Enquêtes de dommage antidumping

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Contenu de la décision

Enquête NQ-2021-004

Fournitures tubulaires pour puits de pétrole

Conclusions rendues
le mercredi 26 janvier 2022

Motifs rendus
le jeudi 10 février 2022

 



EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant des :

FOURNITURES TUBULAIRES POUR PUITS DE PÉTROLE

CONCLUSIONS

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), afin de déterminer si le dumping de fournitures tubulaires pour puits de pétrole qui sont des caissons, des tubages et des tubes verts fabriqués en acier au carbone ou en acier allié, soudées ou sans soudure, traitées thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 ⅜ à 13 ⅜ po (60,3 à 339,7 mm), conformes ou appelées à se conformer à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute ou à une norme équivalente ou à une norme exclusive améliorée, de toutes les nuances, à l’exception des tuyaux de forage, des tubes courts, des manchons, des tubes‑sources pour manchons et des caissons en acier inoxydable, tubages et tubes verts contenant 10,5 pour cent ou plus en poids de chrome, originaires ou exportées des États-Unis du Mexique, a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, selon la définition de ces termes dans la LMSI.

À la suite de l’enquête du Tribunal et d’une décision définitive rendue le 22 décembre 2021 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, selon laquelle les marchandises susmentionnées ont fait l’objet de dumping, le Tribunal conclut, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dit dumping n’a pas causé un dommage et ne menace pas de causer un dommage à la branche de production nationale.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

Peter Burn

Peter Burn
Membre

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Dates de l’audience :

du 29 au 31 décembre 2021 et
les 4 et 5 janvier 2022

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant
Frédéric Seppey, membre
Peter Burn, membre

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Alain Xatruch, conseiller juridique principal
Sarah Shinder, conseillère juridique
Shawn Jeffrey, analyste principal
Chelsea Lappin, analyste
Joseph Long, analyste
Patrick Stidwill, conseiller, Service des données
Matthew Riopelle, agent du greffe
Geneviève Bruneau, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux

Conseillers/représentants

Evraz Inc. NA Canada
Welded Tube of Canada Corp.

Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Andrew M. Lanouette
Marc McLaren-Caux
Michael Milne
Cynthia Wallace
E. Melisa Celebican
Alexander Hobbs
Jan M. Nitoslawski
Jordan Lebold

Tenaris Canada

Peter Jarosz
Jonathan O’Hara
William Pellerin
Chris Scheitterlein
Lisa Page
Christopher Kalantzis
Philip Kariam
Ricki-Lee Williams
Tayler Farrell

Importateurs/exportateurs/autres

Conseillers/représentants

Alberta Tubular Products Ltd.

Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Andrew M. Lanouette
Marc McLaren-Caux
Michael Milne
Cynthia Wallace
E. Melisa Celebican
Alexander Hobbs
Jan M. Nitoslawski
Jordan Lebold

Syndicat des Métallos

Craig Logie
Mark Rowlinson
Christopher Somerville
Adam Casey
Ardita Sinojmeri
Raghav Jain

Trimark Tubulars Ltd.

Paul Lalonde
Sean Stephenson
Daniela Acevedo

TÉMOINS :

Dave Coffin
Vice-président des ventes, Produits tubulaires
Evraz Inc. NA

Kelly Smith
Ancien vice-président des ventes et du développement commercial, Produits tubulaires
Evraz Inc. NA

Olesya Afanasyeva
Vice-présidente principale et directrice financière
Evraz Inc. NA

Linda Blair
Directrice principale des ventes, Produits haut de gamme
Evraz Inc. NA Canada

Robert S. Mandel
Président-directeur général
Welded Tube of Canada Corp.

James McEwen
Vice-président des finances et directeur financier
Welded Tube of Canada Corp.

Jeff Hanley
Vice-président des ventes, Achats de matériaux tubulaires pour le secteur de l’énergie et d’acier
Welded Tube of Canada Corp.

Bill Thomas
Coprésident
Alberta Tubular Products Ltd.

Steve Sutton
Coprésident
Alberta Tubular Products Ltd.

Gordon Kozak
Directeur général
Trimark Tubulars Ltd.

Ricardo Prosperi
Président-directeur général
Tenaris Canada

David McHattie
Vice-président, Relations institutionnelles
Tenaris Canada

Shellie Clark
Vice-présidente, Secteur commercial
Tenaris Canada

Chris Awe
Conseiller principal, gestion de la chaîne d’approvisionnement en amont
Cenovus Energy Inc.

Mike Day
Président, local 5890
Syndicat des Métallos

Stacy Hanley
Président, local 6673
Syndicat des Métallos

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Le mandat du Tribunal canadien du commerce extérieur dans la présente enquête menée en vertu du paragraphe 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI) [1] est de déterminer si le dumping de certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP) originaires ou exportées des États-Unis du Mexique (Mexique) (les marchandises en cause) a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[2] Le Tribunal a déterminé, pour les motifs qui suivent, que le dumping des marchandises en cause n’a pas causé un dommage et ne menace pas de causer un dommage à la branche de production nationale.

CONTEXTE

[3] La présente enquête découle d’une plainte déposée auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 10 mai 2021, par Evraz Inc. NA Canada (Evraz) et Welded Tube of Canada Corp. (WTC) (ensemble, les parties plaignantes), et de la décision subséquente de l’ASFC, rendue le 30 juin 2021, d’ouvrir une enquête sur le dumping allégué des marchandises en cause aux termes du paragraphe 31(1) de la LMSI.

[4] Le 2 juillet 2021, en raison de la décision de l’ASFC d’ouvrir une enquête, le Tribunal a ouvert une enquête préliminaire de dommage aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI. Le 30 août 2021, aux termes du paragraphe 37.1(1), le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause avait causé un dommage à la branche de production nationale [2] .

[5] Le 28 septembre 2021, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping à l’égard des marchandises en cause [3] . Elle a aussi estimé que l’imposition de droits provisoires était nécessaire pour empêcher qu’un dommage ne soit causé [4] . Le 29 septembre 2021, le Tribunal a ouvert son enquête [5] .

[6] La période visée par l’enquête du Tribunal allait du 1er janvier 2018 au 30 juin 2021; elle comprenait deux périodes intérimaires, soit du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020 (période intérimaire de 2020) et du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021 (période intérimaire de 2021).

[7] Dans le cadre de la présente enquête, le Tribunal a demandé à un certain nombre de producteurs nationaux, d’importateurs, d’acheteurs et de producteurs étrangers connus de FTPP de répondre à des questionnaires au plus tard le 20 octobre 2021. Le Tribunal a publié un seul ensemble de questionnaires à l’intention des producteurs nationaux, des importateurs et des acheteurs qui servirait dans le cadre de la présente enquête ainsi que dans le cadre de ce qui était, à ce moment-là, une enquête éventuelle portant sur le dumping de FTPP de même description originaires ou exportées de la République d’Autriche (Autriche) [6] , puisque la période visée par l’enquête et les répondants visés par les questionnaires seraient les mêmes dans les deux cas [7] .

[8] Le Tribunal a reçu des réponses à son questionnaire à l’intention des producteurs de la part des parties plaignantes, qui toutes les deux produisent des FTPP soudées (ou soudées par résistance électrique, ou SRE) au Canada, ainsi que de la part de Tenaris Canada, un groupe de sociétés affiliées composées d’Algoma Tubes Inc. (Algoma), de Prudential Steel ULC (Prudential), de Tenaris Global Services (Canada) Inc. (TGSC) et de Hydril Canadian Company LP (Hydril) [8] . Le Tribunal a aussi reçu des réponses à ses autres questionnaires de la part de 12 importateurs de marchandises en cause et/ou de marchandises répondant à la définition du produit, y compris de WTC et de Tenaris Canada, ainsi que de la part de 15 acheteurs et de 1 producteur étranger de ces marchandises [9] .

[9] À partir des réponses aux questionnaires et d’autres renseignements au dossier, le personnel du Secrétariat du Tribunal a préparé des versions publique et protégée du rapport d’enquête et les a transmises aux parties le 17 novembre 2021 [10] . Des versions révisées des rapports d’enquête ont été publiées le 26 novembre 2021 et ont ensuite fait l’objet de révisions mineures [11] .

[10] Le 24 novembre 2021, après avoir reçu des révisions touchant les données sur les produits de référence figurant dans les réponses au questionnaire déposées par Tenaris Canada, et après avoir constaté une défaillance dans la façon dont les données avaient été présentées par certains des répondants, le Tribunal a envoyé un questionnaire supplémentaire à certains répondants afin d’obtenir des précisions sur les ventes de produits de référence de nuances de base et améliorées. Les réponses devaient parvenir au Tribunal le 1er décembre 2021. Le 7 décembre 2021, le Tribunal a transmis des suppléments aux versions publique et protégée du rapport d’enquête, qui présentaient, de façon distincte, les renseignements recueillis relativement aux produits de référence de nuances de base et améliorées. Les suppléments ont fait l’objet d’une modification mineure le 4 janvier 2022.

[11] Le 24 novembre 2021, Tenaris Canada a déposé cinq demandes visant l’exclusion de certains produits de la portée de toutes éventuelles conclusions de dommage ou de menace de dommage à l’égard des marchandises en cause. Les parties plaignantes ont déposé des réponses à l’encontre de ces demandes le 2 décembre 2021 et Tenaris Canada a répliqué à ces réponses le 10 décembre 2021. Le 14 décembre 2021, le Tribunal a permis aux parties plaignantes de déposer des observations en réponse à Tenaris Canada, qui proposait de reformuler une de ses demandes d’exclusion en termes plus concis. Les parties plaignantes ont déposé leurs observations sur cette question le 17 décembre 2021 et Tenaris Canada a répondu à leurs observations le 21 décembre 2021.

[12] Le 25 novembre 2021, les parties plaignantes et le Syndicat des Métallos [12] ont déposé des mémoires, des énoncés de témoins et d’autres éléments de preuve au soutien de conclusions de dommage ou de menace de dommage à l’égard des marchandises en cause. Alberta Tubular Products Ltd. (ATP) et Trimark Tubulars Ltd. (Trimark), deux firmes distributrices avec stock disponible de FTPP produites au pays et importées, ont aussi déposé des énoncés de témoins au soutien de telles conclusions. Le 3 décembre 2021, Tenaris Canada a déposé un mémoire, des énoncés de témoins et d’autres éléments de preuve à l’encontre de conclusions de dommage ou de menace de dommage. Le 13 décembre 2021, les parties plaignantes ont déposé en réponse un mémoire, des énoncés de témoins et des éléments de preuve supplémentaires. Le Syndicat des Métallos a aussi déposé un mémoire en réponse tandis que ATP et Trimark ont déposé des énoncés de témoins en réponse.

[13] Puisque le Tribunal avait publié le 7 décembre 2021 des suppléments au rapport d’enquête révisé, il a permis à Tenaris Canada de déposer d’autres observations sur le contenu des suppléments, ce qu’elle a fait le 16 décembre 2021. Les parties plaignantes ont répondu à ces observations le 20 décembre 2021.

[14] Le 25 novembre 2021, les parties plaignantes et Tenaris Canada ont déposé auprès du Tribunal diverses demandes de renseignements de nature publique et protégée à leur intention mutuelle et, dans le cas de Tenaris Canada, adressées aussi à ATP et à Trimark. Le 29 novembre 2021, les parties plaignantes ont signalé au Tribunal leur opposition à certaines demandes de renseignements. Le 1er décembre 2021, après avoir passé en revue les demandes et tenu compte de leur fondement et des oppositions présentées, le Tribunal a transmis des directives aux parties, leur indiquant à quelles demandes elles devaient répondre. Evraz, Trimark et Tenaris Canada étaient tenues de répondre à des demandes [13] . Le Tribunal a aussi indiqué à Tenaris Canada qu’elle devait répondre à des questions supplémentaires. Les réponses ont été reçues et versées au dossier le 10 décembre 2021.

[15] Conformément à sa pratique habituelle, le Tribunal a permis aux parties de déposer, avant la tenue de l’audience, des avis de demandes de renseignements supplémentaires. Le 22 décembre 2021, les parties plaignantes et Tenaris Canada ont présenté des demandes au Tribunal, dont une demande de Tenaris Canada à laquelle Trimark s’est opposée. Le 24 décembre 2021, le Tribunal a donné des directives aux parties relativement à ces demandes.

[16] Une audience comportant des séances publiques et à huis clos a été tenue par vidéoconférence du 29 au 31 décembre 2021 et les 4 et 5 janvier 2022. Le Tribunal a entendu les témoins d’Evraz, de WTC, d’ATP, de Trimark, de Tenaris Canada et du Syndicat des Métallos sur la question du dommage, ainsi qu’un témoin de Cenovus Energy Inc. (Cenovus), cité à comparaître par le Tribunal [14] . Le Tribunal a aussi entendu les plaidoiries finales des parties plaignantes, de Trimark, du Syndicat des Métallos et de Tenaris Canada sur les questions du dommage et de l’exclusion de produits.

[17] Le Tribunal a rendu ses conclusions le 26 janvier 2022.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DE L’ASFC

[18] Le 22 décembre 2021, aux termes de l’alinéa 41(1)b) de la LMSI, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping à l’égard des marchandises en cause [15] . La période visée par l’enquête de l’ASFC allait du 1er mai 2020 au 30 avril 2021 [16] . L’ASFC a calculé que, pour cette période, la marge de dumping des marchandises en cause exportées par Tubos de Acero de Mexico, SA (TAMSA) était de 43,3 p. 100 et la marge de dumping des marchandises exportées par tous les autres exportateurs était de 164,7 p. 100 [17] . Selon l’ASFC, les marchandises exportées au Canada par TAMSA au cours de la période visée par l’enquête représentaient 99 p. 100 de la valeur de l’ensemble des marchandises en cause expédiées vers le Canada au cours de cette période [18] .

PRODUIT

Définition du produit

[19] L’ASFC a défini les marchandises en cause de la façon suivante :

Les fournitures tubulaires pour puits de pétrole sont des caissons, des tubages et des tubes verts fabriqués en acier au carbone ou en acier allié, soudées ou sans soudure, traitées thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 ⅜ à 13⅜ po (60,3 à 339,7 mm), conformes ou appelées à se conformer à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute ou à une norme équivalente ou à une norme exclusive améliorée, de toutes les nuances, à l’exception des tuyaux de forage, des tubes courts, des manchons, des tubes-sources pour manchons et des caissons en acier inoxydable, tubages et tubes verts contenant 10,5 pour cent ou plus en poids de chrome, originaires ou exportés des États-Unis du Mexique [19] .

Renseignements supplémentaires

[20] L’ASFC a fourni les renseignements supplémentaires suivants sur le produit :

[26] Il est entendu que le terme « tube vert » désigne les caissons, tubages ou autres produits tubulaires non finis (y compris les FTPP pouvant être mises à niveau qui ont peut-être déjà été mises à l’essai, inspectées et/ou certifiées) originaires ou exportés du Mexique, et importés pour servir à la production ou à la finition de FTPP respectant les spécifications finales, y compris la nuance et les raccords, nécessaires pour l’utilisation au fond du puits. Les tubes verts, comme ils sont communément appelés dans l’industrie des FTPP, sont des tubages et caissons intermédiaires ou devant encore subir un complément d’ouvraison, par exemple un filetage, un traitement thermique et des essais, avant de pouvoir être utilisés comme caissons ou tubages complètement finis pour puits de pétrole et de gaz dans le cadre de leur utilisation finale.

[27] Aux fins de la présente enquête en dumping, il est entendu que la définition du produit ne comprend pas les tubes verts originaires ou exportés du Mexique qui sont mis à niveau de la manière décrite ci-dessus dans un pays intermédiaire avant d’être exportés au Canada. Aux fins de l’enquête, l’ASFC estime que ces tubages et caissons à résistance élevée sont originaires du pays intermédiaire en question.

[28] Les tubes courts, qui sont essentiellement de courtes longueurs de FTPP utilisées pour l’espacement dans un train de tiges de forage, sont exclus lorsque leur longueur est de 12 pieds ou moins (avec une tolérance de trois pouces), tel que défini dans la norme 5CT de l’API.

[29] Par ailleurs, les produits accessoires utilisés avec les trains de tubages et de caissons de FTPP au fond du puits, tels les raccords de tubage, les balises et les coudes, ainsi que les produits ayant subi un complément d’ouvraison qui utilisent des FTPP comme intrants pour leur production, par exemple les tubages isolés sous vide, ne sont pas visés par la définition du produit. Les tubages spiralés ne sont pas non plus visés par la définition du produit [20] .

