ANDRITZ HYDRO CANADA INC. ET VA TECH HYDRO CANADA INC.


ANDRITZ HYDRO CANADA INC. ET VA TECH HYDRO CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-022

Décision et motifs rendus
le vendredi 21 juin 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 21 février 2013 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À 37 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada les 23, 27, 30 et 31 juillet 2012 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ANDRITZ HYDRO CANADA INC. ET VA TECH HYDRO CANADA INC. Appelantes

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Date de l'audience : le 21 février 2013

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Anja Grabundzija

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

PARTICIPANTS :

Appelantes Conseillers/représentants
Andritz Hydro Canada Inc. et VA Tech Hydro Canada Inc. Sean Everden
Michael R. Smith
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Leah Garvin

TÉMOINS :

Marc Coache
Directeur technique
Andritz Hydro Canada Inc.

Aidan Foss
Ingénieur principal
ANF Energy Solutions Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel a été interjeté par Andritz Hydro Canada Inc. et VA Tech Hydro Canada Inc. (collectivement, Andritz)1 auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes2, à l'égard de 37 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) relativement à des demandes de réexamen du classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des groupes électrogènes actionnés par turbine hydraulique (les marchandises en cause), en plus d'être classés dans le numéro tarifaire 8502.39.10 de l'annexe du Tarif des douanes3, peuvent être classés dans le numéro tarifaire 9948.00.00 à titre d'articles devant servir dans des machines automatiques de traitement de l'information et ainsi bénéficier de la franchise de droits de douane.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Du 18 août 2008 au 6 octobre 2010, Andritz a importé les marchandises en cause dans le cadre de 37 transactions distinctes. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 8410.13.10 à titre de turbines hydrauliques d'une puissance excédant 10 000 kW. Des droits de douane ont été payés en conséquence.

4. Après avoir procédé à une vérification de l'observation commerciale relativement à certaines transactions d'importation, l'ASFC a rendu des décisions à la suite de révisions aux termes de l'alinéa 59(1)b) de la Loi, dans lesquelles elle a reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8410.90.20 à titre d'autres parties de turbines hydrauliques. Andritz a par la suite déposé des demandes de réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1), dans lesquelles elle soutenait également que les marchandises en cause pouvaient bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00.

5. En ce qui concerne les autres transactions d'importation, Andritz a demandé un remboursement de droits aux termes de l'alinéa 74(1)e) de la Loi, au motif que les droits ont été payés en raison d'une erreur dans le classement tarifaire des marchandises en cause. À cet égard, Andritz a demandé une modification du classement tarifaire des marchandises en cause et affirmé que celles-ci pouvaient également bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00. L'ASFC a rejeté les demandes présentées par Andritz. Conformément au paragraphe 74(4), ces rejets ont été considérés comme des révisions aux termes de l'alinéa 59(1)a). Andritz a par la suite déposé des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(1).

6. Les 23, 27, 30 et 31 juillet 2012, l'ASFC a rendu ses décisions, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, concernant les 37 transactions d'importation, dans lesquelles elle a reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8502.39.10 à titre de groupes électrogènes actionnés par turbine hydraulique, mais confirmé qu'elles ne pouvaient bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00.

7. Le 16 août 2012, Andritz a déposé le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

8. Le 21 février 2013, le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario). M. Marc Coache, directeur technique chez Andritz, a comparu en tant que témoin d'Andritz. Le Tribunal a reconnu à M. Coache le titre d'expert en technologie hydraulique compacte, ainsi que dans le domaine de l'installation des marchandises en cause et de leur fonction et utilisation à la centrale électrique où elles ont été installées4. M. Aidan Foss, ingénieur principal chez ANF Energy Solutions Inc., a comparu en tant que témoin de l'ASFC. Le Tribunal a reconnu à M. Foss le titre d'expert dans le domaine des dispositifs de commande des centrales hydroélectriques5.

MARCHANDISES EN CAUSE

9. Les marchandises en cause sont des groupes électrogènes actionnés par turbine hydraulique, qui consistent en une vanne d'alimentation de la turbine, une turbine, une génératrice, un système d'excitation et un régulateur de vitesse6. Elles ont été importées aux termes d'un accord de consortium pour servir à la construction et à l'exploitation de centrales électriques en Colombie-Britannique. Les centrales électriques (en anglais, powerhouses, aussi désignées power plants ou generating stations) sont des installations servant à produire de l'énergie électrique.

