Enquêtes de dommage antidumping

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Contenu de la décision

Réexamen relatif à l’expiration
no RR-2020-003

Sucre raffiné

Ordonnances rendues
le vendredi 6 août 2021

Motifs rendus
le vendredi 20 août 2021

 



EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03 (3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des ordonnances rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 30 octobre 2015, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006, concernant le :

SUCRE RAFFINÉ ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE, DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE, DES PAYS-BAS, DU ROYAUME-UNI ET DE LUNION EUROPÉENNE

ORDONNANCES

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé au réexamen relatif à l’expiration de ses ordonnances rendues le 30 octobre 2015, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006, prorogeant ses ordonnances rendues le 1er novembre 2010, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003, telles que modifiées par son ordonnance rendue le 28 septembre 2012, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003R, prorogeant ses ordonnances rendues le 2 novembre 2005, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2004-007, prorogeant, avec modification, ses ordonnances rendues le 3 novembre 2000, dans le cadre du réexamen no RR-99-006, prorogeant, avec modification, ses conclusions rendues le 6 novembre 1995, dans le cadre de l’enquête no NQ-95-002, concernant le dumping du sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre, originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique, du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de l’Union européenne, à l’exclusion des marchandises énumérées à l’annexe 1 des présentes ordonnances.

Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par la présente son ordonnance concernant le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de l’Union européenne.

Aux termes du paragraphe 76.04(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge également par la présente son ordonnance concernant le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées des États-Unis d’Amérique.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

ANNEXE 1 – EXCLUSIONS

MARCHANDISES EXCLUES DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DE L’ENQUÊTE NO NQ-95-002

  1. Produits cocristallisés – Aux fins de précision, il s’agit de produits constitués de mélanges de sirops de sucre ou de sucre liquide et d’un ou de plusieurs ingrédients autres que du saccharose combinés par un procédé de cocristallisation de manière à former une structure solide sèche sous forme de granules ou de poudre.
  2. Sucre perlé – Aux fins de précision, il s’agit d’un sucre granulé dur en forme de pastilles constitué de sirop de sucre soumis à une chaleur intense. La pastille a la taille d’un pois et une forme ovale. Ses particules sont plus grosses que celles du sucre à gros grains, c’est-à-dire le sucre à glacer.
  3. Sucre de betterave sans floculation de marque Bottler – Importé par McNeil Consumer Products Company et destiné à être utilisé dans les préparations pharmaceutiques.
  4. Sirop doré de marque Lyle – Produit par Tate & Lyle PLC.
  5. Sirop de table de marque Lyle – Produit par Tate & Lyle PLC.
  6. Dominos de sucre emballés de marque Daddy en boîtes de 1 kg – Aux fins de précision, il s’agit de cubes de sucre emballés dans du papier avec illustration contenant chacun deux cubes de sucre.
  7. Cubes de sucre emballés de marque Daddy en boîtes de 5 kg contenant 960 portions – Aux fins de précision, chaque portion renferme deux cubes de sucre emballés dans du papier avec illustration.
  8. Morceaux de sucre de canne brun précoupés de marque Saint‐Louis en boîtes de 1 kg – Aux fins de précision, il s’agit de morceaux de sucre aux formes grossières constitués de sucre de canne brun.
  9. Morceaux de sucre blanc de formes diverses de marque Daddy en boîtes de 500 g – Aux fins de précision, il s’agit de morceaux de sucre précoupés en forme de carreaux, de cœurs, de piques et de trèfles.
  10. Vergeoise brune ou blonde de marque Daddy en étuis de 500 g.
  11. Morceaux de sucres brun et blanc de marque Comptoir du Sud en boîtes de 1 kg et de 500 g.
  12. Sucre à café brun de marque Daddy en étuis de carton de 500 g – Aux fins de précision, il s’agit de sucre brun à gros granules.
  13. Sucre en cubes démérara – Produit par Tate & Lyle PLC.
  14. Sucre candi en cristaux – Produit par Tate & Lyle PLC. Aux fins de précision, il s’agit de gros cristaux de sucre de différentes teintes de brun.
  15. Sucre liquide peu coloré dont la couleur est de 10 unités de couleur ICUMSA (Commission internationale pour l’unification des méthodes d’analyse du sucre) ou moins et sucre liquide de distillerie importés par Gilbey Canada Inc. destinés à être utilisés dans les procédés de fabrication des distilleries.

MARCHANDISES EXCLUES PAR LES ORDONNANCES RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DU RÉEXAMEN NO RR-99-006 DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DE L’ENQUÊTE NO NQ-95-002

  1. Sucre de betterave sans floculation de marque Bottler importé et destiné à être utilisé dans les préparations pharmaceutiques lorsque l’importateur a montré que le sucre de betterave sans floculation de sources canadiennes ne satisfait pas aux spécifications applicables.
  2. Sirop doré et autres sirops de table importés dans des contenants prêts à être vendus au détail, d’au plus 3 litres.
  3. Sous réserve de l’exception ci‐dessous, cubes de sucre de spécialité dans des emballages individuels d’au plus 3 cubes, importés dans des emballages prêts à être vendus au détail d’au plus 5 kilogrammes. Cette exclusion ne s’applique pas aux cubes de sucre blanc en emballages génériques (c’est-à-dire lorsque l’illustration est principalement une marque de commerce, un nom commercial, la raison sociale d’une entreprise ou une autre forme d’identification d’entreprise plutôt qu’une simple illustration).
  4. Morceaux de sucre de spécialité précoupés, importés dans des emballages prêts à être vendus au détail d’au plus 1 kilogramme. Aux fins de précision, ces marchandises comprennent les morceaux de sucre en forme de carreaux, de cœurs, de pics et de trèfles, mais non les morceaux de sucre en cubes ou en dominos (c’est-à-dire de forme irrégulière).
  5. Morceaux de sucre aux formes grossières pesant en moyenne entre 3 et 10 grammes, importés dans des emballages individuels prêts à être vendus au détail, d’au plus 1 kilogramme.
  6. Très gros cristaux de sucre dont le poids moyen dépasse 0,05 gramme, importés dans des emballages individuels prêts à être vendus au détail, d’au plus 1 kilogramme.
  7. Cubes et dominos (c’est-à-dire rectangles) de sucre de spécialité, constitués de sucre démérara, de cassonade, de cassonade dorée ou de sucres autres que du sucre blanc, importés dans des emballages prêts à être vendus au détail, d’au plus 1 kilogramme. Aux fins de précision, il ne s’agit pas de cubes ou de dominos de sucre cristallisé blanc.
  8. Sucre liquide peu coloré dont la couleur est de 10 unités de couleur ICUMSA (Commission internationale pour l’unification des méthodes d’analyse du sucre) ou moins et sucre liquide de distillerie importés et destinés à être utilisés dans la fabrication de boissons spiritueuses, lorsque l’importateur a montré que le sucre liquide peu coloré de sources canadiennes ne satisfait pas aux spécifications applicables.
  9. Le sucre biologique qui satisfait aux exigences de la norme no CAN/CGSB‐32.310‐99 (Agriculture biologique) de l’Office des normes générales du Canada, de la Federal Organic Foods Production Act of 1990 des États‐Unis ou des règles y afférent, ou du règlement no EN2092/94 (Règlement biologique) de l’Union européenne, dans la mesure où il est assorti d’un certificat de transaction attestant de la conformité à la norme et signé par un organisme de certification accrédité conformément au Guide 65 de l’ISO.

MARCHANDISES EXCLUES PAR LES ORDONNANCES RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DU RÉEXAMEN NO RR-2004-007 DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DE L’ENQUÊTE NO NQ-95-002

  1. Les tablettes de sucre de canne rectangulaires emballées individuellement.

MARCHANDISES EXCLUES PAR LES ORDONNANCES RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DU RÉEXAMEN NO RR-2014-006 DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL DANS LE CADRE DE L’ENQUÊTE NO NQ-95-002

  1. Les cristaux de sucre décoratifs de couleurs de fantaisie de forme granulée combinés à de la cire de carnauba et à des colorants alimentaires, importés dans de petits contenants pour la vente au détail d’au plus 16 oz, destinés à être utilisés exclusivement comme décoration sur le dessus de produits de boulangerie-pâtisserie (tels que des tartes, des gâteaux, des pâtisseries, des muffins, des biscuits, etc.) et d’autres aliments apprêtés.

 

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Dates de l’audience :

du 7 au 11 juin 2021

Membres du Tribunal :

Randolph W. Heggart, membre présidant
Cheryl Beckett, membre
Susan Beaubien, membre

Personnel de soutien :

Kalyn Eadie, conseillère juridique principale
Zackery Shaver, conseiller juridique
Shawn Jeffrey, analyste principal
Chelsea Lappin, analyste
Joseph Long, analyste

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux/parties qui appuient la plainte

Conseillers/représentants

Alberta Sugar Beet Growers (ASBG)

Richard Dearden
Hunter Fox

Institut canadien du sucre

Umair Azam
Stephanie Desjardins
Daniel Hohnstein
Greg Tereposky
John Landry, c.r.
Taryn Urquhart

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Cosun Beet Company
Comité européen des fabricants de sucre (CEFS)
Südzucker AG

Greg Somers

La Délégation de l’Union européenne au Canada

Maud Labat
Gemma Serra Blasco

TÉMOINS :

Sandra Marsden
Présidente
Institut canadien du sucre

Martin Todd
Directeur général (chef de la direction) et directeur, Recherche sur le sucre
LMC International Ltd.

John Holliday
Président et chef de la direction
Lantic Inc. et Rogers Sugar Inc.

Michael Walton
Directeur de l’exploitation
Lantic Inc. et
Président
The Maple Treat Corporation

Jean-Sebastien Couillard
Vice-président, Finances, Chef de la direction et secrétaire général
Lantic Inc.

Rod Kirwan
Vice-président, Ventes et mise en marché
Lantic Inc.

Patrick Dionne
Vice-président, Exploitation et Chaîne d’approvisionnement
Lantic Inc.

Cyril Ryan
Vice-président principal
Redpath Sugar Ltd.

Tara Trussell
Vice-présidente, Ventes
Redpath Sugar Ltd.

Andrew Fabicki
Gestionnaire, Comptabilité générale et Fiscalité
Redpath Sugar Ltd.

Alan Wood
Responsable des produits de base mondiaux
American Sugar Refining Group
Tate & Lyle PLC

Kelly Van Ham
Directeur
Producteurs de betteraves à sucre de l’Alberta, et
Membre du conseil d’administration
Fédération canadienne de l’agriculture

Emmanuel Anum Laate
Économiste agricole
Gouvernement de l’Alberta, Section de l’économie, ministère de l’Agriculture et des Forêts de l’Alberta

Paul Mesters
Chef de la direction
Cosun Beet Company, et
Président
CEFS

Marie-Christine Ribera
Directrice générale
CEFS

Markus Neundörfer
Directeur
Südzucker AG, Allemagne, et
Trésorier et Vice-président
CEFS

Peter Loomans
Consultant

Eva-Maria Sanchez
Cheffe d’unité, Enquêtes de défense commerciale dans les pays tiers
Direction générale, Commerce
Commission européenne

Silke Boger
Chef d’unité, cultures arables et huile d’olive
Direction générale, Agriculture et Développement rural
Commission européenne

John Clarke
Directeur, Direction internationale,
Agriculture et Développement rural,
Commission européenne

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen relatif à l’expiration de ses ordonnances rendues le 30 octobre 2015 [1] , aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [2] , à la suite d’une série d’ordonnances antérieures [3] concernant le dumping du sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre, originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique, du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement des marchandises susmentionnées, originaires ou exportées de l’Union européenne (les marchandises en cause) [4] .

[2] Le mandat du Tribunal dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration consiste à déterminer si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale. Dans l’affirmative, les ordonnances pourraient être prorogées, avec ou sans modification, pour cinq années supplémentaires. En l’absence de dommage vraisemblable à la branche de production nationale, les ordonnances seront annulées.

[3] En l’espèce, le Tribunal est d’avis qu’un tel dommage est vraisemblable. Le Tribunal ordonne donc la prorogation des ordonnances, sans modification. Les motifs de sa décision sont énoncés plus bas.

CONTEXTE DE LA PROCÉDURE

[4] Le Tribunal a entrepris le présent réexamen relatif à l’expiration le 2 octobre 2020. Il en a informé l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et a transmis des lettres aux producteurs nationaux, aux importateurs, aux producteurs étrangers et aux exportateurs connus, leur demandant de répondre aux questionnaires du Tribunal. La période visée par le réexamen du Tribunal s’échelonne du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

[5] Le 3 octobre 2020, l’ASFC a ouvert une enquête afin de déterminer si l’expiration des ordonnances du Tribunal entraînerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause.

[6] Le 1er mars 2021, l’ASFC a déterminé, aux termes de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration des ordonnances causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en cause.

[7] Suivant la décision de l’ASFC, soit le 2 mars 2021, le Tribunal a entamé sa partie du réexamen relatif à l’expiration afin de déterminer, aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, si l’expiration des ordonnances causerait vraisemblablement un dommage ou un retard.

[8] Dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs nationaux, aux importateurs, aux acheteurs et aux producteurs étrangers des marchandises en cause. Les réponses reçues ont servi à préparer les rapports d’enquête public et protégé.

[9] Les parties intéressées suivantes ont participé au réexamen relatif à l’expiration :

  • a) L’Institut canadien du sucre (ICS), une organisation formée de deux producteurs nationaux, soit Redpath Sugar Ltd. (Redpath) et Lantic Inc. (Lantic);

  • b) L’Alberta Sugar Beet Growers (ASBG);

  • c) Le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS);

  • d) La délégation de l’Union européenne au Canada (Délégation de l’UE).

[10] Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence comportant des témoignages publics et à huis clos du 7 juin au 11 juin 2021.

[11] L’ICS a déposé des déclarations de témoins et des observations écrites et a témoigné au soutien de la prorogation des ordonnances.

[12] Lors de l’audience, l’ICS a fait entendre les témoins suivants :

  • a) Mme Sandra L. Marsden, présidente de l’ICS;

  • b) M. John Holliday, président et chef de la direction de Lantic et Rogers Sugar Inc.;

  • c) M. Michael Walton, directeur de l’Exploitation de Lantic;

  • d) M. Rod Kirwan, vice-président, Ventes et Mise en marché, de Lantic;

  • e) M. Patrick Dionne, vice-président, Exploitation et Chaîne d’approvisionnement, de Lantic;

  • f) M. Jean-Sebastien Couillard, vice-président, Finances, chef de la direction et secrétaire général, de Lantic;

  • g) M. Cyril Ryan, vice-président principal de Redpath et président du Comité exécutif de gestion de Redpath;

  • h) Mme Tara Trussell, vice-présidente, Ventes, de Redpath;

  • i) M. Andrew Fabicki, gestionnaire, Comptabilité générale et Fiscalité de Redpath;

  • j) M. Alan Wood, responsable des produits de base mondiaux du American Sugar Refining Group, la société mère de Redpath.

[13] L’ICS a aussi appelé M. Martin Todd, un témoin expert dans le domaine du sucre raffiné et des édulcorants dans les marchés régional et mondial, dont l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni (R-U), les États-Unis (É-U) et les marchés canadiens; il est aussi témoin expert en ce qui concerne les prévisions relatives aux prix du sucre blanc et du sucre brut, la surcote du sucre blanc, et les prix dans ces marchés, et le potentiel du Canada en tant que marché pour les exportations de sucre des É-U, de l’UE et du R-U si les droits étaient annulés. Les compétences de M. Todd à titre d’expert font l’objet d’une discussion plus bas.

[14] L’ASBG a déposé des observations écrites, des déclarations de témoins et a témoigné au soutien de la prorogation des ordonnances.

[15] L’ASBG a appelé les témoins suivants à l’audience :

  • a) M. Kelly Van Ham, directeur et membre du Conseil de l’ASBG;

  • b) M. Emmanuel Anum Laate, économiste agricole, Section de l’économie du ministère de l’Agriculture et des Forêts de l’Alberta.

[16] Le CEFS a déposé des déclarations de témoins et des observations écrites et a témoigné à l’encontre de la prorogation des ordonnances.

[17] Le CEFS a appelé les témoins suivants à l’audience :

  • a) Mme Marie-Christine Ribera, Directrice générale du CEFS;

  • b) M. Paul Mesters, président du CEFS et chef de la direction de Cosun Beet Company;

  • c) M. Markus Neundörfer, trésorier et vice-président du CEFS et membre du Comité de direction de l’unité de commercialisation du sucre de Südzucker AG Allemagne;

  • d) M. Peter Loomans, un consultant indépendant, anciennement directeur général de Hottlet Sugar Trading et directeur du commerce hors de l’UE de Südzucker AG Allemagne.

[18] La Délégation de l’UE a déposé des observations écrites et des déclarations de témoins et a témoigné à l’encontre de la prorogation des ordonnances.

[19] La Délégation de l’UE a appelé les témoins suivants à l’audience :

  • a) Mme Eva-María Sanchez, Direction générale du commerce de la Commission européenne;

  • b) M. John Clarke, Direction générale, Agriculture et Développement rural de la Commission européenne;

  • c) Mme Silke Boger, Direction générale, Agriculture et Développement rural de la Commission européenne.

PRODUIT

Définition du produit

[20] Les marchandises en cause sont définies comme étant du sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre. Dans l’enquête originale et dans les réexamens subséquents, le Tribunal a exclu de ses conclusions et de ses ordonnances un certain nombre de produits du sucre de spécialité et génériques. Les produits exclus antérieurement sont énumérés à l’annexe 1 des présentes ordonnances.

Renseignements sur le produit

[21] Le sucre raffiné est vendu sous forme de sucre blanc cristallisé, de sucre liquide et de sucres de spécialité. Le sucre cristallisé est offert dans une gamme de fractions (c.-à-d. moyenne, fine et extra-fine). Le sucre liquide comprend le sucre inverti. Les sucres de spécialité comprennent le sucre biologique, la cassonade dorée, le sucre brun, le sucre à glacer, le sucre à la démérara et d’autres sucres et ils peuvent être vendus sous forme de granules, de liquide ou de poudre.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Qualification de l’expert

[22] Comme il est mentionné précédemment, l’ICS a demandé que M. Todd soit qualifié en tant que témoin expert en ce qui concerne les marchés régionaux et mondiaux du sucre raffiné et des édulcorants, y compris ceux de l’UE, du R-U, des É-U et du Canada; ainsi qu’en ce qui concerne les prévisions relatives aux prix du sucre blanc et du sucre brut, la surcote du sucre blanc, les prix dans ces marchés, et le potentiel du Canada en tant que marché pour les exportations de sucre des É-U, de l’UE et du R-U si les droits étaient annulés [5] .

