PERFORMANCE STEEL SPECIALTIES INC.


PERFORMANCE STEEL SPECIALTIES INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2011-021

Décision et motifs rendus
le mardi 29 mai 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu les 17 janvier et 1er février 2012, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 13 avril 2011, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PERFORMANCE STEEL SPECIALTIES INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience : Les 17 janvier et 1er février 2012

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Ekaterina Pavlova
Eric Wildhaber

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Performance Steel Specialties Inc. James Philip Jagger
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Peter Nostbakken

TÉMOIN :

Paul Lafontaine
Président et co-fondateur
Optimet Concrete Products Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel a été interjeté par Performance Steel Specialities Inc. (Performance Steel) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 8 juillet 2011 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 13 avril 2011 aux termes du paragraphe 60(4).

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7326.20.00 de l’annexe du Tarif des douanes2 à titre d’autres ouvrages en fer ou en acier, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 7216.69.00 à titre d’autres profilés en fer ou en aciers non alliés, simplement obtenus ou parachevés à froid, ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 7317.00.90 à titre d’autres pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier, même avec tête en autre matière, à l’exclusion de ceux avec tête en cuivre, comme le soutient Performance Steel.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

3. Les marchandises en cause étaient importées par Performance Steel le 23 février 2009 en vertu du numéro tarifaire 7317.00.10 à titre d’autres pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier, même avec tête en autre matière, à l’exclusion de ceux avec tête en cuivre.

4. Le 4 octobre 2010, l’ASFC procédait à une vérification de la conformité et classait les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7326.20.00 à titre d’autres ouvrages en fer ou en acier, aux termes du paragraphe 42(2) de la Loi.

5. Le 8 décembre 2010, Performance Steel demandait un réexamen du classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(1)a) de la Loi. Le 10 février 2011, l’ASFC rendait une décision préliminaire. Le 13 avril 2011, l’ASFC rendait une décision aux termes du paragraphe 60(4) dans laquelle elle confirmait que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 7326.20.00.

6. Le 8 juillet 2011, Performance Steel déposait le présent appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

7. Le présent appel devait être entendu le 17 janvier 2012. Ce jour-là, alors que les parties discutaient de questions préliminaires, Performance Steel a avisé le Tribunal qu’elle ne soutenait plus sa position antérieure selon laquelle les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 7317.00.90, mais soutenait dorénavant qu’elles devaient être classées dans le numéro tarifaire 7216.69.00. Performance Steel mentionnait ainsi, pour la première fois au cours du processus d’appel, le numéro tarifaire 7216.69.003.

8. Performance Steel a alors demandé au Tribunal de considérer ses arguments initiaux relatifs au numéro tarifaire 7317.00.90 à titre d’arguments subsidiaires seulement4.

9. Par souci d’équité pour l’ASFC, le Tribunal a reporté l’audience afin de permettre à Performance Steel d’expliquer en détail ses nouveaux arguments et à l’ASFC de déposer des observations en réponse à cette position révisée5.

10. Le Tribunal tenait une deuxième audience publique à Ottawa (Ontario) le 1er février 2012.

11. Performance Steel a demandé à faire reconnaître M. Paul Lafontaine, président et co-fondateur d’Optimet Concrete Products Inc. (Optimet Concrete), à titre de témoin expert. L’ASFC ne s’est pas opposée à cette demande. Le Tribunal a reconnu à M. Lafontaine le titre d’expert dans les domaines des matériaux composites et du génie mécanique6. Optimet Concrete est le seul fournisseur des marchandises en cause au Canada7.

12. Le Tribunal a par contre remarqué qu’en raison de ses liens avec Optimet Concrete, M. Lafontaine avait un intérêt financier considérable dans l’utilisation des marchandises en cause et dans l’issue du présent appel. Par conséquent, le Tribunal a tenu compte de ces faits dans son évaluation des éléments de preuve que celui-ci lui a fournis.

13. L’ASFC n’a fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

14. Les marchandises en cause sont les quatre types suivants de fibres de fils d’acier non allié, étirés à froid, coupés en longueurs de 50 mm : Optimet 95508, Optimet 110509, Optimet LHE 5010010 et Optimet FE 105011. Les bouts des trois premiers types de fibres sont ondulés et les bouts du quatrième type sont aplatis. Les marchandises en cause ont une coupe transversale ronde mesurant environ 1 mm de diamètre12. Elles sont ajoutées au béton avant qu’il ne durcisse, pour le renforcer et l’empêcher de se fissurer13. Elles sont fabriquées en Ukraine et sont importées dans des sacs de différents poids14.

15. Performance Steel a déposé les pièces suivantes :

A-01 poutre en béton

A-02 poutre en béton

A-03 poutre en béton

A-04 fibres en acier Optimet 955015

16. Les pièces A-01, A-02 et A-03 sont des échantillons de poutres en béton qui contiennent les marchandises en cause. Ces pièces ont été soumises à une force de rupture (chaque poutre a effectivement été cassée en deux morceaux) pour démontrer comment les marchandises en cause sont intégrées à la matrice de béton dans laquelle elles sont ajoutées16. La pièce A-04 est pour sa part un échantillon autoporteur de l’un des quatre types de marchandises en cause.

CADRE LÉGISLATIF

17. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes17. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

18. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[18] et les Règles canadiennes[19] énoncées à l’annexe. »

19. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi20.

20. La Règle 1 des Règles générales prévoit ce qui suit :

1. [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

21. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises.21 Bien que les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, il faut les respecter, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire22.

22. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la Règle 6 des Règles générales23. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire par application de la Règle 1 des Règles canadiennes24.

23. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Section XV

MÉTAUX COMMUNS ET OUVRAGES EN CES MÉTAUX

[...]

