M. OLSON


M. OLSON
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-069

Décision et motifs rendus
le vendredi 22 novembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 22 août 2013, lors de la tenue d'une audience sur pièces, en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 11 janvier 2013, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

M. OLSON Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est admis.

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : le 22 août 2013

Membre du Tribunal : Daniel Petit, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
M. Olson  
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Leah Garvin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par M. Olson aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard d'une révision d'un classement tarifaire effectué par le président de l'Agence des services frontaliers Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

2. À la fin de 2012, M. Olson a acheté trois fusils airsoft au Airsoft Megastore, un magasin virtuel2. En se fondant sur la vitesse initiale de 516 pieds par seconde (p/s) indiquée sur l'emballage de l'un de ces fusils, l'ASFC a autorisé son importation. Toutefois, l'ASFC a confisqué les deux autres fusils airsoft.

3. Le 6 décembre 2012, aux termes de l'article 58 de la Loi, l'ASFC a classé les deux fusils airsoft confisqués dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes3 à titre de dispositifs prohibés4.

4. Le 17 décembre 2012, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, M. Olson a présenté une demande de révision du classement tarifaire des deux fusils airsoft confisqués5.

5. Le 11 janvier 2013, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l'ASFC a confirmé sa décision initiale concernant le classement tarifaire des deux fusils airsoft confisqués6.

6. Le 26 février 2013, M. Olson a interjeté le présent appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l'article 67 de la Loi7.

MARCHANDISES EN CAUSE

7. Les marchandises en cause sont deux fusils airsoft. Le premier est le modèle AGM-033, fabriqué en République populaire de Chine (Chine), qui fonctionne à l'électricité. Il est indiqué sur l'emballage que sa vitesse initiale est de 240 p/s8. Le deuxième, le modèle BI-3881M, également fabriqué en Chine, fonctionne aussi à l'électricité. Il est indiqué sur l'emballage que sa vitesse initiale est également de 240 p/s9.

ANALYSE

Cadre législatif

8. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)10. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

9. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé11 et les Règles canadiennes12 énoncées à l'annexe. L'article 136 du Tarif des douanes est une disposition régissant le classement de marchandises importées qui autrement seraient assujetties au paragraphe 10(1) du Tarif des douanes. Il prévoit ce qui suit :

136.(1) The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

136.(1) L'importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

(2) Subsection 10(1) does not apply in respect of goods referred to in subsection (1).

(2) Le paragraphe 10(1) ne s'applique pas aux marchandises visées au paragraphe (1).

10. Ainsi, l'importation de marchandises classées dans un certain nombre de numéros tarifaires, dont le numéro tarifaire 9898.00.00, est interdite. De plus, en indiquant clairement que l'utilisation systémique des Règles générales est proscrite à l'égard des marchandises dûment classées dans ce numéro tarifaire, la note 1 du chapitre 98 prévoit ce qui suit :

Les dispositions du présent Chapitre ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle générale interprétative 3a). Les marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent Chapitre peuvent être classées dans ladite disposition si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées.

Classement tarifaire des marchandises en cause

11. L'ASFC soutient que les marchandises en cause ont été correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de « dispositifs prohibés » au moment de leur importation et qu'elles entraient dans le champ d'application de l'article 136 du Tarif des douanes. Le numéro tarifaire 9898.00.00 s'applique à ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire [...].

12. Le numéro tarifaire 9898.00.00 contient ensuite une liste d'exclusions et prévoit de plus ce qui suit :

Pour l'application du présent numéro tarifaire :

a) « arme » et « arme à feu » s'entendent au sens de l'article 2 du Code criminel;

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

13. Le paragraphe 84(1) du Code criminel13 prévoit que l'expression « dispositifs prohibés » comprend notamment une « réplique », qui est définie comme suit dans le Code criminel :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n'est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l'apparence exacte – ou à la reproduire le plus fidèlement possible – ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique – ou à la reproduire le plus fidèlement possible – ou auquel on a voulu donner cette apparence.