[23] Le CEFS s’est opposé à la portée du domaine d’expertise proposé de M. Todd, plus particulièrement en ce qui concerne la qualification de M. Todd en qualité de témoin expert sur le potentiel du Canada en tant que marché pour les exportations de sucre des É-U, de l’UE et du R-U si les droits étaient annulés. Il a fait valoir qu’on demandait au Tribunal de qualifier M. Todd en tant qu’expert sur une question mixte de fait et de droit qu’il revenait exclusivement au Tribunal de trancher.

[24] M. Todd est économiste. Il est directeur général (chef de la direction) et directeur, Recherche sur le sucre chez LMC International Ltd (LMC). M. Todd effectue des études sur le marché du sucre chez LMC depuis plus de 30 ans et a dirigé les efforts de LMC afin de produire les outils EU Sugar Market Monitor et World Sugar Price View, qui comprennent les prévisions des prix pour les trois années à venir. M. Todd a également été nommé chef de la direction de Best Agribusiness Market Intelligence – Global 2021, par Capital Finance International [6] .

[25] Le rôle d’un témoin expert consiste à présenter un témoignage indépendant et impartial qui aidera l’enquêteur à tirer une conclusion. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, l’expert a l’obligation envers le tribunal de donner un témoignage d’opinion qui soit juste, objectif et impartial. Le rôle d’un expert n’est pas de plaider en faveur de la partie qui a retenu ses services, mais de donner une opinion impartiale, indépendante et exempte de parti pris au juge des faits [7] .

[26] Le Tribunal est conscient du principe selon lequel la recherche de faits ne peut être déléguée à un témoin expert. Même si un témoin expert peut donner son opinion, une cour ou un tribunal est libre d’être en accord ou en désaccord avec cette opinion, en tout ou en partie, après avoir dûment examiné l’ensemble des éléments de preuve qui ont été présentés [8] .

[27] En l’espèce, le Tribunal est arrivé à la conclusion que l’opinion contestée exprimée par M. Todd était corrélative à sa preuve factuelle, laquelle se situe tout à fait dans son domaine d’expertise. Aucune des parties n’a remis en question l’expertise et l’impartialité de M. Todd. Par conséquent, le Tribunal a accueilli le témoignage de M. Todd dans son intégralité, tout en demeurant conscient de la limite entre le témoignage et l’opinion exprimée par un expert, et la question ultime qui revient exclusivement au Tribunal de trancher.

[28] Le Tribunal a donc qualifié M. Todd en tant que témoin expert en ce qui concerne les marchés régionaux et mondiaux du sucre raffiné et des édulcorants, y compris ceux de l’UE, du R-U, des É-U et du Canada; ainsi qu’en ce qui concerne les prévisions relatives aux prix du sucre blanc et du sucre brut, la surcote du sucre blanc et les prix dans ces marchés, et le potentiel du Canada en tant que marché pour les exportations de sucre des É-U, de l’UE et du R-U si les droits étaient supprimés [9] .

Comparution des témoins à l’audience

[29] Un des témoins pour le CEFS, M. Neundörfer, n’a pas été en mesure de se présenter à l’audience le jour où devait avoir lieu son témoignage à l’origine. On a expliqué au Tribunal que la raison de son absence était liée à des événements imprévus d’une nature personnelle qui étaient survenus à la dernière minute. Au départ, l’avocat du CEFS n’était pas en mesure de confirmer si M. Neundörfer allait être en mesure de témoigner. [10]

[30] Ces développements ont causé une consternation considérable à l’ICS et à l’ASBG, dont les avocats se sont fermement opposés à l’absence de M. Neundörfer. À leur avis, il était impératif qu’on leur donne l’occasion de contre-interroger le témoin en ce qui concerne ses connaissances relatives à l’entreprise de Südzucker, l’un des producteurs de sucre les plus importants en Europe [11] . Le Tribunal a autorisé le CEFS à présenter un autre témoin ayant une connaissance personnelle des déclarations de M. Neundörfer concernant Südzucker figurant dans la déclaration du témoin du CEFS [12] .

[31] Le lendemain, M. Neundörfer a participé brièvement à l’audience, mais son horaire ne permettait qu’une période limitée pour qu’il soit présent aux fins de contre-interrogatoire. Par conséquent, l’ICS et l’ASBG ont seulement été en mesure de procéder à un contre-interrogatoire abrégé et tronqué de M. Neundörfer [13] .

[32] Compte tenu de l’incapacité de M. Neundörfer de se présenter aux fins d’un contre-interrogatoire complet, le Tribunal a accordé un poids limité à son témoignage.

Renseignements confidentiels

[33] La délégation de l’UE a soutenu que le Tribunal avait manqué aux obligations que lui imposent les articles 6.9 et 6.5.1 de l’Accord antidumping de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les articles 12.8 et 12.4.1 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’OMC, car il n’a pas communiqué des faits essentiels, en plus de désigner une quantité excessive de renseignements comme étant confidentiels dans le rapport d’enquête, notamment en ce qui concerne les indicateurs de rendement de la branche de production nationale.

[34] Le Tribunal doit avoir accès à des renseignements commerciaux confidentiels pour s’acquitter de son mandat confié par la loi. Les lois nationales et les accords internationaux reconnaissent que les parties peuvent refuser de fournir ces renseignements essentiels s’ils deviennent accessibles aux entreprises concurrentes. Si le Tribunal exigeait que tous les renseignements dans ses dossiers soient rendus publics, il est prévisible que les parties choisiraient de refuser de communiquer certains renseignements au Tribunal. Non seulement cette approche nuirait à la capacité du Tribunal de procéder à son réexamen relatif à l’expiration, mais, comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sierra Club, elle aurait une incidence sur le droit des parties de défendre leur cause. Dans cette affaire, la Cour a reconnu que les parties étaient confrontées à un dilemme; elles devaient choisir entre renoncer à la confidentialité des renseignements commerciaux de nature délicate ou retenir les documents afin de préserver leur confidentialité, ce qui nuirait à leur capacité de présenter une réponse et une défense complètes et porterait ainsi atteinte à leur droit à un procès équitable [14] .

[35] Cependant, la transparence du processus décisionnel est aussi un principe important dans les accords de l’OMC ainsi que dans le droit administratif canadien. En conséquence, tant les accords de l’OMC que les lois nationales du Canada prévoient un processus dans le cadre duquel des résumés ou des versions non confidentielles des renseignements sont fournis. L’organisme d’appel de l’OMC a reconnu que l’article 6.5.1 de l’Accord antidumping de l’OMC sert à équilibrer les objectifs de protection de la confidentialité tout en assurant la transparence du processus d’enquête [15] . De manière semblable, le Tribunal a reconnu que ses lois nationales l’autorisent à « obtenir la participation volontaire maximale des parties intéressées, de garantir la transparence et, en même temps, de protéger les renseignements confidentiels » [16] . Cette déclaration est compatible avec la décision de la Cour dans l’arrêt Sierra Club, dans lequel la Cour a tranché que l’octroi d’une ordonnance préservant le caractère confidentiel de certains documents, protégeant ainsi le droit susmentionné du plaideur à un procès équitable, servait à créer un équilibre équitable par rapport au principe fondamental de la publicité des débats dans les circonstances de cette affaire [17] .

[36] Les données présentées dans le rapport d’enquête sont essentiellement fondées sur des renseignements qui sont désignés à juste titre comme étant confidentiels par les répondants dans les questionnaires du Tribunal et que le Tribunal doit protéger selon la loi. En l’espèce, la branche de production nationale est composée des trois producteurs nationaux, dont deux représentent la majorité de la production des marchandises similaires nationales. En conséquence, il n’a pas été possible de révéler les données agrégées fondées sur les réponses au questionnaire pour la plupart des indicateurs de rendement de la branche de production nationale sans compromettre la confidentialité des renseignements d’un ou de plusieurs répondants.

[37] Pour rendre plus transparentes les répercussions des renseignements confidentiels, le Tribunal a inclus un tableau sommaire public des renseignements confidentiels dans le rapport d’enquête, lequel utilise des flèches pour indiquer les tendances à la baisse affichées par certaines données au cours de la période visée par le réexamen, notamment les tendances observées dans les indicateurs de rendement de la branche de production nationale, comme la production, les ventes, la capacité, les marges brute et nette ainsi que la marge nette de raffinage [18] .

[38] Le Tribunal conclut que, compte tenu des circonstances du présent réexamen relatif à l’expiration, il a appliqué les dispositions pertinentes des lois nationales régissant la protection des renseignements confidentiels d’une manière qui est compatible avec les obligations internationales du Canada. En outre, le Tribunal est convaincu qu’une abondante quantité de renseignements relevaient du domaine public de façon à permettre aux parties de connaître et de comprendre la question présentée par les parties ayant des intérêts opposés, et d’y répondre pleinement.

[39] Enfin, conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et du paragraphe 16(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, les renseignements qui avaient été désignés comme étant confidentiels peuvent être divulgués à l’avocat qui a présenté la déclaration et l’engagement requis. Par conséquent, la délégation de l’UE disposait toujours de la possibilité d’obtenir accès aux renseignements confidentiels en retenant les services d’un avocat pour agir en son nom dans le cadre de la présente instance.

Argumentation concernant l’existence de subventions passibles de droits compensateurs

[40] Dans leurs observations écrites, le CEFS et la délégation de l’UE ont contesté les décisions de l’ASFC concernant la probabilité d’une reprise ou d’une poursuite du subventionnement et d’une poursuite des programmes de subventions passibles de droits compensateurs. En outre, le témoignage des témoins de la délégation de l’UE portait principalement sur l’argumentation, pas sur les faits, et les témoins ont essentiellement plaidé à nouveau des questions qui avaient déjà été tranchées par l’ASFC.

[41] Suivant le paragraphe 76.03(7) de la LMSI, le régime de réexamen relatif à l’expiration comprend deux volets. Le premier prévoit que l’ASFC doit se prononcer sur la question de savoir si l’expiration de l’ordonnance causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement. Si l’ASFC rend cette décision, le Tribunal doit, dans un deuxième temps et en application du paragraphe 76.03(10), déterminer si l’expiration de l’ordonnance ou des conclusions causera vraisemblablement un dommage ou un retard. À cette fin, le paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [19] prévoit une liste de facteurs non exhaustive que l’ASFC peut examiner au moment de rendre ses déterminations en matière de dumping et de subventionnement. De manière similaire, les facteurs que le Tribunal peut examiner au moment de rendre sa décision quant au dommage sont énumérés au paragraphe 37.1(2).

[42] Conformément à ce cadre réglementaire, le Tribunal n’a pas compétence pour réexaminer les conclusions de l’ASFC concernant la probabilité d’une poursuite ou d’une reprise du subventionnement ou pour effectuer sa propre évaluation visant à déterminer si les programmes existants dans le marché de l’UE constituent des subventions passibles de droits compensateurs. Le moyen de recours approprié pour une partie qui souhaite contester la décision de l’ASFC consiste à demander un contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale [20] . Le Tribunal doit accepter la décision de l’ASFC selon laquelle l’expiration des ordonnances causera vraisemblablement une poursuite ou une reprise du subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’UE.

Le traitement du R-U après le Brexit

[43] Le R-U s’est retiré de l’UE le 31 janvier 2020. Cependant, suivant les modalités d’un accord transitoire conclu avec l’UE, le R-U a continué de faire partie de l’union douanière et du marché unique de l’UE jusqu’au 1er janvier 2021. Par conséquent, en tant que membre de l’UE, le R-U était assujetti à l’ordonnance sur les droits compensateurs pendant la période visée par le réexamen du Tribunal, à savoir du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

[44] Comme il est expliqué ci-dessous, le Tribunal doit entreprendre une analyse prospective au moment d’évaluer la vraisemblance de la reprise ou de la poursuite d’un dommage dans l’éventualité où les ordonnances expirent. De toute évidence, le R-U ne fera pas partie de l’UE pendant les 18 à 24 mois suivant la date d’expiration des ordonnances du Tribunal présentement en vigueur. Donc, le Tribunal doit déterminer de quelle façon il traitera le R-U lorsqu’il évaluera si la reprise ou de la poursuite du subventionnement causera vraisemblablement un dommage.

[45] En outre, le Tribunal souligne que l’ICS a demandé au Tribunal de proroger ses ordonnances et de les formuler ainsi :

a. en ce qui concerne le dumping des marchandises en cause originaires ou exportées du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de l’Union européenne et du Royaume-Uni en application de l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI;

b. en ce qui concerne le dumping des marchandises en cause originaires ou exportées des États-Unis en application du paragraphe 76.04(1) de la LMSI [21] .

[Nos italiques, traduction]

[46] Étant donné que l’ordonnance existante du Tribunal ne mentionne que le subventionnement des marchandises originaires ou exportées de l’UE, le Tribunal a demandé aux parties de formuler des observations à l’audience sur la question de la compétence juridique du Tribunal de rendre une ordonnance concernant le subventionnement des marchandises originaires ou exportées du R-U, étant donné que le R-U ne fait plus partie de l’UE.

[47] L’ICS a fait valoir que la compétence juridique du Tribunal de rendre une telle ordonnance découle, à tout le moins implicitement, de la décision de l’ASFC concernant la probabilité d’une reprise du subventionnement de l’UE. Suivant le paragraphe 76.03(10) de la LMSI, le Tribunal doit décider si l’expiration de l’ordonnance concernant des marchandises visées par la décision de l’ASFC concernant la probabilité d’une reprise ou d’une poursuite du dumping ou du subventionnement causera vraisemblablement un dommage.

[48] À cet égard, l’ICS a invoqué les conclusions antérieures du Tribunal selon lesquelles ce dernier est lié par les décisions de l’ASFC sur la probabilité de la reprise du dumping (ou du subventionnement) [22] .

[49] Bien que la décision de l’ASFC ne mentionne pas expressément le subventionnement du R‐U [23] , l’ICS a fait valoir que toutes les références à l’UE dans la décision et les motifs de l’ASFC doivent logiquement être interprétées comme des références à l’UE et au R-U. L’ICS a fondé cet argument sur le paragraphe suivant des motifs de l’ASFC :

[3] Au moment de l’affaire originale de subventionnement du sucre raffiné et du dernier réexamen en 2014, le Royaume‐Uni relevait de la compétence de l’Union européenne. La période visée par la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration est du 1 janvier 2017 au 31 mars 2020. Bien que le Royaume‐Uni ait quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020, il était toujours membre de l’union douanière et du marché unique de l’Union européenne durant la période de transition, qui a pris fin le 1 janvier 2021. Par conséquent, il a fallu considérer le Royaume‐Uni comme un État membre de l’Union européenne aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration [24] .

[Note omise]

[50] Selon l’ICS, l’ordonnance existante du Tribunal, rendue en 2015, s’applique à tous les membres de l’UE telle qu’elle était constituée à l’époque, tant individuellement que collectivement.

[51] L’ICS a également soutenu que les producteurs de sucre raffiné du R-U bénéficient toujours essentiellement des mêmes programmes de subvention que les producteurs de l’UE, car le R-U a continué, à tout le moins de façon transitoire, à verser des paiements de soutien direct aux agriculteurs, comme il est établi dans le cadre du Programme agricole commun (PAC).

[52] Enfin, l’ICS a insisté sur le fait qu’il s’agirait d’une conséquence absurde pour un pays de ne plus être assujetti à une ordonnance de recours commercial simplement parce qu’il a quitté une union douanière.

[53] Le CEFS a fait valoir que l’ordonnance concernant le subventionnement va à l’encontre de l’UE en tant que « pays », au sens de la LMSI, et qu’aucun montant de subvention n’a été déterminé pour les États membres individuels de l’UE. Il soulignait aussi que les nouveaux États membres qui se sont joints à l’UE depuis l’ordonnance du Tribunal en 1995 ont été assujettis à l’ordonnance sur les droits compensateurs. Par analogie, le CEFS a fait valoir que les États membres quittant l’UE devraient également cesser d’être assujettis à ces droits.

[54] Le CEFS a également présenté des éléments de preuve selon lesquels, bien que le R-U soit demeuré au sein de l’union douanière et du marché unique de l’UE jusqu’au 1er janvier 2021, le règlement de l’UE régissant le soutien au PAC a cessé de s’appliquer au R-U en date du 31 janvier 2020 [25] . Par conséquent, le R-U a adopté des lois incorporant le programme de l’UE concernant les paiements de soutien direct, de même que certains autres programmes de soutien régional, dans ses lois nationales pour veiller à ce que les agriculteurs continuent de recevoir du financement pour 2020 [26] . Les paiements pour 2020 ont été versés par le R-U à même son propre budget [27] .

[55] Ces changements réglementaires ont été suivis de l’Agriculture Act 2020 du R-U, qui éliminera progressivement les paiements de soutien direct sur une période de sept ans à compter du 1er janvier 2021 et les remplacera par des programmes propres au R-U [28] . Ainsi, la responsabilité législative et financière relative aux paiements directs a été transférée de l’UE au R-U le 31 janvier 2020.

[56] De manière similaire, la délégation de l’UE a fait valoir que, depuis 2020, les producteurs de sucre du R-U ne peuvent plus bénéficier du financement de l’UE prévu par le PAC.

[57] Le Tribunal ne retient pas l’affirmation de l’ICS selon laquelle l’ASFC a rendu une décision quant à la reprise ou la poursuite du subventionnement concernant le R-U. Comme il est mentionné précédemment, le libellé de la décision de l’ASFC, en application de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, renvoie expressément à la probabilité de la reprise ou de la poursuite du subventionnement par l’UE uniquement.

[58] L’ICS semble soutenir que le paragraphe 3 des motifs de l’ASFC devrait être interprété comme une disposition déterminative et que toutes les références à l’UE dans la décision et les motifs englobent l’UE et le R-U. Cependant, le Tribunal n’est pas d’avis que le paragraphe 3 permet de soutenir une telle interprétation. Cependant, le Tribunal interprète le paragraphe 3 comme un énoncé de fait, à savoir que le R-U était membre de l’UE pendant la période visée par le réexamen de l’ASFC.

[59] L’ASFC est tenue d’effectuer une analyse prospective au moment de déterminer la probabilité d’une reprise ou d’une poursuite du subventionnement. Il faut également en tenir compte au moment d’interpréter la décision et les motifs de l’ASFC. Cela ne veut pas dire que, parce que le R-U faisait partie de l’UE pendant la période visée par le réexamen de l’ASFC, l’application des droits compensateurs devrait être étendue pour inclure le R-U après le départ du R-U et de l’UE.

[60] De plus, le Tribunal souligne que les motifs de l’ASFC sont par ailleurs silencieux sur cette question. Les motifs de l’ASFC ne mentionnent que les programmes de subvention offerts par l’UE. On ne semble avoir présenté aucun élément de preuve à l’ASFC en ce qui a trait aux modifications législatives ayant permis la poursuite des paiements de soutien direct par le R-U, malgré le fait que cette transition ait eu lieu avant la clôture du dossier de l’ASFC. L’ICS a reconnu pendant l’audience que l’ASFC n’avait tiré aucune conclusion ou n’avait mentionné aucun élément de preuve concernant l’existence de programmes de subvention compensatoires offerts par le gouvernement du R-U aux producteurs de sucre du R-U.