Chapitre 72

FONTE, FER ET ACIER

[...]

II. -FER ET ACIERS NON ALLIÉS

[...]

72.16 Profilés en fer ou en aciers non alliés.

[...]

-Profilés simplement obtenus ou parachevés à froid :

[...]

7216.69.00 - -Autres

[...]

Chapitre 73

OUVRAGES EN FONTE, FER OU ACIER

[...]

7317.00 Pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier, même avec tête en autre matière, à l’exclusion de ceux avec tête en cuivre.

[...]

90 - - - - -Autres

[...]

73.26 Autres ouvrages en fer ou en acier.

[...]

7326.20.00 -Ouvrages en fils de fer ou d’acier

24. Les Notes explicatives pertinentes de la section XV prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

La présente Section se rapporte aux métaux communs (même chimiquement purs) et aux ouvrages en ces métaux [...].

[...]

Les Chapitres 72 à 76 et 78 à 81 traitent des métaux communs à l’état brut et sous forme de produits tels que barres, fils ou tôles, ainsi que des ouvrages en ces métaux, à l’exception des ouvrages qui sont dénommés, sans égard à la nature du métal constitutif, dans les Chapitres 82 ou 83, ces Chapitres ayant un caractère limitatif.

25. Les notes pertinentes du chapitre 72 prévoient ce qui suit :

1. Dans ce Chapitre et, pour ce qui est des lettres d), e) et f) de la présente Note, dans la Nomenclature, on considère comme :

[...]

ij) Demi-produits

les produits de section pleine obtenus par coulée continue, même ayant subi un laminage à chaud grossier; et les autres produits de section pleine ayant simplement subi un laminage à chaud grossier ou simplement dégrossis par forgeage ou par martelage, y compris les ébauches pour profilés.

Ces produits ne sont pas présentés enroulés.

k) Produits laminés plats

[...]

l) Fil machine

forme de cercle, de segment circulaire, d’ovale, de carré, de rectangle, de triangle ou autre polygone convexe (y compris les cercles aplatis et les rectangles modifiés, dont deux côtés opposés sont en forme d’arcs de cercle convexe, les deux autres étant rectilignes, égaux et parallèles). Ces produits peuvent comporter des indentations, bourrelets, creux ou reliefs obtenus au cours du laminage (aciers d’armature pour béton).

m) Barres

les produits ne répondant pas à l’une quelconque des définitions précisées aux lettres ij), k) ou l) ci-dessus ni à la définition des fils et dont la section transversale pleine et constante est en forme de cercle, de segment circulaire, d’ovale, de carré, de rectangle, de triangle ou autre polygone convexe (y compris les cercles aplatis et les rectangles modifiés, dont deux côtés opposés sont en forme d’arcs de cercle convexe, les deux autres étant rectilignes, égaux et parallèles). Ces produits peuvent :

- comporter des indentations, bourrelets, creux ou reliefs obtenus au cours du laminage (barres d’armature pour béton);

- avoir subi une torsion après laminage.

n) Profilés

les produits d’une section transversale pleine et constante, ne répondant pas à l’une quelconque des définitions précisées aux lettres ij), k), l) ou m) ci-dessus ni à la définition des fils.

Le Chapitre 72 ne comprend pas les produits des nos 73.01 ou 73.02.

o) Fils

les produits obtenus à froid, enroulés, ayant une section transversale de forme quelconque pleine et constante et ne répondant pas à la définition des produits laminés plats.

26. La note pertinente du chapitre 73 prévoit ce qui suit :

2. Aux fins du présent Chapitre, le terme fils s’entend des produits obtenus à chaud ou à froid dont la coupe transversale, de forme quelconque, n’excède pas 16 mm dans sa plus grande dimension.

27. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 72, du sous-chapitre II et de la position no 72.16 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Chapitre traite des métaux ferreux, c’est-à-dire de la fonte brute, de la fonte spiegel, des ferro-alliages et des autres produits de base (Sous-Chapitre I), ainsi que des produits sidérurgiques (lingots et autres formes primaires, demi-produits et principaux produits en dérivant directement) en fer et aciers non alliés (Sous-Chapitre II), en aciers inoxydables (Sous-Chapitre III) et en autres aciers alliés (Sous-Chapitre IV).

Les ouvrages plus élaborés tels que pièces moulées, pièces de forge, etc. ainsi que les palplanches, les profilés soudés, les éléments pour voies ferrées et les tubes, relèvent du Chapitre 73, ou, le cas échéant, d’autres Chapitres.

[...]

III. Production des lingots ou autres formes primaires et des demi-produits

[...]

IV. Production des produits finis

Les demi-produits et, dans certains cas, les lingots, sont transformés ultérieurement en produits finis.

On les distingue généralement en produits plats (larges plats, larges bandes, tôles, feuillards) et produits longs (fil machine, barres, profilés, fils).

Ces transformations sont obtenues, notamment, par déformation plastique soit à chaud à partir des lingots ou demi-produits (laminage à chaud, forgeage, filage à chaud) soit à froid à partir des produits finis à chaud (laminage à froid, extrusion, tréfilage, étirage) éventuellement suivie, dans certains cas (par exemple, barres obtenues à froid par meulage, tournage, calibrage) d’opérations de parachèvement.

[...]

Pour l’application de cette Note on entend par :

[...]

B. Déformations plastiques à froid

[...]

4) Par tréfilage, on entend le passage à froid dans une ou plusieurs filières, à une vitesse élevée, du fil machine en couronne, pour obtenir du fil en bobine d'un diamètre plus faible.

5) Par étirage, on entend le passage à froid, dans une ou plusieurs filières, à vitesse relativement faible, de produits longs sous forme de barres ou de fil machine, pour obtenir des produits de section plus faible ou de forme différente.

[...]

