Enquêtes de dommage antidumping

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Enquête préliminaire de dommage no PI-2021-001

Certains petits transformateurs de puissance

Décision rendue
le lundi 14 juin 2021

Motifs rendus
le mardi 29 juin 2021

 



EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

CERTAINS PETITS TRANSFORMATEURS DE PUISSANCE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LSMI), a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de transformateurs à liquide diélectrique avec une puissance admissible maximale égale ou supérieure à 3 000 kilovolts ampères (kVA) (3 mégavolts ampères [MVA]), et inférieure à 60 000 kilovolts ampères (kVA) (60 mégavolts ampères [MVA]), et une tension nominale élevée de plus de 34,5 kilovolts (kV), assemblés ou non, complets ou incomplets, originaires ou exportés de la République d’Autriche, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), et de la République de Corée, a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage selon la définition de ces termes dans la LMSI.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 15 avril 2021, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

Susan D. Beaubien, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Frédéric Seppey, membre

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique principale
Martin Goyette, conseiller juridique
Mark Howell, analyste principal
Thy Dao, analyste

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux/autres

Conseillers/représentants

Northern Transformer Corporation
PTI Transformers L.P. et PTI Transformers Inc.
Transformateurs Delta Star, Inc.

Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Andrew M. Lanouette
Marc McLaren-Caux
Michael Milne
Susana May Yon Lee
Cynthia Wallace
Andrew Paterson
E. Melisa Celebican
Jordan Lebold
Alexander Hobbs

Ambassade de la République de Corée

Joung Ki Kim

Délégation de l’Union européenne au Canada

Maud Labat

Hyundai Electric & Energy Systems Co., Ltd.

Darrel H. Pearson
George Reid
Ethan Gordon

Shihlin Electric & Engineering Corp.

Joseph Kuo

Syndicat des Métallos

Craig Logie
Christopher Somerville
Jacob Millar

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Transformateurs Delta Star, Inc. (Delta Star), Northern Transformer Corporation (Northern), PTI Transformers L.P. et PTI Transformers Inc. (collectivement désignées la Coalition SPT) ont déposé une plainte auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) alléguant que les petits transformateurs de puissance originaires ou exportés de l’Autriche, du Taipei chinois et de la Corée du Sud avaient fait l’objet de dumping au Canada, causant ainsi un dommage ou menaçant de causer un dommage à la branche de production nationale. La plainte a été déposée le 23 février 2021.

[2] Le 15 avril 2021, l’ASFC a ouvert une enquête à l’égard du dumping des marchandises en cause, aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] .

[3] À la suite de la décision de l’ASFC d’ouvrir une enquête, le 16 avril 2021, le Tribunal canadien du commerce extérieur a entrepris son enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI, afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[4] Le Tribunal a reçu des observations à l’appui d’une décision provisoire de dommage de la part de la Coalition SPT et du Syndicat des Métallos, un syndicat qui représente un certain nombre de travailleurs employés par les parties plaignantes.

[5] Le Tribunal a reçu des observations à l’encontre de la plainte de la part de Shihlin Electric & Engineering Corp. (Shihlin), un producteur des marchandises en cause situé au Taipei chinois. Hyundai Electric & Energy Systems Co., Ltd., la Délégation de l’Union européenne au Canada et l’Ambassade de la République de Corée ont chacune déposé un avis de participation mais n’ont pas présenté d’observations.

[6] Le 14 juin 2021, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve montraient une indication raisonnable que le dumping des marchandises en cause avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. Les motifs de cette décision sont énoncés plus bas.

DÉFINITION DU PRODUIT

[7] L’ASFC a défini les marchandises en cause en ces termes :

Transformateurs à liquide diélectrique avec une puissance admissible maximale égale ou supérieure à 3 000 kilovolts ampères (kVA) (3 mégavolts ampères [MVA]), et inférieure à 60 000 kilovolts ampères (kVA) (60 mégavolts ampères [MVA]), et une tension nominale élevée de plus de 34,5 kilovolts (kV), assemblés ou non, complets ou incomplets, originaires ou exportés de la République d’Autriche, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), et de la République de Corée [2] .

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR UNE ENQUÊTE

[8] L’ASFC a ouvert une enquête en vertu du paragraphe 31(1) de la LMSI, car elle était d’avis que des éléments de preuve indiquaient que les marchandises en cause avaient fait l’objet de dumping, et que des éléments de preuve montraient une indication raisonnable que le dumping avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale.

[9] En utilisant les renseignements relatifs à la période choisie pour l’enquête de dumping, soit du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2020, l’ASFC a estimé les marges de dumping et les volumes de marchandises sous-évaluées pour chacun des pays visés de la manière suivante [3] :

Pays

Marge de dumping

(% du prix à l’exportation)

Volume de marchandises sous-évaluées

(% du total des importations)

Autriche

28,8

5,2

Taipei chinois

17,9

4,7

Corée du Sud

66,6

29,9

 

CADRE LÉGISLATIF

[10] Le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de petits transformateurs de puissance a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale, tel que prévu au paragraphe 34(2) de la LMSI.