[61] La compétence du Tribunal est limitée par le cadre réglementaire de la LMSI. Il ne peut élargir sa décision relative aux dommages pour englober des marchandises qui n’étaient pas visées par la décision de l’ASFC concernant la probabilité de la reprise du subventionnement. Par conséquent, le Tribunal considère que l’élément qui doit être pris en considération est la portée de la décision de l’ASFC, plutôt que la portée de l’ordonnance existante du Tribunal et la question de savoir si elle vise les 28 anciens États membres de l’UE individuellement.

[62] Étant donné qu’aucune demande de contrôle judiciaire n’a été déposée relativement à la décision de l’ASFC, celle-ci doit être interprétée comme étant définitive. En conséquence, puisque l’ASFC n’a pas rendu une décision concernant la probabilité de la reprise ou de la poursuite du subventionnement par le R-U individuellement, le Tribunal estime qu’il n’a pas compétence, suivant le paragraphe 76.03(10) de la LMSI, pour modifier les ordonnances existantes de la façon demandée par l’ICS.

[63] Par ailleurs, pour le même motif, le Tribunal juge qu’il n’est pas approprié d’inclure le R-U dans son évaluation pour déterminer si la reprise ou la poursuite du subventionnement causera vraisemblablement un dommage.

CADRE LÉGISLATIF

[64] Aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si l’expiration de l’ordonnance rendue dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2012-003 ayant trait aux marchandises en question risque d’occasionner un dommage ou un retard à la branche de production nationale [29] . Aux termes du paragraphe 76.03(12) de la LMSI, si le Tribunal conclut que l’expiration de l’ordonnance ne risque pas d’occasionner un dommage, il doit l’annuler. Toutefois, si le Tribunal conclut que l’expiration de l’ordonnance risque d’occasionner un dommage, il doit la proroger, avec ou sans modification.

[65] Avant de procéder à son analyse concernant la probabilité de dommage, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale ».

[66] Le Tribunal doit aussi déterminer s’il est indiqué d’évaluer les effets cumulatifs probables de la poursuite ou de la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en question provenant de tous les pays, c’est-à-dire s’il procédera à une seule analyse des effets probables ou à une analyse distincte à l’égard de chacun des pays visés. Le Tribunal doit également déterminer s’il évaluera les effets cumulatifs du dumping et du subventionnement des marchandises en question, c’est-à-dire s’il procédera au cumul croisé des effets.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISES

[67] Afin de déterminer si la reprise ou la poursuite du dumping et du subventionnement des marchandises en question causera vraisemblablement un dommage sensible aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays, s’il y en a, constituent des marchandises similaires aux marchandises en question. Il doit également évaluer s’il y a plus d’une catégorie de marchandises parmi les marchandises en question et les marchandises similaires [30] .

[68] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises comme suit :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[69] Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas en tous points identiques aux marchandises en question, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises, comme leur composition et leur apparence, et leurs caractéristiques de marché, comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients [31] .

[70] Dans son exposé des motifs de l’enquête originale, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

Les avocats, les procureurs et les parties à l’enquête ont affirmé à l’unanimité que le sucre raffiné provenant des pays visés, que ce soit sous forme de granules, de liquide ou de poudre, est fongible avec le sucre produit au Canada. En tant que tel, le sucre raffiné produit par la branche de production nationale et les marchandises en question ont les mêmes utilisations finales, se font la concurrence et, dans de nombreuses applications, peuvent être substitués l’un à l’autre. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que le sucre raffiné produit au Canada est similaire aux marchandises en question [32] .

[Notes omises]

[71] Le Tribunal souligne que ces conclusions ont été confirmées dans le réexamen relatif à l’expiration no RR-99-006 ainsi que dans les réexamens relatifs à l’expiration nos RR-2004-007 et RR-2009-003, telles que modifiées dans le réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003R et confirmées subséquemment dans le réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006. De plus, aucune des parties dans le présent réexamen relatif à l’expiration n’a remis en question le fait que les marchandises produites par la branche de production nationale sont des marchandises similaires aux marchandises en cause ou qu’il existe plus d’une catégorie de marchandises.

[72] En outre, la preuve présentée par les parties confirme que la composition chimique du sucre raffiné, à savoir du saccharose à 99,8 p. 100, est uniforme quelle que soit la source de sucre ou la région géographique dont il provient [33] .

[73] Selon les témoignages présentés au Tribunal, les utilisateurs de sucre industriels nationaux du Canada exigent que le sucre soit d’un calibre, d’une consistance et d’une couleur en particulier, ce qui exige un niveau élevé de qualité et de sophistication en matière de transformation et de raffinage. Aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration, la capacité des producteurs de sucre du Canada, des É-U, du R-U et de l’UE de transformer et de raffiner le sucre brut en un produit vendable est équivalente, dans la mesure où elle permet de fabriquer un produit de haute qualité qui répond aux exigences des consommateurs en Amérique du Nord et en Europe.

[74] D’après les caractéristiques physiques et celles du marché des marchandises importées et produites par la branche de production nationale, le Tribunal conclut que les marchandises produites par la branche de production nationale sont des marchandises similaires aux marchandises en cause et qu’il n’existe qu’une catégorie de marchandise.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[75] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » de la façon suivante :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[76] Le Tribunal doit donc déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé ou menace d’être causé aux producteurs nationaux dans leur ensemble ou aux producteurs nationaux dont la production constitue une proportion majeure de la production collective nationale de marchandises similaires [34] .

[77] Selon les éléments de preuve au dossier du Tribunal, il y a quatre producteurs de sucre raffiné : Redpath Sugar Ltd. (Redpath), Lantic Inc. (Lantic), Sucro Can Canada Inc. (Sucro), et Sucre Solution Inc. (Sucre Solution) [35] .

[78] Redpath et Lantic font partie de la branche de production nationale depuis la conclusion originale du Tribunal en 1995. Ensemble, Redpath et Lantic ont produit environ 1,3 million de tonnes métriques (TM) de sucre raffiné par année pendant la période visée par le réexamen du Tribunal, ce qui représente environ 93 p. 100 de la production nationale de marchandises similaires, comme l’estime l’ICS [36] .

[79] Sucro a été constituée en 2014, et possède des installations situées à Hamilton, en Ontario, et l’ICS estime qu’elle a une capacité de production de 120 000 TM par année [37] . Elle a présenté un questionnaire partiellement rempli, mais n’a pas participé autrement aux procédures dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration.

[80] Sucre Solution, avec des installations situées à Trois-Rivières, au Québec, est issue de Sucro et a été vendue à de nouveaux propriétaires en 2017 [38] . Sucre Solution n’a pas participé aux procédures du réexamen relatif à l’expiration; cependant, le Tribunal estime que Sucre Solution représente un volume de production mineur des marchandises similaires.

[81] Par conséquent, le Tribunal conclut que Redpath, Lantic et Sucro produisent la quasi-totalité des marchandises similaires au pays et que ces trois producteurs constituent la branche de production nationale aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration [39] .

CUMUL ET CUMUL CROISÉ

[82] En vertu du paragraphe 76.03 (11) de la LMSI, « le Tribunal évalue les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises importées au Canada en provenance de plus d’un pays [...] s’il est convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, compte tenu des conditions de concurrence [...] » entre les marchandises importées au Canada d’un de ces pays et les marchandises provenant de tout autre pays, ou entre ces marchandises et les marchandises similaires.

[83] Au moment d’évaluer les conditions de concurrence entre les marchandises, le Tribunal tient habituellement compte des facteurs suivants, le cas échéant :

a) la mesure dans laquelle les marchandises provenant de chaque pays visé sont interchangeables avec les marchandises en cause provenant des autres pays visés ou avec les marchandises similaires;

b) la mesure dans laquelle les marchandises importées de chaque pays visé et les marchandises similaires sont vendues dans les mêmes marchés géographiques;

c) l’existence de canaux de distribution communs ou similaires;

d) les différences quant à l’échéancier de la livraison des marchandises importées provenant d’un pays visé quelconque et celui de marchandises provenant d’autres pays visés, et les différences quant à l’échéancier de la disponibilité des marchandises similaires provenant de la branche de production nationale.

[84] Dans le contexte des réexamens relatifs à l’expiration, le Tribunal a déclaré dans le passé que l’effet de la poursuite ou de la reprise du dumping ou du subventionnement et l’évaluation des conditions de concurrence doivent être envisagés d’un point de vue prévisionnel [40] . Ainsi, lorsque le Tribunal procède à une évaluation prospective des conditions de concurrence dans le cadre de réexamens relatifs à l’expiration, il part du principe qu’il y ait effectivement présence de concurrence, c’est-à-dire que les marchandises en provenance de chacun des pays visés se retrouveront vraisemblablement de manière simultanée sur le marché canadien s’il y a expiration des conclusions ou de l’ordonnance.

[85] Le CEFS a fait valoir que le Tribunal devrait adopter la méthode du cumul croisé énoncée dans Barres d’armature pour béton, selon laquelle, si les autres conditions prévues par la loi et applicables sont respectées, le Tribunal évalue les effets cumulatifs des marchandises provenant de pays qui font l’objet d’une enquête de dumping, et il évalue séparément les effets cumulatifs des marchandises provenant de pays qui font l’objet d’une enquête de subventionnement. En outre, il analyse séparément la probabilité de dommage découlant des marchandises en provenance de pays qui font simultanément l’objet de ces deux types d’enquêtes [41] .

[86] En conséquence, la délégation de l’UE et le CEFS ont fait valoir que le Tribunal devrait procéder à des analyses distinctes pour ce qui suit : 1) les marchandises sous-évaluées; 2) les marchandises sous-évaluées et subventionnées; et 3) les marchandises qui sont uniquement subventionnées — c.-à-d. une analyse visant le R-U et les É-U, une analyse visant l’UE-3 (le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas) et une analyse visant le reste de l’UE (UE-24).

[87] L’ICS a fait valoir qu’il serait approprié d’évaluer séparément les éléments suivants : 1) les effets cumulatifs du dumping (en l’absence de droits antidumping) des É-U, de l’UE-3 et du R-U; et 2) les effets du subventionnement en l’absence de droits compensateurs pour l’UE-27 et le R-U, comme il avait été fait dans le réexamen précédent. Il fait en outre valoir que, même si les effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées en provenance de l’UE-3 et du R-U devaient être évaluées séparément des deux autres groupes, la probabilité de dommage pour la branche de production nationale serait la même.

[88] En l’espèce, le Tribunal suivra l’approche énoncée par la majorité dans Barres d’armature pour béton. Par souci de clarté, sur la base de l’analyse présentée ci-dessus concernant le traitement du R-U, le Tribunal estime qu’il n’est pas approprié d’inclure le R-U dans le groupe de pays visés par les ordonnances concernant le dumping et le subventionnement.

[89] En ce qui concerne la question du cumul, le Tribunal n’a pas été saisi d’un élément de preuve ou d’un argument selon lequel le cumul au sein des groupes proposés par le CEFS et la délégation de l’UE ne serait pas indiqué d’après les conditions de concurrence. En conséquence, le Tribunal examinera les effets cumulatifs des marchandises visées par l’ordonnance concernant le dumping (les É-U et le R-U), les marchandises visées par l’ordonnance concernant le subventionnement (l’UE-24) et les marchandises visées par l’ordonnance concernant le dumping et le subventionnement (le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas).

ANALYSE DE LA PROBABILITÉ DE DOMMAGE

[90] Un réexamen relatif à l’expiration est de nature prospective [42] . Par conséquent, les éléments de preuve recueillis pendant la période visée par le réexamen, au cours de laquelle une ordonnance ou des conclusions étaient en vigueur, ne sont pertinents que dans la mesure où ils influent sur l’analyse prospective visant à déterminer si l’expiration de l’ordonnance ou des conclusions causera vraisemblablement un dommage [43] .

[91] Il n’y a pas de présomption de dommage dans un réexamen relatif à l’expiration; les conclusions doivent se fonder sur des éléments de preuve positifs, en conformité avec le droit interne et les exigences de l’OMC [44] . Dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, les éléments peuvent comprendre des éléments de preuve fondés sur des faits antérieurs qui appuient des conclusions prospectives [45] .

[92] Dans le cadre de son analyse de la probabilité de dommage, le Tribunal a constamment indiqué qu’il faut s’en tenir aux circonstances auxquelles on peut raisonnablement s’attendre à court et à moyen terme. La branche de production nationale a fait valoir que le Tribunal devrait se concentrer sur les 18 à 24 prochains mois à compter de la date des ordonnances du Tribunal, c’est‐à‐dire jusqu’au 6 août 2023. L’ICS a souligné que cette période couvre la majorité de la campagne agricole 2022-2023, qui se terminerait le 30 septembre 2023.

[93] Le CEFS a fait valoir que les prévisions au-delà de l’année commerciale 2021-2022 sont trop éloignées et sujettes à un trop grand nombre de variables. La pandémie, et ses répercussions à tous les niveaux sur la culture, la production, le raffinage, l’expédition, le transport et la consommation de sucre, ont causé une volatilité des marchés qui milite en faveur d’une période plus courte pour évaluer les développements raisonnablement prévisibles.

[94] De manière semblable, la délégation de l’UE a fait valoir que le Tribunal devrait se pencher uniquement sur les conditions probables jusqu’à la fin de 2022. Cependant, cet argument semble fondé sur une compréhension erronée de la pratique habituelle du Tribunal. En effet, il part du principe que la période de 24 mois est calculée à compter de la fin de la période visée par le réexamen et non à compter de la date d’expiration de l’ordonnance.

[95] En réponse, l’ICS a fait valoir que le présent réexamen relatif à l’expiration a lieu dans le contexte de circonstances factuelles exceptionnelles, notamment trois années consécutives de conditions météorologiques extrêmement mauvaises et l’éclosion de la maladie du virus de la jaunisse de la betterave, ce qui a mené à une production et à des exportations de sucre raffiné considérablement réduites pour l’UE. L’ICS a soutenu que ces circonstances exceptionnelles sont de nature temporaire et, comme il est expliqué de manière détaillée dans le rapport d’expert présenté par M. Todd (le rapport de LMC), elles se résoudront vraisemblablement au cours de la période d’évaluation de 24 mois du Tribunal. De l’avis de l’ICS, c’est précisément pour cette raison que l’évaluation du Tribunal devrait couvrir la totalité du cadre de référence de 24 mois. Selon l’ICS, le fait de mettre l’accent sur le court terme, avant que les conditions reviennent à la normale, risquerait d’accorder une importance indue aux conditions « extraordinaires » [traduction] existantes, ce qui pourrait donc fausser l’évaluation de la probabilité des dommages.

[96] Le Tribunal a uniformément appliqué la période de 18 à 24 mois dans les réexamens relatifs à l’expiration antérieurs de ces ordonnances [46] . En outre, le Tribunal n’a pas jugé nécessaire d’ajuster la durée de la période dans les réexamens relatifs à l’expiration menés récemment pendant la pandémie [47] .

[97] En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de se concentrer sur les 24 prochains mois dans son analyse.

[98] Le paragraphe 37.2(2) du Règlement dresse la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte lorsqu’il évalue la probabilité de dommage quand l’ASFC a déterminé qu’il y a probabilité de poursuite ou de reprise du dumping. Les facteurs que le Tribunal juge pertinents en l’espèce sont exposés en détail plus bas.

Changements des conditions du marché

[99] Le Tribunal examinera d’abord les changements dans les conditions du marché à l’échelle internationale et nationale afin d’évaluer les volumes et les prix probables des marchandises en cause et leur incidence sur la branche de production nationale advenant l’annulation des conclusions [48] .

Conditions du marché international

Contexte

[100] Les échanges de sucre brut et de sucre raffiné sur le marché mondial se font selon deux indices de référence internationaux : i) le prix du sucre brut est fixé d’après le cours du contrat à terme no 11, coté à la bourse ICE Futures U.S. à New York, et ii) le prix du sucre raffiné est fixé d’après le cours du contrat à terme relatif au sucre blanc (que l’on appelle toujours communément le contrat no 5), dont le prix est également fixé à la bourse ICE Futures US.

[101] L’« écart » entre les cours des contrats à terme no 11 et no 5 est désigné comme la « surcote mondiale du sucre blanc », qui représente la valeur du marché du processus de raffinage engagé par le raffineur. Il est utilisé comme mesure de référence des conditions dans les marchés mondial et canadien du sucre. Une surcote élevée signifie que les stocks dans le marché du sucre blanc (raffiné) sont restreints et/ou que les coûts du raffinage du sucre brut sont élevés. Une surcote faible indique que les stocks de sucre blanc (raffiné) disponibles sont élevés et/ou que les coûts de raffinage sont faibles.

[102] Étant donné que les betteraves à sucre sont transformées directement en sucre raffiné, les producteurs de sucre de betterave ne sont pas préoccupés ni par le coût du sucre de canne brut ni par le niveau de la surcote du sucre blanc. Dans le cadre des exportations, ils se préoccupent uniquement du prix du contrat no 5. Cependant, le volume du sucre de betterave raffiné échangé sur le marché mondial a une incidence sur la surcote du sucre blanc, car il cause des diminutions ou des augmentations du prix du sucre blanc no 5. Par exemple, l’augmentation des exportations du sucre de betterave entraînerait une diminution du prix du contrat no 5 et entraînerait vraisemblablement une diminution de la surcote du sucre blanc.

Les conditions du marché mondial [49]

[103] Le rapport de LMC indique que les prix mondiaux élevés du sucre brut pendant la campagne agricole de 2016-2017 ont incité les agriculteurs à cultiver davantage de betteraves à sucre et de cannes à sucre, et les bonnes conditions météorologiques ont favorisé des rendements élevés, ce qui a donné lieu à un excédent record de 12 à 13 millions de tonnes métriques en valeur brute (TMVB) au cours de la campagne agricole 2017-2018 [50] . De manière similaire, l’ICS a fait valoir que la saison 2017-2018 a été caractérisée par une offre excédentaire liée à une production et à des exportations accrues, notamment en provenance de l’Inde, de l’UE et de la Thaïlande. Par ailleurs, un important excédent a été enregistré pour l’année commerciale 2018-2019, car la production a continué d’être élevée en Inde et en Thaïlande, contribuant ainsi à l’accumulation des stocks mondiaux [51] .

[104] Selon l’ICS, bien que les années 2019-2020 et 2020-2021 (prévision) soient des années déficitaires, les stocks mondiaux demeurent considérables et ils devraient atteindre 70,2 millions de TMVB ou 38,3 p. 100 de la consommation mondiale [52] . La baisse dans la production mondiale en 2019-2020 découlait principalement d’une baisse de la production en Inde en raison des mauvaises conditions météorologiques dans les principaux États producteurs et, en Thaïlande, en raison de la faiblesse des prix de la canne de sucre et des mauvaises récoltes à la suite d’une sécheresse. On prévoit que la production en 2020-2021 demeurera près du niveau de 2019-2020; la production du Brésil sera élevée et soutenue, et celle de l’Inde sera plus élevée, pour compenser une deuxième année de production plus faible en Thaïlande et dans l’UE compte tenu des conditions météorologiques défavorables et d’autres problèmes concernant les cultures [53] .

