HYDRO-QUÉBEC

Décisions


HYDRO-QUÉBEC
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 2374

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 20 décembre 1991

Appel no 2374

EU ÉGARD À une demande entendue entre le 28 mai 1991 et le 31 juillet 1991 en vertu de l'article 59 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa version modifiée.

ENTRE

HYDRO-QUÉBECRequérante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

La demande est admise en partie. Le Tribunal déclare que pour la période allant de 1981 à 1984 inclusivement, les biens énumérés à l'Appendice A de ses motifs sont exempts de la taxe de vente en vertu du paragraphe 29(1) et des alinéas 1a), l) et o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - La requérante demande en vertu de l'article 59 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) que soient déclarés exempts de la taxe de vente des biens qu'elle a achetés et qu'elle utilise sur son réseau hydro-électrique. La requérante prétend que ces biens constituent des appareils et machines utilisés principalement et directement dans la production d'électricité, des pièces de ces derniers ou des articles entrant dans leur fabrication et, à ce titre, qu'ils sont exempts de la taxe de vente en vertu du paragraphe 29(1) et des alinéas 1a), l), et o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

DÉCISION  : La demande est admise en partie. Le Tribunal conclut que le réseau hydro-électrique de la requérante est utilisé pour produire de l'électricité, peu importe que celle-ci provienne de ses propres centrales ou qu'elle soit achetée d'une source extérieure. Le Tribunal est aussi d'avis que les mots «principalement» et «directement» utilisés dans la disposition d'exemption doivent être interprétés dans le contexte du processus de production. Finalement, le Tribunal considère que les biens énumérés à l'AppendiceA de ses motifs sont des appareils aux termes de la Loi. Par conséquent, le Tribunal déclare que ces biens ont été utilisés, pendant la période allant du 1erjanvier1981 au 16février1984, directement dans la production d'électricité et, qu'après le 16février1984, lesdits biens ont été utilisés principalement et directement dans la production d'électricité en vertu de l'alinéa 1a) de la partieXIII de l'annexeIII de la Loi, tel qu'il s'est lu pendant cette période. Les autres biens, c'est-à-dire les pièces et les articles faisant l'objet de l'exemption prévue aux alinéas1l) et 1o) de la partieXIII de l'annexeIII, n'ont droit à l'exemption qu'en conformité avec les conclusions du Tribunal mentionnées dans ces motifs.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Du 28 au 31 mai 1991, du 3 au 7 juin 1991 et les 30 et 31 juillet 1991 Date de la décision : le 20 décembre 1991
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Gilles B. Legault Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Wilfrid Lefebvre et Jean-Pierre Chrétien, pour la requérante Jean Halpin et Maurice Lalonde, pour l'intimé
Jurisprudence : Maritime Electric Company, Limited v. Minister of National Revenue, 65 D.T.C. 282; Hydro-Québec c. Le sous-ministre du Revenu National, Douanes et Accise, (1967) 4 R.C.T. 93, infirmé par (1968) 4 R.C.T. 113 (Cour de l'Échiquier), rétablie par (1970) S.R.C. 30; Gould Manufacturing of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 6 R.C.T. 296; Thunder Bay Hydro v. The Deputy Minister for Customs and Excise, Commission du Tarif, Appel n o 1225, le 2 novembre 1977; La Banque royale du Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, (1977-1979), 6 R.C.T. 519, affirmé par [1979] C.T.C. 342 (C.F. Appel), infirmé par [1982] C.T.C. 183 (S.C.); The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Amoco Canada Petroleum Company Ltd., 86 D.T.C. 6008; Coca-Cola Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, [1984] 1 C.F. 447; Calgary Power Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, (1979) 6 R.C.T. 886.
Autres sources citées : Le Grand Robert de la langue française, Robert, Paul, Deuxième édition, p. 454.





La présente résulte d'une demande déposée en vertu de l'article 59 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) requérant que certains biens achetés et utilisés par Hydro-Québec sur son réseau hydro-électrique soient déclarés exempts de la taxe de vente.

LES FAITS

À la suite d'un différend entre les parties, Hydro-Québec déposait une demande de déclaration auprès de la Commission du tarif le 9 septembre 1985. Cette demande a été par la suite continuée devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

Les biens en cause ont été achetés par la requérante durant la période s'échelonnant entre les années 1981 et 1984 inclusivement et installés sur son réseau hydro-électrique. Le réseau d'Hydro-Québec couvre le territoire du Québec et comprend les centrales de même que l'ensemble des installations jusqu'au branchement avec les abonnés. Lesdits biens se retrouvent plus précisément sur les lignes du réseau hydro-électrique de la requérante, soit au sommet des pylônes et des poteaux, soit dans les souterrains. Les pylônes et poteaux de béton sont également visés par cette demande. Toutefois, ne sont pas visés tous les biens en question lorsqu'ils sont installés dans les postes. En outre, sont exclus de la présente demande les transformateurs de puissance et de distribution, les compensateurs synchrones et statiques ainsi que les poteaux de bois, qui étaient déjà exempts de la taxe de vente sous divers titres durant la période en question.

Compte tenu de la valeur et du nombre de biens en cause, les parties ont avisé le Tribunal au début de l'audience qu'advenant une décision favorable de la part du Tribunal lesdits biens feraient l'objet d'une vérification comptable suivant les mécanismes appropriés afin de déterminer le montant exact en litige.

LES INTERVENANTS

En vertu du paragraphe 59(2) de la Loi, plusieurs parties ont déposé un avis de comparution. Tous les intervenants sont des entreprises de services publics provinciales ou municipales qui appuient la requérante. Cependant, seules les sociétés Saskatchewan Power Corporation, Nova Scotia Power Corporation et Ontario Hydro étaient représentées à l'audience et, de celles-ci, seules les deux dernières ont présenté des arguments écrits au Tribunal.

LA QUESTION EN LITIGE

La question en litige consiste à savoir si les biens achetés par la requérante pendant la période visée sont exempts de la taxe de vente en vertu de l'article 29 de la Loi eu égard aux conditions d'exemption fixées aux alinéas 1a), l) et o) de la partie XIII de l'annexe III. Plus précisément, il s'agit de déterminer si les biens en cause constituent soit des machines ou appareils achetés par la requérante et utilisés directement et, à partir du 16 février 1984, principalement dans la fabrication ou la production de marchandises, soit des pièces de tels machines ou appareils, soit encore des articles et matières devant entrer dans la fabrication de ces machines et appareils.

Afin de répondre à ces questions, le Tribunal doit donc déterminer d'une part si les biens en cause sont des machines et appareils, des pièces de ces derniers ou des articles et matières entrant dans leur fabrication et, d'autre part, si ces biens sont utilisés directement et principalement dans la production d'électricité.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Sauf pour l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III qui fut modifié avec portée rétroactive au 16 février 1984, les dispositions de la Loi pertinentes à la présente cause se lisaient comme suit au 1er janvier 1981 :

27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente de neuf pour cent sur le prix de vente de toutes marchandises.

29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des articles mentionnés à l'annexe III.

ANNEXE III

PARTIE XIII

1. Tous les articles suivants :

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux [principalement et] directement dans

(i) la fabrication ou la production de marchandises,

...

l) les pièces pour des marchandises désignées aux alinéas a) à k);

...

o) les articles et matières devant entrer dans la fabrication de marchandises désignées aux alinéas a) à n),...

[entrée en vigueur le 16 février 1984, S.C. (1985), ch. 3, par. 36 (1) et art. 48]

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

La preuve s'est avérée en être une essentiellement d'experts. Quatre rapports ont ainsi été déposés avant l'audience. Au cours de celle-ci, la requérante a fait entendre un seul témoin, M. Marc G. Thériault, ingénieur-conseil en électricité, qui fut autorisé par le Tribunal à donner un témoignage d'opinion à titre d'expert dans le fonctionnement général d'un réseau de production d'électricité.

L'intimé a fait entendre trois témoins experts. M. Marc Samson, ingénieur civil, a témoigné à titre d'expert sur la production de l'énergie électrique à partir des centrales électriques et, plus particulièrement, du groupe turbine-alternateur. Puis, M. Maurice Brisson, ingénieur en génie électrique, a témoigné à titre d'expert en réseaux électriques particulièrement en ce qui à trait à la planification ainsi qu'à la conception des réseaux. Enfin, l'intimé a convoqué un autre ingénieur en génie électrique, M. Jacques R. Lapierre, dont le témoignage a porté sur les techniques du transport et la distribution de l'énergie électrique.

Par ailleurs, les parties ont utilisé une maquette d'un réseau hydro-électrique ainsi qu'un montage électrique, en plus de déposer au-delà de 140 pièces documentaires de tout genre.

La production d'électricité

Au cours de son témoignage, M. Thériault a expliqué le processus de transformation d'énergie qui se produit dans une centrale hydro-électrique. L'énergie cinétique, décrite comme l'énergie de masse en mouvement telle une chute d'eau, est transformée en énergie mécanique lorsque l'eau tombe sur une turbine, puis en énergie électrique alors que la turbine actionne un alternateur. La turbine tourne par la force de l'eau en mouvement. L'alternateur est constitué de deux composantes principales, un rotor qui est branché à la turbine par l'entremise d'un arbre, et un stator qui est fixe et à l'intérieur duquel le rotor tourne. Tous deux sont fixés au sommet de la turbine. Lorsque le rotor tourne, ses électro-aimants coupent les champs électriques du stator. Chaque fil métallique est alors induit d'une tension, c'est-à-dire d'un voltage. Quant au courant, il n'est produit que lorsque les lignes sont connectées et le circuit fermé, comme l'indiquera le témoin.

La sortie de chaque alternateur est reliée par des câbles à un transformateur élévateur. Ce type de transformateur transforme l'intensité de courant et la tension (ou voltage) à des niveaux appropriés pour les lignes à longue portée. En fait, le voltage d'abord généré à 13 800 volts par l'alternateur passera à 735 000 volts à la sortie de ce premier transformateur. Près des centres de consommation, on réduit le voltage à 25 000 volts par l'entremise de transformateurs. Près des résidences ou autres points finaux d'utilisation ou de consommation, le voltage sera réduit encore une fois à un dernier transformateur à un voltage de 120 ou 240 volts. Dans le cas d'utilisateurs industriels, le voltage pourra être plus élevé suivant la demande des clients.

La puissance électrique est mesurée en watts et est calculée en multipliant le voltage par le courant (watt = volt x ampère). Lorsque conjuguée avec une unité de temps, une heure par exemple, la puissance électrique a pour unité de mesure le kilowattheure. Le kilowattheure est le produit que vend Hydro-Québec et dont la consommation est enregistrée à l'aide de compteurs. Les factures que reçoivent les abonnés d'Hydro-Québec indiquent donc le nombre de kilowattheures consommées.

M. Thériault a révélé que la résistance constitue le principal phénomène lié à la production d'électricité. De fait, la résistance se retrouve partout où il y a des fils conducteurs, ces derniers étant tous constitués de métal, c'est-à-dire de cuivre ou d'aluminium, et le métal possédant une résistance inhérente au mouvement d'électrons. Or, selon le témoin, la résistance ne peut être réduite économiquement qu'en augmentant le voltage ou la tension, car si on augmente le courant, il faut alors prévoir de plus gros équipements. Comme le réseau d'Hydro-Québec exige la présence de très longues lignes en raison de l'éloignement des centrales des centres de consommation et que la résistance s'accroît en fonction de la longueur des fils, le réseau hydro-électrique comporte des lignes à très haut voltage, pouvant aller jusqu'à 735 000 volts.