Norme de preuve établie par l’expression « indiquent, de façon raisonnable »

[11] L’expression « indiquent, de façon raisonnable » n’est pas définie dans la LMSI, mais elle a été interprétée comme exigeant une norme de preuve moins élevée que celle qui s’applique lors d’une enquête définitive de dommage aux termes de l’article 42 de la LMSI. L’interprétation par le Tribunal de la norme de preuve applicable lors d’une enquête préliminaire de dommage a été soigneusement conçue de façon à respecter les exigences prévues par la LMSI et les accords de l’OMC. Le Tribunal doit examiner les éléments de preuve au dossier en fonction de cette norme, en tenant compte des circonstances propres à chaque affaire.

[12] Les éléments de preuve doivent être suffisants pour persuader le Tribunal qu’une enquête définitive est justifiée, compte tenu de l’étape à laquelle en est l’enquête. Pour en arriver à cette décision, le Tribunal tient compte des facteurs de dommage et de menace de dommage prévus à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [4] . Ces facteurs comprennent le volume des importations des marchandises sous‑évaluées, l’effet de ces marchandises sur le prix des marchandises similaires, l’incidence des marchandises en cause sur la situation de la branche de production nationale et – s’il existe un dommage ou une menace de dommage – la question de savoir s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage ou la menace de dommage.

[13] L’issue d’une enquête préliminaire de dommage ne doit pas être tenue pour acquise. La norme de preuve n’est pas satisfaite par de simples allégations non étayées par des éléments de preuve. Les parties à une enquête préliminaire de dommage doivent faire de leur mieux en déposant des éléments de preuve positifs et suffisants qui ont trait à la fois aux conditions prescrites dans la LMSI et aux facteurs énoncés dans le Règlement.

[14] Le Tribunal évaluera si les allégations résistent à un examen assez poussé, compte tenu des éléments de preuve et des observations à l’encontre de la plainte présentés par les autres parties intéressées, même si la thèse avancée peut ne pas sembler convaincante ou incontestable [5] .

[15] Toutefois, les éléments de preuve étayant une conclusion de dommage préliminaire n’ont pas à être « concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités » [traduction], étant donné qu’il est possible qu’ils ne soient pas complets ou entièrement validés [6] . À cette étape peu avancée de l’enquête, la norme de preuve requise par l’expression « indiquent, de façon raisonnable » pour ce qui est du dommage ou de la menace de dommage n’exige pas que les éléments de preuve satisfassent au seuil plus élevé sur le plan de la fiabilité et de la force probante qui est établi dans le contexte d’une enquête définitive de dommage.

[16] En l’espèce, seules les parties plaignantes ont déposé des éléments de preuve auprès du Tribunal. Shilin, l’autre partie qui a présenté des observations dans le cadre de la présente instance, s’est quant à elle contentée de présenter des observations écrites sur les éléments de preuve déposés par la Coalition SPT.

Paramètres du cadre d’analyse

[17] Avant d’examiner la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il existe un dommage ou une menace de dommage, le Tribunal doit d’abord définir certains paramètres du cadre d’analyse. Pour ce faire, il doit :

· définir quelles sont les marchandises similaires par rapport aux marchandises en cause;

· examiner la question de savoir si les marchandises en cause constituent une ou plusieurs catégories de marchandises;

· définir la branche de production nationale;

· déterminer si les effets du dumping des marchandises en cause doivent être évalués de façon cumulative ou si une analyse distincte doit être effectuée pour chacun des pays visés.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISES

Marchandises similaires

[18] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires », par rapport à toutes autres marchandises, de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[19] Pour trancher la question des marchandises similaires et des catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme la composition et l’apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, l’établissement des prix, les circuits de distribution et les utilisations finales, et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients).

[20] Les petits transformateurs de puissance servent à accroître, maintenir ou diminuer la tension électrique dans la transmission à haute tension et les systèmes de distribution. Ces biens d’équipement sont fabriqués sur commande selon les spécifications et les besoins des acheteurs.

[21] Les parties plaignantes affirment que les petits transformateurs de puissance comprennent une gamme de produits dont les caractéristiques physiques et de marché, le processus de production et l’utilisation finale sont sensiblement les mêmes.

[22] Selon les parties plaignantes, les petits transformateurs de puissance produits au Canada qui correspondent à la définition des marchandises en cause sont des marchandises similaires aux marchandises en cause.

[23] Bien que les petits transformateurs de puissance produits au pays soient fabriqués sur commande et que certaines de leurs caractéristiques puissent être personnalisées, les parties plaignantes affirment que ces marchandises livrent concurrence aux marchandises en cause sur le même marché.

[24] L’ASFC a conclu que les petits transformateurs de puissance produits au pays sont des marchandises similaires aux marchandises en cause et constituent une seule catégorie de marchandises [7] . L’ASFC a établi que les marchandises en cause et les marchandises similaires sont produites essentiellement par le même processus de production qui comporte les mêmes étapes clés, dont celles de la conception. De plus, l’ASFC a conclu que les marchandises en cause sont tout à fait substituables aux marchandises similaires produites au pays qui ont les mêmes spécifications.

