Réexamen relatif à l’expiration RR‐2023-008 Feuilles d’acier résistant à la corrosion |
Ordonnance et motifs rendus |
TABLE DES MATIÈRES
Publication de l’ordonnance de justification
Pouvoir du Tribunal de punir pour outrage
Contexte législatif de la LMSI
Conclusions du Tribunal relativement à l’outrage
L’Ordonnance de production était claire et sans équivoque
T.Co avait une connaissance réelle de l’Ordonnance de production
T.Co. a intentionnellement omis de respecter l’Ordonnance de production
Pouvoir discrétionnaire de ne pas reconnaître T.Co coupable d’outrage
CONCLUSION ET PROCHAINES ÉTAPES
EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 21 février 2019, dans le cadre de l’enquête NQ‐2018‐004, concernant des :
FEUILLES D’ACIER RÉSISTANT À LA CORROSION ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DU TERRITOIRE DOUANIER DISTINCT DE TAIWAN, PENGHU, KINMEN ET MATSU, DE LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE ET DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE
ORDONNANCE
ATTENDU QUE le paragraphe 17(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE) prescrit que le Tribunal est une cour d’archives;
ET ATTENDU QU’aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a, en ce qui concerne la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives.
ET ATTENDU QU’aux termes du paragraphe 20.1(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (Règles), le Tribunal peut, au cours d’une procédure, ordonner à une partie ou à un tiers de remplir un questionnaire afin d’obtenir des renseignements.
ET ATTENDU QUE le 8 août 2024, le Tribunal a rendu une ordonnance de production (Ordonnance de production) à l’intention de T.Co Metals LLC, l’enjoignant à remplir le questionnaire du Tribunal à l’intention des importateurs avant midi (HE) le 14 août 2024;
ET ATTENDU QUE le 9 août 2024, l’Ordonnance de production a été signifiée à T.Co Metals LLC à personne;
ET ATTENDU QUE T.Co Metals LLC n’a pas respecté l’Ordonnance de production du Tribunal malgré sa signification à personne;
ET ATTENDU QUE le 23 septembre 2024, le Tribunal a rendu une ordonnance à T.Co Metals LLC, l’enjoignant à comparaître à une audience afin de justifier pourquoi elle ne devrait pas être reconnue coupable d’outrage au Tribunal;
ET ATTENDU QUE le 11 octobre 2024, T.Co Metals LLC a assisté et participé à une audience de justification devant le Tribunal;
ET ATTENDU QU’après avoir entendu et pris en compte le témoignage oral de Richard Thypin, le directeur de T.Co Metals LLC, et les exposés présentés par l’avocat agissant pour T.Co Metals LLC;
LE TRIBUNAL DÉCIDE ET ORDONNE CE QUI SUIT :
1. T.Co Metals LLC n’a pas démontré pourquoi elle ne devrait pas être reconnue coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir respecté l’Ordonnance de production rendue le 8 août 2024 et signifiée à T.Co Metals LLC le 9 août 2024.
2. T.Co Metals LLC est par conséquent coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas s’être conformée à l’Ordonnance de production du Tribunal rendue le 8 août 2024 et signifiée à T.Co Metals LLC le 9 août 2024, au 215 Nassau St., Princeton (NJ) 08542, États-Unis, conformément au Règlement et à l’article 10 de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
3. Le Tribunal procédera à l’étape de détermination de la sanction pour l’audition de toute partie intéressée afin de déterminer toute sanction qui devrait être imposée à T.Co Metals LLC, aux termes de la décision du Tribunal concernant l’outrage. Cette étape se déroulera comme suit :
a) T.Co Metals LLC peut déposer une demande écrite d’audience orale au cours de laquelle elle pourra être entendue au sujet de la sanction pour outrage, le cas échéant, qui pourrait être imposée par le Tribunal. Une telle demande doit être déposée au plus tard cinq jours ouvrables après la date de la présente ordonnance. Dès réception d’une telle demande, le Tribunal fixera une date d’audience qui aura lieu dans les vingt jours civils suivant la date de dépôt de la demande.
b) Subsidiairement, si T.Co Metals LLC souhaite procéder sans audience orale, elle peut signifier à toutes les parties qui ont déposé un avis de participation dans l’affaire RR-2023-008 et déposer des documents écrits auprès du Tribunal au plus tard dix jours ouvrables après la date de la présente ordonnance pour que le Tribunal les examine avant de rendre sa décision concernant la sanction pour outrage, le cas échéant, que le Tribunal peut imposer.
c) Tout document soumis par une personne aux fins de l’étape de détermination de la sanction doit être déposé auprès du Tribunal, en utilisant un ou plusieurs des moyens de transmission suivants, et signifié à toutes les autres parties ayant déposé un avis de participation dans l’affaire RR‐2023-008 :
● Le Service sécurisé de dépôt du Tribunal, disponible à l’adresse https://e-filing-depot-electronique.citt-tcce.gc.ca/submitNonRegisteredUser-fra.aspx.
● Courriel à tcce-citt@tribunal.gc.ca, si T.Co Metals LLC accepte les risques associés.
● Par messagerie, copie papier ou numérique, à l’adresse suivante :
Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
17e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0G7
4. T.Co Metals LLC peut, conformément aux articles 43 à 49 de la Loi sur le TCCE, désigner comme confidentiels certains renseignements qu’elle fournit.
Serge Fréchette |
Serge Fréchette |
Susan D. Beaubien |
Susan D. Beaubien |
Susana May Yon Lee |
Susana May Yon Lee |
EXPOSÉ DES MOTIFS
APERÇU
[1] La présente procédure d’outrage au Tribunal découle du défaut d’un importateur de certains produits de l’acier, T.Co Metals LLC (T.Co), de respecter une ordonnance de production du Tribunal canadien du commerce extérieur dans le cadre d’une procédure de recours commercial[1].
[2] Dans le cadre d’une procédure de recours commercial, le Tribunal est habilité par la loi à recueillir aux fins d’analyse des données économiques pertinentes et des renseignements sur le marché auprès des personnes qui détiennent ces renseignements, y compris les producteurs, les distributeurs et les importateurs. Le Tribunal doit mener ses enquêtes et réexamens et rendre ses conclusions en respectant les échéances strictes que lui impose la loi et qui ne peuvent être reportées.
[3] Dans le cadre du présent réexamen d’un recours commercial visant des feuilles d’acier résistant à la corrosion, le Tribunal avait besoin de renseignements de la part de T.Co. Cette dernière n’ayant pas donné suite aux demandes l’invitant à remplir un questionnaire à l’intention des importateurs, le Tribunal a rendu une ordonnance de production (Ordonnance de production) l’enjoignant à fournir les renseignements dont il avait besoin aux fins de son enquête.
[4] L’Ordonnance de production était libellée en termes clairs, mais T.Co n’y a pas répondu ou ne s’y est pas conformée, et ce, même si cette ordonnance lui avait été signifiée à son lieu d’affaires.
[5] Le 11 octobre 2024, T.Co a assisté et participé à une audience devant le Tribunal afin de justifier pourquoi elle ne devrait pas être reconnue coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir respecter l’ordonnance de production. Pour expliquer son défaut de respecter l’ordonnance, T.Co a invoqué la priorité accordée à d’autres activités commerciales.
[6] Après avoir pris en compte les observations de T.Co et le témoignage oral de Richard Thypin lors de l’audience de justification, et pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que T.Co est coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir respecté son Ordonnance de production.
CONTEXTE FACTUEL
[7] Le 21 février 2019, le Tribunal a rendu des conclusions dans le cadre de l’enquête NQ-2018-004 (COR 2018), concernant le dumping de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion (COR)[2] originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine), du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de la République de l’Inde (Inde) et de la République de Corée (Corée du Sud), appelées ci-dessous les marchandises en cause.
[8] Conformément à l’article 76.03 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[3] (LMSI), le Tribunal devait procéder au réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions rendues dans COR 2018 avant la fin d’une période de cinq ans.
[9] Le 15 janvier 2024, le Tribunal a publié un avis de réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions rendues dans COR 2018. Dans le cadre de ce réexamen relatif à l’expiration, le Tribunal devait déterminer si l’expiration des conclusions dans COR 2018 causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale, puis rendre une ordonnance prorogeant les conclusions, avec ou sans modification, ou annulant les conclusions.
[10] Le 16 janvier 2024, en réponse à l’avis publié par le Tribunal le 15 janvier 2024, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête afin de déterminer si l’expiration des conclusions du Tribunal causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause.
[11] Le 13 juin 2024, l’ASFC a conclu que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause originaires de la Chine, du Taipei chinois, de l’Inde et de la Corée du Sud[4].
[12] Ainsi, le 14 juin 2024, le Tribunal a entamé sa partie du réexamen relatif à l’expiration afin de déterminer si l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale[5].
[13] Le 14 juin 2024, le Tribunal a également adressé des demandes aux producteurs et aux importateurs potentiels de COR afin qu’ils remplissent ses questionnaires. Les producteurs étrangers potentiels des marchandises en cause et les syndicats représentant les travailleurs des producteurs nationaux ont également été invités à répondre à des questionnaires[6]. T.Co faisait partie des importateurs à qui le Tribunal a demandé de remplir un questionnaire à l’intention des importateurs.
[14] Entre le 20 juin 2024 et le 16 juillet 2024, le personnel du Secrétariat du Tribunal a communiqué avec T.Co à au moins six reprises par téléphone et par courriel afin de lui demander de remplir le questionnaire.
[15] T.Co. n’a pas rempli le questionnaire avant la date limite du 5 juillet 2024.
[16] Le 31 juillet 2024, le Tribunal a transmis à T.Co un courriel l’enjoignant à confirmer son intention de fournir un questionnaire rempli au plus tard le 1er août 2024, faute de quoi elle pourrait faire l’objet d’une ordonnance de production[7].
