UNISYS CANADA INC.

Décisions


UNISYS CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no 2566

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 3 juin 1992

Appel no2566

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 avril 1992 en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes, S.R.C. (1970), ch. C-40;

ET EU ÉGARD À une nouvelle détermination effectuée par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 26 mars 1986 en vertu de l'article 46 de la Loisurles douanes.

ENTRE

UNISYS CANADA INC.Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est admis. L'ordinateur Burroughs de modèle B7900 et les imprimantes sont classés dans le numéro tarifaire 69605-1 du Tarif des douanes comme des appareils non disponibles d'une source de production canadienne qui sont destinés directement à l'enseignement et à la recherche par une université.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Les marchandises en cause sont des machines et des appareils de traitement des données, plus particulièrement un ordinateur Burroughs de modèle B7900 et des imprimantes. Il convient de déterminer si ces marchandises devraient être classées, comme le prétend l'appelant, dans le numéro tarifaire 69605-1 du Tarif des douanes comme des «Appareils... non disponibles d'une source de production canadienne...» qui sont destinés «... à servir directement à l'enseignement ou à la recherche...» par une université ou si, comme en a décidé l'intimé, l'ordinateur et le matériel connexe, ainsi que les imprimantes, sont correctement classés comme des «Machines électroniques de traitement de l'information et leurs appareils; le matériel périphérique qui leur est destiné...» et comme des «imprimantes par points», dans les numéros tarifaires 41417-1 et 41417-2 respectivement. Plus précisément, et compte tenu des faits admis par les parties, il reste à déterminer si le numéro tarifaire 69605-1 s'applique lorsqu'un utilisateur final admissible se sert des marchandises en partie à des fins autres que les deux usages précis prévus par ce numéro tarifaire, à savoir l'enseignement et la recherche.

DÉCISION : L'appel est admis. Si le législateur avait eu l'intention de limiter l'exonération aux marchandises utilisées exclusivement pour la recherche ou l'enseignement, le Tribunal croit qu'il l'aurait mentionné de façon explicite. Vu que, par définition, un ordinateur peut accomplir des tâches qui ne se limitent pas à l'enseignement et à la recherche, le Tribunal conclut également qu'un fardeau financier non souhaité par le législateur serait imposé à des établissements, comme des universités, s'il leur était interdit d'utiliser à des fins administratives un ordinateur acheté d'abord pour servir directement à l'enseignement et à la recherche, conformément au numéro tarifaire 69605-1.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 avril 1992 Date de la décision : Le 3 juin 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Lawrence L. Herman, pour l'appelant Brian Saunders, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à la suite d'une nouvelle détermination effectuée par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise. Les marchandises en cause sont des machines et des appareils de traitement des données, plus particulièrement un ordinateur Burroughs de modèle B7900 et des imprimantes. Ces marchandises ont été fabriquées par la Burroughs Corporation, de Détroit (Michigan), et vendues en juillet 1984 à la Brock University, de St. Catharines (Ontario), par Burroughs Canada, le prédécesseur d'Unisys Canada Inc.

La question à l'étude consiste à déterminer si les marchandises devraient être classées comme le prétend l'appelant, dans le numéro tarifaire 69605-1 du Tarif des douanes [2] , comme des «Appareils... non disponibles d'une source de production canadienne... » qui sont destinés «... à servir directement à l'enseignement ou à la recherche... » par une université ou si, comme en a décidé l'intimé, l'ordinateur et le matériel connexe, ainsi que les imprimantes, sont correctement classés comme des «Machines électroniques de traitement de l'information et leurs appareils; le matériel périphérique qui leur est destiné... » et comme des «imprimantes par points», en vertu des numéros tarifaires 41417-1 et 41417-2 respectivement.