[25] Dans ses observations écrites, Shihlin affirme que les marchandises en cause sont différentes des marchandises similaires parce que des spécifications et des normes différentes s’appliquent aux marchés du Canada et du Taipei chinois. Le Tribunal fait remarquer que Shihlin semble ainsi comparer les marchandises produites au Taipei chinois qui sont destinées au marché du Canada avec les marchandises qui sont destinées au marché du Taipei chinois, ce qui n’est pas pertinent au regard de l’analyse des marchandises similaires.

[26] Au Canada, la vente de petits transformateurs de puissance se fait en grande partie au moyen de procédures d’appel d’offres auxquelles participent des producteurs nationaux et étrangers [8] . Les éléments de preuve donnent donc à penser que les petits transformateurs de puissance produits au pays livrent concurrence aux marchandises en cause pour obtenir les mêmes ventes et qu’ils sont suffisamment substituables à ces marchandises lorsqu’ils ont les mêmes spécifications. Cependant, le Tribunal a certaines réserves en ce qui a trait à la portée de la conclusion de l’ASFC selon laquelle les marchandises en cause sont tout à fait substituables aux marchandises similaires produites au pays. Les petits transformateurs de puissance sont des produits sur mesure. Par conséquent, certaines caractéristiques de ces produits peuvent varier, dont les exigences techniques de chaque client et les normes techniques auxquelles ces produits satisfont.

[27] La meilleure façon d’examiner ces questions est de procéder à une enquête approfondie où il sera possible de s’appuyer sur des éléments de preuve plus complets.

[28] Aux fins de la présente enquête préliminaire, le Tribunal est convaincu que les petits transformateurs de puissance produits au pays sont des marchandises similaires aux marchandises en cause.

[29] Les parties plaignantes ont présenté des éléments de preuve démontrant qu’elles ont réellement perdu des ventes au profit des marchandises en cause en raison des prix [9] . À eux seuls, ces éléments de preuve permettent de conclure que les marchandises en cause et les marchandises similaires se ressemblent beaucoup.

[30] Par ailleurs, aucune des parties opposées à la plainte n’a contesté l’hypothèse voulant que les petits transformateurs de puissance produits au pays soient des marchandises similaires aux marchandises en cause.

Catégories de marchandises

[31] L’ASFC a conclu que les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent une seule catégorie de marchandises. Les parties opposées à la plainte n’ont toutefois présenté aucune observation au Tribunal pour contester cette conclusion.

[32] Même s’il existe des différences parmi les transformateurs de puissance correspondant à la définition du produit, que ce soit en raison de leurs caractéristiques inhérentes, de leurs normes de performances, de leurs méthodes de production ou de leurs caractéristiques à valeur ajoutée, les petits transformateurs de puissance ont des caractéristiques physiques et de marché et des utilisations finales similaires et se ressemblent généralement, quoiqu’ils ne soient pas tout à fait identiques. Dans Transformateurs à liquide diélectrique PI, le Tribunal a également établi que les transformateurs de puissance ayant des caractéristiques similairement variables constituaient une seule catégorie de marchandises [10] . Le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter de ce raisonnement aux fins de la présente enquête préliminaire.

[33] Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause constituent une seule catégorie de marchandises.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[34] Pour déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping a causé ou menace de causer un dommage, le Tribunal doit définir ce qui fait l’objet de ce dommage ou dommage possible, le cas échéant, soit la branche de production nationale composée des producteurs de marchandises similaires.

[35] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » de la façon suivante :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[36] Le Tribunal doit donc déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé ou menace d’être causé aux producteurs nationaux dans leur ensemble ou aux producteurs nationaux dont la production constitue une proportion majeure de la production collective nationale de marchandises similaires.

[37] Les éléments de preuve démontrent que, en plus des membres de la Coalition SPT, d’autres producteurs qui ne sont pas parties à la présente instance, à savoir Pioneer Transformers Ltd. (Pioneer), Stein Industries Inc. (Stein) et Transmag Energy (Transmag), sont également des producteurs nationaux. Les autres entités sont des fabricants de marchandises qui présentent certaines similitudes avec les marchandises similaires, mais qui n’entrent toutefois pas dans la portée de la définition du produit, des entités qui importent de petits transformateurs de puissance provenant de pays non visés, ainsi que des entités qui vendent des produits remis en état.

[38] Pioneer et Stein ont déposé des lettres à l’appui de la plainte de la Coalition SPT, mais n’ont pas, par ailleurs, participé à la procédure.

[39] Le Tribunal doit déterminer si Transmag doit être considérée comme faisant partie de la branche de production nationale. Les parties plaignantes soutiennent que Transmag devrait être exclue de la branche de production nationale parce qu’elle importe des marchandises en cause ou est par ailleurs liée à des importateurs des marchandises en cause. Les parties plaignantes allèguent en outre que Transmag est liée à Volta Energy parce que les deux entreprises sont membres de la Société Générale d’Électrotechnique et que Volta Energy est une « associée » [traduction] de HC Transformer & Switchgear, qui est une filiale en propriété exclusive de Han Chang Transformer de la Corée du Sud [11] .

