KAO BRANDS CANADA INC.


KAO BRANDS CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-018

Décision et motifs rendus
le jeudi 16 janvier 2014


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 19 novembre 2013, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À 12 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 5 mars 2013, concernant des demandes de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

KAO BRANDS CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est rejeté.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : le 19 novembre 2013

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Gestionnaire par intérim,
Programmes et services du greffe : Lindsay Vincelli

Agent du greffe : Haley Raynor

Agent de soutien du greffe par intérim : Sara Pelletier

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
KAO Brands Canada Inc. Sean Everden
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Leah Garvin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par KAO Brands Canada Inc. (KAO) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard de révisions de classements tarifaires par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) en date du 5 mars 2013.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les bandes de nettoyage en profondeur de marque BioréMD (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3304.99.90 de l'annexe du Tarif des douanes2 à titre d'autres préparations pour l'entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3005.10.00 à titre d'ouates, gazes, bandes et articles analogues (pansements, sparadraps, sinapismes, par exemple), imprégnés ou recouverts de substances pharmaceutiques ou conditionnés pour la vente au détail à des fins médicales, chirurgicales, dentaires ou vétérinaires.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Entre le 30 juin et le 29 décembre 2008, KAO a importé les marchandises en cause dans le cadre de 12 transactions distinctes. Les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 3304.99.90 à titre d'autres préparations pour l'entretien ou les soins de la peau.

4. Entre les mois de mai et de décembre 2012, KAO a demandé des remboursements aux termes de l'article 74 de la Loi au motif qu'il y avait eu une erreur de classement tarifaire des marchandises en cause, et elle a également déposé des demandes de révision aux termes de l'article 60 indiquant que dans les deux cas les marchandises en cause auraient dû être classées dans le numéro tarifaire 3005.10.00.

5. Le 5 mars 2013, l'ASFC a confirmé sa décision de classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3304.99.90 à titre d'autres préparations pour l'entretien ou les soins de la peau. KAO a interjeté le présent appel le 30 mai 2013. Le Tribunal a tenu une audience publique le 19 novembre 2013. Les parties n'ont fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

6. Les marchandises en cause sont des bandes en polyester non tissées recouvertes d'une substance qui comprend des surfactants, de la silice, du dioxyde de titane, de l'hamamélis de Virginie, du menthol et de l'huile de théier. Les bandes sont utilisées pour enlever les saletés et les résidus huileux des pores de la peau, aidant ainsi à prévenir les points noirs et à rendre les pores moins apparents. Les bandes deviennent adhésives lorsqu'elles sont appliquées sur la peau mouillée. Lorsque la bande est retirée, les saletés et les résidus huileux qui se sont collés à la bande sont retirés des pores.

CADRE LÉGISLATIF

7. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)3. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

8. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé4 et les Règles canadiennes5 énoncées à l'annexe.

9. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d'après les autres règles.

10. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises6 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises7, publiés par l'OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n'aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire8.

11. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles9.

12. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle la marchandise en cause doit être classée, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée10. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié11.

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

13. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Section VI

PRODUITS DES INDUSTRIES CHIMIQUES
OU DES INDUSTRIES CONNEXES

[...]

Chapitre 30

PRODUITS PHARMACEUTIQUES

[...]

30.05 Ouates, gazes, bandes et articles analogues (pansements, sparadraps, sinapismes, par exemple), imprégnés ou recouverts de substances pharmaceutiques ou conditionnés pour la vente au détail à des fins médicales, chirurgicales, dentaires ou vétérinaires.

3005.10.00 -Pansements adhésifs et autres articles ayant une couche adhésive

[...]

Chapitre 33

HUILES ESSENTIELLES ET RÉSINOÏDES;
PRODUITS DE PARFUMERIE OU DE TOILETTE PRÉPARÉS
ET PRÉPARATIONS COSMÉTIQUES

[...]

33.04 Produits de beauté ou de maquillage préparés et préparations pour l'entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments, y compris les préparations antisolaires et les préparations pour bronzer; préparations pour manucures ou pédicures.

[...]

3304.99 - -Autres

[...]

3304.99.90 - - -Autres

14. La note pertinente du chapitre 30 prévoit ce qui suit :

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

d) les préparations des nos 33.03 à 33.07, même si elles ont des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques.

15. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 33 prévoient ce qui suit :

A.- PRODUITS DE BEAUTE OU DE MAQUILLAGE PREPARES ET PREPARATIONS POUR L'ENTRETIEN OU LES SOINS DE LA PEAU, Y COMPRIS LES PREPARATIONS ANTISOLAIRES ET LES PREPARATIONS POUR BRONZER

Sont compris dans la présente partie :

[...]

3) Les autres produits de beauté ou de maquillage préparés et les préparations pour l'entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments tels que : les fonds de teint, les poudres dites de riz, même compactées, les poudres pour bébés (y compris la poudre de talc non mélangée, ni parfumée, conditionnée pour la vente au détail), les autres poudres et les fards, les laits de beauté ou laits de toilette, les lotions toniques ou lotions pour le corps; la vaseline conditionnée pour la vente au détail et destinée aux soins de la peau, les crèmes de beauté, les cold creams, les crèmes nourrissantes (y compris celles contenant de la gelée royale d'abeilles); les crèmes de protection destinées à prévenir les irritations de la peau; les gels administrables par injection sous-cutanée pour supprimer les rides et redonner du volume aux lèvres (y compris ceux contenant de l'acide hyaluronique); les préparations pour le traitement de l'acné (autres que les savons du no 34.01) qui sont destinées principalement à nettoyer la peau et ne contiennent pas d'ingrédients actifs en quantité suffisante pour être considérées comme ayant une action essentiellement thérapeutique ou prophylactique sur l'acné; les vinaigres de toilette qui sont des mélanges de vinaigre ou d'acide acétique et l'alcool parfumé.

[Nos italiques]

POSITION DES PARTIES

Position de KAO

16. KAO soutient que l'ASFC a incorrectement classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3304.99.90 à titre de préparations pour l'entretien ou les soins de la peau. Elle soutient que les marchandises en cause ne sont pas de simples préparations au sens de la position no 33.04, mais qu'il s'agit plutôt d'une bande utilisée conjointement avec une préparation, et que les deux sont nécessaires pour avoir des propriétés prophylactiques12. KAO soutient également que les marchandises en cause ne sont pas destinées à l'entretien ou aux soins de la peau, et qu'elles sont plutôt conçues pour réagir aux impuretés logées dans la peau13.

17. Premièrement, KAO soutient que les marchandises en cause satisfont aux exigences du numéro tarifaire 3005.10.00. Plus particulièrement, elle soutient que les marchandises en cause satisfont à l'exigence d'être des articles ayant une couche adhésive, car elles deviennent adhésives lorsqu'elles sont appliquées sur une peau mouillée14. Deuxièmement, KAO soutient que les marchandises en cause satisfont l'exigence d'être imprégnées ou recouvertes d'une substance pharmaceutique, car elles contiennent de l'huile de théier, du menthol et de l'hamamélis, qui ont des propriétés médicinales ou prophylactiques ayant une action sur l'acné15 et le trichostasis spinulosa16. Enfin, les marchandises en cause satisfont l'exigence d'être conditionnées pour la vente au détail à des fins médicales, car elles sont emballées dans une boîte destinée à la vente au détail17 et sont utilisées pour prévenir l'acné et traiter le trichostasis spinulosa.

Position de l'ASFC

18. L'ASFC soutient que le présent appel devrait être rejeté, car KAO ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver que les marchandises en cause ont été incorrectement classées dans le numéro tarifaire 3304.99.9018.

19. L'ASFC soutient que les notes explicatives de la position no 33.04 exigent que les marchandises soient 1) des préparations, 2) pour l'entretien ou les soins de la peau et 3) ayant des propriétés similaires aux exemples de préparations énumérés dans les Notes explicatives. L'ASFC soutient que les marchandises en cause sont des préparations car elles contiennent un mélange d'ingrédients qui leur permettent d'adhérer à la peau mouillée et d'enlever des substances étrangères des pores, nettoyant ainsi la peau19. Les marchandises en cause sont destinées à l'entretien ou aux soins de la peau, car elles sont expressément conçues et commercialisées pour aider les utilisateurs à nettoyer et à prendre soin de leur peau20. Enfin, les marchandises en cause sont similaires aux exemples énumérés dans les Notes explicatives et elles ont la même fonction que d'autres produits nettoyants énumérés dans les Notes explicatives, comme les crèmes nettoyantes et les préparations pour le traitement de l'acné qui sont conçues principalement pour nettoyer la peau et ne contiennent pas d'ingrédients actifs en quantité suffisante pour être considérées comme ayant une action essentiellement thérapeutique ou prophylactique sur l'acné21.

