REGAL IDEAS INC.


REGAL IDEAS INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-025

Décision et motifs rendus
le lundi 27 mai 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 23 avril 2013 en vertu du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 6 juillet 2012 concernant des demandes de révision aux termes de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

REGAL IDEAS INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L'appel est admis.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Date de l'audience : le 23 avril 2013

Membres du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Jason W. Downey, membre

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Anja Grabundzija

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Regal Ideas Inc. Gordon LaFortune
Intimé Conseillers/représentants
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Alex Kaufman
Leah Garvin

TÉMOINS :

Gary Kuo
Président
Xinwei Aluminum Products Co., Ltd.
Midas Aluminum Products Co., Ltd.

C. Roy Henning
Conseiller juridique d'entreprise
Regal Ideas Inc.

Norm Liefke
Président
Regal Ideas Inc.

Robert Wright
Agent principal de programme
Agence des services frontaliers du Canada

Hal Hagedorn
Représentant du service technique
PPG Canada Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel a été interjeté par Regal Ideas Inc. (Regal) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) conformément au paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation1 à l'égard de deux décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datées du 6 juillet 2012.

2. Le paragraphe 61(3) de la LMSI permet au Tribunal de « [...] rendre les ordonnances ou conclusions indiquées en l'espèce et [...] déclarer soit quels droits sont payables, soit qu'aucun droit n'est payable sur les marchandises visées par l'appel ».

3. En l'espèce, le Tribunal doit déterminer si des extrusions d'aluminium importées (les marchandises en cause) sont exclues des conclusions rendues par le Tribunal dans Extrusions d'aluminium2. Dans cette enquête, le Tribunal avait conclu que le dumping et le subventionnement de certaines extrusions d'aluminium originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine) avaient causé un dommage à la branche de production nationale.

4. L'ASFC a conclu que les marchandises en cause ne respectaient pas les exigences de l'exclusion suivante (l'exclusion) :

les extrusions d'aluminium fabriquées d'un alliage soit de type 6063 soit de type 6005 dont la désignation de l'état est T6, de diverses longueurs, enduites d'un fini de poudre sur les surfaces intérieures et extérieures de l'extrusion, ce fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 de l'American Architectural Manufacturers Association, « Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminum Extrusions and Panels » (Spécification volontaire, exigences de rendement et procédures d'essai pour les revêtements organiques pigmentés sur les extrusions d'aluminium et les panneaux [traduction]), destinées à être utilisées dans [la construction de balustrades] extérieur[e]s3.

5. Regal s'est opposée à cette conclusion, ce qui a conduit au présent appel.

6. Le désaccord entre les parties a trait à la question de savoir si les marchandises en cause sont « enduites d'un fini de poudre sur les surfaces intérieure et extérieure de l'extrusion, ce fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 de l'American Architectural Manufacturers Association, “Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminum Extrusions and Panels” » (la norme).

7. Pour répondre à cette question, le Tribunal doit déterminer 1) quel est le sens de l'expression « fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » et 2) si les marchandises en cause, en fait, respectaient la norme au moment de leur importation.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

8. Les marchandises en cause ont été fabriquées en Chine et importées au Canada le 29 janvier 2011.

9. Le 14 juin 2011, aux termes de l'article 55 de la LMSI, l'ASFC a déterminé que les marchandises en cause ne respectaient pas les exigences de la norme et que, par conséquent, elles étaient assujetties à des droits en vertu de la LMSI. À la suite d'une demande de Regal aux termes de l'article 58, l'ASFC a émis le 6 juillet 2012 deux relevés détaillés de rajustement, aux termes de l'article 59, confirmant ses décisions antérieures. Regal a interjeté le présent appel le 22 août 2012.

10. Le Tribunal a tenu une audience publique le 23 avril 2013. Regal a fait entendre trois témoins : M. Gary Kuo, président, Xinwei Aluminum Products Co., Ltd. et Midas Aluminum Products Co., Ltd.; M. C. Roy Henning, conseiller juridique d'entreprise, Regal Ideas Inc.; M. Norm Liefke, président, Regal Ideas Inc. L'ASFC a fait entendre deux témoins : M. Robert Wright, agent principal de programme, ASFC; M. Hal Hagedorn, représentant du service technique, PPG Canada Inc. Aucun des témoins n'a été reconnu à titre de témoin expert pour les besoins du présent appel.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Requête pour jugement sommaire

11. Le 22 août 2012, Regal a déposé une requête préliminaire4 demandant au Tribunal d'admettre l'appel au motif que la seule question justiciable était l'interprétation de l'expression « respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » et que le Tribunal s'était déjà prononcé sur cette question dans Levolor Home Fashions Canada5 d'une manière qui rejette la position que l'ASFC a adoptée en l'espèce.