[40] Le Tribunal peut décider d’exclure un producteur national de la branche de production nationale si ce producteur contribue aux effets potentiellement dommageables du dumping, ou en tire avantage, de façon directe en tant qu’importateur ou indirecte par l’entremise d’entreprises qui lui sont liées. Pour en arriver à cette décision, le Tribunal prend généralement en considération des facteurs structurels et comportementaux.

[41] En l’espèce, les données et les éléments de preuve relatifs à la production nationale de petits transformateurs de puissance concernent principalement les parties plaignantes. Peu d’éléments de preuve ont été présentés au sujet des produits et des activités de Transmag ou des importateurs de petits transformateurs de puissance et des vendeurs de produits remis en état. Par exemple, peu de données concluantes ont été présentées concernant la taille et la portée de la production de marchandises similaires de Transmag.

[42] À ce stade‑ci, le dossier ne contient ni éléments de preuve ni données relativement à tous les producteurs connus ou possibles de marchandises similaires, et les éléments de preuve quant au rôle de Transmag dans la branche de production ne sont pas concluants pour l’instant.

[43] Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si une proportion majeure de la production nationale est représentée dans la présente enquête. À la lumière de la preuve qui lui a été présentée, le Tribunal conclut que les parties plaignantes représentent collectivement une proportion majeure de la production nationale et de la vente de petits transformateurs de puissance, et ce, avec ou sans l’inclusion d’autres producteurs possibles comme Transmag, Stein et Pioneer dans la branche de production nationale.

[44] Aux fins de la présente enquête préliminaire, le Tribunal prendra également en considération les répercussions des marchandises en cause sur les parties plaignantes.

[45] Le Tribunal conclut également que des renseignements et des données supplémentaires sur la production nationale peuvent, et devraient, être recueillis dans le cadre d’une enquête approfondie. Ainsi, de l’information devrait être recueillie à la fois sur les parties plaignantes, Pioneer, Stein et Transmag, ainsi que sur les importateurs et les entreprises de remise à neuf de petits transformateurs de puissance. Les éléments de preuve supplémentaires recueillis durant une enquête approfondie pourraient amener le Tribunal à revoir la définition et la portée de la branche de production nationale relativement aux marchandises similaires.

CUMUL

[46] Bien que la loi n’exige pas que le Tribunal examine la question du cumul à l’étape de l’enquête préliminaire, il l’a fait par convention parce qu’elle a une incidence sur l’analyse de la question de savoir si des éléments de preuve raisonnables lui permettent de tirer une conclusion provisoire de dommage ou de menace de dommage.

[47] Pour ce faire, le Tribunal tiendra compte des dispositions du paragraphe 42(3) de la LMSI, selon lequel le Tribunal doit (dans le contexte d’une enquête définitive de dommage) évaluer les effets cumulatifs du dumping des marchandises en cause en provenance de plus d’un pays s’il est convaincu que les conditions suivantes sont remplies :

· la marge de dumping des marchandises en cause provenant de chacun des pays n’est pas minimale et le volume des marchandises importées au Canada en provenance de n’importe lequel de ces pays n’est pas négligeable;

· l’évaluation des effets cumulatifs des marchandises en cause est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises de chacun des pays visés, les autres marchandises sous‑évaluées, et les marchandises similaires.

[48] En l’espèce, l’ASFC a établi que la marge de dumping des marchandises en cause provenant de chacun des pays visés n’est pas minimale et que les volumes estimés des marchandises importées ne sont pas négligeables.

[49] Pour les raisons suivantes, les parties plaignantes soutiennent que les marchandises en cause et les petits transformateurs de puissance produits au pays se livrent directement concurrence pour les mêmes clients :

· Les marchandises en cause et les petits transformateurs de puissance produits au pays sont des biens d’équipement personnalisables dont la vente se fait au moyen de procédures d’appel d’offres. Les producteurs de petits transformateurs de puissance produits au pays et les importateurs des marchandises en cause présentent des soumissions en réponse à ces procédures d’appel d’offres et se font directement concurrence pour remporter les appels d’offres;

· Pour que leur soumission soit recevable, les producteurs nationaux et les importateurs des marchandises en cause doivent satisfaire aux normes et aux spécifications énoncées dans les documents d’appel d’offres;

· Les marchandises en cause et les marchandises similaires produites au pays sont essentiellement interchangeables même si elles ne sont pas identiques, et ce, que leurs spécifications soient identiques ou équivalentes;

· Les petits transformateurs de puissance sont de qualité équivalente peu importe leur origine, qu’ils aient été produits au pays ou qu’ils aient été produits dans l’un des pays visés.

[50] En ce qui concerne l’objet de l’enquête préliminaire de dommage et la norme qui s’y applique, le Tribunal conclut que les affirmations des parties plaignantes sont étayées par des éléments de preuve raisonnables.

[51] Par conséquent, le Tribunal évaluera les effets cumulatifs du dumping des marchandises en cause provenant de tous les pays visés lorsqu’il étudiera la question de savoir s’il existe un dommage ou une menace de dommage pour la branche de production nationale.

ANALYSE DU DOMMAGE

[52] L’analyse relative à l’existence d’une indication raisonnable de dommage (ou de menace de dommage) englobe l’examen de plusieurs facteurs.

