ANTOINE BOIRIDY

Décisions


ANTOINE BOIRIDY
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel No 2916

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 28 avril 1989

Appel No 2916

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 février 1989 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, S.C. 1986, chapitre 1, telle que modifiée (la Loi).

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise rendue le 9 septembre 1987 à l'encontre d'une demande de réexamen faite en vertu de l'article 63 de la Loi.

ENTRE :

ANTOINE BOIRIDY Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté et le Tribunal déclare que la Volkswagen Scirocco 1987, modèle 533 7J4, importée par l'appelant sous la déclaration d'entrée de Montréal A536072 du 16 février 1987 a été correctement classée par l'intimé dans sa décision du 9 septembre 1987 sous le numéro tarifaire 43803-1 comme Automobiles...n.d...


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Tarif des douanes - Classification d'une automobile sous le numéro tarifaire 43803-1 comme Automobiles et véhicules à moteur de toutes sortes, n.d... ou sous le numéro tarifaire 70320-1 comme Marchandises importées [...] par un ancien résident du Canada [...] et acquises [...] et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada

- Interprétation des mots possession et usage

DÉCISION  :L'appel est rejeté. L'appelant n'a pas eu sa Volkswagen Scirocco pour son usage personnel ou domestique pendant six mois avant son retour au Canada.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 février 1989 Date de la décision : Le 28 avril 1989
Ont comparu : A. Boiridy M. Joubert pour l'intimé
Jurisprudence : Gustavson Drilling (1964) Limited c. Le ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271; Mrs. F. Abtahi, M.D. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 12 R.C.T. 600; Nowegijick c. R., [1983] 1 R.C.S. 29
Lois et règlements cités : Loi sur les douanes, S.C. 1986, ch. 1; art. 67; Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C., 1988, ch. 56, art. 60
Bulletin d'interprétation : Mémorandum D2-3-2, Revenu Canada, Douanes et Accise, Ottawa, le 3 septembre 1981
Dictionnaire cité : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2 e éd., Le Robert, avenue Parmentier, Paris-XI e, t. VII, pp. 630-631 et t. IX, pp. 602 à 604.





Il s'agit d'un appel logé à l'encontre d'une classification tarifaire choisie par l'intimé. L'appelant, en affectation en Arabie Saoudite, acheta une Volkswagen Scirocco en Europe plus de sept mois avant son retour définitif au Canada. L'automobile fut entreposée, durant la plus grande partie de cette période, en Hollande. Toutefois, l'appelant utilisa le véhicule durant ses vacances en Europe, soit pendant 10 jours, et à son retour aux États-Unis, pendant quatre jours. Après l'arrivée de l'appelant au Canada, le ministère du Revenu a classé l'automobile sous le numéro tarifaire 43803-1 comme automobiles et véhicules à moteur de toutes sortes, non décrits ailleurs. L'appelant demande au Tribunal de classer le véhicule sous le numéro tarifaire 70320-1 comme marchandise importée et acquise par un ancien résident du Canada et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

Cet appel est rejeté. L'appelant n'a pas eu son automobile pour son usage personnel ou domestique pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les numéros tarifaires pertinents au présent appel sont les suivants :

43803-1 Automobiles et véhicules à moteur de toutes sortes, n.d.; électrobus à trolley; châssis de toutes les machines susmentionnées

70320-1 Marchandises importées par un membre des Forces canadiennes ou un employé du gouvernement du Canada, ou par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays, et acquises par lui durant une absence du Canada d'au moins une année pour son usage personnel ou domestique, et lui ayant effectivement appartenu à l'étranger et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada

Le gouverneur en conseil peut, par voie de décret, exempter en totalité ou en partie, toutes marchandises ou catégories de marchandises pour toute catégorie de personnes, d'une ou de la totalité des exigences concernant la période de six mois relative à la propriété, possession ou l'usage que prescrit le présent numéro.