12. L'ASFC s'est opposée à la requête soutenant que la question de savoir si les marchandises en cause sont, en fait, enduites d'un fini de poudre sur leurs surfaces intérieure et extérieure est une véritable question litigieuse. L'ASFC a également affirmé que le présent appel devait être suspendu dans l'attente de la décision de la Cour d'appel fédérale concernant la décision du Tribunal dans Levolor.

13. Le 28 septembre 2012, le Tribunal a rejeté la requête parce que, contrairement à l'allégation de Regal, le sens de l'expression « respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » n'est pas la seule question qui soit justiciable en l'espèce. Outre les arguments concernant l'interprétation de cette expression, l'ASFC soutient également que la contestation de certains faits en l'espèce constitue une véritable question litigieuse, particulièrement en ce qui concerne les éléments de preuve selon lesquels, en fait, les marchandises en cause ne respectaient pas la norme au moment de leur importation parce qu'elles n'étaient pas enduites d'un fini de poudre sur leurs surfaces intérieure et extérieure.

14. Cependant, si la seule question justiciable en l'espèce avait été l'interprétation de l'expression « respectant les exigences de la norme AAMA 2603 », le Tribunal aurait pu accueillir la requête6. Comme le soutient Regal, l'ASFC ne doit pas forcer les parties à remettre en litige une question que le Tribunal a déjà tranchée. Les décisions rendues par le Tribunal aux termes du paragraphe 61(3) de la LMSI quant à la portée de ses conclusions, comme l'interprétation de l'expression « respectant les exigences de la norme AAMA 2603 », ont préséance sur les interprétations faites par l'ASFC et doivent être acceptées et appliquées par l'ASFC, à moins que les conclusions du Tribunal soient infirmées par un tribunal supérieur ou que des questions litigieuses distinctes doivent être examinées, comme en l'espèce.

15. Le 28 septembre 2012, le Tribunal a également rejeté la demande de suspension de l'appel étant donné que les faits en cause dans les deux appels n'étaient pas nécessairement les mêmes. Quoi qu'il en soit, la Cour d'appel fédérale a statué sur Levolor le 10 janvier 2013 et a confirmé la décision du Tribunal7.

POSITION DES PARTIES

Regal

16. Regal allègue que les marchandises en cause respectent toutes les exigences de l'exclusion.

17. Regal soutient que le Tribunal a examiné le sens de l'expression « respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » dans Levolor et que cette interprétation s'applique pleinement en l'espèce. Selon Regal, les exigences de l'exclusion peuvent donc être respectées en fournissant des éléments de preuve, que ce soit sous forme d'un certificat délivré par l'AAMA ou d'autocertification, au moment de l'importation ou par la suite, qui démontrent que le fini de poudre appliqué sur les extrusions d'aluminium respecte la norme.

18. Par conséquent, Regal allègue que les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause respectent les exigences de l'exclusion. Regal se fonde 1) sur un énoncé du fournisseur, inclus dans les expéditions, attestant que les marchandises en cause respectent la norme8, 2) sur le fait que peu de temps après l'importation des marchandises en cause, l'AAMA a inclus l'applicateur de fini de poudre de Regal sur sa liste de certification (Verified Components List)9 et 3) sur les essais effectués par divers laboratoires sur des échantillons de marchandises produites avant et après l'importation des marchandises en cause, chacun de ces laboratoires concluant que les échantillons soumis aux essais respectaient la norme.

19. Regal soutient également qu'il n'est pas possible de se fonder sur les rapports d'essais que l'ASFC a présentés parce qu'ils ne contiennent aucun élément de preuve concernant les échantillons et les procédures utilisées et qu'ils n'indiquent pas, en fait, lorsqu'ils sont correctement interprétés, que les échantillons soumis aux essais ont obtenu des résultats inférieurs à ceux exigés par la norme.