20. L'ASFC soutient également que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans nulle autre position tarifaire. Plus particulièrement, elle soutient qu'elles ne sont pas visées par la position no 30.05, car les marchandises en cause ne peuvent être considérées comme étant similaires à des ouates, des gazes ou des bandes et elles ne sont pas destinées à la vente au détail à des fins médicales, chirurgicales, dentaires ou vétérinaires22.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Fardeau de la preuve et insuffisance des éléments de preuve

21. Avant d'entreprendre son analyse du fond du présent appel, le Tribunal estime qu'il est indiqué d'examiner la question du fardeau de la preuve dans les procédures concernant le classement tarifaire devant le Tribunal. Dans le cadre d'appels devant le Tribunal, c'est à l'appelant qu'incombe le fardeau de prouver que le classement tarifaire de l'ASFC est inexact23. Pour s'acquitter de ce fardeau, l'appelant peut s'appuyer sur divers types d'éléments de preuve, y compris, sans s'y limiter, des pièces, des témoignages et des rapports d'expert.

22. Dans le présent appel, KAO a le fardeau de prouver que les marchandises en cause ont été incorrectement classées dans le numéro tarifaire 3304.99.90 à titre de préparations pour l'entretien ou les soins de la peau. Pour ce faire, KAO s'est appuyée sur un examen de la jurisprudence, des définitions dans les dictionnaires et de divers documents écrits trouvés sur le site Web du ministère de la Santé (Santé Canada), y compris des extraits de la Base de données sur les ingrédients des produits de santé naturels.

23. Toutefois, il y a une absence notable d'éléments de preuve pour corroborer les observations et les arguments de KAO. KAO n'a fait entendre aucun témoin. Des déclarations de témoins auraient pu aider le Tribunal dans son examen de certaines questions comme, par exemple, celle de savoir si certains ingrédients, lorsque intégrés dans une préparation, transforme cette préparation en médicament ou en substance pharmaceutique. Un témoin aurait pu également éclairer le Tribunal sur la manière dont les marchandises en cause sont perçues ou utilisées dans le milieu médical.

24. Les arguments de KAO obligent le Tribunal à faire un certain nombre de présomptions de fait qu'il n'est pas disposé à faire sur la foi des documents présentés en l'espèce. Par conséquent et pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que KAO ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver que les marchandises ont été incorrectement classées par l'ASFC.

Notes légales du chapitre 30

25. Comme il a été mentionné ci-dessus, les marchandises en cause ont été classées dans la position no 33.04 qui s'applique notamment aux préparations pour l'entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments. KAO soutient que la position tarifaire appropriée pour les marchandises en cause est la position no 30.05 qui comprend notamment les ouates, les gazes, les bandes et les articles analogues (pansements, sparadraps, sinapismes, par exemple), imprégnés ou recouverts de substances pharmaceutiques ou conditionnés pour la vente au détail à des fins médicales, chirurgicales, dentaires ou vétérinaires.

26. Dans son analyse de la question du classement tarifaire approprié des marchandises en cause, le Tribunal remarque que la note 1d) du chapitre 30 exclut les préparations des positions nos 33.03 à 33.07 du classement dans le chapitre 30, même lorsque ces préparations possèdent des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques. Autrement dit, si les préparations peuvent être classées dans les positions nos 33.03 à 33.07, elles ne peuvent être classées dans le chapitre 30, nonobstant le fait qu'elles possèdent des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques. C'est pour cette raison que le Tribunal examinera d'abord la question de savoir si la position no 33.04 s'applique aux marchandises en cause. Le cas échéant, il ne sera pas nécessaire d'examiner le classement dans la position no 30.05.

Analyse de la position no 33.04

27. Pour déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 33.04, le Tribunal doit déterminer si les marchandises 1) sont des préparations, 2) sont destinées à l'entretien et aux soins de la peau et 3) ne sont pas des médicaments. Le Tribunal tiendra compte également des notes explicatives pertinentes du chapitre 33.

