EEV CANADA LIMITED

Décisions


EEV CANADA LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no 2372

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 25 septembre 1991

Appel no 2372

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 mai 1991, en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes, S.R.C. (1970), ch. C-40, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, en date du 16 juillet 1985, concernant une demande de nouvelle détermination en vertu de l'article 46 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

EEV CANADA LIMITEDAppelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISEIntimé

L'appel est admis. Les marchandises en question sont des thyristors et devraient être classées dans le numéro tarifaire 44544-1, à titre de dispositifs à semi-conducteurs.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe47(1) de la Loi sur les douanes, par suite d'une nouvelle détermination effectuée par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en vertu de laquelle les marchandises en question sont classées dans le numéro tarifaire44621-1, à titre d'«Appareils à souder électriques, n.d., et leurs pièces, à l'exclusion des moteurs». L'appelante désire que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire44544-1, à titre de «Transistors et autres dispositifs à semi-conducteurs; pièces de ce qui précède; matériaux servant à la fabrication de ces produits», autres que les marchandises décrites dans le numéro tarifaire44544-2. Sinon, l'appelante demande que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire41417-2, à titre d'«...appareils de processus industriel qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice versa...». L'intimé demande que sa décision soitmaintenue ou, dans le cas contraire, que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire44524-1, à titre d'«Appareils électriques et leurs pièces achevées, n.d.». La question est de savoir quelle est la classification tarifairela plus appropriée dans les circonstances.

DÉCISION  : L'appel est admis. Les marchandises en question sont des thyristors et devraient être classés dans le numéro tarifaire44544-1, à titre de dispositifs à semi-conducteurs.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Du 7 au 9 mai 1991 Date de la décision : Le 25 septembre 1991
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Dean A. Peroff, pour l'appelante Linda J. Wall, pour l'intimé
Causes citées : Concentrated Foods Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 12 R.C.T. 321; Nortesco Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 9 R.C.T. 164; Microsonic Digital Systems Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 10 R.C.T. 210; The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Kallestad Canada Inc. (1987), 14 C.E.R. 71 (C.F.A.); John Deere Limited. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise, 3 T.C.T. 5097 (C.F.A.); Danfoss Manufacturing Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise et al., 5 R.C.T. 75; Reference by the Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise as to his administration of Tariff item 326e, 1 T.B.R. 192; Robert Bosch (Canada) Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise et al., 10 R.C.T. 110; Staub Electronics Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Le Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel n o 2764, le 2 novembre 1989; Access Corrosion Services Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 9 R.C.T. 184; Rolm Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, La Commission du tarif, Appels n os 2600 et 2625, le 14 septembre 1988.





LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe 47(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), par suite d'une nouvelle détermination effectuée par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), en vertu de laquelle les marchandises en question sont classées au numéro tarifaire 44621-1, à titre d'«Appareils à souder électriques, n.d., et leurs pièces, à l'exclusion des moteurs». L'appelante demande que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire 44544-1, à titre de «Transistors et autres dispositifs à semi-conducteurs; pièces de ce qui précède; matériaux servant à la fabrication de ces produits», autres que les marchandises décrites dans le numéro tarifaire 44544-2. Sinon, l'appelante demande que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire 41417-2, à titre d'«... appareils de processus industriel qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice versa... ». L'intimé, pour sa part, demande que sa décision soit maintenue ou, si tel n'est pas le cas, que les marchandises en question soient classées dans le numéro tarifaire 44524-1, à titre d'«Appareils électriques et leurs pièces achevées, n.d.». La question est de savoir en quoi consistent les marchandises en question, puis de déterminer lequel des numéros tarifaires suivants est le plus approprié dans les circonstances.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes du Tarif des douanes [2] sont les suivantes :

Machines électroniques de traitement de l'information et leurs appareils; le matériel périphérique qui leur est destiné, y compris les machines et les appareils d'introduction, de préparation et de manipulation des données; les accessoires qui leur sont destinés; leurs pièces; rien de ce qui précède doit y inclure les appareils de téléphone et de télégraphe et leurs pièces:

41417-1Autres que ce qui suit

41417-2Mémoires à tambour; chargeurs; unités de disques; fichiers sur disques; nettoyeurs de chargeurs; lecteurs de cartes; perforateurs decartes; lecteurs/perforateurs de cartes; lecteurs et perforateurs debandes; lecteurs et perforateurs de jetons; mécanismes d'entraînement de documents; perforateurs de conversion bande/cartes; reproductrices; imprimantes ligne par ligne et imprimantes pagepar page; imprimantes carte par carte; imprimantes par points y compris les imprimantes dotées d'un tampon; vérificatrices de cartes ou de bandes perforées; assembleuses;trieuses de cartes; appareils de processus industriel quiconvertissent les signaux analogiques en signaux numériques ouvice versa, ce qui précède ne devant pas comprendre les capteurs;matériel de conditionnement des cartes; pièces de ce qui précède

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Appareils électriques et leurs pièces achevées, n.d. :

44524-1Autres que ce qui suit

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Transistors et autres dispositifs à semi-conducteurs; pièces de ce quiprécède; matériaux servant à la fabrication de ces produits :

44544-1Autres que ce qui suit

44544-2Hybrides; amplificateurs d'audio fréquences linéaires d'une puissancenominale d'au plus vingt milliwatts; diodes et redresseursau silicium d'une intensité nominale de plus de 510ampères en moyenne; diodes et multiplicateurs de tension d'uneintensité nominale d'au plus un ampère et d'une tension nominale d'au moins un kilovolt

44621-1Appareils à souder électriques, n.d., et leurs pièces, à l'exclusion desmoteurs

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LES FAITS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

Autour du 28 décembre 1983, l'appelante, EEV Canada Limited (EEV) importait, sous le numéro tarifaire 44544-1, certaines marchandises désignées comme des pièces à semi-conducteurs, et portant les numéros de série EEV CHE800-22, HE2500-22, AHE195-22, AHE3300-18, HE3300-22 et HE1200-22. Le formulaire B-3, numéro d'importation E538704 des douanes, a été déposé le 28 décembre 1983, et il a été estampillé le 4 janvier 1984, à Toronto.

Un appréciateur fédéral des douanes a établi que les marchandises importées avaient été dûment classées dans le numéro tarifaire 44621-1, à titre d'«Appareils à souder électriques, n.d., et leurs pièces, à l'exclusion des moteurs». L'avis de détermination final portait la date du 15 février 1984. Le 11 mai 1984, EEV en appelait de la décision de l'appréciateur des douanes auprès du Sous-ministre. Ce dernier confirmait le classement tarifaire dans une lettre en date du 16 juillet 1985. Le 6 septembre 1985, EEV en appelait de cette détermination auprès de la Commission du tarif, appel qui par la suite a été examiné par le Tribunal conformément à l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] .

La preuve fournie lors de l'audience tenue du 7 au 9 mai 1991 a démontré que les marchandises en question servaient d'interrupteurs pour le courant alternatif. Chacune renferme deux thyristors disposés tête-bêche, de façon à utiliser les deux phases du courant alternatif. Un thyristor est un type de dispositif à semi-conducteurs. Il est formé d'une tranche de silicium qui a été concue et fabriquée de façon à lui permettre de dégager des électrons de la manière souhaitée. Des plaques à plots en cuivre sont comprimées de chaque côté de la tranche de silicium et elles sont insérées dans un cylindre de porcelaine qu'on appelle parfois une rondelle de thyristor. Les plaques à plots en cuivre sont reliées entre elles par des barres omnibus, afin de faciliter la connexion avec le circuit d'alimentation. Les rondelles sont attachées à une base. Des fils de fer isolés passent dans les rondelles jusqu'aux doigts de contact.

Des sources de froid ou d'eau sont apposées aux rondelles pour extraire la chaleur. Dans le cas d'un système refroidi par eau, les chemises de refroidissement sont apposées aux rondelles de thyristors, et l'eau provenant d'un système de refroidissement circule dans les chemises en extrayant la chaleur des rondelles. Le thermisteur constitue une partie importante du mécanisme de refroidissement, et il est attaché à la source de froid. Le thermisteur mesure la température du thyristor et transmet un signal au dispositif de contrôle.