Les marchandises qui ont le droit d'entrer en vertu du présent numéro sont exemptes d'imposition, nonobstant les dispositions de la présente loi ou de toute autre loi, sauf que :

a)tout article importé en vertu du présent numéro et acquis par la personne qui demande l'exemption que prévoit le présent numéro, après le 31 mars 1977, et dont la valeur imposable déterminée en vertu de la Loi sur les douanes, chapitre C-40 des Statuts revisés du Canada de 1970, est supérieure à 10 000 $, est assujetti aux droits et aux taxes autrement prescrits sur la partie de la valeur imposable qui dépasse 10 000 $; et

b)toutes marchandises importées en vertu du présent numéro qui sont vendues ou d'autre façon aliénées dans les douze mois qui suivent leur importation sont assujetties aux droits et aux taxes autrement prescrits.

FAITS

Il s'agit d'un appel sous l'article 67 de la Loi sur les douanes, S.C. 1986, ch. 1 (la Loi) à l'encontre d'une décision de l'intimé datée du 9 septembre 1987, classifiant une Volkswagen Scirocco 1987, modèle 533 7J4, importée sous la déclaration d'entrée de Montréal, A536072 du 16 février 1987, sous le numéro tarifaire 43803-1 comme automobiles, n.d. L'appelant prétend que cette automobile devrait être classée sous le numéro tarifaire 70320-1 comme un bien importé par un ancien résident du Canada, et acheté par lui pour son usage personnel ou domestique et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

L'appel, étant la continuation de procédures engagées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur S.C., 1988, ch. 56, (la nouvelle Loi), est mené à terme par le Tribunal canadien du commerce extérieur en vertu de l'article 60 de la nouvelle Loi.

Les parties demandent au Tribunal de trancher la question suivante : l'appelant rencontre-il tous les critères énoncés au numéro tarifaire 70320-1?

Pour être classifiée sous ce numéro tarifaire, la Volkswagen Scirocco doit :

a) avoir été importée par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays après une absence d'au moins une année;

b) avoir été acquise par lui;

c) avoir été acquise par lui pour son usage personnel ou domestique;

d) lui avoir effectivement appartenue à l'étranger;

e) et avoir été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

À l'audience, la représentante de l'intimé a reconnu que l'appelant rencontrait tous les critères du numéro tarifaire 70320-1, à l'exception de la disposition sur la possession et l'usage de l'automobile pendant au moins six mois.

L'appelant a offert au Tribunal son témoignage. Ancien résident canadien, il travaille en Arabie Saoudite pour le compte de Bell Canada International Inc. de mai 1984 à la fin de novembre 1986. Durant son séjour à l'étranger, il fait l'acquisition en Europe d'une Volkswagen Scirocco 1987, neuve. Le paiement final est effectué le 9 mai 1986 et l'appelant prend possession de l'automobile à Osnabruck en Allemagne fédérale le 12 mai 1986.

Ayant acheté l'automobile avec l'intention de l'utiliser éventuellement en Amérique du Nord, l'appelant, par l'entremise du TASP (Tourist Automobile Shipping Programme for North America), fait faire les modifications techniques nécessaires à sa Volkswagen pour que celle-ci rencontre les exigences canadiennes.

L'appelant utilise sa voiture pour visiter l'Allemagne, la Hollande et la Belgique entre les 12 et 21 mai 1986, date à laquelle il laisse son automobile à Amsterdam pour entreposage.

L'appelant a expliqué au Tribunal qu'il n'a pas utilisé son véhicule entre le 21 mai et le 21 décembre 1986. Il a, par un contrat de transport, fait livrer l'automobile de Amsterdam via Emden à Albany (New-York), où il en a pris possession le 21 décembre 1986. Entre cette date et le 24 décembre, l'appelant utilise la Scirocco pour voyager aux États-Unis et retourner à Montréal pour Noël. L'odomètre de l'automobile inscrit alors 4 000 kilomètres.

L'appelant soumet une déclaration abrégée d'importation au bureau des douanes de Montréal et paie les droits dus, le 16 février 1987. L'automobile est alors classée sous le numéro tarifaire 43803-1. Il dépose une demande de révision qui est rejetée par l'agent des douanes le 2 juin 1987. L'appelant demande alors à l'intimé de réexaminer son dossier. Ce dernier confirme le 9 septembre 1987 la classification de l'automobile sous le numéro tarifaire 43803-1, car l'appelant ne rencontre pas les exigences de possession et d'usage du numéro tarifaire 70320-1.