[53] Dans le cadre de son analyse aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal tient compte de l’incidence des marchandises sous‑évaluées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation. Cette incidence doit être distinguée de l’incidence de tous autres facteurs sur la branche de production nationale.

[54] Les coûts fixes de production des transformateurs de puissance sont élevés. Les transformateurs de puissance sont adaptés aux exigences techniques de chaque client. La durée de vie de ces biens d’équipement est en général relativement longue, de sorte que les clients commandent ces produits peu fréquemment.

[55] Comme le nombre d’occasions de ventes varie d’une année à l’autre, la Coalition SPT soutient qu’il est plus approprié d’utiliser les tendances d’une année à l’autre dans le cadre de l’analyse plutôt que celles relatives à une période d’enquête donnée; le Tribunal souscrit à ce point de vue.

[56] En outre, les caractéristiques physiques, de fabrication et de marché des marchandises similaires et des marchandises en cause, ainsi que leurs circuits de distribution, fournissent un contexte pertinent pour l’analyse de dommage du Tribunal et, comme il a été mentionné précédemment, sont assez semblables à celles énoncées dans Transformateurs à liquide diélectrique NQ [12] . Par conséquent, le Tribunal utilisera un cadre d’analyse qui ressemble à bien des égards à celui utilisé durant cette enquête.

[57] Selon les parties plaignantes, le délai entre la vente et la livraison (c.‑à‑d. l’importation) des marchandises est d’environ 6 à 12 mois. Dans Transformateurs à liquide diélectrique NQ, le Tribunal a établi que certains effets du dumping sur les prix, comme la sous‑cotation et la baisse des prix, se sont concrétisés un an ou deux avant l’importation réelle des marchandises en cause en raison des longs délais de livraison [13] . Par contre, le Tribunal a conclu que la production et le rendement financier de la branche de production nationale au cours de la première année de la période visée par l’enquête reflétaient principalement les pratiques d’établissement des prix qui étaient en vigueur avant cette période. Par conséquent, le Tribunal a examiné les effets sur les prix pendant toute la période visée par l’enquête en se concentrant plutôt sur les deuxième et troisième années de cette période, car elles donnaient une meilleure idée de l’incidence du dumping sur la branche de production nationale, du moins sur le volume des importations des marchandises en cause.

Volumes des importations des marchandises en cause

[58] Le Tribunal doit examiner la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le volume des importations des marchandises en cause a augmenté considérablement, en valeur absolue et relative.

[59] Les parties plaignantes soutiennent qu’il convient d’utiliser les mégavolts ampères (MVA), plutôt que le nombre d’unités pour quantifier et mesurer les importations de marchandises en cause au Canada. Selon la Coalition SPT, le volume de production et la capacité sont mesurés en MVA au sein de l’industrie et non en unités ou en nombres de transformateurs.

[60] Dans ses observations écrites, Shihlin affirme qu’il convient d’utiliser le nombre d’unités et non la valeur pour évaluer le volume des importations des marchandises en cause. Shihlin prétend également que le nombre de marchandises en cause, exprimé en unités, est relativement petit et qu’il n’est pas révélateur d’un important volume d’importation de petits transformateurs de puissance au Canada.

[61] L’argument des parties plaignantes est compatible avec l’approche adoptée par le Tribunal dans Transformateurs à liquide diélectrique NQ [14] . De plus, aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que l’évaluation du volume des importations des marchandises en cause ne dépend pas du choix d’unité de mesure entre la valeur ou le volume, étant donné que la norme de preuve requise par l’expression « indiquent, de façon raisonnable » est celle qu’il faut appliquer pour établir si un dommage a été causé à la branche de production nationale.

[62] Comme les données de Statistique Canada auxquelles elles avaient accès étaient limitées, les parties plaignantes ont fourni des estimations de la valeur des marchandises en cause plutôt que du nombre d’unités importées.

[63] Les parties plaignantes soutiennent que, d’après les données de Statistique Canada, la valeur des importations des marchandises en cause a augmenté de façon considérable entre 2018 et 2020. Elles estiment que la valeur des marchandises en cause est passée de 12,9 millions de dollars en 2018 à 30,7 millions de dollars en 2019, puis à 22,2 millions de dollars en 2020 [15] . En s’appuyant sur leur connaissance de l’industrie, les parties plaignantes ont présenté une estimation confidentielle au Tribunal, qui montrait que le volume prévu pour 2021 est légèrement inférieur, mais généralement conforme, au volume des importations des marchandises en cause en 2020 et qui est nettement supérieur au volume des importations en 2018.

[64] L’ASFC a aussi fourni ses estimations de la valeur des importations. Il existe cependant certaines divergences entre les données de Statistique Canada et les estimations fournies par l’ASFC concernant la valeur des importations des marchandises en cause au cours de la même période.

[65] Le Tribunal se fie habituellement aux estimations de l’ASFC à cette étape‑ci, car l’ASFC a accès à de meilleures données que les parties plaignantes. Par conséquent, les renseignements dont dispose l’ASFC sont en général plus précis que les données que peuvent fournir les parties plaignantes [16] .