ASFC

20. La position principale adoptée par l'ASFC est celle selon laquelle les marchandises en cause ne bénéficient pas de l'exclusion parce que l'applicateur de fini de poudre ne figurait pas sur la liste de certification au moment de l'importation des marchandises en cause. Subsidiairement, l'ASFC allègue que la surface intérieure des marchandises en cause et une portion de la surface extérieure ne sont pas, en fait, enduites d'un fini de poudre respectant la norme.

21. Adoptant la position selon laquelle Levolor ne lie pas le Tribunal, l'ASFC allègue que l'exclusion est ambiguë et doit être interprétée à la lumière de l'énoncé des motifs et des éléments de preuve de l'enquête initiale. L'ASFC soutient que ces éléments de preuve précisent que l'exclusion exige une certification de l'AAMA – ou de figurer sur la liste de certification –, cette certification devant être valide au moment de l'importation.

22. Enfin, l'ASFC fait valoir que, quoi qu'il en soit, les marchandises en cause ne sont pas enduites d'un fini de poudre respectant la norme sur la totalité de leurs surfaces intérieure et extérieure, comme le démontrent les divers rapports de laboratoire qu'elle a présentés, et qu'elles ne respectent donc pas les exigences de l'exclusion.

ANALYSE DU TRIBUNAL

La signification de l'expression « fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 »

23. La signification de l'expression « fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » est exactement la même question que celle dont le Tribunal était saisi dans Levolor. L'ASFC a fait appel de cette décision. Comme indiqué précédemment, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel.

Décision du Tribunal dans Levolor

24. Dans Levolor, la majorité du Tribunal a conclu que l'exclusion était claire et qu'elle n'exigeait pas qu'un importateur présente un certificat délivré par l'AAMA. Par conséquent, la majorité du Tribunal a conclu que l'exclusion exigeait simplement que les marchandises respectent la norme, sans préciser les éléments de preuve nécessaires pour le démontrer ni le moment où ces éléments de preuve devaient être fournis à l'ASFC10.

Le Tribunal doit-il attribuer à l'exclusion un sens différent de celui qu'il lui a conféré dans Levolor?

25. Comme le soutient l'ASFC, les tribunaux administratifs ne sont pas liés par la règle du stare decisis11; par conséquent, le Tribunal n'est pas lié par sa propre décision dans Levolor et peut réexaminer la question de savoir si le libellé de l'exclusion est ambigu et, le cas échéant, attribuer à l'exclusion un sens différent de celui qu'il lui a conféré dans Levolor.

26. Toutefois, tout aussi important est le « [...] droit fondamental des plaideurs à la cohérence du processus décisionnel administratif et à la prévisibilité des enjeux qui en découle [...] »12. Par conséquent, le Tribunal doit viser l'équilibre entre la capacité de rendre une décision différente de celle qu'il a rendue précédemment et l'impératif de cohérence dans ses conclusions. Le Tribunal examinera les arguments des parties à la lumière de ces principes.

27. En l'espèce, comme dans Levolor, l'ASFC soutient que la signification de l'expression « fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 » est ambiguë et que le Tribunal doit s'assurer du sens qu'on a voulu lui donner en se référant à l'énoncé des motifs dans Extrusions d'aluminium et à tout élément de preuve pertinent de l'enquête initiale.

Résolution par le Tribunal d'une ambiguïté alléguée dans des conclusions

28. Pour résoudre une ambiguïté alléguée dans des conclusions, le Tribunal attribue d'abord aux termes des conclusions leur sens ordinaire.

29. S'il est impossible d'attribuer un sens ordinaire aux termes des conclusions parce que, par exemple, elles peuvent revêtir plus d'un sens, le Tribunal examinera l'énoncé des motifs des conclusions pour leur attribuer un sens.

30. L'énoncé des motifs suffira généralement à préciser le sens voulu de conclusions ambiguës et le Tribunal n'aura pas à procéder à un examen plus approfondi. Cependant, si un aspect particulier des conclusions du Tribunal n'est pas réglé par la consultation de l'énoncé des motifs, le Tribunal examinera le dossier administratif de l'enquête ou du réexamen pour trouver les éléments de preuve qui concernent directement l'ambiguïté13.