Devant ce refus, l'appelant en appelle à la Commission du tarif le 9 décembre 1987.

QUESTION EN LITIGE

L'audition de cet appel a permis d'identifier le noeud gordien du litige. L'appelant a-t-il eu l'automobile en sa possession et à son usage personnel ou domestique au moins six mois avant son retour au Canada?

L'appelant prétend rencontrer toutes les exigences cumulatives du numéro tarifaire 70320-1. Il invoque le mémorandum D2-3-2 entré en vigueur le 3 septembre 1981 et publié par le ministère du Revenu au soutien de ses arguments. Plus particulièrement, il réfère le Tribunal aux paragraphes 12 et 13 de ce document :

12. Possession signifie le contrôle réel et physique des marchandises qui sont tous les jours à la disposition de la personne pendant qu'elle vit à l'étranger.

13. Usage requiert la mise en service des marchandises aux fins desquelles elles ont été conçues ou fabriquées.

L'appelant a acquis, enregistré et assuré l'automobile en son nom. Il a, en tout temps, eu le contrôle du véhicule entreposé. N'ayant cédé aucun droit sur l'automobile, l'appelant a conservé en tout temps les clés du véhicule et pouvait, à son gré, le sortir de l'entrepôt pour ses déplacements. La distance entre le lieu de l'entreposage et le lieu de travail de l'appelant n'affecte pas le titre de propriété. Le manque d'accessibilité est la seule limite reconnue par l'appelant lorsque ce dernier examine la notion de possession.

Eu égard à l'usage du véhicule, l'appelant soumet avoir utilisé la Volkswagen avant de la laisser à l'entrepôt et après en avoir repris possession à Albany (New-York), soit plus de sept mois après en avoir fait l'acquisition. Le mémorandum D2-3-2 ne spécifiant aucune fréquence d'utilisation du bien, l'appelant demande au Tribunal de casser la décision de l'intimé et de classer le véhicule sous le numéro tarifaire 70320-1.

La représentante de l'intimé souligne l'admission de l'appelant quant à son intention lors de l'achat de l'automobile. Puisqu'il a acheté la Volkswagen dans le but de l'expédier en Amérique du Nord et qu'il n'a jamais eu l'intention de l'utiliser en Arabie Saoudite, l'appelant s'est assuré que le véhicule rencontrait les exigences canadiennes.

De plus, selon l'intimé, pendant la période d'entreposage l'appelant n'avait pas à sa disposition ni ne pouvait utiliser son automobile. Il n'avait pas le contrôle réel et physique du véhicule, lequel n'était pas à sa disposition tous les jours pendant qu'il était en Arabie Saoudite. Pendant cette même période, l'appelant ne pouvait pas se servir du bien en litige pour ses besoins personnels et domestiques et aux fins desquels il a été conçu, soit de permettre à son propriétaire de se déplacer d'un endroit à un autre.

L'intimé considère qu'entre la date d'acquisition, au mois de mai 1986, et la date d'entrée de l'automobile au Canada, à la fin de décembre 1986, l'appelant n'a pas eu en sa possession et à son usage la Volkswagen Scirocco pour au moins six mois.

DÉCISION

Le Tribunal s'appuie sur la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Gustavson Drilling (1964) Limited c. Le ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, où le principe de base sur les questions d'exemption est énoncé. Le juge Dickson écrit à la page 277 de la décision :

Avant d'examiner les prétentions rivales, il convient de formuler quelques remarques. La première porte sur le fardeau incombant au contribuable qui se prévaut d'une exemption. Il doit établir clairement que son cas s'insère dans l'exemption réclamée : The Assessment Commissioner of the Corporation of the Village of Stouffville c. The Mennonite Home Association of York County et The Corporation of the Village of Stouffville2, à la p. 194. 2([1973] R.C.S. 189)

Dans le cas présent, l'appelant doit démontrer au Tribunal qu'il rencontre tous les critères du numéro tarifaire 70320-1 pour bénéficier de l'exemption.