[17] Dans sa lettre du 31 juillet 2024, le Tribunal a décrit en détail le pouvoir qu’il a, en vertu de la loi, de faire respecter ses ordonnances, et il a expliqué la raison pour laquelle il demandait à T.Co de lui fournir des données sur ses importations au Canada de COR originaires de pays non visés. T.Co a été informée ainsi :
Le Tribunal est constitué en tant que cour d’archives par une loi fédérale et a les pouvoirs suivants en vertu de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE) :
17 (1) Le Tribunal est une cour d’archives; il a un sceau officiel dont l’authenticité est admise d’office.
Pouvoirs
(2) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives.
Afin d’évaluer les effets du dumping de [COR], le Tribunal doit prendre en considération les effets du dumping dans le contexte global de l’ensemble du marché canadien des [COR]. À cette fin, il demande des données économiques sur la production, la fabrication et l’importation de [COR] provenant de toutes les sources pertinentes pour le marché canadien, y compris les importations en provenance de pays non visés. Ces renseignements permettent au Tribunal de se faire une idée globale du marché canadien des [COR] aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration.
Les importations de [COR] de T.Co Metals LLC en provenance de pays non visés représentent un pourcentage important des importations de [COR] en provenance de pays non visés durant la période allant du 1er janvier 2021 au 31 mars 2024[8].
[Traduction, nos caractères gras]
[18] T.Co. n’a pas confirmé son intention de fournir au Tribunal un questionnaire rempli avant la date limite du 1er août 2024, et elle n’avait toujours pas transmis de réponse le 8 août 2024.
[19] Le 8 août 2024, le Tribunal a rendu une ordonnance de production à l’intention de T.Co, lui demandant de transmettre sa réponse au questionnaire à l’intention des importateurs au plus tard le 14 août 2024, à midi (HE)[9].
[20] L’Ordonnance de production a été signifiée à T.Co à personne, au 215, Nassau St., Princeton (NJ) 08542, États-Unis[10], conformément aux Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[11] (Règles) et à l’alinéa 10c) de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (Convention de La Haye sur la signification)[12]. La signification a eu lieu le 9 août 2024.
[21] T.Co ne s’est pas conformée à l’Ordonnance de production et n’a pas répondu au Tribunal avant midi (HE), le 14 août 2024, comme il était exigé.
[22] Par conséquent, le Tribunal a poursuivi son réexamen relatif à l’expiration sans les renseignements que T.Co aurait pu fournir. Le 20 septembre 2024, le Tribunal a clos le dossier du réexamen relatif à l’expiration à la suite d’une audience sur pièces tenue dans ce dossier.
[23] Le 20 novembre 2024, le Tribunal a décidé de proroger ses conclusions, sans modification (COR RR 2023)[13].
Publication de l’ordonnance de justification
[24] Bien que le personnel du Secrétariat du Tribunal soit entré en contact avec elle à plusieurs reprises et par divers moyens et qu’il lui ait signifié l’Ordonnance de production, T.Co n’a pas tenu compte des tentatives du Tribunal de recueillir les renseignements pertinents aux fins du réexamen relatif à l’expiration.
[25] Le 23 septembre 2024, comme T.Co n’avait pas respecté l’Ordonnance de production, le Tribunal a rendu une ordonnance enjoignant T.Co à comparaître à une audience afin de justifier pourquoi elle ne devrait pas être reconnue coupable d’outrage au Tribunal (Ordonnance de justification).
[26] Selon l’Ordonnance de justification, un représentant de T.Co devait comparaître à une audience en personne, le 11 octobre 2024, afin de justifier pourquoi T.Co ne devrait pas être reconnue coupable d’outrage au Tribunal pour :
a) ne pas avoir respecté l’Ordonnance de production du Tribunal rendue le 8 août 2024 et signifiée à T.Co Metals LLC à personne le 9 août 2024, au 215 Nassau St., Princeton (NJ) 08542, États-Unis, conformément aux Règles et à l’article 10 de la Convention de la Haye sur la signification; et/ou
b) s’être conduite de manière calculée afin d’entraver le cours de la justice, ou sans se soucier si sa conduite pouvait entraver le cours de la justice, relativement à la procédure en cours devant le Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration RR-2023-008, en ne communiquant pas les renseignements demandés par le Tribunal dans l’ordonnance de production rendue le 8 août 2024, laquelle a été dûment signifiée à personne, alors qu’il s’agissait d’un élément nécessaire ou utile pour permettre au Tribunal d’exercer la compétence qui lui est conférée par la loi[14].
[27] Le 27 septembre 2024, T.Co a écrit au Tribunal en réponse à l’Ordonnance de production et à l’Ordonnance de justification et a fourni des renseignements censés expliquer pourquoi elle n’avait pas répondu au Tribunal jusque-là[15].
[28] Dans la lettre du 27 septembre 2024, M. Thypin s’est excusé au Tribunal au nom de T.Co pour le temps que cette dernière mettait à répondre, et il a fourni plusieurs raisons à ce retard, faisant notamment valoir que T.Co est une petite entreprise. Au moment où elle a reçu l’Ordonnance de production, T.Co travaillait à la production de nombreuses déclarations de revenus. De plus, elle n’avait pas importé les marchandises en cause au Canada pendant la période visée par le réexamen[16].
[29] Le 2 octobre 2024, T.Co a cherché à déposer son questionnaire rempli, vraisemblablement en réponse à l’Ordonnance de production[17].
[30] Le 7 octobre 2024, le Tribunal a avisé les parties au réexamen relatif à l’expiration de la réponse de T.Co au questionnaire. Le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant à l’opportunité d’admettre cette réponse tardive au questionnaire à son dossier de réexamen relatif à l’expiration[18].
[31] Le 10 octobre 2024, des observations ont été reçues d’ArcelorMittal Dofasco G.P. (AMD), de Stelco Inc. (Stelco) et du Syndicat des Métallos[19].
[32] La branche de production nationale s’est opposée à ce que le Tribunal admette la réponse de T.Co au questionnaire à l’intention des importateurs au dossier de preuve à une étape si tardive de l’enquête. Le Syndicat des Métallos ne s’y est pas opposé, à condition que toutes les parties aient l’occasion d’examiner et de commenter le fond de l’élément de preuve proposé.
[33] Le 16 octobre 2024, après avoir pris en considération les observations des parties, le Tribunal a refusé d’accepter que la réponse tardive de T.Co au questionnaire soit ajoutée au dossier du réexamen relatif à l’expiration, et ce, pour des motifs liés à l’équité procédurale[20].
Audience de justification
[34] T.Co a demandé que son représentant, Richard Thypin, comparaisse par vidéoconférence à l’audience de justification, ce que le Tribunal lui a accordé. Le 11 octobre 2024, T.Co. a assisté et participé à une audience de justification devant le Tribunal. T.Co était représentée par un avocat. M. Thypin a témoigné de vive voix par vidéoconférence au nom de T.Co, et l’avocat de T.Co a présenté des observations en personne devant le Tribunal.
Position de T.Co
Témoignage de Richard Thypin
[35] Initialement, le Tribunal n’a posé aucune question à M. Thypin lors de l’audience.
[36] Après avoir entendu les observations initiales de l’avocat de T.Co, cette dernière a eu la possibilité de présenter le témoignage de M. Thypin, désigné par l’avocat comme étant le dirigeant de T.Co[21], afin qu’il explique la conduite de T.Co, si celle-ci le souhaitait.
[37] Après une brève interruption de l’audience pour permettre à M. Thypin de s’entretenir avec son avocat, T.Co a choisi de présenter le témoignage de M. Thypin. Le Tribunal a ensuite posé des questions de suivi à M. Thypin.
[38] M. Thypin a commencé par s’excuser au nom de T.Co de ne pas avoir répondu à l’Ordonnance de production du Tribunal[22]. Il a expliqué que trois personnes travaillaient pour lui chez T.Co et qu’il dirigeait aussi une trentaine d’autres entreprises. Il a déclaré compter sur une seule personne pour la production des rapports financiers de T.Co et de la trentaine d’autres entreprises[23].
[39] M. Thypin a également déclaré qu’aux États-Unis, la date limite pour présenter les déclarations de revenus des sociétés par actions et des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée est le 15 septembre. Ainsi, les mois d’été, la personne responsable des rapports financiers était « extraordinairement »
[traduction] occupée à produire les déclarations de revenus en collaboration avec les comptables, et M. Thypin exerçait des fonctions d’examen à cet égard[24].
[40] M. Thypin a déclaré que T.Co avait fait l’expérience de procédures de recours commerciaux du Tribunal par le passé et connaissait bien le « système
[25] » [traduction].
[41] M. Thypin a déclaré avoir pris connaissance du questionnaire à l’intention des importateurs, des communications écrites et de l’Ordonnance de production du Tribunal à leur réception, en juin, juillet et août 2024, mais qu’il avait accordé la priorité à d’autres questions commerciales, en partie parce que T.Co n’avait pas importé les marchandises en cause au Canada pendant la période visée par le réexamen. M. Thypin a fait valoir que T.Co n’avait importé au Canada que des COR originaires de pays non visés pendant la période visée par le réexamen.
[42] M. Thypin a également indiqué que, selon son expérience du Tribunal, la préparation d’une réponse au questionnaire à l’intention des importateurs était « onéreuse »
[26] [traduction]. Il a déclaré que l’objectif de T.Co était de collaborer avec le Tribunal, et a admis que T.Co avait commis une erreur en l’espèce en ne répondant pas à l’Ordonnance de production[27].
