EURO-LINE APPLIANCES


EURO-LINE APPLIANCES
Appel no AP-2012-026
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Décision et motifs rendus
le lundi 12 août 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 7 mai 2013, en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 8 juin 2012, concernant une demande de révision d'une demande anticipée en matière de classement aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

EURO-LINE APPLIANCES Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est admis.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : le 7 mai 2013
Membre du Tribunal : Pasquale Michaele Saroli, membre présidant
Conseiller juridique pour le Tribunal : Georges Bujold
Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent
Agent du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante Conseillers/représentants
Euro-Line Appliances Michael Kaylor
Michael Sherbo
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Max Binnie

TÉMOIN :

Doug Eglington
Président
Euro-Line Appliances Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Euro-Line Appliances (Euro-Line) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard d'une décision rendue le 8 juin 2012 par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4), concernant une demande de révision d'une décision anticipée en matière de classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs de marque Liebherr, modèle CS2060 (les marchandises en cause), sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8418.10.90 de l'annexe du Tarif des douanes2 à titre d'autres combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs, munis de portes extérieures séparées, comme l'a déterminé l'ASFC, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre d'autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, comme le soutient Euro-Line. À titre subsidiaire, si le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.10.90, l'ASFC soutient qu'elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 8418.21.00 à titre de réfrigérateurs de type ménager à compression.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Le 26 janvier 2012, l'ASFC a rendu une décision anticipée aux termes du paragraphe 43.1(1) de la Loi, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8418.10.90 à titre de combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs, munis de portes extérieures séparées.

4. Le 6 février 2012, Euro-Line a demandé une révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi. Elle soutenait que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre d'autres matériel, machines et appareils pour la production du froid.

5. Le 8 juin 2012, l'ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant sa décision anticipée.

6. Le 29 août 2012, Euro-Line a interjeté le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

7. Le 7 mai 2013, le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Doug Eglington, président d'Euro-Line, a comparu en tant que témoin d'Euro-Line. L'ASFC n'a fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

8. Les marchandises en cause sont des réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs autonomes d'une largeur de 36 pouces munis d'une porte pour accéder au compartiment de réfrigération et de deux tiroirs de congélation contenant les compartiments de congélation. Les tiroirs de congélation sont installés sur des rails télescopiques et peuvent être tirés pour y ranger des produits alimentaires. Les marchandises en cause sont décrites dans la documentation sur les produits comme étant des modèles « à congélateur inférieur » [traduction], puisque leurs compartiments de congélation sont situés en-dessous du compartiment de réfrigération. Selon les éléments de preuve, le compartiment de réfrigération des marchandises en cause ont une capacité nette de 13,4 pieds cubes, alors que les compartiments de congélation ont une capacité nette de 6 pieds cubes3.

9. Les éléments de preuve indiquent également que les marchandises en cause sont munies de deux compresseurs distincts, dont l'un pour le réfrigérateur et l'autre pour le congélateur, et qu'ils sont destinés à un usage ménager4.

10. Les parties n'ont déposé aucun objet comme pièce.

CADRE LÉGISLATIF

11. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)5. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

12. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé6 et les Règles canadiennes7 énoncées à l'annexe.

13. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la Règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdits positions et notes, d'après les autres règles.

14. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises8 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises9, publiés par l'OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n'aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire10.

15. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des Notes explicatives et des Avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la Règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles11.

16. Après que le Tribunal ait utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée12. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié13.

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

17. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES;
APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES
ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES
DE CES APPAREILS

. . .

Chapitre 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES,
APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES;
PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

. . .

84.18 Réfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre; pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l'air du no 84.15.

8418.10 -Combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de portes extérieures séparées

8418.10.10 - - -À absorption, combinés au gaz et à l'électricité, devant être installés de façon permanente dans des véhicules de loisirs et devant servir à la fabrication de ces véhicules

8418.10.90 - - -Autres

. . .

-Réfrigérateurs de type ménager :

8418.21.00 - -À compression

. . .

-Autres matériel, machines et appareils pour la production du froid; pompes à chaleur :

8418.61.00 - -Pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l'air du no 84.15

8418.69 - -Autres

8418.69.20 - - -Installations frigorifiques commerciales du type pour magasins

8418.69.90 - - -Autres

18. Les notes de section et de chapitre et les Notes explicatives pertinentes seront examinées dans l'analyse du Tribunal ci-après, le cas échéant.

ANALYSE DU TRIBUNAL

19. L'ASFC et Euro-Line conviennent, et le Tribunal admet, que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 84.18 qui vise les « [r]éfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre; pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l'air du no 84.15 ». Le litige entre les parties porte sur le classement au niveau de la sous-position.

20. En ce qui concerne le classement au niveau de la sous-position, la Règle 6 des Règles générales prévoit ce qui suit :

Le classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

[Notre soulignement]

21. L'ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8418.10 à titre de « [c]ombinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de portes extérieures séparées » par application, mutatis mutandis (conformément à la Règle 6), de la Règle 1 des Règles générales. Subsidiairement, elle soutient que les marchandises peuvent être classées dans la sous-position no 8418.21 à titre de « [r]éfrigérateurs de type ménager : à compression » par application, mutatis mutandis, (conformément à la Règle 6) de la note 3 de la section XVI (qui comprend le chapitre 84). Cette note de section prévoit ce qui suit :

3. Sauf dispositions contraires,[14] les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble.

[Nos italiques]

22. Euro-Line soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position no 8418.69 à titre d'« [a]utres matériel, machines et appareils pour la production du froid » par application, mutatis mutandis (conformément à la Règle 6), de la Règle 1 des Règles générales.