[66] En dépit des écarts entre les valeurs déclarées des importations des marchandises en cause au cours de la période de 2018 à 2020, les tendances observées par l’ASFC ressemblent à celles qui ressortent des estimations des parties plaignantes. Selon l’ASFC, la valeur des importations des marchandises en cause a augmenté d’environ 43 p. 100 en 2019 par rapport à 2018, puis a baissé d’environ 37 p. 100 en 2020 [17] .

[67] La valeur des importations des marchandises en cause relative aux ventes nationales provenant de la production nationale a également suivi une tendance similaire puisqu’elle a augmenté en 2019 par rapport à 2018, avant de diminuer en 2020 et d’atteindre un niveau plus bas que celui de 2018 [18] .

[68] Il est difficile de savoir si la pandémie de COVID‑19 a eu une incidence sur les valeurs des importations au cours de 2020.

[69] Suivant la norme qu’il convient d’appliquer lors d’une enquête préliminaire, le Tribunal établit que les éléments de preuve permettent de conclure qu’il y a une indication raisonnable que le volume des marchandises en cause augmente dans l’ensemble. Le Tribunal considère que la dynamique générale du marché des petits transformateurs de puissance serait mieux évaluée dans le contexte d’une enquête approfondie.

[70] Le Tribunal doit également examiner la question de savoir si les marchandises en cause ont des effets considérables sur les prix.

Effets des marchandises en cause sur les prix

[71] Les parties plaignantes font valoir que les prix des marchandises en cause ont entraîné une sous‑cotation, une baisse et une compression des prix des petits transformateurs de puissance produits au pays.

[72] Pour appuyer ces allégations, les parties plaignantes ont déposé des déclarations sous serment où elles allèguent qu’elles ont perdu des ventes auprès de certains clients. Selon ces déclarations sous serment, le prix des marchandises en cause aurait incité les parties plaignantes à baisser leur prix durant la procédure d’appel d’offres concurrentielle. Les parties plaignantes ont également soumis des données sur les ventes et des données financières pour illustrer le ratio du coût de leurs marchandises vendues par rapport à leurs ventes nettes.

[73] Les parties plaignantes soutiennent que les petits transformateurs de puissance sont sensibles aux prix. Elles expliquent que, comme il a été mentionné précédemment, l’achat de petits transformateurs de puissance se fait au moyen d’appels d’offres ouverts où les processus de rétroaction officielle et informelle assurent la transparence des niveaux des prix au sein de l’industrie.

[74] Selon les parties plaignantes, les acheteurs utilisent souvent des processus de préqualification pour s’assurer que les soumissionnaires satisfont aux exigences techniques [19] . Les parties plaignantes soutiennent qu’une fois qu’il est établi que les fournisseurs satisfont aux exigences de l’acheteur quant à l’expertise technique et la capacité, le prix devient le plus important facteur [20] . De plus, certains acheteurs concluent des ententes types pour acheter de plus grands volumes de marchandises à des prix fixes plus bas [21] . Les parties plaignantes affirment que la perte de la possibilité de conclure une entente type avec un acheteur peut avoir des répercussions si importantes que les soumissionnaires se livrent une concurrence féroce pour remporter les appels d’offres.

[75] Pour sa part, Shihlin soutient qu’elle a remporté des appels d’offres en raison de la qualité de son produit et de son service, et non du prix.

[76] Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve démontrent que les petits transformateurs de puissance sont des biens d’équipement personnalisables dont l’approvisionnement et l’achat reposent principalement sur le prix.

Sous‑cotation des prix

[77] En raison de problèmes liés aux données de Statistique Canada, les parties plaignantes n’ont pas été en mesure de fournir les valeurs unitaires moyennes des marchandises. Elles ont plutôt fourni des renseignements sur des clients en particulier comme éléments de preuve sur les prix. Les parties plaignantes ont également présenté un tableau résumant les procédures d’appels d’offres concurrentielles auxquelles elles ont participé entre 2018 et 2020, mais à l’issue desquelles elles n’ont pas été retenues [22] , de sorte qu’elles ont perdu un grand volume de ventes au profit des marchandises en cause en raison de la sous‑cotation des prix attribuable à ces marchandises.

[78] Bien que les éléments de preuve des parties plaignantes soient en grande partie anecdotiques, ils démontrent que la sous‑cotation des prix a entraîné la perte de ventes et de clients au profit des producteurs des marchandises en cause. Cette perte est attribuable aux prix, car les parties plaignantes ont perdu des ventes même après avoir successivement baissé leurs prix de façon significative.

Baisse et compression des prix

[79] Les parties plaignantes soutiennent également que les marchandises en cause ont entraîné la baisse des prix des transformateurs produits au pays, peu importe l’entreprise à laquelle un contrat est attribué.

[80] Les parties plaignantes ont déposé une déclaration écrite de M. Steve Newman, de Delta Star, qui a expliqué que Delta Star recueille des renseignements commerciaux auprès de différentes sources. Selon M. Newman, ces renseignements permettent de connaître avec un certain degré de transparence les producteurs qui obtiennent des contrats et les prix des soumissions retenues [23] .