Préparations

28. Les marchandises en cause sont des bandes non tissées recouvertes de diverses substances, y compris des surfactants (incluant du polyquaternium-37, du polysilicium-13 et du diméthicone PEG-12), ainsi que de l'huile de théier, de l'hamamélis et du menthol24. Le mot « préparation » n'est pas défini dans le Tarif des douanes; toutefois, les parties conviennent que le mot « préparation » s'entend généralement d'une chose qui est préparée25. KAO reconnaît qu'un mélange d'ingrédients est généralement considéré comme étant une préparation26.

29. Toutefois, KAO soutient que les marchandises en cause ne sont pas de simples préparations. KAO soutient plutôt que, même si les marchandises en cause sont recouvertes d'une préparation, celle-ci est utilisée conjointement avec un support non tissé et que ces deux éléments sont nécessaires pour que les marchandises en cause produisent leur effet voulu. KAO renvoie à un article qui décrit les marchandises en cause et d'autres tampons cosmétiques adhésifs comme étant des « traitements mécaniques » [traduction] potentiels pour enlever les saletés, les résidus huileux et les impuretés de la peau27. Un traitement mécanique est décrit comme étant un traitement nécessitant l'utilisation d'une force ou d'une action physique afin de produire l'effet voulu28. KAO soutient que les marchandises en cause sont des traitements mécaniques, car elles sont appliquées sur la peau mouillée de l'utilisateur et, une fois sèches, sont physiquement retirées de la peau par l'utilisateur, et que c'est ce geste physique de retirer les marchandises en cause de la peau qui enlève les impuretés des pores de l'utilisateur29.

30. L'ASFC soutient que, dans la mesure où la préparation constitue une partie substantielle des marchandises en cause, celles-ci sont correctement considérées comme étant des préparations de la position no 33.04. En termes de poids, excluant l'endos de plastique qui est retiré du produit avant de l'utiliser, le rapport de laboratoire de l'ASFC indique que la préparation qui recouvre la bande non tissée constitue plus de 50 p. 100 du poids total du produit30.

31. À l'audience, l'ASFC a qualifié la bande non tissée de simple support utilisé pour transporter la préparation31. Pour appuyer cette position, l'ASFC fait remarquer que les dispositions pertinentes du Tarif des douanes ne contiennent aucune indication expresse empêchant qu'une préparation soit transportée sur un support solide, comme le support non tissé des marchandises en cause32.

32. Le Tribunal est d'accord avec les arguments de l'ASFC selon lesquels les marchandises en cause sont des préparations. Selon le Tribunal, le fait que la préparation soit appliquée sur un support non tissé ne l'empêche pas d'être une préparation. Les marchandises en cause ne sont pas différentes des autres produits énumérés dans les notes explicatives de la position no 33.04 qui prévoient qu'un support peut être utilisé pour appliquer la préparation. En outre, même si l'utilisateur doit retirer physiquement les marchandises en cause de la peau en employant une force mécanique, le Tribunal remarque que c'est la préparation et, plus particulièrement, ce que KAO a décrit comme étant le « principal ingrédient » [traduction] de la préparation, le polyquaternium-3733 qui se lie aux impuretés dans les pores, qui permet aux marchandises en cause d'accomplir leur fonction voulue34.

Pour l'entretien ou les soins de la peau

33. En ce qui concerne la question de savoir si les marchandises en cause sont pour l'entretien ou les soins de la peau, KAO soutient que les marchandises en cause sont conçues pour réagir aux impuretés qui bouchent les pores, plutôt qu'à la peau elle-même.

34. L'ASFC soutient que les marchandises en cause sont commercialisées et utilisées pour nettoyer la peau et, par conséquent, sont principalement des produits cosmétiques pour les soins de la peau. Pour appuyer cet argument, l'ASFC renvoie à la documentation sur le produit publiée par le fabricant et à l'emballage des marchandises en cause.

