CURRY'S ART STORES


CURRY'S ART STORES
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-031

Décision et motifs rendus
le lundi 29 avril 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 21 mars 2013, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 7 août 2012 concernant une demande de révision d'une décision anticipée en matière de classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CURRY'S ART STORES Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS Intimé

DÉCISION

L'appel est rejeté.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Date de l'audience : le 21 mars 2013

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Anja Grabundzija

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante Conseillers/représentants
Curry's Art Stores Rajesh Mamtora
Michael R. Smith
Intimé Conseiller/représentant
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Leah Garvin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Curry's Art Stores (CAS) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard d'une décision rendue le 7 août 2012 par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4), concernant une demande de révision d'une décision anticipée en matière de classement tarifaire.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si trois modèles de chevalets en aluminium (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.20.00 de l'annexe du Tarif des douanes2 à titre d'autres meubles en métal (dans le cas de deux modèles) et dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium (dans le cas d'un modèle), comme l'a déterminé l'ASFC, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9403.10.00 à titre de meubles en métal des types utilisés dans les bureaux, comme le soutient CAS.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Le 8 novembre 2011, CAS a déposé une demande de décision anticipée à l'égard du classement tarifaire des marchandises en cause.

4. Le 23 novembre 2011, l'ASFC a rendu une décision anticipée aux termes de l'alinéa 43.1(1)c) de la Loi, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d'autres meubles en métal.

5. Le 6 décembre 2011, CAS a demandé une révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi. Elle soutenait que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 9403.10.00 à titre de meubles en métal des types utilisés dans les bureaux.

6. Le 7 août 2012, l'ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant sa décision anticipée3.

7. Le 30 août 2012, CAS a interjeté le présent appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

8. Le 21 mars 2013, le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario). Les parties n'ont fait entendre aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

9. Les marchandises en cause sont des chevalets en aluminium à trois pieds conçus pour maintenir une toile d'artiste en position inclinée. L'ASFC a déposé comme pièces des échantillons des marchandises en cause4.

10. Le chevalet « Deluxe Tri-Pod Aluminum Easel TRI 602 » (1er modèle) est un chevalet léger doté d'une pince à ressort à l'extrémité supérieure et d'un large support inférieur pouvant maintenir une toile en place. Les pieds sont individuellement ajustables et peuvent se rétracter pour poser le chevalet sur une table. Il est vendu avec un sac de transport en nylon muni d'une bandoulière et est conçu pour être utilisé tant à l'intérieur qu'à l'extérieur5.

11. Le chevalet « Black Aluminum Table Easel with Clip A13217 » (2e modèle) est un chevalet léger avec un cadre en forme de A et une pince pour tenir une toile de dimension maximale de 50 cm. Il est conçu pour être utilisé sur une table6.

12. Les chevalets « Alvin Heritage Aluminum Easel HAE 620 » et « Alvin Heritage Aluminum Easel HAE 625 » (collectivement, 3e modèle), dont seule la couleur diffère, sont des chevalets portatifs et ajustables pouvant être utilisés sur une table, dans un studio ou comme présentoir. Ils peuvent être utilisés à l'extérieur grâce à leurs pieds individuellement ajustables et leur construction robuste en aluminium. Ils peuvent soutenir une vaste gamme de toiles, de tablettes et de cartons et sont vendus avec un sac de transport en nylon7.

CADRE LÉGISLATIF

13. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l'annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l'Organisation mondiale des douanes (OMD)8. L'annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l'annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

14. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé9 et les Règles canadiennes10 énoncées à l'annexe.

15. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la Règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d'après les autres règles.

16. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises11 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises12, publiés par l'OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n'aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire13.

17. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des Notes explicatives et des Avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la Règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles14.

18. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée15. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié16.

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

19. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Chapitre 76

ALUMINIUM ET OUVRAGES EN ALUMINIUM

[...]

76.16 Autres ouvrages en aluminium.

[...]

-Autres :

[...]

7616.99 - -Autres

[...]

7616.99.90 - - -Autres

[...]

