SKECHERS USA CANADA, INC.


SKECHERS USA CANADA, INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-073

Décision et motifs rendus
le vendredi 13 décembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 10 septembre 2013 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À sept décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 27 décembre 2012 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SKECHERS USA CANADA, INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est rejeté.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : le 10 septembre 2013

Membre du Tribunal : Ann Penner, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Anja Grabundzija

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Skechers USA Canada, Inc. Richard A. Wagner
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Andrew Gibbs

TÉMOINS :

David Beecroft
Directeur au Canada
Skechers USA Canada, Inc.

Eckhard Knoepke
Vice-président, Acquisitions et projets spéciaux
Skechers USA Inc.

Brian Cross
Directeur, Impôt sur les sociétés
Skechers USA Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Skechers USA Canada, Inc. (Skechers Canada) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard de décisions rendues le 27 décembre 2012 par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant la valeur en douane de chaussures de divers styles importées par Skechers Canada entre 2005 et 2011 (les marchandises en cause).

2. La principale question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains paiements effectués par Skechers Canada au vendeur, Skechers USA Inc. (Skechers USA), pour des services de recherche, de développement et de conception (ci-après les paiements de RD) doivent être inclus dans le prix payé pour les marchandises en cause et, par conséquent, leur valeur en douane aux fins de la Loi. Plus précisément, la question consiste à déterminer si les paiements de RD sont « relatifs aux » chaussures importées.

3. L'ASFC a déterminé que les paiements de RD doivent être inclus dans le prix payé ou à payer.

4. Skechers Canada soutient que les paiements de RD ne sont pas « relatifs aux » marchandises en cause, mais plutôt relatifs à certains « éléments incorporels » [traduction]. Par conséquent, Skechers Canada soutient qu'ils ne peuvent être inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause. Subsidiairement, Skechers Canada soutient que les paiements de RD ne peuvent être inclus qu'en partie à titre d'ajustement du prix payé ou à payer conformément à la division 48(5)a)(iii)(D).

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

5. Le 14 novembre 2006, l'ASFC a informé Skechers Canada qu'elle effectuerait une vérification afin de déterminer si la valeur en douane déclarée par Skechers Canada pour les marchandises importées en 2005 avait été calculée conformément aux exigences de la Loi2.

6. Le 25 mars 2008, l'ASFC a informé Skechers Canada de ses conclusions concernant l'année civile 20053. En résumé, l'ASFC a déterminé qu'une partie des paiements de RD devait être incluse dans le prix payé ou à payer pour les marchandises importées. Des relevés détaillés de rajustement ont été émis en vertu de l'article 59, et Skechers Canada a déposé les corrections nécessaires conformément à l'article 32.2.

7. Skechers Canada a également déposé une demande de réexamen aux termes de l'article 60, soutenant que nulle partie des paiements de RD ne doit être incluse dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause.

8. Toutefois, le 2 novembre 2012, l'ASFC a émis une lettre de décision provisoire dans laquelle elle soutient que la totalité des paiements de RD doit être incluse dans le prix payé ou à payer4.

9. Conformément à sa décision provisoire, le 27 décembre 2012, l'ASFC a rendu sept décisions, aux termes du paragraphe 60(4), dans lesquelles elle a déterminé que les paiements de RD doivent être inclus en totalité dans le prix payé ou à payer.

10. Skechers Canada a interjeté le présent appel le 19 mars 2013.

TRANSACTIONS D'IMPORTATION EN CAUSE

11. Comme indiqué précédemment, le présent appel concerne la valeur en douane de divers styles de chaussures de marque Skechers importées par Skechers Canada entre 2005 et 2011.

12. Les principales activités de Skechers Canada et de Skechers USA, son unique actionnaire, comprennent la conception, le marketing et la vente de chaussures de marque Skechers5. Skechers USA conçoit les chaussures. La fabrication est donnée en sous-traitance à des usines tierces situées à l'étranger.

13. Skechers Canada a acheté les marchandises en cause de Skechers USA. Le prix de transfert de ces ventes a été établi par Skechers USA6 et correspond au prix de facture d'usine payé par Skechers USA aux fabricants tiers, majoré des frais de transport vers les États-Unis, des coûts d'entreposage au centre de distribution de Skechers USA et d'un bénéfice dans les conditions normales de la concurrence7.

14. Après avoir effectué une vérification, l'ASFC soutient que le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause doit comprendre non seulement le prix de transfert établi par Skechers Canada, mais également certain autres paiements effectués par Skechers Canada à Skechers USA, dont les plus importants aux fins du présent appel sont les paiements de RD.

15. Les paiements de RD représentent une partie des paiements effectués par Skechers Canada à Skechers USA aux termes d'un accord de partage de frais (APF)8.

16. De manière générale, l'APF a pour objet de répartir les frais liés aux activités relatives à la recherche, au développement, à la conception, à la publicité et au marketing qui sont nécessaires au développement et au maintien de la marque Skechers et à la vente de chaussures9. Selon les éléments de preuve, ces activités sont menées par Skechers USA. Pour sa part, Skechers Canada rembourse une partie des frais connexes, selon les modalités de l'APF.

17. L'ASFC a déterminé que la portion des paiements effectués par Skechers Canada et se rapportant expressément aux frais engagés par Skechers USA pour la recherche, la conception et le développement10 doit être incluse dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause. L'ASFC a adopté la position selon laquelle ces frais particuliers visent « [...] des segments quantifiables et tangibles du processus de production qui sont nécessaires à la production des chaussures importées11 » [traduction].

CONTEXTE

18. Avant d'aborder le cadre législatif et de procéder à son analyse, le Tribunal est d'avis qu'il importe d'établir dans quel contexte sont présentés les arguments des parties, soit le processus par lequel Skechers USA effectue ses activités de recherche, de conception et de développement pour assurer la pérennité de la marque Skechers et créer les chaussures Skechers12.

19. Skechers Canada souligne le fait que la marque Skechers est la pierre angulaire de son modèle d'entreprise. Les activités de recherche, de conception et de développement effectuées par Skechers USA sont des fonctions essentielles pour assurer la valorisation de la marque et sa pérennité, faisant en sorte que les chaussures Skechers suivent les tendances de la mode et plaisent aux consommateurs13.

20. Le processus par lequel Skechers développe sa marque et crée ses chaussures débute environ neuf mois avant le début d'une saison. Les chercheurs de Skechers USA analysent les tendances en matière de mode et de mode de vie afin de définir des thèmes pour la saison à venir. Ils passent en revue la musique contemporaine, les émissions de télévision, le cinéma, la mode, les sports alternatifs et d'autres facteurs influant les tendances, se rendent sur les principaux marchés de mode, consultent les clients de Skechers, participent aux principaux salons professionnels de la chaussure et sont abonnés à divers services d'information sur la mode et les couleurs.

21. Pour promouvoir l'innovation et la pertinence de la marque, Skechers USA fait appel à des équipes de recherche et de conception spécialisées dédiées à des gammes de produits particulières. Les équipes de recherche et de conception traduisent ensuite les thèmes en concepts pour les chaussures de leurs gammes de produits. Skechers USA fait parfois appel à des sociétés de conception externes pour compléter le travail de son personnel. Les équipes de recherche et de conception produisent également des esquisses de nouveaux produits et/ou modifient d'anciens produits et comptent sur des techniciens pour obtenir les spécifications techniques de chaque style.

22. Des « échantillons prototypes » [traduction] sont ensuite créés selon les spécifications techniques. Ils sont fabriqués à l'étranger par des fabricants tiers. Environ 40 000 à 50 000 échantillons prototypes sont produits chaque année.

23. Skechers USA entame ensuite une série d'étapes visant à éliminer ou à améliorer certains des milliers d'échantillons prototypes pour obtenir une sélection des meilleurs styles pour la saison. Plus précisément, Skechers USA examine les échantillons prototypes et demande certains changements, puis les fabricants créent des échantillons prototypes modifiés. M. Knoepke a déclaré que les échantillons prototypes peuvent être modifiés de quatre à cinq fois14, selon la complexité du modèle.

24. Le personnel de Skechers USA choisit ensuite des « échantillons de développement » [traduction] à partir des échantillons prototypes. Les échantillons de développement subissent des « essais d'ajustement et d'usure » [traduction] préliminaires, sur une période d'au plus quatre mois, par des essayeurs des deux sexes et d'âges différents portant des chaussures de différentes pointures. Les équipes de recherche et de conception apportent d'autres modifications aux styles en fonction des résultats des « essais d'ajustement et d'usure ».