[105] De manière semblable, le rapport de LMC révèle que les mauvaises conditions météorologiques en Thaïlande, en Inde et dans l’UE, ainsi que la décision des meuniers brésiliens de passer à la production d’éthanol en raison des faibles prix du sucre [54] , ont contribué à la baisse de production en 2019-2020. Au début de 2020, le déficit prévu pour la campagne agricole de 2019-2020 était généralement de 8 ou 9 millions de TMVB. Cependant, le début de la pandémie de COVID-19 a profondément modifié les perspectives du marché et le déficit prévu pour 2019-2020 a été ramené à un peu plus d’un million de TMVB. Selon le rapport, ce changement est dû, surtout, aux confinements dans le monde qui ont entraîné une réduction dans la consommation de sucre, et plus particulièrement au fait que les producteurs brésiliens ont été incités à revenir au raffinage du sucre, car le confinement au Brésil et l’effondrement mondial dans le prix du pétrole ont fait baisser les prix du carburant [55] .

[106] D’autres facteurs ont exercé une influence sur la consommation mondiale, telle que les récessions dans les principaux pays consommateurs, les politiques qui ont donné lieu à une stagnation dans la consommation, l’introduction de taxes sur les boissons gazeuses, les nouvelles formulations de produits, et les modifications dans les préférences alimentaires des consommateurs. Ces facteurs ont entraîné un ralentissement de la consommation mondiale du sucre, même si elle a continué à augmenter à un taux de 1,2 p. 100 par année au cours de la dernière décennie, ce qui s’explique principalement par la croissance de la population [56] .

[107] Pour 2020-2021, le rapport de LMC prévoit que le marché mondial du sucre enregistrera un déficit d’environ 4,5 millions de TMVB, ce qui tient compte d’une reprise partielle dans la consommation mondiale et d’une deuxième année consécutive de mauvaises récoltes en Thaïlande [57] . Les témoins du CEFS ont affirmé que, d’après les dernières données, un déficit de 4,782 millions de TM est prévu en 2020-2021, soit une diminution comparativement à l’excédent de 0,882 million de TM en 2019‐2020 [58] .

[108] Si les conditions météorologiques et les récoltes reviennent à la normale, notamment en Thaïlande et dans l’UE, on prévoit, d’après certaines données, que pour 2021-2022 et les années suivantes, il y aura de nouveau un excédent, car les prix plus élevés sur le marché favorisent l’augmentation de la production de sucre [59] . De manière similaire, le rapport de LMC prévoit une reprise de la production mondiale en 2021-2022 et en 2022-2023. Cependant, il est souligné que la vitesse à laquelle cette reprise se déroulera dépend en partie de la vitesse de la reprise en Thaïlande [60] .

[109] En réponse à la hausse de la production mondiale et à la hausse de stocks de sucre, les prix mondiaux du sucre de canne brut ont chuté considérablement en 2017-2018 et en 2018-2019, tout comme les prix du sucre raffiné. Les prix sont demeurés bas en 2019-2020, mais ont commencé à augmenter en 2020-2021 compte tenu du resserrement continu du marché à la suite des années déficitaires. Cependant, on observe désormais une tendance à la baisse dans les prix du sucre actuels et futurs en raison du retour prévu à un excédent [61] .

[110] De manière similaire, la surcote du sucre blanc en 2020 et au début de 2021 est demeurée relativement élevée et tient compte de l’offre réduite du sucre blanc provenant de l’UE et de la Thaïlande. Comme les récoltes devraient être meilleures et que le raffinage est plus souvent effectué à destination, une pratique favorisée par une surcote du sucre blanc plus élevée, on prévoit que la surcote du sucre blanc diminuera [62] .

Les conditions du marché des É-U

− Programmes relatifs au sucre des É-U

[111] Les programmes relatifs au sucre des É-U prévoient des limites relatives à l’approvisionnement national, des mesures de soutien des prix et des limites relatives aux importations en franchise de droits autres que celles autorisées par l’Accord Canada‐États‐Unis‐Mexique (ACEUM). Le Farm Bill des É-U de 2018 a reconduit, avec quelques modifications mineures, les dispositions concernant le programme relatif au sucre du Farm Bill de 2014 qui étaient en vigueur au moment du dernier réexamen relatif à l’expiration. Ces programmes assujettissent les importations de sucre de canne brut aux É-U à des contingents tarifaires (CT) et établissent les contingents de commercialisation, qui exigent qu’un pourcentage élevé de la demande américaine relative au sucre soit attribué aux producteurs de sucre américains et qui limitent la quantité de sucre que chaque producteur peut vendre sur le marché américain. Ces dispositions devraient demeurer en vigueur jusqu’à la campagne agricole de 2023 [63] .

[112] Dans le réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006, le Tribunal a conclu que le programme de réexportation du sucre raffiné (PRSR) offrait un incitatif économique important aux producteurs de sucre américain pour qu’ils exportent le sucre vers le Canada [64] . Le PRSR est un programme exonéré de droit qui permet à un transformateur de sucre d’importer du sucre brut, à condition qu’une quantité équivalente de sucre raffiné soit exportée à l’intérieur d’une période déterminée. Le PRSR est souple et permet que l’importation et l’exportation de sucre se déroulent à différents emplacements et à différents moments. Selon la preuve du présent réexamen relatif à l’expiration, ce programme demeure essentiellement inchangé par rapport à 2015 [65] .

− Production de sucre, consommation et capacité des É-U

[113] Les É-U sont le sixième producteur de sucre en importance dans le monde et se classent au troisième rang des importateurs de sucre dans le monde. La canne à sucre et la betterave à sucre sont cultivées aux É-U et les raffineurs produisent également du sucre raffiné à partir de sucre brut importé [66] . On dénombre 13 raffineries de sucre de canne (6 raffineries complètes et plusieurs raffineries partielles ou « postes de fonte », qui produisent du sucre liquide à partir de sucre importé) et 21 usines de transformation de betterave à sucre aux É-U. Il existe un niveau élevé d’intégration verticale dans l’industrie du raffinage du sucre de canne ou du meulage de la canne à sucre, et tous les transformateurs de betterave à sucre sont des coopératives appartenant à des cultivateurs [67] . Environ le tiers des importations aux États-Unis en provenance du Mexique sont exonérées de droits aux termes de l’ACEUM (le Canada est exclu des dispositions bilatérales sur le commerce du sucre entre les É-U et le Mexique) [68] .

[114] La production de sucre des É-U pour 2020-2021 devrait être supérieure à celle de 2019-2020 d’après les prévisions selon lesquelles les superficies cultivées et les récoltes des cultures de betteraves à sucre et de cannes à sucre augmenteront en 2020-2021 [69] . Les prévisions à long terme du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) indiquent que la production nationale de sucre (secteurs des betteraves et des cannes) devrait augmenter pour répondre à la hausse de la consommation compte tenu de la croissance de la population, de même que les importations en provenance du Mexique et d’autres partenaires ayant conclu un accord de libre-échange. L’augmentation du rendement des cultures et des taux de récupération des sucres devrait contribuer à la croissance continue dans la production de sucre de betterave et de canne, à tout le moins jusqu’en 2026-2027 [70] . Selon les prévisions de l’USDA, les stocks de fin d’année pour 2020-2021 devraient s’élever à 1,568 million de TM en valeur de sucre raffiné [71] .

[115] Depuis le réexamen relatif à l’expiration de 2015, on a apporté un certain nombre de modifications, dans les secteurs de la betterave et de la canne de la branche de production américaine du sucre, qui ont augmenté la capacité, la commercialisation et la portée de la distribution de la branche de production. Sept raffineries de sucre de canne américaines et une usine de transformation de betterave à sucre américaine ont procédé à une expansion, et d’autres ont effectué des investissements importants en vue d’améliorer les capacités de stockage et de transformation [72] . En raison de cette production accrue, l’ICS estime que la capacité inutilisée des raffineries américaines s’élevait à 1,245 million de TM en valeur de sucre raffiné en 2017-2018, à 1,088 million de TM en valeur de sucre raffiné en 2018-2019 et à 841 000 TM en valeur de sucre raffiné en 2020-2021 [73] .

Les conditions du marché de l’UE

− Le programme relatif au sucre de l’UE

[116] L’ancien programme relatif au sucre de l’UE, qui combinait des contingents de production, des mesures de soutien des prix et des contrôles à l’importation, a été jugé incompatible avec les obligations dans le cadre de l’OMC concernant les programmes de soutien nationaux imposés par l’Accord sur l’Agriculture en 2006 et a été éliminé progressivement depuis. Le dernier ensemble de réformes, qui a éliminé les contingents de production, est entré en vigueur le 1er octobre 2017. L’UE a adopté la position selon laquelle l’élimination des contingents de production signifiait que, à compter de 2017, elle n’était plus assujettie à la limite maximale d’exportation imposée par l’OMC de 1,37 million de tonnes métriques en valeur de sucre blanc (TMVSB) applicable au sucre hors contingent [74] .

[117] Selon l’ICS, l’UE a prolongé différentes mesures dans le cadre du PAC pour soutenir le secteur, notamment le maintien d’une importante protection tarifaire sur les importations (en dehors des accords commerciaux préférentiels) ainsi que la possibilité d’offrir des mesures de stockage privé et contre les crises pour permettre une intervention de la Commission européenne dans l’éventualité d’augmentations ou de diminutions marquées dans les prix courants. En outre, le PAC prévoit des paiements directs à tous les agriculteurs (soutien découplé) fondés sur le nombre d’hectares cultivés. Onze États membres versent également des paiements agricoles particuliers à leurs cultivateurs de betteraves (soutien couplé volontaire). En outre, l’UE a mis en place le POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), qui soutient l’agriculture dans les régions ultrapériphériques au moyen de paiements liés à la production. Le POSEI appuie l’accès aux aliments, aux aliments du bétail et aux intrants pour les communautés locales, et le développement de la production agricole locale [75] .

[118] L’UE a aussi mis en place un régime de perfectionnement actif (RPA), comparable au PRSR des É‐U, en ce sens qu’il s’agit d’un programme d’exonération des droits qui permet à un transformateur de sucre de l’UE d’importer du sucre brut, à condition d’exporter une quantité équivalente de sucre raffiné à l’intérieur d’un délai prescrit. Comme le PRSR, le PRA est souple et permet que l’importation et l’exportation de sucre se déroulent à différents emplacements et à différents moments [76] .

− Production de sucre, consommation et capacité de l’UE

[119] L’UE continue d’être le troisième producteur de sucre en importance dans le monde après le Brésil et l’Inde, et le plus important exportateur de sucre de betterave [77] . La grande majorité du sucre produit dans l’UE est du sucre de betterave, bien que l’UE importe un peu de sucre de canne brut à des fins de raffinage. Il est important de noter que, comme il est mentionné précédemment, les exportations de sucre de l’UE ne sont donc pas sensibles à la surcote du sucre blanc, et de grandes quantités d’exportations de sucre de betterave en provenance de l’UE peuvent perturber la surcote du sucre blanc en abaissant le prix du contrat no 5.

[120] La production totale de sucre de l’UE (y compris le R-U) est passée de 16,8 millions de TMVSB en 2015-2016 à 17,5 millions de TMVSB en 2019-2020 [78] . Il y a eu une augmentation importante dans la production (21,3 millions de TMVSB) au cours de la campagne agricole de 2017‐2018, ce qui, selon l’ICS, était attribuable au fait que les agriculteurs ont augmenté les superficies consacrées à la culture de betteraves dans l’anticipation de l’élimination des limites imposées par l’OMC à l’égard des exportations de sucre de l’UE.

[121] Le CEFS a reconnu que la branche de production a procédé à une augmentation « peu judicieuse » de la superficie de culture de betterave, de l’emploi et de la durée de la campagne production, mais a fait valoir que l’augmentation dans la production était également attribuable à des conditions météorologiques favorables, qui ont donné lieu à des récoles de betteraves abondantes [79] . Le rapport de LMC indique que les agriculteurs ont augmenté les superficies consacrées à la culture de betteraves pour tirer parti des prix mondiaux élevés à l’époque, et que des conditions météorologiques favorables avaient également contribué à un rendement excellent [80] .

[122] Au cours des campagnes agricoles de 2018-2019 et de 2019-2020, la production a beaucoup diminué comparativement à 2017-2018 en raison d’éclosions du virus de la jaunisse de la betterave et de conditions météorologiques défavorables. La production s’élevait à 17,6 millions de TMVSB en 2018-2019 et à 17,5 millions de TMVSB en 2019-2020 [81] . Selon les témoins du CEFS, la réduction dans la production en 2018-2019 et les années suivantes était également attribuable au libre marché, dont les effets se sont fait sentir dans le secteur du sucre de l’UE après l’élimination des contingents en 2017 [82] . Les mêmes conditions (virus de la jaunisse de la betterave et conditions météorologiques) ont mené à des prévisions de 14,5 millions de TMVSB pour la campagne agricole 2020-2021 [83] . En ce qui concerne 2021-2022 et les années suivantes, certaines prévisions indiquent que la culture de la betterave à sucre dans l’UE rebondira et permettra la production de 16,8 millions de TM de sucre de betterave [84] . Le rapport de LMC prévoit que la production dans l’UE et le R-U passera à 17,6 et 18,1 millions de TMVSB en 2021-2022 et 2022-2023, respectivement [85] . Les témoins du CEFS prévoient une production de 15,45 millions de TMVSB en 2021-2022, mais affirment qu’il s’agit d’un chiffre optimiste et que la production réelle sera vraisemblablement inférieure à la cible de 15,45 millions de TMVSB. Ils prévoient en outre que la production diminuera à 14,4 millions de TMVSB en 2022-2023, en raison de la réduction de la capacité à la suite de la fermeture de 12 usines (voir ci-dessous) [86] .

[123] L’ICS a fait valoir que le niveau de consommation dans le marché de l’UE a diminué de façon constante. La consommation totale s’élevait à 17,977 millions de TMVSB en 2017-2018, a diminué à 17,379 millions de TMVSB en 2018-2019 et a poursuivi sa baisse en 2019-2020 pour s’établir à 16,926 millions de TMVSB. Entre 2017-2018 et 2019-2020, la consommation a donc diminué d’environ 1,05 million de TMVSB [87] . On prévoit que la consommation poursuivra sa baisse de 2021 jusqu’en 2023, comparativement aux niveaux de 2020 [88] .

[124] Cependant, le rapport de LMC indique que la consommation a régressé en 2019-2020, que cette tendance s’est poursuivie en 2020-2021 en raison des répercussions de la pandémie de COVID‐19 et qu’il est probable que la consommation retournera à ses niveaux antérieurs à la pandémie d’ici 2022-2023, voire avant [89] .

[125] Les témoins du CEFS estiment que, malgré les incertitudes liées à la consommation en raison de la COVID-19 et des politiques visant à réduire le sucre dans les aliments et les boissons dans l’UE, la consommation devrait se chiffrer à 14,8 millions de TMVSB en 2021-2022, le même niveau que l’année précédente (2020-2021), ce qui correspond à l’estimation de la Commission européenne [90] .

[126] Les données présentées par l’ICS indiquent que la capacité totale de raffinage de sucre de canne est d’environ 2,02 millions de TM dans l’UE. Le taux d’utilisation moyen de cette capacité est estimé à 59 p. 100, ce qui laisse une capacité de raffinage de canne inutilisée d’environ 1,2 million de TM dans le marché de l’UE [91] .

[127] Les témoins du CEFS ont démontré que la branche de production de l’UE avait fait l’objet d’une réorganisation et d’une consolidation considérables depuis 2017, en raison de diminutions importantes dans le nombre de cultivateurs de betteraves et d’usines. Plus particulièrement, depuis l’élimination ou la réduction de l’aide publique au moyen de programmes de subvention, 11 usines de sucre de betterave ont mis un terme à leurs activités dans l’UE, soit quatre usines en France, deux en Allemagne, une en Pologne, une en Croatie, une en Grèce, une en Roumanie et une en Italie. Ces fermetures sont attribuables à la rationalisation et à l’élimination d’opérations de raffinage non rentable de la branche de production (une perte de capacité de transformation combinée de plus de 1,2 million de TM) [92] . Une autre usine en Croatie a annoncé sa fermeture en 2021-2022 [93] .

[128] Selon l’ICS, la production excédentaire dans l’UE en 2017-2018 était approximativement de 3,3 millions de TMVSB [94] , ce qui a mené à des exportations de 3,1 millions de TM au cours de cette campagne agricole. Cependant, en raison de la diminution de la production observée en 2018-2019 et en 2019-2020, les exportations ont chuté à 1,6 million de TM et 789 589 de TM, respectivement [95] . D’ici 2022-2023, le rapport de LMC prévoit que les exportations combinées de l’UE et du R-U augmenteront à 1,7 million de TMVSB, comparativement à environ 1 million de TMVSB en 2020‐2021 et en 2021-2022 [96] .

Les conditions du marché du R-U

[129] Selon le rapport de LMC, les marchés du sucre de l’UE et du R-U demeureront intégrés sur le plan fonctionnel après le Brexit, car selon l’accord commercial conclu entre l’UE et le R-U, le sucre originaire (c.-à-d. le sucre produit à partir des betteraves cultivées dans leurs territoires respectifs) peut circuler entre ces deux territoires sans être assujetti à des droits ni à des contingents [97] .

[130] Les politiques en vigueur du R-U relatives au sucre raffiné sont comparables à celles qui étaient en vigueur dans l’UE au moment du retrait du R-U de l’UE. Comme il est mentionné précédemment, le R-U a continué à verser des paiements directs aux agriculteurs, bien que ces paiements seront éliminés progressivement entre 2021 et 2027. En outre, le R-U maintient un régime de perfectionnement actif comme celui décrit ci-dessus pour l’UE [98] .

[131] La production de sucre raffiné du R-U en 2019-2020 s’élevait à 1 191 444 de TMVSB et on prévoit une production d’environ 900 000 TMVSB en 2020-2021 [99] . La consommation devrait demeurer stable, soit environ 1,8 million de TM de sucre chaque année, ce qui signifie que le R-U importera environ 900 000 TM de sucre raffiné, dont 600 000 TM devraient provenir de l’UE. Le R‐U importe aussi du sucre brut pour le raffiner à l’échelle nationale [100] .

[132] British Sugar exploite les seules raffineries de sucre de betterave dans le R-U, avec une capacité maximale de 1,5 million de TM. Elle a produit 1,18 million de TM au cours de la campagne agricole 2019-2020. De plus, Tate & Lyle exploite une raffinerie de sucre de canne ayant une capacité de 1,2 million de TM. L’utilisation de la capacité à la raffinerie de Tate & Lyle a été faible (environ 500 000 TM), car le coût d’importation du sucre brut a été trop élevé [101] . Cependant, le R-U a permis un plus grand accès en franchise de droits pour les importations de sucre de canne, ce qui réduira vraisemblablement ces coûts.