Les deux barres omnibus sont apposées aux sources de froid au moyen de plaques à ressorts, qui compriment toutes les pièces ensemble. Les sources de froid, le thermisteur et les plaques à plots à ressorts doivent être montés et calibrés en usine, afin d'assurer le fonctionnement approprié du dispositif.

Certaines des marchandises, principalement les marchandises portant les numéros de série HE1200-22 et HE3300-22, sont munies d'un atténuateur. L'atténuateur est un dispositif optionnel. Il est utilisé lorsque les marchandises sont incorporées à un dispositif de contrôle du soudage d'ancien modèle, qui fonctionne sur un voltage élevé. Un dispositif à semi-conducteurs fonctionne sur un voltage peu élevé, et l'atténuateur réduit le voltage, de façon à permettre le fonctionnement du dispositif.

Des éléments de preuve irréfutables ont été fournis par un expert en ce qui a trait aux similitudes entre les petits thyristors pouvant être incorporés à un circuit intégré et les marchandises en question. Les plus petites composantes sont considérées comme des dispositifs à semi-conducteurs, étant donné qu'elles renferment des pièces de semi-conducteurs.

L'ARGUMENTATION

L'avocat de l'appelante a commencé en exposant deux points. Parmi plusieurs numéros tarifaires, ceux qui sont demandés par l'appelante devraient avoir la priorité sur ceux qui sont demandés par l'intimé, étant donné que ces derniers comportent la mention n.d. (non dénommés), et qu'ils sont moins spécifiques que les numéros demandés par l'appelante. De plus, il y a une distinction entre les termes «dispositif» et «appareil», tel qu'utilisés dans le Tarif des douanes, et les marchandises en question sont considérées comme des dispositifs.

L'avocat a passé en revue les éléments de preuve démontrant une entente notable entre les témoins experts. Il a déclaré que les experts s'entendent pour dire que les marchandises font partie d'un appareil de processus de contrôle; que les marchandises ne peuvent pas être considérées comme des appareils électriques, mais plutôt comme des pièces d'un appareil électrique; et que, sauf dans le cas du témoignage de l'expert en électronique, les marchandises sont reconnues comme des thyristors sur le marché.

L'avocat a poursuivi en identifiant ce qu'il appelle des admissions implicites ou réelles de la part du témoin de l'intimé : les marchandises pourraient être considérées comme des dispositifs qui sont distincts des appareils; le dispositif renferme un semi-conducteur; certaines personnes pourraient appeler les marchandises «thyristor» ou «dispositif à semi-conducteurs»; un petit thyristor qui serait incorporé à un circuit intégré est pratiquement identique, ou bien il existe une analogie parfaite, aux marchandises plus grandes dont il est question dans le cas qui nous intéresse; la composante principale des marchandises réside dans des pièces électroniques, et d'autres pièces associées à celles-ci ne modifient pas la nature fondamentale de la composante électronique, mais servent plutôt de pièces accessoires; cependant, dans le cas des pièces accessoires, les composantes électroniques ne fonctionneraient pas; enfin, le témoin de l'intimé a cité le IEEE Standard Dictionary of Electrical and Electronics Terms [4] comme source de référence.

L'avocat a fait savoir que ce dernier point est important parce qu'on peut se reporter aux publications techniques reconnues par les deux parties pour éliminer toute ambiguïté dans la définition de termes techniques comme «thyristor» [5] . À cet égard, il déclare que les marchandises en question sont dûment définies dans le dictionnaire susmentionné :

...

semiconductor rectifier diode (thyristor). A semiconductor diode having an asymmetrical voltage-current characteristic, used for the purpose of rectification, and including its associated housing, mounting, and cooling attachment if integral with it.

...