31. L'ASFC allègue que l'exclusion est ambiguë parce qu'elle ne précise pas qui doit attester la conformité des marchandises à la norme. Elle soutient que l'idée de certification, présente dans la version anglaise du texte de l'exclusion14, ne peut être séparée de la question de savoir qui la fournit et que l'absence de précisions à cet égard cause l'ambiguïté15.

32. Le Tribunal n'est pas d'accord. Le fait que l'exclusion ne précise pas qui doit attester la conformité des marchandises à la norme ne signifie pas qu'elle est ambiguë. Si le Tribunal avait eu l'intention de préciser qui fournit la certification aux fins de l'exclusion, il l'aurait fait16. D'ailleurs, rien dans l'exclusion ne laisse entendre que l'intention du Tribunal était de préciser qui doit fournir la certification.

33. Par conséquent, le Tribunal arrive à la même conclusion que dans Levolor, à savoir que le sens ordinaire de l'exclusion est clair : les marchandises doivent respecter la norme au moment de leur importation, quelle que soit la manière dont la conformité est démontrée et le moment où elle l'est.

34. En l'espèce, au moment de l'importation, le fabricant a fourni des certificats indiquant que les marchandises en cause respectaient la norme. Bien entendu, comme c'est le cas en l'espèce, l'ASFC peut contester la validité ou l'exactitude de ces certificats. Toutefois, une telle contestation constitue une question de preuve et non d'interprétation de l'exclusion.

35. Étant donné que l'exclusion est claire de prime abord, il n'est pas nécessaire d'examiner l'énoncé des motifs ni les éléments de preuve du dossier initial qui pourraient concerner la présumée ambiguïté.

36. Cependant, dans la mesure où le Tribunal peut avoir tort et que l'exclusion est ambiguë, il évaluera l'argument de l'ASFC selon lequel la présumée ambiguïté peut être résolue en consultant l'énoncé des motifs et en ayant recours aux éléments de preuve produits dans le cadre de l'enquête initiale à l'égard des exclusions de produits.

La présumée ambiguïté de l'exclusion peut-elle être résolue par le recours au paragraphe 363 de l'énoncé des motifs du Tribunal?

37. L'ASFC invoque les paragraphes suivants de l'énoncé des motifs dans Extrusions d'aluminium :

363. Le Tribunal accorde la demande d'exclusion d'un produit déposée par VAP Global Industries Inc. (VAP), à l'égard d'extrusions d'aluminium enduites d'un fini de poudre destinées à être utilisées dans les cadres de fenêtres. VAP soutient que ces produits sont enduits d'un fini de poudre de couleurs spécialisées sur demande qui doit respecter les exigences des normes AAMA 2603 et 2605 de la Architectural Manufacturers Association. À cet égard, elle dépose comme éléments de preuve une liste d'applicateurs de peinture approuvés par l'AAMA, où figure le nom de son fournisseur chinois (uniquement pour la norme AAMA 2603 pour les revêtements), mais aucun nom d'une société canadienne quelconque. VAP dépose aussi des éléments de preuve indiquant que les producteurs nationaux déconseillent l'enduction de poudre par des tiers sur les extrusions d'une longueur supérieure à 20 pi en raison de la possibilité de dommage éventuel. Même si les parties s'opposant à la demande affirment être capables de fabriquer des produits identiques ou substituables, enduits d'un fini de poudre et respectant les normes AAMA susmentionnées, elles ne déposent aucun élément de preuve à l'appui de cette affirmation. Par conséquent, le Tribunal accorde une exclusion à l'égard des extrusions d'aluminium fabriquées d'un alliage de type 6063 dont la désignation de l'état est T5 ou T6, d'une longueur de 20 à 33 pi (de 6,10 à 10,06 m), enduites d'un fini de poudre, ce fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603, « Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminum Extrusions and Panels » (Spécification volontaire, exigences de rendement et procédures d'essai pour les revêtements organiques pigmentés sur les extrusions d'aluminium et les panneaux [traduction]), destinées à être utilisées dans les cadres de fenêtre.

