CYCLES LAMBERT INC.


CYCLES LAMBERT INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-060

Décision et motifs rendus
le 28 novembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 1er août 2013 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1;

ET EU ÉGARD À 116 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada les 19, 22 et 24 octobre 2012 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CYCLES LAMBERT INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est rejeté.

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Date de l'audience : le 1er août 2013

Membre du Tribunal : Daniel Petit, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Elizabeth Giroux

Georges Bujold

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appellante Conseiller/représentant
Cycles Lambert Inc. Marco Ouellet
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Luc Vaillancourt

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Cycles Lambert Inc. (Cycles Lambert) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1, à l'égard de 116 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) relativement à des demandes de réexamen du classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des assemblages de jante, de rayons et de moyeu pour bicyclettes, dépourvus de chambre à air ou de pneu (les marchandises en cause), sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8714.99.10 de l'annexe du Tarif des douanes2 à titre de roues de bicyclettes, comme l'a déterminé l'ASFC, ou s'ils doivent plutôt être classés dans le numéro tarifaire 8714.92.00 à titre de jantes et de rayons, comme le soutient Cycles Lambert.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Cycles Lambert a importé les marchandises en cause entre 2007 et 2011 dans le cadre de 116 transactions distinctes. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 8714.99.10 à titre de roues de bicyclettes. Des droits de douane ont été payés en conséquence.

4. En avril et juillet 2012, Cycles Lambert a demandé un remboursement de droits aux termes de l'alinéa 74(1)e) de la Loi à l'égard de chacune des transactions, au motif que les droits ont été payés en raison d'une erreur dans le classement tarifaire des marchandises en cause. À cet égard, Cycles Lambert a demandé une modification du classement tarifaire des marchandises en cause et affirmé que celles-ci devaient être classées dans le numéro tarifaire 8714.92.00 à titre de jantes et de rayons.

5. L'ASFC a rejeté les demandes présentées par Cycles Lambert. Conformément au paragraphe 74(4), ces rejets ont été considérés comme des révisions aux termes de l'alinéa 59(1)a). Cycles Lambert a par la suite déposé des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(1).

6. Les 19, 22, et 24 octobre 2012, l'ASFC a rendu ses décisions, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, concernant les 116 transactions d'importation, dans lesquelles elle a maintenu le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8714.99.10. L'ASFC déterminait ainsi qu'il n'y avait pas eu d'erreur dans la détermination du classement tarifaire des marchandises en causes et que Cycles Lambert n'avait pas droit à un remboursement des droits payés au moment de leur importation.

7. Le 14 janvier 2013, Cycles Lambert a déposé son avis d'appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, à l'égard des 116 décisions rendues par l'ASFC, et a demandé la tenue d'une audience sur pièces. Le 17 janvier 2013, Cycles Lambert a déposé auprès du Tribunal une copie complète de toutes les décisions visées par le présent appel.

8. Le 21 mars 2013, l'ASFC a indiqué qu'elle était d'accord avec la demande de Cycles Lambert de tenir une audience sur pièces. Le 13 mai 2013, le Tribunal a informé les parties de sa décision de tenir une audience sur pièces, sans la présence des parties, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3.

9. Le Tribunal a tenu une audience sur pièces à Ottawa (Ontario) le 1er août 2013.

MARCHANDISES EN CAUSE

10. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont des assemblages, constituant des produits finis, composés de trois éléments principaux : une jante de roue de bicyclette, des rayons de roue de bicyclette et un moyeu de roue de bicyclette. Les parties conviennent également que les marchandises en cause ont été importées sans pneu ni chambre à air4.

11. Aucun échantillon des marchandises en cause n'a été déposé comme pièce. Toutefois, le mémoire de Cycles Lambert comprend plusieurs pages de son catalogue montrant des photographies de plusieurs modèles et marques d'assemblages correspondant aux marchandises en cause ou qui leur sont similaires. Ces marchandises sont présentées comme différentes catégories de roues de bicyclette (« roues à disque VTT 26" », « roues VTT 26" », « roues à disque 29ER/700C », « roues de route », « roues de piste », « roues hybrides 700C », etc.)5. Par ailleurs, le mémoire de l'ASFC fourni un exemple (tiré du site Internet de Cycles Lambert) de trois roues de bicyclette qui, de l'avis de l'ASFC, sont similaires aux marchandises en cause6. Selon ces éléments de preuve, les marchandises en cause comprennent aussi un moyeu.