Le numéro tarifaire 69605-1, qui prévoit la franchise de droits, est libellé comme suit :

Appareils, ustensiles et instruments... non disponibles d'une source de production canadienne; pièces de ce qui précède

Tout ce qui précède lorsque destiné à servir :

a) directement à l'enseignement ou à la recherche par tout organisme ci-après, savoir :

(i) toute école primaire ou secondaire, école pour handicapés, université, collège communautaire ou séminaire d'enseignement au Canada,

(ii) tout organisme éducatif ou de recherche mentionné à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques et tout organisme éducatif ou de recherche semblable établi par ou sous l'autorité d'un gouvernement provincial,

(iii) tout organisme non gouvernemental à but non lucratif, incorporé ou établi au Canada uniquement à des fins éducatives ou dans le seul but d'effectuer des recherches d'intérêt public, et

(iv) toute école incorporée séparément au Canada ou qui, n'étant pas incorporée, n'a aucun lien avec des organismes non admissibles et a été établie uniquement pour offrir un enseignement à des personnes visant à leur permettre d'acquérir les connaissances nécessaires à la pratique d'un métier ou autre occupation lucrative, ou d'accroître leurs connaissances ou leur compétence en la matière; ou

b) à la conservation, restauration, exposition, circulation ou étude d'objets ouvrés, de spécimens, de registres, d'oeuvres d'art et de collections de bibliothèque par tout organisme à but non lucratif ci-après, savoir :

(i) bibliothèques, et

(ii) galeries d'art, archives, maisons et sites historiques, jardins zoologiques, planétariums, jardins botaniques, aquariums, centres de la nature et autres musées,

si cet organisme offre ses services au public.

L'article 105 de la Loi sur les douanes, chapitre C-40 des Statuts révisés du Canada de 1970, s'applique aux marchandises importées sous le régime du présent numéro tarifaire seulement au cours de la période se terminant cinq ans après la date où ces marchandises ont été acquises pour la première fois par un organisme visé au présent numéro ou celle de leur déclaration en douane en vue de consommation, en choisissant la date qui survient en dernier lieu.

L'intimé a reconnu que l'utilisateur final des marchandises, c'est-à-dire la Brock University (l'Université) est un utilisateur admissible aux fins de l'application du numéro tarifaire 69605-1. Les parties ont également admis dans leurs mémoires que le système a servi dans une proportion de 77 p. 100 à des activités d'enseignement et de recherche en 1984 et 1985, ce qui est inférieur aux 85,3 p. 100 indiqués dans le certificat d'exonération de l'utilisateur final. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les marchandises en cause n'étaient pas disponibles d'une source de production canadienne.

Compte tenu des faits reconnus par les parties, il ne reste plus qu'à déterminer si le numéro tarifaire 69605-1 s'applique à un utilisateur final admissible qui se sert des marchandises en partie à des fins autres que les deux usages précis prévus par ce numéro tarifaire, à savoir l'enseignement et la recherche.

À l'audience, l'appelant a fait témoigner M. Donald John Adams qui est directeur des services informatiques et des communications à la Brock University depuis 1986, c'est-à-dire deux ans après l'achat des marchandises. Il a décrit l'ordinateur B7900 comme étant un ordinateur central auquel peuvent être raccordés divers terminaux répartis dans l'ensemble de l'Université. Il a expliqué que ce sont notamment les étudiants et les membres du corps professoral qui ont demandé l'achat de cet ordinateur, prétextant que le système en service à l'époque était insuffisant.

M. Adams a exposé les méthodes de calcul du temps d'utilisation du système. Dans un cas, on utilise le rendement d'une machine qui permet d'obtenir un résumé des utilisateurs qui sont entrés dans le système. Selon cette méthode, le système a servi à des activités d'enseignement et de recherche dans une proportion de 77 p. 100 en 1984 et 1985, de 69,15 p. 100 en 1986, de 67,99 p. 100 en 1987 et, enfin, de 70,89 p. 100 en 1988. Le reste du temps, l'ordinateur a été utilisé à des fins administratives. M. Adams a déposé la pièce A-1 intitulée Brock University B7900 Academic Usage qui décrit une deuxième méthode de calcul de l'utilisation moyenne de l'ordinateur à des fins d'enseignement et de recherche entre 1984 et 1990. Cette méthode permet d'évaluer l'utilisation du système au moyen de son taux d'utilisation par rapport à sa capacité totale auxdites fins. Entre 1984 et 1990 inclusivement, ce taux a oscillé entre 84,65 et 35,63 p. 100 par mois. Au moment de son retrait progressif en 1991, le système servait à l'enseignement et à la recherche dans une proportion d'environ 19 p. 100 seulement.