25. Lorsque les dernières modifications ont été apportées, les marchandiseurs, les directeurs de produit et les préposés au marketing, à la conception et aux ventes déterminent les styles qui, selon eux, auront le plus de succès sur le marché de détail.

26. Des commandes sont ensuite placées, en fonction des styles retenus, auprès des fabricants étrangers afin qu'ils produisent des « échantillons de vente » [traduction], qui seront utilisés par le personnel de Skechers à travers le monde pour solliciter des commandes de clients. Selon les témoins, Skechers Canada paie à Skechers International II15 le coût des échantillons de vente qu'elle utilise; par conséquent, cette dépense n'est pas incluse dans les paiements de RD en cause16.

27. Si un nombre suffisant de commandes est reçu pour un style donné, Skechers Canada transmet un bon de commande à l'usine pour la production en série de ce style. Cela entraîne un autre échange d'échantillons et d'ajustements entre les fabricants et Skechers USA pour mettre la dernière main aux spécifications définitives.

28. L'étape finale survient lorsque les fabricants préparent leurs chaînes de production conformément aux spécifications définitives et procèdent à un « test de matrice » [traduction] qui, après approbation par Skechers USA, permet de débuter la production en série.

29. Sur les 40 000 à 50 000 échantillons prototypes conçus et produits chaque année, environ 5 000 styles de chaussures « remportent la palme » et seront commercialisés.

30. Ces étapes se répètent saison après saison. Chaque fois qu'un nouveau style est créé, même s'il s'agit d'une légère modification par rapport à un style précédent, au moins une partie de ce processus de création doit être engagé17.

31. Skechers USA achète des fabricants environ 75 millions de paires de chaussures par année18. Selon ce que les témoins ont déclaré, le prix d'achat comprend une contrepartie pour les prototypes, les outils, les moules, etc., qui ont dû être fabriqués pour produire certains styles de chaussures19. Le prix d'achat ne comprend pas les frais engagés par les fabricants pour les autres styles non retenus. Skechers USA indemnise les fabricants à l'égard de ces autres styles au moyen d'un paiement distinct20.

32. Skechers Canada achète des chaussures de Skechers USA. Skechers Canada ne participe pas au processus de conception des chaussures, sauf pour demander, à l'occasion, des modifications mineures à certains styles selon les souhaits d'un client21.

33. Bien que Skechers Canada ait accès à l'ensemble de la collection d'une saison, de manière générale, elle met sur le marché environ 1 700 des 5 000 styles disponibles pour une année donnée22. Skechers Canada et ses principaux clients choisissent ces 1 700 styles en fonction des tendances du marché canadien. Les volumes commandés par Skechers Canada sont ajoutés aux bons de commande que Skechers USA transmet aux fabricants ou peuvent déjà être disponibles dans les stocks de Skechers USA.

34. Comme indiqué ci-dessus, le prix de transfert pour les ventes de Skechers USA à Skechers Canada comprend le coût rendu total des marchandises de Skechers USA (c'est-à-dire le prix de facture d'usine majoré des frais d'expédition et de manutention), en plus d'une majoration pour l'entreposage chez Skechers USA et d'un bénéfice dans les conditions normales de la concurrence pour Skechers USA23. Ainsi, Skechers Canada assume, dans le prix de transfert, le coût des moules et des échantillons fabriqués dans le cadre du processus menant à la fabrication des styles retenus pour importation au Canada. Toutefois, le prix de transfert entre Skechers Canada et Skechers USA ne couvre pas les coûts liés aux prototypes et aux moules non retenus ni les coûts généraux engagés par Skechers USA et liés à la recherche et à la conception (comme les salaires et les comptes de dépenses du personnel de Skechers USA affecté à la recherche, à la conception et au développement)24.

35. Toutefois, les paiements de RD permettent d'assurer que Skechers Canada indemnise Skechers USA à l'égard d'une partie de ses coûts liés aux modèles non retenus et des autres coûts généraux liés à la recherche et à la conception25. Comme expliqué ci-dessus, aux termes de l'APF, Skechers Canada doit assumer un certain pourcentage des coûts totaux engagés par Skechers USA dans le cadre du processus de recherche, de conception et de développement décrit ci-dessus, ainsi que les dépenses liées à la publicité et au marketing. Le pourcentage que doit verser Skechers Canada au cours d'une année donnée varie : il est calculé selon une formule prévue par l'APF, en fonction d'une proportion des bénéfices d'exploitation prévus de Skechers Canada et des bénéfices d'exploitation totaux prévus de tous les participants (soit Skechers USA et Skechers International II)26. Pour être clair, les paiements de RD représentent donc une portion des coûts assumés par Skechers Canada aux termes de l'APF, cette portion correspondant exactement aux coûts liés au processus de recherche, de conception et de développement décrit dans les paragraphes précédents.

36. Il convient de mentionner deux autres ententes entre Skechers Canada et Skechers USA, même si elles ne sont pas directement en cause en l'espèce : une entente sur les services de gestion et une convention sur une licence relative à l'utilisation au Canada de la propriété intellectuelle et des renseignements commerciaux de nature exclusive.

37. En vertu de l'entente sur les services de gestion27, Skechers Canada indemnise Skechers USA à l'égard de certains services généraux et administratifs que Skechers USA assume en son nom, comme le soutien à la technologie de l'information, la comptabilité, les finances et le soutien aux achats28.

38. La convention de 2005 sur la licence relative à l'utilisation au Canada de la propriété intellectuelle et des renseignements commerciaux de nature exclusive29 (la licence) octroie à Skechers Canada le droit d'exploiter tous les droits de propriété intellectuelle sur la marque au Canada, y compris le droit d'accorder des sous-licences de tels droits à des tiers, en contrepartie d'une somme forfaitaire30. Les éléments de preuve présentés à l'audience indiquent que Skechers Canada accorde effectivement des sous-licences de ses droits sur la marque à des tiers, généralement pour des accessoires vestimentaires31.

CADRE LÉGISLATIF

39. En vertu de la Loi, afin de percevoir des droits de douane sur des marchandises importées, une valeur doit d'abord être attribuée aux marchandises. L'article 46 de la Loi stipule que la valeur en douane doit être déterminée conformément aux articles 47 à 55.

40. L'article 47 prévoit que la première base d'appréciation de la valeur en douane est la « valeur transactionnelle » des marchandises importées visées par l'article 48.

41. Le paragraphe 48(4) prévoit que, « [d]ans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5) » [nos italiques].

42. L'expression « prix payé ou à payer » pour les marchandises est définie comme la somme des versements effectués en paiement de ces marchandises. La définition qui figure au paragraphe 45(1) prévoit ce qui suit :

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

[Nos italiques]

43. Par conséquent, la définition de « prix payé ou à payer » exige que l'on détermine quels versements effectués ou à effectuer le sont en paiement des marchandises, c'est-à-dire quels paiements faits par l'acheteur au vendeur sont relatifs aux marchandises (en anglais, « in respect of the goods »).

44. Lorsque le prix payé ou à payer est déterminé, la Loi exige que des ajustements soient apportés pour tenir compte de certains montants. La division 48(5)a)(iii)(D), qui est pertinente en l'espèce, prévoit que la valeur de certaines marchandises et services, communément appelés « aides » [traduction], fournis sans frais par l'acheteur ou à un coût réduit, doit être ajoutée au prix payé ou à payer pour les marchandises selon certaines conditions. La division 48(5)a)(iii)(D) prévoit ce qui suit :

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

[...]

(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées :

[...]

(D) travaux d'ingénierie, d'étude, d'art, d'esthétique industrielle, plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées,

[...]

45. Toutefois, pour que la méthode fondée sur la valeur transactionnelle prévue à l'article 48 s'applique correctement en vertu de la Loi, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Les principales conditions sont énumérées au paragraphe 48(1), qui prévoit notamment ce qui suit :

48. (1) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable et si les conditions suivantes sont réunies

[...]

b) la vente des marchandises ou le prix payé ou à payer pour celles-ci n'est pas subordonné à des conditions ou à des prestations dont la valeur n'est pas déterminable en ce qui concerne les marchandises;

[...]

d) l'acheteur et le vendeur ne sont pas liés au moment de la vente des marchandises pour exportation ou, s'ils le sont,

(i) ou bien le lien qui les unit n'a pas influé sur le prix payé ou à payer,

(ii) ou bien l'importateur démontre que la valeur transactionnelle des marchandises à apprécier répond aux exigences visées au paragraphe (3).