(Diode redresseur à semi-conducteurs [thyristor]. Un semi-conducteur présentant un voltage asymétrique, utilisé aux fins du redressement et renfermant une pièce de montage et de refroidissement intégrée.) [traduction]

L'avocat a déclaré que les normes internationales de classement actuellement reconnues dans la législation sur les douanes acceptent les définitions de semi-conducteurs et de thyristors fournies par l'appelante. À cet égard, il a renvoyé le Tribunal aux notes explicatives du Système harmonisé et de la nomenclature européenne, ainsi qu'à la jurisprudence américaine. Il estimait que les marchandises en question devraient être classées selon leur composante principale, c'est-à-dire la composante électronique [6] . Si tel n'est pas le cas, il serait approprié de classer les marchandises selon la composante ayant la valeur économique la plus élevée [7] (une fois de plus, la composante électronique) ou selon la nature inhérente des marchandises qui fonctionnent comme un interrupteur électronique [8] .

L'avocate de l'intimé a commencé son plaidoyer en déclarant qu'il est inapproprié de se reporter à la jurisprudence et au classement européens ou américains. Elle estime que le Tribunal ne doit pas se reporter au Système harmonisé ou aux notes explicatives pour déterminer le classement approprié de marchandises en vertu du système «préharmonisé». Pour ce qui est du renvoi à la décision de politique de Revenu Canada, elle a déclaré que l'intimé n'est pas lié à une telle décision, et que celle-ci n'a aucune valeur devant le Tribunal.

L'avocate a poursuivi en déclarant que le Tribunal doit déterminer la nature fondamentale des marchandises. Elle a fait remarquer que celles-ci servent d'interrupteurs, et que son témoin a reconnu que les marchandises en question sont des dispositifs à semi-conducteurs. Pour déterminer la nature ou le rôle fondamental des marchandises, le Tribunal doit tenir compte des composantes, de la configuration de ces composantes, ainsi que de la conception et de la fabrication de l'unité complète. L'avocate a fait remarquer que son témoin a déclaré que les marchandises en question font partie d'un appareil de contrôle de processus. Toutefois, cela ne signifie pas que leur nature fondamentale se caractérise par un appareil de contrôle. Elle a déclaré que les marchandises ne contrôlent pas un processus et qu'elles ne reçoivent et ne traitent aucune donnée.

Elle a fait savoir que, si l'on se fie au libellé de l'en-tête du numéro tarifaire 44544-1, les dispositifs à semi-conducteurs dont il est question dans ce numéro ne font pas partie de la même catégorie que les transistors. Elle a fait remarquer que l'avocat de l'appelante n'a pas démontré que les marchandises pouvaient être classées dans la même catégorie que les transistors. Par conséquent, il serait inapproprié de classer les marchandises dans ce numéro. Elle rappelle qu'au moins un des témoins considère les marchandises comme des redresseurs commandés au silicium, mais que la preuve présentée n'est pas suffisante pour déterminer s'il y a lieu de classer les marchandises dans le numéro tarifaire 44544-2.

L'avocate s'est reportée à une lettre en date du 16 juillet 1984, adressée à M. C. Pilsmaker, de Douanes et Accise, et provenant de M. D. Clissord, qui représentait l'appelante, dans laquelle il était indiqué que les marchandises sont utilisées dans le cadre de contrôles de soudage standard et de soudage à l'aide de micro-processeurs. D'après elle, il est évident que les marchandises devaient être distribuées pour fins d'utilisation dans des appareils ou des systèmes de soudage. Elle a fait remarquer que M. Clissord, au moment du contre-interrogatoire, a admis que, en 1984, entre 85 et 90 p. 100 des marchandises ont été vendues pour fins d'utilisation dans le domaine du soudage.

L'avocate a poursuivi en déclarant que le Tribunal devrait établir une distinction entre le cas présent et l'affaire Danfoss Manufacturing Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , qui avait pris pour position que, lorsqu'un article peut être utilisé à plusieurs fins différentes, il ne peut pas être considéré comme une composante d'un article précis aux fins de la tarification. Elle a déclaré que, dans l'affaire Danfoss, la Commission du tarif avait statué que les marchandises ne présentaient aucune caractéristique permettant de les identifier comme des composantes d'un article précis au moment de l'importation. En revanche, elle a fait savoir que les marchandises en question sont conçues aux fins du soudage électrique par résistance. Elle a renvoyé à la configuration des barres omnibus, ainsi qu'au positionnement des trous dans ces barres. D'après elle, la conception réelle des marchandises devrait avoir préséance sur l'utilisation des marchandises lorsqu'on envisage l'applicabilité du numéro tarifaire 44621-1 [10] . L'avocate s'est ensuite reporté à certains critères permettant de déterminer si un article peut être considéré comme une composante de marchandises [11] .