35. Le Tribunal considère que l'argument de KAO à l'égard de cette question n'est pas convaincant. Considérant la documentation sur le produit qui se trouve sur le site Web du fabricant et l'emballage du produit, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont pour l'entretien et les soins de la peau. Plus particulièrement, le Tribunal remarque que le site Web du fabricant, dans la description des marchandises en cause, indique expressément qu'elles sont « [...] pour nettoyer vos pores en profondeur35 ». La documentation du fabricant indique également que les marchandises en cause « élimin[ent] les impuretés incrustées pouvant causer les points noirs et offr[ent] un nettoyage en profondeur36 ». En outre, selon le site Web du fabricant, les marchandises en cause peuvent, avec une utilisation régulière, contribuer à rendre les pores de l'utilisateur moins apparents37. De plus, comme KAO le soutient dans ses observations, les marchandises en cause apportent ultimement des bienfaits à la peau38.

36. De plus, les marchandises en cause accomplissent des fonctions similaires à celles d'autres produits nettoyants énumérés dans les Notes explicatives, qui ne contiennent pas d'ingrédients actifs en quantité suffisante pour être considérés comme ayant une action essentiellement thérapeutique ou prophylactique sur l'acné39. Essentiellement, les marchandises en cause ont une fonction cosmétique avec un effet prophylactique accessoire, qui est prévu par la note 1d) du chapitre 30. On se souviendra que la note 1d) du chapitre 30 prévoit que le chapitre 30 ne comprend pas les préparations des nos 33.03 à 33.07, même si elles ont des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques.

Autres que les médicaments

37. Ayant déterminé que les marchandises en cause sont des préparations et qu'elles sont pour l'entretien et les soins de la peau, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les marchandises sont des médicaments.

38. Tout d'abord, le Tribunal reconnaît qu'il y a un certain chevauchement entre les arguments et les facteurs pertinents en ce qui concerne la question de savoir si les marchandises en cause sont des médicaments de la position no 33.04 et si elles sont considérées comme étant des substances pharmaceutiques, qui est l'une des nombreuses exigences devant être satisfaites pour que les marchandises en cause puissent être classées dans la position no 30.05. Aux fins de la présente partie de l'analyse, le Tribunal examinera d'abord la question de savoir si les marchandises en cause sont considérées comme étant des médicaments de la position no 33.04. Dans la mesure où les marchandises en cause sont considérées comme étant des médicaments, un classement dans la position no 33.04 ne serait pas approprié, car le libellé de cette position exclut expressément les préparations pour l'entretien et les soins de la peau qui sont considérées comme étant des médicaments. Toutefois, dans le mesure où les marchandises en cause ne sont pas considérées comme étant des médicaments ou si les éléments de preuve concernant cette question ne sont pas déterminants, KAO ne se sera pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombe en vertu du paragraphe 152(3) de la Loi.

39. Les arguments de KAO selon lesquels les marchandises en cause sont des médicaments ou des substances pharmaceutiques portent sur les ingrédients contenus dans les marchandises en cause. Plus particulièrement, KAO soutient que l'hamamélis réduit l'apparition d'ecchymoses et l'inflammation locale40, que l'huile de théier est un agent antiseptique qui empêche la croissance de certains micro-organismes (y compris les bactéries) dans les pores41 et que le menthol a un effet apaisant et anesthésique42. KAO fait également référence à certains documents trouvés sur le site Web de Santé Canada, plus particulièrement deux monographies, dont l'une indique que l'hamamélis est une produit de santé naturel et l'autre, que le menthol possède des propriétés analgésiques43.

40. Le Tribunal remarque que The Oxford English Dictionary44 définit le mot « medicament» (médicament) comme étant « [une] substance utilisée dans un traitement curatif » [traduction], définition sur laquelle le Tribunal s'est appuyé dans des causes antérieures concernant des médicaments45.

41. Même si les parties conviennent que les marchandises en cause contiennent effectivement les ingrédients énumérés ci-dessus, le Tribunal ne peut présumer que le fait que ces ingrédients soient indiqués comme étant des produits de santé naturels sur le site Web signifie nécessairement que les produits qui contiennent ces ingrédients constituent des médicaments. La jurisprudence à laquelle renvoie KAO et dans laquelle le Tribunal a conclu que les produits contenant ces ingrédients étaient des médicaments, peut être distinguée des faits du présent appel au motif que les éléments de preuve présentés dans ces causes étaient suffisants.