[...]

[Nos italiques]

46. Dans le présent appel, il n'y a aucun doute que Skechers USA a vendu les marchandises en cause pour exportation à Skechers Canada, qui est l'acheteur au Canada. Par conséquent, la méthode fondée sur la valeur transactionnelle s'applique si les trois autres conditions sont remplies :

  • le prix payé ou à payer pour les marchandises importées est déterminable;
  • la relation entre Skechers Canada et Skechers USA, en tant que personnes liées32, n'a pas influé sur le prix payé ou à payer pour les marchandises, ou l'exigence prévue au paragraphe 48(3)33 est satisfaite;
  • le prix payé ou à payer pour les marchandises ou leur vente pour exportation n'est pas assujetti à une condition ou une contrepartie à laquelle on ne peut attribuer une valeur.

47. Ce n'est que lorsque la valeur en douane des marchandises importées ne peut être appréciée en fonction de leur valeur transactionnelle qu'une autre base d'appréciation peut être utilisée.

POSITION DES PARTIES

Skechers Canada

48. Le principal argument de Skechers Canada est celui selon lequel la valeur en douane des marchandises en cause doit être déterminée en fonction de leur valeur transactionnelle et que les paiements de RD ne peuvent faire partie du « prix payé ou à payer », aux termes des paragraphes 45(1) et 48(4), car ils ne sont pas relatifs aux marchandises.

49. Skechers Canada soutient que le mot « marchandises » au paragraphe 45(1) renvoie aux articles de commerce, alors que les paiements de RD en cause dans le présent appel sont relatifs à des « éléments incorporels », à savoir le développement de la marque Skechers. Selon Skechers Canada, les paiements de RD ne sont pas des paiements « relatifs aux » marchandises, car de tels « [...] éléments incorporels ne sont pas physiquement intégrés dans les produits Skechers ni utilisés dans ceux-ci et ne sont pas nécessaires à leur production ou à leur utilisation fondamentale en tant que chaussures34 » [traduction].

50. Skechers Canada explique en outre que les paiements de RD représentent une partie de la contribution de Skechers Canada au développement des éléments incorporels de Skechers, qui sont exploités au Canada par Skechers Canada conformément à la licence. Elle soutient que les paiements de RD « [...] se rapportent tous à la création des éléments incorporels de Skechers qui constituent l'essentiel des activités de promotion de la marque menées par Skechers » [traduction] et que « [s]ans les conceptions innovatrices de chaussures [...] Skechers ne pourrait poursuivre ses activités principales qui consistent à promouvoir et à vendre les chaussures de marque Skechers, la reconnaissance de la marque étant essentielle à la réussite dans le secteur de la chaussure35 » [traduction].

51. Skechers Canada fait remarquer que les paiements de RD ne sont pas liés au volume de marchandises importées. Aux termes de l'APF, les paiements de RD sont effectués périodiquement et non au moment de l'importation. De plus, les paiements seraient effectués même si Skechers Canada n'achetait pas de marchandises de Skechers USA au cours d'une année donnée.

52. Subsidiairement, Skechers Canada soutient que les paiements de RD peuvent être considérés comme des « aides », conformément à la division 48(5)a)(iii)(D), et que, suivant les exigences de cette division, ils ne peuvent être ajoutés qu'en partie au prix payé ou à payer. Bien que Skechers Canada admette que la division 48(5)a)(iii)(D) ne soit pas applicable selon une interprétation stricte de la loi36, elle propose au Tribunal de considérer les paiements de RD sous l'angle d'« aides », car ils représentent une fourniture indirecte (par l'entremise de Skechers USA) de travaux de développement et de conception par Skechers Canada aux fabricants chinois devant être utilisés dans la fabrication des marchandises importées. Par conséquent, Skechers Canada soutient que les paiements de RD pourraient être ajoutés seulement dans la mesure où ils entraînent la production réelle de marchandises importées au Canada. De plus, Skechers Canada soutient qu'en appliquant le critère de la division 48(5)a)(iii)(D), la portion des coûts de RD attribuable à la recherche doit également être soustraite, car la « recherche » ne constitue pas une aide aux termes de la division 48(5)a)(iii)(D). Skechers Canada propose deux options pour imputer les sommes restantes aux marchandises importées et les ajouter au prix payé ou à payer37.

ASFC

53. Le principal argument de l'ASFC est également celui selon lequel la valeur en douane des marchandises en cause doit être évaluée en fonction de leur valeur transactionnelle. Toutefois, elle soutient que les paiements de RD sont relatifs aux marchandises importées et, par conséquent, doivent être inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises conformément aux paragraphes 48(4) et 45(1).

54. L'ASFC soutient que, bien que le Tribunal ait déclaré dans des décisions antérieures que les paiements généraux indépendants des marchandises particulières importées sont exclus, il doit donner à l'expression « en paiement des marchandises » (c'est-à-dire « in respect of the goods », qui apparaît dans la version anglaise du paragraphe 45(1)) le sens le plus large possible.

55. L'ASFC soutient que les paiements de RD sont relatifs aux marchandises en cause, car l'ensemble du processus de recherche, de conception et de développement auquel ils se rapportent est nécessaire pour la production des styles ultimement retenus et, par conséquent, des marchandises importées. Selon l'ASFC, Skechers Canada n'a fourni aucun élément de preuve indiquant que les modèles importés pouvaient être produits en l'absence de ce processus. De plus, l'ASFC soutient que les paiements de RD ne sont pas des paiements généraux, car ils sont fondés sur les ventes nettes prévues.

56. En outre, l'ASFC soutient que Skechers Canada ne fournit pas d'« aides » au sens de la division 48(5)a)(iii)(D) et que cet article ne s'applique pas.

57. Subsidiairement, l'ASFC soutient que, si la totalité des paiements de RD n'est pas incluse dans le prix payé ou à payer, la méthode fondée sur la valeur transactionnelle ne peut être utilisée, car certaines conditions prescrites au paragraphe 48(1) ne seraient pas remplies. Plus particulièrement, l'ASFC soutient que le prix ne serait plus déterminable, car la preuve requise de la ventilation et de l'imputation n'existe pas ou n'est pas disponible. De plus, la méthode fondée sur la valeur transactionnelle serait inappropriée, car le lien entre Skechers Canada et Skechers USA aurait influé sur le prix payé pour les marchandises en cause. Par conséquent, l'ASFC soutient qu'une méthode d'appréciation différente devrait s'appliquer. L'ASFC n'a pas précisé quelle serait cette méthode.

ANALYSE

58. Les parties conviennent que le Tribunal doit d'abord évaluer la valeur en douane selon la méthode fondée sur la valeur transactionnelle aux termes de l'article 48. Par contre, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si les paiements de RD doivent être inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause et, par conséquent, dans leur valeur transactionnelle conformément aux paragraphes 45(1) et 48(4). Voilà donc la question centrale dans le présent appel.

59. Considérant les exigences prévues par ces dispositions, et pour disposer du présent appel, le Tribunal examinera les questions suivantes, à savoir :

1) si les paiements de RD sont relatifs aux marchandises et, de ce fait, inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause;

2) si l'argument de Skechers Canada selon lequel les paiements de RD ou une partie de ceux-ci sont des « aides » au sens de la division 48(5)a)(iii)(D) est bien fondé;

3) si l'argument de Skechers Canada selon lequel le Tribunal doit procéder à une nouvelle imputation du montant des paiements de RD aux marchandises en cause, selon l'une des deux options, est bien fondé;

4) s'il y a d'autres exigences qui empêchent l'application de la valeur transactionnelle comme base d'appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause.

Les paiements de RD sont-ils relatifs aux marchandises en cause et, de ce fait, inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises en cause?

60. La définition de l'expression « prix payé ou à payer » contenue dans la Loi prévoit clairement que seuls les paiements effectués par l'acheteur au vendeur ou à son profit pour les marchandises importées sont inclus dans le prix des marchandises38.

61. La jurisprudence du Tribunal reconnaît que le sens de l'expression « en paiement des marchandises » ou « relatifs aux marchandises » (en anglais, « in respect of the goods ») est passablement large39.