14. Par conséquent, la définition de « réplique » dans le Code criminel comporte essentiellement trois conditions. Pour être considérée comme une réplique, la marchandise doit a) être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu, ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu, ou auquel on a voulu donner cette apparence; b) ne pas être une arme à feu; c) ne pas être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique, ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu historique, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L'ASFC soutient que les marchandises en cause respectaient les trois conditions susmentionnées au moment de leur importation. En ce qui concerne la première condition, l'ASFC soutient que le Tribunal a déjà conclu que l'apparence, à l'égard de la définition de « réplique » dans le Code criminel, est un exercice visuel14. L'ASFC soutient qu'en ce qui concerne la taille, la force et l'apparence générale, les marchandises en cause sont conçues de façon à avoir l'apparence de fusils automatiques M16 et M415.

16. En ce qui concerne la deuxième condition, l'ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas de vraies armes à feu. L'article 2 du Code criminel définit « arme à feu » comme suit :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d'une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

17. L'ASFC indique que, pour déterminer si des fusils airsoft sont des armes à feu au sens du Code criminel, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) applique le critère de savoir s'ils possèdent une vitesse initiale de 366 p/s, puisqu'il est établi que des fusils ayant la capacité de tirer des projectiles à cette vitesse ou à une vitesse supérieure peuvent « infliger des lésions corporelles graves ou la mort »16. L'ASFC affirme également que lorsque les marchandises ont été importées, il était indiqué sur l'emballage que leur vitesse initiale était de 240 p/s17.

18. En ce qui concerne la troisième condition, l'ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas des objets conçus de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique ni auxquels on a voulu donner cette apparence, puisque de telles armes à feu sont définies au paragraphe 84(1) du Code criminel comme, entre autres, des armes à feu « fabriquée[s] avant 1898 », et les marchandises en cause ont l'apparence de fusils fabriqués en 1964 et 198418.

19. Ainsi, en se fondant sur le raisonnement selon lequel les marchandises en cause respectent la définition de « réplique » et qu'elles sont par conséquent des dispositifs prohibés au sens du Code criminel, et en se fondant également sur le fait que le numéro tarifaire 9898.00.00 vise les dispositifs prohibés tels que définis dans le Code criminel, l'ASFC a conclu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans ce numéro tarifaire et que leur importation était interdite.

20. Pour sa part, M. Olson n'indique ni ne propose un autre classement tarifaire pour les marchandises en cause. M. Olson soutient que la vitesse initiale des marchandises en cause est bien supérieure à 366 p/s, ce qui en fait des « armes à feu » et non des « répliques » au sens du Code criminel.

21. Après le dépôt de son mémoire le 3 juin 2013, l'ASFC a reçu un rapport de la GRC concernant la vitesse initiale des marchandises en cause. Le rapport indique que la vitesse initiale du modèle AGM-033 est de 407 p/s et que celle du modèle BI-3881M est de 400 p/s19. Les deux vitesses initiales excèdent le seuil de 366 p/s prévu dans une politique concernant la définition d'« arme à feu », ce qui signifie, par conséquent, que les marchandises en cause ne sont pas des « répliques » au sens du Code criminel. Sur la foi de ce rapport, l'ASFC a conclu à juste titre que les marchandises en cause n'étaient pas comprises dans la définition de « dispositifs prohibés » et qu'elles ne pouvaient, par conséquent, être classées dans le numéro tarifaire 9898.00.0020.

22. Compte tenu de ce qui précède, l'ASFC soutient que les marchandises en cause doivent plutôt être classées dans le numéro tarifaire 9304.00.90 à titre d'autres armes (fusils, carabines et pistolets à ressort, à air comprimé ou à gaz, matraques, par exemple) à l'exclusion de celles du no 93.07. Toutefois, l'ASFC n'a présenté aucune observation concernant l'inclusion des « armes à feu » dans le numéro tarifaire 9898.00.00. M. Olson n'a présenté aucune observation concernant l'autre classement proposé21 et n'a pas présenté d'observations concernant la possibilité que les marchandises en cause puissent demeurer classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00, même si les parties s'entendent maintenant sur le fait que la définition de « réplique » ne s'applique pas.