[133] Plus particulièrement, un nouveau contingent commercial autonome (CCA) a été mis en place, lequel permettra des importations de sucre de canne en franchise de droits aux fins de raffinage. Pour 2021, le CCA est fixé à 260 000 TM. De plus, le R-U a augmenté l’accès en franchise de droits dans le cadre des accords de libre-échange pour des importations de 140 000 TM de sucre brut aux fins de raffinage ou du sucre raffiné en provenance de pays tiers [102] . Selon la preuve de l’ICS, cette mesure permettra à Tate & Lyle de produire considérablement plus de sucre raffiné que par le passé; le sucre supplémentaire devra être soit vendu dans le marché du R-U, soit exporté ailleurs dans le monde, car il ne peut être exporté vers l’UE puisqu’il s’agit d’un produit non originaire. L’ICS fait valoir en outre que cette tendance pourrait avoir pour effet de déplacer l’approvisionnement qui, traditionnellement, provenait d’autres sources au R-U, dont l’UE, et entraîner une augmentation des exportations de l’UE [103] .

[134] Traditionnellement, le R-U n’a pas exporté de grands volumes de sucre raffiné vers les marchés mondiaux, car l’essentiel de sa production était destiné au marché de l’UE. Par exemple, en 2019, le R-U a exporté 197 000 TM vers l’UE et 68 000 TM vers le reste du monde [104] . Cependant, l’ICS prévoit qu’au cours des 24 prochains mois, les exportations vers le marché de l’UE sont susceptibles de diminuer considérablement et que les exportations vers le marché mondial sont susceptibles d’augmenter considérablement en raison de l’accès supplémentaire au sucre brut prévu dans le CCA et les accords de libre-échange (ALE) [105] .

Les conditions du marché national

[135] Les caractéristiques fondamentales du marché canadien demeurent les mêmes que lors des réexamens relatifs à l’expiration précédents. Le Canada est un marché attrayant pour les exportateurs de sucre, car il s’agit d’un marché développé et sûr, et qui compte des consommateurs fiables dans les segments du marché de la transformation industrielle d’aliments, du commerce de détail et de l’épicerie et des services alimentaires. Le Canada a besoin constamment de plus d’un million de TM par année de sucre raffiné de grande qualité et il s’agit d’un marché ouvert (c.-à-d. qu’il n’est pas protégé par des tarifs douaniers élevés sur les importations en l’absence d’ordonnances ou d’un programme national relatif au sucre) [106] .

[136] La taille du marché canadien du sucre raffiné a augmenté de 4 p. 100 durant la période visée par le réexamen (3 p. 100 de 2018 à 2019, et 1 p. 100 de 2019 à 2020) [107] . La croissance dans le marché du sucre s’explique par plusieurs facteurs, notamment la croissance de la population et l’augmentation de demande industrielle dans les segments du sucre en vrac et liquide, ce qui reflète un meilleur équilibre commercial entre les É-U et le Canada pour les produits contenant du sucre. Même si la pandémie de COVID-19 a réduit la demande relative au sucre utilisé dans la fabrication de produits alimentaires et de boissons, cette réduction a été compensée par une augmentation de la demande dans le secteur du détail du fait que la population a tendance à faire de grosses provisions de nourriture et que la préparation d’aliments à la maison a augmenté [108] .

[137] Selon les données de l’ICS, la production de sucre raffiné du Canada s’est élevée en moyenne à 1,25 million de TM au cours des 20 dernières années (passant de 1,16 à 1,37 million de TM) et la taille du marché a atteint 1,33 million de TM en 2020 [109] . Le marché a augmenté d’environ 163 000 TM (14 p. 100) depuis le réexamen relatif à l’expiration précédent [110] . L’ICS a estimé, d’après les données publiques, que les raffineries de sucre canadiennes sont exploitées à 76 p. 100 de leur capacité [111] .

[138] La majorité du sucre raffiné du Canada continue d’être produit dans les trois raffineries de canne du Canada situées dans des ports importants, ce qui permet les importations de sucre brut aux fins de raffinement à proximité des principaux centres de population et des établissements de transformation d’aliments [112] . La production de sucre de betterave à l’usine de Lantic à Taber, en Alberta, représente en moyenne environ 8 p. 100 de la production totale de sucre raffiné du Canada [113] .

Volumes probables des importations des marchandises en cause

[139] Selon l’alinéa 37.2(2)a) du Règlement, le Tribunal doit examiner le volume probable des marchandises sous-évaluées ou subventionnées advenant l’expiration de l’ordonnance ou de la conclusion et, plus particulièrement, s’il est vraisemblable qu’il y ait une augmentation considérable du volume des importations des marchandises faisant l’objet d’un dumping ou du subventionnement, en termes absolus, ou relativement à la production ou à la consommation des marchandises similaires.

[140] Pour évaluer les volumes probables des importations de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, le Tribunal examine le rendement probable de la branche de production étrangère, la possibilité pour les producteurs étrangers de produire les marchandises dans des installations servant actuellement à la production d’autres marchandises, la preuve de l’imposition de mesures antidumping et/ou compensatoires par d’autres gouvernements et le fait que les mesures prises par d’autres gouvernements causeront vraisemblablement ou non le détournement au Canada des marchandises en cause [114] .

Volumes d’importation pendant la période visée par le réexamen

[141] Le volume des importations de sucre raffiné en provenance des pays visés et des pays non visés dans le marché canadien était minime pendant la période visée par le réexamen [115] .

[142] Le Tribunal conclut que le volume des importations de marchandises en cause est demeuré faible durant la période visée par le réexamen en raison de l’imposition de droits antidumping et compensateurs et que, par conséquent, ce faible volume n’est pas un indicateur fiable du volume de sucre raffiné qui sera importé de l’Union européenne et des États-Unis si les ordonnances sont annulées.

Volumes probables

Les É-U et le R-U

[143] La preuve au dossier indique qu’il y a des stocks importants de sucre excédentaire dans le marché américain [116] . En outre, LMC estime qu’il y a une capacité de raffinage excédentaire de 1,0 à 1,4 million de TMVB (de 935 000 à 1,3 million de TM en valeur raffinée) aux É-U [117] . La capacité excédentaire de raffinage de la canne à sucre aux É-U pourrait à elle seule générer des exportations qui pourraient éclipser l’essentiel du marché canadien et réduirait à néant la capacité de la branche de production nationale de demeurer viable [118] .

[144] Ces excédents incitent fortement les producteurs de sucre américains à exporter et, dans le cadre du PRSR, les raffineurs américains peuvent maximiser l’utilisation de leur capacité en exportant du sucre raffiné vers le marché mondial, dont le Canada.

[145] À l’heure actuelle, les producteurs de sucre américain n’ont pas été en mesure de réduire leur capacité inutilisée en tirant parti du PRSR, notamment en raison des prix relativement bas sur le marché mondial, mais aussi compte tenu du fait qu’il n’y a que peu de débouchés commercialement viables pour les exportations de sucre de grande qualité dans le cadre du programme [119] . Le Tribunal conclut que, si son ordonnance contre le sucre raffiné des É-U était annulée, les raffineurs américains exporteraient probablement vers le Canada pour accroître l’utilisation de leur capacité et vendre leurs stocks.

[146] Le Canada représente un marché particulièrement attrayant pour les exportations américaines de sucre raffiné compte tenu de sa proximité géographique avec d’importantes installations de transformation du sucre, comme Michigan Sugar, qui ont des relations d’achat et d’approvisionnement transfrontalières [120] .

[147] De même, le R-U dispose d’une capacité inutilisée considérable qui incite fortement les exportateurs du R-U à accroître leurs exportations [121] .

[148] En outre, l’approvisionnement du marché national du R-U a été bien équilibré au cours des dernières années, grâce à la combinaison de la production nationale de British Sugar (sucre de betterave) et de Tate & Lyle (sucre raffiné) et des importations en provenance de l’UE [122] . Cependant, comme il est mentionné précédemment, en 2020, le R-U a mis en place le CCA ainsi que des contingents tarifaires en vertu des ALE qui permettent l’importation d’une quantité supplémentaire de 400 000 TM de sucre brut aux fins de raffinage, menaçant ainsi de perturber cet équilibre dans l’approvisionnement [123] . British Sugar s’est opposé à l’introduction de ces contingents, affirmant qu’il n’y a « pas de pénurie de sucre au Royaume-Uni » [traduction] et que le sucre de betterave cultivé en Angleterre suffisait pour approvisionner « les consommateurs au Royaume-Uni et dans le monde » [124] [traduction].

[149] Ces contingents permettent à la raffinerie de sucre, Tate & Lyle, de produire plus de sucre raffiné que par le passé. Cependant, ce sucre doit être vendu sur le marché national, ce qui aura pour effet de déplacer l’approvisionnement existant. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il est probable que le sucre raffiné produit à partir du sucre brut importé dans le cadre du CCA et de l’ALE soit compensé par les exportations supplémentaires de sucre raffiné du R-U vers d’autres marchés. Le Canada en ferait probablement partie, si l’ordonnance était annulée.

[150] Certes, si l’ordonnance devait être annulée, le Canada serait un marché particulièrement attrayant pour les producteurs de sucre du R-U, car il existe déjà des relations d’affaires qui favorisent les exportations. British Sugar, le plus important producteur de sucre raffiné au R-U, entretient des relations d’affaires avec d’importants clients canadiens dans les secteurs de l’industrie et du commerce de détail. En outre, la société mère de British Sugar assure une gestion commune avec le groupe George Weston limitée (Canada) et est liée aux Compagnies Loblaw limitée, d’importants acheteurs canadiens de sucre raffiné [125] .

[151] De plus, M. Todd a expliqué la dynamique de la production du sucre de betterave. Il s’agissait d’un témoin crédible et bien informé. M. Todd a témoigné qu’en raison de la variabilité et de l’imprévisibilité des conditions météorologiques et de la production agricole, il est préférable de planter des betteraves en quantité supérieure pour s’assurer de toujours pouvoir répondre à la demande minimale de base. La plupart du temps, cette pratique donne lieu à un excédent [126] . Le Tribunal retient que des quantités relativement petites de l’excédent général produit par les producteurs des É-U et du R-U auraient des répercussions d’une importance disproportionnée sur la branche de production nationale, et ce, simplement en raison de leur ampleur [127] .

[152] En résumé, il y a suffisamment d’éléments de preuve déterminants au dossier pour convaincre le Tribunal que la production des marchandises en cause au É-U et au R-U se poursuivra à des niveaux élevés, et que les producteurs dans ces régions seront fortement motivés à chercher de nouveaux débouchés sur les marchés qui deviendront accessibles en vue d’absorber les excédents de sucre et les capacités inutilisées. Par ailleurs, le Tribunal conclut que, si les droits antidumping ne sont plus en vigueur au Canada, le Canada deviendra rapidement un marché très attrayant pour les exportations de sucre raffiné en provenance du R-U et des É-U.

[153] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont annulées, il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume absolu et relatif des importations des marchandises en cause en provenance des É-U et du R-U au cours des 24 prochains mois.

L’UE-24

[154] Le Tribunal souligne que la preuve et l’argumentation présentées concernant la production, la consommation, les exportations et l’utilisation de la capacité visaient l’UE dans son ensemble. Le CEFS a élaboré son analyse en fonction de l’UE-27 [128] , alors que celle de l’ICS concernait l’UE et le R-U, plutôt que l’UE-24 [129] . Le Tribunal retient que si les droits compensateurs étaient éliminés de l’UE-24, mais que les droits demeuraient en vigueur pour le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas, la production et les exportations pourraient être transférées vers les pays membres de l’UE-24, car le sucre raffiné est fongible au sein du marché de l’UE. Les producteurs ont des installations de production dans différents États membres de l’UE et le sucre qu’ils produisent peut être négocié entre les États membres individuels de l’UE [130] .

[155] En outre, même si le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas sont d’importants producteurs de sucre au sein de l’UE, la production, les exportations et la capacité inutilisée dans l’UE-24 au cours de la période visée par le réexamen étaient importantes en soi. La production totale de l’UE-24 variait de 61,5 p. 100 à 66 p. 100 de la production totale de l’UE au cours de la période visée par le réexamen [131] . Les exportations en provenance de l’UE-24 représentaient de 73,5 p. 100 à 80 p. 100 des exportations totales de l’UE au cours de la même période. La France, la Belgique et la Pologne étaient les trois principaux exportateurs de sucre raffiné de l’UE en 2020-2021 [132] . Par ailleurs, toute la capacité de raffinage de sucre de canne inutilisée, comme il est mentionné dans la section sur le marché de l’UE, est située dans les pays membres de l’UE-24 [133] . En conséquence, le Tribunal considère que l’analyse et l’argumentation présentées ci-dessous pour l’UE dans son ensemble s’appliquent également à l’UE-24.

[156] Selon l’ICS, des volumes élevés d’importations provenant de l’UE feraient probablement leur entrée sur le marché canadien si les ordonnances étaient annulées. Ce constat est attesté par l’augmentation considérable dans la production et les exportations au cours de l’année commerciale 2017-2018, comparativement à l’année commerciale précédente, même si des contingents et des limites à l’exportation étaient en place. L’ICS a aussi fait valoir, d’une part, que les effets néfastes des conditions météorologiques défavorables et des éclosions de maladies sur les récoltes de betteraves à sucre de l’UE n’ont que temporairement réduit la production de sucre raffiné dans l’UE au cours des années commerciales 2018-2019 et 2019-2020, et, d’autre part, que ces phénomènes ne laissent pas envisager que la production probable au cours des 24 prochains mois.

[157] Selon les prévisions de l’ICS, l’excédent exportable de l’UE devrait augmenter et l’UE devrait redevenir un exportateur net. Par conséquent, les producteurs de sucre de l’UE seront à la recherche de possibilités d’exportation pour le sucre raffiné de grande qualité de l’UE dans le cadre du RPA.

[158] L’une des principales caractéristiques des exportations de sucre de l’UE est qu’elles sont d’une qualité raffinée habituellement exigée par les fabricants internationaux d’aliments et de boissons. L’attrait du sucre de l’UE pour ces clients est renforcé par la capacité des sociétés de raffinage de sucre européennes de satisfaire à une gamme d’exigences relatives à la qualité et au service, notamment la qualité et les emballages personnalisés, l’uniformité garantie de la qualité, des calendriers de livraison fiables, et le fait que le sucre de l’UE est assorti de certificats de qualité et de traçabilité. Pour ces raisons, le sucre de l’UE est un produit attrayant pour les acheteurs internationaux, y compris ceux établis au Canada [134] .

[159] Le CEFS fait valoir qu’il est peu probable que l’UE produise des volumes importants destinés à l’exportation. Il soutient que les prévisions des volumes d’exportation futurs en provenance de l’UE ne devraient pas se fonder sur l’année 2017-2018, car cette année était exceptionnelle et qu’il s’agit manifestement d’une valeur aberrante. L’essentiel du sucre de l’UE est produit pour répondre à la demande nationale et, à l’exception de 2017-2018, il n’y a pas eu d’excédents importants. Qui plus est, selon les témoignages du CEFS, l’UE est un importateur net de sucre raffiné depuis 2018-2019. Par ailleurs, les témoins du CEFS prévoient que la production diminuera et que la consommation sera stable, ce qui indique qu’il n’y aura vraisemblablement pas de sucre excédentaire à exporter au Canada au cours des 24 prochains mois [135] .

[160] Le CEFS a également affirmé que le Canada n’est pas une destination d’exportation probable pour le sucre de l’UE. Selon les témoins du CEFS, l’Amérique du Nord ne fait pas partie des destinations d’exportation traditionnelles de l’UE et, dans l’éventualité où celle-ci aurait un excédent de sucre à exporter, elle se tournerait d’abord vers des marchés plus près sur le plan géographique, car les coûts de transport vers le Canada rendent le marché moins attrayant [136] .

[161] Comme il en est question ci-dessous, le Tribunal estime que si les ordonnances étaient annulées, d’importants volumes d’importations de l’UE-24 feraient leur entrée sur le marché canadien.

[162] Les producteurs de sucre de l’UE misent beaucoup sur les exportations et ils cherchent à maximiser la production et la capacité. Par ailleurs, ils ont constamment exporté d’importants volumes de sucre raffiné pendant la période visée par le réexamen, à la recherche de marchés ouverts, comme Israël, qui présentent des caractéristiques similaires au marché canadien.

[163] Il ressort du dossier que les producteurs de sucre visent à maximiser la production et à maintenir une grande utilisation de la capacité et, ce faisant, les raffineurs sont en mesure de réduire les coûts fixes, d’accroître leur compétitivité, de récupérer leurs investissements et de maintenir leur rentabilité [137] . L’augmentation de l’utilisation de la capacité et de la production au moyen de ventes à l’exportation, notamment en ayant recours au RPA, est avantageuse sur le plan financier pour les raffineurs de sucre de canne et de sucre de betterave [138] . Par conséquent, le Tribunal conclut que les producteurs de sucre de l’UE chercheront vraisemblablement des possibilités d’exportation dans les marchés ouverts pour augmenter l’utilisation de la capacité et le niveau de production.

[164] Comme il est mentionné précédemment, le CEFS a fait valoir que les prévisions de l’UE et de LMC quant à la production étaient surestimées et qu’il y aurait peu de sucre raffiné pouvant être exporté à court et à moyen terme. Le Tribunal souligne que, malgré les conditions météorologiques difficiles et les déficits de production, la preuve démontre que l’UE a continué d’exporter au moins un million de TMVSB par campagne agricole.

[165] La volonté des producteurs de sucre de l’UE-24 de se tourner vers l’exportation est illustrée par le fait qu’ils ciblent le marché israélien en appliquant des prix réduits. Les exportations des principaux producteurs de l’UE-24 (notamment la Belgique, la France et la Pologne) vers Israël ont presque doublé de 2016-2017 à 2017-2018 et ces derniers se sont approprié une part de marché [139] . Les exportations vers Israël sont aussi demeurées comparativement élevées en 2018-2019, mais ont diminué en 2019-2020 compte tenu de la production réduite de l’UE-24 en raison des conditions météorologiques défavorables et du virus de la jaunisse de la betterave [140] .

[166] Il y a relativement peu de marchés qui sont ouverts aux importations de sucre de grande qualité et ils sont ciblés rapidement, lorsque l’occasion se présente, comme dans le cas d’Israël. Dans l’éventualité où l’ordonnance serait annulée, le Canada deviendrait lui aussi un marché ouvert aux importations.

[167] D’après le témoignage de M. Todd, le marché canadien est une destination attrayante pour l’exportation du sucre européen [141] . Il partage aussi un grand nombre de caractéristiques avec le marché israélien, en ce sens qu’il s’agit d’un marché développé et sûr, que les consommateurs sont fiables, qu’il exige constamment plus d’un million de TM de sucre raffiné de grande qualité annuellement et qu’il serait ouvert (c.-à-d. non protégé par des taux élevés de droits à l’importation ou un programme national relatif au sucre) si l’ordonnance était annulée [142] .

