STOCHEM INC.

Décisions


STOCHEM INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appels nos 2957 et 2989

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 29 janvier 1990

Appels nos 2957 et 2989

EU ÉGARD À un appel entendu les 18 et 19 juillet 1989, en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, chap. 1 (2e Suppl.);

ET EU ÉGARD AUX décisions du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en date du 19 février 1987 et du 31 mars 1988 concernant des demandes de réexamen présentées en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

STOCHEM INC.Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que les carbonates de calcium précipités enrobés d'acide stéarique devraient être classés dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... », et non dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes... : Autres que ce qui suit», comme le déclarait l'intimé.


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Kathleen E. Macmillan ______ Lathleen E. Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Tarif des douanes - Classement tarifaire - Déterminer si les carbonates de calcium précipités enrobés d'acide stéarique devraient être classés dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes...: Autres que ce qui suit», ou dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates...: Autres que ce qui suit...» - Sens du mot «stabilisant» - Déterminer si l'article 11 du nouveau Tarif des douanes est une disposition déclaratoire.

DÉCISION: L'appel est admis. Le Tribunal conclut que l'acide stéarique stabilise les propriétés du carbonate de calcium précipité. L'ajout d'un stabilisant est indispensable pour conserver les propriétés du produit en cause et ne modifie pas sa nature fondamentale pour en faire quelque chose d'autre que du carbonate de calcium précipité. En conséquence, le produit en cause devrait être classé dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates...: Autres que ce qui suit...». Le Tribunal conclut de plus que l'article 11 du nouveau Tarif des douanes n'est pas une disposition déclaratoire et ne s'applique pas rétroactivement. L'article s'applique aux marchandises importées à compter du 1erjanvier1988.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Les 18 et 19 juillet 1989 Date de la décision : Le 29 janvier 1990
Membres du jury : W. Roy Hines, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Kathleen E. Macmillan, membre
Avocat du Tribunal : Ginette Collin Greffier du Tribunal : Molly C. Hay
Ont comparu : Donald A. Petersen, pour l'appelante Michèle Joubert, pour l'intimé
Jurisprudence : Omya, Inc. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1986), 11 R.C.T. 550; Ener-Gard Energy Products Inc. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1987), 12 R.C.T. 531; Dowell Schlumberger Canada Inc. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1987), 12 R.C.T. 499; Gravel c. Cité de St-Léonard [1978], I R.C.S. 660; Canadian General Electric Company Limited c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1988), 13 R.C.T. 15; Philips v. Eyre (1870), L.R. 6 Q.B.; BASF Canada Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1974), 6 R.C.T. 41.
Lois et règlements cités : Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, chap. 1 (2 e Suppl.), art. 63 et 67; Tarif des douanes, L.R.C. 1985, chap. C-54, art. 40 et Annexe II, numéros tarifaires 92842-1 et 93819-1; Tarif des douanes, L.R.C. 1985, chap. 41 (3 e Suppl.), art. 10, 11, 136, 137 et 139; Règles régissant l'interprétation tarifaire des produits chimiques et des matières plastiques, C.R.C. 1978, chap. 518, parag. 9(1); Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C. 1988, chap. 56, art. 60.
Dictionnnaires cités : Glossary of Chemical Terms, 2 e édition, Van Nostrand Reinhold Company, New York; Dictionary of Scientific and Technical Terms, 4 e édition, McGraw-Hill Book Company; Hawley's Condensed Chemical Dictionary, 11 e édition, Van Nostrand Reinhold Company, New York; The Oxford English Dictionary, 2 e édition, Vol. XVI, Clarendon Press, Oxford.
Auteur cité : Driedger, E.A., Construction of Statutes [1983].
Rapport cité : Rapport de la Commission du tarif portant sur l'enquête commandée par le ministre des Finances sur les produits chimiques, Vol. 4, Partie II, Observations d'ordre général, renvoi n o 120, 1967.
Mémorandum cité : D10-12-6.