23. En utilisant le mot « autres » pour modifier « matériel, machines et appareils pour la production du froid », la sous-position no 8418.69 devient un classement résiduel englobant le matériel, les machines et les appareils pour la production du froid qui ne sont pas inclus dans l'une des sous-positions qui la précèdent. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent pas, en droit, être classées de prime abord à la fois dans la sous-position no 8418.10 (ou la sous-position no 8418.21) et la sous-position no 8418.6915. Ainsi, les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la sous-position par application, mutatis mutandis (conformément à la Règle 6), de la Règle 3 des Règles générales. En effet, la Règle 3 ne s'applique que lorsque les marchandises paraissent devoir être classées dans deux ou plusieurs positions ou lorsque, comme en l'espèce, le litige porte sur le classement au niveau de la sous-position, dans deux ou plusieurs sous-positions.

24. Comme il l'a fait dans des affaires antérieures16, le Tribunal déterminera d'abord si les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8418.10 conformément aux Règles 1 et 6 des Règles générales. S'il conclut qu'elles ne sont pas correctement classées dans cette sous-position, le Tribunal déterminera ensuite si les marchandises en cause doivent être classées dans une autre sous-position spécifique de la position no 84.18 ou dans la sous-position résiduelle no 8418.69, comme le soutient Euro-Line.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la sous-position no 8418.10?

25. La question de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8418.10 dépend de la question factuelle de savoir si elles sont « muni[e]s de portes extérieures séparées ». Plus précisément, et considérant que les marchandises en cause sont munies de deux tiroirs contenant les compartiments de congélation ainsi que d'une porte donnant accès au compartiment de réfrigération, l'appel porte sur la question de savoir si le mot « portes », dans le contexte de son utilisation à la sous-position no 8418.10, peut être interprété comme incluant les tiroirs.

26. Selon les principes modernes de l'interprétation des lois, tels qu'ils ont été énoncés par le juge Iacobucci dans Rizzo17 et réitérés dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada18 (par la juge en chef McLachlin et le juge Major) :

[I]l faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur [...]. L'interprétation d'une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L'incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l'objet sur le processus d'interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d'une loi comme formant un tout harmonieux19.

[Nos italiques]

27. À cet égard, Euro-Line soutient qu'on ne peut faire fi du sens ordinaire de l'expression « portes extérieures séparées »20 et que celle-ci n'inclut pas les tiroirs21. À cet égard, Euro-Line soutient ce qui suit :

Les portes et les tiroirs sont des articles tout à fait différents [...]. Ils diffèrent dans leur apparence, leur conception, leur mouvement et leur fonction. Une porte n'est qu'une barrière, alors qu'un tiroir est un contenant en forme de boîte. Étant donné qu'une partie (c'est-à-dire une bordure extérieure) d'un tiroir sert de barrière en soi, il n'est pas nécessaire d'avoir une porte22.

[Traduction]

28. Pour appuyer son argument selon lequel on doit rechercher l'intention du législateur en appliquant une norme objective, Euro-Line renvoie à l'explication suivante, que la Cour d'appel fédérale a retenue dans Canada (Procureur général) c. Friends of the Canadian Wheat Board23 :

[39] Notre Cour a expliqué comme suit le concept de l'intention du législateur dans l'arrêt Felipa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 272 (CanLII), 2011 CAF 272, [2012] 1 R.C.F 3, au paragraphe 31, citant en y souscrivant, à cette fin, lord Nicholls dans l'arrêt Regina v. Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions, Ex parte Spath Holme Ltd., [2001] 2 A.C. 349 (H.L.), à la page 396 :

[...] « l'intention du législateur » est une notion objective et non subjective. [...] Par conséquent, lorsque les tribunaux affirment que tel sens « ne peut pas représenter l'intention du législateur », tout ce qu'ils veulent dire c'est que le législateur ne peut pas raisonnablement avoir utilisé les mots en cause dans ce sens. Comme lord Reid l'a affirmé dans l'arrêt Black-Clawson International Ltd c. Papierwerke Waldhof-Aschaffenburg A G[1975] A.C. 591, 613 :

Nous affirmons souvent que nous tentons d'établir l'intention du législateur, mais ce n'est pas tout à fait exact. Nous tentons plutôt d'établir le sens des mots employés par le législateur.

[Nos caractères gras]

29. À l'égard de son argument selon lequel l'on doit présumer que le Parlement dit ce qu'il pense et pense ce qu'il dit24, Euro-Line soutient qu'il faut présumer que le Parlement connaît le sens des mots qu'il emploie dans le texte de ses lois. À cet égard, Euro-Line renvoie à l'arrêt Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble25 dans lequel la Cour suprême du Canada affirmait ce qui suit : « [26] [...] il faut présumer que le législateur connaît la distinction entre les lignes de transmission et les lignes de distribution ». Dans la même veine, Euro-Line soutient qu'il faut présumer que le Parlement connaît la distinction entre les « portes » et les « tiroirs ».