L'avocate a terminé son plaidoyer en faisant plusieurs remarques supplémentaires. Premièrement, le terme «appareil» a un sens très large aux fins du classement tarifaire [12] et, pour cette raison, les marchandises en question pourraient être considérées comme un appareil. Deuxièmement, il est inapproprié de classer les marchandises en fonction de la composante ayant la valeur économique la plus élevée et la jurisprudence invoquée par l'avocat de l'appelante n'est pas appropriée dans le cas qui nous intéresse. Troisièmement, les marchandises en question peuvent être considérées comme des pièces électroniques et comme des pièces électriques [13] .

LES MOTIFS

Le présent appel a pour but de déterminer en quoi consistent les marchandises en question, ainsi que le classement tarifaire le plus approprié dans les circonstances.

Les éléments de preuve ont démontré qu'un thyristor est un semi-conducteur et que, à ce titre, il relève de la catégorie des dispositifs à semi-conducteurs; les deux parties s'entendent à ce sujet. La question principale est de savoir si les assemblages de thyristors en question, qui permettent certaines adaptations en vue d'assurer leur fonctionnement dans le cadre d'un contrôle de processus de soudage, peuvent être considérés comme des dispositifs à semi-conducteurs, ou si ces adaptations font en sorte qu'ils deviennent des appareils électriques conçus pour le soudage.

L'avocat de l'appelante a consacré énormément de temps à la preuve et à son plaidoyer, dans le but de démontrer que les marchandises importées pourraient être reconnues comme des thyristors, et que l'unité de base, connue sous le nom de «rondelle de thyristor», ne pourrait pas être considérée comme un thyristor. L'avocate de l'intimé, pour sa part, a essayé de démontrer que la rondelle de thyristor constitue un thyristor proprement dit, mais que les assemblages complets que sont les marchandises en question constituent plus qu'un thyristor, c'est pourquoi ils ne peuvent pas être classés comme tels. Après avoir examiné tous les éléments de preuve et tous les arguments fournis, le Tribunal est d'accord en partie avec les deux avocats.

D'une part, le Tribunal reconnaît que les marchandises importées peuvent être considérées comme des thyristors, mais il n'est pas d'accord lorsque l'avocat de l'appelante prétend que l'unité de base, connue sous le nom de «rondelle de thyristor», ne peut pas être considérée également comme un thyristor. D'autre part, il reconnaît qu'une rondelle de thyristor constitue en fait un thyristor, mais il n'est pas d'accord avec l'intimé, lorsque celui-ci prétend que l'assemblage fonctionnel ne peut pas être considéré comme tel également.

Malgré tous les éléments de preuve et tous les arguments fournis, l'affaire est relativement simple. Tout d'abord, il faut reconnaître qu'une rondelle de thyristor peut être considérée comme un thyristor, étant donné qu'elle présente la caractéristique fondamentale d'un thyristor. Au centre de la rondelle, on retrouve un thyristor, qui constitue un type de semi-conducteur, et les autres composantes de la rondelle permettent de rendre l'assemblage fonctionnel. Les parties supplémentaires sont accessoires et périphériques à la composante principale, et elles ne changent pas le caractère essentiel de celle-ci. Par conséquent, le Tribunal n'a eu aucune difficulté à déterminer que les rondelles de thyristor peuvent être considérées comme des thyristors.

Cependant, le Tribunal a plus de difficulté à admettre l'argument invoqué par l'avocate de l'intimé, c'est-à-dire que l'ajout à la rondelle de thyristor de pièces essentielles pour assurer son fonctionnement adéquat comme un thyristor font en sorte que l'assemblage complet ne peut pas être considéré comme un thyristor. D'après cet argument, un article non fonctionnel qui présente les caractéristiques d'un thyristor peut être considéré comme tel uniquement si aucune composante essentielle à son fonctionnement n'est ajoutée. Le Tribunal rejette cet argument.