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE
ET SIMILAIRES; APPAREILS D'ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS
NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES,
PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES;
CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

[...]

94.03 Autres meubles et leurs parties.

9403.10.00 -Meubles en métal des types utilisés dans les bureaux

[...]

9403.20.00 -Autres meubles en métal

20. La note 1 de la section XV, qui comprend le chapitre 76, prévoit ce qui suit :

1. La présente Section ne comprend pas :

[...]

k) les articles du Chapitre 94 (meubles, sommiers, appareils d'éclairage, enseignes lumineuses, constructions préfabriquées, par exemple);

[...]

21. La note 2 du chapitre 94 prévoit ce qui suit :

2. Les articles (autres que les parties) visés dans les nos 94.01 à 94.03 doivent être conçus pour se poser sur le sol.

Restent toutefois compris dans ces positions, même s'ils sont conçus pour être suspendus, fixés au mur ou posés les uns sur les autres :

a) les armoires, les bibliothèques, les étagères et les meubles à éléments complémentaires;

b) les sièges et lits.

22. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 76.16 prévoient ce qui suit :

Cette position englobe tous les ouvrages en aluminium autres que ceux repris, soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans la Note 1 de la Section XV, soit dans les Chapitres 82 ou 83, soit enfin dans les autres parties de la Nomenclature.

23. Les Notes explicatives pertinentes du chapitre 94 prévoient ce qui suit :

Le présent Chapitre englobe, sous réserve des exceptions mentionnées dans les Notes explicatives de ce Chapitre :

1) L'ensemble des meubles, ainsi que leurs parties (nos 94.01 à 94.03).

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers – meubles et sièges de navires, par exemple – ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux, églises, écoles, cafés, restaurants, laboratoires, hôpitaux, cliniques, cabinets dentaires, etc., ainsi que les navires, avions, voitures de chemin de fer, voitures automobiles, remorques-camping et engins de transport analogues. Les articles de même nature (bancs, chaises, etc.) utilisés dans les jardins, squares, promenades publiques, sont également compris ici.

B) Les articles suivants :

1 ) Les armoires, les bibliothèques, les étagères et les meubles à éléments complémentaires, à suspendre, à fixer au mur, à superposer ou à juxtaposer, destinés au rangement d'articles divers (livres, vaisselle, ustensiles de cuisine, verrerie, linge, médicaments, articles de toilette, appareils de radio ou de télévision, bibelots, etc.), ainsi que les unités constitutives des meubles à éléments complémentaires présentées isolément.

2 ) Les sièges et lits suspendus ou rabattables.

Exception faite des articles cités au paragraphe B) ci-dessus, il résulte de ce qui précède que ne sont pas considérés comme meubles les objets utilisés à usage de meubles, que l'on place sur d'autres meubles ou sur des étagères, que l'on accroche aux murs ou que l'on suspend aux plafonds.

Le présent Chapitre ne comprend donc pas les objets d'ameublement qui sont fixés au mur comme les portemanteaux, tableaux à clefs, porte-brosses, porte-serviettes, porte-journaux, ainsi que les objets d'ameublement n'ayant pas le caractère de meubles proprement dits, comme les cache-radiateurs. Ainsi les articles de tabletterie ou de petite ébénisterie en bois relèvent du no 44.20 et le matériel de bureau (boîtes de classement ou de triage, par exemple), en matières plastiques ou en métaux communs, des nos 39.26 ou 83.04 selon le cas.

24. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 94.03 prévoient ce qui suit :

Parmi les meubles de cette position, dans laquelle sont groupés, non seulement les articles eux-mêmes non repris dans les positions précédentes, mais aussi leurs parties, il y a lieu de mentionner tout d'abord ceux qui se prêtent généralement à l'utilisation en différents lieux, tels qu'armoires, vitrines, tables, porte-téléphone, bureaux, secrétaires, bibliothèques, étagères.