30. Pour appuyer son argument selon lequel la sous-position no 8418.10 n'a pas pour but d'englober toutes les configurations de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs, Euro-Line soutient que « le cas échéant, le libellé indiquerait simplement “combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs” »26 ou combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de « [...] portes extérieures et/ou de tiroirs [...] »27, puisque le Parlement aurait pu utiliser un libellé plus direct et non ambigu s'il avait eu l'intention de donner une portée plus large à la sous-position no 8418.1028.

31. Enfin, en ce qui concerne les principes modernes selon lesquels une analyse contextuelle et téléologique doit être utilisée pour établir le sens des mots et des expressions utilisés dans une loi, Euro-Line renvoie à Exida, dans laquelle la Cour d'appel fédérale affirmait ce qui suit :

[32] Bien que l'analyse contextuelle et téléologique soit utile pour déterminer, parmi les différentes significations que peut avoir un mot (ou une phrase), celle qui reflète le mieux l'intention du législateur, elle ne peut servir à lui donner un sens qu'il (ou elle) ne saurait avoir [...].

[Nos italiques]

32. En revanche, l'ASFC préconise, en s'appuyant sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans British Columbia Telephone Co. c. Sa Majesté la Reine29, « [u]ne interprétation non limitative [...] selon laquelle “la règle de droit a vocation permanente” [...] » [traduction] et suivant laquelle les mots doivent être interprétés « [...] de manière à inclure ceux qui, au fil du progrès, entrent normalement dans le sens ordinaire »30 [traduction].

33. Pour appuyer davantage sa position, l'ASFC renvoie à l'article 12 de la Loi d'interprétation31 aux termes duquel tout texte doit s'interpréter « [...] de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

34. De plus, pour appuyer sa position, l'ASFC souligne l'énoncé dans la note (I) des Notes Explicatives de la Règle 1 des Règles générales qui prévoit ce qui suit : « [...] il a été matériellement impossible, dans bien des cas, en raison de la diversité et du nombre des articles, de les englober tous ou de les énumérer entièrement dans les titres de ces rubriques ». Bien qu'elle convienne avec Euro-Line que ces titres n'ont qu'une valeur indicative et donc aucune conséquence juridique pour le classement, l'ASFC soutient que, dans la mesure où le même problème pratique se pose dans le contexte des descriptions des sous-positions, une méthode d'interprétation non limitative est appropriée.

35. En outre, l'ASFC demande au Tribunal de tenir compte de l'énoncé ci-dessous du juge Wallach de la United States Court of International Trade dans BASF Corp. v. The United States32 :

Lorsque le caractère ou la fonction d'un article diffère de celui qui est décrit dans une disposition spécifique de l'annexe du tarif, qu'il soit plus limité ou plus diversifié, et que cette différence est marquée, l'article ne peut être classé dans cette disposition [...]. Si la différence n'est qu'une simple amélioration ou amplification, et que le caractère essentiel des marchandises est préservé ou seulement accessoirement modifié, la règle veut qu'une disposition eo nomine inclue toutes les formes d'un article, sauf intention contraire du législateur ou désignation commerciale33.

[Traduction, nos italiques]

36. À cet égard, l'ASFC a qualifié l'introduction des tiroirs de congélation d'amélioration innovatrice des combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs compris dans la description eo nomine de la sous-position no 8418.10, qui n'a modifié ni leur caractère ni leur fonction.

37. Dans 65302 British Columbia Ltd. c. Canada34, la Cour suprême du Canada, bien que confirmant la méthode contextuelle moderne de l'interprétation des lois, a fait remarquer ce qui suit : « [...] notre Cour a aussi souvent fait preuve de circonspection dans l'emploi de moyens d'interprétation des lois permettant de s'écarter d'un libellé clair et non ambigu »35.

38. En règle générale, le contexte législatif particulier dans lequel un mot ou une expression est utilisé apporte un éclairage sur l'étendue de l'interprétation pouvant être faite d'un mot ou d'une expression. En l'espèce, le Tribunal est d'avis que la variété croissante des innovations et des configurations de réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs sur le marché36 et le fait que les descriptions relativement statiques du Tarif des douanes, qui sont fondées sur le Système harmonisé, doivent suivre le « rythme du progrès » justifient une interprétation non limitative du mot « porte » dans la sous-position no 8418.10. Cela dit, l'approche non limitative ne permet pas d'adopter des interprétations que des mots et des expressions ne sauraient recevoir. Une approche non limitative doit néanmoins donner lieu à une interprétation qui respecte le sens ordinaire, ou un éventail de sens, pouvant raisonnablement être attribués à un mot ou une expression donné. À cet égard, « [s]i certains mots ont un sens particulier [le rédacteur] doit s'assurer que ce sens soit clair »37 [traduction].

39. La définition du mot « door » (porte) dans le Shorter Oxford English Dictionary38 comprend ce qui suit :

1. Barrière à charnières ou coulissante en bois, en métal, etc. servant à ouvrir ou à fermer une entrée dans un bâtiment, une chambre, une armoire, un véhicule ou une autre enceinte [...] 3. Chose qui ressemble à une porte en raison de son mouvement ou de sa fonction : un couvercle, une valve, un bouchon, une ouverture.