10. Les marchandises en cause servent à convertir en énergie mécanique l'énergie cinétique de l'eau en mouvement en la faisant passer dans une roue munie d'aubes (c'est-à-dire une turbine), puis à convertir l'énergie mécanique en énergie électrique en faisant tourner un électro-aimant (c'est-à-dire une génératrice)7. Le rôle des régulateurs, qui sont dotés de processeurs, consiste à évaluer directement les variables physiques et à prendre des mesures pour régler le fonctionnement des groupes électrogènes8. Les régulateurs sont reliés aux turbines et aux génératrices et sont situés sur des panneaux à quelques mètres de celles-ci9.

11. Les marchandises en cause sont reliées, à une extrémité, au réseau électrique de la Colombie-Britannique (c'est-à-dire au réseau de lignes de transport d'électricité) par l'entremise de fils et de bus et, à l'autre extrémité, au réseau local (RL) de la centrale électrique par le biais des régulateurs10. Le RL de la centrale électrique permet la transmission de données et de commandes entre les régulateurs et divers autres processeurs (comme les processeurs d'unité et le processeur principal de la centrale électrique), qui sont reliés au RL afin d'automatiser entièrement le fonctionnement de la centrale électrique et la production d'électricité (dans le présent exposé des motifs, le terme « RL » renvoie au réseau nécessaire pour transmettre des données et aux divers processeurs reliés au réseau)11.

12. Les parties n'ont déposé aucune pièce.

CADRE LÉGISLATIF

13. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)12. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

14. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé13 et les Règles canadiennes14 énoncées à l'annexe.

15. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la Règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d'après les autres règles.

16. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises15 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises16, publiés par l'OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n'aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire17.

17. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des Notes explicatives et des Avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la Règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles18.

18. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée19. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié20.

CLASSEMENT TARIFAIRE EN CAUSE

19. Dans le cadre du présent appel, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8502.39.10 à titre de groupes électrogènes actionnés par turbine hydraulique21. La seule source de différend entre les parties – et, par conséquent, la question en litige dans le présent appel – est la question de savoir si les marchandises en cause peuvent également être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 et ainsi bénéficier de la franchise de droits de douane.

20. Le chapitre 99, qui comprend le numéro tarifaire 9948.00.00, prévoit des dispositions de classement spécial qui permettent généralement à certaines marchandises d'être importées au Canada en franchise de droits. Compte tenu qu'aucune des positions du chapitre 99 n'est subdivisée au niveau des sous-positions ou des numéros tarifaires, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si les marchandises peuvent être classées dans ce chapitre. De plus, puisque le Système harmonisé réserve le chapitre 99 à des fins de classement spécial (c'est-à-dire à l'usage exclusif de chaque pays), il n'y a pas d'Avis de classement ni de Notes explicatives à prendre en compte.

21. La section XXI (qui comprend le chapitre 99) ne comporte aucune note de section. Cependant, le Tribunal estime que les notes 3 et 4 du chapitre 99 sont pertinentes en l'espèce. Ces notes prévoient ce qui suit :

3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s'appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d'origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l'observation des conditions prévues par les textes d'application qui leurs sont applicables.

4. Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitre 1 à 97 s'entendent au sens de ces derniers Chapitres.

22. Conformément à la note 3 du chapitre 99, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le chapitre 99 qu'après avoir été classées dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97. Comme indiqué précédemment, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8502.39.10. Selon les éléments de preuve, le Tribunal accepte ce classement. Par conséquent, aux fins du présent appel, le Tribunal est d'avis que la condition énoncée à la note 3 du chapitre 99 est respectée.

23. La seule question en litige dont le Tribunal demeure saisi est donc celle de déterminer si les marchandises en cause satisfont aux conditions du numéro tarifaire 9948.00.00, qui prévoit ce qui suit :

9948.00.00 Articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Machines automatiques de traitement de l'information [...]

24. En ce qui concerne l'interprétation du numéro tarifaire ci-dessus, les parties renvoient à la note suivante du chapitre 84 :

5. A) On entend par machines automatiques de traitement de l'information au sens du no 84.71 :

1) enregistrer le ou les programmes de traitement et au moins les données immédiatement nécessaires pour l'exécution de ce ou de ces programmes;

2) être librement programmées conformément aux besoins de l'utilisateur;

3) exécuter des traitements arithmétiques définis par l'utilisateur; et

4) exécuter, sans intervention humaine, un programme de traitement dont elles doivent pouvoir, par décision logique, modifier l'exécution au cours du traitement.