Viennent ensuite les articles d'ameublement particulièrement conçus :

1) Pour appartements, hôtels, etc., tels que : bahuts, coffres à linge, coffres à pain ou huches, chiffonniers, colonnes, tables de toilette, coiffeuses, guéridons, garde-robes, lingères, portemanteaux, porte-parapluies, buffets, dressoirs, argentiers, garde-manger, tables de nuit, lits (y compris les lits réversibles, les lits de camp, les lits pliants, les berceaux), travailleuses, écrans de foyer, paravents, cendriers sur socle, casiers à musique, pupitres, parcs pour enfants, tables roulantes (à hors d'oeuvres, à liqueurs, par exemple), même équipées de résistances chauffantes.

2) Pour l'équipement des bureaux, tels que : vestiaires, armoires de classement, classeurs, tables-chariots, fichiers.

3) Pour écoles, tels que : pupitres, chaires de professeurs, chevalets pour tableaux, etc.

4) Pour églises, tels que : autels, confessionnaux, chaires de vérité, bancs de communion, lutrins, etc.

5) Pour magasins, entrepôts, ateliers, etc., tels que : comptoirs, porte-vêtements, meubles à étagères, meubles à casiers ou à tiroirs, armoires pour outillage, meubles spéciaux d'imprimerie (à casses ou à tiroirs).

6) Pour laboratoires et bureaux techniques, tels que : tables de microscopie, bancs de laboratoire (même avec vitrines, prises de gaz, robinetterie, etc.), sorbonnes, tables à dessin non équipées.

POSITION DES PARTIES

CAS

25. CAS a initialement soutenu que les trois modèles de marchandises en cause devaient être classés dans le numéro tarifaire 9403.10.00 à titre de meubles en métal des types utilisés dans les bureaux. Toutefois, à l'audience, CAS a convenu avec l'ASFC que le 2e modèle des marchandises en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium17.

26. CAS soutient, tout comme l'ASFC, que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont des « meubles en métal » de la position no 94.03, car ils sont en aluminium et correspondent à la définition de « meubles » qui figure à la note (A) des Notes explicatives du chapitre 94.

27. En ce qui concerne le niveau de la sous-position, CAS soutient que les marchandises en cause sont des meubles en métal « des types utilisés dans les bureaux » de la sous-position no 9403.10.

28. Pour appuyer cet argument, CAS soutient que les chevalets sont utilisés par des artistes, qui sont des professionnels qui peignent pour une certaine contrepartie. En outre, CAS soutient que le mot « bureaux », selon l'acception courante, désigne un lieu où des professionnels exercent leurs activités. CAS soutient qu'un studio, soit le lieu où l'artiste exploite une entreprise, est par conséquent un « bureau » au sens du tarif.

29. CAS soutient également que les meubles « des types utilisés dans les bureaux » servent principalement à équiper les bureaux. Par conséquent, CAS soutient que les chevalets demeurent des meubles « des types utilisés dans les bureaux » même si les artistes peuvent les utiliser, à l'occasion, pour accomplir leur travail à l'extérieur de leur studio.

30. Enfin, CAS soutient que les sacs de transport en nylon vendus avec les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont spécialement conçus pour les chevalets, sont destinés à un usage à long terme et, par conséquent, doivent être classés avec les chevalets conformément à la Règle 5 a) des Règles générales.

ASFC

31. L'ASFC soutient que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d'autres meubles en métal et que le 2e modèle est correctement classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium.

32. L'ASFC soutient que la note 2 du chapitre 94 et les Notes explicatives du chapitre 94 et de la position no 94.03 prévoient les critères que doivent satisfaire les marchandises pour être classées dans la position no 94.03 à titre de « meubles ». L'ASFC convient qu'en appliquant ces critères, les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont des « meubles » de la position no 94.03. Toutefois, elle soutient que, selon ces mêmes critères, le 2e modèle des marchandises en cause — un chevalet de table qui n'est pas conçu pour être posé sur le sol — ne peut être classé dans cette position.