[Traduction, nos italiques]

40. Examinant d'abord la question du mouvement, le Tribunal trouve particulièrement utile la définition suivante du mot « door » du Webster's Third New International Dictionary39, et plus précisément ce qui a trait aux unités de réfrigération :

1 a: [...] structure habituellement soutenue sur un côté et pivotant sur des pivots ou des charnières, coulissant dans une rainure, roulant vers le haut ou le bas, tournant avec quatre panneaux, ou pliant comme un accordéon et au moyen de laquelle une ouverture peut être fermée ou laissée ouverte pour le passage à l'intérieur ou à l'extérieur d'un immeuble, d'une chambre ou d'une autre enceinte couverte ou d'une voiture, d'un avion, d'un ascenseur ou d'un autre véhicule [...] b : pièce semblable servant à faciliter ou à empêcher l'accès au contenu d'une [...] chambre de [...] réfrigération.

[Traduction, nos italiques]

41. En ce qui concerne la similarité du mouvement, le fait que les tiroirs de congélation des marchandises en cause ne pivotent pas, ne roulent pas vers le haut ou le bas, ne tournent pas et ne plient pas n'est pas contesté. Bien que les éléments de preuve indiquent que les tiroirs se déplacent sur des rails40, le Tribunal est d'avis que le mouvement des tiroirs diffère de manière importante des portes coulissantes, tant en termes de mécanique que de sens du mouvement. En ce qui concerne la mécanique, le Tribunal accepte que, dans le cas d'une porte coulissante, c'est le panneau de la porte qui coulisse, alors que dans le cas des tiroirs, ce n'est pas que le panneau extérieur du tiroir qui coulisse, mais plutôt l'ensemble de la boîte du tiroir41. En ce qui concerne le sens du mouvement, le Tribunal accepte que les portes coulissantes se déplacent latéralement42, alors que les tiroirs coulissent de manière télescopique, de sorte qu'ils sont « ouverts en les tirant vers l'extérieur et fermés en les poussant vers l'intérieur »43 [traduction].

42. En ce qui concerne la similarité de fonction, le Tribunal est d'avis que, contrairement à la porte du réfrigérateur, dont le but principal est de servir de barrière pour accéder au compartiment de réfrigération des marchandises en cause, les tiroirs sont principalement des « compartiment[s] d'entreposage en forme de boîte » pour la congélation et la préservation de certains aliments44, bien que le panneau extérieur du tiroir serve accessoirement de barrière pour accéder au compartiment de congélation. Ainsi, sa fonction de tiroir est tout à fait différente de celle d'une porte ou d'autres barrières semblables, comme les couvercles, les valves ou les bouchons, qui ne servent qu'à ouvrir ou à fermer une enceinte.

43. Par conséquent, le Tribunal accorde une certaine valeur aux arguments d'Euro-Line selon lesquels il y a une distinction entre une porte et un tiroir, que le sens ordinaire du mot porte est clair et sans ambiguïté et n'inclut pas les tiroirs, et qu'il n'y a pas de fondement suffisant pour conclure que le mot « porte » doit avoir un sens plus large dans le contexte de son utilisation à la sous-position no 8418.1045.

44. Le Tribunal est d'avis que la différence entre une porte et un tiroir ne se résume pas à une question de sémantique, comme le soutient l'ASFC46. Comme indiqué précédemment, selon un principe de rédaction législative bien établi, « [s]i certains mots ont un sens particulier, [le rédacteur] doit s'assurer que ce sens soit clair »47. En l'espèce, le Tribunal conclut que les dispositions pertinentes du Tarif des douanes n'indiquent pas que le mot « porte » doit être entendu dans un sens particulier qui englobe les tiroirs. Le Tribunal conclut également que le fait de conclure que le mot « porte » comprend les « tiroirs », comme le soutient l'ASFC, permettrait à tort de s'écarter d'un libellé clair et non ambigu, et mènerait à une interprétation à laquelle le mot « porte » ne peut raisonnablement se prêter.

45. À cet égard, le Tribunal estime également fondée l'affirmation suivante d'Euro-Line :

Si le Parlement avait vraiment eu l'intention d'inclure toutes ces variations dans la sous-position no 8418.10, il aurait très facilement pu le faire. Il aurait simplement indiqué l'expression « combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs », un point c'est tout, ou l'expression « combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs, munis de portes et/ou tiroirs extérieurs séparés »48.

[Traduction]

46. En ce qui concerne les allégations de l'ASFC selon lesquelles toutes les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs, munis ou non de portes séparées ou de portes et tiroirs, assurent les mêmes fonctions ou servent les mêmes fins et que ce fait appuie le classement des marchandises en cause dans la sous-position no 8418.10 à titre de réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs, le Tribunal conclut que cet argument fait abstraction du fait que seuls les réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs d'une configuration particulière sont décrits par le libellé de cette sous-position. Étant donné les termes précis de la sous-position no 8418.10, il ne peut être présumé que toutes les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs doivent être classées dans ladite sous-position suivant leur fonction ou leurs fins.