12. Selon Cycles Lambert, les marchandises en cause sont dépourvues de valves et de soupapes et sont presque identiques à celles qui étaient en cause dans l'affaire Outdoor Gear Canada c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada7. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des produits finis et assemblés qui comprennent une jante, des rayons, des écrous de rayon ainsi qu'un moyeu de roue de bicyclette. En outre, le Tribunal fait remarquer que, dans la documentation commerciale visant le marché canadien déposée par les parties, les marchandises en cause ou des marchandises similaires sont désignées comme des roues.

CADRE LÉGISLATIF

13. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)8. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

14. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé9 et les Règles canadiennes10 énoncées à l'annexe.

15. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d'après les autres règles.

16. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises11 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises12, publiés par l'OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n'aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire13.

17. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles14.

18. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée15. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié16.

19. En l'espèce, le litige entre les parties porte sur le classement au niveau de la sous-position.

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

20. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes qui étaient applicables au moment de l'importation des marchandises en cause entre 2007 et 2011 prévoient ce qui suit :

Section XVII

MATÉRIEL DE TRANSPORT

[...]

Chapitre 87

VOITURES AUTOMOBILES, TRACTEURS,
CYCLES ET AUTRES VÉHICULES TERRESTRES,
LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

[...]

87.14 Parties et accessoires des véhicules des nos 87.11 à 87.13.

-De motocycles (y compris les cyclomoteurs) :

8714.11.00 - -Selles

8714.19.00 - -Autres

8714.20.00 -De fauteuils roulants ou d'autres véhicules pour invalides

-Autres :

8714.91 - -Cadres et fourches, et leurs parties

[...]

8714.92.00 - -Jantes et rayons

8714.93.00 - -Moyeux (autres que les moyeux à freins) et pignons de roues libres

8714.94.00 - -Freins y compris les moyeux à freins, et leurs parties

8714.95.00 - -Selles

8714.96.00 - -Pédales et pédaliers, et leurs parties

8714.99 - -Autres

8714.99.10 - - -Roues de bicyclettes

8714.99.90 - - -Autres

21. Les notes explicatives pertinentes de la position no 87.14 prévoient ce qui suit :

87.14 - Parties et accessoires des véhicules des nos 87.11 à 87.13.

[...]

La présente position comprend l'ensemble des parties et accessoires du genre de ceux destinés aux motocycles (y compris les cyclomoteurs), cycles équipés d'un moteur auxiliaire, side-cars, cycles sans moteur, fauteuils roulants et autres véhicules pour invalides, sous réserve toutefois que ces parties et accessoires satisfassent aux deux conditions suivantes :

1°) Etre reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux véhicules visés ci-dessus.

2°) Ne pas être exclus en vertu des Notes de la Section XVII (voir les Considérations générales de cette Section).

Parmi ces parties et accessoires, on peut citer :

[...]

4) Les roues et parties de roues (moyeux, jantes, rayons, etc.).

[...]

ANALYSE

22. Les parties conviennent et le Tribunal admet que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 87.14, qui vise les « parties et accessoires des véhicules des nos 87.11 à 87.13 ». En effet, la position no 87.14 comprend les parties et accessoires de bicyclettes, ces dernières étant classées dans la position no 87.12 à titre de véhicules. De plus, il ne fait aucun doute que les marchandises en cause sont des parties ou des accessoires de bicyclettes, puisqu'elles sont expressément conçues pour être intégrées au cadre d'une bicyclette.

23. Ainsi, les marchandises en cause sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées aux bicyclettes. Puisqu'elles ne sont pas exclues du classement dans la position no 87.14 en vertu des notes de la section XVII17, les marchandises en cause respectent les deux conditions énoncées dans les notes explicatives pertinentes pour être classées dans la position no 87.14.