[21] Bien qu’ils ne soient pas reproduits ici, l’ASFC a aussi fourni, dans l’énoncé des motifs de sa décision définitive de dumping, des renseignements supplémentaires sur les caractéristiques du produit et sur les utilisations et le processus de fabrication du produit [21] .

CADRE LÉGISLATIF

[22] Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’enquêter afin de déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou un retard [22] ou menace de causer un dommage, le terme « dommage » étant défini au paragraphe 2(1) comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale ». À cet égard, l’expression« branche de production nationale » est aussi définie au paragraphe 2(1) par référence à la production nationale de « marchandises similaires ».

[23] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer ce qui constitue des « marchandises similaires ». Ensuite, le Tribunal doit déterminer ce qui constitue la « branche de production nationale » aux fins de son analyse de dommage.

[24] Le Tribunal peut ensuite évaluer si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage sensible, il déterminera s’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale [23] . Si le Tribunal conclut à l’absence de dommage et à l’absence de menace de dommage, il n’aura pas besoin de procéder à l’examen des demandes déposées par Tenaris Canada visant l’exclusion de produits.

[25] Dans le cadre de son analyse, le Tribunal examinera aussi d’autres facteurs qui ont pu avoir des répercussions sur la branche de production nationale, de manière à s’assurer qu’un dommage ou une menace de dommage causé par de tels facteurs ne soit pas attribué aux effets du dumping.

MARCHANDISES SIMILAIRES ET CATÉGORIES DE MARCHANDISES

[26] Pour que le Tribunal puisse déterminer si le dumping des marchandises en cause a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale, il doit déterminer quelles marchandises de production nationale, s’il en existe, constituent des marchandises similaires aux marchandises en cause. Le Tribunal doit également évaluer s’il y a plus d’une catégorie de marchandises parmi les marchandises en cause et les marchandises similaires [24] .

[27] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[28] Pour trancher la question des marchandises similaires lorsque les marchandises ne sont pas identiques aux marchandises en cause, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients) [25] . Lorsqu’il examine la question des catégories de marchandises, le Tribunal détermine habituellement si les marchandises potentiellement comprises dans les catégories distinctes de marchandises constituent des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandises [26] .

[29] Dans des procédures antérieures concernant des FTPP similaires ou ayant la même définition, le Tribunal a toujours conclu, après avoir tenu compte des facteurs susmentionnés, que les FTPP soudées et sans soudure produites au pays constituaient des « marchandises similaires » aux marchandises en cause et qu’il n’y avait qu’une seule catégorie de marchandises [27] . Notamment, dans FTPP II, qui concernait des FTPP ayant la même définition, le Tribunal a conclu que les FTPP produites au pays ressemblaient assez étroitement aux marchandises en cause lorsqu’elles étaient produites de façon à satisfaire des normes semblables, que les marchandises étaient substituables, qu’elles étaient généralement en concurrence les unes avec les autres sur le marché canadien, qu’elles avaient les mêmes utilisations finales et qu’elles partageaient les mêmes circuits de distribution [28] . Le Tribunal était également convaincu qu’aucune preuve probante n’avait été présentée pour justifier une conclusion selon laquelle les caissons et les tubages, ou les FTPP soudées et sans soudure, constituaient des catégories distinctes de marchandises [29] .

[30] Les parties plaignantes ont avancé que la preuve au dossier dans la présente enquête indique clairement qu’il n’y a eu aucun changement important aux caractéristiques physiques et commerciales des FTPP, ni à la façon dont les FTPP sont produites et vendues sur le marché, depuis les conclusions antérieures du Tribunal. Les autres parties n’ont présenté aucun élément de preuve ou argument contestant les conclusions antérieures du Tribunal concernant ces questions.

[31] En l’absence de tout élément de preuve contraire, le Tribunal ne voit aucun motif de tirer des conclusions différentes dans la présente enquête. Par conséquent, le Tribunal effectuera son analyse en ayant constaté que les FTPP produites au pays et de même description que les marchandises en cause constituent des « marchandises similaires » aux marchandises en cause et qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

[32] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit la « branche de production nationale » de la façon suivante :

[...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

[33] Le Tribunal doit donc déterminer si un dommage a été causé, ou s'il y a menace de dommage, à l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou aux producteurs nationaux dont la production totale constitue une proportion majeure de la production collective nationale de marchandises similaires [30] . Toutefois, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’exclure un producteur de la branche de production nationale si ce producteur est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées, ou s’il est lui-même un importateur de telles marchandises. Les critères applicables pour déterminer si un producteur national est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées sont énoncés au paragraphe 2(1.2) de la LMSI [31] .

[34] La preuve indique que, au cours de la période visée par l’enquête, il y avait quatre producteurs nationaux connus de marchandises similaires, c’est-à-dire Evraz, WTC, Algoma et Prudential [32] . Le Tribunal a reçu de tous ces producteurs des réponses complètes à son questionnaire à l’intention des producteurs [33] .

[35] La preuve indique également qu’Algoma et Prudential étaient liées l’une à l’autre et à TGSC (qui importait des marchandises en cause), à TAMSA (qui produisait et exportait des marchandises en cause), ainsi qu’à Tenaris Global Services S.A. en Uruguay (TGSU) (un vendeur intermédiaire qui facilitait les ventes à l’exportation des marchandises en cause au Canada), par la copropriété et le contrôle commun de Tenaris S.A., une société anonyme luxembourgeoise à responsabilité limitée [34] . Le lien qui existe entre ces sociétés n’a pas été contesté par Tenaris Canada devant le Tribunal. Par conséquent, la question qui se pose dans la présente enquête est de savoir si le Tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’exclure Tenaris Canada, et plus précisément Algoma et Prudential, de la branche de production nationale.

[36] À l’étape de l’enquête préliminaire de dommage, le Tribunal a indiqué que, bien que la question de savoir si Tenaris Canada devrait être exclue de la définition de la branche de production nationale était pertinente, compte tenu du statut d’Algoma, de Prudential, de TGSC et de TAMSA en tant que filiales de Tenaris S.A., le Tribunal ne disposait pas de suffisamment de renseignements à ce moment-là pour lui permettre de se prononcer à juste titre sur la question [35] . Le Tribunal a ajouté que, dans le cadre de l’enquête définitive de dommage, il examinerait plus en détail la façon dont Tenaris Canada établit les prix de vente des marchandises similaires produites au pays et des marchandises en cause, et la façon dont sa stratégie de commercialisation à cet égard devrait être prise en compte dans l’analyse des facteurs comportementaux pertinente [36] .

[37] Compte tenu de la nature non réglée de cette question, le rapport d’enquête présente deux scénarios et des ensembles de données correspondants, c’est-à-dire l’un où Tenaris Canada est incluse dans la branche de production nationale et l’autre où elle en est exclue [37] . Le Tribunal doit maintenant décider lequel de ces deux scénarios sera adopté aux fins de son analyse de dommage.

Tenaris Canada devrait-elle être exclue de la branche de production nationale?

[38] Les parties plaignantes sont d’avis que Tenaris Canada devrait être exclue de la branche de production nationale aux fins de la présente enquête. En revanche, Tenaris Canada est d’avis qu’elle est d’abord et avant tout un producteur national de marchandises similaires et qu’elle devrait donc faire partie de la branche de production nationale.

[39] Les parties plaignantes soutiennent que le Tribunal devrait exclure Tenaris Canada en appliquant son cadre structurel et comportemental élaboré en vertu du paragraphe 2(1) de la LMSI. Elles soutiennent, à titre subsidiaire, que le Tribunal peut considérer Tenaris Canada comme faisant partie de la branche de production nationale, mais exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer si un dommage a été causé aux parties plaignantes, celles-ci constituant à elles seules une « proportion majeure » de la branche de production nationale. Enfin, elles soutiennent également, à titre très subsidiaire, que le Tribunal peut considérer Tenaris Canada comme faisant partie de la branche de production nationale et déterminer si un dommage a été causé à « l’ensemble » de la branche de production nationale, mais traiter tout dommage causé par les importations de Tenaris Canada en provenance du Mexique, y compris le dommage causé à la propre production de Tenaris Canada, comme un dommage légitime pour les fins de l’application de la LMSI (c’est-à-dire un dommage qui n’est pas considéré comme ayant été auto-infligé).

[40] Étant donné que le Tribunal conclut en fin de compte que Tenaris Canada devrait être exclue de la branche de production nationale en vertu de la première des trois méthodes analytiques proposées par les parties plaignantes, il n’est pas nécessaire d’aborder pleinement les deux autres méthodes subsidiaires [38] .

[41] Lorsqu’un producteur national contribue au dumping qui pourrait être dommageable, ou en tire avantage, soit directement en tant qu’importateur, soit indirectement par l’intermédiaire de sociétés liées, le Tribunal peut décider de traiter le producteur national comme s’il ne faisait pas partie de la branche de production nationale et limiter son analyse du dommage et de la menace de dommage aux autres producteurs nationaux afin de contribuer à la réalisation des objectifs de la LMSI [39] . Ces objectifs comprennent la protection des producteurs au Canada du dommage ou de la menace de dommage causé par les importations de marchandises sous‑évaluées [40] .

[42] Dans le cadre d’affaires précédentes, le Tribunal a considéré des facteurs structurels et comportementaux pour l’aider à trancher la question de savoir si un producteur national doit être exclu du cadre de la branche de production nationale [41] . Alors que les facteurs structurels portent sur les caractéristiques du marché et la place du producteur sur ce marché (exprimée à l’aide de divers ratios liés aux importations de marchandises en cause, à la production nationale, et aux ventes de ces deux composantes), les facteurs comportementaux portent sur le comportement du producteur (directement et indirectement par l’intermédiaire de sociétés liées). Les facteurs comportementaux peuvent comprendre l’examen de la question de savoir si le producteur a importé des marchandises en cause comme mesure défensive contre l’importation d’autres marchandises sous‑évaluées ou comme mesure offensive pour ravir des parts de marché à d’autres producteurs nationaux de marchandises similaires, et de la question de savoir si le producteur a importé les marchandises en cause pour exploiter un créneau de marché particulier ou pour faire concurrence de façon générale aux marchandises similaires produites par d’autres producteurs nationaux.

[43] Ces facteurs ont été élaborés par le Tribunal pour guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu du paragraphe 2(1) de la LMSI. Toutefois, ils ne sont ni exhaustifs ni universellement applicables [42] . Ils ne sont pas non plus destinés à être appliqués mécaniquement. En fait, l’importance à accorder à chaque facteur applicable dépend fortement des circonstances factuelles de chaque affaire. En fin de compte, l’exclusion d’un producteur de la branche de production nationale relève entièrement du pouvoir discrétionnaire du Tribunal en fonction des faits présentés dans le cadre de chaque enquête [43] . Le Tribunal se penchera maintenant sur les faits de la présente enquête.

[44] En ce qui concerne les facteurs structurels, les éléments de preuve au dossier indiquent que, bien que Tenaris Canada ait importé et vendu, sur le marché canadien, un volume relativement important de marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête, sa production nationale et ses ventes de marchandises similaires ont été plus importantes tout au long de cette période [44] . Les éléments de preuve indiquent en outre que Tenaris Canada était le plus grand producteur national de marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête; sa production nationale et ses ventes de marchandises similaires représentaient une proportion relativement importante de la production nationale et des ventes totales de marchandises similaires au cours de cette période [45] .

[45] Par conséquent, d’un point de vue strictement mathématique, Tenaris Canada est principalement un producteur national. Toutefois, comme il est examiné plus en détail ci-dessous, le volume de marchandises en cause importées et vendues par Tenaris Canada au cours de la période visée par l’enquête, qui est néanmoins important, suggère que ces marchandises étaient un élément important de sa stratégie commerciale et, en outre, qu’elles ne revêtaient pas la nature d’une mesure défensive.

[46] Comme il est indiqué dans le rapport d’enquête du Tribunal, Tenaris Canada était le seul répondant au questionnaire qui a déclaré avoir importé des marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête du Tribunal [46] . Ses importations constituaient donc la totalité des importations de marchandises en cause déclarées au cours de cette période. L’ASFC confirme que Tenaris Canada était l’importateur de la totalité, ou presque, des importations de marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête, et a conclu que toutes les marchandises en cause exportées au Canada par TAMSA au cours de la période de son enquête sur le dumping étaient acheminées à TGSC et que ces exportations représentaient 99 p. 100 de la valeur totale des marchandises en cause expédiées au Canada au cours de cette période [47] .

[47] Le Tribunal conclut que, dans les circonstances de la présente enquête, ce dernier facteur revêt une grande importance pour son analyse, puisqu’il suggère que Tenaris Canada était en grande partie, voire entièrement, à l’abri de tout effet négatif des marchandises en cause.

[48] En ce qui concerne les facteurs comportementaux, Tenaris S.A. est l’un des principaux producteurs mondiaux de produits d’acier destinés à l’industrie mondiale de l’énergie, avec un réseau mondial intégré d’usines de production situées dans plus de 15 pays (dont Algoma au Canada et TAMSA au Mexique) [48] . De plus, TGSU est le siège social mondial d’un réseau de filiales (y compris TGSC) qui font de la commercialisation, exécutent des services à la clientèle et assurent la distribution internationale et la logistique, donnant ainsi accès à des marchés particuliers pour tous les produits de Tenaris [49] . Par conséquent, TGSC offre un prix unique pour un article particulier de Tenaris avant de choisir une source d’approvisionnement réelle dans le réseau de production de Tenaris [50] . Le statut de TGSC comme distributeur à « faible risque » [traduction] de produits de Tenaris signifie qu’il est habilité à recevoir des transferts rétrospectifs des usines de Tenaris, tant étrangères que nationales, lorsqu’elle vend aux utilisateurs finaux à des prix qui ne couvrent pas les frais généraux, de vente et d’administration, ou une marge bénéficiaire cible donnée [51] . Selon le Tribunal, ce qui précède illustre que les usines de Tenaris se comportent différemment envers TGSC que ne le font des producteurs non liés, ce qui appuie en outre une conclusion selon laquelle ces entités sont liées au sens de ce terme, tel que défini au paragraphe 2(1.2) de la LMSI.

[49] De plus, Tenaris Canada a importé la totalité ou presque des marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête. Par conséquent, il n’y avait pas d’autres marchandises sous‑évaluées en provenance du Mexique contre lesquelles ses propres importations pourraient constituer le fondement d’une stratégie défensive (c’est-à-dire une stratégie visant à conserver des parts de marché qui auraient autrement été perdue au profit des marchandises en cause importées par des concurrents non liés sur le marché). Autrement dit, Tenaris Canada n’aurait pas pu lancer une stratégie défensive contre ses propres importations. Il s’ensuit donc que Tenaris Canada doit avoir importé les marchandises en cause dans le cadre d’une stratégie agressive.

[50] Tenaris Canada a affirmé qu’elle n’a pas importé les marchandises en cause dans le cadre d’une stratégie agressive, mais plutôt en complément de sa production nationale, c’est-à-dire en y ajoutant des marchandises qu’elle ne pouvait pas produire au pays et, après la fermeture de son usine de Prudential en 2020, pour continuer à offrir à ses clients actuels certaines nuances de produits qui y avaient été fabriqués jusqu’à ce que sa nouvelle chaîne de production de FTPP soudées soit construite à son usine d’Algoma, à Sault Ste. Marie, et que celle-ci devienne opérationnelle. Selon M. Ricardo Prosperi, président-directeur général des sociétés Tenaris au Canada, cette nouvelle chaîne de production sera opérationnelle en mars 2022 et la production commerciale pour répondre aux commandes des clients débutera en avril 2022 [52] .