47. À cet égard, la présente affaire se distingue de la question dans Bauer Hockey Corporation c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada49, dans laquelle le Tribunal a conclu que l'ajout d'un protège-cou en Kevlar dans le col représentait une innovation qui ne changeait pas l'essence des marchandises dans cette affaire à titre de vêtements de hockey de base pouvant être classés dans les positions nos 61.10 et 61.14. En l'espèce, il ne s'agit pas de déterminer si l'utilisation de tiroirs de congélation plutôt que d'une porte de congélateur change l'essence des marchandises en cause à titre de réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs. Euro-Line adopte la position, que le Tribunal accepte, selon laquelle l'utilisation de tiroirs au lieu de portes exclut les marchandises en cause de la configuration particulière des réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs qui sont décrits dans la sous-position no 8418.10.

48. À l'audience, l'ASFC s'est également fondée sur les Notes explicatives du chapitre 84 pour appuyer sa position selon laquelle les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8418.10 suivant leur fonction50. Le Tribunal remarque cependant que la note B2) des Notes explicatives du chapitre 84 prévoit simplement que les « nos 84.02 à 84.24 groupent les [...] machines et appareils qui y sont repris principalement en raison de leur fonction ». Selon le Tribunal, bien que ces notes indiquent que les machines ou appareils qui assurent la fonction de réfrigération ou de congélation doivent être classés dans la position no 84.18 plutôt que dans d'autres positions du chapitre 84, qui visent des marchandises qui assurent d'autres fonctions (une question qui n'est pas en litige dans le cadre du présent appel), elles n'indiquent pas que les sous-positions de la position no 84.18 reprennent nécessairement et de façon semblable la fonction des machines ou appareils qu'elles visent à comprendre.

49. En fait, il ressort d'un examen des sous-positions de la position no 84.18 que, au-delà de leur fonction, les marchandises doivent être classées dans une sous-position donnée selon leurs caractéristiques mécaniques ou physiques particulières (par exemple, la sous-position no 8418.21 vise les réfrigérateurs à compression et la sous-position no 8418.40 comprend les meubles congélateurs-conservateurs du type armoire, d'une capacité n'excédant pas 800 litres) ou leurs utilisations finales (par exemple, la sous-position no 8418.21 ne vise que les réfrigérateurs destinés à un usage domestique). Par conséquent, contrairement à l'argument de l'ASFC, les marchandises ne sont pas classées dans les diverses sous-positions de la position no 84.18 simplement en raison de leur fonction.

50. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas munies de portes extérieures séparées, mais plutôt d'une porte extérieure et de tiroirs séparés. Par conséquent, elles ne sont pas visées par la sous-position no 8418.10.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la sous-position no 8418.21?

51. À titre d'argument subsidiaire, l'ASFC soutient que les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 8418.21 à titre de « [r]éfrigérateurs de type ménager : À compression », par application mutatis mutandis (aux termes de la Règle 6 des Règles générales) de la note 3 de la section XVI.

52. Le témoin d'Euro-Line a confirmé que les marchandises en cause sont destinées à un usage domestique51. Il a également confirmé que ce sont des unités à compression52.

53. La note 3 de la section XVI prévoit ce qui suit :

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble.

54. Puisqu'il n'est pas contesté que les marchandises en cause sont destinées à un usage domestique et qu'elles sont des unités à compression, l'ASFC soutient que si les marchandises en cause ne sont pas visées comme telles par la sous-position no 8418.10, elles doivent être classées dans la sous-position no 8418.21, conformément à la note 3 de la section XVI, en raison du fait qu'elles sont des machines à fonctions multiples dans lesquelles le réfrigérateur assure la fonction principale. Selon l'ASFC, le fait que le réfrigérateur assure la fonction principale des combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs est indiqué par des facteurs tels que la capacité relative (la capacité du compartiment de réfrigération étant beaucoup plus grande) et la commercialisation (des éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause sont essentiellement commercialisées en tant que réfrigérateurs)53.

55. En réponse, Euro-Line soutient que les marchandises en cause ne peuvent, en droit, être classées à titre de réfrigérateurs parce que ce sont des combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs et que la portée de la sous-position no 8418.21, de par ses termes mêmes, se limite aux réfrigérateurs. Euro-Line fait également valoir que la composante de réfrigération ne peut être considérée comme assurant la fonction principale des marchandises en cause, puisque les deux fonctions ont la même importance pour les utilisateurs, certains produits alimentaires devant être réfrigérés et d'autres devant être congelés. Euro-Line soutient également que la note 3 de la section XVI vise le classement des machines qui assurent des fonctions différentes mais complémentaires, contrairement aux marchandises en cause qui assurent des fonctions différentes qui ne sont pas complémentaires, mais plutôt complètement distinctes54.

56. Outre la question de savoir si les marchandises en cause sont des machines à fonctions multiples et le désaccord des parties quant à la question de savoir quelle composante des marchandises en cause (le cas échéant) assure leur fonction principale, le Tribunal doit d'abord déterminer si la note 3 de la section XVI s'applique à l'exercice de classement en cause. À cet égard, il ressort clairement de l'expression « [s]auf dispositions contraires [...] » que les combinaisons de machines et les autres machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions complémentaires ou alternatives ne sont pas classées dans tous les cas selon la machine ou la composante qui assure la fonction principale.