24. Quant au classement au niveau de la sous-position dans la position no 87.14, les parties conviennent que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position de premier niveau « autres ». Le Tribunal est d'accord avec les parties sur ce point. En effet, les marchandises en cause ne sont clairement pas des parties et accessoires de motocycles (visés par les sous-positions nos 8714.11 et 8714.19) ni des parties et accessoires de fauteuils roulants ou d'autres véhicules pour invalides (visés par la sous-position no 8714.20). En tant que parties et accessoires de bicyclettes, un véhicule autre que les deux types de véhicule expressément nommés dans la position no 87.14, les marchandises en cause doivent donc être classées dans l'une des sous-positions qui vise les parties et accessoires d'« autres » véhicules (c'est-à-dire les sous-positions nos 8714.91 à 8714.99).

25. En ce qui concerne le classement au niveau de la sous-position, la règle 6 des Règles générales prévoit ce qui suit :

Le classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

26. Cycles Lambert soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position no 8714.92 à titre de « jantes et rayons » par application, mutatis mutandis (conformément à la règle 6), de la règle 1 des Règles générales18.

27. L'ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position résiduelle no 8714.99 à titre d'« autres » parties et accessoires de véhicules (à savoir des parties et accessoires autres que les six types de marchandises qui sont expressément énumérées aux sous-positions nos 8714.91 à 8714.96) par application, mutatis mutandis (conformément à la règle 6), de la règle 1 des Règles générales. Selon l'ASFC, aucune des sous-positions de la position no 87.14 ne décrit expressément les assemblages composés de jantes, de rayons, d'écrous et de moyeux de roue de bicyclette, qui font l'objet du présent appel, de sorte que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position résiduelle no 8714.99.

28. Suivant la règle 6 des Règles générales, le Tribunal doit examiner les termes des sous-positions de même niveau (c'est-à-dire les sous-positions nos 8714.91 à 8714.99), afin de déterminer laquelle vise les marchandises en cause19. Comme il l'a fait dans des affaires antérieures20, le Tribunal déterminera d'abord si les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 8714.92, comme le soutient Cycles Lambert. S'il conclut que les marchandises en cause ne sont pas visées par cette sous-position, considérant qu'aucune autre sous-position nommant expressément des parties et accessoires de la position no 87.14 ne paraît pertinente21, le Tribunal déterminera ensuite si elles sont correctement classées dans la sous-position résiduelle no 8714.99, comme l'a déterminé l'ASFC.

29. Cette approche est logique, car si les marchandises en cause devaient être classées dans la sous-position no 8714.92 à titre de jantes et de rayons, il n'y aurait pas lieu de prendre en considération la sous-position résiduelle no 8714.99 « autres ». Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent pas, en droit, être prima facie classées à la fois dans la sous-position no 8714.92 et la sous-position résiduelle no 8714.9922.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la sous-position no 8714.92?

30. Cycles Lambert admet qu'au Canada, les marchandises en cause sont décrites comme des roues de bicyclettes. À cet égard, Cycles Lambert est d'accord avec les éléments de preuve présentés dans l'affaire Outdoor Gear concernant des marchandises très similaires aux marchandises en cause et avec la conclusion du Tribunal dans cette affaire suivant laquelle des assemblages de jante, de rayons et de moyeu pour bicyclettes, dépourvus de chambre à air ou de pneu, comme les marchandises en cause, ont les caractéristiques essentielles d'une roue de bicyclette, sont reconnaissables en tant que roues de bicyclette et sont désignées comme des roues de bicyclette dans le commerce23.

31. Cycles Lambert soutient que les marchandises en cause doivent néanmoins être classées dans la sous-position no 8714.92 à titre de jantes car, en Europe, des marchandises semblables aux marchandises en cause sont désignées comme des jantes. Selon Cycles Lambert, pour déterminer le sens et la portée du terme « jante » utilisé dans le numéro tarifaire 8714.92.00, il faut se référer aux intentions de l'OMD, puisque celle-ci est responsable des libellés apparaissant dans les positions et les sous-positions de l'annexe du Tarif des douanes. Par conséquent, et aussi parce que l'OMD est une organisation basée à Bruxelles en Belgique, Cycles Lambert prétend que le terme « jante » doit être interprété en tenant compte du contexte du marché européen et non du marché canadien.