62. Toutefois, il n'est pas sans limites. Par exemple, « [l]e Tribunal a interprété l'expression “relatifs aux marchandises” comme signifiant que le paiement ne doit pas être un paiement général indépendant des marchandises particulières importées40 ». De manière similaire, le Tribunal a conclu que le sens de l'expression n'est pas large au point d'inclure des frais se rapportant à une certaine valeur qui « [...] se situe au-delà de la valeur d'achat des marchandises comme telles41 ». Dans de tels cas, le Tribunal a conclu qu'un lien suffisant devait être établi entre un paiement donné et les marchandises importées. Si un tel lien ne pouvait être établi, le paiement en cause ne pouvait être inclus dans le prix payé ou à payer pour ces marchandises.

63. Ainsi, ultimement, la question de savoir si un versement donné est effectué en paiement des marchandises est une question de fait qui exige que le Tribunal examine en profondeur les circonstances de chaque cause pour déterminer si un lien suffisant peut être établi entre le paiement et les marchandises en cause.

64. De plus, le Tribunal doit tenir compte des exigences de l'article 152 de la Loi, qui régit l'attribution de la charge de la preuve dans toute procédure engagée sous le régime de la Loi en matière d'importation ou d'exportation de marchandises. Le paragraphe 152(3) prévoit que pour toute question ayant trait, entre autres, au paiement des droits afférents aux marchandises ou à l'observation de toute disposition de la Loi, la charge de la preuve incombe non à la Couronne mais à l'autre partie à la procédure. Le fait que l'appelante ait la charge de prouver qu'elle a satisfait aux exigences de la Loi dans le cadre d'appels interjetés aux termes de l'article 67 a récemment été reconfirmé par la Cour d'appel fédérale42.

65. En l'espèce, Skechers Canada a le fardeau de prouver que ses déclarations de la valeur en douane pour les marchandises en cause sont conformes aux dispositions pertinentes de la Loi ou, inversement, que la valeur en douane des marchandises en cause n'a pas été déterminée conformément aux dispositions de la Loi par l'ASFC.

66. Ainsi, plus précisément, la question qui est en litige dans le présent appel consiste à déterminer si Skechers Canada a convaincu le Tribunal que l'ASFC a fait erreur en concluant que les paiements de RD sont relatifs aux marchandises en cause. Autrement dit, Skechers Canada doit démontrer que les paiements de RD ne sont pas relatifs aux marchandises en cause.

67. Le Tribunal est d'avis que Skechers Canada ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve et que les paiements de RD sont effectivement relatifs aux marchandises en cause.

Le processus de recherche, de conception et de développement et les paiements de RD ne se rapportent pas à des éléments incorporels

68. Skechers Canada soutient que les paiements de RD ne sont pas relatifs aux marchandises en cause, mais sont plutôt relatifs à des éléments incorporels – la marque Skechers – qui « [...] ne sont pas physiquement intégrés aux produits Skechers ni utilisés dans ceux-ci et ne sont pas nécessaires à leur production ou à leur utilisation fondamentale en tant que chaussures43 ». Compte tenu des éléments de preuve, cet argument est insoutenable.

69. Selon le Tribunal, les éléments de preuve indiquent que les paiements de RD ne sont pas relatifs à des éléments incorporels, mais plutôt aux chaussures importées par Skechers Canada.

70. Les éléments de preuve indiquent clairement que les paiements de RD se rapportent au processus de recherche, de conception et de développement que Skechers USA entame à chaque saison, comme il a été expliqué ci-dessus ainsi que dans le mémoire de Skechers Canada et le témoignage de M. Knoepke44. Les activités et les frais y afférents qui sont couverts par les paiements de RD peuvent tous se situer quelque part sur le continuum de ce long processus interdépendant.

71. Comme l'a déclaré M. Knoepke, l'objectif du processus est de développer des chaussures45. Selon le Tribunal, les efforts de recherche et de conception visent directement la conception des modèles de chaussures Skechers qui sont vendus chaque saison et l'attribution à ces chaussures de particularités qui les rendront attrayantes pour leur marché cible46. La forme, la texture et la couleur des marchandises en cause découlent littéralement du processus de recherche, de développement et de conception qui leur est appliqué. En l'absence de ce processus, les marchandises en cause seraient des produits complètement différents47. Par conséquent, le Tribunal déduit des éléments de preuve que les marchandises en cause n'auraient pu être produites en l'absence du processus de recherche et de conception.

72. Les éléments de preuve démontrent que les paiements de RD se rapportent directement aux chaussures elles-mêmes. Selon le Tribunal, si le processus de conception et de développement des chaussures a également pour but de maintenir la popularité ou la réputation de la marque Skechers et ultimement de contribuer à la vente des chaussures, ce type de stratégie de marque reflète à quel point Skechers USA réussit à intégrer les préférences du marché dans les chaussures de qualité particulière qu'elle développe chaque saison. Par conséquent, la marque est intimement liée aux marchandises importées. Ainsi, les paiements de RD ne peuvent être dissociés des chaussures elles-mêmes.

73. Skechers Canada s'appuie sur la décision du Tribunal dans Simms Sigal pour soutenir que les « éléments incorporels » se rapportant à la commercialisation de la marque ne sont pas relatifs aux marchandises en cause. Toutefois, les faits en cause dans Simms Sigal, une affaire qui portait sur des frais de distribution, peuvent aisément être distingués des faits du présent appel. Contrairement aux activités de recherche, de développement et de conception auxquelles les paiements de RD de Skechers se rapportent, dans Simms Sigal les frais de distribution concernaient des marchandises et des services non liés à la conception ou à la production des vêtements importés, mais étaient plutôt étroitement liés à leur commercialisation et à leur vente ultérieure48.

Un processus de conception unifié et interrelié est nécessaire à la production des marchandises en cause

74. En outre, les éléments de preuve démontrent clairement que l'ensemble du processus de recherche et de développement est nécessaire pour concevoir, développer et produire ultimement la gamme de chaussures de la saison. En effet, le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument selon lequel seule la portion des paiements de RD qui se rapporte aux frais engagés pour concevoir et développer les modèles retenus49 – à l'exclusion, par exemple, des coûts de production des échantillons prototypes qui n'ont pas été retenus pour la production – est nécessaire à la production des marchandises en cause et, par conséquent, est correctement considérée comme relative à ces marchandises.

75. Compte tenu des éléments de preuve, il est raisonnable de conclure que les styles retenus ne sont pas développés séparément des styles non retenus. En fait, l'inverse semble vrai. La comparaison entre divers modèles et l'élimination de la vaste majorité des 40 000 à 50 000 échantillons prototypes sont des parties importantes du processus de recherche et de développement, tel que décrit par Skechers Canada et dépeint ci-dessus50. Selon le Tribunal, il est incontournable que les modèles retenus sont choisis lorsque certaines caractéristiques des modèles non retenus sont rejetées afin de s'assurer que la marque suive les tendances de la mode en cours et prévues. Par conséquent, le Tribunal est d'accord avec l'ASFC lorsqu'elle soutient ce qui suit :

L'appelante n'a fourni aucun élément de preuve indiquant que les modèles importés peuvent être produits en l'absence des activités de production et de RD décrites dans le mémoire de l'appelante. [...] Au début du processus, le vendeur ne peut distinguer les modèles qui seront commercialisables (et produits en série) de ceux qui ne le seront pas. Le vendeur doit plutôt financer l'ensemble du processus de production et de RD pour arriver à des produits finis et récupérer ses frais par la vente de ces produits finis51.

[Traduction]

76. Les déclarations des témoins appuient la conclusion du Tribunal selon laquelle les activités de conception (qui sont couvertes par les paiements de RD) ne peuvent être dissociées des marchandises en cause et de leur production. M. Knoepke, qui possède une vaste expérience quant aux activités de recherche et de développement au sein de Skechers, a confirmé que chaque style de chaussure Skechers est créé par le biais du processus de recherche, de conception et de développement décrit ci-dessus et que les différentes étapes du processus de recherche et de développement sont toutes étroitement liées dans un effort commun en vue de produire une chaussure que les clients souhaitent acheter.

77. Par exemple, en réponse à une question posée par M. Gibbs pour savoir si toutes les activités de production, de conceptualisation et de développement sont nécessaires pour produire les 5 000 styles retenus52, M. Knoepke a affirmé ce qui suit :

M. KNOEPKE : Il est absolument nécessaire de garder la gamme à la mode, laquelle compte au total 5 000 styles environ. Cela ne signifie pas que chacun des 5 000 styles est entièrement nouveau53.