Même si les témoins appelés par l'intimé partagaient les grandes lignes du témoignage de M. Thériault, ils ont toutefois apporté certaines nuances et précisions. M. Brisson qui a témoigné au sujet des réseaux a indiqué que le choix de la tension à utiliser à partir de la centrale ne dépend pas seulement de la distance, mais aussi de la puissance à transiter, en d'autres mots de la charge. De plus, les pertes ne sont pas occasionnées que par la résistance. Le réseau consomme lui-même une certaine puissance. Le témoin a estimé que l'ensemble des équipements électriques sur le réseau compte pour 40 p. 100 des pertes d'Hydro-Québec sur son réseau. M. Lapierre, qui a livré son opinion sur le transport et la distribution de l'énergie électrique, a également affirmé que la consommation se retrouve sur l'ensemble du circuit, le réseau étant selon lui un des plus gros consommateurs d'énergie. Pour réduire cette consommation, qui n'est pas payante, la requérante élève alors la tension.

D'autre part, M. Thériault a expliqué que l'électricité se retrouve partout et de façon simultanée dans le réseau, car elle est consommée au moment même où elle est produite. C'est un phénomène qui, a-t-il dit, dure environ deux micro-secondes, d'où le terme «instantanéité du processus» utilisé par le témoin. Toutefois, selon M. Brisson, le processus n'est pas instantané puisque des appareils scientifiques permettent de mesurer le temps de réaction. Le transfert du courant de Churchill Falls vers Montréal, soit une distance estimée à 1 000 km, nécessite un quart d'un cycle qui est lui-même d'une durée de un soixantième de seconde. De plus, toute manoeuvre importante dans le réseau, par exemple le branchement ou le débranchement d'une charge, implique, selon le témoin, un phénomène transitoire. En effet, étant donné qu'il y a un temps de réaction au niveau du système turbine-alternateur et conduite d'eaux (au moins de trois à quatre secondes), c'est l'inertie du réseau qui répond à l'appel de puissance pendant ce temps.

M. Lapierre partageait l'opinion de M. Brisson selon laquelle le phénomène de production d'électricité exige une période de transition de l'ordre selon lui de un cinquième de cycle. M. Lapierre a illustré son point de vue en mentionnant que l'on ouvre les vannes à la centrale hydro-électrique dès qu'une perte de vitesse dans le système est enregistrée. Même avec des appareils très modernes et très sophistiqués, le temps de réaction sera néanmoins de trois secondes alors qu'il pouvait être de 10 ou 15 secondes il y a vingt ans. Ce temps de réaction, a-t-il dit, est propre à tout phénomène naturel de physique et non seulement à l'électricité. En conséquence, l'énergie n'est pas produite et consommée instantanément.

Malgré leurs divergences de vues relativement à la notion d'instantanéité de la production et de la consommation d'électricité, les témoins étaient cependant unanimes à reconnaître que l'électricité produite par courant alternatif ne peut être emmagasinée.

Relativement à la nature des activités de la requérante, M. Thériault a expliqué qu'Hydro-Québec transforme une forme d'énergie en une autre forme d'énergie et que c'est cette dernière énergie qui est vendue. Appelé à préciser si Hydro-Québec était aussi un consommateur, M. Thériault a répondu par l'affirmative, la société consommant en fait à la centrale ainsi qu'à son siège social. En réponse à la question de savoir si la société pouvait également être un transporteur d'électricité, M. Thériault a dit préférer parler de transfert d'électricité. Il a aussi admis qu'en certaines occasions, Hydro-Québec achetait de l'électricité de l'Ontario, des États-Unis, de compagnies privées, et de Churchill Falls dont elle est en partie actionnaire et qu'en de tels cas, la société agissait strictement à titre de «transporteur». M. Thériault a d'abord dit que ces achats représentaient approximativement 5 p. 100 de la production de la société, un pourcentage qu'il a par la suite augmenté à 6 p. 100.

Le témoin a également précisé que personne ne pouvait identifier la source exacte de l'électricité qui alimente une résidence ou un bâtiment donné. Le réseau d'Hydro-Québec est un réseau intégré, c'est-à-dire un réseau où 84 centrales y compris Churchill Falls sont reliées. Selon lui, on pouvait expliquer schématiquement, à l'aide de flèches, le flux de l'électricité, mais cela ne refléterait pas vraiment la réalité à cause du caractère cyclique de l'électricité produite par courant alternatif. Enfin, à l'aide d'un croquis des principales centrales du Québec comprenant pour les besoins de la cause celle de Churchill Falls (pièce B-1), il a admis au plus que si l'énergie était consommée à Montréal et que si la source était à Churchill Falls, alors la direction de cette énergie allait du nord au sud. Dans leurs témoignages, M. Brisson et M. Lapierre ont dit que même si le courant et la tension sont des phénomènes cycliques, l'énergie, toutefois, a une direction.

Appelé à commenter une publication d'Hydro-Québec qui vulgarise ses activités (pièces B-10.1 et 10.2) en terme de phases de production et de transport, M. Thériault a précisé qu'à son avis la société, pour des raisons liées à l'administration, à la technologie ainsi qu'à la formation, divisait le réseau en activités de production, de transport et de distribution. Cette dernière est elle-même subdivisée en distribution aérienne et souterraine. Distinguant également l'emploi de la notion de transport dans une autre publication de la société (pièce B-12), le témoin a indiqué qu'il utiliserait lui aussi l'expression afin de décrire de grandes lignes électriques de façon compréhensible et imagée.

Les paramètres de qualité relatifs à l'électricité

M. Thériault a réexaminé ce qu'il appelle les paramètres de la qualité de l'électricité.

L'un de ces paramètres est la stabilité du voltage. Le témoin a d'abord expliqué que le niveau de basse tension, soit les lignes qui alimentent les résidences, se situe à 120 ou 240 volts parce que les clients résidentiels ont besoin de ce niveau pour faire fonctionner des appareils électriques. Une petite industrie sera cependant alimentée par une ligne de 600 volts parce que les moteurs qu'elle utilise nécessitent ce voltage. Quant à la grosse industrie, elle aura besoin d'une alimentation à 25 000 volts ou d'une tension encore plus élevée. La stabilité du niveau de tension est régie par l'Association canadienne de normalisation (CSA), notamment par la norme C235 (pièce A-47) qui prévoit les variations limites permises afin de protéger les appareils ou les articles alimentés contre les dommages causés par la haute tension. Il appert, selon le témoin, que l'élévation subite de la tension peut causer des incendies, et que la baisse de tension, peut résulter d'une augmentation soudaine de la demande. À cet égard, M. Thériault a fait état de divers appareils installés tout le long du réseau qui servent à assurer une «électricité propre» ou stable. Ces appareils sont parfois montés sur les lignes, mais ils peuvent aussi être installés dans des postes. Ces appareils comprennent des condensateurs, des compensateurs, des inductances et des parafoudres.

Un autre paramètre que doit respecter Hydro-Québec, selon M. Thériault, est la fréquence de 60 hertz avec une forme sinusoïdale car les moteurs des appareils domestiques ou industriels sont conçus pour cette fréquence. La fréquence est d'abord contrôlée à la centrale. Toutefois, des harmoniques indésirables, fréquences autres que les 60 hertz, sont causées par le réseau ainsi que par les procédés de consommation propres à certains consommateurs d'électricité, tels le métro de Montréal ou les grandes installations de production d'aluminium. Hydro-Québec doit alors voir à en contrer les effets avec des condensateurs et des inductances installés tout le long du réseau.

La surtension est un autre phénomène relié à l'électricité. Une surtension peut survenir extrêmement rapidement et peut endommager les entrées électriques, ainsi que provoquer des courts-circuits et des incendies. Les surtensions sont parfois causées par les abonnés eux-mêmes. Les parafoudres et les inductances sont des appareils qui servent à contrer les surtensions. Ces appareils sont installés tout le long du réseau d'Hydro-Québec.

Au dire de M. Thériault, les lignes d'Hydro-Québec, et plus spécialement la hauteur des pylônes, sont conçues afin de minimiser le niveau d'interférence sur les ondes aériennes. Plus les lignes électriques ont un voltage élevé, plus elles créent un champ électrique élevé qui entraîne de l'interférence. Pour M. Brisson, la protection contre l'électrocution constitue la seule raison pour laquelle les lignes sont construites en hauteur, la mesure de cette dernière faisant l'objet d'une norme de la CSA. Cela n'a donc rien à voir avec l'interférence, puisque selon lui l'interférence n'a aucun rapport avec l'élévation verticale, mais plutôt avec une combinaison de facteurs tels la hauteur verticale et la distance horizontale, ou la distance de la ligne électrique par rapport à l'abonné.

D'autre part, la foudre est un phénomène naturel qui peut créer des surtensions considérables sur le réseau. Selon M. Thériault, la foudre peut générer de 5 à 10 millions de volts. Le parafoudre opère alors telle une soupape et permet à la foudre d'aller à la terre sans causer de surtension et sans suivre les conducteurs électriques jusqu'aux entrées électriques des bâtiments. Sur les lignes d'Hydro-Québec, a dit M. Thériault, il y a des parafoudres installés sur chaque transformateur. Des fils de garde sont également placés à la tête des pylônes sur le réseau. Ils sont directement fixés au pylône, ce qui permet vu la conductivité de ce dernier, d'évacuer la foudre jusqu'à la terre.

Hydro-Québec doit aussi réduire au maximum la possibilité de chocs électriques et l'électrocution. Pour ce faire, elle installe des mises à la terre aux centrales, dans les postes, ainsi que sur les lignes électriques. Des tiges de métal plantées dans le sol et reliées au fil neutre du réseau assurent la mise à la terre. Au dire de M. Thériault, cette mise à la terre prévient de nombreux problèmes ou accidents causés par l'électricité.

Un dernier paramètre dont a parlé M. Thériault touche à la continuité du service à laquelle s'attendent tous les abonnés d'Hydro-Québec et utilisateurs d'électricité. La continuité du service exige une énergie électrique de qualité tout le long du réseau et une minimisation des risques de panne de courant. Le témoin a mentionné que les appareils installés sur le réseau sont essentiels à l'accomplissement de cette fonction.

Questionné en contre-interrogatoire par l'avocat de l'intimé sur la qualité du produit à la centrale, M. Thériault a parlé d'une onde sinusoïdale pure, à une fréquence de 60 hertz sans harmonique et d'un voltage stable. Selon le témoin, il est faux de dire que l'électricité produite à la centrale est de meilleure qualité que celle reçue par les abonnés à condition que les appareils prévus pour corriger les perturbations soient installés.