ANALYSE

25. Pour que les marchandises en cause puissent bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00, elles doivent être 1) des articles 2) devant servir dans 3) des machines automatiques de traitement de l'information. Les marchandises en cause ne peuvent bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00 que si elles respectent ces trois conditions.

« Articles »

26. Bien que le terme « articles » ne soit pas défini aux fins du numéro tarifaire 9948.00.00, les parties conviennent que les marchandises en cause sont des « articles »22.

27. Le Tribunal conclut que le sens ordinaire du terme « articles » est suffisamment large pour comprendre les marchandises en cause.

« Machines automatiques de traitement de l'information »

28. Le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les marchandises en cause doivent servir dans des « machines automatiques de traitement de l'information » au sens du numéro tarifaire 9948.00.00.

29. Andritz soutient que le RL de la centrale électrique est une machine automatique de traitement de l'information. À cet égard, elle fait remarquer que la politique administrative de l'ASFC, énoncée dans l'Avis des douanes N-19523, consiste à classer les systèmes de réseau complets en tant que machines automatiques de traitement de l'information. À l'audience, l'ASFC a convenu que le RL de la centrale électrique doit être considéré comme une machine automatique de traitement de l'information24.

30. Le Tribunal conclut qu'aucun élément de preuve versé au dossier n'indique qu'une conclusion différente doit être tirée. Par conséquent, le Tribunal conclut que le RL de la centrale électrique est une « machine automatique de traitement de l'information » aux fins du numéro tarifaire 9948.00.00.

« Devant servir dans » ou « devant servir à »

31. Le Tribunal examinera maintenant la dernière condition d'application du numéro tarifaire 9948.00.00, à savoir si les marchandises en cause « d[oivent] servir dans » des machines automatiques de traitement de l'information.

32. L'expression « devant servir dans » ou « devant servir à » est définie au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes de la manière suivante :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d'autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation.

33. Tel qu'il appert de son mémoire, Andritz fonde son appel sur le seul argument selon lequel les marchandises en cause sont des marchandises « devant servir dans » des machines automatiques de traitement de l'information parce qu'elles entrent dans la composition de celles-ci par voie de « fixation ». Cependant, lors de sa plaidoirie finale, Andritz a également fait valoir que les marchandises en cause pouvaient bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9948.00.00 au motif qu'elles entrent dans la composition d'une machine automatique de traitement de l'information par voie d'« incorporation »25. L'ASFC a soutenu qu'il n'était pas équitable qu'Andritz soulève un nouvel argument à cette étape tardive de la procédure26. Andritz a répliqué que son mémoire ne portait que sur l'exigence relative à la « fixation » parce qu'il s'agit du fondement de la décision de l'ASFC, aux termes de l'article 60 de la Loi, pour refuser le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9948.00.0027.

34. Le Tribunal ne tiendra pas compte de l'argument d'Andritz concernant l'exigence relative à l'« incorporation » étant donné qu'il a été soulevé trop tard. Premièrement, le Tribunal constate que les appels interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sont une procédure de novo et qu'Andritz n'a aucune raison de ne pas avoir inclus dans son mémoire des arguments qui n'ont pas été examinés dans le contexte de la décision rendue par l'ASFC aux termes de l'article 60. Deuxièmement, le fait qu'Andritz soulève cet argument à l'étape tardive de la plaidoirie finale cause préjudice à l'ASFC et, par conséquent, par respect des droits de la défense, cet argument ne peut être retenu. Les parties doivent présenter l'ensemble de leur cause dès le départ, puisque le fait de permettre à une partie de diviser sa preuve est injuste pour les parties adverses et perturbe la procédure du Tribunal28. Ce principe est reconnu dans les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur29. Le paragraphe 34(2) des Règles prévoit qu'un appelant doit déposer son mémoire dans les 60 jours suivant le dépôt de l'avis d'appel, y compris, aux termes du sous-alinéa 34(2)b)(v), un exposé de l'argumentation qui sera présentée à l'audience. Des règles semblables s'appliquent à l'intimé. En outre, une partie peut demander la permission de modifier son mémoire avant l'audience, aux termes de l'article 24.1, si elle souhaite inclure des arguments subsidiaires, une permission que le Tribunal peut accorder s'il estime que cela est juste et équitable dans les circonstances. Andritz n'a choisi ni l'une ni l'autre de ces options.