C. Transformation ultérieure et parachèvement

Les produits finis peuvent être parachevés ou transformés en ouvrages, par une suite d’opérations telles que :

1) Ouvraisons mécaniques (tournage, fraisage, meulage, perçage, pliage, calibrage, écroûtage fin, etc.); il est à remarquer qu’un simple tournage grossier qui élimine la pellicule d’oxyde ou les croûtes, ainsi qu’un ébarbage grossier ne sont pas considérés comme des opérations de parachèvement et n’entraînent pas de changement de classement.

2) Ouvraisons de surface ou autres opérations, y compris le placage, en vue d’améliorer les propriétés de l’aspect du métal, de le protéger contre l’oxydation, la corrosion, etc. Sauf exceptions prévues dans le libellé même de certaines positions, ces opérations n’affectent pas le classement des articles dans leurs positions respectives. Il s’agit notamment des opérations suivantes :

[...]

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Sous-Chapitre comprend, pour autant qu’ils soient en fer ou en aciers non alliés :

[...]

2) les demi-produits tels que blooms, billettes, ronds, brames, largets, produits de section pleine simplement dégrossis par forgeage ou par martelage, ou ébauches pour profilés (no 72.07).

[...]

5) les profilés (no 72.16).

6) les fils (no 72.17).

[...]

Les profilés sont définis à la Note 1 n) du présent Chapitre.

[...]

Les profilés sont ordinairement fabriqués par laminage ou filage à chaud ou forgeage de blooms ou billettes.

La présente position couvre également les produits qui ont été obtenus ou parachevés à froid, par étirage ou par d’autres procédés, en vue d’obtenir un fini plus grand. On y range encore les profilés fabriqués par formage sur machine à galets ou par pliage à la presse de tôles ou de feuillards, y compris les produits appelés tôles nervurées comportant des ondes en lignes brisées.

Les profilés de la présente position peuvent avoir subi des ouvraisons mécaniques, telles que perçage, torsion, ou des ouvraisons de surface telles que revêtement, placage (voir les Considérations générales du présent Chapitre, partie IV.C), à condition que ces ouvraisons n’aient pas pour effet de conférer aux produits de l’espèce le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs.

Les profilés lourds (par exemple les poutrelles et certaines cornières) sont utilisés dans la construction de ponts, bâtiments, navires, etc., les profilés légers pour la fabrication de machines agricoles et autres machines, d’automobiles, de barrières, de meubles, de glissières pour portes ou rideaux, de baleines de parapluies et d’un grand nombre d’autres articles.

La présente position ne couvre pas :

[...]

b) Les pièces de construction du no 73.08.

28. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 73 et des positions nos 73.16 et 73.26 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Chapitre couvre sous les nos 73.01 à 73.24, un certain nombre d’ouvrages bien déterminés et, sous les nos 73.25 et 73.26, un ensemble d’ouvrages non repris dans les Chapitres 82 ou 83 et qui ne relèvent pas d’autres Chapitres de la Nomenclature, en fonte (telle que définie à la Note 1 du présent Chapitre), fer ou acier.

[...]

La présente position couvre :

A) Les pointes, clous et articles similaires de tout genre, obtenus principalement d’après les méthodes suivantes :

[...]

3) Par découpage de la tôle. On part, en général, d’ébauches débitées préalablement par poinçonnage ou cisaillage dans des feuillards et achevées ensuite, s’il y a lieu, mécaniquement ou à la main.

[...]

Il existe une variété infinie de ces articles, parmi lesquels on peut citer:

Les pointes dites de Paris, pour menuisiers, charpentiers, etc.; les pointes de mouleurs; les pointes de vitriers; les chevilles pour cordonniers; les crampillons (cavaliers) et agrafes en fil recourbé en forme d’étrier et appointé aux deux extrémités, pour encadreurs, clôtures, installations électriques (dans ce dernier cas, les articles peuvent être isolés), etc.; les autres agrafes non présentées en barrettes; les clous-vis, à tige généralement quadrangulaire tordue et pointue, sans tête fendue; les semences pour cordonniers, tapissiers, etc.; les clous ou crampons à ferrer les chaussures; les clous et happes pour tableaux, glaces clôtures, espaliers, etc.; les clous à ferrer les animaux et clous ou crampons à glace pour animaux, sans pas de vis; les petits triangles et objets similaires, généralement en fer blanc, pour fixer les vitres; les clous de décoration pour tapissiers; les clous à marquer les traverses de chemin de fer, etc.

[...]

Dans cette position sont englobés les ouvrages en fer ou en acier obtenus par forgeage ou estampage, par découpage ou emboutissage ou par d’autres ouvraisons telles que pliage, assemblage, soudure, tournage, fraisage ou perçage, non repris soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans la Note 1 de la Section XV, soit dans les Chapitres 82 ou 83, soit enfin dans les autres parties de la Nomenclature.

POSITION DES PARTIES

Performance Steel

29. La position adoptée par Performance Steel n’a pas toujours été claire, et le Tribunal a dû demander des éclaircissements à plusieurs reprises au cours de l’audience25. Bien que Performance Steel se soit appuyée sur la position no 72.16 et, subsidiairement, sur la position no 73.17, elle a, à maintes reprises, invoqué les positions nos 72.15, 73.08 et 73.18 comme autres options possibles soit directement, soit par différentes formes de déduction. Elle a fini par soutenir que les marchandises en cause doivent être classées, par application de la Règle 1 des Règles générales, dans la position no 72.16 à titre d’autres profilés en fer ou en aciers non alliés, simplement obtenus ou parachevés à froid, ou, subsidiairement, dans la position no 73.1726 à titre d’autres pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier, même avec tête en autre matière, à l’exclusion de ceux avec tête en cuivre.