57. À cet égard, le Tribunal a indiqué ce qui suit dans Costco :

38. L'expression « [s]auf dispositions contraires [...] » précise que même si « les combinaisons de machines [...] ainsi que les machines [simples] conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions [...] complémentaires [...] » (c.-à-d. les machines à fonctions multiples) sont généralement classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble, il y a des exceptions à cette règle. En d'autres termes, le simple fait qu'une marchandise soit une machine du type décrit à la note 3 de la section XVI ne suffit pas à rendre applicable ladite note. Il faut déterminer si d'autres dispositions du Tarif des douanes, qui constituent le contexte pertinent, empêchent l'application de la note 3.

39. À cet égard, le Tribunal conclut que la note 3 de la section XVI ne s'applique pas lorsque des combinaisons de machines ou des machines à fonctions multiples sont décrites comme telles dans une position tarifaire donnée du Tarif des douanes. D'ailleurs, l'interprétation contraire aurait l'effet anormal de classer une marchandise comme si elle n'était constituée que d'une de ses composantes, sans égard à la présence d'une position qui vise le produit complet.

40. Le Tribunal est d'avis que l'expression « [s]auf dispositions contraires [...] » de la note 3 de la section XVI, qui laisse entendre que la note ne s'applique pas aux marchandises qui, par ailleurs, entrent dans la description des machines visées par ladite note si elles sont comprises comme telles dans une position tarifaire donnée, éclaire le sens de l'expression correspondante « [u]nless the context otherwise requires [...] » dans la version anglaise de la même note.

41. À cet égard, le Tribunal est d'avis que le classement d'une combinaison de machines ou d'une machine à fonctions multiples dans une position tarifaire qui la comprend comme telle constitue une disposition contraire aux termes de la note 3 de la section XVI, qui empêche le classement de l'ensemble suivant sa fonction principale55.

58. Par conséquent, avant de classer les marchandises comme si elles n'étaient constituées que d'une de leurs composantes, comme le soutient subsidiairement l'ASFC, le Tribunal doit d'abord examiner si les marchandises en cause sont visées par une autre sous-position de la position no 84.18. Le cas échéant, la note 3 de la section XVI, qui prescrit, à titre de règle générale, le classement des combinaisons de machines ou des machines à fonctions multiples suivant la composante qui assure la fonction principale, ne s'appliquerait pas.

59. Puisque les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs qui ne sont pas munis de portes extérieures séparées, comme les marchandises en cause, ne sont manifestement pas visées, comme telles, par les sous-positions nos 8418.21 et 8418.29 (qui comprennent différents réfrigérateurs de type ménager), les positions nos 8418.30 et 8418.40 (qui comprennent différents meubles congélateurs-conservateurs), la position no 8418.50 (qui comprend des meubles pour l'entreposage et la présentation, comme les vitrines, comptoirs et meubles similaires) ou la position no 8418.61 (qui comprend certaines pompes à chaleur), il faut examiner la question de savoir si elles sont visées, comme telles, par la seule sous-position restante de la position no 84.18, à savoir la sous-position no 8418.69, qui comprend les autres matériel, machines et appareils pour la production du froid. Le cas échéant, selon l'analyse qui précède, les marchandises en cause ne pourraient pas être classées dans la sous-position no 8418.21 par application mutatis mutandis (aux termes de la Règle 6 des Règles générales) de la note 3 de la section XVI.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la sous-position no 8418.69?

60. Le libellé de la sous-position no 8418.69 indique qu'elle vise les « [a]utres » matériel, machines et appareils pour la production du froid. Comme indiqué précédemment, il apparaît clairement qu'elle vise le matériel, les machines ou les appareils pour la réfrigération ou la congélation qui ne sont pas compris dans une des sous-positions qui la précèdent.

61. Les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause sont des appareils à usage domestique qui assurent les fonctions de réfrigération et de congélation de produits alimentaires. Par conséquent, elles constituent des « appareils »56 [traduction] servant à réfrigérer et à congeler des produits alimentaires. Puisque le Tribunal a déjà conclu que les marchandises en cause ne sont pas comprises, comme telles, dans la portée d'une des sous-positions qui précèdent la sous-position no 8418.69, les marchandises en cause semblent satisfaire aux exigences de la sous-position no 8418.69 à titre d'autres matériel, machines et appareils pour la production du froid.

62. La seule question en litige qui reste à trancher est celle de savoir si la sous-position no 8418.69 peut comprendre des marchandises qui assurent à la fois une fonction de réfrigération et une fonction de congélation. Cette question est soulevée parce que la version anglaise du libellé de la sous-position no 8418.69 contient l'expression « [o]ther refrigerating or freezing equipment » (autre matériel, machines et appareils pour la réfrigération ou la congélation), plutôt que l'expression « [o]ther refrigerating and freezing equipment » (autre matériel, machines et appareils pour la réfrigération et de congélation). À cet égard, le Tribunal conclut que le mot « or », dans le contexte de son utilisation dans la version anglaise de la sous-position no 8418.69, est interprété à juste titre comme une conjonction qui permet aux combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs d'y être comprises.