33. L'ASFC soutient que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause ne peuvent être classés dans la sous-position no 9403.10 à titre de meubles en métal des types utilisés dans les bureaux. Elle soutient que l'expression « des types utilisés dans les bureaux » signifie raisonnablement que les marchandises en cause doivent principalement être utilisées dans des bureaux18. Selon l'ASFC, puisque les marchandises en cause peuvent être utilisées à l'extérieur ou dans un studio, leur fonction principale est de permettre à l'artiste de travailler dans divers lieux et non principalement dans des bureaux.

34. L'ASFC soutient de plus que le mot « bureaux » dans la sous-position no 9403.10 a un sens précis qui ne s'applique pas à tous les lieux de travail. Cet argument se fonde sur les Notes explicatives de la position no 94.03 qui, selon l'ASFC, établissent une distinction entre les bureaux et les autres lieux de travail, comme les appartements, les hôtels, les écoles, les magasins, les entrepôts et les ateliers. Elle conclut que le mot « bureaux » désigne des lieux d'affaires où des tâches de nature administrative ou commerciale sont accomplies.

35. L'ASFC soutient que les chevalets ne sont pas utilisés principalement pour accomplir des tâches de nature administrative ou commerciale ni ne s'apparentent aux exemples de meubles de bureau contenus dans les Notes explicatives de la position no 94.03. Par conséquent, ils ne sont pas utilisés principalement dans un bureau au sens du tarif.

36. En ce qui a trait au 2e modèle des marchandises en cause, l'ASFC soutient que, puisque aucune autre position ne le décrit plus précisément, il est correctement classé dans la position no 76.16 à titre d'autres ouvrages en aluminium. Selon l'ASFC, le 2e modèle des marchandises en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90, par application de la Règle 6 des Règles générales et de la Règle 1 des Règles canadiennes.

37. Enfin, l'ASFC convient avec CAS que les sacs de transport en nylon, présentés avec les 1er et 3e modèles des marchandises en cause, sont correctement classés avec les chevalets conformément à la Règle 5 a) des Règles générales.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Premier et troisième modèles des marchandises en cause

38. Les parties ne contestent pas que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont correctement classés dans la position no 94.03 à titre d'autres meubles. Le Tribunal est d'accord avec cette proposition19. La question en litige dans le présent appel est le classement au niveau de la sous-position.

39. Le Tribunal doit déterminer si les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont des meubles en métal20 « des types utilisés dans les bureaux » de la sous-position no 9403.10, comme le soutient CAS, ou s'ils sont correctement classés dans la sous-position résiduelle no 9403.20 à titre d'« autres » meubles en métal, comme l'a déterminé l'ASFC. Il incombe à CAS de démontrer que le classement tarifaire des marchandises effectué par l'ASFC est erroné21.

40. Le désaccord entre les parties porte essentiellement sur le sens du mot « bureaux » utilisé dans la sous-position no 9403.10, CAS soutenant qu'un studio d'artiste professionnel est visé à juste titre par la portée de celle-ci et l'ASFC maintenant qu'elle ne comprend que les endroits où des travaux de types administratifs ou commerciaux sont effectués, ce qui exclut les studios.

41. Bien que l'interprétation donnée par l'ASFC du mot « bureaux » utilisé dans la sous-position no 9403.10 puisse être considérée comme trop restrictive, il n'est pas nécessaire aux fins du présent appel de déterminer le sens de ce mot et, plus particulièrement, s'il comprend les studios. En effet, même en supposant que les « bureaux » de la sous-position no 9403.10 comprennent les studios, selon les éléments de preuve en l'espèce, le Tribunal conclut que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause ne sont pas des meubles en métal « des types utilisés » dans des bureaux.

42. Le Tribunal convient avec les parties que l'exigence de la sous-position no 9403.10 selon laquelle les meubles doivent être « des types utilisés » dans des bureaux indique que les meubles inclus doivent servir « principalement » à cette fin. Cela est conforme à la jurisprudence du Tribunal. À titre d'exemple, dans Rona, le Tribunal a interprété l'expression « pour usages domestiques » comme exigeant que les marchandises soient utilisées « principalement » à la maison ou dans ses environs22. Par conséquent, bien qu'il ne soit pas nécessaire de démontrer que les marchandises en cause seront effectivement utilisées dans des bureaux, l'expression « des types utilisés dans les bureaux » exige que, par leur conception, leur nature ou leur caractère, les marchandises en cause soient des types utilisés principalement dans des bureaux.