364. Le Tribunal accorde aussi la demande d'exclusion d'un produit déposée par Home-Rail Ltd. (Home-Rail), à l'égard d'extrusions d'aluminium enduites d'un fini de poudre, destinées à être utilisées dans [la construction de balustrades] extérieur[e]s. Home-Rail soutient que pour pouvoir offrir une garantie de 20 ans sur ses [balustrades] en aluminium, il faut que le revêtement de poudre respecte les exigences de la norme de revêtement AAMA 2603 et que les extrusions soient enduites d'un fini de poudre sur leurs surfaces intérieures et extérieures. Au même motif pour lequel il accorde l'exclusion précédente, le Tribunal accorde ici une exclusion à l'égard des extrusions d'aluminium fabriquées d'un alliage soit de type 6063 soit de type 6005 dont la désignation de l'état est T6, de diverses longueurs, enduites d'un fini de poudre sur les surfaces intérieures et extérieures de l'extrusion, ce fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 « Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminum Extrusions and Panels » (Spécification volontaire, exigences de rendement et procédures d'essai pour les revêtements organiques pigmentés sur les extrusions d'aluminium et les panneaux [traduction]), destinées à être utilisées dans [la construction de balustrades] extérieur[e]s.

[Nos italiques]

38. L'ASFC interprète le paragraphe 363 comme signifiant que le facteur décisif dans la décision du Tribunal d'accorder une exclusion à VAP était l'absence d'extrudeurs nationaux sur la liste de certification des applicateurs de peinture approuvés par l'AAMA. Elle allègue également qu'étant donné que le paragraphe 364 indique que l'exclusion demandée par Home-Rail a été accordée « [a]u même motif » que celle qui a été accordée à VAP, il s'ensuit que l'exclusion ne doit s'appliquer qu'aux produits des fournisseurs certifiés par l'AAMA qui figurent sur la liste de certification17.

39. Le Tribunal constate que le paragraphe 363 indique que VAP a présenté la liste de certification pour démontrer que ses produits étaient certifiés comme respectant la norme et que les extrudeurs nationaux s'opposant à la demande « n['ont déposé] aucun élément de preuve » pour démontrer qu'ils étaient « capables de fabriquer » des produits respectant la norme. Cependant, le Tribunal n'a précisé nulle part que le seul élément de preuve qui aurait pu appuyer l'affirmation des extrudeurs nationaux selon laquelle ils étaient capables de fabriquer ces produits conformes était de figurer sur la liste de certification. Il n'y a simplement aucun développement sur la manière de démontrer la conformité à la norme ni sur le moment de le faire.

40. Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure, en se fondant sur l'énoncé des motifs, que la formation du Tribunal dans Extrusions d'aluminium visait à ce que l'exclusion ait un autre sens que ce qui ressort de son sens ordinaire : l'exclusion s'applique aux marchandises respectant la norme au moment de leur importation, quel que soit le moment où la conformité est démontrée ou la manière dont elle l'est.

L'ambiguïté alléguée de l'exclusion peut-elle être résolue en se référant aux éléments de preuve présentés dans le cadre de l'enquête initiale à l'égard du processus d'exclusion?

41. L'ASFC se concentre sur la demande d'exclusion de produits déposée par VAP. Elle allègue que VAP a expressément demandé une exclusion de produits en se fondant sur ce qui suit :

Le fini personnalisé doit respecter les spécifications de l'AAMA : le fournisseur du fini de poudre doit être approuvé par l'AAMA18

[Traduction]

et que VAP a de plus expliqué ce qui suit :

Si le produit d'un fournisseur ne figure pas sur la liste de certification, le produit ne peut être utilisé dans une fenêtre ou une porte panoramique coulissante certifiée par l'AAMA. Mes clients demandent la certification de l'AAMA puisqu'ils font concurrence sur le marché américain et exigent une peinture en poudre certifiée par l'AAMA19.

[Traduction]

42. L'ASFC indique que les extrudeurs nationaux ont affirmé, dans leur réponse en opposition à la demande d'exclusion déposée par VAP, qu'ils pouvaient produire des extrusions d'aluminium enduites d'un fini de poudre respectant la norme. En se fondant sur cette affirmation, l'ASFC soutient que le paragraphe 363 de l'énoncé des motifs du Tribunal dans Extrusions d'aluminium aurait rejeté toute possibilité d'autocertification par les extrudeurs nationaux et que l'exclusion visée par ce paragraphe ne s'applique donc qu'aux produits des fournisseurs figurant sur la liste de certification.