35. Par conséquent, le Tribunal n'examinera que l'allégation d'Andritz selon laquelle les marchandises en cause « d[oivent] servir dans » des machines automatiques de traitement de l'information puisqu'elles entrent dans la composition de celles-ci par voie de « fixation ».

36. Pour l'application du paragraphe 2(1) du Tarif des douanes, le Tribunal applique un critère comportant deux exigences afin de déterminer si les marchandises entrent dans la composition d'autres marchandises par voie de « fixation » et, par conséquent, si elles « d[oivent] servir dans » ces autres marchandises. Plus particulièrement, les marchandises doivent être 1) reliées et 2) fonctionnellement unies aux autres marchandises30. Le Tribunal a également déterminé que les marchandises sont fonctionnellement unies à d'autres marchandises (c'est-à-dire aux marchandises hôtes) lorsqu'elles améliorent ou complètent la fonction de ces autres marchandises31. Cela a généralement été compris dans le sens que les marchandises doivent aider, dans une certaine mesure, les marchandises hôtes à exécuter leur fonction ou leur permettre d'acquérir des capacités supplémentaires32.

37. Cependant, Andritz soutient que l'interprétation du Tribunal du terme « fixation » est erronée. Elle allègue que le Tribunal a établi le critère comportant deux exigences (d'être relié et fonctionnellement uni) au moment où la définition des expressions « devant servir dans » et « devant servir à » contenait l'expression « sauf indication contraire du contexte »33. Andritz soutient qu'en l'absence de cette expression dans le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes en vigueur, le sens ordinaire du terme « fixation » ne requiert qu'un lien physique. Selon Andritz, le fait d'exiger un lien fonctionnel ou, en outre, que les marchandises améliorent ou complètent la fonction des marchandises hôtes revient à interpréter la loi en des termes que le Parlement lui-même n'a pas choisi d'inclure34.

38. L'ASFC allègue que l'interprétation donnée par le Tribunal des expressions « devant servir dans » et « devant servir à », indiquée ci-dessus, a été employée à de nombreuses reprises et qu'elle a été confirmée par la Cour d'appel fédérale35. Elle soutient qu'Andritz n'a pas présenté de motif valable pour s'écarter du critère établi. L'ASFC affirme également que l'interprétation du terme « fixation » comme ne requérant qu'un lien physique permettrait à un nombre infini de marchandises de bénéficier de la franchise de droits de douane simplement parce qu'elles sont reliées à d'autres marchandises et que cela irait à l'encontre de l'objet du chapitre 99, qui consiste à accorder un avantage à certaines marchandises36.

39. Le Tribunal n'est pas convaincu qu'il doive s'écarter de son critère actuel comportant deux exigences et de son exigence relative à l'amélioration. Comme l'a indiqué l'ASFC, le Tribunal a appliqué ce critère de manière constante37 et la Cour d'appel fédérale l'a confirmé en tant qu'interprétation raisonnable de la loi38. D'ailleurs, les dernières causes ont été tranchées selon la nouvelle définition des expressions « devant servir dans » et « devant servir à » et, par conséquent, contrairement à l'allégation d'Andritz, il n'y a eu aucune modification législative qui justifierait une réinterprétation de la définition.

40. Quoi qu'il en soit, le critère du Tribunal comportant deux exigences découle de l'interprétation du terme « fixation » dans le contexte adéquat du chapitre 99, et continue de refléter cette interprétation. Comme l'a indiqué l'ASFC, si le terme « fixation » ne requérait qu'un lien physique, pratiquement toutes les marchandises pourraient remplir le critère en étant simplement fixées à une autre marchandise. L'exigence supplémentaire relative à un lien fonctionnel vise donc à être conforme à l'objet du chapitre 99, qui consiste à éliminer ou à diminuer les droits qui auraient normalement été payés sur des types particuliers de marchandise. Cette interprétation restrictive ne dépend pas de la présence de l'expression « sauf indication contraire du contexte », qui ne permettrait logiquement que d'atténuer l'exigence selon laquelle les marchandises doivent entrer dans la composition des marchandises hôtes par voie de « fixation », d'« ouvraison » ou d'« incorporation » lorsque le contexte d'un numéro tarifaire particulier contenant l'expression « devant servir dans » ou « devant servir à » l'exige39.