[81] Les parties plaignantes ont présenté des éléments de preuve qui démontrent qu’elles doivent baisser leurs prix pour faire concurrence aux marchandises en cause en raison des pressions sur les prix que ces marchandises exercent, et qu’elles ont proposé des prix plus bas que ceux qu’elles auraient autrement proposés lorsqu’elles savaient que les producteurs des marchandises en cause devaient participer à un même appel d’offres qu’elles [24] . Ces éléments de preuve donnent en outre à penser que les parties plaignantes ont perdu des ventes même si elles avaient baissé leurs prix en raison des pressions sur les prix exercées par les marchandises en cause.

[82] Les parties plaignantes allèguent également que la présence des marchandises en cause a empêché la branche de production nationale d’augmenter ses prix pour compenser la hausse des coûts de production. Le ratio du coût des marchandises vendues par rapport aux ventes a fortement augmenté entre 2018 et 2019 parce que la hausse du coût des marchandises vendues a été plus rapide que celle de la valeur des ventes nettes [25] . Quoique ce ratio ait quelque peu diminué au cours de 2020, les parties plaignantes soutiennent qu’elles n’ont pas pu augmenter leurs prix pour compenser la hausse des coûts. À cet égard, M. Colin Mark, de Northern, a déclaré que Northern n’a pas été en mesure d’ajuster ses prix en 2019 à un niveau viable à plus long terme et que cette situation a perduré au cours de 2020 [26] .

[83] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les prix des marchandises en cause ont mené à la sous‑cotation et à la baisse des prix des petits transformateurs de puissance produits au pays. Cependant, ces effets sur les prix justifient qu’un examen plus poussé soit mené dans le cadre d’une enquête approfondie. Ainsi, le Tribunal pourra s’appuyer sur les renseignements supplémentaires qu’il recueillera durant son enquête grâce aux questionnaires et aux observations des parties.

Incidence des marchandises en cause sur la branche de production nationale et lien de causalité

[84] Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, le retard ou la menace de dommage en fonction du volume, des effets sur les prix des marchandises sous-évaluées et de leur incidence sur la branche de production nationale.

[85] Entre 2018 et 2020, la part de marché détenue par les marchandises en cause a suivi la même tendance que celle des volumes des importations des marchandises en cause qui a été décrite précédemment. La part du marché apparent totale a augmenté en 2019 et a diminué en 2020 pour atteindre les niveaux qui avaient été enregistrés avant 2018. Par contre, la part de marché détenue par les importations de marchandises non visées a graduellement diminué durant cette période [27] .

[86] Le Tribunal conclut que certains éléments de preuve étayent les allégations des parties plaignantes selon lesquelles les marchandises en cause s’approprient des ventes aux dépens de la branche de production nationale, mais qu’à la lumière de l’argument contraire soulevé par Shihlin, il doit procéder à une enquête approfondie pour examiner à fond ces allégations.

[87] Le rendement financier de la branche de production nationale s’est détérioré au cours de la période de 2018 à 2020. En effet, sa rentabilité s’est érodée en 2019, ce qui coïncidait avec la présence des plus gros volumes de marchandises en cause observés sur le marché durant cette période visée par l’enquête, et s’est améliorée quelque peu en 2020, quoique son rendement ait été moins bon qu’en 2018 [28] .

[88] Les niveaux de production fondés sur la puissance en MVA et l’utilisation de la capacité des marchandises similaires ont pour leur part suivi une tendance contraire et ont augmenté en 2019 avant de diminuer en 2020, bien que les niveaux enregistrés soient demeurés plus élevés que ceux de 2018. Le rendement de la branche de production nationale a été positif par rapport à d’autres indicateurs clés, en effet, les valeurs des ventes et la part de marché détenue par les ventes nationales provenant de la production nationale ont augmenté chaque année de 2018 à 2020 [29] .

[89] En dépit de certaines fluctuations du rendement de la branche de production nationale, les éléments de preuve indiquant la perte de ventes déposés par la Coalition SPT et les effets sur les prix décrits dans la plainte sont suffisants pour démontrer qu’un dommage réel a été causé. De fait, la branche de production nationale a perdu des ventes même après avoir commencé à baisser ses prix.

[90] Le Tribunal fait en outre remarquer qu’il existe une forte corrélation négative entre l’augmentation des importations des marchandises en cause et la détérioration du rendement financier de la branche de production nationale.

[91] Le Tribunal conclut que ces éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage sensible a été causé et qu’il existe un lien de causalité entre les marchandises en cause et la détérioration du rendement de la branche de production nationale, ainsi que la baisse de rentabilité et la perte de ventes.

MENACE DE DOMMAGE

[92] Bien que certains éléments de preuve montrent que l’importation des marchandises en cause à des prix sous‑évalués a déjà causé un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal conclut également que les parties plaignantes ont satisfait à la norme de preuve applicable à l’étape de l’enquête préliminaire en démontrant l’existence d’une menace de dommage.