M. Samson a nié qu'il puisse exister des kilowattheures bruts, nets, propres, de bonne ou de mauvaise qualité. Il a ajouté que les kilowattheures calculés à la centrale étaient du même genre que ceux qu'il peut retrouver à sa résidence. M. Brisson n'avait quant à lui jamais entendu les expressions «énergie concentrée» ou «énergie propre». D'après lui, les kilowatts sont les mêmes peu importe où ils sont mesurés sur le réseau puisqu'ils expriment la même capacité de faire un travail. M. Lapierre, enfin, n'a jamais entendu parler du concept de qualité de produit. Quant aux concepts d'électricité «propre» ou «sale», il en a déjà entendu parler, mais en tant que concepts reliés à la qualité du service plutôt qu'à celle du produit.

Les éléments constitutifs d'un circuit électrique

Suivant le témoignage de M. Thériault, un circuit électrique alternatif comprend trois éléments : une source, une ligne et une charge. Lorsqu'ils sont reliés, ces trois éléments permettent la circulation d'un courant électrique. Le témoin a identifié la source comme étant une centrale qu'elle fonctionne à énergie cinétique, thermique ou atomique ou encore au diesel. La source ne produit que du voltage; elle est le siège de la force électromotrice qui sert à pousser ou exciter les électrons des atomes qui sont dans le conducteur en métal ou, en d'autres mots, à les faire passer d'un atome à l'autre. Le dictionnaire de la Commission électrotechnique internationale (CEI) décrit la ligne électrique comme suit :

... association de conducteurs, d'isolants et d'accessoires destinés au transfert d'énergie d'un point à un autre d'un réseau... [3]

La charge, enfin, constitue l'appareil ou la machine qui consomme l'énergie électrique. Sans charge, a dit le témoin, il n'y a aucune production.

Dans son rapport, M. Thériault a insisté sur le caractère essentiel de la ligne en mentionnant qu'elle est un «élément constitutif et intrinsèque du procédé de production de l'énergie électrique puisqu'en son absence, on ne peut plus produire la marchandise désirée bien que les deux autres éléments (voltage et temps) soient présents». Contre-interrogé par l'avocat de l'intimé, M. Thériault a réitéré son avis qu'une ligne quelconque est nécessaire même dans le cas d'une personne qui souhaite une alimentation aux bornes mêmes de la centrale; sans les trois éléments constitutifs d'un circuit électrique, il n'y a pas d'électricité. Il en va de même lorsque le circuit est dit «ouvert» ou lorsque les lignes électriques sont débranchées. Puisque ces trois éléments sont requis, on ne peut donc pas dire que l'électricité est produite à la centrale. M. Thériault a démontré ce fait grâce à une maquette (pièce A-9) qui représente un réseau hydro-électrique. Le témoin a conclu qu'à son avis les lignes sont utilisées «principalement» et «directement» dans la production d'électricité et, pour ce faire, il s'est basé sur le sens de ces mots dans les dictionnaires usuels.

Durant le contre-interrogatoire, M. Thériault a reconnu que parfois la ligne devient elle-même une charge en l'absence de charge créée par les abonnés et, qu'à ce moment-là, du courant et non seulement du voltage est généré à la centrale; il a cité à titre d'exemple une ligne de 300 km. La ligne se trouve alors à remplir les deux fonctions, servant à la fois de charge et de ligne. Cependant, a-t-il précisé, une charge seule ne peut fonctionner en l'absence d'une ligne.

On lui a demandé, dans le même ordre d'idée, comment on pouvait concilier l' affirmation voulant que la ligne soit nécessaire à la production à celle qu'elle soit elle-même la cause de pertes électriques. M. Thériault a indiqué que la ligne ne produisait pas d'électricité, mais a souligné qu'elle était nécessaire à la production et il a expliqué que dans ce processus (processus qu'il a comparé à une chaîne de production), il y avait des pertes comme dans toute usine. Ces pertes sont en l'occurrence causées par la résistance. De surcroît, a-t-il ajouté, il y a aussi des pertes à l'alternateur situé à la centrale.

L'avocat de l'intimé a demandé si le fait que ces trois éléments soient nécessaires ne faisait pas des abonnés eux-mêmes des producteurs, ceux-ci constituant ultimement la charge et la charge étant nécessaire à la production. M. Thériault a répondu par la négative soulignant que c'est Hydro-Québec qui produisait le voltage et, au moyen du circuit, le courant.

M. Samson ne partageait pas l'opinion de M. Thériault et croyait qu'il peut y avoir «transformation d'énergie» par opposition à «production d'énergie» sans qu'il soit nécessaire d'avoir une source, une ligne et une charge. En réponse au contre-interrogatoire de l'avocat de la requérante, il a affirmé qu'une source et une charge étaient suffisantes puisque, à son avis, il est possible de relier une charge aux bornes de l'alternateur à la centrale sans l'intervention d'une ligne. Par contre, il a précisé au cours de son réinterrogatoire que les bornes elles-mêmes constituaient des conducteurs.

En contre-interrogatoire, le témoignage de M. Samson a été mis en doute lorsque l'avocat de la requérante a fait référence à l'ouvrage du professeur Wildi [4] , dont de larges extraits se retrouvent intégralement dans le rapport du témoin. Se référant au concept d'appel de puissance, c'est-à-dire la demande en électricité à laquelle la charge est associée, le témoin a admis que le professeur Wildi, pour expliquer cette notion, se basait sur la puissance de la turbine ( Pt ) et la puissance de la charge ( Pc ), alors que lui-même, s'appuyant toujours sur l'exposé dudit professeur, employait la puissance de l'alternateur ( Pa ) en lieu et place de la puissance de la charge Pc . Le témoin, d'abord hésitant, a reconnu qu'il avait voulu dans l'appel de puissance, notamment à l'annexe 5 de son rapport, associer Pa à l'alternateur. Il a toutefois admis que l'on parlait bien de puissance demandée par la charge. Il a tenu à ajouter qu'à son avis cela se rapportait à la puissance à la sortie des bornes de l'alternateur.

M. Brisson a expliqué, qu'avant même de réaliser un projet de réseau électrique, les concepteurs tentent de prévoir la demande, c'est-à-dire la consommation en kilowattheures. D'autres études qui se rapportent à l'expansion des secteurs d'économie sont réalisées par la suite. Ce n'est qu'après avoir effectué ces démarches que les planificateurs peuvent déterminer les besoins en production requis, par exemple le type et le nombre de centrales dont on a besoin. Puis, eu égard aux besoins en consommation et aux centres de production potentiels, on détermine les conditions optimales de production. M. Brisson a indiqué que la dernière étape vise l'établissement du réseau de transport. Au moment de classer par ordre d'importance les étapes de planification, le témoin a indiqué que la définition de la consommation ou de la charge vient en premier lieu, ensuite vient celle de la centrale (ou de la source) nécessaire et, finalement, celle du réseau de transport requis, lequel est tributaire du moyen de production retenu. L'étendue du réseau de transport est en définitive déterminée par la stratégie retenue pour le choix, notamment l'emplacement géographique, des centrales. Le tout constitue, au dire du témoin, un circuit électrique.

M. Brisson était pourtant d'avis qu'un circuit électrique peut exister quand une charge est connectée directement aux bornes de la centrale. Toutefois, le témoin a relaté que c'est par l'entremise de câbles qu'une compagnie de Buckingham (Québec) branchait des équipements sur les bornes de sa propre centrale. Il a distingué ces câbles des lignes de distribution ou de transport en les appelant des câbles de branchement. Il en a conclu que seules une charge et une source sont alors utilisées bien qu'il reconnaisse que ces câbles sont en fait des conducteurs. Le témoin a ajouté le cas de la ville même de Buckingham, elle aussi branchée directement aux bornes de la centrale de Dufferin qui appartient à une société privée. Sans expliciter, M. Brisson a toutefois parlé de transformateurs de courant montés à même les bornes de raccordement. Le témoin a aussi utilisé comme exemple l'usine de la Canadian International Paper (CIP) de La Tuque qui, a-t-il dit, lorsqu'elle appartenait à la Shawinigan [Light and Power] était branchée directement aux bornes d'une centrale. D'après lui, des villes importantes telles Toronto, avec Toronto Hydro, et Ottawa, avec Ottawa Hydro, font de même. Dans son rapport, M. Brisson a aussi cité d'autres usines, importantes consommatrices d'énergie, sises près d'une centrale et qui, selon lui, se trouvent à consommer directement aux bornes de cette centrale sans passer par un réseau de transport. Le témoignage de M. Brisson durant le contre-interrogatoire a toutefois révélé que ces usines étaient situées à quelques milles des centrales et que des pylônes reliaient parfois les fils entre l'usine et la centrale. M. Brisson a alors répondu que ce passage de son rapport s'explique du fait que l'usine et la centrale étaient situées dans la même région, ce qui ne nécessitait pas l'utilisation d'un réseau de transport lequel n'existe, à son avis, que pour couvrir des distances de 100 km et plus.

M. Brisson était aussi d'avis qu'une ligne de transport ou de transmission peut produire du courant et constituer une charge par elle-même. Plus une ligne possède une tension élevée, plus elle se comporte comme un condensateur branché sur le réseau. Elle génère en conséquence du courant. Il est déjà arrivé, a relaté M. Brisson, qu'Hydro-Québec ait eu à fermer certaines lignes la nuit à cause de la faiblesse de la charge, ce qui faisait en sorte que les lignes se comportaient en gros condensateurs. Le témoin a aussi révélé que les lignes occasionnent 10 p. l00 de perte dans le réseau et que cela constitue donc une charge pour la centrale. Toujours selon M. Brisson, la ligne étant une charge en soi, les conditions nécessaires pour créer un circuit électrique sont donc respectées.

M. Lapierre a critiqué, quant à lui, la théorie du circuit fermé qui découlait du témoignage de M. Thériault. Il a présenté à cet effet la pièce B-49 intitulée «Chaîne et maillons» qui schématise le réseau d'Hydro-Québec à partir de la centrale. Le dernier maillon de la chaîne, qui inclut déjà la centrale, le réseau, les lignes des abonnés et la charge de l'abonné, est la terre qu'on utilise dans certains réseaux pour le retour du courant. Si chacun des maillons est nécessaire à la production d'électricité, a dit le témoin qui interprétait la théorie du circuit fermé, alors tous les maillons, y compris la terre, sont producteurs, ce qui est absurde. Le témoin néanmoins n'a pu citer de cas au Québec où l'on utilise le dernier maillon.

Par conséquent, d'après M. Lapierre, tout le réseau est une charge et seule la centrale produit de l'électricité. Le témoin a aussi utilisé une maquette (pièce B-50) afin d'illustrer son raisonnement. À son avis, les problèmes causés par les harmoniques, les variations de tension, les surtensions, etc., sont des problèmes de transport et de distribution et non de production, laquelle se situe à la centrale. Lorsque le produit est fabriqué par l'alternateur, a-t-il conclu, il en résulte un produit fini, utilisable et de nature immuable.

Les appareils pour lesquels l'exemption est demandée

Pour M. Thériault, la notion d'instantanéité propre à la production d'électricité exige que tous les appareils sur la ligne fonctionnent en même temps, sauf certains appareils passifs qui n'entrent en action qu'en cas de besoin.