Le témoin a précisé que l'ordinateur a été utilisé pour des travaux de recherche particuliers au cours de congés sabbatiques ou dans le cadre de contrats de recherche passés avec un organisme public ou une société et qu'il a également été utilisé par des étudiants diplômés. En outre, il a été utilisé directement pour l'enseignement de l'informatique et comme auxiliaire dans d'autres disciplines liées à l'enseignement. Le reste du temps, il a été affecté à des applications administratives, comme le virement automatique de la paie, la préparation de chèques destinés aux fournisseurs de l'Université, la tenue à jour des stocks à des fins d'assurance et l'inscription des étudiants. Cependant, selon le témoin, la période au cours de laquelle l'ordinateur n'était pas utilisé à des fins d'enseignement et de recherche englobe aussi les temps morts, notamment à partir de 1989, année où les employés de l'administration, le corps professoral et les étudiants ont cessé d'exploiter l'ordinateur B7900. En fait, l'ordinateur qui était à la fine pointe de la technologie en 1983 est maintenant tout à fait désuet selon M. Adams. Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a également indiqué que des contrôles internes étaient exercés pour que l'ordinateur ne soit pas utilisé par le corps professoral et les étudiants à des fins autres que l'enseignement et la recherche.

Dans son argumentation, l'appelant a fait valoir que le législateur a décidé d'utiliser le terme «directement» et non «seulement» ou «exclusivement» dans le numéro tarifaire 69605-1 et que le terme «directement» ne renferme pas la notion d'exclusivité. Selon l'avocat, l'interprétation du terme «directement» dans le Mémorandum D10-11-10 [3] laisse à entendre que cette condition vise à exclure de ce numéro tarifaire des marchandises comme des climatiseurs ou des humidificateurs qui ne servent pas directement à l'enseignement ni à la recherche. L'avocat a affirmé en outre que dans la Loi sur la taxe d'accise le terme «directement» ne signifie pas «uniquement» ou «exclusivement». Selon la décision de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans la cause Michelin Tires Manufacturing (Canada) Ltd. [4] , le terme «directement» ne signifie pas «exclusivement». Par ailleurs, dans la cause Irving Oil Limited, Foster Wheeler Limited et Canaport Limited c. Le secrétaire provincial de la province du Nouveau-Brunswick [5] en vue de déterminer si certaines pièces d'équipement ont été utilisées directement au cours de la production de marchandises destinées à la vente ou à l'utilisation conformément aux dispositions de la Loisurlataxe pour les services sociaux et l'éducation, la Cour suprême du Canada a déclaré que «... l'exigence de la loi que la marchandise serve directement à la production est respectée, quelle que soit l'importance que l'on puisse attribuer à son utilisation dans la fabrication par opposition à d'autres processus tels l'emmagasinage et la distribution». L'avocat a donc prétendu que le pourcentage d'utilisation ne peut pas être invoqué aux fins de l'application du numéro tarifaire 69605-1, dans la mesure où les marchandises ont servi directement à l'enseignement et à la recherche.

L'avocat de l'intimé a reconnu que le terme «directement» ne signifie pas «uniquement» ou «exclusivement». Toutefois, à son avis, vu que le numéro tarifaire 69605-1 ne mentionne pas d'autre utilisation finale que l'enseignement ou la recherche, seules ces deux activités sont autorisées. Il ajoute qu'en accordant aux universités une exonération pour une utilisation finale précise contrairement à l'exonération globale applicable aux marchandises destinées à l'usage du gouverneur général, par exemple au numéro tarifaire 70700-1, le législateur n'a appliqué l'exonération qu'aux marchandises servant à l'enseignement et à la recherche. En outre, selon l'avocat, la structure et le contenu de la Loi sur la taxe d'accise et du Tarif des douanes diffèrent et, par conséquent, toute utilisation du sens d'un terme dans la Loi sur la taxe d'accise ne signifie pas qu'elle s'applique automatiquement au même terme dans le Tarif des douanes. En fait, l'avocat a fait valoir que le numéro tarifaire 69605-1 doit être envisagé dans le contexte de l'article 105 de la Loi, qui précise qu'une personne qui affecte des marchandises à des usages autres que ceux pour lesquels elles ont été importées est passible de droits sur ces marchandises. Selon l'avocat, l'article 105 de la Loi colore l'interprétation du numéro tarifaire 69605-1, plus particulièrement en ce qui touche les deux utilisations prévues par ce numéro, à savoir l'enseignement et la recherche. En conclusion, l'avocat a déclaré que le renvoi à l'article 105, au numéro tarifaire 69605-1, justifie une interprétation stricte des deux seules utilisations permises par le législateur en vertu de ce numéro tarifaire.

Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que les décisions relatives au sens du terme «directement» dans d'autres lois en semblable matière ne permettent pas de déterminer le sens donné à ce terme au numéro tarifaire 69605-1. Dans les décisions invoquées par l'avocat de l'appelant, le terme «directement» était en effet lié au terme «production» ou «fabrication», ou les deux, ce qui a influé sur l'interprétation du terme «directement» par les tribunaux.

Par ailleurs, le Tribunal ne peut pas accepter l'affirmation de l'intimé selon laquelle le renvoi à l'article 105 de la Loi, au numéro tarifaire 69605-1, signifie que le législateur avait l'intention de limiter l'utilisation des appareils, notamment des ordinateurs en cause, à l'enseignement et à la recherche.

Il est évident qu'en raison de sa structure, le numéro tarifaire 69605-1 a pour but de permettre l'accès en franchise à des marchandises importées par des organismes précis dont les activités ont trait à l'éducation, à la recherche, au perfectionnement d'aptitudes personnelles, à la culture et aux arts. Une seule exigence est imposée à ces marchandises à l'alinéa a) du numéro tarifaire 69605-1 : elles doivent servir directement à l'enseignement ou à la recherche. Comme l'indique le libellé des sous-alinéas (iii) et (iv) du numéro tarifaire 69605-1, lorsque le législateur a l'intention de limiter la portée d'une exonération, il l'exprime de façon explicite. De fait, le législateur a utilisé le terme «uniquement» dans ces deux sous-alinéas pour décrire les activités que doivent pratiquer les organismes visés par ce numéro tarifaire. Si le législateur avait eu l'intention de limiter l'exonération aux marchandises exclusivement utilisées pour l'enseignement ou la recherche, il l'aurait formulé ainsi, selon le Tribunal. L'interprétation de ce dernier est conforme au paragraphe 23 du Mémorandum D10-11-10, qui précise que les marchandises liées à des activités périphériques ou d'appui, comme les climatiseurs et les humidificateurs, sont exclues de la portée de l'expression «destiné à servir directement à la recherche».

En outre, la seule indication que note le Tribunal dans le renvoi à l'article 105 de la Loi, au numéro tarifaire 69605-1, est qu'il doit être tenu compte de la nature des marchandises et de leur emploi par l'utilisateur final pour interpréter le numéro tarifaire et pour déterminer s'il y a eu nouvelle affectation. Vu que, par définition, un ordinateur peut accomplir des tâches qui ne se limitent pas à l'enseignement ni à la recherche, le Tribunal conclut qu'un fardeau financier non souhaité par le législateur serait imposé à des établissements, comme des universités, s'il leur était interdit d'utiliser à des fins administratives un ordinateur acheté d'abord, preuves à l'appui, pour servir directement à l'enseignement et à la recherche, conformément au numéro tarifaire 69605-1.

Enfin, le Tribunal conclut qu'aux fins de l'interprétation du numéro tarifaire 69605-1, il convient de tenir compte de la durée de vie des marchandises en cause, plus particulièrement en raison de la période de surveillance de cinq ans prescrite dans l'alinéa du numéro tarifaire portant sur le renvoi à l'article 105 de la Loi. Par exemple, le Tribunal a reçu des éléments de preuve selon lesquels les utilisateurs de l'ordinateur en cause ont progressivement cessé d'utiliser le système à compter de 1989, c'est-à-dire entre quatre et cinq ans après son importation, et que le système était désuet en 1991. Par conséquent, bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur déterminant dans la cause présente, on ne doit pas interpréter le numéro tarifaire 69605-1 de façon stricte du seul fait qu'il renferme un renvoi à l'article 105 de la Loi et qu'il prévoit une période de surveillance de cinq ans. De l'avis du Tribunal, il faut tenir compte des circonstances propres à chaque cas.

Pour les motifs précités, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. C-40.

2. S.R.C. (1970), ch. C-41.

3. Numéros tarifaires 69605-1 et 69605-2, Revenu Canada, Douanes et Accise, Ottawa, le 1er janvier 1985.

4. (1976), 14 A.P.R. 150.

5. [1980] 1 R.C.S. 787, à la page 796.


Publication initiale : le 30 juillet 1997