Tel qu'admis par l'intimé, les seuls éléments litigieux de l'énoncé du numéro tarifaire applicable sont la possession et l'usage de l'automobile pendant au moins six mois.

Eu égard au terme usage, le numéro tarifaire le qualifie de personnel ou domestique. L'appelant doit donc convaincre le Tribunal qu'il a eu son automobile pour son usage personnel ou domestique pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

Le mot usage est défini dans le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française publié par Le Robert comme :

I.aLe fait d'appliquer, de faire agir [...]

bMise en activité effective [...] activité, exercice, fonctionnement.

c [...] Mettre en usage : se servir effectivement de ..., faire agir, faire fonctionner en vue d'un certain résultat.

Cette définition établit clairement le paramètre du mot usage : la mise en activité effective.

Les parties ont cité la décision de la Commission du tarif dans Mrs. F. Abtahi, M.D. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 12 R.C.T. 600. Les faits et numéros tarifaires de cet appel sont très différents du présent litige. Entre autres, la notion de durée de l'usage du bien est inexistante. Il n'en demeure pas moins que la Commission du tarif a décidé que le fait de s'être familiarisé avec la conduite d'une automobile ne correspond pas à l'utilisation ultime du bien. La Commission écrit aux pages 608 et 609 de la décision :

Étant donné les éléments de preuve présentés à la Commission et l'analyse effectuée ci-avant du sens donné au mot use (ou au verbe français "servir") dans le contexte du numéro tarifaire 70505-1, je conclus que l'appelante n'a pas utilisé le véhicule en question avant d'immigrer au Canada. L'appelante s'est effectivement familiarisée avec la conduite de l'automobile en question, mais ce, à la fin expresse de lui permettre ultérieurement de pouvoir l'utiliser aux fins prévues, à savoir le transport de personnes et de marchandises d'un endroit à un autre.

Dans le cas présent, l'appelant s'est servi de sa Volkswagen en Europe entre les 12 mai et 21 mai 1986 puis aux États-Unis entre le 21 décembre et la date de son retour au Canada, le 24 décembre 1986. Bien qu'il aurait pu se servir de son automobile en tout temps, l'appelant a choisi de ne pas le faire et ce pour des raisons évidentes d'ordre économique et pratique, le véhicule étant en Hollande tandis qu'il travaillait en Arabie Saoudite. De plus, l'appelant a admis ne pas avoir utilisé sa Volkswagen entre le 21 mai et le 21 décembre 1986. L'appelant a donc utilisé et mis en activité effective le véhicule pour une durée inférieure aux six mois prescrits.

Le paragraphe 13 du mémorandum D2-3-2, mémorandum cité par les parties, offre une interprétation parallèle au soutien de la décision du Tribunal. Le juge Dickson fait référence à la valeur des documents administratifs dans l'arrêt Nowegijick c. R., [1983] 1 R.C.S. 29, à la page 37 de sa décision. Il écrit :

Les politiques et l'interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un «facteur important»...

L'usage requiert donc la mise en service du bien aux fins duquel il a été conçu ou fabriqué. Entreposer l'automobile pour plus de six mois ne correspond pas à l'usage personnel ou domestique de ce bien destiné à transporter des individus d'un endroit à un autre. De plus, l'appelant a expliqué au Tribunal qu'il n'a utilisé l'automobile qu'à deux reprises, soit pendant 10 jours en mai 1986 pour visiter quelques pays d'Europe et pendant quatre jours en décembre 1986, lors de son séjour aux États-Unis. Cet usage, d'environ 14 jours, ne correspond en rien au critère législatif d'usage pendant six mois.

Le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas eu sa Volkswagen Scirocco 1987 pour son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

Puisque les critères énoncés au numéro tarifaire 70320-1 sont cumulatifs et puisque l'appelant ne rencontre pas l'exigence d'usage de ce numéro tarifaire, le Tribunal n'a pas besoin de se prononcer sur la question de la possession.

L'appel est rejeté.


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Publication initiale : le 1 août 1997