Le témoin expert d'Hydro-Québec a passé en revue la liste des appareils pour lesquels l'exemption de la taxe de vente est demandée comme il est indiqué à la pièce A-28 intitulée «Pièces, appareils, machines inclus dans la demande d'exemption»:

Conducteur (ou, lorsque le conducteur est isolé, câble électrique) : contrairement aux câbles électriques isolés que l'on retrouve dans les tunnels souterrains, les fils aériens sont nus. Toutefois, le conducteur entre le dernier transformateur et une résidence est aussi, compte tenu de la hauteur, un câble isolé. Sa fonction est de permettre le transfert du courant jusqu'aux abonnés. Les conducteurs électriques utilisés sur les lignes à très haute tension ou dans les postes sont constitués de plusieurs petits conducteurs, en fait de torons composés de plusieurs fils en aluminium qui tournent autour d'un noyau en acier;

Fil de garde fixé sur les pylônes : fil installé à la tête des pylônes afin de les protéger contre la foudre;

Réenclencheur automatique : utilisé pour ré-enclencher le circuit à la suite, par exemple, d'un court-circuit, ainsi que pour ouvrir et refermer la ligne si le problème est éliminé, et ce en une seconde;

Disjoncteur : utilisé pour détecter les défauts sur les lignes lorsqu'il n'y a pas de réenclencheur pour empêcher de surcharger les lignes, pour éviter de brûler les transformateurs lorsqu'ils sont surchargés, pour ouvrir rapidement le circuit lorsqu'il y a court-circuit, ainsi que pour éviter les baisses de tension. Ces disjoncteurs sont situés dans les postes ou dans les conduits souterrains tel qu'il appert de la pièce A-28;

Coupe-circuit : porcelaine retenant un fusible;

Fusible : utilisé pour protéger le transformateur ou, plus spécifiquement, les fils entre le transformateur et le mât de branchement de l'abonné, ainsi que les fils de l'abonné jusqu'à son interrupteur principal;

Fil et tige de mise à la terre : le fil de mise à la terre longe un poteau et est relié à une tige en acier galvanisé d'un demi-pouce de diamètre et de huit pieds de long, elle-même plantée dans la terre;

Sectionneur : utilisé pour isoler une ligne ou une machine pour des fins d'entretien ou d'exploitation;

Parafoudre : installé dans les postes ou, en ce qui a trait aux lignes que l'on retrouve dans les municipalités, dans les poteaux. Il est alors installé immédiatement à côté du transformateur. Il est constitué de porcelaine, et composé d'un disque et d'un éclateur;

Isolateur : utilisé pour isoler un conducteur nu d'une pièce métallique afin d'empêcher les courts-circuits; il peut être installé en série. Au dire de M. Thériault tous les types d'isolateur constituent des appareils, sauf les isolateurs de hauban;

Anneau pare-effluve : placé à la fin d'une chaîne d'isolateurs, il a pour fonction d'éviter les pointes de champ électrique. En contre-interrogatoire, M. Thériault a précisé que l'anneau pare-effluve ne touche pas au pylône;

Amortisseur : appareil mécanique qui dans certaines conditions atmosphériques, le vent par exemple, empêche les conducteurs de balancer;

Transformateurs de courant ou de tension et appareils de contrôle : utilisés pour réduire l'intensité du courant ou de la tension afin de permettre un mesurage simple et sécuritaire à l'aide de différents types d'appareils de contrôle. Il sont différents des transformateurs de puissance, de distribution ou de contrôle;

Condensateur : constitué de deux plaques métalliques qui baignent dans un isolant, il sert à diminuer ou éliminer les harmoniques, diminuer le déphasage et stabiliser la tension du courant fourni aux abonnés;

Contrepoids : se présente sous deux types. Le premier type de contrepoids est essentiellement une pièce mécanique, en fait une masse constituée d'une ou de plusieurs galettes, généralement attachée à une pince de suspension et destinée à limiter l'amplitude du balancement. L'autre type de contrepoids, qui a une fonction de mise à la terre, est un conducteur enterré assurant une liaison électrique entre plusieurs ou tous les supports (pylônes ou poteaux) d'une ligne aérienne et le sol, réduisant la résistance de terre des supports;

Boîte d'extrémité : dispositif préfabriqué ou confectionné sur place, et monté à l'extrémité d'un câble pour assurer une liaison électrique avec le réseau aérien. On le retrouve généralement le long des poteaux près des grands consommateurs d'électricité, mais M. Brisson a ajouté que l'on n'en retrouve pas sur les pylônes;

Pylône : se présente sous différents types, avec ou sans haubans, tout dépendant de leur dimension. Le pylône le plus commun est érigé sur place et installé sur une base en béton et est normalement composé de plusieurs pièces, poutres principales et traverses, rivées par des boulons en acier. D'après le témoin, le pylône a pour fonction électrique de servir de conducteur lorsque les parafoudres entrent en action. Il en va de même lors de courts-circuits. Durant son contre-interrogatoire, M. Thériault a expliqué que le pylône est conçu par un ingénieur civil, spécialisé en structure, qui reçoit l'aide d'un ingénieur électricien.

Appelé par l'avocat de l'intimé à expliquer de quelle façon le pylône est utilisé pour la production d'électricité, le témoin a répondu que le pylône ne produit pas d'électricité mais qu'il est nécessaire à sa production, les fils devant être supportés et isolés les uns des autres afin qu'ils ne se touchent pas, auquel cas ces derniers provoqueraient des courts-circuits, l'enclenchement des mécanismes de protection tels que les disjoncteurs et, de là, la cessation de la production d'électricité.

De l'avis de M. Brisson, par contre, le pylône n'a aucune fonction électrique «intentionnelle». La mise à la terre que le pylône assure en cas de foudre s'assimile au rôle du fil de cuivre fixé au poteau de bois. Le pylône sert alors de parafoudre. En contre-interrogatoire, M. Brisson a précisé que s'il sert de conducteur de foudre, le pylône, toutefois, ne sert pas de conducteur d'électricité. Le pylône lui-même est mis à la terre pour assurer cette fonction. D'autre part, il ne croit pas que le pylône ait pour fonction d'isoler les conducteurs du public. Les isolateurs rempliraient plutôt cette tâche.

Par ailleurs, il a expliqué que c'est l'ingénieur en structure qui réalise la conception des pylônes, l'ingénieur électricien n'intervenant que pour définir les besoins en distance et l'écartement entre les conducteurs ainsi que pour déterminer la quantité requise d'isolateurs;

Entretoise : les entretoises peuvent être de différents types. Il s'agit essentiellement d'un jeu mécanique constitué notamment de ressorts, d'amortisseurs et de pièces métalliques, sauf l'entretoise préformée (pièce A-3, terme no 55), qui est installée entre deux conducteurs à un certain nombre de mètres d'intervalle afin d'éviter qu'ils ne se touchent;

Poteau de béton : certains supports sont en bois de différentes grandeurs et largeurs, d'autres en béton. Le poteau supporte les lignes et un assemblage d'équipements électriques : des conducteurs, des transformateurs, des isolateurs, des parafoudres, des coupe-circuit, un conducteur de mise à la terre, un interrupteur, le cas échéant, des condensateurs et, enfin, des raccords de différents types dont la tâche est de faire un lien électrique entre les fils qu'ils joignent. Le témoin a également expliqué que la hauteur des poteaux est déterminée par le besoin de prévenir l'électrocution, étant donné que les fils aériens sont nus. Le poteau constitue un appareil lorsqu'il est intégré au réseau. En contre-interrogatoire, le témoin a précisé que les poteaux ne sont utilisés au Canada que pour les lignes à moyenne tension.

Pour M. Brisson, les poteaux de bois aussi bien que les poteaux de béton, à cause de la nature de leur fonction, constituent de simples supports;

Hauban : fil ou tige métallique ancré au sol qui a pour fonction de stabiliser un poteau ou un pylône;

Interrupteur : utilisé pour ouvrir une ligne et, notamment, réalimenter une partie des abonnés lorsqu'une réparation doit être effectuée sur le réseau;

Traverse : une traverse, selon la preuve déposée, peut être en bois ou en métal et est fixée de façon transversale au sommet du poteau où elle retient les isolateurs;

Câble de branchement : appelé câble de raccordement dans la pièce A-23 produite par l'appelante, il sert à raccorder l'installation de l'abonné au réseau souterrain;

Les articles que l'on retrouve dans les conduits souterrains : on y retrouve des câbles, des interrupteurs, parfois des disjoncteurs, des raccords isolés, des fusibles, des supports pour retenir les câbles;

Les articles que l'on retrouve dans les chambres de contrôle : sises au-dessus des souterrains, on y retrouve des appareils de contrôle (voltmètres, ordinateurs, etc.), ainsi que des boîtes d'extrémité.

Le Tribunal note que même si la requérante a demandé l'exemption des conduits (pièce A-28) à titre d'appareils utilisés dans les souterrains, il n'en a jamais été fait mention, à ce titre, ni dans la preuve, ni dans l'argumentation.

Par ailleurs, dans son témoignage, M. Thériault a aussi fait état de plusieurs autres équipements déjà exemptés qui sont aussi utilisés dans le réseau et dont l'explication du rôle contribue à faire comprendre le fonctionnement de l'ensemble du réseau.

Par exemple, l'inductance shunt est en fait une bobine de fils électriques dont la base est un boîtier en métal et la partie supérieure une porcelaine dont la base est entourée d'un anneau pare-effluve. Des inductances en série ont pour fonction de limiter le niveau des courts-circuits de façon à éviter que le courant monte à l'infini. Ces inductances sont aussi placées entre deux condensateurs afin de limiter la rapidité de la décharge d'un condensateur vers l'autre. Connectées entre la ligne et la terre, elles sont installées aux extrémités des lignes électriques pour éviter de très grandes variations dans la tension.

D'autre part, Hydro-Québec utilise aussi deux types de compensateurs. Le premier est le compensateur synchrone qui, d'après le témoignage de M. Thériault, ressemble à un moteur et sert soit de condensateur, soit d'inductance selon les besoins du réseau. Le compensateur statique a essentiellement les mEAˆmes fonctions sauf qu'il réagit plus rapidement étant donné qu'il n'est pas composé de pièces tournantes contrairement à l'autre type de compensateur.

Enfin, les barres omnibus sont de grosses pièces métalliques en cuivre ou en aluminium qui ne sont pas flexibles et qui remplacent les gros conducteurs dans les postes. Elles sont fixées en étant isolées du sol grâce à des isolateurs verticaux.

En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Thériault s'il était possible d'utiliser des câbles souterrains au lieu de lignes aériennes et, le cas échéant, lesquels des appareils mentionnés ci-dessus seraient inutiles. Le témoin a d'abord fait allusion à la limite intrinsèque du niveau de tension posée par l'utilisation de câbles. Ces derniers, a-t-il dit, ne peuvent supporter une tension supérieure à 250 000 ou 300 000 volts. Puis, il a indiqué que l'isolation nécessaire pour ces câbles ferait grimper les coûts qui pourraient alors représenter de 15 à 20 fois le coût des fils nus des pylônes et poteaux. Il a mentionné que l'utilisation de câbles souterrains rendrait inutile l'entretoise, le fil de garde, l'amortisseur, probablement le contrepoids et, enfin, les haubans.