41. Le Tribunal appliquera donc son critère comportant deux exigences, y compris l'exigence relative à l'amélioration.

42. La première exigence – soit que les marchandises en cause soient reliées à une machine automatique de traitement de l'information – est remplie. Bien que l'ASFC ait d'abord mis en doute l'existence d'un lien physique40, elle a convenu avec Andritz, à l'audience, que les marchandises en cause sont reliées à une machine automatique de traitement de l'information41. Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve appuient cette conclusion42.

43. La deuxième exigence requiert que les marchandises en cause soient fonctionnellement unies à la machine automatique de traitement de l'information ou, en d'autres termes, améliorent ou complètent la fonction de la machine automatique de traitement de l'information. Andritz allègue que la machine automatique de traitement de l'information de la centrale électrique reçoit des données provenant des marchandises en cause et les utilise pour déterminer si d'autres secteurs de la centrale électrique nécessitent des rajustements, ce qui permet à la centrale électrique de fournir de l'électricité plus efficacement. De l'avis d'Andritz, les marchandises en cause améliorent donc la machine automatique de traitement de l'information43. En revanche, l'ASFC soutient que la machine automatique de traitement de l'information n'acquiert aucune fonctionnalité accrue en raison des marchandises en cause, mais que les marchandises en cause lui permettent plutôt d'exercer sa fonction même, qui consiste à transmettre et à échanger de l'information. L'ASFC soutient également que s'il y a amélioration de cette interaction, c'est la machine automatique de traitement de l'information de la centrale électrique qui accroît la capacité des marchandises en cause, et de la centrale électrique dans son ensemble, de produire de l'électricité. Par conséquent, l'ASFC soutient que la présente situation ressemble à celle dans Wolseley Canada Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada44, où le Tribunal a conclu que l'exigence « devant servir dans » ou « devant servir à » n'était pas respectée lorsque les marchandises hôtes amélioraient la fonction des marchandises en cause, et non l'inverse45.

44. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause n'améliorent ni ne complètent la fonction de la machine automatique de traitement de l'information et ne sont donc pas fonctionnellement unies à celle-ci au sens du numéro tarifaire 9948.00.00. Les éléments de preuve établissent que la fonction globale de la machine automatique de traitement de l'information consiste à surveiller et à contrôler le fonctionnement des divers éléments de la centrale électrique, dont les marchandises en cause46. Les marchandises en cause (de même que d'autres éléments de la centrale électrique) transmettent des données à la machine automatique de traitement de l'information. Cette dernière surveille et traite les données et renvoie certaines directives aux marchandises en cause47. Par conséquent, les éléments de preuve n'établissent pas que les marchandises en cause aident la machine automatique de traitement de l'information à mieux surveiller et contrôler; les marchandises en cause sont plutôt l'objet de la surveillance et du contrôle exercés par la machine automatique de traitement de l'information. Il ne peut donc être dit que les marchandises en cause améliorent ou complètent la fonction de la machine automatique de traitement de l'information.

45. Contrairement à l'allégation d'Andritz, il apparaît au Tribunal qu'une description plus juste des faits de l'espèce est que la machine automatique de traitement de l'information améliore le rendement des marchandises en cause en optimisant la manière dont elles produisent de l'électricité. Bien que les éléments de preuve laissent entendre que les marchandises en cause ont été configurées pour ne fonctionner que conjointement avec le RL et ne peuvent, sans modification, fonctionner seules, ils indiquent également que les groupes électrogènes peuvent, en théorie, produire de l'électricité sans l'utilisation d'un RL48. Comme l'a déclaré M. Foss, les groupes électrogènes précèdent les infrastructures de communication, comme le RL en l'espèce, qui ont par la suite été conçues afin d'améliorer le fonctionnement des centrales électriques et des groupes électrogènes et de les automatiser complètement49. À cet égard, le Tribunal convient donc avec l'ASFC que les faits dans le cadre du présent appel sont analogues à ceux de Wolseley.

DÉCISION

46. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des articles devant servir dans des machines automatiques de traitement de l'information et ne peuvent donc pas bénéficier des avantages de la franchise de droits de douane conférés par le numéro tarifaire 9948.00.00.

47. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . Les éléments de preuve versés au dossier indiquent que VA Tech Hydro Canada Inc. a été achetée par Andritz Hydro Canada Inc. Voir Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 39-40.

2 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, à la p. 13.

5 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 64, 82.

6 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 16-17.

7 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, à la p. 83.