[51] Le Tribunal est d’avis que l’important volume de marchandises en cause importées et vendues par Tenaris Canada au cours de la période visée par l’enquête faisait partie intégrante de sa stratégie commerciale visant à faire concurrence à d’autres producteurs nationaux pour obtenir des parts additionnelles de marché en offrant aux clients une gamme complète de produits en temps opportun et, dans la dernière partie de la période visée par l’enquête, pour conserver leurs parts de marché qui auraient autrement pu être perdue au profit d’autres producteurs nationaux après la fermeture de l’usine de Prudential [53] . Bien qu’il y ait un certain désaccord quant à la mesure dans laquelle les parties plaignantes étaient capables de produire toutes les nuances de FPTT importées par Tenaris Canada du Mexique, la preuve indique qu’elles pourraient, à tout le moins, produire une proportion considérable de ces nuances [54] . Les marchandises en cause importées par Tenaris Canada ne comblaient donc pas un créneau de marché particulier, mais faisaient plutôt concurrence de façon générale avec des marchandises similaires produites par les parties plaignantes. Le Tribunal fait remarquer que la façon dont Tenaris Canada établit les prix de vente des marchandises similaires produites au pays et des marchandises en cause ne modifiera pas fondamentalement cette situation. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal conclut que Tenaris Canada a importé les marchandises en cause dans le cadre d’une stratégie délibérée et agressive.

[52] Tenaris Canada a également fait valoir qu’elle devrait faire partie de la branche de production nationale au motif qu’elle est d’abord et avant tout un producteur national de marchandises similaires, comme en témoigne le fait qu’elle était le plus grand producteur national de marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête, que ses ventes proviennent principalement, et de plus en plus, de la production nationale et qu’elle a fait des investissements importants pour faire accroître ses activités au Canada.

[53] Comme il a été indiqué ci-dessus, le Tribunal reconnaît que, en se fondant sur les facteurs structurels, Tenaris Canada est d’abord et avant tout un producteur national de marchandises similaires. En effet, elle a fait partie de la branche de production nationale dans le cadre d’enquêtes de dommage antérieures, qui ne concernaient pas des FTPP sous-évaluées ou subventionnées en provenance du Mexique. Toutefois, cette conclusion doit être considérée en tenant compte du fait que, en l’espèce, Tenaris Canada, par l’intermédiaire de TGSC, a importé la totalité ou presque des marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête et que ces importations s’inscrivaient dans une stratégie commerciale calculée. Le statut de producteur national de Tenaris Canada ne remet pas en question le fait qu’elle a réellement bénéficié de la vente des marchandises en cause qui ont fait concurrence de façon générale aux marchandises similaires produites par les parties plaignantes.

[54] De plus, bien que le Tribunal ait déjà affirmé qu’il considère généralement qu’un producteur national de marchandises similaires ne fait pas partie de la branche de production nationale si ce producteur est d’abord et avant tout un intermédiaire en ce qui concerne l’importation des marchandises en cause [55] , il n’existe pas de critère juridique autonome selon lequel un producteur est exclu s’il est « d’abord et avant tout » un intermédiaire. Le Tribunal est d’avis que, lorsqu’un producteur national importe la totalité ou presque des marchandises en cause et que ces marchandises font concurrence de façon générale aux marchandises similaires produites par les autres producteurs nationaux, comme c’est le cas en l’espèce, son exclusion de la branche de production nationale est conforme aux objectifs de la LMSI, même si le producteur n’est pas d’abord et avant tout un intermédiaire en ce qui concerne l’importation des marchandises en cause. En fin de compte, c’est le fait que Tenaris Canada a grandement bénéficié de la vente des marchandises en cause et a donc été à l’abri de tout effet négatif potentiel qui en découlerait qui justifie son exclusion en l’espèce, veillant ainsi à ce que les données agrégées relatives à l’état de la branche de production nationale ne soient pas faussées.

[55] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il convient d’exclure Tenaris Canada de la définition de la branche de production nationale aux fins de la présente enquête.

Composition de la branche de production nationale

[56] Compte tenu de l’exclusion de Tenaris Canada, la branche de production nationale en l’espèce est composée d’Evraz et de WTC, les seuls autres producteurs nationaux connus de FTPP visées par la définition du produit. Le Tribunal déterminera donc si le dumping des marchandises en cause a causé un dommage ou menace de causer un dommage aux parties plaignantes.

ANALYSE DE DOMMAGE

[57] Le paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [56] (Règlement) prévoit que, pour déterminer si le dumping a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit tenir compte du volume des marchandises sous-évaluées, de leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché national et de leur incidence sur la situation de la branche de production nationale. Le paragraphe 37.1(3) exige également que le Tribunal détermine s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1), et si des facteurs autres que le dumping des marchandises ont causé un dommage.

[58] Le Tribunal souligne que, étant donné que la branche de production nationale est composée uniquement d’Evraz et de WTC et qu’il y a un nombre relativement limité d’importateurs participant à la présente enquête, il n’est pas possible, dans de nombreux cas, de révéler en l’espèce des données agrégées sur les importations, les ventes, les prix, la production et les finances sans compromettre, directement ou indirectement, la confidentialité des renseignements d’un ou de plusieurs répondants [57] . Dans ces cas-là, le Tribunal fournira, dans la mesure du possible, un ordre de grandeur général.

[59] Avant de procéder à son analyse de dommage, le Tribunal donnera d’abord un peu de contexte à cette analyse en résumant les développements importants qui se sont produits depuis qu’il a rendu ses conclusions dans Caissons sans soudure et qui ont une incidence sur le marché des FTPP au cours de la période visée par l’enquête.

Contexte de l’analyse de dommage

[60] La présente enquête de dommage (FTPP III) fait suite à un certain nombre de procédures de recours commerciaux concernant des caissons et des tubes pour puits de pétrole et de gaz qui ont été menées par le Tribunal depuis 2007.

[61] En mars 2008, le Tribunal a conclu, dans Caissons sans soudure, que le dumping et le subventionnement des caissons sans soudure de la République populaire de Chine (Chine) menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Ces conclusions sont toujours en vigueur, le Tribunal les ayant prorogées en mars 2013 et en novembre 2018 à la suite de réexamens relatifs à l’expiration [58] . Ces conclusions expireront en novembre 2023, à moins que le Tribunal ne procède à un réexamen relatif à l’expiration entre-temps.

[62] En mars 2010, le Tribunal a conclu, dans FTPP I, que le dumping et le subventionnement de FTPP en provenance de Chine, à l’exclusion des caissons sans soudure visés par les conclusions susmentionnées, avaient causé un dommage à la branche de production nationale. Ces conclusions sont également toujours en vigueur, le Tribunal les ayant prorogées en mars 2015 et en décembre 2020 à la suite de réexamens relatifs à l’expiration [59] .

[63] En avril 2015, le Tribunal a conclu, dans FTPP II, que le dumping de FTPP provenant du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu, de la République de l’Inde, de la République d’Indonésie, de la République des Philippines, de la République de Corée, du Royaume de Thaïlande, de la République de Turquie, d’Ukraine et de la République socialiste du Vietnam menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. Ces conclusions ont été prorogées en partie par le Tribunal en décembre 2020 à la suite d’un réexamen relatif à l’expiration [60] .

[64] En avril 2019, le Tribunal a conclu son enquête de sauvegarde sur les importations de sept catégories de produits de l’acier, y compris des produits tubulaires pour le secteur de l’énergie (une catégorie de produits qui couvre de manière générale les FTPP et les tubes de canalisation), et a conclu que, bien qu’il y avait eu une augmentation sensible des importations de produits tubulaires pour le secteur de l’énergie provenant de toutes les sources (sauf de quelques pays exclus de la portée de l’enquête), cela n’avait pas causé de dommage grave ni ne menaçait de causer un dommage grave aux producteurs nationaux de marchandises similaires ou directement concurrentes [61] . Les producteurs nationaux qui faisaient partie de la branche de production nationale comprenaient Bri‑Steel Corporation (un producteur de tuyaux sans soudure), Evraz, Tenaris Canada et WTC [62] .

[65] Notamment, le Tribunal a conclu que, dans la mesure où la branche de production nationale dans son ensemble avait subi un dommage moins que « grave », le dommage avait été largement auto-infligé en raison des importations de Tenaris Canada, dont une proportion importante provenait de TAMSA et avait remplacé des produits tubulaires pour le secteur de l’énergie produits au pays tout au long de la période visée par l’enquête (c’est-à-dire du 1er janvier 2015 au 30 juin 2018) [63] . Le Tribunal a considéré que la concurrence au sein de la branche de production nationale était également un facteur important du dommage causé à la branche de production nationale [64] . En ce qui concerne la menace de dommage, le Tribunal a conclu que ces mêmes facteurs, ainsi que la demande relativement faible prévue dans le marché en 2019, étaient des causes plus importantes de dommage futur probable à la branche de production nationale que l’augmentation des importations visées [65] .

[66] Comme il est mentionné ci-dessus, le 26 octobre 2021, moins d’un mois après l’ouverture de la présente enquête, le Tribunal a ouvert son enquête dans FTPP IV afin de déterminer si le dumping de FTPP de même description de l’Autriche avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. La plainte dans FTPP IV a été déposée par Tenaris Canada auprès de l’ASFC le 17 mai 2021, une semaine après qu’Evraz et WTC aient déposé la plainte qui a finalement mené à l’ouverture de la présente enquête. Les conclusions du Tribunal dans FTPP IV doivent être publiées le 22 février 2022.

[67] Le Canada est l’un des plus grands producteurs mondiaux de gaz naturel et de pétrole brut. Il s’agit donc d’un marché important pour les FTPP. Comme l’a réitéré le Tribunal dans de récents réexamens relatifs à l’expiration, le marché canadien des FTPP suit de près l’exploration et la production pétrolières et gazières, et il est étroitement lié au nombre de forages et de puits en activité à un moment donné [66] . Quand les forages pétroliers et gaziers augmentent, la demande de FTPP augmente aussi. Le nombre de forages ou de puits en activité est influencé à son tour par le prix du pétrole et du gaz; plus le prix est élevé, plus il y a de forages.

[68] Le marché canadien des FTPP a chuté en 2019 et en 2020 en raison d’une baisse de la demande causée par un certain nombre de facteurs, y compris les contraintes de capacité de transport, ce qui a amené le gouvernement de l’Alberta à annoncer une réduction obligatoire de 8,7 p. 100 de la production pétrolière à compter de janvier 2019, ainsi que le début de la guerre des prix du pétrole entre la Russie et l’Arabie saoudite et l’imposition des mesures mondiales de lutte contre la COVID-19 au début de 2020, ce qui a gravement fait baisser les prix du pétrole et réduit la demande nationale et internationale de pétrole et de gaz [67] . Cela a incité Evraz à temporairement cesser d’exploiter certaines de ses usines pendant d’importantes périodes à compter d’avril 2020 [68] . Des signes de retour de la demande sont apparus à la fin de 2020 et en 2021, et une demande plus élevée est prévue en 2022 [69] .

[69] Le ralentissement du marché canadien des FTPP découlant des facteurs susmentionnés et les débuts subséquents d’une reprise vers la fin de la période visée par l’enquête sont reflétés clairement dans les données du rapport d’enquête du Tribunal [70] ; ils suivent de près les variations des prix du pétrole et du gaz, ainsi que les changements dans les activités de forage au cours de cette période. En effet, divers prix de référence du pétrole et du gaz, et les activités de forage au Canada ont généralement chuté en 2019 et de nouveau au début de 2020, puis ont augmenté progressivement à la fin de 2020 et en 2021 [71] .

[70] Un autre développement pertinent qui s’est produit au cours de la période visée par l’enquête, et qui a déjà été mentionné ci-dessus, a été la décision de Tenaris Canada de fermer son usine de Prudential à Calgary, en Alberta, en 2020, et de déménager la production de FTPP soudées à son usine d’Algoma, à Sault Ste. Marie. Le transfert de la production de FTPP soudées à Sault Ste. Marie fait partie d’un projet de transformation industrielle de 117 millions de dollars entrepris par Tenaris Canada, qui verra également l’installation d’une nouvelle chaîne de filetage haut de gamme et d’un nouveau système industriel, ainsi que diverses améliorations de la productivité, de la qualité et de la sécurité, à son installation d’Algoma [72] . Tenaris Canada s’attend à ce que la production de FTPP soudées commence en mars 2022 et à ce que la production commerciale pour répondre aux commandes des clients débute en avril 2022 [73] .

[71] C’est dans ce contexte que le Tribunal entreprendra son analyse de dommage.

Volume des importations des marchandises sous-évaluées

[72] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal doit prendre en compte le volume des marchandises sous-évaluées et, plus particulièrement, doit déterminer s’il y a eu une augmentation marquée du volume soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation des marchandises similaires.

[73] En quantité absolue, le volume des importations visées a diminué annuellement de 60 p. 100 en 2019 et de 22 p. 100 de plus en 2020, puis a augmenté de 21 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [74] . Les éléments de preuve au dossier suggèrent que l’augmentation des importations visées au cours de la période intermédiaire de 2021 était entièrement attribuable à une augmentation importante de l’importation de caissons J55, c’est-à-dire de FTPP au carbone [75] . En fait, si les importations de caissons J55 de TAMSA étaient demeurées aux niveaux observés au deuxième semestre de 2019 et en 2020, le volume total des importations visées aurait diminué de plus de 25 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [76] . Selon M. Prosperi, Tenaris Canada a dû importer de grandes quantités de caissons J55 pour combler l’écart de production temporaire découlant de la fermeture de l’usine de Prudential et continuer de servir les clients actuels en attendant l’achèvement de sa nouvelle chaîne de production de FTPP soudées à Sault Ste. Marie [77] .

[74] Le volume d’importations non visées en provenance de pays pour lesquels des mesures ont été mises en place (c’est‑à‑dire les pays visés par les conclusions du Tribunal dans Caissons sans soudure, FTPP I et FTPP II), à savoir l’Autriche, les États-Unis et d’autres pays (c’est-à-dire tous les autres pays), pris individuellement ou collectivement, a diminué de 2018 à 2020, puis de nouveau au cours de la période intermédiaire de 2021 [78] .

[75] Les volumes susmentionnés ont entraîné une diminution de la part des importations totales détenue par les marchandises en cause en 2019, puis une certaine augmentation en 2020, ce qui représente une baisse nette de 2 points de pourcentage au cours de cette période [79] . Toutefois, au cours de la période intermédiaire de 2021, cette part a augmenté de 12 points de pourcentage par rapport à la période intermédiaire de 2020. Encore une fois, si les importations de caissons J55 étaient demeurées aux niveaux observés au deuxième semestre de 2019 et en 2020, la part des marchandises en cause dans les importations totales aurait diminué au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 et à l’année complète de 2018 [80] .

[76] Par rapport à la production nationale, le volume des importations visées a diminué annuellement de 23 points de pourcentage en 2019, puis augmenté de 30 points de pourcentage en 2020 et de 10 points de pourcentage de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [81] . Par rapport aux ventes intérieures provenant de la production nationale (c’est-à-dire les ventes de la branche de production nationale aux distributeurs), le volume des importations visées a suivi une tendance semblable : une diminution de 26 points de pourcentage en 2019, puis une augmentation de 25 points de pourcentage en 2020 et de 47 points de pourcentage de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020. Dans les deux cas, l’augmentation du volume relatif des importations visées en 2020 et au cours de la période intermédiaire de 2021 est le résultat d’une diminution importante de la production et des ventes nationales de la branche de production nationale, qui, dans une large mesure, semble être le résultat de la réduction des stocks des distributeurs (la réduction des stocks et son rôle à titre de facteur autre que le dumping causant un dommage à la branche de production nationale seront examinés plus en détail ci-dessous).

[77] Comme il sera discuté plus en détail ci-dessous, la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires produites par la branche de production nationale s'exerce au niveau commercial des utilisateurs finaux. Étant donné que les parties plaignantes (c’est-à-dire la branche de production nationale) ne font que vendre des marchandises similaires directement aux distributeurs, l’évaluation des importations visées par rapport aux ventes aux distributeurs, telle que faite ci-dessus, n’offre pas un portrait véritable du volume de marchandises en cause importées par rapport à la consommation réelle de marchandises similaires dans le marché [82] . Lorsqu’évalué par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays (c’est-à-dire les ventes de distributeurs aux utilisateurs finaux), le volume des importations visées a diminué annuellement de 52 points de pourcentage en 2019, puis augmenté de 7 points de pourcentage en 2020 et de 11 points de pourcentage de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [83] . En l’espèce, les augmentations en 2020 et au cours de la période intermédiaire de 2021 ont été beaucoup moins marquées que celles observées dans la comparaison effectuée à l’aide des ventes de la branche de production nationale, puisque les distributeurs ont maintenu leurs volumes de ventes, tout en réduisant sensiblement leurs stocks. Le volume des importations visées par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays a également été inférieur au cours de la période intermédiaire de 2021, comparativement au début de la période visée par l’enquête.