63. D'ailleurs, l'utilisation du mot « ou » dans un sens inclusif, comme l'utilisation du mot « et » dans un sens conjoint et solidaire, est correcte sur le plan grammatical et concorde avec l'usage populaire et juridique57. En outre, une interprétation au sens large de la sous-position no 8418.69 est acceptable, puisque, de par ses termes mêmes, elle est une sous-position résiduelle qui vise à englober tout le matériel, les machines et les appareils pour la réfrigération ou la congélation qui ne sont pas dûment compris dans les autres sous-positions de la position no 84.18. Sur cette base, et en l'absence de toute indication expresse du contraire (par exemple, dans les Notes explicatives), le Tribunal ne voit aucune raison d'interpréter l'expression « [o]ther refrigerating or freezing equipment » dans la version anglaise de la sous-position no 8418.69 comme limitant la portée de celle-ci au matériel, aux machines et aux appareils qui assurent exclusivement une fonction de réfrigération ou une fonction de congélation.

64. La version française de la sous-position no 8418.69 appuie également la conclusion selon laquelle elle comprend les machines à fonctions multiples qui assurent les deux fonctions. Dans la version française, la sous-position no 8418.69 vise ce qui suit : « [a]utres matériel, machines et appareils pour la production du froid » [nos caractères gras]. Par conséquent, la sous-position no 8418.69 vise à comprendre le matériel, les machines et les appareils (autres que ceux qui sont visés par une des sous-positions qui la précèdent) pour la production du froid. Par définition, le froid est produit à une échelle de températures par du matériel, des machines ou des appareils qui assurent des fonctions de réfrigération et de congélation58. Par conséquent, le Tribunal conclut que la sous-position no 8418.69 comprend les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs dont les configurations diffèrent de celles décrites dans la sous-position no 8418.10.

65. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont comprises comme telles dans la sous-position no 8418.69, qui constitue une « disposition contraire » aux termes de la note 3 de la section XVI, qui prévoit leur classement à titre de machines complètes, et empêche leur classement comme si elles n'étaient constituées que de la composante qui assure leur fonction principale59.

DÉCISION

66. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position no 8418.69 et, plus particulièrement, conformément à la Règle 1 des Règles canadiennes, dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre d'autres matériel, machines et appareils pour la production du froid.

67. Par conséquent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, ch. 36.

3 . Pièce du Tribunal AP-2012-026-10B, onglet 3; pièce du Tribunal AP-2012-026-06A, onglet A; Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, à la p. 7.

4 . Pièce du Tribunal AP-2012-026-10B, onglet 3; Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 51-53.

5 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

6 . L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

7 . L.C. 1997, ch. 36, annexe.

8 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

9 . Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

10 . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux paras. 13, 17, où la Cour d'appel fédérale a interprété l'article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d'avis que cette interprétation s'applique également aux Avis de classement.

11 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s'appliquent au classement au niveau de la position.

12 . La Règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus [c'est-à-dire les Règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

13 . La Règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

14 . Comme le Tribunal l'a déjà expliqué, l'expression « sauf dispositions contraires » signifie qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer la note 3 de la section XVI lorsque les combinaisons de machines sont comprises comme telles dans une position données et, mutatis mutandis, dans une sous-position donnée. Voir Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (19 janvier 2012), AP-2011-009 (TCCE) [Costco] aux para. 38-39.

15 . Dans Partylite Gifts Ltd. c. Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (16 février 2004), AP-2003-008 (TCCE), le Tribunal a déclaré qu'une disposition tarifaire résiduelle ne serait utilisée que s'il n'y avait aucun autre numéro tarifaire approprié pour classer les marchandises.

16 . Voir, par exemple, La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (23 novembre 2011), AP-2010-069 (TCCE) au para. 39.

17 . Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 au para. 21.

18 . [2005] 2 R.C.S. 601 [Trustco].

19 . Trustco au para. 10.

20 . Pièce du Tribunal AP-2012-026-04A au para. 21.

21 . Ibid. au para. 24.

22 . Ibid. au para. 18.

23 . 2012 CAF 183 (CanLII).

24 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, à la p. 69.

25 . [2003] 1 R.C.S. 476.

26 . Pièce du Tribunal AP-2012-026-04A au para. 21.

27 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, à la p. 72.

28 . Pour appuyer cet argument, Euro-Line cite, par analogie, la décision de la Cour d'appel fédérale dans Exida.Com Limited Liability Company c. Canada, 2010 CAF 159 (CanLII) [Exida], dans laquelle la Cour d'appel fédérale a conclu, aux paragraphes 34 et 35, qu'« un texte plus clair » aurait été nécessaire pour élargir la portée de la disposition relative à la pénalité de la Loi de l'impôt sur le revenu.

29 . British Columbia Telephone Co. c. Sa Majesté la Reine, [1992] 1 C.T.C. 26 (pièce du Tribunal AP-2012-026-06A, onglet Q).

30 . Ibid. au para. 16.

31 . L.R.C. 1985, ch. I-21.

32 . Dossier de la Cour no 01-00118 (13 juin 2005), Slip. Op. 05-68.

33 . Voir pièce du Tribunal AP-2012-026-14A au para. 3.