[168] Après avoir examiné la preuve au dossier, le Tribunal conclut qu’il est probable que les producteurs de l’UE-24 ciblent le marché canadien si les ordonnances sont annulées, comme ils l’ont fait avec le marché israélien et d’autres marchés d’exportation clés.

[169] Comme il est mentionné précédemment, les témoins du CEFS ont affirmé que les questions liées à la logistique et aux dépenses en matière de transport sont le plus grand obstacle pour les exportations de l’UE vers le Canada [143] . Toutefois, il existe des éléments de preuve selon lesquels les questions logistiques pourraient être réglées, notamment en ce qui concerne les circuits de distribution pour l’exportation d’autres marchandises en provenance de l’UE (dont le sucre exclu des ordonnances) vers le Canada [144] .

[170] Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que les importations de sucre raffiné provenant de l’UE-24 augmenteront vraisemblablement de manière importante si les ordonnances sont annulées. Bien que les volumes puissent sembler faibles relativement à l’ensemble de la production de l’UE et à l’ampleur de ses excédents, ces volumes sont importants relativement à la production et à la taille du marché au Canada; en fait, des éléments de preuve indiquent que de tels volumes suffiraient à faire chavirer la branche de production nationale [145] .

[171] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont annulées, il y aura vraisemblablement une augmentation importante dans le volume absolu et relatif des importations des marchandises en cause en provenance de l’UE au cours des 24 prochains mois.

Le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas

[172] L’ICS a fait valoir que l’annulation des ordonnances relativement aux importations en provenance du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas ne permettrait pas d’éviter qu’un dommage soit causé à la branche de production nationale. Même si les ordonnances sont prorogées en ce qui concerne les autres États membres de l’UE, le volume probable des exportations originaires du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas, et l’approvisionnement en sucre raffiné exporté à partir de ces marchés seront remplacés par le sucre raffiné en provenance d’autres États membres de l’UE.

[173] Comme il est mentionné précédemment, la preuve au dossier révèle que les producteurs de l’UE exploitent des installations de production au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas ainsi que dans d’autres États membres de l’UE [146] . Le Tribunal conclut qu’il est vraisemblable que la production ou les exportations seraient transférées vers le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas si les droits antidumping et compensateurs à l’égard de ces trois pays sont annulés.

[174] En outre, la production de sucre raffiné au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas et les exportations en provenance de ces pays sont importantes en soi. L’Allemagne et les Pays-Bas figurent parmi les cinq plus importants producteurs de l’UE. La production totale au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas s’élevait à 6 878 703 de TMVSB en 2017-2018, à 5 675 997 de TMVSB en 2018-2019, et à 5 785 259 de TMVSB en 2019-2020. On prévoyait que la production s’élèverait à 5 728 353 de TMVSB en 2020-2021 [147] .

[175] L’Allemagne et le Danemark faisaient partie des cinq principaux exportateurs de l’UE en 2020-2021, représentant 11 p. 100 et 8 p. 100 des exportations de l’UE, soit 46 000 TM et 35 000 TM, respectivement [148] . Ensemble, le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas ont exporté 686 352 TM en 2017-2018, 313 396 en 2018-2019 et 204 241 TM en 2019-2020 [149] .

[176] De plus, étant donné que les producteurs de sucre européens cherchent à se positionner sur la scène mondiale, comme le démontrent les déclarations publiques de Cosun et de Südzucker, il est raisonnable de s’attendre à ce que la production excédentaire de l’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas aboutisse vraisemblablement dans des marchés à fort potentiel, comme le Canada [150] .

[177] Bien que MM. Mesters (Cosun) et Neundörfer (Südzucker) aient témoigné que leurs sociétés ne souhaitaient pas exporter vers le marché canadien [151] , cette affirmation est contredite par la preuve démontrant que ces deux producteurs cherchent à obtenir une plus grande part des marchés d’exportation. Dans son communiqué de presse portant sur le transfert de propriété de Limako (une société commerciale), Cosun a indiqué ce qui suit : « Nous voulons être libres de suivre notre propre voie sur le marché mondial conformément à notre stratégie et à notre vision [...] » [152] [traduction]. Dans la même veine, Südzucker a signalé à ses actionnaires qu’une partie de son orientation stratégique pour la division du sucre serait « d’exploiter les possibilités d’exportation » [153] [traduction]. De plus, ce témoignage a été contredit par le témoignage d’expert de M. Todd [154] , qui, comme il est mentionné précédemment, a été présenté en reconnaissant l’obligation selon laquelle un témoignage d’expert devant le Tribunal doit être impartial. Par conséquent, le Tribunal accorde un plus grand poids à la preuve écrite et au témoignage de M. Todd sur ce point.

[178] Ainsi, le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont annulées, il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume en quantité absolue des importations des marchandises en cause en provenance du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas au cours des 18 à 24 prochains mois.

Effet probable des marchandises en cause sur les prix

[179] Le Tribunal doit déterminer si, advenant l’expiration des ordonnances, le dumping et le subventionnement des marchandises mèneront vraisemblablement soit à la sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires, soit à la diminution ou à la compression du prix de ces marchandises, en empêchant les augmentations de prix qui se seraient vraisemblablement produites par ailleurs [155] . À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre les effets des marchandises sous‐évaluées et subventionnées sur les prix et tout autre effet qui pourrait vraisemblablement se produire en raison d’autres facteurs ayant un impact sur les prix.

[180] L’ICS a présenté des éléments de preuve selon lesquels les prix à l’exportation dépendent du seuil financier minimal pour un rendement sur les ventes à l’exportation au Canada, et que les exportateurs favoriseront les ventes tant et aussi longtemps que le rendement respecte ou dépasse ce seuil, entraînant une baisse des prix jusqu’aux seuils financiers les plus bas [156] .

[181] La preuve révèle que, pour les raffineurs de sucre de canne, les ventes à l’exportation sont avantageuses sur le plan financier, dans la mesure où elles couvrent les coûts variables marginaux, comme le coût du sucre de canne brut, de l’énergie et des matériaux de raffinage, et elles représentent une part minimale des coûts fixes [157] . Pour les raffineurs de sucre de betterave, il est logique, sur le plan financier, de réaliser des ventes dans les marchés d’exportation à des prix qui couvrent les coûts de la matière première et des coûts de transformation marginaux, mais rien de plus. Le sucre de betterave peut même être exporté en deçà du coût de production marginal pour accroître la production des usines, éviter les coûts d’entreposage et avoir des inventaires à un niveau près de zéro lorsqu’une nouvelle culture est récoltée et transformée [158] .

[182] Le sucre raffiné de grande qualité, qu’il soit produit à partir de la canne à sucre ou de la betterave à sucre, est un produit fongible hautement durable, pour lequel le prix est le principal facteur concurrentiel [159] . En conséquence, les effets sur le prix du sucre raffiné à faible prix commencent à se faire sentir dès que les prix s’implantent sur le marché canadien. Dans son témoignage, M. Walton a décrit les effets en cascade des exportations à faible prix qui entrent sur le marché canadien, c’est-à-dire que, lorsque des offres à bas prix entrent sur le marché, les acheteurs utilisent ces offres comme levier pour exercer des pressions sur les prix dans le cadre des négociations [160] .

Prix à l’importation pendant la période visée par le réexamen

[183] Pendant la période visée par le réexamen, les importations de sucre raffiné en provenance des pays visés ou des pays non visés ont été minimes. Les prix des marchandises en cause sur le marché national pendant la période visée par le réexamen ne permettent pas de bien évaluer quels seront les prix sans le maintien des ordonnances, car la nature de ces importations n’est probablement pas représentative du type de produits qui seraient expédiés au Canada si les ordonnances étaient annulées. Le fait que le prix des marchandises en cause importées pendant la période visée par le réexamen était beaucoup plus élevé que celui des marchandises similaires permet de croire qu’il s’agissait de produits de sucre spécialisés [161] .

[184] Même si les prix des importations non visées (qu’elles soient importées par des importateurs ou les producteurs nationaux) étaient les plus bas parmi ceux des importations, ils étaient tout de même plus élevés que les prix des ventes de la branche de production nationale pendant la période visée par le réexamen, ce qui pourrait une fois de plus être attribuable au mélange de produits [162] .

Prix probables

Sous-cotation des prix

− Les É-U et le R-U

[185] Dans leurs déclarations du témoin, M. Couillard, de Lantic, et M. Fabicki, de Redpath, ont présenté des estimations concernant les prix à l’importation probables aux É-U et la mesure dans laquelle ils pourraient mener à une sous-cotation des prix et des marges de raffinage des producteurs nationaux [163] .

[186] En ce qui concerne les prix aux É-U, si les ordonnances étaient annulées, M. Couillard a affirmé que le prix du sucre de betterave excédentaire sera le prix offert le plus bas, suivi par celui du sucre raffiné et du sucre de betterave qui est exporté au moyen du PRSR des É‐U [164] .

[187] Les estimations de M. Couillard partaient de l’hypothèse selon laquelle le sucre de betterave avait été exporté dans le cadre du PRSR (contrairement aux excédents) et que le prix était fixé de la même façon que pour le sucre de canne raffiné. De plus, il supposait qu’il n’y avait aucune économie ou aucun autre bénéfice découlant de la négociation des crédits de réexportation pour le sucre de betterave et le sucre de canne, ce qui donnerait lieu à des prix plus bas [165] .

[188] Les marges nettes des É-U dans les estimations présentées par les témoins de Lantic et de Redpath étaient fondées sur les coûts connus ou dérivés pour le raffinage du sucre de chacun des producteurs nationaux, respectivement, ainsi que des renseignements sur le marché [166] .

[189] Au moyen de cette méthode, M. Couillard a estimé les valeurs rendues du sucre de betterave et du sucre de canne américain, qui menaient à une sous-cotation des prix et des marges de raffinage net de Lantic [167] . M. Fabicki, de Redpath, a également estimé, au moyen d’une méthode similaire, que les marges nettes américaines mèneraient à une sous-cotation marquée des marges nettes de Redpath [168] .

[190] Selon le Tribunal, il s’agit d’une méthode acceptable pour estimer les prix probables du sucre de betterave et du sucre de canne américain en question. Par conséquent, le Tribunal conclut que les prix des marchandises en cause des É-U mèneront vraisemblablement à une sous-cotation marquée du prix des marchandises similaires si les ordonnances sont annulées.

[191] En ce qui concerne le R-U, M. Couillard a affirmé que la méthode utilisée pour l’estimation des prix probables de l’UE (présentée ci-dessous) convient pour estimer les prix probables du R-U, car ce dernier fait partie d’un marché intégré pour le sucre et qu’il négociera sur le marché mondial au prix du contrat no 5 plus la prime en espèces pour l’UE [169] . En conséquence, les deux témoins ont présenté des estimations fondées sur les prix du contrat no 5 plus la prime en espèces pour l’UE comme donnée de référence, puis ils ont apporté des ajustements pour tenir compte des réductions observées dans le marché israélien ainsi que des surcotes du sucre blanc et de la prime en espèces [170] . Le Tribunal conclut qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que les exportations du R-U à l’avenir continuent de suivre le prix du contrat no 5. Par conséquent, le Tribunal juge que les prix probables du R-U suivront ceux observés dans l’estimation ci-dessous.

[192] Selon ces scénarios, M. Couillard affirme qu’il y aurait une sous-cotation des prix et des marges nettes de Lantic [171] . M. Fabicki a procédé aux mêmes analyses en utilisant les prix de Redpath et ces analyses montrent également une sous-cotation des prix et des marges de Redpath [172] . Le Tribunal retient cette preuve non contredite.

[193] Par conséquent, le Tribunal conclut que les prix des importations du R-U et des É-U mèneront vraisemblablement à une sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires si les ordonnances sont annulées.

− L’UE-24

[194] M. Couillard a estimé les prix et marges nettes vraisemblables pour les importations de sucre raffiné de l’UE au moyen du prix du contrat no 5 plus la prime en espèces pour l’UE prévue par le rapport de LMC pour la campagne agricole 2022-2023, moment auquel il prévoit que la production de l’UE devrait revenir à ses niveaux normaux [173] . Selon ce scénario, M. Couillard a affirmé qu’il y aurait une sous-cotation des prix et des marges nettes de Lantic [174] . M. Fabicki a procédé aux mêmes analyses en utilisant les prix de Redpath et ces analyses montrent également une sous-cotation des prix et des marges de Redpath [175] .

[195] M. Couillard a présenté une deuxième estimation, qui reposait sur une réduction de 12 p. 100 du prix du contrat no 5, fondée sur la tendance des prix de l’UE sur le marché israélien [176] . Selon cette estimation, le niveau de sous-cotation des prix et des marges nettes de Lantic était plus élevé [177] . M. Fabicki a procédé aux mêmes analyses en utilisant les prix de Redpath et ces analyses montrent également une sous-cotation des prix et des marges de Redpath [178] .

[196] Enfin, M. Couillard a présenté une estimation dans laquelle il a utilisé la remise de 12 p. 100 du prix du contrat no 5, comme il est mentionné précédemment, mais il a ajusté la surcote du sucre blanc à 90 $ et a appliqué une surcote en espèces de 40 $ [179] . Cet exercice a également donné lieu à une sous-cotation importante des prix et des marges nettes de Lantic [180] . Une fois de plus, l’analyse de M. Fabicki a donné lieu à une sous-cotation similaire des prix et des marges [181] .

[197] Les témoins du CEFS et la délégation de l’UE ont affirmé que les prix à l’exportation de l’UE ont généralement été supérieurs au prix à l’exportation du contrat no 5 et que les mouvements des prix ont suivi le prix du contrat no 5 [182] . En outre, le CEFS a fait valoir que les exportations en provenance de l’UE ne se produisent qu’à des prix élevés compte tenu des tendances mondiales actuelles en matière d’établissement des prix. Les témoins du CEFS ont mentionné que les prix à l’exportation sont supérieurs aux prix nationaux de l’UE, ce qui, selon eux, indique que les exportations ne sont pas faites à des prix sous-évalués [183] .

[198] En réponse, l’ICS a fait valoir qu’il existe une preuve considérable au dossier selon laquelle les exportateurs de l’UE vendent leurs marchandises en deçà des prix nationaux, qui étaient déjà non rentables, pour obtenir une part de marché à l’étranger, comme en Égypte [184] . L’ICS affirme que le recours du CEFS et de la délégation de l’UE aux prix moyens n’est pas représentatif, car les exportations à prix plus élevés vers des marchés comme la Suisse et la Norvège peuvent masquer les exportations à plus bas prix vers d’autres marchés.

[199] Après avoir examiné l’argumentation et la preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que les exportateurs de l’UE-24 exporteront vraisemblablement au Canada à bas prix si les ordonnances sont annulées. Même si les estimations de M. Couillard et de M. Fabicki concernaient l’UE dans son ensemble, le Tribunal n’a aucune raison de croire que les prix à l’exportation de l’UE-24 ne soient pas établis de la même façon. Par conséquent, le Tribunal reconnaît que ces estimations sont raisonnables.

[200] En outre, la preuve démontre que, par le passé, les producteurs de l’UE ont tiré des profits de leurs ventes sur le marché national tout en exportant à bas prix, lesquels ne couvrent que les coûts variables et une petite partie des coûts fixes, en vue d’obtenir une part des marchés d’exportation [185] .

[201] L’élimination de la réglementation des prix dans l’UE en 2017 a donné lieu à une vive concurrence des prix dans l’UE. Pour obtenir une part de marché, les producteurs de l’UE ont vendu du sucre dans certaines régions de l’Europe à prix très bas, ce qui a fait en sorte que « l’industrie [a subi des pertes] phénoménales – des milliards d’euros dans une lutte pour une part de marché » [186] [traduction]. Dans ses rapports annuels de 2020-2021, Südzucker a qualifié la concurrence continue dans l’UE d’« établissement de prix abusifs » [187] [traduction]. Parallèlement, les producteurs de sucre de l’UE ont continué de vendre à bas prix dans les marchés d’exportation [188] .

[202] Lorsque les contingents concernant la betterave à sucre, la réglementation sur le prix minimum et les limites à l’exportation ont pris fin en 2017, les producteurs européens ont pu mieux utiliser les capacités existantes en vue d’augmenter la production et de disposer de l’excédent dans les marchés d’exportation à bas prix. Cette stratégie est illustrée par l’approche adoptée par les producteurs de l’UE sur le marché israélien.

[203] Les principaux producteurs européens, dont Südzucker, Tereos et Nordzucker, se sont fait concurrence pour obtenir des contrats d’approvisionnement à long terme dans le marché israélien en proposant des prix inférieurs à ceux du contrat no 5 et aux primes en espèces [189] . La preuve démontre que même avant l’élimination des contingents de production en 2017, les producteurs de sucre de betterave de l’UE ont vigoureusement sollicité les acheteurs dans le marché israélien en offrant des prix réduits et ont cherché à conclure des ententes d’approvisionnement à long terme [190] .

[204] Selon les témoins de l’ICS, cette concurrence vigoureuse en matière d’exportation a entraîné la fermeture de la seule raffinerie de sucre de canne israélienne, Sugat Industries Ltd. [191] Le témoin du CEFS, M. Loomans, a présenté un témoignage contradictoire concernant la cause de la fermeture de la raffinerie de Sugat. Il a affirmé ne pas avoir observé que les producteurs de l’UE vendaient à prix réduit sur le marché israélien [192] . Après avoir apprécié la preuve, le Tribunal conclut que le témoignage des témoins de l’ICS était plus probant. Tout bien considéré, il ressort de la preuve que des producteurs de l’UE ont exporté du sucre raffiné à prix réduit pour s’approprier une part de marché.

[205] En outre, le Tribunal considère que, si les ordonnances sont annulées, il est probable que les fournisseurs de l’UE adopteront une stratégie d’établissement des prix similaire sur le marché canadien. Comme il est mentionné précédemment, l’industrie est fortement incitée à augmenter les volumes d’exportation vers des marchés attrayants comme le Canada, compte tenu des incitatifs structurels leur permettant de maximiser la production et l’utilisation de la capacité. Si les ordonnances sont annulées, les fournisseurs de l’UE qui cherchent à augmenter leurs exportations au Canada devront probablement faire concurrence non seulement aux raffineurs canadiens, mais aussi aux fournisseurs américains et britanniques, et se faire concurrence entre eux. Compte tenu de la preuve, le Tribunal estime qu’il est raisonnable de croire que les exportateurs se livreront probablement une concurrence fondée sur le prix [193] .

[206] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les prix de l’UE-24 mèneront vraisemblablement à une sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires si les ordonnances sont annulées.

− Le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas

[207] L’ICS a fait valoir que la même analyse décrite ci-dessus pour l’UE-24 s’applique également au Danemark, à l’Allemagne et aux Pays-Bas. Étant donné que le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas sont intégrés au marché de l’UE et que les producteurs de ces pays possèdent des installations de production à travers l’UE, leurs prix devraient être établis de façon semblable. Le Tribunal retient que les prix à l’exportation pour le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas suivraient la même tendance que les prix de l’UE-24 si les ordonnances étaient annulées.