30. Performance Steel soutient que les marchandises en cause peuvent être classées dans le chapitre 72, car elles ne sont pas des « articles » au sens du chapitre 73. Les marchandises en cause n’ont été soumises qu’à un tréfilage à froid et à un étirage au blanc, et ont ensuite été coupées à certaines longueurs et ont subi une torsion, mais n’ont pas acquis la nature d’« articles »27.

31. Subsidiairement, Performance Steel soutient que si les marchandises en cause sont considérées comme des « articles », elles doivent être classées dans la position no 73.17 à titre d’autres pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier. Selon Performance Steel, cette position est appuyée par le fait qu’un article peut être considéré comme « similaire » à des articles expressément classés s’ils ont en commun des caractéristiques et fonctions importantes28. À cet égard, Performance Steel souligne que la fonction des marchandises en cause est de lier du béton disjoint pour lui permettre de résister à différentes forces auxquelles il peut être soumis29.

ASFC

32. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 73.26 par application de la Règle 1 des Règles générales. Selon elle, les marchandises en cause sont nommées et décrites de façon générique dans la position no 73.26 comme d’autres ouvrages en fer ou en acier.

33. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont obtenues par l’étirage à froid de fils d’acier et que, par conséquent, elles sont des « ouvrages en fils de fer ou d’acier » de la position no 73.26 (plus particulièrement, du numéro tarifaire 7326.20.00). L’ASFC soutient, en renvoyant à la note 2) des Notes explicatives de la position no 73.26 (qui renvoie, entre autres, aux « articles en fil »), que les marchandises en cause sont (i) des articles en fil d’acier, (ii) nommés ou décrits de façon générique dans la position no 73.26 et (iii) non compris ailleurs dans la nomenclature.

34. L’ASFC soutient que le sens du mot « article » est suffisamment large pour inclure les marchandises en cause. Elle cite Kverneland Group North America Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada30 et Rui Royal, où le Tribunal a renvoyé à la définition du mot « article » (article) dans le Canadian Oxford Dictionary : « 1 objet particulier ou distinct, notamment qui fait partie d’un ensemble [...] »31. L’ASFC soutient que, selon les rapports de laboratoire32 et le mémoire de Performance Steel33, les marchandises en cause ont été fabriquées à partir de fils d’acier étirés à froid, coupés aux dimensions voulues, aplatis, pliés ou ondulés34 et que, par conséquent, elles correspondent à la définition du mot « article » en tant qu’objet « particulier » et « distinct », servant à une fin particulière.

35. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 72.16, car les procédés utilisés pour obtenir des « profilés », dont font mention les Notes explicatives de la position no 72.16, ne comprennent pas la coupe de fils d’acier et le traitement supplémentaire des marchandises, soit l’aplatissement ou le pliage des bouts.

36. En s’appuyant sur la définition du mot « twist » (torsion) du McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms, c.-à-d. « [d]ans une fibre, une corde, un fil ou un cordon, le nombre de tours autour de leur axe par unité de longueur; habituellement exprimé en TPP (tours par pouce) » [traduction]35, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas autrement travaillées au moyen de la « torsion », comme le soutient Performance Steel. Elle soutient plutôt que les marchandises ont été fabriquées en coupant du fil d’acier et en aplatissant ou pliant les bouts36.

37. En ce qui concerne l’argument subsidiaire de Performance Steel relatif à la position no 73.17, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas des articles « similaires » à ceux qui sont compris dans la position no 73.17, car elles n’appartiennent pas à la même catégorie de marchandises et n’ont pas en commun les mêmes caractéristiques et fonctions que les marchandises énumérées dans cette position.

38. En se fondant sur les définitions des mots « fastener » (attache) et « nail » (clou) dans les dictionnaires, l’ASFC soutient que les marchandises en cause n’ont pas les mêmes caractéristiques importantes que les articles énumérés dans la position no 73.17, car elles (i) n’ont pas au moins un bout pointu, (ii) ne sont pas utilisées pour être insérées par la force (elles sont ajoutées à du béton liquide sans usage de la force), (iii) ne sont pas utilisées pour attacher ou joindre deux pièces ou plus ensemble et (iv) ne sont pas fixées sur un point précis sur un matériau37.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

39. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont des fils d’acier non allié, étirés à froid, coupés en de courtes longueurs de 50 mm et d’un diamètre de 0,95 à 1,12 mm, et que les fibres sont « déformées » (pliées ou aplaties) en bouts ondulés ou aplatis38.

40. M. Lafontaine a témoigné que les bouts ondulés ou aplatis des fibres sont des déformations différentes, mais que leur fonction commune est de « [...] créer une résistance, un ancrage, de sorte que la fibre ne puisse se retirer trop facilement du béton, et qu’elle soit en mesure de retenir ces [microfissures] beaucoup mieux et réduire le taux de propagation de ces fissures »39 [traduction].

41. M. Lafontaine a expliqué le rôle des fibres dans le renforcement du béton, l’évolution dans le domaine de l’armature du béton armé, la manière dont les fibres procurent un renforcement tridimensionnel, les caractéristiques des fibres, le processus d’ajout des fibres au béton, les différents types de fibres utilisés dans les matériaux de construction et les types de structures dans lesquelles le béton armé est utilisé. M. Lafontaine a déclaré que les fibres sont distribuées statistiquement afin de créer une armature de béton armé tridimensionnelle dans laquelle « [...] les fibres sont orientées dans presque toutes les directions, de sorte qu’elles puissent intercepter directement toute microfissure qui pourrait se former dans n’importe quelle direction, dans une structure de béton »40 [traduction].