43. En l'espèce, les éléments de preuve n'indiquent pas que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont conçus dans le but de servir principalement dans des studios d'artistes professionnels. La documentation sur les produits des 1er et 3e modèles des marchandises en cause, qui constitue les seuls éléments de preuve versés au dossier concernant leur utilisation prévue, indique plutôt que les artistes, qu'ils soient professionnels ou non, peuvent utiliser les marchandises en cause pratiquement partout, et met l'emphase sur ce fait.

44. La documentation sur les produits décrit le 1er modèle des marchandises en cause de la façon suivante :

Idéal pour peindre à l'extérieur ou pour être emporté en classe!

Ce chevalet léger aux lignes pures possède [son] propre sac [de transport] en nylon robuste muni d'une bandoulière pratique. Doté d'une pince à ressort à l'extrémité supérieure et d'un large support inférieur pouvant maintenir une toile fermement en place, ce chevalet en aluminium peut être utilisé de diverses manières. Les pieds télescopiques peuvent être réglés de façon indépendante pour peindre à l'extérieur sur un terrain accidenté ou même sur le quai d'un chalet.

Ils peuvent se rétracter rapidement en une configuration plus courte qui peut être utilisée sur une table ou un bureau23. [...]

[Nos italiques, traduction]

45. De même, la documentation sur les produits décrit le 3e modèle des marchandises en cause de la manière suivante :

Les chevalets en aluminium Alvin's Heritage sont soigneusement fabriqués avec de l'aluminium robuste pour résister aux rigueurs de l'utilisation sur le terrain. Portatifs et ajustables, ces chevalets conviennent également à une utilisation sur table, dans un studio ou comme présentoir. [...] Chaque pied télescopique peut être réglé de façon indépendante, ce qui est idéal pour peindre sur un terrain accidenté. [...] Un sac [de transport] en nylon est inclus24.

[Nos italiques, traduction]

46. Le simple fait que les marchandises en cause puissent être adaptées à une utilisation dans un studio, en plus d'être adaptées à d'autres utilisations, ne peut répondre à l'exigence de la sous-position no 9403.10 selon laquelle les meubles doivent être « des types utilisés dans les bureaux ». Si la simple adaptation à une utilisation dans des bureaux était le critère, la sous-position no 9403.10 serait peu utile; pratiquement tous les meubles peuvent, dans certaines circonstances, être adaptés à une utilisation dans des bureaux.

47. CAS n'ayant pas démontré que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont des types utilisés principalement dans des studios, le Tribunal conclut qu'ils ne sont pas des meubles en métal des types utilisés dans les bureaux, quelle que soit la portée exacte du mot « bureaux ». Par conséquent, comme l'a déterminé l'ASFC, les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont correctement classés dans la sous-position no 9403.20 à titre d'« autres meubles en métal » et dans le numéro tarifaire 9403.20.00.

48. Enfin, le Tribunal convient avec les parties que les sacs de transport en nylon inclus avec les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont correctement classés avec ces marchandises aux termes de la Règle 5 a) des Règles générales25. Les sacs de transport en nylon sont spécialement conçus pour recevoir les marchandises en cause, sont susceptibles d'un usage prolongé, sont présentés avec les marchandises en cause et ne confèrent pas à l'ensemble son caractère essentiel; ils respectent donc toutes les conditions de la Règle 5 a).

Deuxième modèle des marchandises en cause

49. Bien que l'ASFC ait d'abord classé le 2e modèle des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9403.20.0026, elle a reconsidéré sa position et soumis au Tribunal que ce modèle ne respecte pas la définition de « meubles ». Par conséquent, l'ASFC allègue que le 2e modèle des marchandises en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium. À l'audience, CAS a accepté la position de l'ASFC27.

50. Le Tribunal convient avec les parties que le 2e modèle des marchandises en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium.