[...]

M. GIBBS : Donc cela est nécessaire – comme vous l'avez mentionné; une fois de plus, le processus complet de fabrication de prototypes et d'essais pour produire les chaussures finies qui sont vendues est-il nécessaire?

M. KNOEPKE : Oui54.

[Traduction]

78. De même, en réponse à une question posée par le Tribunal, M. Knoepke a convenu que Skechers USA ne peut produire les marchandises en cause sans passer par toutes les étapes du processus de recherche, de conception et de production :

MEMBRE PRÉSIDANT : [...] Skechers peut-elle produire les chaussures en cause en l'espèce, qui sont importées au Canada, et assurer la pérennité de la marque, qui, si nous comprenons bien, est essentielle pour votre entreprise, sans faire appel à l'ensemble des équipes et du processus de recherche, de conception et de production? À quel point ceux-ci sont-ils étroitement liés? La pérennité de la marque peut-elle vraiment être assurée en l'absence de cet énorme processus?

M. KNOEPKE : Non.

MEMBRE PRÉSIDANT : D'accord. Question semblable à celle-là : il semble que les activités de recherche, de développement, de conception et de production fassent vraiment partie intégrante d'un énorme effort. L'étape 2 ne peut vraiment être effectuée sans l'étape 1; l'étape 3 ne peut être effectuée sans l'étape 1. Elles sont toutes importantes, est-ce exact?

M. KNOEPKE : C'est exact.

MEMBRE PRÉSIDANT : Vous savez, nous avons la répartition du temps pendant lequel diverses équipes jouent un rôle, mais c'est vraiment une seule grande activité en fin de compte, car tout cela vise la production de chaussures. En gros, est-ce exact?

M. KNOEPKE : Oui.

[...]

M. KNOEPKE : Une étape ne va pas sans l'autre.

MEMBRE PRÉSIDANT : D'accord. Donc ce sont toutes les pièces d'un casse-tête pour créer, en fin de compte, une chaussure qu'un consommateur désire acheter?

M. KNOEPKE : C'est exact55.

[Traduction]

79. Plus encore, M. Cross a également admis que les coûts liés à la recherche et à la conception sont « indirectement » [traduction] nécessaires à la production des chaussures56. Il a qualifié le lien d'indirect, non parce que certaines des activités de recherche et de développement ne sont pas nécessaires pour la production des chaussures Skechers, mais plutôt parce que l'obligation de Skechers Canada d'effectuer les paiements de RD existe même en l'absence de ventes de chaussures. Le Tribunal examinera ce point plus en détail ci-dessous.

80. Lors de la plaidoirie, Skechers Canada a affirmé que les différents styles de chaussures importées sont tous uniques et que leur processus de conception est sans rapport l'un à l'autre. En d'autres termes, Skechers Canada conteste la notion selon laquelle l'ensemble de l'effort de conception est nécessaire pour créer les marchandises importées57. Toutefois, les éléments de preuve versés au dossier n'appuient tout simplement pas cette proposition. Ils indiquent plutôt que le processus de conception est un processus interactif et interrelié58. Par conséquent, sur ce point, Skechers Canada ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve que lui impose le paragraphe 152(3).

81. Selon les éléments de preuve, Skechers Canada n'a donc pas établi que les paiements de RD en cause ne sont pas relatifs aux marchandises en cause, même selon le critère qu'elle propose, c'est-à-dire que les paiements de RD « [...] ne sont pas physiquement intégrés dans les produits Skechers ni utilisés dans ceux-ci et ne sont pas nécessaires à leur production ou à leur utilisation fondamentale en tant que chaussures59 » [nos italiques].

Les paiements de RD ne sont pas des paiements généraux indépendants des marchandises en cause particulières

82. Le Tribunal estime non seulement que les paiements de RD sont nécessaires à la création de chaussures, mais également qu'un lien suffisant peut être établi entre les paiements de RD et les marchandises en cause en examinant la manière dont les montants dus sont déterminés. Pour paraphraser la jurisprudence du Tribunal concernant la portée de l'expression « relatifs aux60 » (« in respect of », qui apparaît dans la version anglaise du paragraphe 45(1)), il ressort des éléments de preuve que les paiements de RD ne sont pas des paiements généraux indépendants des marchandises importées.

83. Aux termes de l'APF, les montants dus par Skechers Canada sont calculés selon ses bénéfices d'exploitation. En termes simples, et tel que confirmé par M. Cross61, dans des conditions de marché normales, si le volume des importations des marchandises en cause de Skechers Canada augmente, ses ventes et ses bénéfices augmenteront également, de même que les montants dus en paiements de RD. Le lien entre les paiements de RD et les marchandises en cause est donc apparent62.

84. Skechers Canada allègue que les paiements de RD ne peuvent être considérés comme relatifs aux marchandises étant donné qu'ils devraient encore être effectués même si elle n'achetait pas de marchandises de Skechers USA. Elle devrait encore verser une partie de ses bénéfices aux termes de l'APF, même si, à titre de propriétaire des « éléments incorporels de Skechers » au Canada, elle pourrait tirer ces bénéfices de la vente de chaussures qu'elle a fait fabriquer au Canada ou de la concession à un tiers de licences de la marque Skechers63.

85. Cependant, compte tenu des éléments de preuve versés au dossier, il est raisonnable de conclure que la principale partie des bénéfices de Skechers Canada au cours de la période en cause dans le cadre du présent appel est fondée sur les ventes nettes de chaussures. Bien que les témoins aient déclaré que Skechers Canada génère également des bénéfices de la concession à des tiers de licences de la marque Skechers à des fins d'utilisation dans des articles comme des accessoires vestimentaires64, Skechers Canada n'a présenté aucun élément de preuve à l'appui des témoignages concernant ses bénéfices tirés de la concession de licences et montrant leur importance par rapport au total de ses bénéfices d'exploitation. D'ailleurs, les éléments de preuve versés au dossier indiquent que la principale activité de Skechers Canada consiste à exploiter la marque pour vendre des chaussures65. Par conséquent, d'après les renseignements dont il est saisi, le Tribunal doit conclure que la majeure partie des bénéfices d'exploitation de Skechers Canada provient de ses ventes des marchandises en cause.

86. En outre, le Tribunal n'accepte pas l'argument de Skechers Canada selon lequel les paiements de RD ne sont pas relatifs aux marchandises en cause importées puisqu'elle pourrait choisir de s'approvisionner en chaussures auprès d'une autre entreprise que Skechers USA. Toutes les chaussures vendues par Skechers Canada sont, en fait, importées de Skechers USA66. Bien que Skechers Canada soit autorisée, aux termes des ententes applicables conclues avec Skechers USA, à acheter des chaussures ailleurs, elle ne le fait pas67. Cette possibilité théorique ne suffit pas pour dissocier les paiements de RD des marchandises en cause dans le cadre du présent appel.

87. Enfin, le Tribunal rejette la proposition selon laquelle les paiements de RD ne sont pas relatifs aux marchandises en cause puisqu'ils ne sont généralement pas effectués au moment de l'importation, mais plutôt par versements périodiques tout au long de l'année. Le moment des paiements, en lui-même, n'est pas déterminant. La définition de l'expression « prix payé ou à payer » utilisée au paragraphe 45(1) vise tous les versements « effectués ou à effectuer » et englobe donc la présente situation.

88. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les éléments de preuve établissent que les paiements de RD dans leur ensemble sont relatifs aux marchandises en cause et constituent donc des versements « en paiement des marchandises » au sens du paragraphe 45(1).

Les paiements de RD ou une partie de ceux-ci sont-ils des « aides » au sens de la division 48(5)a)(iii)(D)?

89. En arrivant à la conclusion que la totalité des paiements de RD sont relatifs aux marchandises en cause, le Tribunal tient compte de l'argument subsidiaire de Skechers Canada selon lequel s'il conclut que les paiements de RD visent des travaux d'esthétique industrielle nécessaires pour la production des marchandises importées, alors seulement une partie des paiements de RD doit être ajoutée au prix payé ou à payer, en application de la division 48(5)a)(iii)(D)68.

90. Le Tribunal tient également compte du fait que le conseiller juridique de Skechers Canada admet que les paiements de RD ne sont pas, en fait, des aides prévues à la division 48(5)a)(iii)(D)69.