M. Brisson a expliqué, quant à lui, que les lignes aériennes étaient utilisées essentiellement pour des raisons de coûts et que les câbles souterrains étaient disponibles pour être utilisés jusqu'à une tension de 400 000 volts. M. Brisson a cité plusieurs villes nord-américaines, Montréal par exemple, ou européennes où on utilise des câbles de 220 000 volts.

Appelé à dire si, d'après son expérience, les biens mentionnés ci-dessus constituaient des «machines» ou des «appareils», M. Brisson a répondu par la négative pour tout l'équipement installé sur des pylônes (pièce A-28) car ils constituent à son avis des fournitures ou des accessoires de lignes. Mais, il a ajouté que les interrupteurs, les coupe-circuit, les parafoudres, les sectionneurs, les condensateurs, les réenclencheurs, les fusibles ainsi que les disjoncteurs que l'on retrouve sur les poteaux de bois ou de béton et dans les souterrains sont habituellement considérés comme des appareils dans les catalogues de fournisseurs. Bien que la pièce A-28 n'indique pas le type d'appareils de contrôle, ceux qu'on retrouve dans les conduits souterrains sont également des appareils selon M. Brisson. Le témoin était d'avis que les convertisseurs de fréquence, les réactances de mise à la terre et les autosectionneurs sont également des appareils. Selon le témoin, cependant, aucun de ces appareils n'est utilisé principalement et directement dans la production d'électricité laquelle, a-t-il maintenu, est produite aux bornes de l'alternateur.

L'ARGUMENTATION DE LA REQUÉRANTE

L'argumentation en droit des avocats de la requérante est fondée sur huit conclusions de faits que la preuve, ont-ils prétendu, permet au Tribunal de tirer. Ces conclusions de faits sont les suivantes :

1. les biens en litige sont, chacun pris isolément, un ensemble de pièces destinées à un usage particulier; 2. la requérante vend un produit fini qui s'exprime en kilowattheures et qui doit répondre à des exigences spécifiques; 3. les biens en cause sont requis pour la production et la vente de ce produit; 4. la production d'énergie électrique exige la présence de trois éléments, soit une source, une ligne et une charge; 5. l'énergie électrique n'est pas une marchandise emmagasinable, ce qui en fait un produit unique; 6. la production et la consommation de l'énergie électrique est simultanée et indissociable; 7. les lignes électriques ont une double fonction : elles sont un élément essentiel dans la production de l'énergie électrique et elles en permettent le transfert; 8. les transformateurs, de distribution ou de puissance, haussent ou baissent le voltage et le courant; ils transforment le produit aux fins de vente et d'utilisation.

En ce qui concerne la question de la production d'énergie électrique, les avocats ont prétendu sur la foi des conclusions de faits mentionnées aux points 2 ainsi que 4 à 8, que le Tribunal doit conclure que les biens en litige ont été utilisés directement et principalement dans la production d'électricité. Selon la décision de la Cour fédérale dans La Reine c. Stuart House Canada Limited [5] , il y a production lorsque le produit est fini. Or, les biens en litige sont absolument nécessaires pour assurer la vente et l'utilisation du produit.

Avant le 16 février 1984, l'utilisation «directe» était le seul critère régissant l'utilisation des appareils pour les fins de l'exemption prévue à l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III. S'appuyant sur la jurisprudence, notamment les arrêts Irving Oil Limited, Foster Wheeler Limited et Canaport Limited c. Le secrétaire provincial de la province du Nouveau-Brunswick [6] , Coca-Cola Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [7] et Petro-Canada Inc. v. Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [8] , les avocats ont allégué qu'un bien est utilisé directement dans la production, quelle que soit l'importance de cette utilisation par rapport à d'autres processus tels l'emmagasinage ou la distribution. En somme, l'utilisation peut être directe, même si elle n'est pas exclusive, si «l'appareil» utilisé est aussi essentiel que les autres appareils ou machines employés directement dans la production en cause.

De plus, ils ont affirmé qu'une jurisprudence abondante favorise une interprétation large du mot «directement». Cette interprétation permet de reconnaître un lien direct lorsqu'un lien fonctionnel existe entre machines ou appareils et le procédé de fabrication (The Consumers' Gas Company et autres c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , His Majesty the King v. Vandeweghe Limited [10] , Calgary Power Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [11] ).

En ce qui a trait au critère de primauté apporté par la modification de l'alinéa 1a) et l'ajout du mot «principalement» en 1984, les avocats ont soutenu qu'il est respecté en espèce puisque sans les lignes, il ne pourrait y avoir d'électricité. De fait, ils ont prétendu que la ligne est tout aussi essentielle à la production d'électricité que ne le sont la turbine et l'alternateur.

Puis, les avocats de la requérante ont présenté une autre position s'appuyant d'une part sur l'affaire The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Amoco Canada Petroleum Company Ltd. [12] et, d'autre part, sur les arrêts Commission hydroélectrique de Québec c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [13] ; La Cité de Saint-Laurent c. La Commission hydroélectrique de Québec [14] et, enfin, Amerada Minerals Corporation of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [15] . En fait, la requérante a dressé une analogie entre le cas d'espèce et l'arrêt Amoco où la Commission du tarif a reconnu qu'un pipeline situé entre deux usines de production constituait un appareil directement utilisé dans la fabrication de gaz. La requérante a alors cité les arrêts Amerada, Cité de Saint-Laurent et Commission hydroélectrique du Québec où les transformateurs d'électricité ont été reconnus comme étant des centres de production. On a prétendu ainsi que la décision dans Amoco s'appliquait au cas d'espèce vu l'analogie existant entre, d'une part, l'utilisation d'un pipeline dans un processus de production de gaz et, d'autre part, l'utilisation de lignes dans un processus de production d'électricité.

Quant à la seconde question, qui a trait à la qualification des articles en cause, les avocats de la requérante ont prétendu qu'ils constituent tous des appareils au sens de la Loi, tels que la jurisprudence, les dictionnaires et la preuve le confirment. Ils ont suggéré au Tribunal que la définition adoptée par leur propre témoin expert, soit qu'un appareil est un groupe de pièces disposées pour fonctionner ensemble, est conforme à celle adoptée par les tribunaux, et même plus stricte. En outre, le critère de fonction que l'on retrouve dans certaines définitions est également respecté puisque chacun des articles en litige concoure, comme la preuve l'a révélé, à un ou plusieurs des paramètres de qualité du produit. Les tribunaux, enfin, auraient adopté une interprétation large du mot «appareil» de façon à respecter l'objectif visé par le législateur. C'est ainsi que des caisses et paniers dans lesquels étaient placés des bouteilles de boissons gazeuses et des réservoirs pour l'emmagasinage du pétrole ont été déclarés comme étant des appareils servant directement à la production respectivement par la Cour fédérale d'appel dans Coca-Cola et la Cour suprême dans Irving Oil.

De fait, ont-ils ajouté, certains articles en litige ont déjà été reconnus comme constituant des appareils. Par exemple des conducteurs et isolateurs, des amortisseurs-entretoises pour conducteurs ainsi que des réenclencheurs ont respectivement été déclarés des appareils dans les décisions Thunder Bay Hydro v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [16] , Gould Manufacturing of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [17] et Great Lakes Power Company Limited v. Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [18] . D'autre part, la requérante a allégué que les pièces qui entrent dans la fabrication d'un appareil à un degré l'engageant dans une application particulière sont exemptes en vertu de l'alinéa 1l). Dans l'affaire Great Lakes Power, la Commission du tarif a décidé que les morceaux d'acier fabriqués pour l'érection d'un pylône électrique constituaient des pièces de ce pylône au sens de l'ancienne disposition que remplace maintenant l'alinée 1l).

Les avocats de la requérante se sont aussi appuyés sur le Mémorandum de l'accise ET 809 intitulé Transformateurs et accessoires. Bien que le Mémorandum s'applique d'abord aux transformateurs, les accessoires qui leur sont associés et qu'on retrouve dans la liste des biens en litige, y sont appelés des machines ou appareils au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Les avocats ont ajouté que 73 p. 100 des biens du même type que ceux en litige, mais que Hydro-Québec utilisait avec des transformateurs durant la période en cause, font l'objet d'une exemption par suite d'une entente administrative [19] découlant de l'application du Mémorandum. Les avocats de la requérante ont donc soutenu qu'il n'y a aucun doute que les biens ainsi qualifiés constituent des appareils.

Enfin, ils ont prétendu qu'une modification à la Loi en 1987 a retiré l'exemption de la taxe de vente à l'égard de l'achat tant des transformateurs que des biens devant servir à la transmission ou à la distribution de l'électricité. Cela démontre, ont-ils dit, que les biens en litige étaient exempts de la taxe de vente pendant la période où ils ont été achetés, parce que sinon il n'y aurait pas eu de modification.

L'ARGUMENTATION DE L'INTIMÉ

En guise d'introduction, les avocats de l'intimé ont fait valoir que la requérante a le fardeau de démontrer qu'elle respecte les termes de l'exemption. Si, par ailleurs, elle pouvait bénéficier d'un doute dans une situation donnée, le doute doit résulter de l'interprétation ou de l'application de l'exemption, mais ne peut dépendre de l'absence de preuve ou du défaut de preuve sur certains éléments essentiels de l'exemption. Il revient donc à la requérante de faire la preuve de tous et chacun des éléments de l'exemption dont elle entend se prévaloir. À ce titre, les avocats de l'intimé ont fait ressortir de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III, les huit éléments essentiels de la disposition d'exemption qui, à cette fin, se lit donc comme suit :

1. Machines et appareils... 2. vendus ou importés... 3. par un fabricant ou un producteur... 4. pour être utilisés par eux... 5. directement... 6. et principalement... 7. dans la fabrication ou la production... 8. d'une marchandise.

En ce qui a trait au premier élément, l'intimé a soumis qu'aucun des biens en litige ne constitue une machine. Relativement à la notion d'appareil, les avocats de l'intimé ont cité une jurisprudence qui reprend essentiellement les définitions que l'on retrouve dans la jurisprudence citée par ceux de la requérante et qui fait état d'un ensemble de pièces, d'instruments, de dispositifs ou d'outils ayant une fonction, une action ou un certain travail à accomplir. Ceci dit, sur la base d'une décision rendue par ce tribunal, ils ont établi une distinction entre ce qui peut constituer un instrument ou un dispositif et ce qui constitue plutôt une structure ou un bâtiment (Pillar Construction Ltd. c. Le ministre du Revenu national [20] ).

Les avocats de l'intimé se sont appuyés sur la seconde condition prévue par la disposition d'exemption pour affirmer que la qualification du bien en tant qu'appareil ou machine doit être établie au moment de l'achat ou de l'importation.

En ce qui a trait à la troisième condition, se basant sur la décision de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire The Royal Bank of Canada v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [21] , les avocats ont allégué que les termes «producteur» et «fabricant» font appel à une notion de permanence. Or, la preuve a révélé, ont-ils prétendu, que la requérante n'est pas toujours propriétaire de la source comme c'est le cas pour la centrale de Churchill Falls. Par ailleurs, la requérante n'est pas non plus propriétaire de la charge. Dans ce cas, comme dans les cas où elle importe de l'énergie de l'extérieur, Hydro-Québec n'agit qu'en tant que transporteur. Dans ces circonstances, la troisième condition n'est donc pas remplie.