[208] Le CEFS fait valoir que, selon les prix moyens à l’exportation du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas, les prix à l’exportation en 2019 et en 2020 sont supérieurs aux prix moyens nationaux en vigueur.

[209] Une fois de plus, le Tribunal conclut que des éléments de preuve convaincants démontrent que les exportateurs au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas adopteront une stratégie vigoureuse en matière d’établissement des prix afin de tirer parti des nouvelles possibilités dans le marché canadien si les ordonnances sont annulées.

[210] Par conséquent, le Tribunal conclut que les prix des importations de sucre raffiné provenant du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas mèneront à une sous-cotation marquée des prix des marchandises similaires si les ordonnances sont annulées.

Baisse des prix

[211] La preuve indique que, si les ordonnances sont annulées, des effets de prix hautement dommageables se feront vraisemblablement ressentir presque immédiatement sur la branche de production nationale. Les témoins de la branche de production nationale ont attesté que, pour pouvoir concurrencer les marchandises en cause, la branche de production nationale serait obligée de réduire ses prix pour ne pas perdre des contrats importants [194] .

[212] Par conséquent, le Tribunal conclut que, compte tenu de la sensibilité au prix du marché du sucre canadien et de la probabilité d’une sous-cotation marquée des prix par les marchandises en cause provenant de tous les groupes de pays pertinents mentionnés précédemment, l’annulation de l’ordonnance entraînera une baisse des prix considérable.

Conclusion

[213] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les prix des marchandises en cause mèneront à une sous-cotation marquée et à une baisse considérable des prix des marchandises similaires si les ordonnances sont annulées.

Incidence probable des marchandises en cause sur la branche de production nationale

[214] Le Tribunal évaluera maintenant l’incidence probable des volumes et prix susmentionnés sur la branche de production nationale si les ordonnances sont annulées [195] , en tenant compte du rendement probable de la branche de production nationale si les ordonnances sont prorogées. Dans son analyse, le Tribunal établit une distinction entre l’incidence probable des marchandises en cause et celle de tout autre facteur nuisant ou susceptible de nuire à la branche de production nationale [196] .

Rendement récent

Production, ventes et exportations

[215] Selon les données présentées dans le rapport d’enquête, la production nationale et les ventes nationales de la production nationale ont augmenté au cours de la période visée par le réexamen, année après année [197] . Si les droits sont prorogés, le Tribunal s’attend à ce que la production demeure stable à court et à moyen terme.

[216] Le contexte actuel dans les principaux marchés d’exportation, à savoir les É-U et l’UE, n’est pas favorable aux producteurs canadiens. La politique de protection de l’industrie du sucre américaine du gouvernement américain prévoit un plafond pour les importations à destination des É‐U, dont les importations en provenance du Canada [198] . Bien que les exportations du Canada aient augmenté en 2020, la preuve révèle que ce mouvement était attribuable à des circonstances temporaires causées par une quantité extrêmement limitée de betteraves à sucre dans le sillage d’événements météorologiques extrêmes aux É-U et au Mexique qui avaient radicalement réduit la production des cultures [199] .

[217] En outre, la capacité des producteurs nationaux de réaliser des exportations vers l’UE est limitée en raison des tarifs élevés en vigueur pour le sucre raffiné non originaire, notamment tout le sucre raffiné à partir de la canne à sucre ou du sucre brut. Bien que le sucre de betterave canadien originaire pourrait bénéficier d’un accès en franchise de droits et de contingents en vertu de l’Accord économique et commercial global, le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel la préférence des consommateurs dans l’UE relativement à des aliments sans OGM (organisme génétiquement modifié) empêche l’importation du sucre de betterave canadien en pratique, puisque les betteraves à sucre canadiennes sont cultivées à partir de semences génétiquement modifiées [200] .

[218] Le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont prorogées, la branche de production nationale connaîtra une production, des ventes et des exportations stables, et pourrait observer des augmentations mineures si les répercussions de la pandémie de COVID-19 se résorbent.

Part de marché

[219] Pendant la période visée par le réexamen, la branche de production nationale détenait une part importante du marché national [201] . Les importations au cours de cette période, en provenance de pays visés ou non, représentaient une petite proportion du marché canadien [202] .

[220] Le Tribunal ne s’attend pas à ce que les importations en provenance de pays visés ou non augmenteront considérablement à court et à moyen terme, ou à ce que la part de marché de la branche de production nationale changera considérablement si les ordonnances sont prorogées.

Rentabilité

[221] Dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration précédent, le Tribunal a reconnu que la principale mesure du rendement de la branche de production nationale est la marge de raffinage nette. Pendant la période visée par le réexamen, on a observé une augmentation générale de la marge de raffinage nette à la suite d’une baisse initiale en 2019 [203] . On a observé une tendance similaire en ce qui a trait à la marge brute, ainsi que des baisses du revenu net avant impôts pour la branche de production nationale en 2019 et en 2020 [204] .

[222] Le Tribunal est d’avis que la rentabilité de la branche de production demeurerait relativement stable à court et à moyen terme si les ordonnances sont prorogées.

Utilisation de la capacité

[223] Comme il est mentionné précédemment, l’ICS a estimé que le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale s’élève à 76 p. 100. Les données dans le rapport d’enquête du Tribunal indiquent que le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale a augmenté dans son ensemble pendant la période visée par le réexamen [205] . Depuis 2015, Lantic a procédé à d’importants investissements dans des projets d’immobilisations, assurant ainsi que ses installations sont hautement productives et concurrentielles sur le plan des coûts [206] .

[224] Le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont prorogées, le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale demeurera vraisemblablement aux niveaux actuels.

Emploi

[225] L’emploi et les traitements ont augmenté de manière constante pendant la période visée par le réexamen [207] . Le Tribunal conclut qu’il est peu probable qu’il y ait un changement important dans les niveaux d’emploi de l’industrie dans un avenir rapproché si les ordonnances sont prorogées.

Conclusion

[226] Pendant la période visée par le réexamen, la branche de production nationale a maintenu son niveau de production, a accru sa part de marché déjà importante et son rendement financier était stable. Le Tribunal conclut que, si les ordonnances sont prorogées, le rendement de la branche de production nationale à court et à moyen terme serait vraisemblablement stable de façon générale, avec une croissance modeste de la rentabilité, ce qui pourrait être attribuable à un investissement en capital pour apporter des améliorations à la capacité de production.

Incidence probable sur la branche de production nationale advenant l’annulation des ordonnances

[227] Selon l’ICS, même si elle est stable à l’heure actuelle, la branche de production nationale demeure néanmoins vulnérable et elle sera donc fortement exposée à un risque de dommage causé par les marchandises en cause si les ordonnances sont annulées. En effet, l’ICS fait valoir que c’est la survie même des producteurs nationaux qui sera en jeu si les ordonnances sont annulées. M. Ryan a déclaré que « [...] les droits établis à la suite d’une décision d’un Tribunal représentent le facteur déterminant le plus important de la viabilité de Redpath en tant qu’entreprise » [208] [traduction]. M. Holliday, de Lantic, a affirmé que si les ordonnances étaient annulées, individuellement ou collectivement, « [...] notre entreprise ne survivrait pas dans sa forme actuelle » [209] [traduction].

[228] Le sucre est un produit de base, et ses ventes dépendent largement du prix. Ainsi, le Tribunal estime que les effets de l’annulation des ordonnances sur la branche de production nationale se feront sentir rapidement. Le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel les acheteurs sur le marché canadien, surtout ceux qui font partie de grands conglomérats ayant des réseaux établis aux É-U, au R-U ou dans l’UE, n’hésiteront pas à s’approvisionner auprès de ces sources si les droits antidumping et compensateurs sont levés [210] .

[229] Une proportion importante des volumes des ventes de la branche de production nationale est liée au marché industriel. Les ventes réalisées dans ce segment rapportent généralement moins la tonne métrique que pour les ventes réalisées dans le segment de la revente, mais elles interviennent pour beaucoup dans le volume des ventes totales et contribuent largement aux marges dégagées par la branche de production nationale. Les clients industriels sont généralement avertis et connaissent bien les rabais offerts sur le marché, y compris ceux accordés par les importateurs. Ce constat est étayé par le témoignage de Mme Trussell qui déclare que « [...] nos clients canadiens savent comment s’y prendre pour importer. Je n’ai aucun doute que, si du sucre de haute qualité était offert sur le marché à prix réduit par rapport aux marges canadiennes, les clients agiraient immédiatement » [211] [traduction].

[230] Les ventes de sucre raffiné réalisées par la branche de production nationale dans le segment de la revente sont généralement plus rentables, si l’on se fonde sur les marges nettes de la branche de production nationale. Cependant, les acheteurs de ce segment de marché font souvent partie d’une chaîne d’approvisionnement mondiale intégrée verticalement et profiteront grandement de l’annulation des ordonnances. Il ressort de la preuve que ces clients exercent une grande influence et que certains d’entre eux, à tout le moins, seraient disposés soit à tirer parti des offres à bas prix liées aux importations en cause dans le cadre de négociations avec les producteurs nationaux, soit à mettre un terme aux relations existantes entre eux et la branche de production nationale au profit de prix plus bas pour le sucre raffiné [212] . Par conséquent, les témoins de la branche de production nationale ont attesté qu’ils n’auraient d’autres choix que de réduire leurs marges pour tenter de maintenir les ventes et la production si les ordonnances sont annulées [213] .

Les É-U et le R-U

[231] M. Couillard, de Lantic, et M. Fabicki, de Redpath, ont utilisé les estimations des prix probables des importations américaines décrites précédemment pour estimer les effets de la reprise des importations des marchandises sous-évaluées sur le rendement respectif de leurs sociétés. Plus particulièrement, M. Couillard et M. Fabicki ont fourni des estimations concernant les volumes des ventes perdues et les réductions des marges nettes qui découleraient de la concurrence avec les importations américaines aux prix calculés ci-dessus, puis ils ont appliqué ces pertes à leurs résultats financiers de 2020 afin d’estimer les effets sur la rentabilité [214] .

[232] Bien que ces estimations ne comprenaient pas les effets des prix des importations du R-U, le Tribunal a procédé à sa propre évaluation et a déterminé que l’inclusion des prix des importations en provenance du R-U ne ferait qu’exacerber les effets estimés par Redpath et Lantic.

[233] Le Tribunal conclut que les estimations des ventes perdues par les deux producteurs nationaux sont crédibles et, fort probablement, conservatrices. En outre, étant donné que l’industrie du sucre est une industrie à forte intensité de capital, le Tribunal conclut que toutes les pertes dans les volumes des ventes auraient des effets négatifs importants sur les coûts de fabrication par tonne métrique pour les producteurs nationaux ainsi que sur leur rentabilité [215] .

[234] Plus particulièrement, si les ordonnances concernant le dumping sont annulées, la branche de production nationale devra livrer concurrence aux marchandises en cause provenant des É-U et du R‐U et elle sera obligée de réduire ses marges de raffinage pour maintenir ses ventes et sa part de marché. Cependant, même si la branche de production nationale réduit ses marges de raffinage, il est très probable que les producteurs des marchandises en cause accapareront une certaine part du volume des ventes que réaliserait autrement la branche de production nationale.

[235] Il convient de souligner que les estimations des prix pour les importations provenant des É-U étaient fondées sur les coûts de transport les plus élevés possible, c’est-à-dire que les marchandises seraient expédiées à partir des États du Sud plutôt que du Michigan. Si le sucre raffiné des É-U était expédié du Michigan, ce qui pourrait se produire à la suite d’une permutation entre les raffineurs du Nord et du Sud, il serait raisonnable de s’attendre à ce que les prix soient considérablement moins élevés, ce qui aurait des effets encore plus grands sur les marges de raffinage nettes, les volumes des ventes et, en fin de compte, la rentabilité des producteurs nationaux [216] .

[236] Le Tribunal est d’avis que ces calculs étaient raisonnables, voire conservateurs, et qu’ils offraient une indication fiable que Lantic et Redpath subiraient des effets négatifs importants relativement à leurs marges de raffinage nettes, à la réduction des volumes des ventes ainsi qu’à des réductions importantes de leur rentabilité si elles étaient confrontées à la concurrence des marchandises en cause provenant des É-U.

[237] Redpath et Lantic font valoir que de telles réductions dans les marges de raffinage nettes et les volumes auraient des effets importants sur les flux de trésorerie et le rendement sur les capitaux investis. L’ICS a également fait valoir que d’autres indicateurs seraient également touchés négativement, notamment pour ce qui est de la production, de la capacité d’utilisation, de la capacité de mobiliser des capitaux, de la part de marché, de la productivité et de la croissance.

[238] Selon Lantic et l’ASBG, l’annulation des droits, à l’encontre des É-U en particulier, pourrait avoir un effet dévastateur sur les cultivateurs de betteraves à sucre ainsi que sur l’usine de transformation de la betterave à sucre de Lantic à Taber, en Alberta.

[239] Le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel le sucre de betterave produit dans l’État du Montana à lui seul pourrait remplacer toute la production de l’usine de Taber [217] . De plus, la capacité excédentaire dans d’autres États frontaliers (p. ex. le Michigan) est également démesurément élevée comparativement au marché canadien et au marché national américain protégé [218] .

[240] Ainsi, pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que la reprise du dumping des marchandises en cause provenant des É-U et du R-U causerait vraisemblablement en soi un dommage sensible à la branche de production nationale, si les ordonnances étaient annulées.

[241] Bien qu’il ne soit pas question de l’emploi dans la branche de production nationale et, par conséquent, qu’il ne s’agisse pas d’un facteur pris en considération pour déterminer s’il convient d’annuler les ordonnances, selon la preuve présentée par l’ASBG, 793 emplois directs étaient liés à la culture de la betterave à sucre (35 emplois à temps plein, 458 emplois temporaires) et 2 150 emplois indirects étaient liés à l’industrie de la betterave à sucre en Alberta [219] .

L’UE-24

[242] Redpath et Lantic ont présenté des estimations similaires à celles présentées ci-dessus pour les É-U afin d’estimer les effets que la reprise des importations en provenance de l’UE aurait sur les volumes des ventes et les marges nettes, en se fondant sur l’estimation des prix à l’importation probables mentionnée précédemment dans les présents motifs [220] .

[243] Le Tribunal conclut que les hypothèses formulées dans la préparation de ces estimations sont raisonnables. D’après ces estimations et l’analyse interne du Tribunal, le Tribunal conclut que la branche de production nationale enregistrerait des marges de raffinage nettes inférieures, des volumes des ventes réduits ainsi que des réductions importantes de la rentabilité si l’ordonnance à l’encontre de l’UE-24 était annulée. Le Tribunal retient également la preuve selon laquelle cette situation aurait des effets négatifs sur le flux de trésorerie et le rendement sur les capitaux investis.

[244] En conséquence, le Tribunal conclut que la reprise du subventionnement des marchandises en cause provenant de l’UE-24 causera vraisemblablement en soi un dommage sensible à la branche de production nationale si l’ordonnance était annulée.

Le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas

[245] L’ICS a fait valoir que la même analyse que celle exposée précédemment concernant l’UE‐24 s’applique aux pays qui sont assujettis à l’ordonnance concernant le dumping et le subventionnement, car l’UE exploite un marché intégré pour le sucre. Cependant, les témoins de Lantic et de Redpath ont affirmé que l’annulation des droits à l’encontre du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas aurait également en soi des effets graves sur le rendement des producteurs nationaux [221] .

[246] Le Tribunal a procédé à sa propre analyse des effets de l’élimination des droits antidumping et compensatoires à l’égard des marchandises en cause provenant du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas [222] . D’après cette analyse, le Tribunal estime que l’annulation de l’ordonnance à l’encontre du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas aurait des effets négatifs importants sur les volumes des ventes, les marges de raffinage net et la rentabilité de la branche de production nationale.

[247] Le Tribunal conclut que la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en cause provenant du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas causerait vraisemblablement en soi un dommage sensible à la branche de production nationale si l’ordonnance est annulée.

CONCLUSION

[248] À la lumière de l’analyse qui précède, et aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal proroge son ordonnance concernant le dumping des marchandises en cause originaires ou exportées du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de l’Union européenne.

[249] Aux termes du paragraphe 76.04(1) de la LMSI, le Tribunal proroge également son ordonnance concernant le dumping des marchandises en cause originaires ou exportées des États‐Unis.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre

 



[1] Sucre raffiné (30 octobre 2015), RR-2014-006 (TCCE) [Réexamen relatif à l’expiration no RR‐2014‐006].

[2] L.R.C. (1985), ch. S-15 [LMSI].

[3] Les ordonnances rendues dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006 prorogeaient les ordonnances rendues le 1er novembre 2010 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003, tel que modifié à la suite de l’ordonnance rendue le 28 septembre 2012 dans le cadre de du réexamen relatif à l’expiration no RR‐2009‐003R, qui prorogeaient l’ordonnance rendue le 2 novembre 2005 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR‐2004‐007, qui prorogeait, avec modification, les ordonnances rendues le 3 novembre 2000 dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR‐99‐006, qui prorogeaient, avec modification, les conclusions rendues le 6 novembre 1995 dans le cadre de l’enquête no NQ‐95‐002.

[4] À l’exclusion des marchandises énumérées à l’annexe 1 des présentes ordonnances susmentionnées.

[5] Pièce RR-2020-003-B-22.A à la p. 7.

[6] Ibid. à la p. 1.

[7] White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, [2015] 2 R.C.S. 182 [White Burgess] aux par. 10, 32.

[8] White Burgess aux par. 17-18.

[9] Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) à la p. 51.

[10] Transcription de l’audience publique (9 juin 2021) à la p. 314.

[11] Ibid. aux p. 314-321.

[12] Ibid. aux p. 321-322.

[13] Ibid. à la p. 500.

[14] Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [Sierra Club] au par. 50.

[15] Rapport de l’Organe d’appel, CE – Pièces d’attache (Chine), WT/DS397/AB/R au par. 542; voir aussi rapport du Groupe spécial, Mexique – Tubes et tuyaux en acier (Guatemala), WT/DS331/R au par. 7.380.

[16] Certains éléments d’acier de fabrication industrielle (25 mai 2017), NQ-2016-004 (TCCE) au par. 25.

[17] Sierra Club aux par. 52, 91.

[18] Pièce RR-2020-003-05A, tableau 5.

[19] DORS/84-927 [Règlement].

[20] En conformité avec l’alinéa 96.1(1)d.1) de la LMSI.

[21] Pièce RR-2020-003-B-01 à la p. 57.

[22] Certains produits de tôle d’acier résistant à la corrosion (27 July 2004), RR-2003-003 (TCCE) au par. 56; Certains produits plats de tôle et les feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (30 juin 2004), RR-2003-002 (TCCE) aux par. 68-69.

[23] Pièce RR-2020-003-03 à la p. 5.