32. À l'appui de cet argument, Cycles Lambert a déposé auprès du Tribunal des extraits de sites Internet européens dans lesquels le terme « jante » paraît être assimilé à une roue ou faire référence non pas à une partie de roue, mais à la roue elle-même. Cycles Lambert a aussi déposé plusieurs annonces provenant de sites Internet européens dans lesquelles des marchandises qui paraissent similaires aux marchandises en cause sont décrites comme des jantes24. Cycles Lambert est d'avis que ces éléments de preuve indiquent qu'en Europe, des marchandises semblables aux marchandises en cause sont appelées des jantes et sont commercialisées comme telles. Selon Cycles Lambert, il s'ensuit que le terme « jante » utilisé dans la sous-position no 8714.92 décrit parfaitement les marchandises en cause puisqu'il émane de l'OMD, une organisation européenne.

33. Bref, Cycles Lambert soutient qu'il faut mettre de côté le fait (admis par elle) qu'au Canada, les marchandises en causes sont désignées comme des roues de bicyclette et non comme des jantes. Pour appuyer son argument selon lequel le Tribunal doit interpréter le terme « jante » comme englobant les marchandises en cause en se fondant sur des éléments de preuve concernant le sens de ce terme en Europe, Cycles Lambert invoque également la règle 2 des Règles canadiennes, laquelle prévoit que, « [l]orsqu'un terme canadien et un terme international apparaissent tous deux dans [la] Nomenclature, la signification et la portée du terme international auront la préséance ».

34. L'ASFC soutient que puisqu'elles ont été importées assemblées25, les composantes des marchandises en cause perdent leur caractère individuel et ne forment qu'un seul et unique objet, soit une roue de bicyclette. Autrement dit, l'ASFC soutient que Cycles Lambert a importé des produits finis, soit des roues de bicyclette, et non des composantes, comme des jantes et des rayons. Selon l'ASFC, le terme « jante » décrit uniquement une composante d'une roue. Par ailleurs, l'ASFC n'a pas soumis d'observations en réponse aux arguments de Cycles Lambert concernant la règle 2 des Règles canadiennes eu égard à l'allégation selon laquelle le sens du terme « jante » n'est pas le même en Europe et au Canada, et ce, malgré l'opportunité qui lui a été offerte par le Tribunal.

35. Le Tribunal constate que le différend entre les parties repose sur leur interprétation divergente du terme « jante » utilisé dans la sous-position no 8714.92. Essentiellement, Cycles Lambert soutient que ce terme doit être interprété comme ayant la même signification que le terme « roue », de sorte qu'il englobe les marchandises en cause car, même si celles-ci sont désignées comme des roues de bicyclette au Canada, elles sont décrites comme des jantes de bicyclette en Europe.

36. Un terme utilisé dans le Tarif des douanes doit être interprété suivant la méthode contextuelle moderne d'interprétation, selon laquelle il faut interpréter « [...] les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur »26.

37. Selon cette méthode, il faut faire preuve de circonspection avant de s'écarter du sens ordinaire des mots dans l'interprétation d'une disposition. Ce n'est que lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable que leur sens ordinaire joue un rôle moins important dans l'exercice d'interprétation27. Par ailleurs, c'est l'intention du législateur qu'il faut rechercher, et non pas celle de l'OMD, comme le soutient Cycles Lambert.

38. En effet, l'interprétation des termes d'une loi canadienne n'est pas tributaire des intentions d'une organisation internationale quant au sens de ces termes. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit simplement que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des avis de classement et des notes explicatives publiés par l'OMD. Cela ne signifie pas que le Tribunal doive prendre en considération les intentions de l'OMD dans son exercice d'interprétation. Du reste, les avis de classement et les notes explicatives n'ont pas force exécutoire et, s'il existe un motif valable pour ne pas les appliquer, le Tribunal peut s'en écarter. Les intentions de l'OMD quant au sens d'un terme utilisé dans le Tarif des douanes ne sont donc pas déterminantes.