43. En réponse à cet argument, Regal allègue que l'exclusion accordée à VAP n'est pas pertinente, puisque, en l'espèce, l'exclusion se fonde sur la demande déposée par Home-Rail, comme l'indique le paragraphe 364 de l'énoncé des motifs du Tribunal dans Extrusions d'aluminium. Elle fait remarquer que la demande d'exclusion de produits déposée par Home-Rail, bien que la norme AAMA 2603 y soit mentionnée, n'exigeait pas que le fournisseur du fini de poudre soit approuvé par l'AAMA ni inclus sur la liste de certification.

44. Par conséquent, Regal soutient que si le Tribunal devait interpréter l'exclusion comme se limitant aux fournisseurs certifiés par l'AAMA et figurant sur la liste de certification, cela mènerait au résultat absurde selon lequel le Tribunal aurait accordé à Home-Rail une exclusion dont elle n'aurait pu bénéficier20.

45. Les deux parties soulèvent des questions différentes, qui sont également légitimes. D'une part, il ressort clairement que VAP a expressément demandé à l'AAMA d'approuver l'applicateur du fini de poudre. D'autre part, il est également évident que Home-Rail n'a pas fait cette demande21. D'ailleurs, sa demande n'était appuyée que par l'autocertification22 et ne comprenait aucune indication selon laquelle son applicateur de fini de poudre était approuvé par l'AAMA.

46. Comme le fait remarquer Regal, le Tribunal n'a pas l'habitude d'accorder des exclusions qui ne sont d'aucune utilité pour un demandeur.

47. De plus, à la suite de l'examen du dossier administratif de l'enquête initiale concernant les demandes d'exclusion de produits présentées par VAP, par Home-Rail et par Levolor, il semble que les extrudeurs nationaux n'avaient simplement fourni aucun élément de preuve à l'appui de leurs allégations selon lesquelles ils pouvaient produire des extrusions d'aluminium identiques ou substituables, enduites d'un fini de poudre respectant la norme23.

48. Par conséquent, les éléments de preuve déposés dans le cadre de l'enquête initiale à l'égard du processus d'exclusion n'appuient pas l'interprétation de l'exclusion donnée par l'ASFC. En fait, ils appuient plutôt le sens ordinaire de l'exclusion qui donne effet aux trois exclusions de produits connexes accordées par le Tribunal.

Les marchandises en cause respectaient-elles la norme au moment de leur importation?

49. Les premiers éléments de preuve à l'appui de la position selon laquelle les marchandises en cause respectaient la norme au moment de leur importation sont des certificats délivrés par le fabricant à cet effet, qui accompagnaient les marchandises importées au Canada24.

50. En outre, M. Kuo, président de l'usine qui a fabriqué les marchandises en cause et du laboratoire qui a effectué les essais au cours du processus de fabrication, a déclaré que le certificat est exact parce que les marchandises en cause auraient été soumises à des « vérifications quotidiennes » et à des « tests trimestriels » afin de s'assurer qu'elles sont fabriquées conformément à la norme AAMA 260325.

51. L'ASFC, qui se fonde sur son argument principal selon lequel l'exclusion doit être interprétée au sens qu'elle exige une certification fournie par l'AAMA, soutient essentiellement que le témoignage de M. Kuo n'est pas pertinent parce que son laboratoire n'est pas agréé par l'AAMA pour vérifier la conformité à ses normes26.

52. La seule question de l'ASFC relativement au témoignage de M. Kuo a été soulevée au cours de sa plaidoirie, lorsqu'elle a invité le Tribunal à accorder moins de poids au témoignage de M. Kuo parce qu'il avait indiqué que tous les essais avaient été effectués en Chine, alors que la norme exige qu'un essai particulier d'exposition aux intempéries ait lieu en Floride27.

53. Toutefois, les conseillers juridiques de l'ASFC reconnaissent qu'une note jointe à cette partie de la norme indique que l'approbation de la pellicule ne dépend pas de l'essai d'exposition aux intempéries28 et que, de plus, la question de savoir si cet essai a été effectué en Chine ou en Floride, ou s'il a effectivement été effectué, aurait dû être posée à M. Kuo au cours du contre-interrogatoire, afin de lui donner une occasion raisonnable de répondre.