[78] Si les importations de caissons J55 étaient demeurées aux niveaux observés au deuxième semestre de 2019 et en 2020, le volume des importations visées par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays aurait diminué au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 et à l’année complète de 2018 [84] .

[79] Compte tenu de ce qui précède, il est clair que si Tenaris Canada n’avait pas importé d’importants volumes de caissons J55 après la fermeture de l’usine de Prudential, il n’y aurait pas eu d’augmentation importante, tant en quantité absolue que relative, du volume des importations visées au cours de la période visée par l’enquête [85] . Toutefois, comme le Tribunal mène son enquête en se fondant sur le fait qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises, il n’y a aucun motif permettant de considérer les importations de caissons J55 séparément de toutes les autres importations de marchandises en cause. Le Tribunal conclut donc qu’il y a eu une augmentation marquée du volume des importations visées, tant en quantité absolue que relative, au cours de la période intermédiaire de 2021.

[80] Tenaris Canada soutient qu’une proportion importante de toutes les importations visées étaient des nuances de FTPP de gamme supérieure qui ont fait concurrence à d’autres importations que les parties plaignantes n’ont pas produites et étaient incapables de produire, et qu’elles devraient donc être exclues de l’analyse de dommage. Bien que Tenaris Canada ait déposé des demandes d’exclusion à l’égard de ces nuances, elle a néanmoins demandé que ces volumes « non concurrentiels » [traduction] soient exclus à cette étape de l’analyse.

[81] Le Tribunal fait remarquer, comme il l’a fait ci-dessus, qu’il mène son enquête en se fondant sur le fait qu’il n’y a qu’une seule catégorie de marchandises. S’il excluait, à cette étape de l’analyse, les nuances de FTPP dont Tenaris Canada a demandé l’exclusion, il créerait en fait une catégorie distincte de marchandises [86] . Le Tribunal reconnaît toutefois que l’octroi d’exclusions pour des produits qui représentent une grande proportion des marchandises en cause importées au cours de la période visée par l’enquête poserait certains problèmes et pourrait, selon les circonstances, obliger le Tribunal à examiner la question de savoir si le dumping des autres marchandises en cause (c’est‑à‑dire celles qui n’ont pas été exclues) cause un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Étant donné que le Tribunal n’a conclu en fin de compte à aucun dommage ni à aucune menace de dommage en l’espèce, il n’a pas à examiner les demandes d’exclusion de produits de Tenaris Canada ni à déterminer s’il serait nécessaire de reprendre son analyse de dommage dans l’éventualité où ces exclusions étaient accordées.

Effet des marchandises sous-évaluées sur les prix

[82] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, doit déterminer si les marchandises sous-évaluées ont, de façon marquée, mené soit à la sous-cotation ou à la baisse du prix des marchandises similaires, soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui, par ailleurs, se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises. À cet égard, le Tribunal fait une distinction entre l’effet des marchandises sous-évaluées sur les prix et l’effet sur les prix qui découlent d’autres facteurs.

[83] Avant d’examiner l’effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires, le Tribunal déterminera d’abord l’importance relative du prix dans les décisions d’achat de FTPP, le niveau commercial auquel a lieu la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires, la question de savoir si les acheteurs sont disposés à payer une prime pour les FTPP sans soudure par rapport aux FTPP soudées de mêmes nuances, ainsi que les arguments soulevés par les parties plaignantes concernant la façon, le cas échéant, dont les marchandises en cause ont permis à Tenaris Canada de vendre à la fois des marchandises similaires produites au pays et des marchandises en cause au même prix (c’est-à-dire la stratégie du « prix unique » [traduction] de Tenaris Canada). Ces questions sont particulièrement pertinentes à l’analyse de la sous-cotation des prix du Tribunal.

Importance du prix dans les décisions d’achat

[84] Le Tribunal a conclu de façon constante que les FTPP importées et produites au pays, qu’elles soient soudées ou sans soudure, sont des produits de base qui sont principalement achetés en fonction du prix et que le prix est donc une considération principale influant sur les décisions d’achat [87] . Cela ne faisait pas l’objet d’un différend entre les parties.

[85] Les éléments de preuve recueillis par le Tribunal dans le cadre de la présente enquête confirment que c’est toujours le cas. Par exemple, tous les répondants au questionnaire du Tribunal à l’intention des acheteurs ont indiqué que le prix net le plus bas constituait un facteur très important ou assez important dans les décisions d’achat et que les produits les moins dispendieux remportaient toujours, généralement ou parfois les contrats ou les ventes [88] . La majorité des répondants ont également indiqué qu’une réduction de 0 p. 100 à 10 p. 100 du prix ferait en sorte que le prix deviendrait le facteur principal des décisions d’achat [89] . En outre, un certain nombre de témoins ont confirmé que, non seulement les FTPP sont achetées par les distributeurs et les utilisateurs finaux principalement en fonction du prix, mais qu’en raison des conditions actuelles du marché, il existe une grande transparence des prix entre les fournisseurs et les distributeurs concurrents, de sorte que les offres de petits volumes peuvent entraîner des effets importants et généralisés sur les prix [90] .

[86] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le prix est une considération principale dans les décisions d’achat de FTPP et que les marchandises sous-évaluées offertes ou vendues à un prix inférieur à celui des marchandises similaires produites au pays auront des effets négatifs sur le prix des marchandises similaires.

Niveau commercial auquel a lieu la concurrence

[87] Les parties plaignantes soutiennent que les comparaisons de prix ne peuvent être significatives que si elles sont faites aux niveaux commerciaux auxquels les marchandises en cause et les marchandises similaires se font directement concurrence. À leur avis, étant donné que TGSC vend directement aux utilisateurs finaux, le point de comparaison pertinent pour l’analyse de la sous‑cotation des prix du Tribunal est la vente par un distributeur canadien (par exemple, ATP ou Trimark) de produits d’Evraz ou de WTC aux utilisateurs finaux.

[88] Tenaris Canada a essentiellement convenu qu’il fallait tenir compte du fait que les parties plaignantes vendent aux distributeurs, alors que Tenaris Canada vend aux utilisateurs finaux. Toutefois, elle a fait remarquer que les distributeurs interviennent entre les parties plaignantes et les utilisateurs finaux, et que leurs actions peuvent causer un dommage aux parties plaignantes.

[89] Les éléments de preuve au dossier indiquent que, au cours de la période visée par l’enquête du Tribunal, les parties plaignantes ont vendu l’ensemble des FTPP qu’elles ont produites aux distributeurs, qui, à leur tour, ont vendu la grande majorité de ces produits aux utilisateurs finaux [91] . De plus, comme il a déjà été souligné, Tenaris Canada était l’importateur de l’ensemble des importations déclarées de marchandises en cause au cours de la période d’enquête du Tribunal. Par conséquent, puisque Tenaris Canada ne s’est pas procuré de FTPP auprès des parties plaignantes et a vendu la grande majorité des importations visées directement aux utilisateurs finaux [92] , la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires s’est faite presque exclusivement au niveau commercial des utilisateurs finaux [93] . C’est à ce niveau commercial que les acheteurs ont été confrontés au choix de se procurer les marchandises en cause auprès de Tenaris Canada ou les marchandises similaires auprès d’autres distributeurs, et c’est donc à ce niveau commercial que le Tribunal réalisera son analyse de la sous-cotation des prix.

[90] Le Tribunal fait remarquer que, dans la mesure où Tenaris Canada pratiquait des prix inférieurs à ceux des distributeurs des parties plaignantes, tout effet sur les volumes et les prix qui en résulterait constituerait un dommage pour les distributeurs des parties plaignantes, et non pas nécessairement pour les parties plaignantes elles-mêmes. Afin de conclure que toute sous-cotation des prix a causé un dommage aux parties plaignantes, le Tribunal serait ensuite tenu d’examiner si, compte tenu des éléments de preuve au dossier, ces effets sur les volumes et les prix ont été transférés aux parties plaignantes. En d’autres termes, le Tribunal serait tenu d'examiner s’il existe un lien de cause à effet entre le dommage subi par les distributeurs et le dommage subi par la branche de production nationale. En ce sens, le Tribunal est d’accord avec Tenaris Canada que les distributeurs sont des intervenants et que leurs actions, plutôt que le dumping des marchandises en cause, peuvent causer un dommage à la branche de production nationale.

Existence d’une majoration du prix des FTPP sans soudure

[91] Les parties plaignantes font valoir que les éléments de preuve relatifs à la sous-cotation des prix en l’espèce doivent être examinés en tenant compte de la majoration du prix, de l’ordre de 200 $ par tonne, ou environ 15 p. 100, laquelle a toujours été en vigueur dans le marché canadien pour les FTPP sans soudure par rapport aux FTPP soudées de même nuance. Elles soutiennent que toute diminution de cette majoration constitue une forme de pratique de prix inférieurs et peut avoir des effets d’entraînement négatifs sur les prix dans l’ensemble de la gamme de FTPP.

[92] Tenaris Canada soutient qu’au Canada, au cours de la période visée par l’enquête, il n’y avait aucune majoration pertinente du prix des FTPP sans soudure et que les prix des FTPP sans soudure devraient donc être directement comparés aux prix des FTPP soudées. En particulier, elle fait remarquer qu’en raison de la hausse du coût des bobines laminées à chaud, la production de FTPP soudées a perdu son avantage perçu sur le plan des coûts par rapport à la production de FTPP sans soudure. À son avis, il n’y a qu’une majoration du prix des FTPP sans soudure pour les utilisateurs finaux dont le profil de risque indique qu’ils préfèrent un produit sans soudure [94] .

[93] Les parties plaignantes affirment en réponse que les éléments de preuve, en particulier les données sur les produits de référence, prouvent l’existence d’une majoration du prix des FTPP sans soudure qui a diminué et qui a, dans certains cas, été complètement supprimée au cours des huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête alors que Tenaris Canada a vendu au Canada des FTPP sans soudure à bas prix provenant du Mexique. Elles remettent également en question l’affirmation de Tenaris Canada selon laquelle les FTPP soudées ont perdu leur avantage perçu sur le plan des coûts, soulignant que les données de Tenaris Canada ne sont pas des données sur les coûts des FTPP sans soudure seulement et qu’elle n’a comparé ses coûts qu’avec ceux d’Evraz, et non pas avec ceux de WTC.

[94] Selon le Tribunal, la question pertinente pour déterminer si les marchandises en cause ont eu des effets négatifs importants sur le prix des marchandises similaires pendant la période visée par l’enquête est de savoir si les acheteurs étaient disposés à payer jusqu’à 200 $ de plus par tonne pour des FTPP sans soudure d’une nuance particulière plutôt que de se procurer des FTPP soudées de même nuance dans les cas où les deux types répondaient à leurs exigences techniques pour une utilisation finale particulière et se faisaient donc concurrence uniquement sur le plan du prix. Il s’ensuit que, si les acheteurs étaient disposés à le faire, cela signifierait que toute diminution de cette majoration alléguée de 200 $ par tonne du prix des FTPP sans soudure entraînerait vraisemblablement une perte de ventes pour les distributeurs de FTPP soudées ou une baisse de leurs prix, puisque les acheteurs se tourneraient vers des FTPP sans soudure ou demanderaient des réductions de prix.

[95] Le fait qu’il y ait historiquement eu un écart de prix entre des FTPP soudées et des FTPP sans soudure de mêmes nuances et que, dans certains cas, il semble que cet écart ait diminué au cours de la période visée par l’enquête (comme en témoignent les données sur les produits de référence dans le rapport d’enquête du Tribunal) ne constitue pas un élément de preuve positif de l’existence d’une majoration du prix des FTPP sans soudure dans le sens préconisé par les parties plaignantes. En fait, un écart de prix entre les FTPP soudées et les FTPP sans soudure peut simplement refléter un degré moindre de concurrence en raison du fait que certains acheteurs avaient besoin de FTPP sans soudure, ou ont choisi de se procurer des FTPP sans soudure pour des raisons qui ne sont pas intrinsèquement liées à la méthode de fabrication du produit (par exemple, en raison des délais de livraison ou de l’existence de relations d’approvisionnement à long terme), et qu’ils étaient donc désavantagés lors de la négociation des prix [95] .

[96] En effet, les éléments de preuve au dossier indiquent que, lorsque des FTPP sans soudure ne sont pas spécifiées ou requises pour des utilisations finales particulières, les acheteurs ne sont pas disposés à payer une prime pour ce produit. Par exemple, M. Chris Awe, un conseiller principal de la gestion de la chaîne d’approvisionnement en amont chez Cenovus, a expliqué que, bien qu’il y ait eu par le passé une perception selon laquelle les FTPP sans soudure étaient un produit de meilleure qualité, c’est une vision désuète, et aujourd’hui, les FTPP soudées et sans soudure peuvent se faire concurrence dans la plupart des applications [96] . Il a ajouté que, sous réserve de toute exigence technique, Cenovus peut utiliser des FTPP soudées ou sans soudure dans des applications requérant un produit de haute qualité et qu’elle ne paierait pas 2 $ de plus par tonne pour des FTPP sans soudure si les FTPP sans soudure et soudées respectaient toutes les deux l’ensemble de ses spécifications techniques [97] .

[97] Cela est corroboré par les réponses au questionnaire du Tribunal à l’intention des acheteurs, qui indiquent que l’écrasante majorité des répondants ne sont pas disposés à payer une prime pour des FTPP d’une nuance ou spécification supérieure s’ils ne sont pas requis pour l’utilisation finale d’un point de vue technique [98] . En d’autres termes, aucun écart de prix n’inciterait ces répondants à se procurer des FTPP d’une nuance ou spécification supérieure à ce qui est requis d’un point de vue technique. Cela prouve que les acheteurs ne seraient pas non plus disposés à payer une prime pour des FTPP sans soudure lorsque des FTPP soudées répondraient à leurs exigences techniques pour une utilisation finale particulière.

[98] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il n’existe aucune majoration du prix des FTPP sans soudure et que, par conséquent, un écart de prix de moins de 200 $ par tonne entre les FTPP soudées et les FTPP sans soudure n’inciterait pas les acheteurs à passer des FTPP soudées aux FTPP sans soudure ou à demander des réductions de prix pour les FTPP soudées. Par conséquent, le Tribunal ne déduira pas un montant de 200 $ par tonne du prix de vente des FTPP sans soudure sous‑évaluées dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix.

Stratégie du « prix unique » de Tenaris Canada

[99] Les parties plaignantes soutiennent que l’utilisation par Tenaris Canada d’importations sensiblement sous-évaluées en provenance du Mexique et de prix à l’importation faisant l’objet d’un dumping important lui a permis d’offrir un « prix unique » pour les FTPP, peu importe l’origine, aux niveaux les plus bas nécessaires pour obtenir des ventes sur le marché canadien. Elles soutiennent que l’incidence de distorsion de cette stratégie du « prix unique » fondée sur les importations est évidente au vu des prix de transfert de Tenaris Canada entre TGSC et TGSU, qui garantissent que, peu importe le prix fixé par TGSC pour obtenir une vente sur le marché, la rentabilité de TGSC sera maintenue par TGSU ou l’usine d’approvisionnement (c’est-à-dire TAMSA).

[100] Les parties plaignantes ajoutent que la question de savoir si une vente particulière a été perdue en raison d’une offre à « prix unique » par Tenaris Canada, qui est ensuite comblée par des importations en provenance du Mexique, des FTPP produites au Canada ou une combinaison de ces importations et de ces FTPP, est hors de propos, car il est évident que les prix à l’importation des marchandises sous-évaluées en provenance du Mexique sont le moteur qui subventionne artificiellement et injustement une offre à « prix unique ».

[101] Tenaris Canada soutient que la réalité est que son approche du « prix unique » est plutôt fondée sur la production nationale, puisque les prix de vente des importations sont habituellement plus élevés que les prix de ses marchandises comparables produites au pays. Elle ajoute que ses mécanismes de prix de transfert n’ont rien à voir avec les décisions concrètes de fixation des prix de pleine concurrence, dans le cadre de la vente aux utilisateurs finaux, puisqu’elle vend ses marchandises au prix le plus élevé possible en fonction des réalités du marché. À cet égard, elle explique qu’au début de l’année, les prix de transfert nominaux sont fixés entre TGSC et TGSU, et que des ajustements sont subséquemment apportés si ces prix sont trop élevés (paiement de TGSU à TGSC) ou trop bas (paiement de TGSC à TGSU) afin de rajuster les bénéfices pour se conformer aux exigences fiscales.