42. Dans Pfizer, les marchandises en cause dans cette affaire (pastilles pour la gorge) non seulement contenaient des ingrédients ayant des propriétés médicinales, mais possédaient également une identification numérique de la drogue (DIN), et le témoin de l'appelante dans cette affaire a témoigné à l'égard du contenu, y compris des ingrédients actifs, de l'utilisation prévue et de l'effet thérapeutique des produits46. De plus, dans Pfizer, le menthol et l'eucalyptus contenus dans les produits en cause dans cette affaire ont été décrits par le témoin de l'appelante comme étant des ingrédients actifs du produit. En l'espèce, les parties reconnaissent que le principal ingrédient des marchandises en cause n'est pas l'huile de théier, ni l'hamamélis ni le menthol, mais plutôt le polyquaternium-37 qui se lie à la saleté, aux impuretés et aux résidus huileux dans les pores, ce qui en facilite l'extraction47.

43. En outre, le fait qu'un produit contienne un ou plusieurs ingrédients qui sont classés parmi les produits de santé naturels par Santé Canada aux fins des lois qu'elle administre et met en oeuvre n'exige pas nécessairement que le produit doive être classé comme substance pharmaceutique ou médicament à des fins de classement tarifaire. Autrement dit, il ne serait pas indiqué pour le Tribunal de conclure simplement que, parce que Santé Canada a inclus un ingrédient dans la liste des ingrédients de santé naturels, un produit contenant un tel ingrédient est un médicament ou une substance pharmaceutique au sens du Tarif des douanes. Cela signifierait que le Tribunal ferait défaut d'exercer son rôle spécialisé de décideur dans les affaires en vertu du Tarif des douanes et de la Loi48.

44. De plus, dans Pfizer, le Tribunal a rendu sa décision en se fondant sur le fait que la commercialisation, l'emballage et l'emploi des marchandises en cause dans cette affaire indiquaient qu'elles étaient destinées à des fins médicinales49. En l'espèce, KAO demande au Tribunal de conclure que les marchandises en cause sont, aux fins du classement tarifaire, une chose autre que ce qu'indiquent leur commercialisation et leur utilisation. Comme il a été indiqué ci-dessus, la commercialisation, l'emballage et l'utilisation des marchandises en cause donnent l'impression qu'elles sont principalement conçues pour une utilisation cosmétique et, plus particulièrement, pour l'embellissement de la peau. Rien n'indique dans l'emballage, la commercialisation et l'utilisation normale des marchandises en cause qu'il s'agit d'un médicament. Les marchandises en cause ne sont pas commercialisées en tant que traitement contre l'acné. En fait, les instructions indiquent que les marchandises en cause ne peuvent être utilisées sur les boutons d'acné50. Les marchandises n'ont pas de DIN. Il n'y a eu aucun témoignage concernant la perception de ce type de produits par le milieu médical. La seule indication que les marchandises en cause ne sont pas que des produits cosmétiques pour l'entretien ou les soins de la peau provient des arguments de KAO et d'une étude de cas, dans laquelle seulement un sujet a été examiné, qui indiquent que les marchandises en cause pourraient être utiles dans le traitement du trichostatis spinulosa51.

45. Même si la jurisprudence du Tribunal reconnaît qu'il n'est pas absolument nécessaire de démontrer qu'il a été scientifiquement prouvé que les marchandises sont des médicaments efficaces afin de pouvoir être classées comme tels52, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve sont insuffisants en l'espèce pour démontrer que les marchandises en cause sont utilisées comme médicaments d'une quelconque manière. Le Tribunal n'a entendu aucun témoignage du milieu médical indiquant que les marchandises en cause sont prescrites ou recommandées pour la prévention ou le traitement d'un problème de santé. Par conséquent, le Tribunal n'a accordé que peu de poids aux documents supplémentaires déposés par KAO, qui comprenaient une étude de cas sur le trichostatis spinulosa.

46. Même si les marchandises en cause ont des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques, comme le soutient KAO, cela ne signifie pas qu'elles sont considérées comme étant des « médicaments » aux fins de la position no 33.04. La note 1d) du chapitre 30 prévoit expressément que certaines préparations auront des propriétés thérapeutiques ou prophylactiques, mais que de telles préparations sont néanmoins exclues du classement dans le chapitre 30. Lorsqu'elle a été questionnée, à l'audience, à propos de l'incidence de cette note, KAO a soutenu qu'elle ne s'appliquait pas car, à son avis, les marchandises en cause ne sont pas des préparations. Toutefois, considérant que le Tribunal a conclu que les marchandises en cause sont des préparations, le Tribunal est également d'avis que la note 1d) du chapitre 30 s'applique et a pour effet d'exclure les marchandises en cause du classement dans le chapitre 30.

