acier] au par. 258.

[126] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 30.

[127] Ibid., tableau 45.

[128] Feuillards en acier au par. 258.

[129] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableaux 76-77. Le rapport d’enquête du Tribunal fait la distinction entre les résultats financiers de la branche de production nationale concernant les ventes nationales des résultats concernant les ventes à l’exportation. Le Tribunal a ainsi pu, dans son analyse de dommage, évaluer l’incidence des marchandises en cause sur la situation de la branche de production nationale en ce qui a trait uniquement à ses activités sur le marché canadien. Toutefois, le caractère sensible est habituellement examiné par rapport à la production de marchandises similaires de la branche de production nationale dans son ensemble. Voir, par exemple, Culottes jetables pour incontinence pour adulte (5 juillet 2007), NQ-2006-004 (TCCE) au par. 58; Fils machine de cuivre (28 mars 2007), NQ-2006-003 (TCCE) au par. 50; Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (17 août 2001), NQ-2001-001 (TCCE) à la p. 13.

[130] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 79.

[131] Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (17 avril 2015), NQ-2014-002 (TCCE) au par. 296; Certaines pièces d’attache (21 janvier 2005), NQ-2004-005 (TCCE) au par. 216; Barres d’armature I au par. 287.

[132] Voir, par exemple, pièce NQ-2020-004-18.01 à la p. 8; pièce NQ-2020-004-18.08 à la p. 11; pièce NQ-2020-004-18.12 à la p. 3.

[133] Pièce NQ-2020-004-07.H (protégée), tableau 79.

[134] Résines ABS (15 octobre 1986), CIT-3-86; Modules muraux unitisés (12 novembre 2013), NQ-2013-002 (TCCE) au par. 58.

[135] Barres d’armature II au par. 184. Voir aussi Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud (27 octobre 1997), NQ-97-001 (TCCE) à la p. 15, où le Tribunal a laissé entendre que le concept de caractère sensible pouvait comporter des dimensions à la fois temporelles et quantitatives.

[136] Barres d’armature II aux par. 185-186; Acier laminé à froid au par. 99. Voir aussi Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié (4 janvier 2018), NQ-2017-002 (TCCE) à la note de bas de page 15 où le Tribunal a affirmé que, bien que chaque cause dépende de ses propres faits, il est plus probable que les éléments de preuve relatifs au passé récent soient pertinents pour établir l’existence d’un lien de causalité actuel entre le dumping et le dommage et pour justifier l’imposition de droits antidumping.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.