[43] M. Thypin a déclaré avoir reçu les courriels envoyés par le personnel du Tribunal à T.Co à l’été 2024[28]. En conclusion, M. Thypin a déclaré ce qui suit : « Je savais que nous devions remettre un questionnaire au Tribunal, mais je n’avais tout simplement pas le temps et les ressources pour le faire. De plus, il s’agissait d’une mauvaise affectation des ressources
[29] » [traduction].
Observations de T.Co.
[44] L’avocat de T.Co a présenté des observations sur la question de savoir si T.Co devrait être reconnue coupable d’outrage au Tribunal dans les circonstances de l’affaire.
[45] T.Co a accepté les faits tels que décrits par le Tribunal dans la déclaration préliminaire à l’audience[30]. T.Co a présenté des faits supplémentaires en faisant référence à la lettre datée du 27 septembre 2024, que T. Co. avait fait parvenir au Tribunal. Dans cette lettre, T.Co présentait sa réponse à l’Ordonnance de production et à l’Ordonnance de justification, y compris des excuses et explications. T.Co a par la suite répondu au questionnaire à l’intention des importateurs[31].
[46] T.Co concède que le Tribunal était habilité par la loi à lui demander des renseignements sur ses importations de COR en provenance de pays non visés[32].
[47] T.Co soutient que sa conduite n’était pas méprisante à l’égard du Tribunal, faisant référence aux observations formulées par les parties lors du réexamen relatif à l’expiration, qui ne laissaient pas entendre que l’absence de données de T.Co était problématique[33]. T.Co affirme que d’autres importateurs n’ont pas répondu au Tribunal, et qu’il n’est pas courant que le Tribunal déclare des entités coupables d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir répondu aux questionnaires du Tribunal.
[48] T.Co fait valoir que la décision du Tribunal dans Certaines pièces d’attache[34] est un cas analogue. Dans cette affaire, un producteur national avait répondu tardivement aux deux ordonnances de production du Tribunal, ce qui n’a pas donné lieu à une conclusion d’outrage au Tribunal. T.Co fait valoir que les circonstances dans cette affaire étaient semblables aux circonstances de l’espèce : des excuses avaient été formulées par l’entreprise, l’entreprise était de petite taille et il s’agissait d’un fardeau pour elle de formuler une réponse, le délai accordé était semblable, et les parties avaient eu l’occasion d’examiner les données fournies tardivement.
[49] Comme il a été soutenu dans Certaines pièces d’attache, T.Co fait valoir que la procédure d’enquête du Tribunal et l’administration de la justice sont demeurées intactes en l’espèce, malgré sa réponse tardive. T.Co fait également valoir que la nature publique de l’audience de justification a eu en soi un effet dissuasif suffisant pour qu’elle et d’autres entreprises respectent l’autorité du Tribunal.
[50] T.Co soutient que tous ces facteurs jouent en défaveur d’une conclusion d’outrage au Tribunal.
[51] À titre subsidiaire, T.Co fait valoir que si le Tribunal devait conclure à un outrage au Tribunal en l’espèce, alors seul le critère relatif à l’outrage civil est rempli, et non le critère relatif à l’outrage criminel. Renvoyant à l’arrêt de la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire United Nurses of Alberta c. Alberta (Procureur général)[35] (United Nurses), T.Co soutient ne pas avoir commis d’acte de désobéissance publique au Tribunal (actus reus), et qu’aucun élément de preuve ne montre qu’elle avait l’intention requise d’entraver le cours de la justice (mens rea)[36]. Tout en concédant que le non-respect d’un délai imposé par un tribunal puisse constituer un outrage civil, T.Co soutient qu’un tel non-respect ne devrait pas être considéré comme un acte de désobéissance publique selon la définition de l’outrage criminel[37].
[52] T.Co dit ne pas avoir pris position sur la question de savoir si sa réponse au questionnaire à l’intention des importateurs devrait être versée au dossier du réexamen relatif à l’expiration[38]. L’avocat de T.Co a toutefois fait valoir que les renseignements fournis par les importateurs des COR en cause (par opposition aux renseignements fournis par les importateurs des COR provenant de pays non visés) devraient être plus pertinents dans le cadre de procédures de réexamen relatif à l’expiration.
[53] Pour les motifs qui suivent, et après avoir pris en considération les observations et le témoignage de T.Co, le Tribunal conclut que T.Co est coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir respecté l’Ordonnance de production.
ANALYSE
[54] La question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir si T.Co devrait être reconnue coupable d’outrage au Tribunal pour :
a. ne pas s’être conformée à l’Ordonnance de production du Tribunal; et/ou
b. s’être conduite de manière calculée afin d’entraver le cours de la justice, ou sans se soucier si sa conduite pouvait entraver le cours de la justice, relativement à la procédure en cours devant le Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration RR-2023-008, en ne communiquant pas les renseignements qui étaient demandés par le Tribunal dans l’Ordonnance de production, alors qu’il s’agissait d’un élément nécessaire ou utile pour que le Tribunal puisse exercer la compétence qui lui est conférée par la loi.
[55] Pour ce faire, le Tribunal doit répondre à quatre questions :
a) Quel est le fondement du pouvoir du Tribunal de punir pour outrage?
b) L’objet de l’Ordonnance de production était-il suffisamment important pour que l’exercice du pouvoir du Tribunal de punir pour outrage soit envisagé?
c) T.Co est-elle coupable d’outrage au Tribunal pour l’un ou l’autre des deux motifs énoncés dans l’Ordonnance de justification?
d) Dans l’affirmative, le Tribunal devrait-il exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas déclarer T.Co. coupable d’outrage au Tribunal?
Pouvoir du Tribunal de punir pour outrage
[56] Étant donné qu’il s’agit d’une situation nouvelle, le Tribunal est d’avis qu’il serait instructif de présenter le fondement sur lequel repose son pouvoir de punir pour outrage en l’espèce.
[57] Un tribunal administratif canadien peut instruire une cause d’outrage s’il est une cour d’archives[39]. Si une loi accorde à un tribunal les attributions conférées à une cour supérieure d’archives pour ce qui est de l’exécution de ses ordonnances et de toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, ces pouvoirs incluent celui d’instruire les questions d’outrage en common law, pourvu que de tels pouvoirs conférés par la loi n’écartent pas la compétence inhérente des cours supérieures[40].
[58] En tant que tribunal quasi judiciaire créé par la Loi sur le TCCE[41], le Tribunal est habilité en tant que cour d’archives par l’article 17 de la Loi sur le TCCE à rendre des ordonnances et à les exécuter dans l’exercice normal de sa compétence. Le pouvoir législatif du Tribunal est conféré par l’article 17 de la Loi sur le TCCE, ainsi libellé :
Cour d’archives
17 (1) Le Tribunal est une cour d’archives; il a un sceau officiel dont l’authenticité est admise d’office.
(2) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives.
[59] Les « attributions »
que l’article 17 de la Loi sur le TCCE confère au Tribunal appuient le mandat du Tribunal au titre de la LMSI (entre autres mandats), y compris pour la tenue de réexamens relatifs à l’expiration de conclusions existantes menés aux termes de l’article 76.03 afin de déterminer si l’expiration de conclusions causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale en question.
[60] Par conséquent, en vertu de l’article 17, le Tribunal est habilité à instruire les questions d’outrage ayant trait à l’« exécution de ses ordonnances »
et aux « autres questions liées à l’exercice de sa compétence » pour lesquelles le Tribunal a « les attributions d’une cour supérieure d’archives[42] ».
Outrage au Tribunal
[61] Le droit applicable à l’outrage établit une distinction entre l’outrage criminel et l’outrage civil. L’outrage criminel est généralement défini comme un outrage susceptible « d’attirer le mépris sur l’administration de la justice »
ou « d’entraver le cours normal de la justice[43] ». Pour démontrer l’outrage criminel, la partie requérante doit prouver que l’accusé a transgressé une ordonnance d’un tribunal ou y a désobéi publiquement (l’actus reus), tout en voulant que cette désobéissance publique contribue à miner l’autorité du tribunal, en le sachant ou sans s’en soucier (la mens rea)[44].
[62] En revanche, l’outrage civil est axé sur la désobéissance à une ordonnance ou aux règles de procédure du tribunal qui a une incidence sur les autres parties à l’instance. Il a trait au respect du processus d’un tribunal et il a une dimension « coercitive plutôt que punitive[45] » [traduction]. Le fait de transgresser l’ordonnance d’un tribunal suffit pour que la partie ait commis un outrage civil[46].
[63] Pour démontrer un outrage civil, il incombe à la partie alléguant l’outrage d’établir hors de tout doute raisonnable les trois éléments suivants (exigeant plus qu’une preuve de culpabilité probable) :
(1) l’ordonnance ou le jugement dont on allègue la violation formule de manière claire et non équivoque ce qui doit et ne doit pas être fait;
(2) la partie à qui on reproche d’avoir violé l’ordonnance ou le jugement doit avoir été réellement au courant de son existence;
(3) la personne qui aurait commis la violation doit avoir intentionnellement commis un acte interdit par l’ordonnance ou le jugement, ou intentionnellement omis de commettre un acte comme il y est exigé[47].
[64] Bien que l’outrage civil ne concerne généralement pas l’administration de la justice au sens large, il peut y avoir lieu d’imposer une sanction pour outrage civil afin de souligner la menace grave que peut représenter la désobéissance à l’ordonnance d’un tribunal pour le processus judiciaire[48]. Par conséquent, au cours d’une procédure portant sur un outrage civil, la dissuasion n’est généralement pas un principe applicable à l’étape relative à la responsabilité, mais elle peut jouer un rôle à l’étape de détermination de la sanction[49]. Comme il est expliqué ci-après, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas d’outrage criminel découlant des faits de la présente affaire; par conséquent, le Tribunal ne s’y attardera pas davantage dans son analyse[50].