42. Bien que son témoignage ait été utile pour comprendre la manière dont les fibres fonctionnent à l’intérieur du béton, M. Lafontaine a reconnu qu’il n’avait que peu de connaissances, sinon aucune à l’égard de la manière dont les marchandises en cause étaient fabriquées41. Par conséquent, le témoignage de M. Lafontaine ne s’est pas avéré très utile pour le Tribunal afin de résoudre cette question.

ANALYSE

43. Le fardeau initial de prouver que l’ASFC s’est trompée dans le classement des marchandises en cause incombe à Performance Steel42. Le Tribunal n’est pas persuadé par les arguments alambiqués, souvent inutiles, présentés par Performance Steel, lesquels visaient surtout à tenter de convaincre le Tribunal que les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans les positions nos 72.13, 72.14, 72.15, 73.08 et 73.18, plutôt que d’expliquer pourquoi elles devraient être classées dans la position no 72.16 ou, subsidiairement, dans la position no 73.17.

44. De l’avis du Tribunal, le cadre d’analyse approprié pour statuer sur la présente affaire est le suivant. Conformément aux Notes explicatives du chapitre 73, ce chapitre « [...] couvre sous les nos 73.01 à 73.24, un certain nombre d’ouvrages bien déterminés et, sous les nos 73.25 et 73.26, un ensemble d’ouvrages non repris dans les Chapitres 82 ou 83 et qui ne relèvent pas d’autres Chapitres de la Nomenclature, en fonte (telle que définie à la Note 1 du présent Chapitre), fer ou acier » [nos italiques].

45. Puisque la position no 73.26 est destinée à servir de position résiduelle, le Tribunal considère qu’il est approprié de déterminer d’abord si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 72.16 ou no 73.17, comme le soutient Performance Steel. Le cas échéant, les marchandises en cause doivent donc être exclues de la portée de la position no 73.26.

46. Si le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 72.16 ou no 73.17, il doit déterminer ensuite si les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 73.26.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 72.16?

47. Performance Steel soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 72.16 par application de la Règle 1 des Règles générales.

48. La position no 72.16 prévoit ce qui suit :

72.16 Profilés en fer ou en aciers non alliés.

[...]

-Profilés simplement obtenus ou parachevés à froid :

49. La note 1n) du chapitre 72 définit « profilés » comme des produits ayant une section transversale de forme quelconque pleine et constante et ne répondant pas à la définition des produits des notes ij) (demi-produits), k) (produits laminés plats), l) (fil machine) ou m) (barres) ou à la définition de « fils » de la note o).

50. Le Tribunal remarque également que tous les produits décrits dans les notes ij), k), l), m), n) et o) sont laminés ou étirés mais ne sont pas des ouvrages plus élaborés.

51. Selon les Notes explicatives du chapitre 72, ce chapitre « [...] traite des métaux ferreux [...] et des autres produits de base (Sous-Chapitre I), ainsi que des produits sidérurgiques (lingots et autres formes primaires, demi-produits et principaux produits en dérivant directement) en fer et aciers non alliés (Sous-Chapitre II) [...] » [nos italiques].

52. Toutefois, « [l]es ouvrages plus élaborés tels que pièces moulées, pièces de forge, etc. ainsi que les palplanches, les profilés soudés [...] relèvent du Chapitre 73, ou, le cas échéant, d’autres Chapitres » [nos italiques]. De plus, la partie IV des Notes explicatives du chapitre 72 prévoit que certains demi-produits « sont transformés ultérieurement en produits finis ». « On les distingue généralement en produits plats [...] et produits longs (fil machine, barres, profilés, fils) ». « Ces transformations sont obtenues, notamment, par déformation plastique soit à chaud [...] soit à froid à partir des produits finis à chaud (laminage à froid, extrusion, tréfilage, étirage) éventuellement suivie, dans certains cas [...] d’opérations de parachèvement » [nos italiques].

53. Pour décrire les opérations de parachèvement subséquentes qui n’affectent pas le classement des marchandises dans le chapitre 72, les Notes explicatives de la position no 72.16 renvoient à la note C de la partie IV des Notes explicatives du chapitre 72 :

1) Ouvraisons mécaniques (tournage, fraisage, meulage, perçage, pliage, calibrage, écroûtage fin, etc.); il est à remarquer qu’un simple tournage grossier qui élimine la pellicule d’oxyde ou les croûtes, ainsi qu’un ébarbage grossier ne sont pas considérés comme des opérations de parachèvement et n’entraînent pas de changement de classement.

[Nos italiques]

54. De plus, d’après les termes des Notes explicatives de la position no 72.16, « [l]es profilés de la présente position peuvent avoir subi des ouvraisons mécaniques, telles que perçage, torsion [...] à condition que ces ouvraisons n’aient pas pour effet de conférer aux produits de l’espèce le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs » [nos italiques].

55. Par conséquent, le Tribunal considère que, puisque le produit principal duquel sont dérivées les marchandises en cause est le fil d’acier, qui est lui-même un « demi-produit » (note 1o])43, et que les fibres d’acier ont subi des opérations de parachèvement comme le coupage, le pliage ou l’aplatissement, les marchandises en cause ne correspondent pas à la définition de « demi-produits » au sens du chapitre 72. Pour ces motifs, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause sont effectivement des « produits finis » conformément à la note IV des Notes explicatives du chapitre 72.

56. Le Tribunal remarque que les notes et les Notes explicatives des chapitres 72 et 73 visent les « produits de base », les « demi-produits », les « produits finis » et les « articles ». Les produits de base et les demi-produits sont classés dans le chapitre 72. Toutefois, pas tous les produits « finis » sont par définition classés dans le chapitre 73. En effet, les produits finis plus élaborés peuvent être classés dans les chapitres 72 ou 73 selon le processus de fabrication utilisé dans chaque cas et selon les caractéristiques des marchandises.