Par ailleurs, la quatrième condition exige que les machines et appareils soient utilisés par Hydro-Québec. Poussant à la limite l'argument de la requérante voulant que la production d'électricité exige une source, une ligne et une charge, les avocats de l'intimé ont conclu que la requérante n'est plus alors qu'un fournisseur de services qui met son infrastructure à la disposition du consommateur qui, en revanche, étant le propriétaire de la charge est celui qui ferme le circuit, utilise les biens et commande la production.

La cinquième condition a trait au caractère direct de l'utilisation des machines et appareils dans la production de marchandises. Aucune définition n'étant fournie par la Loi, les avocats de l'intimé ont soutenu que le mot «directement» doit être entendu dans son sens grammatical et ordinaire. Ils ont prétendu que plusieurs dictionnaires donnent à ce mot, ainsi qu'au mot «directly» dans la version anglaise, un sens qui fait appel à la notion de sans détour et qui s'oppose au caractère collatéral ou intermédiaire d'une certaine action. À l'appui de cette prétention, les avocats ont cité la décision de la Cour de l'Échiquier dans Foundation-Comstock Joint Venture c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [22] , qui a maintenu une décision de la Commission du tarif qui avait jugé comme n'étant qu'indirecte, l'utilisation d'un système de contrôle de l'environnement dans la production d'électricité. Les avocats ont prétendu, du reste, d'après une autre décision de la Commission du tarif (I-XL Industries Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [23] ), que le mot «directement» implique que l'utilisation de la machine ou de l'appareil soit essentiel au procédé de fabrication. Cette approche, ont-ils soutenu, a déjà trouvé écho auprès de ce Tribunal, notamment dans l'affaire Esso Ressources Canada Limited c. Le ministre du Revenu national [24] où on a conclu qu'un lien ou un rapport étroit devait exister entre les machines ou appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production. Il faut donc, selon les avocats de l'intimé, que soit déterminé et caractérisé ce lien ou ce rapport entre la machine ou l'appareil et la production de l'électricité.

En ce qui concerne l'exigence posée par la modification de 1984 qui a eu pour effet d'ajouter le mot «principalement», les avocats de l'intimé ont soutenu que le législateur a posé là une nouvelle condition différente de ce qui existait déjà. S'appuyant sur l'ouvrage de Pierre-André Côté, intitulé Interprétation des lois [25] , ils ont prétendu que la modification avait été faite délibérément afin d'effectuer un changement et non seulement pour améliorer la formulation du texte d'exemption. En se fondant là aussi sur le sens grammatical et ordinaire de ce mot, ils ont fait valoir le rapport essentiel et primordial que doit avoir la machine ou l'appareil dans la production de la marchandise.

En ce qui a trait à la fabrication ou à la production en tant que telle, les avocats ont soutenu que la nécessité de donner de nouvelles formes, qualités ou propriétés à une matière a été décidée à plusieurs reprises par les tribunaux (Minister of National Revenue of the Dominion of Canada v. Dominion Shuttle Co. (Ltd.) [26] ; Her Majesty the Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [27] ; Arthur A. Voice Construction Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national [28] ). A également été citée à l'appui de cette prétention la cause Ville de Sherbrooke c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [29] , où l'on a décidé que le processus de purification de l'eau par une municipalité n'était pas de la production. En fait, a-t-on plaidé, on doit déterminer le moment où le produit est fini. Les avocats de l'intimé se sont référés à l'arrêt Maritime Electric Company, Limited v. Minister of National Revenue [30] , également cité par la requérante, où il fut établi que l'électricité est produite entre le stator et le rotor. Ils ont distingué en outre cette production de celle qui se produit dans un transformateur tel que l'a établi la Cour suprême dans l'arrêt Cité de Saint-Laurent; la Cour, ont-ils dit, a reconnu que la production qui survient dans un transformateur se rapporte à la phase de transport. En vertu de ces décisions, les avocats ont aussi rejeté l'analogie avec un pipeline que la requérante a tenté de faire avec l'arrêt Amoco. Dans le pipeline qui relie deux usines, on retrouve, en effet, un produit non-fini et impropre à la consommation, ce qui n'est pas le cas de l'électricité produite à la centrale. À la centrale, en effet, on peut s'approvisionner immédiatement en électricité en s'y branchant directement. D'autre part, l'électricité peut être transmise par des transformateurs élévateurs dont la fonction consiste uniquement à réduire les pertes.

Toujours relativement à la septième condition, c'est-à-dire la fabrication ou la production, les avocats de l'intimé ont allégué que le test utilisé par la requérante en est un de vente et non de production. Ainsi les problèmes de tension, d'harmoniques, de voltage, et de fréquence doivent être assimilés au processus de purification de l'arrêt Ville de Sherbrooke car ils se rapportent à la qualité du produit lequel est déjà fait à ce moment.

Les avocats de l'intimé se sont également appuyés sur la Loi d'Hydro-Québec [31] dans laquelle on fait une distinction entre la production, la transmission et la distribution d'énergie. Puis, ils ont mis en relief la cause de la Cour d'appel fédérale impliquant l'Office national de l'énergie, alors qu'Hydro-Québec a fait valoir avec succès la distinction entre des unités de production et d'autres de transport (Procureur général du Québec c. l'Office national de l'énergie [32] ). Enfin, l'intimé s'est reporté à un document publié par la requérante (pièce B-12) et qui fait état, d'une part, de la phase transport et, d'autre part, du fait que la société est obligée d'acheminer l'électricité au moyen de lignes à haute et très haute tension. Cette conclusion, selon laquelle le produit de la requérante est fini avant son transport, est du reste, ont dit les avocats, conforme aux témoignages des témoins experts appelés par l'intimé.

Finalement, en ce qui concerne la huitième condition, les avocats de l'intimé ont remis en cause le concept de vente de marchandise. Ils ont fondé leur argument sur la preuve établie par la requérante, notamment deux assertions issues du témoignage de son témoin expert voulant que le voltage seul ne soit pas vendable et que le courant part de la source et y revient. Suivant ce raisonnement, plutôt que producteur d'une marchandise, Hydro-Québec ne serait pour ce segment de ses activités qu'un fournisseur de services qui met à la disposition de ses clients un potentiel électrique qui transite via un courant électrique.

Quant à l'exemption pour les pièces des biens en litige en vertu de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III, l'intimé a fait état des critères d'analyse développés par la jurisprudence et, notamment, que l'examen doit se faire au cas par cas; qu'un degré suffisant de rattachement, particulier à l'appareil, doit exister entre celui-ci et la pièce; que ce rattachement doit bel et bien se rapporter à l'appareil et non à une activité ou à un processus; et, enfin, que la pièce ne doit pas être retransformée après l'achat ou l'importation (Sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c. Androck Inc. [33] ; J.H. Ryder Machinery Co., Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [34] ; Pacific Petroleums Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [35] ; Anixter Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [36] ).

LES MOTIFS DU TRIBUNAL

Afin de bien situer le débat, le Tribunal estime d'abord nécessaire de clarifier l'évolution jurisprudentielle de la notion de production d'électricité aux fins de l'application de la Loi.

Ainsi, en 1965, dans l'affaire Maritime Electric, la requérante générait, transformait et distribuait de l'énergie électrique à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard). De plus, elle achetait de l'énergie électrique du Nouveau-Brunswick qu'elle transformait et distribuait à Fredericton. La Commission d'appel de l'impôt devait déterminer si la requérante pouvait bénéficier d'un crédit en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu [37] à titre de «marchandise développée ou fabriquée» («goods processed or manufactured»). Se fondant sur le traitement accordé aux compagnies productrices d'électricité dans la Loi sur la taxe d'accise [38] , la Commission détermina qu'il était clair que le Parlement visait les compagnies engagées dans la production d'électricité et, par le fait même, que l'électricité était incluse dans le terme «marchandise». D'aucuns, selon la Commission, donneraient aux mots «fabrication» et «marchandise» le même sens lorsqu'ils se retrouvent dans deux lois fiscales administrées par le même ministère. La Commission détermina que toutes les activités dans lesquelles la requérante était engagée constituaient la fabrication d'une marchandise au sens de la loi. La Commission, en outre, s'appuya sur une abondante jurisprudence américaine suivant laquelle l'électricité est une marchandise qui, d'autre part, est produite par une entreprise manufacturière.

Puis en 1967, dans l'affaire Hydro-Québec c. Le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise [39] , la Commission du tarif se prononça sur une demande d'Hydro-Québec requérant que les transformateurs achetés par elle soient déclarés assujettis au taux d'exemption partielle de la taxe de vente. Quant aux activités menées par la requérante, la Commission du tarif fit sienne les conclusions susmentionnées de la Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire Maritime Electric. Hydro-Québec fut donc considérée productrice d'électricité au sens de la Loi sur la taxe d'accise [40] . Puis se fondant sur la preuve, la Commission déclara que les transformateurs réalisaient plus qu'un transfert d'électricité, car en fait ceux-ci la transformaient. Analysant une jurisprudence qui avait déjà inclus certaines activités de transformation dans la production ou la fabrication au sens de cette loi, la Commission détermina que la transformation au stade du transformateur rendait l'électricité utilisable par le client. Cette transformation faisait donc «partie intégrante du procédé de fabrication ou de production».

La décision de la Commission du tarif fut renversée par la Cour de l'Échiquier [41] au motif que le changement de voltage qui se produit dans un transformateur ne donne pas, au plan commercial, de nouvelles qualités ou propriétés à l'énergie électrique. La décision de la Cour de l'Échiquier fut elle-même renversée par la Cour suprême [42] dont l'essentiel de la décision porta sur le sens imprécis du mot «production» contenu dans la loi. Selon la Cour, rien dans cette loi n'obligeait la Cour de l'Échiquier à donner au mot «production» un sens aussi restreint, d'autant plus que cette interprétation s'avérait, en l'occurrence, contraire à la preuve recueillie devant la Commission du tarif.

Vint en 1975 l'affaire Gould, où la Commission du tarif dût encore se prononcer sur la question de savoir si des amortisseurs-entretoises étaient utilisés directement dans la production d'électricité. La fonction des amortisseurs-entretoises consiste à séparer les fils conducteurs afin d'éviter qu'ils ne se touchent. La Commission du tarif jugea que sa décision dans Hydro-Québec stipulant que les transformateurs sont utilisés dans la production d'électricité, bien que confirmée par la Cour suprême, ne lui était d'aucun secours en l'espèce puisqu'elle devait maintenant déterminer si les fils faisaient partie, à leur tour, de la production d'électricité. La Commission du tarif conclut que la fonction première des lignes dites transporteuses, où sont installés les amortisseurs-entretoises, est de transporter de l'électricité sur une longue distance. De fait, elle assimila les lignes à un transporteur amenant les marchandises auprès des clients plutôt qu'à un appareil transporteur sur une ligne de montage. Elle conclut, en conséquence, que ces lignes ne participaient pas directement à la production d'électricité. Il en allait donc de même pour les amortisseurs-entretoises attachés à la ligne.