L’Ordonnance de production était suffisamment importante pour que l’outrage au Tribunal soit envisagé
[65] Dans ses observations devant le Tribunal, T.Co fait valoir que le Tribunal devrait tenir compte du fait que ses renseignements concernant les importations de COR au Canada ne se rapportaient pas aux « marchandises en cause »
[traduction]. De l’avis de T.Co., les données concernant ses importations de COR « non visées »
[traduction] devraient avoir un degré de pertinence moindre aux fins de la procédure de réexamen relatif à l’expiration, qui vise à déterminer si l’ordonnance du Tribunal concernant les « marchandises en cause »
[traduction] doit être annulée ou prorogée[51]. L’argument de T.Co laisse entendre qu’il n’y a pas lieu de conclure à l’outrage, parce que ses importations de marchandises correspondant à la description de produit liée à la mesure en vigueur provenaient de pays non visés, et qu’il s’agissait, pour reprendre ses termes, de COR « non visées » [traduction] et que, par conséquent, ses données ne sont pas aussi pertinentes que d’autres aux fins de l’analyse du Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration.
[66] Le tribunal n’accepte pas cette observation. Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal doit prendre en considération les effets du dumping probable des COR dans le contexte global de l’ensemble du marché canadien. Pour pouvoir évaluer les conditions du marché dans lesquelles tous les produits de COR se font concurrence, peu importe leur origine, le Tribunal doit disposer de données suffisantes et pertinentes tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, c’est-à-dire concernant les COR des pays visés et également les COR des pays non visés.
Contexte législatif de la LMSI
[67] Les enquêtes et les réexamens relatifs à l’expiration que mène le Tribunal en vertu de la LMSI reposent en grande partie sur la capacité du Tribunal de recueillir des renseignements. Sans données exactes, la capacité du Tribunal de mener des examens relatifs à l’expiration est réduite, ce qui a une incidence sur l’intégrité du régime de recours commerciaux du Canada dans son ensemble.
[68] Le libellé du paragraphe 37.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (Règlement) est permissif, énumérant les facteurs que le Tribunal « peut »
prendre en compte dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration. Toutefois, le Tribunal s’en remet à l’examen d’un rapport d’enquête exact et fiable avant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de prendre en compte tous les facteurs énoncés au paragraphe 37.2(2) du Règlement, ce qui constitue une partie intégrante de son processus décisionnel dans les procédures qu’il mène au titre de la LMSI.
[69] En ce qui concerne les réexamens relatifs à l’expiration, il incombe au Tribunal — et non aux parties — de prendre des décisions fondées sur tous les renseignements dont il dispose, y compris ceux qu’il a recueillis[52]. Les décisions de dommage que rend le Tribunal en vertu de la LMSI doivent être fondées sur des « éléments de preuve positifs »
, conformément aux obligations internationales du Canada[53], lesquelles ont été adoptées par la jurisprudence du Tribunal lui-même[54].
[70] Dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration, les éléments de preuve positifs sont notamment les données sur le marché au cours de la période visée par le réexamen, que le Tribunal peut utiliser pour appuyer des conclusions prospectives[55]. Pour analyser le marché d’un produit au Canada, le Tribunal examine les données concernant non seulement les marchandises provenant des pays visés par une mesure de recours commercial, mais aussi les marchandises similaires canadiennes et les marchandises qui sont importées de pays non visés et qui correspondent à la description de produit associée à la mesure en vigueur. Par conséquent, le Tribunal a tout intérêt à veiller à ce que les renseignements qui sous-tendent ses décisions sont fiables.
[71] Le Tribunal recueille des renseignements auprès de diverses sources concernant les marchandises et la branche de production dont il est question. Dans le cadre de ses enquêtes et réexamens, le Tribunal recueille notamment des données commerciales, économiques et financières afin d’évaluer les facteurs de dommage que prévoit le Règlement[56]. Ce processus d’enquête amène le personnel du Secrétariat du Tribunal à produire un rapport d’enquête afin de brosser un portrait détaillé et exact du marché commercial canadien des marchandises en cause au cours de la période visée par le réexamen.
[72] Pour recueillir les données qui serviront à produire le rapport d’enquête, le Tribunal demande à divers acteurs de l’industrie de remplir des questionnaires, y compris des producteurs nationaux et des importateurs des marchandises correspondant à la définition de produit associée à la mesure en vigueur. Par exemple, pour un réexamen relatif à l’expiration mené en vertu de l’article 73.03 de la LMSI, le paragraphe 20.1(1) des Règles énonce que le Tribunal peut, au cours d’une procédure, ordonner à une partie ou à un tiers de remplir un questionnaire afin d’obtenir des renseignements.
[73] La capacité du Tribunal de produire un rapport d’enquête contenant des renseignements commerciaux, économiques et financiers fiables dépend en grande partie de sa capacité d’obtenir suffisamment de questionnaires remplis. Ces renseignements constitueront ensuite une partie du fondement factuel des conclusions et des décisions du Tribunal.
[74] De même, si les réponses au questionnaire sont déficientes soit en raison de leur qualité soit en raison du taux de réponse des acteurs de la branche de production, cela peut, dans certaines circonstances, nuire à la qualité du rapport d’enquête et compliquer inutilement l’analyse du dommage ou de la probabilité de dommage du Tribunal.
[75] Les conclusions de dommage ou les décisions relatives à la probabilité de dommage que rend le Tribunal et qui établissent si un recours commercial sera imposé ou maintenu pour certaines importations touchent diverses parties prenantes. Cela comprend les importateurs des marchandises en cause et la branche de production nationale qui bénéficie de la protection prévue par la LMSI, ainsi que d’autres acteurs au sein de l’économie en général.
[76] De plus, le processus exhaustif de collecte de données sur des questions économiques complexes dans le cadre des enquêtes et des réexamens relatifs à l’expiration du Tribunal doit se dérouler dans les délais rigoureux prévus par la loi.
[77] Le Tribunal ne peut donc pas considérer à la légère le refus d’un importateur de remplir un questionnaire ou d’y répondre comme il le lui a ordonné. Comme l’a mentionné précédemment le Tribunal, le non-respect et l’absence de collaboration de la part d’entités disposant de données pertinentes qui sont nécessaires pour son analyse sont susceptibles d’avoir « des conséquences irréversibles sur l’intégrité de son enquête, sur le dossier dont il est saisi et sur l’intégrité du régime de recours commerciaux du Canada
[57] »
.
COR RR 2023
[78] Les renseignements dont disposait le Tribunal au début du présent réexamen relatif à l’expiration montraient que T.Co avait vraisemblablement importé un pourcentage important de COR[58] en provenance de pays non visés au cours de la période visée par le réexamen[59]. Par conséquent, le Tribunal a demandé à T.Co de lui fournir des renseignements sur ses importations de COR pour pouvoir mieux comprendre et analyser le marché canadien des COR, afin de remplir son mandat dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration[60]. Compte tenu de la pertinence de ces renseignements, il était particulièrement important que T.Co fournisse une réponse complète et en temps opportun au questionnaire à l’intention des importateurs.
[79] Le Tribunal doit respecter des échéances strictes que lui impose la loi et qui ne peuvent être reportées. Par conséquent, il n’avait guère d’autre choix que de s’en remettre à l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur le TCCE, ce qui comprend le pouvoir de rendre des ordonnances de production et de chercher à faire respecter ces ordonnances.
L’importance d’avoir un rapport d’enquête fiable et exact dans le présent contexte
[80] L’exactitude et la fiabilité du rapport d’enquête étaient l’une des principales préoccupations du Tribunal tout au long du présent réexamen relatif à l’expiration. Les données de T.Co sur les importations de COR étaient susceptibles d’avoir une importance particulière dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration, parce que l’entreprise semblait avoir importé un pourcentage important des COR provenant de pays non visés au cours de la période visée par le réexamen, selon les renseignements dont disposait le Tribunal au début de ce réexamen.
[81] L’absence des données de T.Co sur les importations était susceptible de nuire à la fiabilité et à l’exactitude du rapport d’enquête. De fait, l’absence des données d’un importateur ayant importé et vendu un pourcentage important du volume de COR au Canada pendant la période visée par le réexamen (même si ce n’était que pour certaines périodes) était susceptible d’avoir une grande incidence sur le calcul de la taille du marché canadien dont il est fait état dans le rapport d’enquête.
[82] La capacité du Tribunal de prendre en considération plusieurs facteurs aux termes du paragraphe 37.2(2) du Règlement dans le présent réexamen relatif à l’expiration reposait sur l’hypothèse d’une estimation fiable de la taille du marché des COR dans le rapport d’enquête. De l’avis du Tribunal, une estimation fiable de l’ensemble du marché canadien des COR, telles que ces marchandises sont définies dans le présent réexamen relatif à l’expiration, ne pouvait être obtenue qu’en ayant des estimations exactes du volume des importations et des ventes de COR provenant de pays non visés (c.-à-d. que le marché canadien total des COR à chacune des périodes de la période visée par le réexamen correspondait à la somme des ventes intérieures de la production nationale, des ventes de marchandises en cause importées et des ventes des marchandises importées de pays non visés)[61].
[83] Cette estimation exacte du marché a permis au Tribunal d’analyser l’évolution des tendances et des sources des importations au Canada au cours de la période visée par le réexamen. L’estimation a également permis au Tribunal d’évaluer les répercussions qu’aurait sur la branche de production nationale toute augmentation prévue, en termes absolus et en termes relatifs, des importations et des ventes de COR en provenance des pays visés au cours des 12 à 24 mois suivants, advenant l’annulation de l’ordonnance.