54. Les deux parties ont présenté des rapports émanant de laboratoires agréés par l'AAMA pour vérifier la conformité avec ses normes, et l'ASFC a également déposé une lettre de M. Hagedorn, chacun de ces éléments étant censés déterminer si les marchandises en cause respectaient la norme au moment de leur importation.

55. Cependant, les deux parties admettent qu'aucun élément de preuve n'indique que ces laboratoires ou M. Hagedorn ont réellement effectué des essais sur les marchandises en cause. Cela découle du fait que ni l'une ni l'autre des parties ne s'est procurée les marchandises en cause afin d'assurer la possession continue de la preuve. En outre, les deux parties doutent de la validité des essais effectués par ces laboratoires pour diverses raisons, entre autres à cause de la sélection des échantillons et la question de savoir si les essais ont été effectués correctement.

56. Puisque aucun élément de preuve n'indique que les marchandises soumises à des essais par l'un ou l'autre des laboratoires ou par M. Hagedorn étaient, en fait, les marchandises en cause, le Tribunal ne peut donc se fier ni aux rapports des laboratoires ni à la lettre et au témoignage de M. Hagedorn.

57. Par conséquent, les meilleurs éléments de preuve concernant la question de savoir si les marchandises en cause respectaient la norme au moment de leur importation sont les essais effectués en laboratoire au cours du processus de fabrication et le témoignage de M. Kuo, les deux appuyant la validité des certificats fournis par le fabricant.

58. En outre, selon le témoignage non contredit de M. Kuo, le processus de fabrication est demeuré inchangé depuis que les marchandises en cause ont été produites et, étant donné que le processus de fabrication a été vérifié par l'AAMA peu de temps après29, il semble improbable que les marchandises en cause ne respectaient pas la norme au moment de leur importation.

59. Enfin, l'ASFC a soulevé un autre argument d'interprétation, à savoir que l'exclusion exige que le fini de poudre soit appliqué sur la totalité des surfaces intérieure et extérieure des marchandises en cause30, mais les témoins de Regal ont en substance admis31 que la surface extérieure des marchandises en cause n'est pas toute enduite d'un fini de poudre parce que la norme n'exige son application que sur la portion exposée de la surface une fois les marchandises installées.

60. L'argument de l'ASFC à cet égard n'est pas fondé.

61. L'exclusion renvoie à la norme. Par conséquent, il convient d'interpréter la norme afin d'en déterminer les exigences précises. En l'espèce, selon les témoins non contredits de Regal, la norme n'exige l'application du fini de poudre que sur la portion exposée de la surface une fois le produit d'aluminium installé32.

62. Les éléments de preuve présentés par Regal selon lesquels les marchandises en cause sont enduites d'un fini de poudre sur leur surface intérieure et sur la portion exposée de leur surface extérieure n'ont pas non plus été contredits. Ces éléments de preuve sont suffisants pour conclure que les marchandises en cause respectent les exigences de l'exclusion.

DÉCISION

63. L'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE).

3 . Voir l'annexe des conclusions dans Extrusions d'aluminium à la p. iii.

4 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-02.

5 . (22 mai 2012), AP-2011-015 (TCCE) [Levolor].

6 . Le Tribunal a affirmé dans des décisions antérieures qu'il a compétence, selon l'espèce, de trancher un appel à la suite d'une requête préliminaire. Voir par exemple GFT Mode Canada Inc. c. S-MRN (18 mai 2000), AP-96-046 et AP-96-074; HBC Imports a/s de Zellers Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (19 novembre 2010), AP-2010-005 aux para. 9-10.

7 . Canada (Border Services Agency) v. Levolor Home Fashions Canada, 2013 CAF 3 (CanLII).

8 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-03A (protégée), onglet 7.

9 . Ibid., onglet 9.

10 . Voir Levolor aux para. 20-24.

11 . Les industries Jam ltée c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CAF 210 (CanLII) [Industries Jam] aux para. 20-21; Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 RCS 756 au para. 94.

12 . Industries Jam au para. 21.

13 . Voir par exemple Powers Industries Limited c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (22 avril 2013), AP-2012-010 aux para. 23-25. Cette approche concorde avec les décisions de la Cour d'appel fédérale dans Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Trane Company of Canada, Ltd., [1982] 2 CF 194 (CAF) et dans Bande indienne de Blueberry River c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2001 CAF 67, [2001] 4 CF 455.