[93] Compte tenu des éléments suivants, les parties plaignantes allèguent, avec données à l’appui, que les marchandises en cause menacent de causer un autre dommage sensible à la branche de production nationale :

· La branche de production nationale demeure vulnérable en raison des pressions sur les prix exercées par les marchandises en cause et des pertes de ventes qui leur sont attribuables, dont les répercussions continueront de se faire sentir à court et à moyen terme [30] ;

· La demande devrait s’atténuer en raison des conséquences économiques de la pandémie de COVID‑19 [31] ;

· Les grands acheteurs devraient renouveler leurs ententes types au cours des 12 à 24 prochains mois. Si des droits antidumping ne sont pas imposés, les producteurs nationaux seront vulnérables aux pressions sur les prix exercées par les importations des marchandises en cause, en particulier si les ententes types sont établies à des prix sous‑évalués [32] ;

· Le volume des importations des marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête de l’ASFC et les volumes de ventes perdues au profit des importations des marchandises en cause qui devraient être livrées en 2021 et en 2022, ainsi que la capacité de production et l’orientation vers l’exportation des producteurs des pays visés, indiquent qu’il est probable que d’importants volumes de marchandises en cause seront importés au Canada au cours des 12 à 24 prochains mois [33] ;

· La détérioration des conditions du marché dans les pays visés combinée à l’attrait du marché canadien stimulera les importations provenant des pays visés [34] .

[94] Une norme de preuve relativement peu élevée s’applique à l’enquête préliminaire de dommage. Ainsi, à cette étape, les parties plaignantes n’ont pas à présenter des éléments de preuve qui démontrent hors de tout doute qu’il existe un dommage réel ou une menace de dommage. À la lumière des renseignements dont il dispose à ce stade‑ci, le Tribunal conclut que, dans l’ensemble, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause menace de causer un dommage.

CONCLUSION

[95] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

 



[1] L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[2] Pièce PI-2021-001-05 à la p. 5.

[3] Pièce PI-2021-001-05 aux par. 57 (tableau 1) et 83 (tableau 3).

[4] DORS/84-927 [Règlement].

[5] Certains corps de broyage (15 février 2021), PI-2020-006 (TCCE) au par. 14.

[6] Ronald A. Chisholm Ltd. c. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD) [en anglais seulement]; Gluten de blé (13 octobre 2020), PI-2020-003 (TCCE) au par. 15.

[7] Pièce PI-2021-001-05 à la p. 12.

[8] Pièce PI-2021-001-02.01 aux p. 332-334, 446-448, 494-497; pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) aux p. 939-941, 2541‑2543, 3170-3173.

[9] Pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) aux p. 950-951, 954-955, 2551-2554, 2557-2558, 3181-3182.

[10] Transformateurs à liquide diélectrique (22 juin 2012), PI-2012-001 (TCCE) [Transformateurs à liquide diélectrique PI] aux par. 23-26.

[11] Pièce PI-2020-001-02.01 aux p. 152-154.

[12] Transformateurs à liquide diélectrique (20 novembre 2012) NQ-2012-001 (TCCE) [Transformateurs à liquide diélectrique NQ] aux par. 44-45, 60-61.

[13] Ibid. aux par. 60-61.

[14] Ibid. au par. 69.

[15] Pièce PI-2021-001-02.01 au par. 161.

[16] Voir par exemple Tôles fortes (27 juillet 2020), PI-2020-001 (TCCE) au par. 26.

[17] Pièce PI-2021-001-03.02 (protégée) à la p. 20.

[18] Pièce PI-2021-001-10.C (protégée) à la p. 2; pièce PI-2021-001-3.02 (protégée) à la p. 19.

[19] Pièce PI-2021-001-02.01 à la p. 333.

[20] Ibid. aux p. 449-450.

[21] Ibid. à la p. 334.

[22] Les renseignements figurant dans les pièces jointes 7-5, 7-6 et 7-7 de la plainte confidentielle sont résumés dans le tableau 9. Pièce PI-2021-001-03.01 aux p. 936-4377.

[23] Pièce PI-2021-001-03.01(protégée) à la p. 944.

[24] Ibid. aux p. 950-951, 954-955, 2551-2554, 2557-2558, 3181-3182.

[25] Pièce PI-2021-001-10.C (protégée) à la p. 4.

[26] Pièce PI-2021-001-02.01 à la p. 454; pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) à la p. 2549.

[27] Pièce PI-2021-001-10.C (protégée) à la p. 2; pièce PI-2021-001-3.02 (protégée) à la p. 19

[28] Pièce PI-2021-001-10.C (protégée) à la p. 4; pièce PI-2021-001-3.02 (protégée) à la p. 19.

[29] Pièce PI-2021-001-10.C (protégée) aux p. 2, 4, 10; pièce PI-2021-001-3.02 (protégée) à la p.19.

[30] Pièce PI-2021-001-02.01 aux p. 331, 345, 455, 457; pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) aux p. 938, 952, 2550, 2552.

[31] Pièce PI-2021-001-02.01 aux p. 451, 496; pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) aux p. 2546, 3172.

[32] Pièce PI-2021-001-02.01 aux p. 347-348, 351-354, 463, 497; pièce PI-2021-001-03.01 (protégée) aux p. 955, 959-962, 2558, 3173.

[33] Pièce PI-2021-001-02.01 aux p. 452-453, 543-1093.

[34] Ibid. aux p. 1094-2094.

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