91. À cet égard, le Tribunal est d'accord. En effet, il convient avec les conseillers juridiques des deux parties que la disposition concernant les « aides » vise des situations dans lesquelles l'acheteur fournit, sans frais ou à coût réduit, une certaine forme d'aide – en nature – pour la production des marchandises importées, par exemple une aide sous forme de travaux d'esthétique industrielle. En l'espèce, cependant, les paiements de RD ne sont que cela : des paiements, et non la fourniture d'un type de « marchandises et services » prévus à la division 48(5)a)(iii)(D). Ce type de frais n'entre pas dans le champ d'application de la division 48(5)a)(iii)(D). La conclusion du Tribunal dans Simms Sigal est pertinente :

Les éléments de preuve indiquent que Simms Sigal n'a pas fourni de croquis ni de travaux d'esthétique industrielle, sans frais ou autrement. Plutôt, Anne Klein a fourni des croquis et des travaux d'esthétique industrielle aux usines et a inclus leur valeur dans le prix des marchandises. Aucune partie des frais de distribution n'est donc passible de droits en vertu de cette division70.

92. Skechers Canada allègue néanmoins que la division 48(5)a)(iii)(D) peut s'appliquer aux paiements de RD puisqu'ils représentent la fourniture indirecte de travaux de développement et d'esthétique industrielle par Skechers Canada – par l'entremise de Skechers USA – aux fabricants chinois.

93. Toutefois, Skechers Canada n'a donné aucune raison pour laquelle la division 48(5)a)(iii)(D) devrait s'appliquer à la situation en l'espèce, division qui, selon son propre aveu, ne vise pas en fait des frais comme les paiements de RD en cause.

94. Le Tribunal ne trouve donc aucune bonne raison d'appliquer cette division à l'extérieur de son champ d'application voulu71. D'ailleurs, son application irait à l'encontre de la détermination du Tribunal, fondée sur les éléments de preuve, selon laquelle la totalité des paiements de RD est, en fait, relative aux marchandises et doit être incluse dans le prix payé ou à payer pour les marchandises aux termes des paragraphes 48(4) et 45(1).

95. Par conséquent, puisque la disposition concernant les aides ne traite pas de la présente situation, la division 48(5)a)(iii)(D) ne s'applique pas ni n'influe sur la conclusion du Tribunal selon laquelle la totalité des paiements de RD est relative aux marchandises en cause au sens des paragraphes 48(4) et 45(1) et incluse dans le prix payé ou à payer72.

Le montant des paiements de RD doit-il être imputé aux marchandises importées selon l'une de deux options?

96. Le Tribunal a déjà conclu qu'un lien suffisant peut être établi entre les paiements de RD (dans leur intégralité) et les marchandises en cause. Les paiements sont donc relatifs à ces marchandises et inclus dans leur prix. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal a déjà examiné en partie les arguments subsidiaires avancés par Skechers Canada concernant les raisons pour lesquelles le montant des paiements de RD ne peut être inclus dans le prix payé ou à payer ou ajouté à celui-ci en totalité.

97. Toutefois, le Tribunal examinera directement les arguments restants soulevés par Skechers Canada selon lesquels les paiements de RD doivent être imputés aux marchandises en cause au motif que, comme l'ont soulevé les conseillers juridiques de Skechers Canada, « [...] les coûts liés à la conception attribuables à des marchandises qui ne sont jamais importées au Canada ne peuvent être ajoutés à la valeur en douane73 » [traduction].

98. Le Tribunal n'est pas en désaccord avec cette proposition. Comme il l'a indiqué précédemment, le Tribunal estime que tous les coûts liés à la recherche et à la conception inclus dans les paiements de RD sont attribuables aux marchandises en cause importées par Skechers Canada. Par conséquent, le Tribunal est en désaccord avec l'argument de Skechers Canada selon lequel il doit procéder à une autre imputation.

99. À l'audience, Skechers Canada a proposé deux options pour imputer les coûts de RD aux marchandises importées.

100. Premièrement, Skechers Canada propose de soustraire 60 p. 100 des paiements de RD, car ces montants sont associés à la proportion de temps consacrée à des activités de recherche et de conceptualisation qui, selon l'exposé de Skechers Canada, ne sont pas relatives aux marchandises. En outre, Skechers Canada soutient que, des 40 p. 100 restants, seul le pourcentage des échantillons prototypes qui sont vraiment devenus des styles retenus peut à juste titre être ajouté au prix payé ou à payer74.

101. Le Tribunal ne peut accepter cette option. Comme il l'a expliqué, les éléments de preuve démontrent que l'ensemble du processus de recherche, de conception et de développement est nécessaire pour créer des modèles retenus et, par conséquent, les marchandises en cause. Soustraire la portion de recherche et de conceptualisation ou la portion concernant les coûts associés aux prototypes rejetés irait à l'encontre des éléments de preuve, qui indiquent que les chaussures de marque Skechers sont obtenus par le biais d'un long processus interactif.

102. Deuxièmement, Skechers Canada propose de diviser le montant total des paiements de RD qu'elle doit verser par la production annuelle totale de Skechers USA afin d'obtenir un « coût à la paire » [traduction] de la contribution de Skechers Canada. Le coût à la paire serait alors multiplié par le nombre de paires importées chaque année par Skechers Canada afin d'imputer les paiements de RD aux marchandises importées75. Cet argument est fondé sur le Mémorandum D13-3-12 de l'ASFC, dans lequel des méthodes sont proposées pour imputer la valeur des aides à certaines importations, dans le contexte de la division 48(5)a)(iii)(D). Cette ligne directrice administrative indique que lorsqu'une entreprise incorpore dans ses frais généraux les coûts liés à la conception sans les imputer à des produits déterminés, il est possible d'effectuer un ajustement approprié en ce qui concerne le prix des marchandises importées « [...] en imputant le total des coûts du centre de design à l'ensemble de la production qui bénéficie des services de ce centre et en ajoutant les coûts ainsi imputés au prix des marchandises importées, en fonction du nombre d'unités76 ». Cet argument présume que la contribution de Skechers Canada participe à la production annuelle totale et que, par conséquent, la part qui correspond à la production qu'elle importe doit être déterminée afin de calculer le montant qui s'applique aux marchandises importées au Canada.

103. Le Tribunal est d'avis que cette deuxième option est également inappropriée. Il estime que l'imputation a déjà été effectuée en liant le montant des paiements de RD aux bénéfices de Skechers Canada aux termes de l'APF, bénéfices qui varient en fonction de ses importations.

104. En effet, l'APF vise essentiellement à imputer à chaque partie sa part des coûts liés à la recherche, au développement et à la conception engagés par Skechers USA pour concevoir la gamme annuelle de chaussures de marque Skechers. Conformément à ses termes mêmes77, l'APF établit que les bénéfices d'exploitation de chaque partie constituent le meilleur moyen de calculer la part prise en charge par chaque partie. Les bénéfices d'exploitation, selon les explications présentées ci-dessus, et comme le montre le témoignage de M. Cross, sont généralement liés aux volumes de marchandises importées et vendues78. En fait, Skechers USA et Skechers Canada ont déterminé que la méthode de répartition fondée sur des ratios de bénéfices d'exploitation, prévue par l'APF, est la meilleure façon d'imputer l'ensemble des coûts liés à la recherche, au développement et à la conception à la production qui en bénéficie et, plus particulièrement, aux marchandises importées par Skechers Canada. Par conséquent, les paiements de RD dus par Skechers Canada représentent déjà la valeur des travaux de recherche et de conception dont ont bénéficié les volumes de chaussures importées par Skechers Canada. De l'avis du Tribunal, les paiements de RD font donc partie, à juste titre, du prix payé ou à payer pour les marchandises en cause, sans autre ajustement.

105. Cette conclusion est conforme à la jurisprudence du Tribunal. Dans Mexx Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national79, certaines pertes subies par le vendeur ont été réparties entre plusieurs distributeurs en proportion de leur part de la totalité des achats de vêtements pour la saison de mode en question. Le Tribunal a conclu que les paiements subséquents effectués par un distributeur qui était un importateur au Canada étaient des paiements relatifs aux marchandises étant donné qu'ils étaient ainsi répartis. Le Tribunal a formulé les commentaires utiles qui suivent :

Les frais liés aux tissus sont exigés « à l'égard des marchandises » puisqu'ils sont répartis entre les divers distributeurs de Mexx selon leur participation à la gamme de produits pour lesquels les tissus inutilisés ont été achetés, et l'appelant a accepté clairement, en achetant les vêtements à Mexx Far East, que le prix payé ou à payer puisse ainsi être assujetti à un ajustement rétroactif. Étant donné que Mexx Far East est considérée à juste titre comme étant le vendeur des vêtements, ces paiements font partie du prix payé pour les vêtements aux fins de la détermination de leur valeur transactionnelle.