39. Conformément à la règle moderne d'interprétation des lois, le Tribunal doit en premier lieu donner un sens au terme « jante » quant à sa signification ordinaire et grammaticale. À cet égard, le terme « jante » est défini dans Le Grand Robert de la langue française de la façon suivante : « cercle de bois ou de métal qui forme la périphérie d'une roue, d'un volant »28. Selon cette définition, le terme « jante » fait donc référence à une partie d'une roue et non à la roue elle-même.

40. Les notes explicatives de la position no 87.14 sont conformes à cette définition. En effet, parmi la liste des parties et accessoires de véhicules qui sont citées à titre d'exemples de marchandises visées par la position no 87.14, on retrouve les « roues et parties de roues (moyeux, jantes, rayons, etc.) ». Les notes explicatives établissent donc une distinction entre la roue en tant que telle et ses parties, dont la jante. Par conséquent, conformément au sens ordinaire et courant du terme, une jante est assimilée à une partie de roue dans les notes explicatives.

41. Puisque les notes explicatives établissent clairement qu'une roue et une jante sont deux marchandises distinctes, il n'y a aucun fondement à l'allégation de Cycles Lambert selon laquelle l'intention de l'OMD est de faire référence à la roue elle-même par l'emploi du terme « jante » et d'ainsi inclure les roues de bicyclette dans la sous-position no 8714.92. Au contraire, les notes explicatives confirment que les jantes ne sont pas des roues, mais bien des parties de roue, aux yeux de l'OMD.

42. Quant aux annonces tirées de sites Internet européens dans lesquelles des marchandises qui paraissent similaires aux marchandises en cause sont décrites comme des jantes, ou assimilant des jantes de motocyclette ou d'autres marchandises à des roues, qui ont été déposées par Cycles Lambert, le Tribunal fait remarquer que ces éléments de preuve ne concernent pas les marchandises en cause, mais d'autres marchandises qui n'ont pas nécessairement les mêmes composantes que les marchandises en cause. En effet, ces annonces ne décrivent pas en détail ou avec précision les marchandises auxquelles elles font référence ni n'établissent que celles-ci sont des assemblages, constituant des produits finis, composés de trois éléments principaux : une jante de roue de bicyclette, des rayons de roue de bicyclette et un moyeu de roue de bicyclette, identiques ou similaires aux marchandises en cause. Il est donc impossible de conclure, sur la foi de ces éléments de preuve, que les marchandises en cause seraient désignées comme des jantes et non comme des roues en Europe.

43. De toute façon, ces éléments de preuve ne convainquent pas le Tribunal qu'en Europe, les roues sont généralement désignées ou décrites comme des jantes. En effet, Cycles Lambert n'a pas déposé de définitions tirées de dictionnaires généraux ou spécialisés dans le domaine des moyens de transport indiquant que, dans les pays d'Europe, le terme « jante » décrit une roue complète et non pas une partie de roue. La preuve sur laquelle repose l'argumentation de Cycles Lambert provient de sites commerciaux qui ne sont pas des autorités concernant le sens du terme « jante » en Europe. De toute façon, la définition du terme « jante » citée plus haut provient elle-même d'un dictionnaire publié en Europe. Le Tribunal ne peut donc pas conclure qu'en Europe, le terme « jante » a un sens différent de son sens ordinaire et courant (c'est-à-dire un cercle qui forme la périphérie d'une roue et non une roue en tant que telle).

44. Du reste, bien que certains marchands étrangers puissent utiliser le terme « jante » pour désigner ce qui paraît être des roues de bicyclette, cela n'implique pas que le terme « jante » utilisé dans la sous-position no 8714.92 de l'annexe du Tarif des douanes doive être interprété comme signifiant une roue. Ces éléments de preuve ne sont tout simplement pas pertinents pour l'interprétation d'un terme qui apparaît dans une loi canadienne.