[102] La présente affaire concerne le « vieux vin » [traduction] de l’acier dans les « nouvelles bouteilles » [traduction] d’une économie numérique mondialisée. Tenaris S.A. est l’un des principaux producteurs mondiaux de produits de l’acier utilisés dans l’industrie mondiale du pétrole et du gaz, avec des usines situées dans plus de 15 pays (y compris le Canada et le Mexique) et un réseau de distribution mondial dont le siège social se trouve en Uruguay (c’est-à-dire TGSU) et qui a une présence dans plus de 30 pays, y compris le Canada.

[103] Par l’entremise de son distributeur local au Canada (c’est-à-dire TGSC), Tenaris offre à ses clients canadiens potentiels des produits tubulaires appropriés à un prix unique, sans tenir compte de la source d’approvisionnement éventuelle de ce produit au sein de la famille d’installations de production de Tenaris [99] . Les produits offerts sont ensuite fournis à TGSC à partir de ces installations (nationales ou étrangères) à des prix ne présentant pas des conditions normales de concurrence [100] . TGSC est considérée comme un distributeur « à faible risque » [traduction] qui a le droit de recevoir des transferts après opération de ses fournisseurs liés à Tenaris (tant à l’étranger qu’au pays) lorsque les recettes générées par les ventes de TGSC aux utilisateurs finaux sont insuffisantes pour couvrir ses frais généraux, de vente et d’administration, ainsi qu’une marge bénéficiaire cible définie [101] .

[104] Comme il a déjà été souligné ci-dessus, TGSC vend des FTPP provenant du Mexique et des FTPP produites au Canada. Dans le cadre du régime d’ajustement des prix de transfert de Tenaris, TGSC fait affaire par l’entremise de TGSU lorsqu’elle importe des produits de sociétés étrangères affiliées, mais fait affaire directement avec des fournisseurs nationaux pour les transactions purement nationales. Lorsque cela est justifié, des ajustements des prix de transfert sont effectués entre TGSU et TGSC, et entre les fournisseurs nationaux et TGSC, selon la source du matériel et la cause de la perte [102] . En 2020, des ajustements des prix de transfert ont été effectués au bénéfice de TGSC par ses fournisseurs liés, ce qui signifie que les prix de vente de TGSC aux utilisateurs finaux n’étaient pas suffisants pour couvrir ses frais généraux, de vente et d’administration, ainsi qu’une marge bénéficiaire cible définie [103] . Les transferts à TGSC provenaient en partie de TGSU (pour les importations sous-évaluées en provenance du Mexique), mais principalement d’Algoma.

[105] L’inférence est triple. Premièrement, la capacité de TGSC à fixer des prix agressifs pour les produits de TAMSA et d’Algoma a été renforcée par son statut de distributeur à faible risque et sa connaissance de l’accès qu’elle avait aux ajustements futurs des prix de transfert, un avantage qui ne peut pas être obtenu par un distributeur indépendant qui a besoin d’un flux de recettes suffisant de ses clients pour couvrir ses frais et générer une marge bénéficiaire nette positive.

[106] Deuxièmement, la principale source de FTPP vendues par TGSC à des prix inférieurs à ses coûts d’acquisition n’était pas TAMSA, mais des filiales canadiennes.

[107] Troisièmement, TGSU ne fournit aucun soutien sous forme d’ajustements des prix de transfert pour les marchandises produites au pays. Les paiements de transfert entre TGSU et TGSC concernent le coût des produits importés, et seulement les produits importés [104] . En d’autres termes, les marchandises produites au Canada par Tenaris Canada et les marchandises en provenance du Mexique fonctionnent dans des niches distinctes, en ce qui a trait aux ajustements des prix de transfert. Il s’ensuit donc que la structure des prix et des coûts des marchandises produites au pays est exempte de toute influence exercée par les marchandises en cause du point de vue des prix de transfert.

[108] De plus, rien n’indique que Tenaris Canada utilise sa structure organisationnelle pour tirer parti des marchandises en cause d’une manière qui permettrait au Tribunal de conclure que tout dommage découlant des marchandises à bas prix produites au pays est attribuable aux marchandises en cause. En fait, aucun élément de preuve au dossier n’indique que Tenaris Canada met en œuvre une stratégie de prix unique au sens où les parties plaignantes l’ont initialement fait valoir. Ce qui peut ou non être qualifié de stratégie de « prix unique » de Tenaris Canada se limite à la fixation d’un prix par article et par client à un moment donné [105] . En d’autres termes, ce « prix unique » ne s’applique pas en tout temps, à tous les clients ou à tous les articles individuels.

[109] De plus, rien n’indique que Tenaris Canada offre des prix groupés au sens traditionnel (c’est‑à‑dire qu’un prix inférieur pour un ensemble composé de marchandises en cause et de marchandises produites au pays n’est possible que par l’inclusion des marchandises en cause) [106] . Le témoignage de Mme Shellie Clark et de M. Ricardo Prosperi de Tenaris Canada est clair à cet égard. TGSC utilise exclusivement des prix par produit [107] . Les clients sont libres de choisir, et ont choisi, de se procurer certains articles et non d’autres, ou, en d’autres termes, de scinder leurs commandes [108] . Le Tribunal conclut donc que ces mécanismes et structures de fixation des prix, de concert avec la mise en œuvre par Tenaris Canada d’ajustements des prix de transfert, n’étayent pas l’existence d’une stratégie intégrée visant à tirer parti des marchandises en cause de la façon dont les parties plaignantes l’ont fait valoir [109] .

[110] La conclusion de base de la présente enquête est que le dumping des FTPP en provenance du Mexique n’a pas causé de dommage sensible aux parties plaignantes; c’est plutôt l’incidence d’un certain nombre d’autres facteurs qui leur ont causé un dommage. Ces facteurs comprennent l’existence d’un ralentissement important de l’industrie, la pandémie de COVID-19, la réduction des stocks par des distributeurs indépendants qui a entraîné une baisse des ventes des parties plaignantes, et la fixation de prix agressifs par TGSC pour les marchandises produites au pays par sa filiale canadienne (c’est-à-dire la concurrence au sein de la branche de production nationale). Cela dit, le Tribunal ne souhaite pas sous-estimer l’incidence de la stratégie globale du « prix unique » de TGSC sur le rendement économique des parties plaignantes.

[111] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’attribuera aucun effet des marchandises produites au Canada par Tenaris Canada sur le prix des marchandises similaires produites par la branche de production nationale au dumping des marchandises en cause. En d’autres termes, tout effet négatif sur les prix découlant des marchandises produites au pays par Tenaris Canada sera considéré comme un dommage causé par des facteurs autres que le dumping et sera traité en conséquence.

Sous-cotation des prix

[112] Le Tribunal déterminera la mesure dans laquelle les marchandises en cause ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires en se fondant sur les conclusions susmentionnées, à savoir que le prix est le facteur clé dans les décisions d’achat, que la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires a eu lieu au niveau commercial des utilisateurs finaux, qu’il n’y a pas de majoration des prix des FTPP sans soudure et que toute sous-cotation des prix par les marchandises produites au pays par Tenaris Canada est un facteur non lié au dumping des marchandises en cause.

[113] Les données sur les prix de vente moyens indiquent que, au niveau commercial des utilisateurs finaux, le prix des marchandises en cause était grandement supérieur au prix des marchandises similaires produites au pays tout au long de la période visée par l’enquête, à l’exception de la période intermédiaire de 2021, où le prix des marchandises en cause n’était que légèrement supérieur à celui des marchandises similaires produites au pays [110] . L’écart de prix réduit au cours de la période intermédiaire de 2021 est le résultat d’une augmentation de 5 p. 100 du prix de vente des marchandises similaires, combinée à une diminution de 22 p. 100 du prix de vente des marchandises en cause au cours de cette période [111] . La diminution du prix de vente des marchandises en cause est attribuable à une augmentation importante des ventes de caissons J55, qui sont des FTPP d’une nuance à plus bas prix [112] .

[114] Les données sur les prix de vente moyens indiquent également que les prix des marchandises produites au pays par Tenaris Canada étaient très similaires aux prix des marchandises similaires produites au pays tout au long de la période visée par l’enquête, parfois légèrement plus élevés et parfois légèrement plus bas [113] .

[115] Les parties plaignantes soutiennent que, dans des affaires antérieures concernant des FTPP, le Tribunal a reconnu l’utilité plus limitée des données sur les prix moyens en raison de questions relatives à la combinaison de produits, mais il a toujours examiné ces données comme indicateur général des tendances du marché.

[116] Tenaris Canada convient que les questions relatives à la combinaison de produits peuvent être problématiques dans les comparaisons des prix moyens. Elle soutient que l’écart de prix pour les 36 premiers mois de la période visée par l’enquête indique qu’une grande partie des marchandises en cause sont des marchandises à prix élevé qui ne sont pas en concurrence avec les marchandises similaires produites au pays et que, par conséquent, elles ne peuvent pas causer de dommage.

[117] Le Tribunal convient que la comparaison des prix de vente moyens au niveau global est d’une utilité plus limitée en l’espèce, compte tenu des questions relatives à la combinaison de produits qui se posent en raison d’une définition de produit qui couvre un éventail relativement large de nuances et de types de FTPP. Toutefois, en l’espèce, ces données suggèrent qu’avant la période intermédiaire de 2021, il y avait vraisemblablement des volumes plus limités de marchandises en cause qui était en concurrence directe avec les marchandises similaires produites au pays. Compte tenu de l’écart de prix relativement important qui existait entre les marchandises en cause et les marchandises similaires produites au pays avant la période intermédiaire de 2021, il est peu probable que d’importants volumes de marchandises en cause aient été vendus à des prix inférieurs à ceux des marchandises similaires produites au pays.

[118] Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal a envoyé un questionnaire supplémentaire à certains répondants afin d’obtenir des précisions sur les ventes de produits de référence de nuances de base et améliorées. Les renseignements recueillis couvraient les achats et les ventes d’un total de 36 produits de référence (10 FTPP sans soudure et huit FTPP soudées pour les nuances de base et les nuances améliorées) sur une période de huit trimestres (c’est-à-dire les huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête).

[119] Le Tribunal a indiqué ci-dessus qu’il effectuerait son analyse de la sous-cotation des prix au niveau des utilisateurs finaux, puisque c’est à ce niveau que la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires a eu lieu pendant la période visée par l’enquête. Toutefois, le supplément au rapport d’enquête publié par le Tribunal le 7 décembre 2021 ne présentait que les données recueillies sur les ventes de produits de référence de nuances de base et améliorées par Tenaris Canada (tant pour les importations visées que pour ses marchandises produites au pays) et par la branche de production nationale (c’est-à-dire par Evraz et WTC aux distributeurs). Par conséquent, le Tribunal se fondera sur le supplément au rapport d’enquête pour les données sur les ventes de produits de référence de Tenaris Canada et sur les réponses au questionnaire supplémentaire déposées par ATP et Trimark pour les données sur leurs ventes de produits de référence produits par la branche de production nationale [114] . Les parties plaignantes et Tenaris Canada ont adopté la même approche dans la préparation de leurs observations au Tribunal [115] .

[120] Des comparaisons trimestrielles ont été possibles entre les ventes de marchandises en cause et les ventes de marchandises similaires produites au pays dans 47 cas [116] . Dans 26 de ces 47 cas, les marchandises en cause ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires. Bien que le volume des marchandises en cause qui a entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires représentait 45 p. 100 du volume total des marchandises en cause qui ont fait concurrence aux marchandises similaires dans les 47 cas susmentionnés, il représentait moins de 20 p. 100 du volume total des marchandises similaires touchées par la sous-cotation dans les 26 cas de sous‑cotation signalés. En plus du volume relativement faible des marchandises en cause qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires, la grande majorité de ce volume était limitée à un petit nombre de cas survenus principalement au cours de la période intermédiaire de 2021. En fait, un seul des 26 cas de sous-cotation, survenu au cours de la période intermédiaire de 2021, représentait plus du tiers du volume total des marchandises en cause qui ont entraîné une sous‑cotation des prix des marchandises similaires, et les quatre cas les plus importants représentaient ensemble environ les deux tiers de ce volume. De plus, le niveau de sous-cotation dans ces quatre cas variait de 1 p. 100 à 6 p. 100, exprimée en pourcentage du prix des marchandises similaires. Cela n’est pas révélateur d’une sous-cotation des prix pouvant être décrite comme importante.

[121] En ce qui concerne les ventes de marchandises produites au pays par Tenaris Canada, des comparaisons trimestrielles avec les ventes de marchandises similaires produites au pays ont été possibles dans 57 cas. Dans 46 de ces 57 cas, les marchandises produites au pays par Tenaris Canada ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires. Le volume des marchandises produites au pays par Tenaris Canada qui a entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires représentait 82 p. 100 du volume total des ventes de Tenaris Canada de marchandises produites au pays qui faisait concurrence aux marchandises similaires dans les 57 cas susmentionnés. Cela représentait également plus de 85 p. 100 du volume total des marchandises similaires touchées par la sous-cotation dans les 46 cas de sous-cotation signalés. Contrairement aux marchandises en cause, le volume des marchandises produites au pays par Tenaris Canada qui ont entraîné une sous‑cotation des prix des marchandises similaires a été réparti sur un plus grand nombre de cas de sous-cotation tout au long des huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête, les 14 cas les plus importants étant à eux seuls responsables d’environ les deux tiers de ce volume. De plus, le niveau de sous-cotation dans ces 14 cas variait de 1 p. 100 à 14 p. 100, exprimée en pourcentage du prix des marchandises similaires.

[122] Ce qui précède prouve clairement qu’il existe un contraste marqué entre l’importance relative et l’incidence potentielle des marchandises en cause sur les marchandises similaires par rapport à celles des marchandises produites au pays par Tenaris Canada. Bien que le volume de marchandises en cause qui a entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires produites au pays était faible, tant en quantité absolue que relative, et qu’il était concentré dans un petit nombre de cas, le volume de marchandises produites au pays par Tenaris Canada qui a entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires était beaucoup plus important et il était réparti de façon plus égale. De plus, dans les 40 cas où il y a eu des ventes de marchandises en cause et des marchandises produites au pays par Tenaris Canada, le prix de ces dernières était inférieur dans 31 de ces cas. Par conséquent, dans la mesure où toute sous-cotation des prix a entraîné des effets sur le volume et les prix des marchandises similaires produits au pays, ces effets peuvent raisonnablement être attribués aux marchandises produites au pays par Tenaris Canada [117] .

[123] Enfin, ATP et Trimark, de même que les parties plaignantes, ont avancé un total d’environ 20 allégations détaillées de dommage propre à un compte, dont la majorité concernait des ventes qui auraient été perdues au profit des marchandises en cause. Puisque les distributeurs ont directement fait concurrence à Tenaris Canada en ce qui concerne les ventes aux utilisateurs finaux pendant la période visée par l’enquête, ils étaient les mieux placés pour faire ces allégations. En effet, la grande majorité des allégations de dommage propre à un compte ont été avancées par ATP et Trimark; Evraz et WTC ont également avancé certaines allégations qui chevauchaient largement celles d’ATP et de Trimark.

[124] Les parties plaignantes soutiennent que les éléments de preuve propres à chaque compte montrent qu’Evraz et WTC ont subi des pertes qui se situent dans les dizaines de milliers de tonnes et les dizaines de millions de dollars pour ces comptes échantillons seulement. Elles soutiennent que ces pertes étaient attribuables à la perte de ventes par ATP et Trimark lorsque ces dernières proposaient un prix pour les produits d’Evraz et de WTC ou qu’elles faisaient pression sur Evraz et WTC pour que celles-ci réduisent leurs prix, et que les pertes avaient été facilitées par la stratégie du « prix unique » de Tenaris Canada, qui avait permis à cette dernière d’obtenir des ventes critiques et de faire baisser les prix du marché des FTPP.

[125] Tenaris Canada réplique que les allégations de dommage propres à un compte montrent qu’ATP, Trimark et les parties plaignantes ont confondu la concurrence provenant de la production nationale avec la concurrence provenant des marchandises en cause. Plus précisément, elle affirme que 13 des allégations concernaient entièrement ou principalement des ventes de marchandises qui ont été ou auraient été produites au Canada, et que les autres allégations concernaient des utilisateurs finaux qui ne sont pas des clients de Tenaris Canada.