Deux ans plus tard, l'affaire Thunder Bay confronta de nouveau la Commission du tarif avec la même disposition d'exemption. Étaient en cause cette fois des câbles, fils et isolateurs utilisés entre l'endroit où la requérante achetait de l'électricité d'Hydro Ontario à un voltage variant entre 12 000 et 25 000 volts et le site du dernier transformateur sis près du point de consommation. Les avocats de la requérante plaidèrent que leur cliente, la ville de Thunder Bay, puisqu'elle transformait le voltage de l'électricité au moyen de transformateurs devait être considérée comme un manufacturier, conformément à la décision de la Commission du tarif et à celle de la Cour suprême dans l'affaire Hydro-Québec. D'autre part, on plaidait que les câbles, fils et isolateurs participaient directement à la production d'électricité vu la symbiose entre la transmission d'électricité et sa transformation. Sans se prononcer sur la qualification de la requérante en tant que manufacturier, la Commission du tarif conclut que bien qu'essentiels à la fourniture d'électricité, les biens en question n'étaient pas utilisés directement dans la production d'électricité mais plutôt directement dans la transmission de cette énergie. En fait, selon la Commission du tarif, ils n'étaient utilisés que de façon collatérale dans la production et, par conséquent, ils n'étaient pas sujets à l'exemption.

Enfin, dans l'affaire La Banque royale du Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [43] , la Commission du tarif devait déterminer si des génératrices utilisées en cas d'urgence dans un site commercial appartenant à la requérante, une banque à charte canadienne, pouvait bénéficier de cette même exemption. Même si les génératrices étaient utilisées directement dans la production d'électricité, la Commission du tarif décida que l'électricité n'était pas produite aux fins de l'article 27 de la Loi, c'est-à-dire qu'elle n'était pas livrée à un acheteur ou locataire d'immeuble. Elle ne demeurait pas non plus la propriété de la requérante afin d'être utilisée par elle en cas d'urgence. On porta la décision devant la Cour d'appel fédérale, laquelle jugea que les faits établissaient que la banque n'était pas un manufacturier d'électricité au sens de la Loi. Sa production d'électricité en cas d'urgence n'était en fait qu'incidente et à petite échelle [44] . Cette décision fut portée en appel à la Cour suprême qui affirma, qu'en l'espèce, on devait considérer la position de la requérante comme étant celle d'un propriétaire et exploitant de site commercial. Faisant droit à l'exemption, la Cour suprême ajouta que la fourniture d'un tel mécanisme d'urgence ou de soutien ne constituait pas moins qu'une démarche prudente consistant à compléter un service électrique total [45] .

En se fondant sur les différentes décisions énumérées ci-dessus, le Tribunal conclut que les compagnies produisant de l'électricité peuvent être considérées comme fabriquant ou produisant des marchandises en vertu des dispositions de la Loi. En outre, la jurisprudence établit que la transformation d'électricité constitue une production ou une fabrication au sens de la Loi. Cependant, la Commission du tarif a, dans un certain nombre de causes, fait une distinction entre la distribution ou la transmission de l'électricité et sa production. Les lignes dites transporteuses dans l'affaire Gould, ainsi que les câbles, les fils et les isolateurs dans la cause Thunder Bay furent assimilés à une fonction de transport, fonction qui, suivant la Commission du tarif, ne participait pas directement au processus de production de l'électricité.

La cause en l'espèce est unique du fait qu'on demande au Tribunal d'examiner des biens qui se retrouvent sur l'ensemble du réseau hydro-électrique. Par conséquent, les éléments de preuve présentés dans cette cause en ce qui a trait au fonctionnement de l'ensemble du processus de production conduisent à une voie d'analyse différente de celle empruntée par la Commission du tarif dans son étude de certains aspects seulement du processus.

De plus, en définissant le processus de production, le Tribunal ne s'est pas demandé s'il serait possible de produire l'électricité d'une autre manière ou d'utiliser un autre genre d'équipement. En d'autres mots, il n'a pas tenu compte de la façon dont un producteur produit sa marchandise par rapport à un autre. Vu sous cet angle, les considérations d'ordre théorique soulevées à différente occasions, autant dans le témoignage des experts appelés par l'intimé que dans l'argumentation de ce dernier, n'ont pas été considérées comme étant pertinentes.

Les éléments de preuve ont établi à la satisfaction du Tribunal que la production d'électricité requiert la présence d'une source, d'une ligne et d'une charge. Le témoignage de l'expert appelé par la requérante ne soulève aucun doute à cet égard alors que la preuve contraire amenée par l'intimé n'est tout simplement pas convaincante.

Tout au long de son témoignage, M. Thériault a maintenu en effet qu'un conducteur, si petit soit-il, devait faire le lien entre la source et la charge afin qu'un courant électrique soit produit. De l'avis du Tribunal, l'ensemble de ces éléments est la constituante fondamentale d'un circuit électrique. Or, le réseau de la requérante, tel qu'il est connecté aux abonnés quel qu'ils soient, est essentiellement un gigantesque circuit électrique. Les témoignages des experts appelés par l'intimé diffèrent sur plusieurs aspects importants, mais le Tribunal estime qu'ils soulèvent aussi plusieurs questions.

Ainsi, M. Samson est d'avis que les bornes elles-mêmes d'un alternateur constituent des conducteurs, ce qui revient au même selon le Tribunal puisque cela implique bel et bien la présence d'un conducteur. Dans les exemples donnés relativement aux sites où il n'y a pas de conducteurs, M. Brisson se référait tantôt à la présence de câbles, tantôt à celle de lignes. Dans son rapport, il a de plus mis en relief le cas de consommateurs qui sont reliés à une centrale, mais qui ne passent pas par un réseau de transport. Or, il a expliqué en contre-interrogatoire, qu'un réseau de transport à son avis n'était pas requis pour des distances de moins de 100 km. Il apparaît donc que dans la majorité des cas cités à l'appui de son rapport, il y avait toujours un conducteur ou une ligne quelconque.

Enfin, la théorie de M. Lapierre sur les maillons de la chaîne devait démontrer les lacunes de la théorie du circuit fermé puisque chaque maillon se trouvait à être en quelque sorte un producteur. Le Tribunal estime que cette approche ne résiste pas à l'analyse. D'ailleurs, aux yeux du Tribunal, peu importe si le consommateur, un autre maillon de cette chaîne, participe au processus de production étant donné que la vraie nature de cette participation réside en fait dans l'appel de puissance qui est un élément du circuit électrique.

De plus, le fait que la ligne électrique et les biens électriques utilisés sur le réseau peuvent se comporter en charge et consommer de l'électricité créant ainsi des pertes dans le processus de production de la requérante n'altère en rien la conclusion que les trois éléments sont nécessaires. Que la ligne remplisse deux rôles distincts en certaines occasions ne signifie pas qu'on n'a pas besoin de charge pour avoir un circuit fermé. De toute façon, la requérante n'opère pas un réseau dépourvu de charge ou de consommateur. L'argumentation de l'intimé à cet égard est certes intéressante au plan théorique, mais la preuve révèle que la requérante vend son produit et, par conséquent, que des charges autres que celles liées à l'utilisation de ses propres installations existent réellement.

Le Tribunal ne croit pas non plus que le fait qu'on identifie trois phases distinctes dans le processus de production de l'électricité constitue un argument péremptoire à l'encontre de la théorie du circuit fermé. La présence d'une phase de génération, d'une phase de transport ou de transmission et, enfin, d'une phase de distribution, n'enlève rien au caractère singulier de la production d'électricité. La preuve révèle que l'électricité ne peut être emmagasinée et qu'elle est produite et consommée presque instantanément, ce qui en fait un produit d'un caractère unique. On ne peut dès lors parler de transport ou de distribution qu'en termes imagés. Le Tribunal doute, en outre, que l'amendement apporté à la partie XIII de l'annexe III de la Loi, qui vient spécifiquement exclure du champ de l'exemption de la partie XIII les marchandises devant servir à la transmission ou à la distribution de l'électricité autres que celles utilisées à la centrale, ait quelque incidence que ce soit dans la présente cause. Le législateur ici n'a fait qu'établir par voie législative l'endroit où, à partir de cette date, la production d'électricité était présumée se réaliser aux fins de l'application de la Loi.

Quant à la notion d'achat d'électricité produite à l'extérieur du réseau, la preuve révèle que la requérante opère un réseau intégré où 84 centrales sont interconnectées. De plus, il est impossible de distinguer de quelle source vient l'électricité qui alimente une charge donnée. L'électricité achetée est elle aussi transformée à travers les installations de la requérante et, on l'a vu, les transformateurs ont été considérés par la Cour suprême comme un site où une production survenait. Il est difficile dans de telles circonstances de dire que la requérante, pour cet aspect de ses activités, n'est pas aussi engagée dans la production d'électricité.

Le Tribunal conclut donc que le réseau hydro-électrique de la requérante sert à la production d'électricité que celle-ci soit générée dans ses centrales ou achetée d'une source extérieure. Dans l'affaire Maritime Electric, même l'électricité achetée par la requérante à une tierce partie a été considérée comme faisant partie de ses activités de production.

Le Tribunal doit aussi déterminer si les biens en litige sont des machines, des appareils ou des pièces. Après avoir examiné les éléments de preuve relatifs à chacun des biens en litige, le Tribunal partage l'opinion des témoins appelés par la requérante et l'intimé voulant que les biens figurant aux numéros 1 à 22, de même que les biens auxquels réfèrent les numéros 23 et 24 de l'Appendice A, satisfont aux définitions du terme appareil suivant l'usage courant dudit terme tel qu'il est défini entre autres dans Le Grand Robert de la langue française :

...un assemblage de pièces ou d'organes réunis en un tout fonctionnel pour exécuter un travail, observer ou mesurer un phénomène... [46]

Le Tribunal remarque aussi que le Mémorandum de l'accise ET809 traitant de l'exemption des marchandises reliées aux transformateurs de puissance et de distribution identifie aussi plusieurs des biens en litige comme étant des appareils.

Cependant, le Tribunal n'accepte pas que deux des biens, pour lesquels la requérante a demandé l'exemption, c'est-à-dire les haubans et les traverses, soient compris dans la définition du terme appareil. Enfin, puisque aucun élément de preuve n'a été soumis en ce qui a trait aux conduits souterrains, le Tribunal ne peut évaluer la situation concernant ces biens.

Il reste maintenant au Tribunal à déterminer si les biens en litige constituent des appareils ou des machines utilisés principalement et directement dans la production d'électricité.

La Cour fédérale et la Commission du tarif ont traité de cette question dans la cause Coca-Cola. Dans sa décision, la Cour fédérale s'opposa pour diverses raisons à la restriction indue apportée au sens du mot «production» par la Commission du tarif. Afin de déterminer le sens du mot «production» dans la même disposition d'exemption que celle en litige, la Commission en effet avait utilisé les critères de l'arrêt York Marble. Aussi était-elle d'avis que les eaux gazeuses embouteillées ne recevaient aucune forme, qualité ou propriété nouvelle au moment où les paniers à bouteilles et les caisses étaient utilisés. En analysant le type de production envisagé dans la disposition d'exemption, la Cour d'appel fédérale s'est plutôt reportée au concept de processus, ce qui explique sa décision voulant que les caisses et paniers dans lesquels les bouteilles étaient placées aux fins de l'embouteillage, de l'entreposage et de la distribution soient considérés comme participant directement au processus de production.