14 . La version anglaise de l'exclusion est formulée comme suit : « Aluminum extrusions produced from either a 6063 or a 6005 alloy type with a T6 temper designation, in various lengths, with a powder coat finish on both the interior and the exterior surfaces of the extrusion, which finish is certified to meet the American Architectural Manufacturers Association AAMA 2603 standard, “Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminum Extrusions and Panels”, for use in exterior railing systems » [nos italiques].

15 . Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, à la p. 177; pièce du Tribunal AP-2012-025-16 aux para. 29-34.

16 . Comme mentionné dans Levolor aux para. 21-22, quand le Tribunal a l'intention d'exiger une certification particulière, il le dit explicitement comme il l'a fait par exemple dans Sucre raffiné (3 novembre 2000), RR-99-006 (TCCE), en ce qui concerne « [l]e sucre biologique qui satisfait aux exigences de la norme no CAN/CGSB-32.310-99 (Agriculture biologique) de l'Office des normes générales du Canada, de la Federal Organic Foods Production Act of 1990 des États-Unis ou des règles y afférent, ou du règlement no EN2092/94 (Règlement biologique) de l'Union européenne, dans la mesure où il est assorti d'un certificat de transaction attestant de la conformité à la norme et signé par un organisme de certification accrédité conformément au Guide 65 de l'ISO ».

17 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-16 aux para. 15-16.

18 . Ibid., onglet 3 à la p. 22.

19 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-30A, onglet 5.

20 . Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 245-247, faisant référence à la pièce du Tribunal AP-2012-025-31C, onglet 8.

21 . La même chose s'applique à la demande d'exclusion de produit faite par Levolor.

22 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-31C, onglet 8.

23 . Voir la réponse des extrudeurs nationaux à la demande d'exclusion de produit faite par Home-Rail et les documents confidentiels à l'appui, dossier administratif, NQ-2008-003-38.02, vol. 1.4D, NQ-2008-003-39.02; la réponse des extrudeurs nationaux à la demande d'exclusion de produit faite par VAP Global et les documents confidentiels à l'appui, dossier administratif, NQ-2008-003-38.24, NQ-2008-003-39.24A; la réponse des extrudeurs nationaux à la demande d'exclusion de produit faite par Levolor et les documents confidentiels à l'appui, dossier administratif, NQ-2008-003-38.10, vol. 1.4D, NQ-2008-003-38.10A, NQ-2008-003-39.10, NQ-2008-003-39.10A. Les documents à l'appui pour ces demandes d'exclusion de produit ne mentionnent pas la norme AAMA 2603.

24 . Pièce du Tribunal AP-2012-025-03A (protégée), onglet 7.

25 . Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 25-28. Voir aussi les « tests trimestriels » datés du 29 novembre 2010 au 5 avril 2013, pièce du Tribunal AP-2012-025-44B (protégée), onglets 12-20.

26 . Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, à la p. 227.

27 . Ibid. aux pp. 224-226.

28 . Ibid. aux pp. 232-233.

29 . La première certification de l'AAMA accordée à Guangdong Xin Wei le 18 février 2011 était pour une période de 18 mois. Voir le témoignage de M. Henning, Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 16-19, et le certificat original de l'AAMA, pièce du Tribunal AP-2012-025-03A (protégée), onglet 9. Guangdong Xin Wei a été de nouveau inscrit sur la liste de certification en juin 2012. Bien qu'une question ait été soulevée au cours de la procédure au sujet d'une soi-disant annulation de la seconde certification, les éléments de preuve indiquent que cela résultait uniquement de problèmes de procédure à l'AAMA et que la certification avait rapidement été rétablie. Voir pièce du Tribunal AP-2012-025-44A, onglets 1-11, et le témoignage de M. Henning, Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 19-24.

30 . Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 210-214.

31 . Voir le témoignage de M. Liefke qui affirme que de la peinture en poudre n'est pas appliquée sur la portion non exposée de la surface extérieure des extrusions d'aluminium de Regal, Transcription de l'audience publique, 23 avril 2013, aux pp. 40-43, 83-84.

32 . Ibid. à la p. 83.