8 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 27-28, 46.

9 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 41-44.

10 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 17, 23-24, 27-28, 44-45.

11 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 18, 48, 50-51, 92, 105.

12 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

13 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

14 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

15 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

16 . Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

17 . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux paras. 13, 17, où la Cour d'appel fédérale a interprété l'article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d'avis que cette interprétation s'applique également aux Avis de classement.

18 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s'appliquent au classement au niveau de la position.

19 . La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus [c'est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

20 . La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

21 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-04A au para. 11; pièce du Tribunal AP-2012-022-06A au para. 12; Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 4, 134.

22 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-04A au para. 38; pièce du Tribunal AP-2012-022-06A au para. 40; Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 5, 111, 134.

23 . « Politique administrative sur le classement tarifaire du matériel des réseaux locaux (RL) » (1er janvier 1998).

24 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 134, 140-141.

25 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 118-121.

26 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 132-133.

27 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 119, 146-154.

28 . Comme le Tribunal l'indiqué dans Les Pignons L.V.M. du Québec Inc. c. M.R.N. (19 août 2002), AP-93-315 (TCCE) à la p. 8, permettre aux parties de changer ou d'ajouter des arguments ou des éléments de preuve à la dernière minute « [...] sur une question que les parties adverses ne s'attendent pas de voir soulever [...] entraverait la bonne conduite de l'audience et la procédure du Tribunal, tout en portant sérieusement atteinte aux droits des parties adverses selon les règles de justice naturelle ». Voir aussi Starkey Labs-Canada Co. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (29 août 2012), AP-2011-061 (TCCE) au para. 32.

29 . D.O.R.S./91/499 [Règles].

30 . Voir Kverneland Group North American Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (30 avril 2010), AP-2009-013 (TCCE) [Kverneland]; Les Industries Jam Ltée c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (20 mars 2006), AP-2005-006 (TCCE) [Industries Jam]; Sony du Canada Ltée c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE) [Sony du Canada]; Imation Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (29 novembre 2001), AP-2000-047 (TCCE) [Imation Canada]; PHD Canada Distributing Ltd. c. Commissaire des Douanes et du Revenu (25 novembre 2002), AP-99-116 (TCCE) [PHD]; Agri-Pack c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (2 novembre 2004), AP-2003-010 (TCCE) [Agri-Pack].

31 . Voir par exemple Kverneland; Industries Jam; P.L. Light Systems Canada Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (4 novembre 2011), AP-2008-012R (TCCE) [P.L. Light Systems]; Curve Distribution Services Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (15 juin 2012), AP-2011-023 (TCCE) [Curve Distribution].

32 . Voir par exemple Kverneland au para. 53; Curve Distribution au para. 67; P.L. Light Systems au para. 26.

33 . Andritz fait référence à la section 4 du Tarif des douanes de 1996, qui prévoit ce qui suit : « Les expressions “devant servir dans” et “devant servir à”, mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code. » Voir pièce du Tribunal AP-2012-022-04B, onglet 9.

34 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-04A aux para. 13-35.

35 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-06A aux para. 43-45; Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 135-136.

36 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, à la p. 136.

37 . Voir Kverneland; Industries Jam; Sony du Canada; Imation Canada; PHD; Agri-Pack.

38 . Voir Les industries Jam ltée c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CAF 210 (CanLII) au para. 22; Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada) c. Agri Pack, 2005 CAF 414 (CanLII) aux para. 28-33.

39 . Tel qu'indiqué par le Tribunal dans Sony du Canada Ltée c. Sous-M.R.N. (12 décembre 1996), AP-95-262 (TCCE).

40 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-06A aux para. 46-47.

41 . Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, à la p. 137.

42 . Voir le témoignage de M. Coache, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 24, 44-45.

43 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-04A aux para. 57-71; Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 122-124.

44 . (18 janvier 2011), AP-2009-004 (TCCE) [Wolseley].

45 . Pièce du Tribunal AP-2012-022-06A aux para. 48-62; Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 137-146.

46 . Voir par exemple le témoignage de M. Coache, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 18, 28-31, 51-52, 60-62; voir aussi le témoignage de M. Foss, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 92, 99.

47 . Voir par exemple le témoignage de M. Coache, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013 aux pp. 28-31.

48 . Voir le témoignage de M. Coache, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, à la p. 56.

49 . Voir le témoignage de M. Foss, Transcription de l'audience publique, 21 février 2013, aux pp. 85-86, 89, 105.