57. Performance Steel s’appuie également sur la définition du mot « article » appliquée par le Tribunal dans Great West Van44. Premièrement, dans le contexte de cette décision, le Tribunal n’a pas établi une distinction entre les mots « produit » et « article ». Deuxièmement, ce mot était appliqué aux fins du numéro tarifaire 9958.00.00 à l’égard de marchandises totalement différentes. Par conséquent, le Tribunal considère que cette définition n’est pas pertinente aux fins du classement dans les chapitres 72 et 73.

58. Enfin, contrairement à ce que les parties ont affirmé, le Tribunal ne perçoit pas la distinction entre les marchandises du chapitre 72 et les marchandises du chapitre 73 comme une distinction entre des produits (chapitre 72) et des articles (chapitre 73). Le Tribunal comprend plutôt que le Parlement a établi une distinction entre les produits finis du chapitre 72 et les produits finis du chapitre 73 en fonction de la nature des opérations de parachèvement, du niveau de parachèvement du produit et des caractéristiques particulières des marchandises en tant que choses distinctes.

59. Les distinctions entre les marchandises des chapitres 72 et 73 doivent être établies au cas par cas, en considérant la question de savoir si le processus de parachèvement est tel qu’il entraîne un changement de classement au sens de ces positions, des notes légales et des Notes explicatives.

60. Bien que Performance Steel convienne que les marchandises en cause sont obtenues par déformation plastique à froid (fil étiré à froid) au sens de la note IV des Notes explicatives du chapitre 72, elle soutient que le parachèvement n’entraîne pas un changement de classement au sens de la note C de la partie IV des Notes explicatives du chapitre 72 et des Notes explicatives de la position no 72.16.

61. Par conséquent, pour que les marchandises en cause puissent être classées dans le chapitre 72 et, plus précisément, dans la position no 72.16, elles doivent satisfaire notamment à deux exigences cumulatives. Elles doivent (i) avoir été soumises à un parachèvement brut qui (ii) ne leur confère pas les caractéristiques d’articles ou de produits compris dans d’autres positions.

62. Selon les éléments de preuve, les marchandises en cause sont du fil d’acier (non enroulé) coupé à des longueurs de 5 cm et ensuite déformées. Elles ont été soumises aux opérations de parachèvement de découpage et d’aplatissage ou de pliage.

63. Ces opérations de parachèvement sont perçues par Performance Steel comme étant du « calibrage » (lorsque les marchandises en cause sont coupées aux dimensions voulues) et de la « torsion »45 (lorsque les marchandises en cause sont pliées ou aplaties).

64. En réponse, l’ASFC renvoie à la définition susmentionnée du mot « twist » dans le McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms.

65. Bien que le terme « torsion » ne soit pas expressément défini dans les notes et les Notes explicatives du chapitre 72, les Notes explicatives de la position no 72.14 définissent l’expression « barres ayant subis une torsion » comme des « [...] barres laminées à deux ou plusieurs bourrelets longitudinaux auxquelles la torsion confère une forme hélicoïdale (acier tors) » [nos italiques], ce qui laisse entendre que le résultat de la « torsion » est une forme hélicoïdale.

66. D’autre part, le mot « bend » (plier) est défini comme suit : « contraindre ou appliquer une tension pour courber [...] tourner ou forcer qqch. de droit ou plat pour le rendre courbé ou angulaire »46 [traduction] et « [...] forcer ou adapter (surtout qqch. de droit) pour obtenir une courbe ou un angle »47 [traduction]. Le mot « flatten » (aplatir) est défini comme suit : « rendre plat [...] devenir plat [...] » [traduction] ou « étirer pour obtenir une forme ou une position plate »48 [traduction]. Selon le Tribunal, ces définitions n’impliquent pas une forme de rotation axiale. Les éléments de preuve au dossier indiquent que les bouts des marchandises en cause ont été pliés ou aplatis à la suite d’une opération de pliage et/ou d’aplatissement et non pas à la suite d’une torsion ou d’un enroulement pour leur conférer une forme hélicoïdale.

67. Par conséquent, en se fondant sur les éléments de preuve au dossier, le Tribunal n’est pas persuadé que les marchandises en cause n’ont été soumises qu’à un parachèvement brut.

68. De toute façon, le Tribunal considère que Performance Steel n’a pas démontré la conformité des marchandises en cause à la deuxième exigence cumulative pour que celles-ci soient classées dans le chapitre 72. En effet, le Tribunal est d’avis que les opérations de parachèvement auxquelles les marchandises en cause ont été soumises ont été accomplies afin de donner aux marchandises une forme particulière prescrite par la Standard Specification for Steel Fibers for Fiber-Reinforced Concrete (spécification normalisée pour les fibres d’acier pour le béton renforcé de fibres)49. Ces opérations de parachèvement entraînent un changement dans les caractéristiques et les fonctions des marchandises et un changement dans le classement tarifaire.

69. Le fait que les marchandises en cause, qui sont des « pièces de construction » [nos italiques] (« articles prepared for use in structures »), soient expressément exclues de la portée de la position no 72.16 appuie cette position. Performance Steel reconnaît que les marchandises en cause seraient des « pièces de construction » si elles n’étaient pas exclues du classement dans cette position, car elles sont utilisées notamment dans des structures flottantes50.

70. En conséquence, le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 72.16.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 73.17?

71. La position no 73.17 prévoit ce qui suit :

7317.00 Pointes, clous, punaises, crampons appointés, agrafes ondulées ou biseautées et articles similaires, en fonte, fer ou acier, même avec tête en autre matière, à l’exclusion de ceux avec tête en cuivre.

[Nos italiques]

72. Dans les décisions antérieures du Tribunal citées par les parties, le Tribunal a conclu que les « articles similaires » sont des biens qui partagent des caractéristiques essentielles et des traits communs. Toutefois, « similaire » ne signifie pas « identique »51. Le Tribunal a examiné la question de savoir si les marchandises en cause ont en commun des fonctions et des caractéristiques essentielles avec les articles expressément nommés dans la position no 73.17.