[126] Le Tribunal conclut que les allégations de dommage propres à un compte avancées par ATP, Trimark et les parties plaignantes ne fournissent pas, en l’espèce, des éléments de preuve convaincants d’une sous-cotation des prix entraînée par les marchandises en cause. À la suite des conclusions du Tribunal ci-dessus selon lesquelles la sous-cotation des prix entraînée par les marchandises en cause n’était pas importante et que c’était plutôt les marchandises produites au pays par Tenaris Canada qui étaient principalement responsables de tout effet sur le volume et les prix que la branche de production nationale aurait pu subir, les éléments de preuve au dossier suggèrent que les mêmes conclusions peuvent également être tirées en l’espèce. En fait, les éléments de preuve révèlent qu’une proportion très importante des ventes perdues au profit de Tenaris Canada étaient exclusivement ou principalement des ventes de marchandises produites au pays [118] . Les éléments de preuve révèlent également que certaines ventes prétendument perdues au profit de Tenaris Canada ne se sont pas concrétisées [119] .

[127] De plus, le volume de ventes (en tonnes) prétendument perdu au profit de Tenaris Canada ne cadre pas avec les éléments de preuve relatifs à l’évolution de la part de marché des distributeurs pendant la période visée par l’enquête. Comme il est discuté plus en détail ci-dessous, les données du rapport d’enquête du Tribunal indiquent que les distributeurs qui vendent des marchandises similaires produites au pays ont acquis des parts de marché au cours de la période visée par l’enquête. Étant donné que le marché canadien des FTPP a diminué au cours de la période visée par l’enquête, il est raisonnable de s’attendre à ce que certains acheteurs aient décidé d’annuler des commandes existantes ou tout simplement de ne pas passer de nouvelles commandes. Toutefois, étant donné que les distributeurs n’ont pas perdu de parts de marché, il est également raisonnable de présumer que, s’ils ont effectivement perdu des ventes au profit des importations visées ou des marchandises produites au pays par Tenaris Canada, cette dernière doit avoir perdu autant de ventes au profit de ces mêmes distributeurs dans d’autres comptes.

[128] Comme il en sera discuté plus en détail ci-dessous, même si les ventes d’Evraz et de WTC aux distributeurs ont sensiblement diminué au cours de la période visée par l’enquête, cette diminution est attribuable au ralentissement du marché et à la réduction des stocks des distributeurs. Par conséquent, ces « pertes » de ventes ne peuvent être attribuables à une sous-cotation des prix, que ce soit par les marchandises en cause ou par les marchandises produites au pays par Tenaris Canada.

[129] Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause n’ont pas mené, de façon marquée, à la sous-cotation du prix des marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête.

Baisse des prix

[130] Au niveau commercial des utilisateurs finaux, les prix de vente moyens des marchandises similaires produites au pays et vendues par les distributeurs ont diminué de 2 p. 100 en 2019 et de 7 p. 100 en 2020, puis ont augmenté de 5 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [120] . Les prix de vente moyens des marchandises produites au pays par Tenaris Canada ont généralement suivi la même tendance, mais les variations étaient plus modérées. Par contre, les prix de vente moyens des marchandises en cause ont augmenté de 7 p. 100 en 2019, puis diminué de 9 p. 100 en 2020 et de 22 p. 100 de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020.

[131] Les données susmentionnées montrent que les prix de vente moyens des marchandises similaires produites au pays ont connu une baisse en 2019 et en 2020, mais pas au cours de la période intermédiaire de 2021. Le Tribunal fait remarquer que les prix de vente moyens des marchandises similaires vendues par la branche de production nationale aux distributeurs ont suivi la même tendance et que les changements étaient généralement de la même ampleur que les changements aux prix de vente moyens des distributeurs [121] . Les éléments de preuve indiquent que, dans l’ensemble, les effets sur les prix subis par les distributeurs ont été transférés aux parties plaignantes [122] .

[132] Bien que les prix de vente moyens des marchandises similaires produites au pays aient connu une baisse en 2019 et en 2020, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve au dossier n’étayent pas une conclusion selon laquelle cet effet sur les prix était attribuable aux marchandises en cause. Cela s’explique en partie par la corrélation inverse entre leurs variations de prix respectives en 2019 et en 2021. Bien que les prix de vente moyens des marchandises similaires vendues par les distributeurs aient diminué de 2 p. 100 en 2019 et augmenté de 5 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021, les prix de vente des marchandises en cause ont fait le contraire en augmentant de 7 p. 100 en 2019 et en diminuant de 22 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 [123] . La diminution des prix de vente des marchandises similaires en 2019 a également coïncidé avec une diminution très importante du volume des importations visées, tant en quantité absolue que relative, et l’augmentation des prix de vente des marchandises similaires au cours de la période intermédiaire de 2021 a coïncidé avec une augmentation importante du volume des importations visées [124] . En outre, la majeure partie de la sous-cotation des prix observée qui a été causée par les produits de référence en cause (selon le volume) a eu lieu au cours de la période intermédiaire de 2021, période au cours de laquelle les prix de vente moyens des marchandises similaires ont augmenté de 5 p. 100.

[133] Les éléments de preuve indiquent également que les prix de vente moyens des marchandises similaires produites au pays ont évolué en fonction de l’évolution du marché au cours de la période visée par l’enquête. Comme il a déjà été discuté ci-dessus, le marché canadien des FTPP a chuté en 2019 et en 2020 en raison d’une baisse de la demande causée par un certain nombre de facteurs, y compris la guerre des prix du pétrole entre la Russie et l’Arabie saoudite et les mesures de lutte contre la COVID-19, pour ensuite progressivement remonter à la fin de 2020 et en 2021. Ces facteurs ont mené à une certaine réduction des prix du pétrole et du gaz et à une réduction des activités de forage en 2019, ainsi qu’à une réduction importante de ces prix et activités de forage en 2020, une situation qui s’est corrigée à la fin de 2020 et en 2021 [125] .

[134] Les parties plaignantes soutiennent que les données montrent qu’en 2020, le prix de vente moyen des marchandises en cause et celui des marchandises similaires produites au pays ont tous deux diminué, tandis que le volume des importations visées a sensiblement augmenté en quantité relative et que leur ratio entre le coût des marchandises fabriquées et les ventes a également augmenté. À leur avis, cela montre que la baisse des prix a été causée par les importations visées, et non par des changements dans le marché.

[135] Les éléments de preuve présentés au Tribunal démontrent bien que les prix de vente moyens des marchandises en cause et des marchandises similaires ont tous deux diminué en 2020. Toutefois, compte tenu du fait (1) que le volume des importations visées par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays n’a augmenté que de 7 points de pourcentage en 2020 [126] , (2) que la majeure partie du volume des marchandises en cause qui ont entraîné une sous‑cotation du prix des marchandises similaires était concentrée au cours de la période intermédiaire de 2021 (c’est-à-dire les deux derniers des huit trimestres pour lesquels des données sur les produits de référence ont été recueillies), et non en 2020, (3) que la sous-cotation des prix par les marchandises produites au pays par Tenaris Canada était beaucoup plus importante, et (4) que le ralentissement du marché en 2020 a été considéré comme grave, le Tribunal conclut que la diminution des prix de vente moyens des marchandises similaires en 2020, ainsi qu’en 2019, étaient des effets sur les prix attribuables à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause.

[136] Le Tribunal fait remarquer que les données sur les prix des produits de référence qui comprennent les FTPP de nuances de base et améliorées confirment qu’il n’y a eu aucune baisse des prix au cours des huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête. En particulier, lorsqu’on les examine de bout en bout (c’est-à-dire du troisième trimestre de 2019 au deuxième trimestre de 2021), les prix de vente moyens des marchandises similaires vendues par la branche de production nationale aux distributeurs ont augmenté pour chaque produit de référence pour lequel ils avaient réalisé des ventes [127] . Lorsque les prix de vente moyens pondérés pour les trois premiers trimestres (c’est-à-dire les troisième et quatrième trimestres de 2019 et le premier trimestre de 2020) sont comparés aux prix des trois derniers trimestres (c’est-à-dire le quatrième trimestre de 2020 et les premier et deuxième trimestres de 2021), il y a eu des augmentations pour cinq des sept produits de référence, tandis que les prix des deux autres produits de référence ont connu de très faibles diminutions [128] .

[137] Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause n’ont pas mené, de façon marquée, à la baisse du prix des marchandises similaires au cours de la période visée par l’enquête.

Compression des prix

[138] Pour déterminer si les marchandises en cause ont mené à la compression des prix des marchandises similaires produites au pays, le Tribunal compare habituellement le coût unitaire moyen des marchandises vendues ou le coût unitaire moyen des marchandises fabriquées par la branche de production nationale avec le prix unitaire de vente moyen de la branche de production nationale sur le marché national afin de voir si celle-ci a été en mesure de hausser ses prix de façon correspondante à la hausse de ses coûts [129] .

[139] Le coût unitaire des marchandises vendues et le coût unitaire des marchandises fabriquées par la branche de production nationale pour les ventes sur le marché national ont tous les deux augmenté en 2019, puis ont diminué en 2020 et au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [130] . Étant donné que la valeur unitaire des ventes nettes de la branche de production nationale a diminué en 2019, les augmentations des coûts pour cette année-là n’ont pas été comblées par des augmentations équivalentes des prix de vente, ce qui a entraîné une compression des prix et des marges bénéficiaires réduites correspondantes. Ces marges sont demeurées stables en 2020, puis se sont améliorées au cours de la période intermédiaire de 2021 à mesure que les coûts ont diminué et que la valeur des ventes nettes a augmenté.

[140] Les parties plaignantes soutiennent qu’une fois prise en compte, la raison de la baisse du coût global des marchandises fabriquées par la branche de production nationale en 2020 mène à la conclusion qu’il y a également eu une compression des prix en 2020 [131] .

[141] Le Tribunal conclut que la diminution du coût global des marchandises fabriquées par la branche de production nationale en 2020 est largement non pertinente, puisque les volumes de production étaient beaucoup plus faibles en raison du ralentissement du marché cette année-là. Dans la mesure où la diminution du coût global des marchandises fabriquées découle d’une baisse des volumes de production, comme c’est le cas en l’espèce, la seule mesure pertinente est celle du coût unitaire des marchandises fabriquées. Comme il est indiqué ci-dessus, le coût unitaire des marchandises fabriquées a diminué en 2020.

[142] Pour essentiellement les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus par le Tribunal relativement à la question de la baisse des prix, rien ne prouve qu’il existe un lien entre la compression des prix survenue en 2019 et le dumping des marchandises en cause. En plus des développements dans le marché qui ont entraîné une baisse de la demande dans le marché canadien des FTPP en 2019, le volume des importations visées a diminué sensiblement, tant en quantité absolue que relative, tandis que les prix de vente moyens des marchandises en cause aux utilisateurs finaux ont augmenté de 7 p. 100 au cours de cette même année [132] . Le volume des produits de référence en cause qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires au cours des troisième et quatrième trimestres de 2019 (les seuls trimestres de 2019 pour lesquels des données ont été recueillies) était également minime, tandis que le volume des produits de référence produits au pays par Tenaris Canada qui ont entraîné une sous-cotation prix des marchandises similaires au cours de ces trimestres était considérablement plus élevé. Par conséquent, le Tribunal conclut que la compression des prix survenue en 2019 n’était pas un effet sur les prix qui pourrait raisonnablement être attribué au dumping des marchandises en cause.

[143] Les parties plaignantes soutiennent également que le Tribunal a reconnu qu’il peut aussi tenir compte d’indicateurs de compression des prix autres que les tendances en matière de coûts au cours de la période visée par l’enquête [133] . Elles soutiennent que, en l’espèce, la période intermédiaire de 2021 représentait une période de reprise rapide de l’industrie pétrolière et gazière, et donc du marché des FTPP, de sorte qu’elles auraient dû être en mesure d’augmenter davantage les prix. En d’autres termes, les parties plaignantes sont d’avis qu’on les avait clairement empêchées de mettre en œuvre des augmentations de prix qui auraient dû par ailleurs se produire, particulièrement au cours de la période intermédiaire de 2021.

[144] Comme le Tribunal l’a déjà indiqué, la compression des prix, telle qu’elle est décrite à l’alinéa 37.1(1)b) du Règlement, peut englober toute situation où des augmentations de prix « par ailleurs se seraient vraisemblablement produites » et ne se limite donc pas aux situations où une augmentation des coûts ne peut être suivie par une augmentation équivalente des prix de vente [134] . Bien entendu, cela dépend de la présence d’éléments de preuve positifs démontrant l’existence d’une telle situation. En l’espèce, outre la simple affirmation qu’elles auraient dû être en mesure d’augmenter les prix davantage au cours de la période intermédiaire de 2021 à mesure que le marché canadien des FTPP a repris, les parties plaignantes n’ont pas quantifié avec précision l’ampleur de cette augmentation anticipée.

[145] Le Tribunal a conclu qu’il y a eu une augmentation marquée du volume des importations visées au cours de la période intermédiaire de 2021. De plus, environ les deux tiers du volume total des produits de référence en cause qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires produites au pays au cours des huit derniers trimestres de la période visée par l’enquête ont été vendus aux utilisateurs finaux au cours de la période intermédiaire de 2021. Par conséquent, il n’est pas inconcevable que les marchandises en cause aient entraîné une compression du prix des marchandises similaires pendant cette période. Toutefois, bien que la proportion de produits de référence en cause qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires pendant la période intermédiaire de 2021 était plus élevée que pendant d’autres périodes de la période visée par l’enquête, le niveau de sous-cotation n’était pas important. En fait, le niveau de sous-cotation moyen pondéré au cours de cette période était inférieur à 4 p. 100. Par contre, le volume des produits de référence produits au pays par Tenaris Canada qui a entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires au cours de la période intermédiaire de 2021 était plus de quatre fois supérieur à celui des produits de référence en cause qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires, et le niveau de sous-cotation moyen pondéré était de plus de 8 p. 100. Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que, dans la mesure où les prix des marchandises similaires produites au pays ont fait l’objet d’une compression des prix en 2021, cela était largement attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause.

[146] Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause n’ont pas mené, de façon marquée, à la compression du prix des marchandises similaires pendant la période visée par l’enquête.

Conclusion

[147] Le Tribunal conclut que les marchandises en cause n’ont pas mené, de façon marquée, à la sous-cotation, la baisse ou la compression du prix des marchandises similaires produites au pays au cours de la période visée par l’enquête. En l’espèce, toute sous-cotation, baisse ou compression du prix est principalement attribuable à d’autres facteurs, y compris l’établissement de prix agressifs par Tenaris Canada pour des marchandises produites au pays (c’est-à-dire la concurrence au sein de la branche de production nationale). La question de savoir si de tels prix agressifs soulèvent des préoccupations quant à la concurrence dans un marché national ne relève pas de la compétence du Tribunal.

Incidence sur la branche de production nationale

[148] Aux termes de l’alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte de l’incidence des marchandises sous-évaluées sur la situation de la branche de production nationale et, plus particulièrement, de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation [135] . Cette incidence doit être distinguée de l’incidence des autres facteurs sur la branche de production nationale [136] . Aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage ou la menace de dommage en fonction du volume des marchandises sous-évaluées, de leurs effets sur les prix des marchandises similaires et de leur incidence sur la branche de production nationale.

[149] Ayant déjà déterminé que les marchandises en cause n’ont pas mené, de façon marquée, à la sous-cotation, la baisse ou la compression du prix des marchandises similaires produites au pays au cours de la période visée par l’enquête, le Tribunal conclut, comme il en est discuté ci-dessous, que tout effet sur le volume et les prix (par exemple, réduction des ventes, de la rentabilité et de l’emploi) subi par la branche de production nationale au cours de cette période était principalement attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause. Dans la mesure où le dumping a causé un dommage, ce dommage n’était pas sensible.

Ventes et parts de marché

[150] Comme il a déjà été souligné, la concurrence entre les marchandises en cause et les marchandises similaires s’est faite presque exclusivement au niveau commercial des utilisateurs finaux. L’ensemble du marché canadien des FTPP à ce niveau commercial a diminué annuellement en volume de 17 p. 100 en 2019, de 34 p. 100 en 2020 et de 7 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [137] . Toutefois, les distributeurs qui vendent des marchandises similaires produites au pays ont généralement obtenu un meilleur rendement que le marché, puisque leurs ventes ont augmenté de 19 p. 100 en 2019, puis diminué de 38 p. 100 en 2020 et de 5 p. 100 de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020.