Aux yeux du Tribunal, c'est dans ce contexte, c'est-à-dire celui d'un processus de production, qu'on doit interpréter le sens des mots «principalement» et «directement».

La Cour d'appel fédérale a également donné un sens large à la définition du mot «directement» dans l'affaire Amoco dans laquelle il s'agissait de déterminer si un pipeline utilisé entre deux installations était utilisé directement dans la production de gaz naturel liquide. La Cour fédérale a conclu qu'une interprétation stricte du mot «directement» entraînerait la détermination arbitraire du moment où la production se fait, ce qui serait contraire à l'intention du Parlement. La Cour détermina que le mot «directement» dans ce contexte ne signifie pas immédiatement ou sans délai, mais plutôt sans autre intervention intermédiaire.

Il est à noter que la décision de la Cour fédérale dans la cause Amoco a été rendue en décembre 1985, période charnière puisque le législateur avait tout juste modifié la disposition d'exemption en ajoutant les mots «principalement et» avant le mot «directement». Le Tribunal croit cependant que l'amendement n'a pas pour effet de changer le contexte de la disposition malgré le fait qu'il pose une condition supplémentaire. Les mots «principalement et directement» doivent donc s'interpréter largement en tenant compte du processus de production propre à chaque cas d'espèce.

En ce qui concerne l'utilisation directe, suivant la conclusion du Tribunal les lignes sont essentielles à la production d'électricité. Or, selon l'arrêt Calgary Power, il semble que toutes les pièces qui sont essentielles au bon fonctionnement des appareils utilisés directement dans une production donnée sont de ce seul fait elles-mêmes utilisées directement dans cette production. Dans cette affaire, la Commission du tarif a conclu que deux éléments d'un système de refroidissement essentiels au bon fonctionnement d'un condensateur utilisé directement dans la production d'électricité, soit une station de pompage ainsi qu'une conduite d'eau, étaient utilisés directement dans cette production. Compte tenu de ses conclusions quant à l'endroit où se réalise la production d'électricité, le Tribunal n'a aucune difficulté à déclarer que tous les biens en cause utilisés avec les lignes aériennes ou souterraines sont essentiels afin que la requérante produise, livre et vende presque instantanément son produit final, lequel doit satisfaire aux exigences spécifiques vues en preuve. Ces biens sont en définitive réservés à cette production et, comme tels, sont utilisés directement dans la production d'électricité.

En ce qui a trait au critère de primauté, le Tribunal constate que les biens en cause ont comme fonction première : soit de permettre la production d'électricité, comme c'est le cas par exemple du pylône, du poteau et des conducteurs; soit d'assurer que cette production respecte des exigences spécifiques, comme c'est le cas des condensateurs; soit d'assurer la non-interruption du processus de production tels les disjoncteurs et réenclencheurs; soit encore d'assurer le maintien en service des appareils destinés aux usages ci-nommés, comme c'est la tâche des amortisseurs.

Un pylône ou un poteau, par exemple, a peu de propriété électrique. Tous deux sont toutefois employés par la requérante afin d'assurer l'isolation verticale des conducteurs par rapport au sol sans laquelle, révèle la preuve, aucune production d'électricité et vente aux abonnés ne serait possible hormis l'utilisation de câbles souterrains eux-mêmes absolument nécessaires à la production d'électricité en tant que conducteurs. Or ici, le Tribunal rappelle qu'il ne lui revient pas de déterminer si les modes de production utilisés sont les plus pratiques, économiques ou usuels qui soit. Que la requérante choisisse d'utiliser des lignes aériennes plutôt que des câbles souterrains ou vice-versa n'a rien à voir avec le litige. Si des fils sont utilisés comme conducteurs, il est indubitable que des pylônes et des poteaux sont essentiels et, en ce cas, ils sont utilisés principalement dans la production d'électricité. Bien que leur principale fonction en soit alors une de support des fils et d'éloignement de ceux-ci du sol, on ne peut nier qu'ils soient engagés principalement dans la production d'électricité sans restreindre indûment le sens du mot «principalement» comme il doit être interprété dans le contexte de la disposition d'exemption. Compte tenu que dans le processus de production d'électricité, tous les biens en litige installés au sommet des pylônes et des poteaux ou dans les conduits souterrains ont des fonctions spécifiques propres audit processus, le Tribunal détermine qu'ils sont également utilisés principalement dans la production d'électricité.

En outre, le Tribunal est d'avis que le processus de production d'électricité et sa consommation engendrent des problèmes qui doivent être résolus sur-le-champ ou dans un temps de réaction infiniment petit, ce qui ajoute à ses conclusions que tous les biens ayant comme fonction de contribuer à la production d'électricité selon les normes requises servent principalement et directement à la production d'électricité. Il en est de même pour les appareils qui assistent ces derniers, qui les protègent ou assurent leur bon fonctionnement.

Le Tribunal note que, dans la pièce A-28, la requérante demande aussi l'exemption pour les matières de conditionnement prévues à la partie 1 de l'Appendice B du Mémorandum ET 809. En vertu de ce mémorandum, les matières de conditionnement ont droit à l'exemption, conformément à l'article 2 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Or, aucune preuve n'a été présentée devant ce tribunal relativement à ces matières ainsi qu'à l'applicabilité en l'espèce de cette autre disposition d'exemption. Cependant, cette disposition se réfère aussi à la condition d'utilisation directe et, en conséquence, ces matières de conditionnement pourraient être assujetties à l'exemption dans la mesure où cela est compatible avec les conclusions du Tribunal quant à la participation directe, et principale selon le cas, des biens en litige dans la production d'électricité.

Quant aux pièces des biens pour lesquels une exemption est demandée, le Tribunal déclare que les pièces d'appareil, qui sont spécifiquement désignées pour l'accomplissement de la fonction dont est investi l'appareil sont exemptes de la taxe de vente au titre de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III. À ce titre, le Tribunal est d'avis, notamment, que les traverses et haubans constituent des pièces de poteaux ou, le cas échéant, de pylônes, et sont donc assujettis à l'exemption en tant que pièces d'appareils utilisés dans la production.

Enfin, les marchandises, tels les boulons pour la construction des pylônes, sont aussi déclarées exemptes à titre d'articles entrant dans la fabrication des appareils exemptés conformément à l'alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III.

LA CONCLUSION

Pour les raisons énoncées ci-haut, le Tribunal déclare que les biens énumérés à l'Appendice A sont des appareils et qu'ils ont été utilisés pendant la période du 1er janvier 1981 au 16 février 1984 directement dans la production d'électricité et, qu'à partir du 16 février 1984 jusqu'à la fin de la période de cotisation, ces mêmes biens étaient utilisés principalement et directement dans cette production, et ce conformément à l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III tel qu'il s'est lu pendant la période en cause.

Quant aux autres biens, c'est-à-dire les pièces et les articles asssujettis à l'exemption prévue aux alinéas 1l) et o) de la partie XIII de l'annexe III, ils n'ont droit à l'exemption qu'en conformité avec les conclusions du Tribunal mentionnées dans ces motifs, étant entendu que les traverses et haubans font partie de cette catégorie de biens exemptés.





APPAREILS (Alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III)

1. Conducteurs 2. Câbles électriques 3. Fils de garde 4. Réenclencheurs automatiques 5. Disjoncteurs 6. Coupe-circuit 7. Fusibles 8. Fils et tiges de mise à la terre 9. Sectionneurs 10. Parafoudres 11. Isolateurs 12. Anneaux pare-effluve 13. Amortisseurs 14. Transformateurs de courant ou de tension et appareils de contrôle 15. Condensateurs 16. Contrepoids 17. Boîtes d'extrémité 18. Pylônes 19. Entretoises 20. Poteaux de béton 21. Interrupteurs 22. Câbles de branchement 23. Biens que l'on retrouve dans les conduits souterrains (autre que les conduits eux-mêmes) 24. Biens que l'on retrouve dans les chambres de contrôle

PIÈCES (Alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III)

Haubans Traverses Tout élément qui est spécifiquement désigné pour l'accomplissement de la fonction dont est investie l'appareil

ARTICLES (Alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III)

Boulons utilisés pour ériger les pylônes Tous les articles et matériaux utilisés dans la fabricatrion des marchandises susmentionnées
[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa forme modifiée.

2. L.R.C. (1985), (4e suppl.) ch. 47.

3. Dictionnaire CEI multilingue de l'électricité, Commission électrotechnique internationale, Genève, 1983, p. 251.

4. Électrotechnique, Wildi, Théodore, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 1978.

5. [1976] 2 C.F. 421.

6. [1980] R.C.S. 787 à la page 796.

7. [1984] 1 C.F. 447.

8. 9 C.E.R. 121.

9. [1976] 2 R.C.S. 640.

10. [1934] S.C.R. 244

11. (1979) 6 R.C.T. 886.

12. 86 D.T.C. 6008.

13. [1970] R.C.S. 30.

14. [1978] 2 R.C.S. 529.

15. (1984) 9 R.C.T. 106.

16. Commission du tarif, appel no 1225, le 2 novembre 1977.

17. (1975) 6 R.C.T. 296.

18. (1983-1986) 3 R.C.T. 84.

19. Pendant l'audience, le Tribunal a appris que le ministère du Revenu avait accepté d'exempter 73 p. 100 des biens du même type que ceux en litige lorsque ces derniers étaient situés dans les postes parce que les appareils dans les postes sont reliés aux transformateurs. De plus, on a déterminé qu'un pourcentage de 73 p. 100 de ces biens se trouvaient dans des postes plutôt que sur des lignes, dans le cas d'Hydro - Québec.

20. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-122, le 25 octobre 1990.

21. 79 D.T.C. 5263.

22. (1970-1974) 5 R.C.T. 39.

23. (1974-1977) 6 R.C.T. 106.

24. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2964, le 4 décembre 1989.

25. Les Éditions Yvon Blais Inc., 1982.

26. (1934) 72 C.S. 15.

27. [1968] C.T.C. 44.

28. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-133, le 24 octobre 1990.

29. (1980-1981) 7 R.C.T. 386.

30. 65 D.T.C. 282.

31. L.R.Q. ch. H-5.

32. [1991] F.C.J. 605.

33. Cour d'appel fédérale, appel no A-1491-84, le 28 janvier 1987.

34. (1937-1956) 1 R.C.T. 252.

35. Commission du tarif, appel no 1257, le 22 décembre 1977.

36. (1986) 11 R.C.T. 495.

37. S.R.C. (1952), ch. 148.

38. S.R.C. (1952), ch. 100.

39. (1967) 4 R.C.T. 93.

40. Supra, note 38.

41. (1968) 4 R.C.T. 113.

42. (1970) R.C.S. 30.

43. (1977-1979) 6 R.C.T. 519.

44. [1979] C.T.C. 342.

45. [1982] C.T.C. 183.

46. Le Grand Robert de la langue française, Robert, Paul, Deuxième édition, p. 454.


Publication initiale : le 30 juillet 1997