[84] De plus, étant donné que, le 20 novembre 2024, le Tribunal a décidé de proroger ses conclusions visant les COR, le rapport d’enquête qui a été produit pour le présent réexamen relatif à l’expiration pourrait être utile aux fins d’un réexamen relatif à l’expiration ou d’un réexamen intermédiaire qui pourrait avoir lieu dans l’avenir concernant ces conclusions. Par conséquent, il est de la plus haute importance que le Tribunal ait pu obtenir un portrait exact de ce qu’était le marché canadien des COR au cours de la période visée par le présent réexamen relatif à l’expiration. Ainsi, lors d’un prochain réexamen, le Tribunal sera en mesure de se faire une idée exacte de l’évolution du marché canadien des COR au fil du temps.
Les données de l’ASFC sur les importations ne se substituaient pas bien à celles fournies dans les questionnaires.
[85] L’ASFC a recueilli des données concernant les droits perçus au titre de la LMSI sur les importations de toutes les COR visées par l’ordonnance de 2018 tout au long de la période visée par le réexamen[62]. Aux fins du présent réexamen relatif à l’expiration, le Tribunal a obtenu de l’ASFC des données concernant la perception de droits sur les marchandises en cause au cours de la période visée par le réexamen, conformément à l’alinéa 107(4)b) de la Loi sur les douanes. Le Tribunal a ainsi été en mesure d’inclure ces données dans le rapport d’enquête.
[86] Selon ce que comprend le Tribunal, ces données n’ont pas été recueillies par l’ASFC au moment de l’importation de COR en provenance de pays non visés, parce que ces marchandises ne faisaient pas l’objet de droits au titre de la LMSI[63]. De plus, en raison d’un décalage entre la définition de produit et les numéros de classement tarifaire dans le présent réexamen relatif à l’expiration, les données sur les importations de l’ASFC pour la période visée par le réexamen n’ont pas été considérées comme étant la source la plus fiable pour faire des estimations du volume et de la valeur des importations provenant de pays non visés.
[87] La définition du produit[64] qui est énoncée dans l’ordonnance rendue par le Tribunal dans COR 2018 est celle qui fait autorité pour décrire les marchandises en cause dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration du Tribunal. Cette définition, qui prévoit des exclusions précises, ne correspond pas parfaitement aux numéros de classement tarifaire pertinents du Tarif des douanes[65]. Par conséquent, il y avait une forte probabilité que les données de l’ASFC sur les importations de pays non visés tiennent compte d’une quantité importante de marchandises qui ne correspondaient pas exactement à la définition de produit des marchandises en cause ou des marchandises similaires canadiennes[66].
[88] Plus précisément, la définition du produit dans l’ordonnance COR 2018 fait l’objet de plusieurs exclusions spécifiques, notamment les COR non passivées. La définition du produit prévoit également des exclusions concernant l’utilisation finale, ce qui comprend les COR devant servir à la fabrication d’automobiles, d’autobus, de camions, d’ambulances ou de corbillards ou encore de châssis ou autres parties, de pièces ou d’accessoires destinés à ces véhicules. Les données sur les importations tirées du Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) de l’ASFC pour les numéros tarifaires dans lesquels les COR visées par l’ordonnance sont normalement classées tenaient compte de marchandises auxquelles s’appliquaient les exclusions relatives à l’utilisation finale. À cet égard, le personnel du Secrétariat du Tribunal a retiré des données sur les importations tirées du SGER de l’ASFC toutes celles qui concernaient les marchandises exclues, et a indiqué ce qui suit dans le rapport d’enquête :
Les codes SH dans lesquels les [COR] visées par le présent réexamen relatif à l’expiration étaient couramment classées au cours de la période visée par le réexamen tiennent également compte de [COR] utilisées dans la fabrication d’automobiles, d’autobus, de camions, d’ambulances ou de corbillards ou encore de châssis, qui sont exclus de la définition du produit. À la suite de recherches ou de renseignements reçus d’entreprises individuelles, lorsqu’il a été déterminé qu’une entreprise a importé seulement ces marchandises exclues, les données de l’ASFC [SGER] associées à ces entreprises ont été retirées du montant total tiré du SGER pour l’ensemble des [COR] visées par le présent réexamen relatif à l’expiration[67].
[Traduction]
[89] En raison de la forte probabilité que les données sur les importations tirées du SGER de l’ASFC comprenaient des données liées à des marchandises non visées, les renseignements fournis dans les questionnaires à l’intention des importateurs ont été jugés plus fiables que les données de l’ASFC sur les importations pour ce qui est des marchandises provenant de pays non visés dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration. Cependant, sans les données sur les importations de certains importateurs comme T.Co, le Tribunal ne disposait pas d’une grande quantité de données sur les importations de COR originaires de pays non visés, comme cela aurait été le cas idéalement.
[90] La méthode normalisée d’estimation des volumes d’importation et de vente de marchandises importées de pays non visés à laquelle le Tribunal a recours dans le cadre de réexamens relatifs à l’expiration nécessite la prise en compte des réponses au questionnaire du Tribunal à l’intention des importateurs ainsi que des données sur la valeur des importations tirées du SGER de l’ASFC[68]. Cette méthode normalisée est appliquée en créant un facteur de rajustement qui est calculé en divisant la valeur totale des importations déclarées dans les réponses au questionnaire par la valeur totale tirée du SGER pour les importateurs sondés. Un importateur est considéré comme ayant été sondé s’il a fourni une réponse au questionnaire à l’intention des importateurs du Tribunal ou s’il a déclaré ne pas avoir importé de marchandises correspondant à la définition du produit au cours de la période visée par le réexamen. Ce facteur de rajustement et les valeurs unitaires tirées des réponses au questionnaire à l’intention des importateurs sont utilisés pour faire une estimation du volume total des importations et des ventes de marchandises importées de pays non visés pour chaque période de la période visée par le réexamen. Fait important, le facteur de rajustement suppose que le ratio entre les données du SGER liées aux marchandises correspondant à la définition du produit et les données du SGER sur la valeur des marchandises ne correspondant pas à la définition du produit est le même que pour les importateurs non sondés[69], y compris ceux qui ont été invités à remplir un questionnaire du Tribunal à l’intention des importateurs, mais qui ne l’ont pas fait en temps opportun, comme T.Co.
[91] Lorsqu’une exclusion relative à l’utilisation finale entraîne le retrait complet de certains importateurs connus parce qu’ils n’ont pas importé de marchandises correspondant à la définition du produit, le facteur de rajustement appliqué aux importateurs non sondés pourrait être moins fiable qu’il ne l’aurait été en l’absence d’une telle exclusion de la description de produit dans l’ordonnance. De fait, certains importateurs non sondés peuvent n’avoir importé que des marchandises ayant été exclues en raison de leur utilisation finale, mais, du fait de l’application du facteur de rajustement, il sera tout de même présumé qu’ils ont importé une partie des marchandises correspondant à la définition du produit[70].
[92] Ce n’est qu’après la clôture du dossier de réexamen relatif à l’expiration et l’ouverture de la présente procédure pour outrage au Tribunal qu’il a été démontré que T.Co a importé de marchandises correspondant à la définition du produit en provenance de pays non visés au cours de la période visée par le réexamen. Toutefois, l’application de la méthode normalisée du Tribunal aurait été moins fiable dans le contexte de l’ordonnance visant les COR, étant donné l’exclusion relative à l’utilisation finale, si T.Co avait importé des marchandises faisant l’objet de cette exclusion seulement.
Conclusions du Tribunal relativement à l’outrage
[93] Le Tribunal doit se prononcer sur deux motifs d’outrage en l’espèce : le premier motif (alinéa 1a) de l’ordonnance de justification) concerne la question de savoir si la désobéissance de T.Co à l’ordonnance de production constitue un outrage au Tribunal; le deuxième motif (alinéa 1b) de l’ordonnance de justification) concerne la question de savoir si la désobéissance de T.Co à l’ordonnance de production constituait un outrage au Tribunal commis de façon calculée afin d’entraver le cours de la justice relativement à la procédure de réexamen relatif à l’expiration.
Deuxième motif d’outrage
[94] Le Tribunal accepte les éléments de preuve et les observations de T.Co, qui admet avoir sciemment fait fi de l’ordonnance de production et qui affirme avoir dû établir l’ordre de priorité d’activités commerciales concurrentes et ne pas avoir agi de manière calculée pour entraver le cours de la justice en soi. Par conséquent, le Tribunal conclut que T.Co n’est pas coupable d’outrage pour le deuxième motif, parce que sa désobéissance à l’Ordonnance de production n’était pas une conduite calculée afin d’entraver le cours de la justice dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration.
[95] Ainsi, le Tribunal poussera son examen plus loin en se demandant seulement si, dans les circonstances de la présente affaire, T.Co devrait être reconnue coupable d’outrage civil pour le premier motif, et ce, hors de tout doute raisonnable.
Premier motif d’outrage
[96] Comme il a été mentionné précédemment, pour qu’il soit conclu à l’outrage civil, il faut établir hors de tout doute raisonnable les trois éléments suivants :
1) l’ordonnance ou le jugement dont on allègue la violation formule de manière claire et non équivoque ce qui doit et ne doit pas être fait;
2) la partie à qui on reproche d’avoir violé l’ordonnance ou le jugement doit avoir été réellement au courant de son existence;
3) la personne qui aurait commis la violation doit avoir intentionnellement commis un acte interdit par l’ordonnance ou le jugement, ou intentionnellement omis de commettre un acte comme il y est exigé[71].
[97] Comme l’a établi la CSC, une étape finale dans la conclusion rendue au sujet de l’outrage civil consiste à déterminer si le Tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser de conclure à l’outrage lorsqu’une telle conclusion entraînerait une injustice dans les circonstances de l’affaire[72].
[98] Le Tribunal conclut que tous les éléments de l’outrage civil sont réunis hors de tout doute raisonnable concernant le premier motif d’outrage.