[151] Le rendement global des distributeurs se reflète clairement dans leur part de marché, qui a augmenté de façon importante en 2019, puis est demeurée relativement stable, montrant une légère diminution en 2020, suivie d’une légère augmentation au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [138] . Les distributeurs ont augmenté leur part de marché au cours de la période visée par l’enquête, celle-ci ayant atteint son point le plus élevé au cours de la période intermédiaire de 2021. À l’inverse, la part de marché détenue par les marchandises en cause a chuté en 2019 et est demeurée relativement stable pour le reste de la période visée par l’enquête. La part de marché détenue par les marchandises produites au pays par Tenaris Canada a également chuté en 2019, avant d’augmenter en 2020 et ensuite chuter à son point le plus bas de la période visée par l’enquête au cours de la période intermédiaire de 2021.

[152] Le Tribunal fait remarquer que l’augmentation marquée des ventes et de la part de marché des distributeurs en 2019 est probablement attribuable aux données manquantes sur les ventes – surtout pour 2018 – des distributeurs qui se sont procuré des marchandises similaires de la branche de production nationale, mais qui n’ont pas répondu au questionnaire du Tribunal à l’intention des acheteurs [139] . Des chiffres de ventes plus élevés pour les distributeurs en 2018 auraient réduit l’ampleur de l’augmentation annuelle des ventes et de la part de marché en 2019. Toutefois, le reste de la période visée par l’enquête n’aurait pas été touché de façon importante et la part de marché des distributeurs serait demeurée relativement stable.

[153] Les données sur les ventes de la branche de production nationale révèlent une autre histoire, les ventes ayant diminué annuellement en 2019, puis de nouveau en 2020 et au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [140] . Pendant toute la période visée par l’enquête, la branche de production nationale s’en est moins bien tirée que les distributeurs auxquels elle a vendu. Les éléments de preuve au dossier montrent clairement que le sous-rendement de la branche de production nationale par rapport aux distributeurs et au marché des utilisateurs finaux en général était en grande partie, voire entièrement attribuable à la réduction des stocks des distributeurs. De 2019 à la période intermédiaire de 2021, les distributeurs qui ont répondu au questionnaire du Tribunal à l’intention des acheteurs et qui ont indiqué qu’ils effectuaient des achats auprès de la branche de production nationale ont collectivement réduit leurs stocks de marchandises similaires produites au pays en quantité qui ne saurait être qualifiée que de considérable [141] . Il s’ensuit que, si ces distributeurs avaient maintenu leurs stocks à leur niveau de 2018 tout au long de la période visée par l’enquête, et qu’ils s’étaient plutôt procuré le même volume de marchandises auprès de la branche de production nationale qu’ils avaient vendu aux utilisateurs finaux et aux autres distributeurs de 2019 à la période intermédiaire de 2021, le rendement de la branche de production nationale aurait reflété celle du marché en général.

[154] Comme il a déjà été souligné, une proportion importante des ventes réalisées par la branche de production nationale était destinée à ATP et à Trimark, qui sont certains des distributeurs qui ont réduit leurs stocks de marchandises produites au pays [142] . Rien n’indique que cette réduction découle du dumping des marchandises en cause ou qu’elle a été stimulée par ce dumping. En effet, les motifs de cette réduction des stocks invoqués par les témoins d’ATP et de Trimark, en particulier ceux soulevés pendant l’audience, indiquent clairement que d’autres facteurs étaient principalement en jeu [143] .

[155] Le rôle de ces autres facteurs est corroboré par le fait que certains distributeurs importants, dont TGSC, ont également réduit leurs stocks de marchandises importées au cours de la période visée par l’enquête [144] . De plus, Tenaris Canada a également sensiblement réduit ses stocks de marchandises produites au pays de 2019 à la période intermédiaire de 2021 [145] . Le fait que la réduction des stocks était répandue et visait à la fois des marchandises produites au pays et des marchandises importées, y compris celles de Tenaris Canada, contredit les allégations des parties plaignantes selon lesquelles la réduction des stocks était attribuable aux FTPP en provenance du Mexique. Le Tribunal conclut donc que les ventes perdues par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête étaient principalement attribuables à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause.

[156] Les parties plaignantes soutiennent que les importations de Tenaris Canada de FTPP au carbone (principalement des caissons J55, mais aussi des caissons H40) depuis la fermeture de l’usine de Prudential ont créé et maintenu des ventes au cours de la période intermédiaire de 2021 et au-delà, lesquelles auraient autrement bénéficié à la branche de production nationale. À leur avis, la présence de ces importations visées a empêché la branche de production nationale d’augmenter ses ventes à un moment critique.

[157] Tenaris Canada réplique que l’augmentation de ses importations de FTPP au carbone en provenance de TAMSA, au Mexique, ne visait qu’à préserver sa position dans le marché pour lui permettre de répondre aux besoins de forage des clients actuels en attendant l’achèvement de sa nouvelle chaîne de production de FTPP soudées chez Algoma. Elle ajoute que ses ventes de caissons H40 et J55 par rapport à ses ventes globales étaient demeurées stables et que ses importations accrues n’avaient pas entraîné une augmentation de ses parts de marché.

[158] Le Tribunal est d’avis que les motifs invoqués par Tenaris Canada pour augmenter ses importations de FTPP au carbone en provenance du Mexique, aussi sensés qu’ils aient pu l’être d’un point de vue commercial, ne changent pas le fait que les marchandises sous-évaluées lui ont permis de maintenir des ventes et des parts de marché qu’elle aurait pu autrement perdre. La présence de caissons H40 et J55 sous-évalués dans le marché a donc empêché la branche de production nationale de faire concurrence et d’acquérir des parts de marché supplémentaires qui auraient dû être disponibles après la fermeture de l’usine de Prudential.

[159] Cela dit, les éléments de preuve au dossier indiquent que le volume des ventes de caissons H40 et J55 de Tenaris Canada au cours de la période intermédiaire de 2021 était relativement faible comparativement au volume de marchandises similaires produites au pays qui ont fait l’objet d’une réduction des stocks par les distributeurs au cours de cette période [146] . Le volume des ventes de caissons H40 et J55 était également relativement faible comparativement au volume d’autres produits de référence produits au pays et vendus par Tenaris Canada qui ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises similaires au cours de la même période. Par conséquent, même si le Tribunal présumait que, en l’absence du dumping, la branche de production nationale aurait accaparé une proportion importante des ventes de caissons H40 et J55 qui ont été réalisées par Tenaris Canada au cours de la période intermédiaire de 2021, il ne conclurait toujours pas que le dumping des marchandises en cause a causé un dommage qui peut être défini comme sensible dans les circonstances de l’espèce [147] .

[160] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve montrent que, bien que la branche de production nationale ait perdu des ventes et ait été empêchée de réaliser des ventes supplémentaires, cette perte de ventes est principalement attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause et que la perte de ventes supplémentaires n’a pas causé de dommage qui atteint le seuil du caractère sensible.

Rendement financier

[161] Le rendement financier de la branche de production nationale, en ce qui concerne les ventes nationales, s’est généralement détérioré de 2018 à la période intermédiaire de 2020, puis s’est ensuite amélioré au cours du deuxième semestre de 2020 et de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [148] . Cette détérioration était attribuable à la baisse du volume des ventes et à une baisse des marges bénéficiaires brutes unitaires entraînée par la baisse de la valeur des ventes nettes.

[162] Ayant déjà déterminé que les marchandises en cause elles-mêmes n’avaient pas eu d’effets négatifs importants sur les volumes et les prix des marchandises similaires produites au pays, la baisse du rendement financier de la branche de production nationale au cours d’une partie de la période visée par l’enquête est le résultat de facteurs autres que le dumping des marchandises en cause. Dans la mesure où la branche de production nationale n’a pas pu réaliser des ventes supplémentaires au cours de la période intermédiaire de 2021 après la fermeture de l’usine de Prudential, ces ventes n’auraient pas été suffisantes pour avoir une incidence sensible sur sa rentabilité globale.

Autres indicateurs de rendement

[163] Les volumes de production de la branche de production nationale destinés aux ventes nationales ont diminué en 2019 et en 2020, avant d’augmenter au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [149] . L’utilisation de la capacité liée aux ventes nationales a suivi la même tendance. En ce qui concerne l’emploi direct, les heures travaillées et les salaires, tous ces facteurs ont diminué tout au long de la période visée par l’enquête.

[164] Tout comme le rendement financier de la branche de production nationale discuté ci-dessus, son piètre rendement quant à la production, l’utilisation de la capacité et l’emploi est attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause.

Conclusion

[165] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la branche de production nationale a subi un dommage au cours de la période visée par l’enquête sous forme de pertes de ventes et de réduction des marges bénéficiaires brutes, ce qui s’est répercuté de façon négative sur la production, l’utilisation de la capacité et l’emploi. Toutefois, comme il sera résumé ci-dessous, les éléments de preuve au dossier indiquent que ce dommage n’a pas été causé par les marchandises en cause. Dans la mesure où les marchandises en cause ont causé un dommage, celui-ci n’était pas sensible.

Autres facteurs et lien de causalité

[166] Comme il est mentionné précédemment, aux termes de l’alinéa 37.1(3)a) du Règlement, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage, en fonction du volume des marchandises en cause, de leurs effets sur les prix des marchandises similaires et de leur incidence sur la branche de production nationale. Pour ce faire, le Tribunal doit faire la distinction entre l’incidence des marchandises en cause et l’effet d’autres facteurs sur la situation de la branche de production nationale [150] . Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause ont, en elles-mêmes, causé un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal ne peut présumer que la simple présence et disponibilité des marchandises en cause sur le marché canadien ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale [151] .

[167] Dans son analyse ci-dessus de l’effet sur les prix et de l’incidence des marchandises en cause sur l’état de la branche de production nationale, le Tribunal a déjà abondamment discuté des autres facteurs qui, à son avis, étaient principalement responsables du dommage subi par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête. Il s’agit des volumes importants et des bas prix des marchandises produites au pays par Tenaris Canada (c’est-à-dire la concurrence au sein de la branche de production nationale), du ralentissement du marché canadien des FTPP en raison de la baisse de la demande causée par un certain nombre de facteurs, dont la guerre des prix du pétrole entre la Russie et l’Arabie saoudite et la pandémie de COVID-19, et de la réduction des stocks par des distributeurs indépendants.

[168] À l’appui de leur point de vue selon lequel il existe un lien étroit de cause à effet entre les importations de marchandises en cause par Tenaris Canada et le dommage subi par la branche de production nationale pendant la période visée par l’enquête, les parties plaignantes font remarquer que, depuis l’imposition de droits provisoires de 51,1 p. 100 sur les marchandises en cause exportées au Canada par TAMSA à la suite de la décision provisoire de dumping de l’ASFC le 28 septembre 2021 [152] , leur situation s’est améliorée, puisque Tenaris Canada a augmenté les prix des importations visées et a cessé d’importer des volumes significatifs de ces marchandises.

[169] Toutefois, le Tribunal conclut, conformément au fait que le dommage subi par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête était principalement attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause, que toute amélioration importante de la situation de la branche de production nationale à la suite de l’imposition de droits provisoires est probablement aussi attribuable à d’autres facteurs. En effet, comme il a déjà été mentionné, le marché canadien des FTPP a commencé à se rétablir à la fin de 2020 et en 2021 à mesure que les prix du pétrole et du gaz et les activités de forage ont augmenté [153] . Il y a aussi des indications que la réduction des stocks s’était atténuée vers la toute fin de la période visée par l’enquête [154] .

[170] De plus, dans les situations où il est en fin de compte conclut que le dumping des marchandises en cause n’a pas causé de dommage sensible à la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête, l’imposition de droits provisoires d’un montant relativement élevé sur les importations visées, comme c’est le cas en l’espèce, entraîne généralement une baisse des volumes d’importations et donne ainsi aux autres acteurs du marché l’occasion de rivaliser pour cette nouvelle part de marché disponible. Même dans les situations où il est conclu que le dumping a causé un dommage, l’ampleur de la marge de dumping et, par conséquent, le montant des droits provisoires imposés sur les marchandises peuvent faire plus que simplement empêcher la poursuite de ce dommage. Comme le Tribunal l’a déclaré à de nombreuses reprises, il ne considère pas que les marges de dumping calculées par l’ASFC représentent nécessairement l’ampleur des effets dommageables causés par les prix réels au Canada des marchandises en cause au cours de la période visée par l’enquête [155] .

[171] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dommage subi par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête a été principalement causé par des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause. Le Tribunal conclut également que tout dommage causé par le dumping des marchandises en cause n’était pas sensible.

ANALYSE DE LA MENACE DE DOMMAGE

[172] Ayant conclu que le dumping des marchandises en cause n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit maintenant évaluer s’il menace de causer un dommage sensible.

[173] Dans son examen de la question, le Tribunal est guidé par le paragraphe 37.1(2) du Règlement, qui prévoit les facteurs à prendre en compte aux fins de l’analyse de menace de dommage [156] . De plus, aux termes du paragraphe 37.1(3), le Tribunal est tenu de prendre en compte s’il existe ou non un lien de causalité entre le dumping des marchandises et la menace de dommage, selon les facteurs énumérés au paragraphe 37.1(2), et s’il existe des facteurs autres que le dumping des marchandises qui menacent de causer un dommage.

[174] Le paragraphe 2(1.5) de la LMSI, lequel indique qu’il ne peut y avoir de conclusion de menace de dommage à moins que les circonstances dans lesquelles le dumping des marchandises est susceptible de causer un dommage ne soient nettement prévues et imminentes, est également pertinent pour les fins de l’analyse du Tribunal.

[175] Le Tribunal tient également compte dans son analyse de l’article 3.7 de l’Accord antidumping de l’OMC, qui définit le cadre d’obligations mis en œuvre au paragraphe 2(1.5) de la LMSI :

La détermination concluant à une menace de dommage important se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un dommage doit être nettement prévu et imminent. [...]

[Nos italiques]

[176] Comme indiqué précédemment par le Tribunal, l’exigence fondamentale voulant que les conclusions de menace de dommage soient fondées sur des faits et pas seulement sur « des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités » vise à atténuer le risque que de telles conclusions reposent sur des conjectures portant sur des événements futurs possibles plutôt que sur des faits objectifs guidant ces conclusions [157] .

[177] Le Tribunal a aussi indiqué qu’il doit aussi y avoir une haute probabilité d’un changement de circonstances, comparativement aux conditions qui primaient durant la période visée par l’enquête, à une situation dans laquelle les marchandises en cause menacent de causer un dommage sensible dans un très proche avenir, en l’absence de mesures [158] . Si la situation dans le futur est la même que pendant la période pour laquelle aucun dommage n’a été constaté, ou qu’elle est semblable, il ne peut pas être question d’un « changement de circonstances » et il ne peut donc pas y avoir de menace de dommage [159] .

[178] En l’espèce, le Tribunal a déjà conclu que le dommage subi par la branche de production nationale au cours de la période visée par l’enquête était principalement attribuable à des facteurs autres que le dumping des marchandises en cause et que tout dommage qui aurait pu être causé par le dumping des marchandises en cause n’était pas sensible. En l’absence d’un changement de circonstances ayant mené à ces conclusions, ou en raison d’un changement de circonstances qui ne crée pas une situation où le dommage est clairement prévisible et imminent, rien ne permet de conclure que le dumping des marchandises en cause menace de causer un dommage.

[179] Le Tribunal doit donc déterminer s’il est hautement probable qu’un changement de circonstances créera une situation où le dumping des marchandises en cause causerait, dans un très proche avenir, un dommage sensible à la branche de production nationale. Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que, bien que les éléments de preuve indiquent qu’il y a une haute probabilité de changement de circonstances, ce changement n’entraîne pas une situation où le dumping des marchandises causera, dans un très proche avenir, un dommage à la branche de production nationale. En fait, ce changement de circonstances amène le Tribunal à conclure que tout dommage que pourrait actuellement subir la branche de production nationale, qui ne serait pas considéré comme sensible, est susceptible de diminuer ou de cesser complètement.

Période visée par l’analyse de menace

[180] Pour évaluer la menace de dommage, le Tribunal tient généralement compte d’une période de 12 à 18 mois suivant la date de ses conclusions, mais qui ne dépasse pas 24 mois, selon les circonstances particulières de chaque dossier. Les parties plaignantes sont d’avis que cette période conviendrait en l’espèce et qu’elle correspond à la décision du Tribunal dans l’affaire FTPP II [160] .