47. Comme il a été indiqué précédemment dans le présent exposé des motifs, il incombait à KAO de fournir des éléments de preuve en faisant entendre un témoignage pertinent pour démontrer que les marchandises en cause sont effectivement considérées comme étant des médicaments. KAO n'a simplement pas fourni d'éléments de preuve suffisants au Tribunal pour obtenir la conclusion recherchée. Puisque KAO ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver que le classement tarifaire appliqué par l'ASFC n'était pas approprié, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si les marchandises respectent les exigences de la position no 30.05, comme le propose KAO.

DÉCISION

48. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 33.04 aux termes de la Règle 1 des Règles générales et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 3304.99.90 à titre d'autres préparations pour l'entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments, comme l'a déterminé l'ASFC.

49. L'appel est rejeté.


1 . L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

2 . L.C. 1997, ch. 36.

3 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

4 . L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

5 . L.C. 1997, ch. 36, annexe.

6 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

7 . Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

8 . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d'appel fédérale a interprété l'article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d'avis que cette interprétation s'applique également aux Avis de classement.

9 . Les règles 1 à 5 des Règles générales s'appliquent au classement au niveau de la position.

10 . La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus [c'est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

11 . La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

12 . Pièce AP-2013-018-04A aux par. 35-37, 40, vol. 1.

13 . Ibid. au par. 41.

14 . Ibid. au par. 36.

15 . Ibid. aux par. 21-28.

16 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, à la p. 14.

17 . Pièce AP-2013-018-04A au par. 29, vol. 1.

18 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 1 au par. 22, vol. 1A.

19 . Ibid., onglet 1 aux par. 34-35.

20 . Ibid., onglet 1 aux par. 36-37.

21 . Ibid., onglet 1 aux par. 38-44.

22 . Ibid., onglet 1 aux par. 45-49.

23 . Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII) aux par. 17, 21-22.

24 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, aux pp. 6-7; pièce AP-2013-018-06A, onglet 4 aux pp. 33-34, vol. 1A.

25 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, aux pp. 6-8, 29.

26 . Ibid. aux pp. 12-13, 29.

27 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 14 aux pp. 138-139, vol. 1A.

28 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, à la p. 13.

29 . Pièce AP-2013-018-04A au par. 36, vol. 1.

30 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 4 aux pp. 33-34, vol. 1A.

31 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, à la p. 30.

32 . Ibid.

33 . Pièce AP-2013-018-04A au par. 41, vol. 1.

34 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, à la p. 14; pièce AP-2013-018-06A, onglet 1 au par. 35, vol. 1A.

35 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 3 à la p. 22, vol. 1A.

36 . Ibid., onglet 3 à la p. 27.

37 . Ibid., onglet 3 à la p. 22.

38 . Pièce AP-2013-018-04A au par. 41, vol. 1.

39 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 11 à la p. 104, vol. 1A.

40 . Pièce AP-2013-018-04A au par. 23, vol. 1.

41 . Ibid. au par. 22.

42 . Ibid. au par. 24.

43 . Ibid. aux onglets 10, 11.

44 . Deuxième éd., s.v. « medicament ».

45 . Pfizer Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (9 octobre 2003), AP-2002-038 à AP-2002-090 (TCCE) [Pfizer] aux pp. 6-7.

46 . Pfizer à la p. 4.

47 . Transcription de l'audience publique, 19 novembre 2013, à la p. 13.

48 . Flora Manufacturing & Distributing Ltd. c. Canada (Sous-ministre du revenu national), 2000 CanLII 15919 (CAF).

49 . Pfizer à la p. 7.

50 . Pièce AP-2013-018-06A, onglet 3 à la p. 28, onglet 4 à la p. 39, vol. 1A.

51 . Pièce AP-2013-018-09A à l'onglet 3, vol. 1A.

52 . Flora Manufacturing & Distributing Ltd. c. Sous-M.R.N. (24 septembre 1998), AP-97-052 (TCCE).