[Nos italiques]

106. La décision du Tribunal dans Chaps Ralph Lauren, à laquelle les conseillers juridiques des deux parties ont renvoyé, appuie la même conclusion. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que certains paiements étaient relatifs aux marchandises puisque « [...] le montant des paiements de redevances est calculé d'après les ventes nettes des marchandises importées au Canada et que, par conséquent, lesdites marchandises ont une incidence sur ce montant80 ».

107. En l'espèce, le Tribunal conclut donc qu'un type semblable d'imputation (selon les bénéfices d'exploitation, qui sont eux-mêmes liés aux chaussures que chaque participant a achetées et vendues au cours d'une saison donnée) des paiements de RD appuie la conclusion selon laquelle la totalité de ces montants doit être incluse dans le prix des marchandises. Par conséquent, il serait inapproprié de procéder à une nouvelle imputation des paiements de RD aux marchandises importées.

D'autres critères empêchent-ils l'application de la valeur transactionnelle comme base d'appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause?

108. Compte tenu de la conclusion du Tribunal selon laquelle la totalité du montant des paiements de RD doit être incluse dans le prix payé ou à payer, les parties conviennent que les conditions d'application de la méthode fondée sur la valeur transactionnelle des marchandises prévue à l'article 48 sont remplies. En effet, l'ASFC alléguait que c'est seulement si les paiements de RD ne sont pas inclus en totalité dans le prix payé ou à payer que certaines des conditions d'application de cette méthode ne pourraient être remplies. La position constante de Skechers Canada est que la méthode fondée sur la valeur transactionnelle des marchandises peut et doit être appliquée puisque toutes les conditions sont remplies.

109. Le Tribunal est d'accord. La méthode fondée sur la valeur transactionnelle des marchandises prévue à l'article 48 doit donc être appliquée à l'appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause.

DÉCISION

110. L'appel est rejeté.


1 . L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

2 . Pièce AP-2012-008-073-06B (protégée), onglet 1.

3 . Ibid., onglet 2.

4 . Pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 6.

5 . Pièce AP-2012-073-04A aux par. 8, 79, et onglet A aux pp. 17, 49.

6 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 10.

7 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 52. Voir aussi le témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 73.

8 . À savoir, l'« Amended and Restated Research and Development and Advertising and Marketing Cost-Sharing Agreement » (accord modifié et révisé de partage des frais relatifs à la recherche, au développement, à la publicité et au marketing), en vigueur depuis le 5 janvier 2009, pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 3, et avant le 5 janvier 2009, le « First Amendment to Research and Development and Advertising and Marketing Cost-Sharing Agreement » (première modification à l'accord de partage des frais relatifs à la recherche, au développement, à la publicité et au marketing), entré en vigueur le 1er janvier 2005, pièce AP-2012-073-12C (protégée), pièce confidentielle 10.

9 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 70-71.

10 . Cette décision exclut nommément les frais liés aux activités de publicité et de marketing qui sont également partagés aux termes de l'APF. Skechers Canada a fourni un exemple pour l'année 2011 indiquant les frais visés par la décision de l'ASFC. Voir pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 5. Dans le tableau intitulé « 2011 Canada Cost Share Pooled Costs v2 Adjustment », les paiements de RD se trouvent dans les champs 5000 (libellé R&D) et 5100 (libellé Production).

11 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 58.

12 . Le processus de recherche, de conception et de développement est décrit dans la pièce AP-2012-073-04 aux par. 15-36. M. Knoepke a convenu à l'audience que cette description était exacte. Voir Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 27. Le Tribunal a également eu l'occasion de visionner une vidéo fournie par Skechers Canada dans laquelle on peut voir les principales étapes du processus de fabrication d'un prototype.

13 . Pièce AP-2012-073-04A aux par. 8-11.

14 . Témoignage de M. Knoepke, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 32-33.

15 . Skechers International II est une autre filiale de Skechers USA. Elle est également partie à l'APF.

16 . Voir Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 62, 82-83.

17 . Voir le témoignage de M. Knoepke, ibid. aux pp. 52-53.

18 . Voir par exemple le témoignage de M. Beecroft, ibid. à la p. 20.

19 . Voir par exemple ibid. aux pp. 54-56; ibid. 80-81.

20 . Voir le témoignage de M. Cross, ibid.

21 . Voir par exemple le témoignage de M. Beecroft, ibid. aux pp. 20-21.

22 . Voir par exemple le témoignage de M. Beecroft, ibid. à la p. 19. M. Beecroft a également indiqué que Skechers Canada peut importer en moyenne de 1,4 million à 1,7 million de paires de chaussures au cours d'une année. Voir ibid. à la p. 20.

23 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 52. Voir aussi le témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 73.

24 . Voir aussi le témoignage de M. Cross, ibid. aux pp. 83-84.

25 . M. Cross a déclaré précisément que ces coûts étaient couverts par divers postes de dépenses compris dans les paiements de RD en cause. Voir ibid. aux pp. 81-84.

26 . Voir pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 3, sections 3.4 et 3.5. De plus, l'APF prévoit la possibilité de certains ajustements pour tenir compte du bénéfice d'exploitation réel ou de la marge d'exploitation réelle. Voir sections 3.6 et 3.7. Voir aussi le témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 71. L'APF de 2005 prévoyait une formule similaire. Voir pièce AP-2012-073-12C, pièce confidentielle 10, section 4.2. Témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, aux pp. 23-25.

27 . Pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 2.

28 . Voir par exemple le témoignage de M. Beecroft, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 10. Voir aussi le témoignage de M. Cross, ibid. à la p. 63.

29 . Pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 4.

30 . Voir par exemple le témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 64-65.

31 . Voir par exemple le témoignage de M. Cross, ibid. à la p. 66. Voir aussi Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, à la p. 47.

32 . Il n'y a également aucun doute que Skechers Canada et Skechers USA sont des personnes liées au sens de la Loi, puisque Skechers Canada est une filiale en propriété exclusive de Skechers USA. Voir la définition de « personnes liées » au paragraphe 45(3).

33 . En effet, le paragraphe 48(3) exige que l'importateur démontre que la valeur transactionnelle des marchandises qui lui sont vendues par une personne liée est très proche d'une valeur de remplacement, par exemple la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou similaires vendues pour l'exportation entre des parties non liées.

34 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 72. Voir aussi Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 100.

35 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 79.

36 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 111-112, 173-174.

37 . Ces deux options seront traitées plus en détail dans la section « Analyse ».

38 . Voir Simms Sigal & Co. Ltd. c. Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (27 mai 2003), AP-2001-016 (TCCE) à la p. 5 [Simms Sigal].

39 . Voir par exemple Simms Sigal à la p. 5. Il convient également de souligner que dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit : « [...] les mots “quant à” [en anglais, “in respect of”] ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, “concernant”, “relativement à” ou “par rapport à”. Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression “quant à” qui est la plus large. » Voir R. c. Nowegijick, [1983] 1 R.C.S. 29 (C.S.C.).

40 . Voir par exemple Chaps Ralph Lauren, A Division of 131384 Canada Inc. et Modes Alto-Regal, Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national (22 décembre 1997), AP-94-212 et AP-94-213 (TCCE) [Chaps Ralph Lauren] à la p. 13; Polygram Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (7 mai 1992), AP-89-151 et AP-89-165 (TCCE) à la p. 4.

41 . Simms Sigal à la p. 6.

42 . Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII).

43 . Pièce AP-2012-073-04A au para. 72. Voir aussi Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 100.

44 . M. Cross a confirmé que les paiements en cause se rapportent effectivement au processus de recherche et de conception décrit dans le mémoire de Skechers Canada et dans le témoignage de M. Knoepke. Voir Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, à la p. 20.

45 . Comme l'a confirmé M. Knoepke, les activités de conception en cause se rapportent à la conception de chaussures. Voir Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 30.