45. Par ailleurs, un examen du contexte dans lequel apparaît le terme « jante » dans l'annexe du Tarif des douanes confirme qu'aux fins du classement tarifaire, une jante et une roue de bicyclette sont deux marchandises distinctes. La nomenclature tarifaire comprend en effet un numéro tarifaire particulier pour les roues de bicyclette, soit le numéro tarifaire 8714.99.10 que l'on trouve dans la sous-position no 8714.99, qui vise des parties et accessoires de véhicule autres que, notamment, des jantes et des rayons. Ainsi, interpréter le terme « jante » comme comprenant ou désignant une roue de bicyclette comme le soutient Cycles Lambert rendrait le numéro tarifaire 8714.99.10 redondant et inutile. En effet, compte tenu de la mention expresse des « roues de bicyclettes » comme marchandises « autres » que des jantes et des rayons de la sous-position no 8714.92, des marchandises ne peuvent pas être à la fois des jantes et des roues de bicyclette.

46. Si tel était le cas, cela voudrait dire que des produits finis et assemblés comme les marchandises en cause, qui constituent des roues de bicyclette de l'aveu même de Cycles Lambert, devraient être classés ailleurs que dans le numéro tarifaire qui les décrit de façon expresse. De plus, si la sous-position no 8714.92 visant les jantes comprenait aussi les roues de bicyclette, il est permis de se demander pourquoi le législateur aurait prévu un numéro tarifaire particulier pour les roues de bicyclette. L'interprétation de Cycles Lambert conduit donc à un résultat absurde et, par conséquent, ne peut être admise par le Tribunal.

47. Le Tribunal ne peut non plus admettre l'argument de Cycles Lambert selon lequel la règle 2 des Règles canadiennes fait en sorte que le terme « jante » doit être interprété comme visant les marchandises en cause. En effet, Cycles Lambert n'a pas établi que le terme « jante » est un « terme international », soit la première condition d'application de cette règle. En outre, pour les motifs mentionnés ci-dessus, il n'a pas été non plus démontré au Tribunal que le terme « jante » a une portée ou un sens plus large en Europe qu'au Canada.

48. En définitive, afin de donner à chaque mot utilisé dans la position no 87.14 leur effet utile et après avoir interprété le terme « jante » utilisé dans la sous-position no 8714.92 suivant son sens ordinaire et tenu compte du contexte dans lequel il apparaît, le Tribunal conclut donc que ce terme désigne une partie ou une composante d'une roue. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la sous-position no 8714.92, car elles ne constituent pas une partie ou une composante d'une roue, mais bien une roue de bicyclette.

49. À cet égard, il est clair que les marchandises en cause sont composées davantage d'éléments qu'une jante. En fait, elles constituent des assemblages de jantes avec d'autres composantes et ont les caractéristiques essentielles de roues de bicyclette. Tout comme les marchandises en cause dans Outdoor Gear, les éléments de preuve indiquent qu'elles ont les caractéristiques essentielles d'une roue de bicyclette et l'apparence de roues de bicyclette. Elles sont aussi désignées comme des roues de bicyclette dans le commerce et sont commercialisées en tant que roues de bicyclette au Canada.

50. Par conséquent, le Tribunal conclut que les termes de la sous-position no 8714.92 (« jantes et rayons ») ne décrivent pas les marchandises en cause. Ces dernières ne peuvent donc pas être classées dans la sous-position no 8714.92.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées dans la sous-position no 8714.99?

51. Comme mentionné auparavant, aucune autre sous-position nommant expressément des parties et accessoires de véhicules de la position no 87.14 ne décrit les marchandises en cause. Alors, par application, mutatis mutandis (conformément à la règle 6), de la règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position résiduelle no 8714.99, qui vise les parties et accessoires de véhicules « autres » que ceux nommés expressément dans les sous-positions nos 8714.91 à 8714.96.

Classement au niveau du numéro tarifaire

52. La sous-position no 8714.99 comprend deux numéros tarifaires, soit le numéro tarifaire 8714.99.10, qui vise les « roues de bicyclettes », et le numéro tarifaire 8714.99.90, qui vise toutes les autres parties et accessoires de véhicules qui ne sont pas expressément visées par les dispositions de la nomenclature qui précèdent. Le Tribunal a déjà indiqué que les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause constituent des roues de bicyclettes.