L'avocate de l'intimé a prétendu que les marchandises ont été conçues et fabriquées de façon à être incorporées dans un appareil de soudage, et que 85 à 90 p. 100 des marchandises ont été vendues à cette fin. Cet argument soulève la question de l'expression «à cette fin», mais il convient de signaler que le numéro tarifaire choisi par l'intimé renferme la mention n.d. Étant donné qu'il existe un numéro tarifaire pour les «transistors et autres dispositifs à semi-conducteurs», le Tribunal estime que si les marchandises en question peuvent être perçues comme des marchandises faisant partie de ce classement, cette situation aurait préséance sur le classement proposé par l'intimé. De plus, le pliage et la perforation de la barre omnibus, de façon à permettre l'application désirée ne change en rien les caractéristiques fondamentales de l'unité.

D'après l'avocate de l'intimé, l'avocat de l'appelante n'a pas démontré que les marchandises en question font partie du même classement que les transistors dont il est question dans le numéro tarifaire 44544-1. Cependant, l'en-tête de ce numéro se lit en partie comme suit : «Transistors et autres dispositifs à semi-conducteurs». Étant donné que les rédacteurs ont jugé bon d'utiliser ce libellé, le Tribunal se doit de conclure que leur intention était de rendre le classement aussi général que possible, de façon à inclure les «transistors» ainsi que d'autres types de «dispositifs à semi-conducteurs». Tel qu'indiqué précédemment, les parties conviennent toutes deux que les thyristors sont des dispositifs à semi-conducteurs, et le Tribunal est d'accord.

Le Tribunal ne rejette pas la preuve selon laquelle la majorité des marchandises en question sont vendues aux fins du soudage, et que quelques-unes des pièces ont été conçues à cette fin. Cependant, le Tribunal fonde sa décision sur le fait que les marchandises en question peuvent être incluses dans le numéro tarifaire 44544-1, et que le classement choisi par l'intimé implique une mention n.d. qui s'applique manifestement à une marchandise non dénommée.

Par conséquent, le Tribunal conclut que l'assemblage de thyristors peut être considéré comme un dispositif à semi-conducteurs. Étant donné que les avocats ne se sont pas argumentés pour l'inclusion dans le numéro tarifaire 44544-2, et que la preuve est insuffisante pour conclure qu'il y aurait lieu de classer les marchandises dans ce numéro, le Tribunal conclut que les marchandises devraient être classées dans le numéro tarifaire 44544-1.

Compte tenu de cette décision, il n'y a pas lieu d'envisager aucun des autres classements proposés.

LA CONCLUSION

L'appel est admis. Les marchandises en question sont des thyristors et devraient être classées dans le numéro tarifaire 44544-1, à titre de dispositifs à semi-conducteurs.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. C-40, dans sa version modifiée.

2. S.R.C. (1970), ch. C-41, dans sa version modifiée.

3. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

4. Quatrième édition, p. 873.

5. Voir, par exemple, Concentrated Foods Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 12 R.C.T. 321.

6. Voir, par exemple, Nortesco Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 9 R.C.T. 164.

7. Microsonic Digital Systems Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 10 R.C.T. 210.

8. Voir, par exemple, The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Kallestad Canada Inc. (1987), 14 C.E.R. 71 (C.F.A.); John Deere Limited v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise, 3 T.C.T. 5097 (C.F.A.).

9. 5 R.C.T. 75; confirmé par [1972] C.F. 798.

10. Voir, par exemple, Reference by the Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise as to his administration of Tariff item 326e, 1 T.B.R. 192.

11. Voir, par exemple, Robert Bosch (Canada) Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise et al., 10 R.C.T. 110; Staub Electronics Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Le Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel no 2764, le 2 novembre 1989.

12. Access Corrosion Services Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 9 R.C.T. 184.

13. Rolm Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, La Commission du tarif, Appels nos 2600 et 2625, le 14 septembre 1988.


Publication initiale : le 31 juillet 1997