[181] Le Tribunal ne voit aucune raison de déroger à la durée habituelle en l’espèce. Par conséquent, son analyse de menace de dommage portera sur les 12 à 18 prochains mois.

Probabilité d’une augmentation du volume des marchandises sous-évaluées

[182] Aux termes des alinéas 37.1(2)b) et c) du Règlement, le Tribunal doit tenir compte du taux d’augmentation des marchandises sous-évaluées importées au Canada et de la capacité disponible accessible des producteurs de ces marchandises pour déterminer s’il y aura vraisemblablement une augmentation importante des importations des marchandises en cause.

[183] Les parties plaignantes soutiennent qu’un ensemble de facteurs, y compris (1) les tendances actuelles en ce qui concerne le volume des importations, (2) l’orientation vers l’exportation et le niveau actuel de la capacité excédentaire de TAMSA, (3) l’augmentation des activités de forage au Canada et (4) le détournement probable des importations visées du marché américain par suite de mesures commerciales contre les importations de FTPP en provenance du Mexique et d’autres pays, appuie une conclusion selon laquelle le volume des importations visées continuera d’augmenter au cours des 12 à 18 prochains mois en l’absence de mesures antidumping.

[184] Tenaris Canada soutient que l’augmentation récente et temporaire du volume des importations visées servait à combler un écart dans la production causé par la fermeture de l’usine de Prudential et que les importations diminueront fortement une fois que sa nouvelle chaîne de production de FTPP soudées à Sault Ste. Marie sera opérationnelle en avril 2022.

[185] Comme il est souligné ci-dessus, le Tribunal a conclu que, en quantité absolue, le volume des importations visées a diminué en 2019 et en 2020, avant d’augmenter de 21 p. 100 au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020. Le Tribunal a également conclu que le volume des importations visées par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays a diminué en 2019, avant d’augmenter de 7 points de pourcentage en 2020 et de 11 points de pourcentage de plus au cours de la période intermédiaire de 2021 par rapport à la période intermédiaire de 2020 [161] . Toutefois, et plus important encore, le Tribunal a fait remarquer que, si les importations de caissons J55 de TAMSA étaient demeurées aux niveaux observés au deuxième semestre de 2019 et en 2020, le volume total des importations visées aurait diminué au cours de la période intermédiaire de 2021, tant en quantité absolue que relative, par rapport à la période intermédiaire de 2020.

[186] Par conséquent, si Tenaris Canada n’avait pas importé de volumes élevés de caissons J55 à la suite de la fermeture de l’usine de Prudential, le volume global des importations visées aurait manifestement connu une tendance à la baisse à la fin de la période visée par l’enquête. Ce fait est d’une importance centrale pour l’analyse de la menace de dommage du Tribunal. Comme il sera discuté plus en détail ci-dessous, les éléments de preuve au dossier appuient une conclusion selon laquelle Tenaris Canada réduira vraisemblablement ses importations de caissons J55 en provenance du Mexique une fois que sa nouvelle chaîne de production de FTPP soudées sera opérationnelle à court terme.

[187] Les parties plaignantes soutiennent qu’il y a une forte probabilité d’une augmentation importante du volume des importations visées au cours des 12 à 18 prochains mois, compte tenu des augmentations observées au cours de la période intermédiaire de 2021 et jusqu’à l’imposition de droits provisoires par l’ASFC à la fin de septembre 2021. À cet égard, ils soulignent que les données de Statistique Canada montrent que le volume d’importations visées a augmenté considérablement au cours du troisième trimestre de 2021, ainsi qu’au cours des trois premiers trimestres de 2021, par rapport à la même période en 2020 [162] .

[188] Bien que les données relatives à une période postérieure à la période visée par l’enquête puissent confirmer la continuation ou l’accélération des tendances observées pendant la période visée par l’enquête et puissent donc être pertinentes pour évaluer la menace de dommage, elles ne sont en aucun cas déterminantes [163] . Le poids accordé à ce type de renseignements, ou à tout renseignement d’ailleurs, dépendra en fin de compte des faits et des circonstances propres à chaque affaire. En l’espèce, il n’y a aucun renseignement au dossier concernant les ventes de marchandises similaires produites au pays (par la branche de production nationale ou les distributeurs) au cours du troisième trimestre de 2021. Par conséquent, le Tribunal n’est pas en mesure d’évaluer s’il y a eu aussi une augmentation du volume des importations visées par rapport aux ventes des distributeurs de marchandises similaires produites au pays au cours de cette période [164] . Quoi qu’il en soit, comme il est discuté ci-dessous, des éléments de preuve indiquent que l’augmentation actuelle du volume des importations visées, qui est entièrement attribuable à l’importation de caissons J55 en provenance du Mexique, n’est que temporaire et que les importations visées sont susceptibles de diminuer dans un avenir imminent et prévisible.

[189] Tenaris Canada a présenté des éléments de preuve indiquant qu’elle est en train de déménager la production de FTPP soudées à son installation d’Algoma, à Sault Ste. Marie, dans le cadre d’un projet de transformation industrielle de 117 millions de dollars. Le fait que Tenaris Canada ait fait cet investissement en vue d’exploiter éventuellement la nouvelle chaîne de production de FTPP soudées est incontestable [165] .

[190] Tenaris Canada a également présenté des éléments de preuve suggérant que la construction de cette nouvelle chaîne de production en est à un stade avancé, que la chaîne sera opérationnelle à compter de mars 2022 et que la production commerciale pour répondre aux commandes des clients débutera en avril 2022 [166] . Bien que M. Prosperi ait reconnu dans son témoignage qu’il est possible que certains imprévus se produisent, il demeure « extrêmement confiant » [traduction] que Tenaris Canada sera en mesure de commencer sa production à la fin de mars 2022 [167] . Au moment de l’audience du Tribunal, des mesures concrètes liées à la mise en service de la nouvelle chaîne de production étaient en cours, y compris des mesures pour l’embauche de travailleurs [168] . Même si les témoins de Tenaris Canada ne pouvaient pas affirmer avec une certitude absolue que la nouvelle chaîne de production de FTPP soudées serait opérationnelle en mars 2022, en raison de la possibilité d’imprévus, il y a suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour étayer une conclusion selon laquelle elle deviendra opérationnelle dans les quatre à six mois suivant les conclusions du Tribunal dans le cadre de la présente enquête, ce qui est, de l’avis du Tribunal, imminent.

[191] Les éléments de preuve révèlent également que la nouvelle chaîne de production de FTPP soudées de Tenaris Canada sera utilisée pour produire des caissons J55 et que Tenaris Canada prévoit cesser toutes les importations de caissons J55 qui pourront être produites au Canada une fois la chaîne opérationnelle [169] . Cela est conforme à la politique générale énoncée par Tenaris Canada de produire tout ce qu’elle peut au Canada [170] . Compte tenu du stade avancé de la construction de la chaîne de production de Tenaris Canada, le Tribunal conclut que toute affirmation selon laquelle Tenaris Canada continuerait de dépendre fortement des importations des marchandises en cause au cours des 12 à 18 prochains mois, plutôt que d’utiliser son installation de production nouvellement construite au Canada, constitue une conjecture.

[192] Une fois les importations de caissons J55 de TAMSA exclues, le volume restant des marchandises en cause importées a généralement diminué au cours de la période visée par l’enquête. En effet, l’augmentation des capacités de production nationale de Tenaris Canada pour certaines nuances ou gammes dimensionnelles de FTPP sans soudure au cours de la période visée par l’enquête était accompagnée d’une diminution connexe des importations pour ces mêmes catégories de produits [171] . De plus, Tenaris Canada s’attend à être en mesure de produire une taille supplémentaire, ainsi qu’une nuance supplémentaire, de FTPP sur une base commerciale avant la fin de 2022 [172] . Cela devrait réduire encore davantage le volume des importations visées au cours des 12 à 18 prochains mois.

[193] Dans l’ensemble, les éléments de preuve au dossier indiquent qu’en dépit de l’augmentation du volume des importations de caissons J55 en provenance du Mexique, la proportion des ventes totales de Tenaris Canada représentée par des marchandises produites au pays a augmenté au cours de la période visée par l’enquête [173] . En fait, M. Prosperi a témoigné que, bien que Tenaris Canada ait produit au Canada, au cours des dernières années, environ 70 p. 100 des FTPP qu’elle a vendues au pays, elle cherche à augmenter ce chiffre à 84 p. 100 d’ici la fin de 2023 [174] . Cela entraînera probablement une nouvelle réduction des importations visées.

[194] Le Tribunal conclut que les éléments de preuve susmentionnés sont suffisants pour conclure qu’il n’y aura vraisemblablement pas d’augmentation importante des importations de marchandises en cause au Canada au cours des 12 à 18 prochains mois. En fait, ces éléments de preuve suggèrent que ces importations devraient diminuer au cours des quatre à six prochains mois. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments des parties plaignantes en ce qui concerne l’orientation vers l’exportation et le niveau actuel de la capacité excédentaire de TAMSA, l’augmentation des activités de forage au Canada, et le détournement probable des importations visées du marché américain par suite de mesures commerciales contre les importations de FTPP en provenance du Mexique et d’autres pays [175] .

Effets probables sur les prix

[195] Le Tribunal a conclu ci-dessus que les marchandises en cause n’avaient pas mené, de façon marquée, à la sous-cotation, la baisse ou la compression du prix des marchandises similaires produites au pays au cours de la période visée par l’enquête et que les effets négatifs sur les prix en l’espèce étaient principalement attribuables à d’autres facteurs, y compris l’établissement de prix agressifs par Tenaris Canada pour des marchandises produites au pays et le ralentissement du marché canadien des FTPP.

[196] Rien n’indique qu’il y aura un changement de circonstances, de sorte que les marchandises en cause commenceraient maintenant à avoir des effets négatifs importants sur le prix des marchandises similaires en l’absence de mesures. En fait, étant donné que le Tribunal a conclu que le volume des importations visées est susceptible de diminuer à court terme, il peut seulement conclure que tout effet négatif sur les prix découlera probablement d’autres facteurs, y compris des volumes proportionnellement plus importants de marchandises produites au pays par Tenaris Canada et vendues dans le marché.

[197] Par conséquent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve n’indiquent pas que les marchandises en cause sont susceptibles de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix des marchandises similaires au cours des 12 à 18 prochains mois.

Incidence probable sur la branche de production nationale

[198] Le Tribunal a conclu ci-dessus que, même si la branche de production nationale a subi un dommage au cours de la période visée par l’enquête, ce dommage n’a pas été causé par le dumping des marchandises en cause. En fait, il a conclu que le dommage était principalement attribuable à la concurrence au sein de la branche de production nationale, au ralentissement du marché canadien des FTPP et à la réduction des stocks par des distributeurs indépendants. Le Tribunal a également conclu que, dans la mesure où les marchandises en cause avaient causé un dommage à la branche de production nationale, ce dommage n’était pas de nature sensible.

[199] Ayant conclu que les importations des marchandises en cause sont susceptibles de diminuer à court terme et qu’elles n’auront probablement aucun effet négatif important sur le prix des marchandises similaires au cours des 12 à 18 prochains mois, le Tribunal conclut également qu’il est peu probable que le dumping des marchandises en cause soit la cause du dommage qui pourrait être subi par la branche de production nationale au cours de cette période. Ce dommage serait attribuable à des facteurs non liés au dumping des marchandises en cause.

Conclusion

[200] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en cause ne menace pas de causer un dommage à la branche de production nationale au cours des 12 à 18 prochains mois.

EXCLUSIONS

[201] Étant donné les conclusions du Tribunal selon lesquelles le dumping des marchandises en cause n’a pas causé un dommage et ne menace pas de causer un dommage à la branche de production nationale, il est inutile de déterminer si les exclusions demandées par Tenaris Canada devraient être accordées.

CONCLUSION

[202] Le Tribunal conclut, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dumping des marchandises en cause n’a pas causé un dommage et ne menace pas de causer un dommage à la branche de production nationale.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre

Peter Burn

Peter Burn
Membre

 



[26] Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) au par. 115; voir aussi Panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) à la p. 10.

[30] Bien que l’expression « proportion majeure » n’est pas définie dans la LMSI ni dans l’Accord antidumping de l’OMC, on lui a donné le sens de « proportion importante ou considérable, et pas forcément d’une majorité ». Voir Japan Electrical Manufacturers Assn. c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] F.C.J. No. 652 (C.A.F.); McCulloch of Canada Limited and McCulloch Corporation c. Tribunal antidumping, [1978] 1 F.C. 222 (C.A.F); rapport du Groupe spécial, Chine – Automobiles (É-U), WT/DS440/R au par. 7.207; rapport de l’Organe d’appel, CE – Pièces d’attache (Chine), WT/DS397/AB/R aux par. 411, 412, 419; rapport du Groupe spécial, Argentine – Volaille (Brésil), WT/DS241/R au par. 7.341.

[38] Le Tribunal souligne que, à son avis, la première méthode d’analyse subsidiaire proposée par les parties plaignantes n’est pas fondée en droit, puisque le Tribunal ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’évaluer le dommage causé à une « proportion majeure » de la branche de production nationale dans des circonstances où il a décidé de ne pas exclure un producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises, et où il dispose de tous les renseignements nécessaires pour évaluer le dommage causé à « l’ensemble » des producteurs nationaux. Par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal n’examinera pas de la deuxième méthode d’analyse subsidiaire proposée par les parties plaignantes.

[39] Modules et laminés photovoltaïques (3 juillet 2015), NQ-2014-003 (TCCE) [Modules photovoltaïques] au par. 56; Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié (29 mars 2016), NQ-2015-002 (TCCE) [Tubes de canalisation] au par. 70.

[56] DORS/84-927.

[61] Enquête de sauvegarde sur l’importation de certains produits de l’acier (3 avril 2019), GC-2018-001 (TCCE) [Enquête de sauvegarde sur l’acier] aux p. 103104. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur le TCCE définit « dommage grave » comme « [t]out dommage causant une dégradation générale notable de la situation des producteurs nationaux ». Le Tribunal a jugé que le seuil du dommage grave était plus élevé que celui du « dommage sensible », lequel s’applique dans le cadre des enquêtes de dommage en vertu de la LMSI (voir Enquête de sauvegarde sur l’acier aux p. 2930).

[133] Voir, par exemple, Acier laminé à froid (7 janvier 2019), NQ-2018-002 (TCCE) au par. 60.

[151] Silicium métal (19 novembre 2013), NQ-2013-003 (TCCE) au par. 109.

[156] Le paragraphe 37.1(2) du Règlement prévoit ce qui suit : « Les facteurs qui peuvent être pris en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage sont les suivants : a) la nature de la subvention en cause et les répercussions qu’elle aura vraisemblablement sur le commerce; b) s’il y a eu un taux d’augmentation marquée des marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada qui indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante des importations au Canada des marchandises sous-évaluées ou subventionnées; c) s’il y a une capacité disponible accessible suffisante ou une augmentation imminente et marquée dans la capacité d’un exportateur, laquelle indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles; d) la possibilité d’un changement de production dans le cas où les installations qui peuvent servir à produire les marchandises servent à la production d’autres marchandises; e) si les marchandises sont importées sur le marché national à des prix qui auront vraisemblablement pour effet de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix de marchandises similaires et d’accroître la demande en importations additionnelles de ces marchandises; f) les stocks de marchandises; g) l’incidence négative réelle et potentielle sur les efforts déployés pour le développement et la production, y compris ceux déployés pour produire une version modifiée ou améliorée de marchandises similaires; g.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci; g.2) la preuve de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par les autorités d’un pays autre que le Canada sur des marchandises de même description ou des marchandises semblables; h) tout autre facteur pertinent dans les circonstances. »

[157] Résine de polyéthylène téréphtalate (16 mars 2018), NQ-2017-003 (TCCE) au par. 167.

[159] Ibid. au par. 173. L’exigence selon laquelle il doit y avoir un changement de circonstances a aussi été exprimée dans le cadre de nombreuses autres décisions. Voir, par exemple, Contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux (19 février 2021), NQ-2020-002 (TCCE) au par. 198; Capsules de Nitisinone (18 avril 2019), NQ-2018-005 (TCCE) aux par. 123-124; Feuilles d’acier résistant à la corrosion (21 février 2019), NQ-2018-004 (TCCE) au par. 108.

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