46 . Voir par exemple ibid. à la p. 52. Voir également le rapport annuel de 2012 de Skechers, pièce AP-2012-073-04A, onglet A à la p. 21, qui décrit la conception et le développement de produits dans ces termes : « Notre principal objectif en matière de conception de produits est de créer de nouveaux styles de chaussures excitants pour l'ensemble de nos gammes de produits, avec des styles contemporains et avant-gardistes et des caractéristiques de performance qui permettent d'améliorer le confort. [...] Nous croyons que le succès de nos produits repose sur notre capacité de reconnaître les tendances sur les marchés de la chaussure et de créer des produits qui répondent de manière proactive aux préférences des clients qui ne cessent d'évoluer. Nous pouvons rapidement traduire les dernières tendances de la mode en chaussures élégantes de qualité, à un prix raisonnable, en analysant et en interprétant les tendances actuelles et émergentes en matière de mode de vie » [traduction].

47 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 52-54, 57-59.

48 . Les frais de distribution couvraient le droit exclusif de distribuer des gammes particulières de vêtements, certains droits limités afférents au nom commercial et à la marque de commerce Anne Klein, ainsi que divers services : des échantillons, des salons de présentation, des modèles, des aliments aux salons de présentation, des imprimés et du matériel de promotion des ventes, ainsi que des services afférents aux appels téléphoniques, à la télécopie et à la photocopie aux installations d'Anne Klein à New York, des renseignements stratégiques, de l'information sur les tendances et des études de marché, de la formation du personnel et des conférences pratiques sur la vente, des listes de séries, les services de sa direction commerciale internationale, des visites d'une équipe de couturiers au Canada, du matériel publicitaire, un approvisionnement en accessoires de magasin, des annonces nationales dans les revues des États-Unis et d'autres services divers. Voir Simms Sigal à la p. 2.

49 . Voir par exemple Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 101-103.

50 . Voir par exemple AP-2012-073-04A aux par. 15-36. Voir aussi Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 28-48.

51 . Pièce AP-2012-073-06A au par. 39.

52 . M. Gibbs a formulé sa question comme suit : « Seriez-vous d'accord pour dire que toutes les activités de production, de conceptualisation et de développement sont nécessaires pour arriver à ces 5 000 styles que vous avez mentionnés, les 5 000 produits – ou styles – qui sont effectivement choisis? » [traduction]

53 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 52. M. Knoepke a ensuite expliqué que même si certains des 5 000 styles offerts chaque année peuvent comporter de légères modifications, par exemple de couleur, par rapport aux modèles précédents, les styles doivent subir, même dans ce cas, une partie du processus étant donné que tout nouvel aspect, comme une nouvelle couleur ou une nouvelle matière, doit être développé. Voir ibid. à la p. 53.

54 . Ibid. aux pp. 53-54.

55 . Ibid. aux pp. 57-59.

56 . Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, aux pp. 31, 33-34.

57 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 163-164.

58 . En effet, Skechers USA ne tient aucun registre des activités et des coûts liés à la recherche et à la conception par modèle ni même par gamme ou division de produits, puisque ses chercheurs et concepteurs travaillent en tout temps sur plusieurs projets de développement. Skechers Canada n'a pu dans aucun des cas fournir des renseignements sur les coûts liés à la recherche et à la conception expressément associés à une gamme de produits ou à un modèle donné. Voir ibid. aux pp. 86-87; pièce AP-2012-073-06B, onglets 4-5.

59 . Pièce AP-2012-073-04A au par. 72. Voir aussi Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 100.

60 . Voir par exemple Chaps Ralph Lauren à la p. 13; Polygram Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (7 mai 1992), AP-89-151 et AP-89-165 (TCCE) à la p. 4.

61 . Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, à la p. 29.

62 . Cette conclusion est appuyée, par exemple, par la décision du Tribunal dans Chaps Ralph Lauren, à la p. 13, dans laquelle il a conclu que certaines redevances étaient relatives aux marchandises au motif que « [...] le montant des paiements de redevances est calculé d'après les ventes nettes des marchandises importées au Canada et que, par conséquent, lesdites marchandises ont une incidence sur ce montant ».

63 . Voir pièce AP-2012-073-04A au par. 74.

64 . Voir par exemple le témoignage de M. Beecroft, Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 22.

65 . Pièce AP-2012-073-04A aux par. 8, 79. Voir aussi pièce AP-2012-073-04A, onglet A aux pp. 17, 49.

66 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 21-22.

67 . D'ailleurs, il ressort du témoignage de M. Beecroft qu'il « est plus logique » [traduction] pour Skechers Canada d'importer de Skechers USA. Voir ibid. à la p. 22.

68 . L'argument subsidiaire de Skechers Canada est essentiellement celui selon lequel les paiements de RD peuvent être considérés comme des aides (sous forme de « travaux [...] d'esthétique industrielle ») conformément à la division 48(5)a)(iii)(D), la valeur desquelles doit être ajoutée au prix aux termes de cette division, mais puisque la division 48(5)a)(iii)(D) exclut les travaux de « recherche » de la liste des aides, toute partie des paiements de RD qui vise la recherche ne peut être ajoutée au prix.

69 . Ibid. aux pp. 111-112, 173-174.

70 . Simms Sigal à la p. 6.

71 . Le mot « indirectement » utilisé dans la division 48(5)a)(iii)(D) n'élargit pas la portée de cette disposition aux situations dans lesquelles l'acheteur transfère simplement de l'argent au vendeur en contrepartie d'activités entreprises par celui-ci. La division a pour objet de tenir compte des situations dans lesquelles l'acheteur fournit une certaine forme d'aide à son fournisseur – c'est-à-dire sous forme de contribution en nature, sans frais ou à coût réduit – et soulage donc le vendeur d'une dépense qu'il aurait normalement engagée et qui aurait généralement été incluse dans le prix de vente des marchandises. Voir Saul L. Sherman et Hinrich Glashoff, Customs Valuation: Commentary on the GATT Customs Valuation Code, Kluwer Law and Taxation Publishers, 1988, à la p. 112. Le Tribunal est d'avis que le mot « indirectement » indique que l'acheteur peut fournir une telle aide lui-même ou par l'entremise des services d'un tiers. En l'espèce, cependant, il y a simplement transfert d'argent de l'acheteur au vendeur. Dans la mesure où les éléments de preuve établissent que le paiement est relatif aux marchandises, il doit simplement être ajouté au prix payé par l'acheteur pour se procurer ces marchandises auprès du vendeur.

72 . Conformément à la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale, le Tribunal s'est efforcé ne pas interpréter la définition de l'expression « prix payé ou à payer » d'une manière qui ignorerait l'effet de dispositions particulières promulguées par le Parlement. Voir Deputy Canada (Minis[t]re du revenu national) c. Charley Originals Ltd., 2000 CanLII 15307 (CAF), au par. 17. Dans cette affaire, la Cour a constaté que le fait d'inclure le coût de certains tissus inutilisés en cause en l'espèce dans le prix des marchandises conformément à la définition de l'expression « prix payé ou à payer » utilisée au paragraphe 45(1) ne tient pas compte de l'effet du sous-alinéa 48(5)a)(iii), dans lequel le Parlement a expressément abordé la question du traitement des matières fournies par l'acheteur à des fins d'utilisation dans la production de marchandises destinées à l'exportation. En l'espèce, contrairement à la situation dans Charley Originals, le Parlement n'a pas expressément prévu des frais comme les paiements de RD au vendeur par l'acheteur. Comme il a été expliqué, à la division 48(5)a)(iii)(D), le Parlement n'a prévu que le traitement de la valeur des travaux d'esthétique industrielle et d'autres aides particulières lorsqu'ils sont fournis en nature par l'acheteur. Cette disposition n'empêche pas l'inclusion de paiements effectués par l'acheteur au vendeur en contrepartie du coût d'activités entreprises par le vendeur dans le prix payé ou à payer pour les marchandises, conformément à la définition de l'expression « prix payé ou à payer » utilisée au paragraphe 45(1).

73 . Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, à la p. 91.

74 . Documents à l'appui de la plaidoirie, Skechers Canada, Option 1 : proposition de Skechers; Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 115-116.

75 . Documents à l'appui de la plaidoirie, Skechers Canada, Option 2 : option D-Memo; Transcription de l'audience publique, 10 septembre 2013, aux pp. 130-131.

76 . Pièce AP-2012-073-12B.

77 . Voir pièce AP-2012-073-04B (protégée), onglet 3, section 3.4.

78 . Voir le témoignage de M. Cross, Transcription de l'audience à huis clos, 10 septembre 2013, à la p. 29.

79 . (16 février 1995), AP-94-035, AP-94-042 et AP-94-165.

80 . Chaps Ralph Lauren à la p. 13.