L’Ordonnance de production était claire et sans équivoque
[99] L’Ordonnance de production du Tribunal énonçait clairement et sans équivoque ce qu’il fallait faire pour répondre au questionnaire à l’intention des importateurs, et T.Co, après un retard important et longtemps après la clôture du dossier dans les délais prescrits par la loi, a effectivement rempli un questionnaire, et ce, sans difficulté manifeste à comprendre l’Ordonnance de production. Bien que M. Thypin ait déclaré avoir d’abord eu des doutes quant à la pertinence des renseignements sur les COR importées de pays non visés pour l’enquête du Tribunal[73], la communication écrite du Tribunal datée du 31 juillet 2024 expliquait en des termes non équivoques que les renseignements sur ces marchandises étaient pertinents et que le Tribunal souhaitait les avoir aux fins du réexamen relatif à l’expiration.
[100] L’Ordonnance de production indiquait clairement que la réponse de T.Co au questionnaire était demandée, parce que T.Co était un importateur de marchandises ayant la même description de produit que celles faisant l’objet du réexamen relatif à l’expiration mené par le Tribunal, et que le Tribunal avait tenté à plusieurs reprises de communiquer avec T.Co, y compris dans la lettre du 31 juillet 2024 qui expliquait en termes clairs que les données sur les COR importées de pays non visés étaient nécessaires[74].
[101] Dans son témoignage, M. Thypin a admis avoir reçu les communications écrites du Tribunal ainsi que l’Ordonnance de production exigeant des renseignements sur les marchandises non visées, et il a reconnu en toute honnêteté qu’il avait eu « tort » [traduction] de ne pas tenir compte de l’Ordonnance de production[75]. Le Tribunal conclut que toute confusion concernant les COR en cause et les COR importées de pays non visés n’a pas été attribuable à une ambiguïté dans l’Ordonnance de production.
[102] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’ordonnance de production était claire et sans équivoque, et ce, hors de tout doute raisonnable.
T.Co avait une connaissance réelle de l’Ordonnance de production
[103] Le 9 août 2024, l’Ordonnance de production a été signifiée à T.Co à personne, dans l’État du New Jersey, pendant les heures de bureau[76].
[104] Dans la lettre de T.Co datée du 27 septembre 2024, l’Ordonnance de production datée du 8 août 2024 était clairement mentionnée, et T.Co a expressément rédigé sa lettre du 27 septembre 2024 pour y répondre. Le Tribunal a conclu que M. Thypin a admis en toute honnêteté et franchise que l’Ordonnance de production a été signifiée à T.Co et qu’il en a pris connaissance en temps opportun, mais que l’ordonnance a finalement été laissée de côté parce que T.Co a choisi d’accorder la priorité à d’autres questions commerciales. Au cours de son témoignage, M. Thypin a admis qu’en rétrospective, cette décision était une erreur.
[105] Par conséquent, le Tribunal conclut que T.Co avait une connaissance réelle de l’Ordonnance de production, et ce, hors de tout doute raisonnable.
T.Co. a intentionnellement omis de respecter l’Ordonnance de production
[106] Bien que le non-respect d’une ordonnance d’interdiction d’un tribunal puisse dans certains cas suffire pour établir l’intention, le non-respect d’une ordonnance exécutoire, comme l’Ordonnance de production, ne suffit pas nécessairement à lui seul pour appuyer une conclusion d’intention de non-respect[77]. Par exemple, les tribunaux doivent déterminer si un présumé contrevenant qui fait des efforts soutenus pour respecter une ordonnance (ou qui prend de bonne foi des mesures raisonnables en ce sens), mais sans y parvenir, peut éviter la conclusion d’outrage au tribunal[78]. L’intention de commettre un outrage civil peut également être établie par une preuve d’acte délibéré, d’insouciance ou d’ignorance volontaire[79]. Par conséquent, le Tribunal doit examiner les circonstances entourant la désobéissance de T.Co à l’Ordonnance de production pour déterminer si T.Co a intentionnellement omis de respecter cette ordonnance.
[107] Le Tribunal conclut qu’il était clair, d’après le témoignage de M. Thypin, que ce dernier avait compris l’Ordonnance de production et en a sciemment fait fi pour se concentrer sur d’autres priorités commerciales. Le Tribunal conclut que M. Thypin a admis en toute honnêteté et franchise qu’il a eu tort de ne pas tenir compte de l’Ordonnance de production[80]. Son avocat a également reconnu que le critère de l’outrage civil s’applique aux faits de l’espèce[81]. Le Tribunal considère que ces admissions sont suffisantes pour établir comme il est requis la désobéissance intentionnelle de la part de T.Co, et ce, hors de tout doute raisonnable.
[108] Le Tribunal estime néanmoins qu’il importe d’examiner les circonstances entourant le défaut de T.Co de respecter l’Ordonnance de production, afin de conclure hors de tout doute raisonnable que T.Co a intentionnellement omis de respecter cette ordonnance[82].
[109] Les éléments de preuve montrent que T.Co est une petite entreprise dont les effectifs sont limités. Dans Certaines pièces d’attache, le Tribunal a fait l’observation suivante : « D’ailleurs, le Tribunal reconnaît que certaines petites ou moyennes entreprises, surtout celles qui ne bénéficient pas des services d’un conseiller juridique, ont des difficultés à remplir ses questionnaires. Toutefois, cela n’est pas une excuse valable pour ne pas se conformer aux ordonnances du Tribunal
[83]. »
[110] Par conséquent, la petite taille d’une entité peut avoir une incidence sur sa capacité de répondre au Tribunal, et cela ne peut excuser le défaut de respecter une ordonnance du Tribunal. Toutefois, le fait contextuel est que le Tribunal se demande si le présumé témoin a pris des mesures raisonnables pour respecter l’ordonnance dans les circonstances.
[111] Le personnel de T.Co responsable de la production de rapports financiers partageait son temps parmi 30 autres sociétés de M. Thypin. Tout en acceptant cet élément de preuve, le Tribunal souligne également que son questionnaire à l’intention des importateurs a été transmis à T.Co le 14 juin 2024, deux mois avant la date limite du 15 septembre 2024 fixée pour la production des déclarations de revenus aux États-Unis[84]. Par conséquent, même si le manque de personnel pouvait rendre difficile la tâche de répondre au Tribunal, T.Co disposait dans ce cas-ci de suffisamment de temps pour gérer ses ressources en conséquence.
[112] Lorsque le Tribunal a signifié l’ordonnance de production à T.Co, le 9 août 2024, cette dernière a eu une nouvelle occasion de décider de la façon de gérer les demandes concurrentes adressées à ses ressources. Elle pouvait agir de bonne foi et prendre des mesures raisonnables pour respecter l’Ordonnance de production, ou sciemment faire fi de cette ordonnance. Comme T.Co a reconnu que le personnel du Tribunal est entré en contact avec elle à l’été 2024[85], elle aurait pu, par exemple, à titre de mesure raisonnable prise de bonne foi, communiquer avec le Tribunal pour discuter de la façon dont elle pouvait respecter en tout ou en partie l’Ordonnance de production dans les circonstances.
[113] T.Co a choisi de ne pas le faire, faisant fi de la date limite du 14 août 2024 dont était assortie l’Ordonnance de production, sachant que le Tribunal traiterait le dossier sans bénéficier de ses renseignements.
[114] La décision de la T.Co de ne pas prendre ces mesures raisonnables élémentaires est en soi préoccupante pour le Tribunal. Toutefois, à cette préoccupation s’ajoutent les circonstances qui se sont déroulées en septembre 2024. Selon le témoignage de M. Thypin, T.Co n’a pas répondu au questionnaire du Tribunal parce qu’elle a accordé la priorité aux déclarations de revenus qui étaient attendues pour le 15 septembre 2024. Après cette date, T.Co n’avait plus à gérer des priorités concurrentes liées aux déclarations de revenus et pouvait répondre au questionnaire, quoiqu’après la date limite du 14 août 2024 fixée par le Tribunal.
[115] Ainsi, entre le 16 septembre 2024 et le 20 septembre 2024, T.Co avait la possibilité de remplir son questionnaire et de le présenter au Tribunal à la « dernière minute »
[traduction], en y joignant une demande de dépôt tardif, avant la tenue de l’audience sur pièces, le 20 septembre 2024. T.Co en a cependant décidé autrement. N’ayant reçu aucune communication raisonnable de la part de T.Co au cours des semaines et des mois qui avaient précédé, le Tribunal a donc clos le dossier en raison des délais serrés à l’intérieur desquels, selon la loi, il devait rendre une décision définitive dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration. Le 23 septembre 2024, le Tribunal a ensuite rendu l’Ordonnance de justification qui a été signifiée à T.Co dans l’État du New Jersey, pendant les heures de bureau, le 24 septembre 2024[86].
[116] C’est seulement plusieurs jours après avoir reçu l’Ordonnance de justification que T.Co a commencé à répondre au Tribunal.
[117] Le Tribunal conclut que ces circonstances, en plus des admissions de T.Co, établissent hors de tout doute raisonnable que T.Co, par l’entremise de M. Thypin, son âme dirigeante[87], a intentionnellement fait fi de l’Ordonnance de production et omis de respecter cette ordonnance, et n’a montré aucun signe qu’elle prenait des mesures raisonnables pour répondre à l’Ordonnance de production avant de faire l’objet d’une procédure d’outrage au Tribunal.
[118] Par conséquent, le Tribunal conclut que T.Co a intentionnellement omis de respecter l’Ordonnance de production, et ce, hors de tout doute raisonnable. À titre subsidiaire, le Tribunal conclut hors de tout doute raisonnable que T.Co a, de façon délibérée et insouciante, omis de respecter l’Ordonnance de production.
Pouvoir discrétionnaire de ne pas reconnaître T.Co coupable d’outrage
[119] T.Co soutient que le Tribunal, dans l’éventualité où il la reconnaîtrait coupable d’outrage, devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas tirer une telle conclusion dans les circonstances. En plus des circonstances factuelles exposées ci-dessus, T.Co fait valoir que son cas est analogue à celui de Certaines pièces d’attache[88], une affaire dans laquelle le non-respect de deux ordonnances de production n’a pas donné lieu à une conclusion d’outrage de la part du Tribunal.