DÉCISION

51. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.20.00, à titre d'autres meubles en métal, et que le 2e modèle des marchandises en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90, à titre d'autres ouvrages en aluminium.

52. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Dans le contexte du présent appel, l'ASFC soutient que l'un des modèles des marchandises en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium.

4 . La pièce A-01 est le chevalet « Deluxe Tri-Pod Aluminum Easel TRI 602 », la pièce A-02 le chevalet « Black Aluminum Table Easel with Clip A13217 », la pièce A-03 le chevalet « Alvin Heritage Aluminum Easel HAE 620 » (noir) et la pièce A-04 le chevalet « Alvin Heritage Aluminum Easel HAE 625 » (argent/gris).

5 . Voir la documentation sur le produit, pièce du Tribunal AP-2012-031-04A, onglet 1.

6 . Ibid.

7 . Ibid.

8 . Le Canada est l'un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

9 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

10 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

11 . Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

12 . Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

13 . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux paras. 13, 17, où la Cour d'appel fédérale a interprété l'article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu'il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d'avis que cette interprétation s'applique également aux Avis de classement.

14 . Les Règles 1 à 5 des Règles générales s'appliquent au classement au niveau de la position.

15 . La Règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus [c'est-à-dire les Règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

16 . La Règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

17 . Transcription de l'audience publique, 21 mars 2013, à la p. 6.

18 . L'ASFC s'est fondée sur Rona Corporation Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (15 février 2011), AP-2009-072 (TCCE) [Rona] au para. 40; Costco Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (11 janvier 2001), AP-2000-015 (TCCE) [Costco] à la p. 4; Ballarat Corporation Ltd. c. Sous-M.R.N. (19 décembre 1995), AP-93-359 (TCCE) à la p. 4.

19 . Selon l'explication du Tribunal dans HBC Imports a/s de Zellers Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (6 avril 2011), AP-2010-005 (TCCE) au para. 51, compte tenu des Notes explicatives du chapitre 94, les marchandises doivent respecter les critères suivants pour être considérées comme des « meubles » de la position no 94.03 : (i) elles doivent être mobiles; (ii) elles doivent être des articles; (iii) elles doivent posséder la caractéristique essentielle d'être conçues pour se poser sur le sol; (iv) elles doivent servir dans un but principalement utilitaire; (v) elles doivent servir à garnir des immeubles, des véhicules de transport ou des espaces extérieurs; (vi) elles ne doivent pas être comprises dans d'autres positions plus spécifiques de la nomenclature. Le Tribunal est d'avis que les 1er et 3e modèles des marchandises en cause remplissent ces conditions.

20 . Il est admis que les marchandises en cause sont fabriquées en métal.

21 . Voir le paragraphe 152(2) de la Loi. Voir aussi Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII), où cette disposition est analysée.

22 . Rona au para. 40. Voir aussi Costco, où le Tribunal a conclu que les expressions anglaises « of a kind used for domestic purposes » (de type pour usages domestiques) et « for domestic purposes » (pour usages domestiques) sont des expressions interchangeables qui exigent que l'utilisation dans un contexte domestique soit le but premier des articles en cause. Voir aussi 6572243 Canada Ltd. s/n Kwality Imports c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (3 août 2012), AP-2010-068 (TCCE) aux para. 44-45.

23 . Voir pièce du Tribunal AP-2012-031-04A, onglet 7.

24 . Ibid.

25 . La Règle 5 a) des Règles générales prévoit que « [l]es étuis pour appareils photographiques, pour instruments de musique, pour armes, pour instruments de dessin, les écrins et les contenants similaires, spécialement aménagés pour recevoir un article déterminé ou un assortiment, susceptibles d'un usage prolongé et présentés avec les articles auxquels ils sont destinés, sont classés avec ces articles lorsqu'ils sont du type normalement vendu avec ceux-ci. Cette Règle ne concerne pas, toutefois, les contenants qui confèrent à l'ensemble son caractère essentiel. »

26 . Voir pièce du Tribunal AP-2012-031-04A, onglet 6.

27 . Transcription de l'audience publique, 21 mars 2013, à la p. 6.