23. Nonobstant cette absence d'observations, le Tribunal peut renvoyer aux exceptions contenues dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Une exception notable prévoit ce qui suit :

d) les armes qui, conformément au paragraphe 84(3) du Code criminel, sont réputées ne pas être des armes à feu.

24. L'alinéa 84(3)d) du Code criminel prévoit ce qui suit :

(3) For the purposes of sections 91 to 95, 99 to 101, 103 to 107 and 117.03 of this Act and the provisions of the Firearms Act, the following weapons are deemed not to be firearms:

. . . 

d) any other barrelled weapon, where it is proved that the weapon is not designed or adapted to discharge

(i) a shot, bullet or other projectile at a muzzle velocity exceeding 152.4 m per second or at a muzzle energy exceeding 5.7 Joules, or

(ii) a shot, bullet or other projectile that is designed or adapted to attain a velocity exceeding 152.4 m per second or an energy exceeding 5.7 Joules.

(3) Pour l'application des articles 91 à 95, 99 à 101, 103 à 107 et 117.03 et des dispositions de la Loi sur les armes à feu, sont réputés ne pas être des armes à feu :

[...]

d) toute autre arme pourvue d'un canon dont il est démontré qu'elle n'est ni conçue ni adaptée pour tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile à une vitesse initiale de plus de 152,4 m par seconde ou dont l'énergie initiale est de plus de 5,7 joules ou pour tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile conçus ou adaptés pour atteindre une vitesse de plus de 152,4 m par seconde ou une énergie de plus de 5,7 joules.

25. Il importe de souligner que 407 pieds équivalent à 124,05 mètres et que 400 pieds équivalent à 121,92 mètres. Par conséquent, la vitesse initiale des marchandises en cause est inférieure à 152,4 mètres par seconde; elles sont donc comprises dans l'exception qui figure dans la définition d'« arme à feu » de l'alinéa 83(3)d) du Code criminel et, par conséquent, dans l'exception prévue au numéro tarifaire 9898.00.00. Puisqu'elles sont exclues du classement dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de « répliques » ou d'« armes à feu », les marchandises en cause peuvent être classées conformément aux Règles générales.

26. La seule option dont dispose le Tribunal concernant le classement des marchandises en cause est le numéro tarifaire 9304.00.90, et le Tribunal est effectivement convaincu, après avoir examiné le libellé de ce numéro tarifaire, que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9304.00.90 aux termes de la règle 1 des Règles générales.

DÉCISION

27. L'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 [Loi].

2 . Pièce AP-2012-069-04 aux pp. 1, 12.

3 . L.C. 1997, ch. 36.

4 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 2.

5 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 3.

6 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 4.

7 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 5.

8 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 6.

9 . Pièce AP-2012-069-06A à l'onglet 7.

10 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

11 . L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

12 . L.C. 1997, ch. 36, annexe.

13 . L.R.C. 1985, ch. C-46.

14 . Pièce AP-2012-069-06A aux par. 29-31. À cet égard, l'ASFC renvoie à Vito V. Servello c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE).

15 . Pièce AP-2012-069-06A aux par. 29-31.

16 . Pièce AP-2012-069-06A au par. 34.

17 . Pièce AP-2012-069-06A au par. 35.

18 . Pièce AP-2012-069-06A aux par. 38, 39.

19 . Pièce AP-2012-069-10A au par. 6.

20 . Pièce AP-2012-069-10A aux par. 7, 9.

21 . Le Tribunal considère que le fait que M. Olson n'ait présenté aucune observation à l'encontre de l'autre classement proposé signifie qu'il y a acceptation tacite de la position de l'ASFC à cet égard.