73. Les arguments présentés par Performance Steel à cet égard peuvent être résumés comme suit : des clous ou des articles similaires étaient autrefois utilisés pour renforcer le béton, et la fonction des marchandises en cause est similaire à la fonction des articles de la position no 73.17, qui est de lier du béton disjoint afin de lui permettre de résister aux forces de compression dans le béton52.

74. En ce qui concerne le premier argument, M. Lafontaine a déclaré que, au milieu des années 1960, des produits similaires à des attaches étaient utilisés dans les structures comme armature de béton53. Plus précisément, M. Lafontaine a indiqué que les premières fibres d’acier utilisées au Canada « [...] ressemblaient essentiellement à des clous à béton -- des clous à béton tordus »54 [traduction].

75. Toutefois, selon M. Lafontaine, les marchandises en cause possèdent « [...] de bien meilleures [propriétés] qu’[un] clou »55 [traduction], car « [l]e clou n’a pas été conçu pour être intégré dans du béton »56 [traduction]. De plus, selon lui, les marchandises en cause sont spécialement conçues pour être plus efficaces que les clous utilisés de cette manière.

76. Le Tribunal est d’avis que le simple fait que des clous aient été utilisés autrefois pour renforcer le béton (ce qui est loin d’être leur utilisation habituelle reconnue) ne permet pas d’affirmer que les clous sont conçus pour être utilisés comme armature de béton, ni que les marchandises en cause doivent, pour ce motif, être considérées comme similaires à des clous. Le Tribunal est plutôt d’avis que les clous et les marchandises en cause sont deux produits totalement différents, conçus pour des utilisations particulières différentes et qu’ils possèdent leurs propres caractéristiques différentes.

77. En ce qui concerne le deuxième argument, l’ASFC renvoie à la définition des mots « fasten »57 (attacher) et « nail »58 (clou), en soutenant que les marchandises en cause ne possèdent pas les mêmes caractéristiques importantes que les articles énumérés dans la position no 73.17, car elles (i) n’ont pas au moins un bout pointu, (ii) ne sont pas utilisées pour être insérées par la force, (iii) ne sont pas utilisées pour attacher ou joindre deux pièces ou plus ensemble et (iv) ne sont pas fixées sur un point précis sur un matériau59.

78. Les éléments de preuve au dossier indiquent que les marchandises en cause n’ont pas été spécialement conçues pour posséder des bouts pointus et que toute pointe résultant du processus d’aplatissement ou de pliage des bouts des marchandises en cause n’est que purement accidentelle60.

79. De plus, les marchandises en cause sont introduites dans un coulis de béton avant qu’il ne durcisse et ne sont pas introduites par la force dans un matériau déjà durci, comme on le ferait avec des clous61. Les éléments de preuve au dossier indiquent que, lorsque le béton a durci, les marchandises en cause deviennent une composante du béton armé. En d’autres termes, le Tribunal est d’avis qu’on ne peut soutenir qu’elles « attachent » ensemble deux composantes différentes, comme le font des clous. Les particules de béton séparées semblent être maintenues ensemble en raison des propriétés chimiques ou physiques de la substance et non par les marchandises en cause proprement dites. Par conséquent, toute « attache » ou fixation entre les particules de béton et les marchandises en cause ne seraient pas attribuable à leurs fonctions ou caractéristiques inhérentes, mais plutôt aux propriétés physiques ou chimiques du béton interagissant avec elles.

80. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause et les articles de la position no 73.17 sont des produits totalement différents, qui n’ont pas de caractéristiques générales ou particulières communes et dont les fonctions sont totalement différentes.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la position no 73.26?

81. La position no 73.26 vise les « [a]utres ouvrages en fer ou en acier ». Selon les Notes explicatives de la position no 73.26, « [d]ans cette position sont englobés les ouvrages en fer ou en acier obtenus par forgeage ou estampage, par découpage ou emboutissage ou par d’autres ouvraisons telles que pliage, assemblage, soudure, tournage, fraisage ou perçage, non repris soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans la Note 1 de la Section XV, soit dans les Chapitres 82 ou 83, soit enfin dans les autres parties de la Nomenclature » [nos italiques].

82. Les marchandises en cause sont décrites de façon générique dans la position no 73.26; elles sont des ouvrages en fil d’acier qui ont été obtenu par découpage et d’autres opérations de parachèvement comme le pliage ou l’aplatissement.

83. Performance Steel n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de démontrer que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées dans la position no 73.26.

84. Comme il a été mentionné plus haut, la position no 73.26 est une position résiduelle. Ayant déterminé que les marchandises en cause ne peuvent être classées ni dans le chapitre 72 ni dans la position no 73.17, le Tribunal considère que la seule position du chapitre 73 pouvant potentiellement comprendre les marchandises en cause est la position no 73.26.

85. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des ouvrages en fil d’acier et qu’elles sont comprises dans la position no 73.26.

Classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire

86. Les parties conviennent et les éléments de preuve au dossier indiquent que les marchandises en cause sont des ouvrages en fil d’acier. Par conséquent, aux termes de la règle 6 des Règles générales et de la règle 1 des Règles canadiennes, les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7326.20.00.

DÉCISION

87. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Transcription de l’audience publique, 17 janvier 2012, aux pp. 6-17.

4 . Ibid. à la p. 7.

5 . Ibid. aux pp 17-21; pièce du Tribunal AP-2011-021-15.

6 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 36.

7 . Ibid. aux pp. 33-34.

8 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A, onglet 2 à la p. 23.

9 . Ibid. à la p. 28.