34 . [1999] 3 R.C.S. 804.

35 . Ibid. au para. 51.

36 . Les éléments de preuve indiquent que de nombreuses configurations de combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs sont vendues au Canada, notamment les réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs munis d'une porte et d'un compartiment de congélation intérieur avec sa propre porte intérieure, les types côte-à-côte dont l'un des côtés est un compartiment de réfrigération et l'autre, de congélation (chacun des compartiments ayant une porte séparée), les types congélateur supérieur dont le compartiment de congélation est situé au-dessus (et muni d'une porte) et le compartiment de réfrigération, en-dessous (accessible par une autre porte), les types congélateur inférieur dont le compartiment de congélation est situé en-dessous et peut être muni d'une porte ou de tiroirs. Pièce du Tribunal AP-2012-026-06A au para. 26; pièce du Tribunal AP-2012-026-10B, onglets 1-32; Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 8-38.

37 . Elmer A. Driedger, The Composition of Legislation [2nd Edition, Revised], Ottawa, ministère de la Justice (1976) à la p. 105.

38 . Cinquième éd., s.v. « door ».

39 . S.v. « door ».

40 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 18, 41, 130.

41 . Ibid. à la p. 56.

42 . Ibid. à la p. 58.

43 . Webster's Third New International Dictionary, s.v. « drawer ».

44 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 7-10, 38-42.

45 . Ibid. aux pp. 68-69.

46 . Ibid. à la p. 108.

47 . Elmer A. Driedger, The Composition of Legislation [2nd Edition, Revised], Ottawa, ministère de la Justice (1976) à la p. 105.

48 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 87-88.

49 . (26 avril 2012), AP-2011-011 (TCCE).

50 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 112-113.

51 . Ibid. à la p. 51.

52 . Ibid. à la p. 52.

53 . Pièce du Tribunal AP-2012-026-06A aux para. 59-70, onglet I.

54 . Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 82-85.

55 . Dans Costco, le Tribunal a également indiqué que cet avis était confirmé par la partie VI des Notes explicatives de la section XVI, laquelle prévoit ce qui suit : « [l]e recours à la Note 3 de la Section XVI n'est pas nécessaire lorsque la combinaison de machines est couverte comme telle par une position distincte [...] ».

56 . Dans Rona Corporation Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (15 février 2011), AP-2009-072 (TCCE) au para. 35, le Tribunal a fait remarquer que le terme « appliance » (appareil) est défini comme suit : « [...] 1 un dispositif ou un engin électrique ou à essence utilisé pour une tâche précise, surtout pour des tâches domestiques comme laver la vaisselle, etc. [...] » [traduction, nos italiques]. Puisque ce sont des dispositifs ou des engins utilisés pour des tâches domestiques, les marchandises en cause constituent donc des « appareils » [traduction].

57 . Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham, Lexis Nexis, 2008, à la p. 82. La professeure Sullivan fait également remarquer que, dans la législation, la conjonction « or » est généralement utilisée de manière inclusive.

58 . À cet égard, l'article 13 de la Loi sur les langues officielles, S.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.), réaffirme que les versions française et anglaise de toute loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur, ce qui permet au Tribunal d'examiner les versions française et anglaise de l'annexe du Tarif des douanes pour interpréter la nomenclature tarifaire. En fait, le Tribunal a, à plusieurs occasions par le passé, consulté la version française d'un texte législatif afin de préciser l'interprétation de la version anglaise de ce même texte et de confirmer la portée du texte législatif. Voir, par exemple, BMC Coaters Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (6 décembre 2010), AP-2009-071 (TCCE) au para. 51; H. A. Kidd and Company Limited c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (1 septembre 2011), AP-2010-052 (TCCE) au para. 76; La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (23 novembre 2011), AP-2010-069 (TCCE) aux para. 48, 53.

59 . Quoi qu'il en soit, le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument de l'ASFC selon lequel c'est le réfrigérateur qui assure la fonction principale des marchandises en cause. Bien que le Tribunal accepte que le réfrigérateur ait une capacité supérieure et même si les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs sont souvent simplement décrites, aux fins de la commercialisation, comme des « réfrigérateurs », cela n'est pas déterminant dans les circonstances. En fait, les éléments de preuve indiquent qu'« [un] réfrigérateur est conçu pour fonctionner à environ 5 degrés Celsius [tandis qu'un] [...] congélateur fonctionne en moyenne à -18 [degrés Celsius] [...] » [traduction]. Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, à la p. 48. Par conséquent, les marchandises en cause répondent aux exigences de températures de conservation de différents aliments. Sur cette base, le Tribunal conclut que le réfrigérateur et le congélateur assurent des fonctions différentes, qui ne sont pas subordonnées l'une à l'autre en termes d'importance. Le Tribunal est d'avis que cette conclusion est appuyée par le fait que M. Eglington ait reconnu qu'il est difficile de trouver de simples réfrigérateurs sur le marché et le fait que, bien qu'ils aient besoin d'un appareil qui assure les deux fonctions, les consommateurs n'ont généralement pas suffisamment d'espace dans leur résidence pour installer à la fois un réfrigérateur et un congélateur. Transcription de l'audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 47-48, 62-63.