[24] Pièce RR-2020-003-03A à la p. 56.

[25] Pièce RR-2020-003-E-07 aux p. 1-29.

[26] Les paiements sont effectués rétroactivement, p. ex. les fermiers avaient le droit de présenter des réclamations à partir du 1er décembre 2019.

[27] Pièce RR-2020-003-E-07 aux p. 69-124.

[28] Pièce RR-2020-003-B-34; pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 4203-4268.

[29] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et le terme « retard » comme « [l]e retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale » [nos italiques]. Puisqu’il y a à l’heure actuelle une branche de production nationale déjà mise en production, la question de savoir si l’expiration des conclusions causera vraisemblablement un retard ne se pose pas dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration.

[30] Si le Tribunal détermine que le présent réexamen relatif à l’expiration vise plus d’une catégorie de marchandise, il doit effectuer des analyses de dommage distinctes et rendre une décision pour chacune de ces catégories. Voir Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283 (C.F.).

[31] Voir, par exemple, Raccords de tuyaux en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48.

[32] Sucre raffiné (6 novembre 1995), NQ-95-002 (TCCE) à la p. 13.

[33] Transcription de l’audience publique (9 juin 2021) aux p. 447-448.

[34] L’expression « proportion majeure » s’entend d’une proportion importante ou considérable de la production collective nationale de marchandises similaires, et pas forcément d’une majorité. Voir Japan Electrical Manufacturers Association c. Canada (Tribunal antidumping), [1982] 2 C.F. 816 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited et McCulloch Corporation c. Anti-Dumping Tribunal, [1978] 1 F.C. 222 (FCA); Rapport du Groupe spécial, Chine – Automobiles (États-Unis), WT/DS440/R au par. 7 207; Rapport de l’Organe d’appel, CE – éléments de fixation (Chine), WT/DS397/AB/R aux par. 411, 412, 419; Rapport du Groupe spécial, Argentine – Droits antidumping sur la viande de volaille, WT/DS241/R au par. 7.341.

[35] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 34, pièce RR-2020-003-B-03 au par. 18.

[36] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 34, 401.

[37] Pièce RR-2020-003-B-03 au par. 18.

[38] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 34.

[39] Les réponses fournies par Sucro étaient incomplètes, car elle a été en mesure de fournir des données uniquement sur la production, les ventes nationales découlant de la production, les importations et les ventes des marchandises importées. Ainsi, comme il est souligné dans le rapport d’enquête, les renseignements de Sucro n’ont pas pu être inclus avec ceux des autres producteurs nationaux dans certains tableaux du rapport d’enquête. Compte tenu de la couverture générale obtenue, malgré ces limitations, les données compilées auprès des producteurs nationaux dressent un portrait représentatif et précis, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, d’une proportion importante de la branche de production nationale.

[40] Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (9 janvier 2008), RR-2007-001 (TCCE) au par. 48; Tubes soudés en acier au carbone (24 juillet 2001), RR-2000-002 (TCCE) aux p. 6-7.

[41] Barres d’armature pour béton (14 octobre 2020), RR-2019-003 (TCCE) au par. 39.

[42] Certains lave-vaisselle et sécheuses (ordonnance de procédure en date du 25 avril 2005), RR-2004-005 (TCCE) au par. 16.

[43] Raccords de tuyauterie en cuivre (17 février 2012), RR-2011-001 (TCCE) au par. 56. Dans Conteneurs Thermoélectriques (9 décembre 2013), RR-2012-004 (TCCE) [Conteneurs Thermoélectriques] au par. 14, le Tribunal a indiqué que le contexte d’analyse dans lequel il est statué sur un réexamen relatif à l’expiration comprend souvent l’évaluation d’éléments de preuve rétrospectifs appuyant des conclusions prospectives. Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE) [Extrusions d’aluminium] au par. 21.

[44] Feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (16 août 2006), RR-2005-002 (TCCE) au par. 59.

[45] Conteneurs Thermoélectriques au par. 14; Extrusions d’aluminium au par. 21.

[46] Voir Réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006 aux par. 59-62; Réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003 au par. 104; Réexamen relatif à l’expiration no RR-2004-007 au par. 71.

[47] Voir Modules et laminés photovoltaïques (25 mars 2021), RR-2020-001 (TCCE) au par. 51; Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (30 décembre 2020), RR-2019-006 (TCCE) au par. 64; Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (10 décembre 2020), RR-2019-005 (TCCE) au par. 36; Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (10 novembre 2020), RR-2019-004 (TCCE) aux par. 33-34.

[48] Voir l’alinéa 37.2(2)j) du Règlement.

[49] Remarque sur le plan de la terminologie : différentes sources sur lesquelles les parties se sont appuyées présentent les données au moyen d’unités de mesure légèrement différentes, à savoir les tonnes métriques; les tonnes; les tonnes métriques en valeur brute; les tonnes métriques en valeur de sucre blanc; et les tonnes métriques en valeur de sucre raffiné. Le Tribunal considère que les expressions « tonnes métriques en valeur de sucre blanc » et « tonnes métriques en valeur de sucre raffiné » sont équivalentes. Le Tribunal souligne également que le facteur de conversion entre « tonnes métriques en valeur du sucre brut » et « tonnes métriques en valeur de sucre raffiné » est 1,0695 (1 tonne métrique en valeur de sucre raffiné est égale à 1,0695 tonne métrique en valeur de sucre brut). Voir pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 27-28. En conséquence, même si le Tribunal a mentionné différentes unités de mesure dans les présents motifs, conformément à la source sous-jacente, le Tribunal considère que l’ensemble de ces mesures sont équivalentes sur le plan fonctionnel.

[50] Pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 23-24.

[51] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 54, 1155-1161.

[52] Ibid. aux p. 54, 482.

[53] Ibid. aux p. 51-55, 481, 1162-1169.

[54] Le Brésil est l’un des plus importants exportateurs de sucre brut dans le monde et, par conséquent, ses coûts de production de sucre brut et le prix de ses exportations jouent un rôle essentiel dans la détermination du prix mondial du sucre brut. De nombreuses meuneries au Brésil qui produisent du sucre produisent aussi de l’éthanol. Il existe une certaine marge de manœuvre pour modifier l’extrant de cette production en fonction des rendements relatifs de ces produits, ce qui signifie que si le prix mondial du sucre chute en deçà d’un certain niveau, alors les meuniers de canne à sucre brésiliens passeront à la production d’éthanol. Voir pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 19-21.

[55] Pièce RR-2020-033-B-22 aux p. 18, 22-26, 38.

[56] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 1149-1150.

[57] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 27.

[58] Pièce RR-2020-003-E-04 au par. 164; pièce RR-2020-003-E-03 (protégée), pièce jointe 28.

[59] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 80, pièce jointe 33.

[60] Pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 27-29.

[61] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 81-86.

[62] Ibid. au par. 86.

[63] Ibid. aux par. 124-155; pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 93-94.

[64] Réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006 aux par. 87, 91.

[65] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 155, 160-170.

[66] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 92.

[67] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 116-117.

[68] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 92.

[69] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 112-114.

[70] Ibid. au par. 115.

[71] Ibid. au par. 183.

[72] Ibid. aux par. 120-122.

[73] Ibid. à la p. 4283.

[74] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 51.

[75] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 200 et aux p. 1433-1438.

[76] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 51.

[78] Pièce RR-2020-003-13.03, pièce jointe 82.

[79] Pièce RR-2020-03-E-04 au par. 28.

[80] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 55.

[81] Pièce RR-2020-003-E-04 aux p. 178-179.

[82] Ibid. au par. 30.

[83] Ibid. à la p. 180. Les 900 000 TMVSB produites par le R-U n’ont pas été incluses.

[84] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 1165.

[85] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 66.

[86] Pièce RR-2020-003-E-04 au par. 38; pièce RR-2020-003-E-03 (protégée) aux par. 36-37. Les projections du CEFS comprennent le R-U.

[87] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 215 et à la pièce jointe 82.

[88] Ibid. à la p. 3971 (pièce jointe 84).

[89] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 67.

[90] Pièce RR-2020-003-E-04 au par. 39.

[91] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 515-519.

[92] Pièce RR-2020-003-E-04 au par. 51.

[93] Ibid. au par. 52 et aux p. 272-273 (pièce jointe 10).

[94] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 215.

[95] Ibid. à la p. 117 (tableau 17).

[96] Pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 69-70.

[97] Ibid. à la p. 85; Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) aux p. 53-54.

[98] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 259.

[99] Pièce RR-2020-003-E-04 à la p. 143.

[100] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 4270 (pièce jointe 99).

[101] Ibid. aux p. 4274-4276.

[102] Ibid. à la p. 498; pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 84-85.

[103] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 126.

[104] Ibid. aux p. 128, 502.

[105] Ibid. aux p. 126, 128.

[106] Pièce RR-2020-003-B-03 aux par. 15, 23.

[107] Pièce RR-2020-003-05B, tableau 13.

[108] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 43-45.

[109] Ibid. aux par. 27, 50.

[110] Ibid. au par. 53.

[111] Ibid. à la p. 437.

[112] Lantic possède des raffineries à Montréal (Québec) et à Vancouver (Colombie-Britannique); Redpath possède une raffinerie à Toronto (Ontario). Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 32, 35.

[113] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 33.

[114] Alinéas 37.2(2)a), d), f), h) et i) du Règlement.

[115] Pièce RR-2020-003-05B, tableaux 6-7; pièce RR-2020-003-06B (protégée), tableaux 6-8.

[116] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 1861.

[117] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 17.

[118] Ibid. à la p. 108; pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 95.

[119] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 17.

[120] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 5, 124; pièce RR-2020-003-B22 à la p. 108.

[121] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 264; pièce RR-2020-003-14.03 (protégée) à la p. 135.

[122] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 499, 4276; pièce RR-2020-003-14.03 (protégée) à la p. 135.

[123] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 255; pièce RR-2020-003-13.03, tableau 18.

[124] Pièce RR-2020-003-13.03 au par. 263.

[125] Ibid. au par. 270, pièce jointe 103.

[126] Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) aux p. 142-143.

[127] Comme il est mentionné plus haut, l’ensemble du marché canadien représente environ 1,3 million de TM; puisque la capacité excédentaire de raffinage des É-U est d’environ 1 million de TM, la valeur du sucre raffiné est équivalente en termes d’envergure à l’ensemble du marché canadien.

[128] C’est-à-dire les 27 états membres de l’UE à l’heure actuelle.

[129] Les 27 états membres de l’UE à l’heure actuelle, à l’exclusion du Danemark, de l’Allemagne et des Pays-Bas.

[130] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 47-51.

[131] Pièce RR-2020-003-E-04 aux p. 177-180.

[132] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 117; pièce RR-2020-003-E-04 à la p. 162.

[133] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 516.

[134] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 52.

[135] Pièce RR-2020-003-E-02 aux par. 48, 72; pièce RR-2020-003-E-04 au par. 64.

[136] Pièce RR-2020-003-E-04 aux par. 204-206.

[137] Réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006 aux par. 54, 89.

[138] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 17-18, 23-24.

[139] Pièce RR-2020-003-B-03 au par. 103.

[140] Ibid. aux par. 85, 103.

[141] Pièce RR-2020-003-B-17 au par. 16; pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 65; Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) à la p. 119.

[142] Pièce RR-2020-003-B-03 au par. 15; pièce RR-2020-003-B-20 au par. 29; pièce RR-2020-003-B-06 aux par. 11, 71-73; pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 16 et 52.

[143] Transcription de l’audience publique (10 juin 2021) aux p. 525-526, 529.

[144] Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) aux p. 104-105, Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) à la p. 177.

[145] Pièce RR-2020-003-B-22 à la p. 65; pièce RR-2020-003-6B (protégée), tableau 12.

[146] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 4664-4665; pièce RR-2020-003-13.03A.

[147] Pièce RR-2020-003-E-04 aux p. 177-180.

[148] Ibid. à la p. 162.

[149] Pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 117.

[150] Pièce RR-2020-003-B-35 à la p. 2; pièce RR-2020-003-B-31 à la p. 34.

[151] Transcription de l’audience publique (9 juin 2021) aux p. 344-345, Transcription de l’audience publique (10 juin 2021) à la p. 493.

[152] Pièce RR-2020-003-B-35 à la p. 2.

[153] Pièce RR-2020-003-B-31 à la p. 34.

[154] Pièce RR-2020-003-B-22 aux p. 62, 64, 65; Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) aux p. 119-122, 146-147.

[155] Alinéa 37.2(2)b) du Règlement.

[156] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 14-15.

[157] Ibid. au par. 17.

[158] Ibid. au par. 18.

[159] Réexamen relatif à l’expiration no RR-2014-006 au par. 48; pièce RR-2020-003-B-06 aux par. 78-79.

[160] Pièce RR-2020-003-B-06 aux par. 102, 109; Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) aux p. 174-175.

[161] Pièce RR-2020-003-06B (protégée), tableau 25.

[162] Pièce RR-2020-003-06B, tableau 27.

[163] Pièce RR-2020-003-B-12 et pièce RR-2020-003-B-13 (protégée); pièce RR-2020-003-B-18 et pièce RR‐2020‐003-B-19 (protégée).

[164] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 29-30.

[165] Ibid. aux par. 31, 33.

[166] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) à l’annexe 2A; pièce RR-2020-003-B-19 à l’annexe 1.

[167] Pièce RR-2020-003-B-13.A (protégée) à la p. 1.

[168] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux p. 17, 19.

[169] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 48, 50.

[170] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) aux annexes 4 et 5; pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux p. 22-23, 26-27, 29.

[171] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) aux p. 37, 43-45.

[172] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux p. 22-23, 26-27, 29.

[173] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) à la p. 44.

[174] Ibid. à la p. 37.

[175] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux p. 22-23.

[176] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) au par. 62; pièce RR-2020-003-B-03 au par. 104.

[177] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) aux p. 43-44.

[178] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux p. 26-27.

[179] L’estimation originale de la surcote du sucre blanc était de 80 $/TM et de10 $/TM pour la prime en espèces; pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 53-54.

[180] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) à la p. 45.

[181] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) à la p. 29.

[182] Pièce RR-2020-003-E-03 à la p. 278 au par. 92; pièce RR-2020-003-F-01 aux p. 13-14.

[183] Pièce RR-2020-003-E-03 à la p. 278 au par. 92.

[184] Pièce RR-2020-003-B-24 au par. 50; pièce RR-2020-003-13.03 à la p. 3192.

[185] Pièce RR-2020-003-B-20 au par. 8.

[186] Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) à la p. 98.

[187] Pièce RR-2020-003-B-31 à la p. 34.

[188] Pièce RR-2020-003-13.03 aux p. 102-103.

[189] Pièce RR-2020-003-B-03 au par. 104 et aux p. 121-122; pièce RR-2020-003-B-20 au par. 25; pièce RR‐2020‐003-B-20 aux par. 25-26.

[190] Pièce RR-2020-003-B-21 aux par. 22-28; pièce RR-2020-003-B-28 aux par. 36-39; pièce RR-2020-003-B-03 au par. 104.

[191] Pièce RR-2020-003-B-03 aux p. 118-119; pièce RR-2020-003-B-24 à la p. 209.

[192] Pièce RR-2020-003-E-06 aux par. 30-33, Transcription de l’audience publique (10 juin 2021) aux p. 529-530.

[193] Pièce RR-2020-003-6B (protégée), tableau 14.

[194] Transcription de l’audience publique (7 juin 2021) à la p. 158, Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) aux p. 197-198; Transcription de l’audience à huis clos (8 juin 2021) aux p. 7, 47-48.

[195] Alinéas 37.2(2)e) et g) du Règlement.

[196] Voir l’alinéa 37.2(2)k) du Règlement.

[197] Pièce RR-2020-003-05B, tableau 5; pièce RR-2020-003-06B (protégée), tableaux 13, 43.

[198] Pièce RR-2020-003-B-04 au par. 48.

[199] Pièce RR-2020-003-B-03 au par. 21.

[200] Pièce RR-2020-003-B-04 au par. 47; pièce RR-2020-003-A-02 au par. 32; Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) à la p. 296.

[201] Pièce RR-2020-003-06B (protégée), tableau 14.

[202] Ibid.

[203] Ibid.

[204] Pièce RR-2020-003-05B, tableau 5.

[205] Ibid.

[206] Pièce RR-2020-003-B-04 aux par. 34-35; pièce RR-2020-003-B-05 (protégée) aux par. 34-35.

[207] Pièce RR-2020-003-05B, tableau 5.

[208] Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) à la p. 233.

[209] Pièce RR-2020-003-B-04 au par. 14.

[210] Transcription de l’audience à huis clos (8 juin 2021) aux p. 9-10.

[211] Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) à la p. 235.

[212] Pièce RR-2020-003-B-16 aux par. 32-38; pièce RR-2020-003-B-17 (protégée) aux par. 32-38.

[213] Pièce RR-2020-003-B-04 aux par. 19, 82-83; pièce RR-2020-003-B-05 aux par. 19, 82-83; pièce RR-2020-003-B-06 aux par. 100-101.

[214] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) aux par. 41, 42, 44, annexe 3; pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux par. 11, 20-23, annexes 1, 2.

[215] Pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) au par. 11, annexe 1.

[216] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée), annexe 2.

[217] Transcription de l’audience publique (8 juin 2021) à la p. 296.

[218] Pièce RR-2020-003-13.03 aux par. 186-187, 189-190.

[219] Pièce RR-2020-003-A-03 aux par. 14, 34.

[220] Pièce RR-2020-003-B-19 (protégée) aux par. 25-27, annexes 3-7; pièce RR-2020-003-B-13 (protégée) aux par. 52-58, annexes 4A, 5. Redpath et Lantic ont inclus le R-U dans leur évaluation des répercussions de l’élimination des droits compensatoires à l’encontre de l’UE, en partant de l’hypothèse que les droits compensatoires continueraient de s’appliquer au R-U. Le Tribunal considère néanmoins que les estimations relatives à la perte des volumes des ventes attribuables à la reprise des importations de l’UE demeurent raisonnables étant donné que le R-U représentait une proportion relativement petite de la production de l’UE lorsqu’il était un État membre de l’UE. Par ailleurs, les estimations des répercussions sur la marge de raffinage nette demeurent raisonnables étant donné que le Tribunal retient que les prix à l’exportation de l’UE et du R-U suivraient toujours le prix du contrat no 5.

[221] Pièce RR-2020-003-B-12 aux par. 49-51; pièce RR-2020-003-B-18 aux par. 15-16.

[222] Le Tribunal a déterminé que l’évaluation des effets de l’élimination des droits antidumping seulement serait essentiellement comparable à l’analyse des effets de l’élimination des droits antidumping pour les marchandises en cause importées des É-U et du R-U, car les droits compensatoires demeureraient en vigueur. En outre, si les droits compensatoires étaient éliminés, l’analyse comparable porterait sur les répercussions des marchandises en cause, sans les droits compensatoires, provenant de l’UE-24, car les droits antidumping demeureraient en vigueur.

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