10 . Ibid. à la p. 33.

11 . Ibid. à la p. 38.

12 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A au para. 6; pièce du Tribunal AP-2011-021-05A au para. 3, onglet 2; pièce du Tribunal AP-2011-021-17A aux para. 6, 15.

13 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A aux paras 5-12; pièce du Tribunal AP-2011-021-05A au para. 3, onglets 2, 20; Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 48-56, 63-65.

14 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A, onglet 2; Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 25, 30, 57, 70.

15 . Déposées au cours de l’audience tenue le 1er février 2012; Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 47.

16 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 44-48.

17 . Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

18 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

19 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

20 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position (c.-à-d. à quatre chiffres). En vertu de la Règle 6 des Règles générales, les Règles 1 à 5 s’appliquent au classement au niveau de la sous-position (c.-à-d. à six chiffres). De la même façon, les Règles canadiennes rendent les Règles 1 à 5 des Règles générales applicables au classement au niveau du numéro tarifaire (c.-à-d. à huit chiffres).

21 . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives]. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit également qu’il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

22 . Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) [Suzuki] aux para. 13, 17.

23 . La Règle 6 des Règles générales prévoit ce qui suit : « Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

24 . La Règle 1 des Règles canadiennes prévoit que le numéro tarifaire est déterminé légalement d’après les termes de ce numéro tarifaire et des notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales, par exemple, en interprétant le mot « position » à la Règle 1 des Règles générales comme signifiant « numéro tarifaire ».

25 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 88-89, 99-100, 103-105.

26 . Ibid. à la p. 105.

27 . Pour appuyer sa position, Performance Steel renvoie à la décision du Tribunal dans Great West Van Conversions Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 novembre 2011), AP-2010-037 (TCCE) [Great West Van]. Pièce du Tribunal AP-2011-021-16A aux para. 1-4, 17.

28 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée) aux para. 23, 24; York Barbell Co. Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A. (16 mars 1992), AP-91-131 (TCCE); Canper Industrial Products Ltd. c. Sous-M.R.N. (24 janvier 1995), AP-94-034 (TCCE); Ivan Hoza c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 janvier 2010), AP-2009-002 (TCCE) [Hoza]; Rui Royal International Corp. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 mars 2011), AP-2010-003 (TCCE) [Rui Royal]; Kinedyne Canada Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (5 juillet 2011), AP-2010-027 (TCCE).

29 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée) aux para. 28, 29.

30 . (30 avril 2010), AP-2009-013 (TCCE).

31 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-17A au para. 14.

32 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A, onglet 2.

33 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée) au para. 5, onglet 1 à la p. 21, onglet 2 à la p. 27.

34 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-17A au para. 15.

35 . Ibid. au para. 45, onglet. 8.

36 . Ibid. au para. 45.

37 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A aux para. 32-45, onglets 19, 20, 21; Rui Royal.

38 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée) aux para. 5-7; Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 51-52, 67, 68.

39 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 67-68. Voir aussi Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 51, où M. Lafontaine a affirmé ce qui suit : « Ces déformations ont été apportées aux fibres afin d’améliorer ce que nous appelons la résistance à l’arrachement, la résistance à la traction, parce que les fibres ne fonctionnent dans le béton que lorsque le béton commence à se fissurer. Ce que j’entends par fissure, ce sont les fissures qu’on ne voit pas. Il s’agit de très, très petites microfissures et ces fibres ont tendance à s’arracher. Dès que le lien entre la fibre et le béton se [rompt], cela signifie qu’il cède en raison d’une fissure qui se propage. La déformation des bouts améliore la résistance d’arrachement globale des fibres, ce qui les rend beaucoup plus efficaces pour renforcer le béton » [traduction].

40 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 52.

41 . Ibid. aux pp. 30, 57, 69, 70.

42 . Wal-Mart Canada Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 juin 2011), AP-2010-035 (TCCE) à la p. 35.

43 . Le Tribunal remarque également que, comme l’affirme Performance Steel, le terme « fil » n’a pas la même signification dans la note 1n) du chapitre 72 que dans la note 2 du chapitre 73. La définition donnée dans le chapitre 72 ne comprend que les fils enroulés, tandis que la définition dans la note du chapitre 73 ne contient pas une telle exigence.

44 . À la p. 34.

45 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-16A au para. 23; Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, aux pp. 100-101, 140-141.

46 . Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd, s.v. « bend ».

47 . Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « bend ».

48 . Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd, s.v. « flatten ».

49 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée), onglet 2.

50 . Selon les Notes explicatives de la position no 72.16, « [l]a présente position ne couvre pas [...] b) [l]es pièces de construction du no 73.08) ». Pièce du Tribunal AP-2011-021-16A aux para. 7-12.

51 . Hoza.

52 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-03A (protégée) aux para. 28, 29.

53 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 54.

54 . Ibid.

55 . Ibid. à la p. 79.

56 . Ibid.

57 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A, onglet 21. Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., définit le mot « fasten » (attacher) comme suit : « 1 a : attacher surtout en fixant, en liant ou en clouant » [traduction].

58 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A, onglet 19. Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., définit le mot « nail » (clou) comme suit : « 1 petite pointe de métal habituellement affûtée assortie d’une tête plate élargie, insérée, notamment à l’aide d’un marteau, pour joindre des objets ensemble » [traduction].

59 . Pièce du Tribunal AP-2011-021-05A aux para. 34-45, onglets 19, 20, 21.

60 . Ce fait a été reconnu lors de l’audience par Performance Steel, de la manière suivante : « Le bout pointu est accessoire. La pointe ne résulte que du processus d’aplatissement. [...] En fait, le but du processus n’est pas la pointe, c’est l’aplatissement qui l’est » [traduction]. Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 26.

61 . Transcription de l’audience publique, 1er février 2012, à la p. 50.