[120] Le Tribunal conclut qu’il y a deux distinctions importantes à faire avec Certaines pièces d’attache. Premièrement, dans cette affaire, le producteur national s’était vu signifier deux ordonnances de production, mais le Tribunal n’a jamais lancé de procédure d’outrage, parce que le producteur national avait commencé à fournir des renseignements avant qu’une telle procédure ne devienne nécessaire (le Tribunal a toutefois fait remarquer qu’une telle faute de la part du producteur national, qui avait nécessité deux ordonnances de production, était « sans précédent »
)[89]. Bien qu’il y eût deux ordonnances de communication, le principal facteur ayant joué dans la décision de ne pas lancer de procédure d’outrage était le fait que le producteur national avait fourni des renseignements au Tribunal avant la tenue de l’audience et la clôture du dossier. Par conséquent, le Tribunal ne pouvait rendre de conclusion d’outrage, parce qu’aucune procédure d’outrage n’avait été lancée.
[121] Deuxièmement, le producteur national dans Certaines pièces d’attache avait non seulement fourni des renseignements au Tribunal, mais il l’avait fait quelques jours avant la tenue de l’audience concernant le réexamen relatif à l’expiration. À la suite de la communication tardive de renseignements au Tribunal, le préjudice subi par les parties au réexamen relatif à l’expiration pouvait être atténué si l’on permettait aux autres parties de déposer des réponses et d’interroger le témoin du producteur national à l’audience.
[122] À l’opposé, en l’espèce, la désobéissance de T.Co à l’Ordonnance de production a obligé le Tribunal à prendre la mesure sans précédent de lancer une procédure d’outrage au Tribunal, afin d’amener T.Co à respecter l’ordonnance. Aucune procédure d’outrage n’a été lancée dans Certaines pièces d’attache, alors qu’une telle procédure a été enclenchée en l’espèce. De plus, dans Certaines pièces d’attache, le producteur national avait fourni des renseignements assez tôt pour que le Tribunal et les parties puissent les examiner équitablement, alors qu’en l’espèce, T.Co n’a fait aucun effort pour présenter des renseignements avant la fin de l’audience sur pièces relative au réexamen relatif à l’expiration, si bien qu’il était impossible pour le Tribunal d’examiner équitablement les renseignements après coup.
[123] Par conséquent, le Tribunal estime que le comportement de T.Co est suffisamment grave, et que la nature de l’Ordonnance de production, au regard des délais prescrits par la loi dans une procédure menée au titre de la LMSI, ne justifie pas que le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas tirer de conclusion d’outrage[90]. Par conséquent, le Tribunal refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas reconnaître T.Co. coupable d’outrage au Tribunal.
CONCLUSION ET PROCHAINES ÉTAPES
[124] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que T.Co est coupable d’outrage au Tribunal pour ne pas avoir respecté l’Ordonnance de production rendue le 8 août 2024.
[125] Ayant reconnu T.Co coupable d’outrage au Tribunal, le Tribunal doit ensuite examiner la sanction qu’il convient d’imposer en l’espèce. Le Tribunal fait remarquer que T.Co a présenté des observations concernant les facteurs atténuants lors de l’audience de justification du 11 octobre 2024. Le Tribunal reconnaît l’existence de certains facteurs atténuants en l’espèce et il se demande (sans avoir tranché) si la sanction la plus appropriée et la plus souple dans les circonstances serait une amende payable par T.Co. Le Tribunal entendra les observations écrites ou orales de T.Co au sujet des facteurs qu’il convient de prendre en considération afin d’établir une sanction pour outrage civil, de l’éventail des sanctions imposées dans des circonstances similaires, et de toute autre observation que T.Co souhaite formuler concernant la sanction.
[126] Le Tribunal procédera à l’étape de détermination de la sanction pour l’audition de toute partie intéressée afin de déterminer toute sanction qui devrait être imposée à T.Co, aux termes de la décision du Tribunal concernant l’outrage. Cette étape déroulera comme suit :
a) T.Co peut déposer une demande écrite d’audience orale au cours de laquelle elle pourra être entendue au sujet de la sanction pour outrage, le cas échéant, qui pourrait être imposée par le Tribunal. Une telle demande doit être déposée au plus tard cinq jours ouvrables après la date de la présente ordonnance. Dès réception d’une telle demande, le Tribunal fixera une date d’audience qui aura lieu dans les vingt jours civils suivant la date de dépôt de la demande.
b) Subsidiairement, si T.Co souhaite procéder sans audience orale, elle peut signifier à toutes les parties qui ont déposé un avis de participation dans l’affaire RR-2023-008 et déposer des documents écrits auprès du Tribunal au plus tard dix jours ouvrables après la date de la présente ordonnance pour que le Tribunal les examine avant de rendre sa décision concernant la sanction pour outrage, le cas échéant, que le Tribunal peut imposer.
c) Tout document soumis par une personne aux fins de l’étape de détermination de la sanction doit être déposé auprès du Tribunal, en utilisant un ou plusieurs des moyens de transmission suivants, et signifié à toutes les autres parties ayant déposé un avis de participation dans l’affaire RR 2023-008 :
● Le Service sécurisé de dépôt électronique du Tribunal, disponible à l’adresse https://e-filing-depot-electronique.citt-tcce.gc.ca/submitNonRegisteredUser-fra.aspx.
● Courriel à TCCE-CITT@tribunal.gc.ca, si T.Co accepte les risques associés.
● Par messagerie, copie papier ou numérique, à l’adresse suivante :
Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
17e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0G7
[127] T.Co Metals LLC peut, conformément aux articles 43 à 49 de la Loi sur le TCCE, désigner comme confidentiels certains renseignements qu’elle fournit.
Serge Fréchette |
Serge Fréchette |
Susan D. Beaubien |
Susan D. Beaubien |
Susana May Yon Lee |
Susana May Yon Lee |
[1] Feuilles d’acier résistant à la corrosion (20 novembre 2024), RR-2023-008 (TCCE).
[2] Voir la pièce RR-2023-008-02 pour la description de produit des marchandises visées par les conclusions du Tribunal.
[3] L.R.C. (1985), ch. S-15.
[4] Pièce RR-2023-008-03, p. 1-2. L’ASFC a rendu sa décision au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI.
[5] Pièce RR-2023-008-11, p. 2. Le Tribunal a entamé son réexamen relatif à l’expiration conformément au paragraphe 76.03(10) de la LMSI.
[6] Pièce RR-2023-008-14.
[7] Pièce RR-2023-008-15.23.05.
[8] Ibid.
[9] Pièce RR-2023-008-15.23.06.
[10] Cette adresse est désignée en tant que siège social ou lieu d’affaires principal de T.Co.
[11] DORS/91-499.
[12] Pièce RR-2023-008-15.23.06 A.
[13] Feuilles d’acier résistant à la corrosion (20 novembre 2024), RR-2023-008 (TCCE).
[14] Pièce 2024-09-23-1 : Ordonnance de comparution à une audience de justification.
[15] Pièce 2024-09-27 : T.Co Metals LLC – Réponse publique à l’ordonnance du Tribunal.
[16] Transcription de l’audience publique, p. 12-13.
[17] Pièce 2024-10-02-2 : T.Co Metals LLC – Réponse publique au questionnaire.
[18] Pièce 2024-10-07 : TCCE – Lettre aux parties concernant la réponse de T.Co au questionnaire.
[19] Lettre de Conlin Bedard LLP datée du 10 octobre 2024, adressée au Tribunal au nom d’AMD et de Stelco concernant la réponse de T.Co au questionnaire et la réouverture du dossier. Lettre de Logie & Associates datée du 10 octobre 2024, adressée au Tribunal au nom du Syndicat des Métallos concernant les observations écrites faites au sujet de la réponse de T.Co au questionnaire.
[20] Pièce 2024-10-16 : Lettre du tribunal refusant d’accepter le questionnaire de T.Co. Le 20 novembre 2024, le Tribunal a rendu son ordonnance et ses motifs dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration susmentionné, y compris des motifs supplémentaires concernant la décision de ne pas accepter que la réponse tardive de T.Co au questionnaire soit ajoutée au dossier du réexamen relatif à l’expiration. Voir Feuilles d’acier résistant à la corrosion (20 novembre 2024), RR-2023-008 (TCCE), par. 15-26.
[21] Transcription de l’audience publique, p. 5.
[22] Ibid., p. 37.
[23] Ibid., p. 37.
[24] Ibid., p. 37.
[25] Ibid., p. 38.
[26] Ibid., p. 38.
[27] Ibid., p. 37.
[28] Ibid., p. 39.
[29] Ibid., p. 40.
[30] Ibid., p 5-9, 11-12.
[31] Voir les paragraphes 28-29 ci-dessus.
[32] Transcription de l’audience publique, p. 13.
[33] Cette perception erronée de la part de T.Co a été rectifiée à l’audience de justification (Transcription de l’audience publique, p. 28), au cours de laquelle il a été question des observations alléguant le manque de fiabilité du rapport d’enquête dans le réexamen relatif à l’expiration, précisément par rapport à l’absence de réponse de la part de T.Co. Voir la pièce RR-2023-008-A-01, p. 16.
[34] Certaines pièces d’attache (5 janvier 2025), RR-2014-001 (TCCE) [Certaines pièces d’attache].
[35] 1992 CanLII 99 (SCC), [1992] 1 RCS 901, p. 910.
[36] Transcription de l’audience publique, p. 16-17.
[37] Ibid., p. 22-23.
[38] Ibid., p. 23-24.