53. Par conséquent, conformément à la règle 1 des Règles canadiennes, le Tribunal conclut que les termes du numéro tarifaire 8714.99.10 décrivent les marchandises en cause.

DÉCISION

54. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8714.99 et, plus particulièrement, conformément à la règle 1 des Règles canadiennes, dans le numéro tarifaire 8714.99.10 à titre de roues de bicyclettes.

55. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, ch. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Pièce du Tribunal AP-2012-060-06A aux par. 10 et 35; pièce du Tribunal AP-2012-060-10A aux par. 5, 6 et 20.

5 . Pièce du Tribunal AP-2012-060-06A au par. 12 et onglet 3.

6 . Pièce du Tribunal AP-2012-060-10A au par. 4 et onglet 1.

7 . (21 novembre 2011), AP-2010-060 (TCCE) [Outdoor Gear]. Dans cette affaire, les marchandises en cause ont été décrites par le Tribunal comme des assemblages de jante, de rayons et de moyeu pour bicyclettes, dépourvus de chambre à air, de valve, de soupape ou de pneu.

8 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

9 . L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

10 . L.C. 1997, ch. 36, annexe.

11 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

12 . Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012.

13 . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13 et 17, où la Cour d'appel fédérale a interprété l'article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d'avis que cette interprétation s'applique également aux avis de classement.

14 . Les règles 1 à 5 des Règles générales s'appliquent au classement au niveau de la position.

15 . La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus [c'est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

16 . La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

17 . La note 2 de la section XVII prévoit que certaines marchandises ne sont pas considérées comme des parties ou accessoires de véhicules, même si elles sont reconnaissables comme destinées à du matériel de transport, et prescrit leur classement dans d'autres chapitres de l'annexe du Tarif des douanes. Toutefois, cette liste de marchandises exclues du chapitre 87, et donc de la position no 87.14, ne comprend aucune marchandise semblable aux marchandises en cause.

18 . Cycles Lambert avait initialement soutenu, dans son mémoire, que les règles 1, 2a) et 2b) des Règles générales ne s'appliquaient pas en l'espèce, et que c'était la règle 3a) qui devait être appliquée pour effectuer le classement des marchandises en cause dans la sous-position appropriée de la position no 87.14. Dans sa réponse au mémoire de l'ASFC, Cycles Lambert a toutefois complètement modifié son argument principal relativement aux règles générales pertinentes et a convenu avec l'ASFC que c'est la règle 1 des Règles générales qui s'appliquait, et non la règle 3a), pour déterminer le classement tarifaire des marchandises en cause au niveau de la sous-position. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments de Cycles Lambert concernant l'application de la règle 3a) pour disposer du présent appel.

19 . Il n'y a aucune note de sous-position, de section ou de chapitre applicable en l'espèce.

20 . Voir par exemple La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (23 novembre 2011), AP-2010-069 (TCCE) au par. 39; Les Industries Spectra/Premium Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (26 mars 2008), AP-2006-053 (TCCE) au par. 39.

21 . À cet égard, le Tribunal fait remarquer qu'il n'est pas allégué que les marchandises en cause doivent être classées dans une sous-position particulière de la position no 87.14 autre que la sous-position no 8714.92. Ainsi, si les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la sous-position no 8714.92, elles doivent être classées dans la sous-position résiduelle no 8714.99 par application, mutatis mutandis (conformément à la règle 6), de la règle 1 des Règles générales.

22 . Dans Partylite Gifts Ltd. c. Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (16 février 2004), AP-2003-008 (TCCE), le Tribunal a déclaré qu'une disposition tarifaire résiduelle ne serait utilisée que s'il n'y avait aucune autre disposition appropriée pour classer les marchandises.

23 . Pièce du Tribunal AP-2012-060-12B au par. 15; Outdoor Gear au par. 45.

24 . Pièce du Tribunal AP-2012-060-12A aux onglets 1 à 9.

25 . À cet égard, le Tribunal constate que Cycles Lambert reconnaît aussi que les marchandises en causes sont importées assemblées.

26 . Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, au par. 21.

27 . BalanceCo c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (3 mai 2013), AP-2012-036 (TCCE) aux par. 36-39.

28 . Deuxième éd., s.v. « jante ».