[39] Miller, Jeffrey, The Law of Contempt in Canada, 3e éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2023), p. 309.
[40] Ibid., p. 310; Chrysler Canada Ltée c. Canada (Tribunal de la concurrence), 1992 CanLII 68 (CSC), [1992] 2 RCS 394, p. 405 (voir aussi la dissidence de la juge, p. 421).
[41] L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.); Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Ltd., 2021 CAF 161, par. 44.
[42] Voir Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la concurrence), 1992 CanLII 68 (CSC), [1992] 2 RCS 394, p. 411-412.
[45] Miller, Jeffrey, The Law of Contempt in Canada, 3e éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2023), p. 29. Carey C. Laiken, 2015 CSC 17 (CanLII), [2015] 2 RCS 79, par. 31.
[46] United Nurses, p. 910.
[47] Carey c. Laiken, 2015 CSC 17 [Carey c. Laiken], pat. 32-35; Conférence ferroviaire de Teamsters Canada c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2023 CF 796, par. 60, infirmée pour d’autres motifs dans Canadian Pacific Railway Company v. Teamsters Canada Rail Conference, 2024 FCA 136 [Canadian Pacific Railway Company FCA]. Le Tribunal souligne que, bien que les termes « actus reus »
et « mens rea »
soient le plus souvent utilisés dans des affaires faisant intervenir l’outrage criminel, ils figurent également dans les analyses de l’outrage civil, mais généralement pas pour décrire l’acte et l’élément mental de l’outrage civil, afin d’éviter toute confusion. Voir Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 32. Dans la présente décision, le Tribunal a évité d’utiliser les termes « actus reus »
et « mens rea »
en référence à l’outrage civil.
[48] Miller, Jeffrey, The Law of Contempt in Canada, 3e éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2023), p. 31.
[49] Boily c. Carleton Condominium Corporation 145, 2014 ONCA 574, par. 90.
[50] Dans le droit applicable à l’outrage, une autre distinction est faite au Canada entre l’outrage commis en face du tribunal (in facie) et l’outrage commis non en face du tribunal (ex facie). L’outrage in facie a été décrit comme un outrage dont le tribunal a eu connaissance : Miller, Jeffrey, The Law of Contempt in Canada, 3e éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2023), p. 37. Le juge qui préside le tribunal n’a pas à avoir été personnellement témoin de l’outrage en soi, mais l’outrage doit au moins être signalé par le personnel du tribunal, et ce dernier doit être « personnellement au courant » des «
circonstances de l’outrage allégué » : Miller, Jeffrey, The Law of Contempt in Canada, 3e éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2023), p. 37, citant McKeown c. La Reine, 1971 CanLII 194 (CSC), [1971] RCS 446, p. 448. En l’espèce, l’ordonnance dont il est question est un cas unique en quelque sorte : il s’agit de l’Ordonnance de production exigeant la réponse à un questionnaire à l’intention des importateurs. À l’opposé des ordonnances de production rendues par les tribunaux civils, l’Ordonnance de production en l’espèce n’enjoint pas à une partie de produire des documents à l’intention d’une autre partie. Elle peut plutôt être assimilée à des questions écrites d’un tribunal l’intention d’une partie. L’Ordonnance de production avait pour but premier d’obtenir de T.Co qu’elle fournisse certains renseignements directement au Tribunal. Par conséquent, l’Ordonnance de production et la question de savoir si elle a été respectée relèvent de la compétence du Tribunal et sont analogues à une assignation à comparaître : Lorne Sossin, et al., Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, par. 40:7. Contempt in the Presence of the Court (2024 Thomson Reuters Canada Limited), en ligne (WL Can) : https://nextcanada.westlaw.com/Browse/Home/TextsandAnnotations/LitigationSpecialtyPracticeandGeneralTextsandAnnotations/PracticeandProcedureBeforeAdministrativeTribunals160160. Ainsi, le Tribunal conclut que l’Ordonnance de production et la détermination de la question de l’outrage à cette ordonnance relèvent de l’outrage in facie.
[51] Transcription de l’audience publique, p. 26.
[52] Barres d’armature pour béton (4 juin 2021), NQ-2020-004 (TCCE), par. 24. Voir aussi Extrusions d’aluminium (17 mars 2014), RR-2013-003 (TCCE), par. 34, une affaire dans laquelle le Tribunal a également déclaré qu’aucune partie n’a le fardeau de démontrer sa position dans le contexte d’un réexamen relatif à l’expiration. Aucune partie n’a le fardeau de prouver qu’il y aura reprise ou poursuite du dommage advenant l’expiration des conclusions. Le Tribunal tranchera cette question en se fondant sur tous les renseignements dont il dispose, y compris ceux qu’il demande et recueille. En d’autres termes, le Tribunal doit procéder à sa propre enquête et arriver à une conclusion en se fondant sur son évaluation de l’ensemble des éléments de preuve dont il dispose.
[53] Voir l’article 3.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’OMC.
[54] Voir aussi COR RR 2023, par. 46; Tubes structuraux (16 octobre 2019), RR‐2018-006 (TCCE), par. 146.
[55] Tôles d’acier au carbone laminées à chaud (13 mars 2020), RR-2019-001 (TCCE), par. 51. Voir aussi les facteurs énoncés au paragraphe 37.2(2) du Règlement, DORS/84-927; COR RR 2023, par. 49.
[56] Voir aussi les facteurs énoncés au paragraphe 37.2(2) du Règlement; COR RR 2023, par. 49.
[57] Certaines pièces d’attache, par. 24.
[58] Selon les renseignements dont dispose le Tribunal, T.Co est un importateur non résident de COR au Canada et son lieu d’affaires déclaré est situé au New Jersey, aux États-Unis d’Amérique. En tant qu’importateur non résident, T.Co assume la responsabilité du dédouanement et d’autres exigences liées à l’importation au Canada.
[59] La période visée par le réexamen relatif à l’expiration du Tribunal comprend les trois années complètes allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, ainsi que la période intermédiaire allant du 1er janvier 2024 au 31 mars 2024. À des fins de comparaison, des renseignements ont également été recueillis pour la période du 1er janvier 2023 au 31 mars 2023.
[60] Pièce RR-2023-008-15.23.05.
[61] Voir pièce RR-2023-008-05.B, tableaux 12-14; pièce RR-2023-08-06.B (protégée), tableaux 12-14.
[62] Statistiques sur les importations pour les mesures de la LMSI en vigueur, en ligne : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/mif-mev/mif-mev-stats-fra.html#cor
[63] Certaines importations en cause au Canada en provenance du Vietnam et de certains exportateurs de Türkiye font éventuellement l’objet d’un suivi par l’ASFC, car ces marchandises sont assujetties à la mesure COR2 au titre de la LMSI. Toutefois, le Tribunal souligne que la « définition du produit » n’est pas tout à fait la même pour COR1 et pour COR2, et que certains exportateurs ont été exclus de la mesure.
[65] Voir pièce RR-2023-008-05.B, p. 5, partie I, note 1b) pour la liste des codes tarifaires dans lesquels les marchandises correspondant à la définition de produit de l’ordonnance sont normalement classées. À cet égard, le Tribunal a souligné dans le rapport d’enquête que les codes tarifaires dans lesquels les marchandises sont couramment classées ont changé, comme suit : premièrement, entre le 1er janvier 2021 et le 3 février 2021; puis entre le 4 février 2021 et le 31 décembre 2021; et à compter du 1er janvier 2022. Voir aussi en ligne : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/mif-mev/cor-fra.html.
[66] Voir en ligne : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/mif-mev/cor-fra.html.
[67] Pièce RR-2023-008-05.B, p. 8.
[68] Voir en ligne : https://www.citt-tcce.gc.ca/fr/enquetes-dommage-antidumping/determination-du-volume-importations-et-ventes-importations-dans.
[69] Voir en ligne : https://www.citt-tcce.gc.ca/fr/enquetes-dommage-antidumping/determination-du-volume-importations-et-ventes-importations-dans.
[70] À cet égard, le résumé de 2023 des données sur la perception des droits de l’ASFC indiquait que « [l]a plupart des marchandises non en cause importées correspondent à l’une des exclusions »
, et seulement 64 % environ des marchandises faisant l’objet d’un suivi par l’ASFC, selon la valeur en douane, étaient assujetties à des droits au titre de la LMSI. Voir en ligne : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/mif-mev/mif-mev-stats-fra.html#cor.
[71] Carey c. Laiken, par. 32-35; Conférence ferroviaire de Teamsters Canada c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2023 CF 796, par. 60.
[72] Carey c. Laiken, par. 37.
[73] Transcription de l’audience publique, p. 37-38.
[74] Pièce 024-09-23-1 : Ordonnance de comparution à une audience de justification.
[75] Transcription de l’audience publique, p. 37-39.
[76] Pièce RR-2023-008-15.23.06A, p. 1.
[77] Voir Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 36-37, 42.
[78] Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 42-45.
[79] Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 35.
[80] Transcription de l’audience publique, p. 37-39.
[81] Ibid., p. 22-23, 42.
[82] Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 40.
[83] Certaines pièces d’attache, par. 34.
[84] Pièce RR-2023-008-14.
[85] Transcription de l’audience publique, p. 39-40.
[86] Pièce 2024-09-25 : Affidavit de signification.
[87] Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 53.
[88] Certaines pièces d’attache.
[89] Ibid., par. 27. Le Tribunal fait remarquer que l’argument de T.Co selon lequel les producteurs étrangers qui ne répondent pas aux questionnaires du Tribunal sont rarement reconnus coupables d’outrage n’est pas convaincant, et ce, pour la même raison qu’il y a une distinction à faire avec Certaines pièces d’attache : il ne peut y avoir conclusion d’outrage que si une ordonnance de production a été rendue et qu’elle a été ignorée.
[90] Canadian Pacific Railway Company FCA, par. 69.