RÉSUMÉ

L'appel est interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) et porte sur le classement tarifaire des carbonates de calcium précipités Ultra-Pflex et Super-Pflex 200 importés au Canada le 11 décembre 1986 en provenance des États-Unis et les carbonates de calcium précipités Super-Pflex 200, Ultra-Pflex et Multifex SC importés au Canada les 15 décembre 1986, 14 mai 1987 et 28 mai 1987 en provenance des États-Unis. L'appelante veut obtenir une déclaration selon laquelle les carbonates de calcium soient classés dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... ». L'intimé a classé les marchandises dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes... : Autres que ce qui suit».

Dans le présent litige, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) doit déterminer si les carbonates de calcium enrobés d'un acide stéarique sont des composés de constitution chimique définie additionnés d'un stabilisant indispensable à leur conservation ou à leur transport. Dans l'affirmative, ils ne seront pas exclus du Chapitre 928, Groupe XII du Tarif des douanes en vertu du paragraphe 9(1) des Règles régissant l'interprétation tarifaire des produits chimiques et des matières plastiques [2] (les Règles d'interprétation).

L'appel est admis. Les définitions du mot «stabilisant» (stabilizer dans les dictionnaires anglais) de même que les éléments de preuve présentés à l'audience indiquent que l'acide stéarique constitue un stabilisant des propriétés du carbonate de calcium précipité. Le Tribunal considère que l'ajout de l'acide stéarique est indispensable à la conservation des propriétés d'écoulement libre et de l'état sec du produit en cause. Selon le Tribunal, l'ajout ne modifie pas les produits en cause pour en faire quelque chose d'autre que du carbonate de calcium précipité et, par conséquent, les produits devraient être classés dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... ».

Quant à l'affirmation de l'intimé que l'article 11 du nouveau Tarif des douanes est une disposition déclaratoire qui s'applique rétroactivement, le Tribunal déclare que l'article 11 ne peut pas s'appliquer rétroactivement et n'a pas été rédigé à cette fin. Le nouveau Tarif des douanes s'applique uniquement au futur et aux marchandises importées à compter du 1er janvier 1988.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions pertinentes au présent appel sont les suivantes :

Tarif des douanes [3]

Numéros tarifaires

92842 - Carbonates et percarbonates, y compris le carbonate d'ammonium du commerce contenant du carbamate d'ammonium:

92842-1 Autres que ce qui suit

...

93819- Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (sans comprendre celles consistant en mélanges de produits naturels autres que les charges composites pour peintures), n.d.; produits résiduaires des industries chimiques ou des industries connexes, n.d.; à l'exclusion du savon, des préparations pharmaceutiques, des arômes, des parfums, des cosmétiques ou des préparations de toilette:

93819-1 Autres que ce qui suit

Tarif des douanes [4]

40(1) Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement les règles d'interprétation des diverses désignations de marchandises figurant au groupeXII de l'annexeII, indiquées sous la désignation de groupe «Produits des industries chimiques et des industries connexes, matières plastiques», ainsi que des notes explicatives pour aider à résoudre les conflits ou les questions les concernant.

Règles régissant l'interprétation tarifaire des produits chimiques et des matières plastiques

Chapitre 928

Produits chimiques inorganiques; composés inorganiques ou

organiques de métaux précieux, de métaux des terres rares,

d'éléments radioactifs et d'isotopes

9(1) Sous réserve des exceptions résultant du libellé de certaines de ses positions, les positions du chapitre 928 s'appliquent seulement

a) aux éléments chimiques ou aux composés de constitution chimique définie, présentés isolément, que ces produits contiennent ou non des impuretés;

b) aux solutions aqueuses des produits de l'alinéa a) ci-dessus;

c) aux autres solutions des produits de l'alinéa a) ci-dessus, pour autant que ces solutions constituent un mode de conditionnement usuel et indispensable, exclusivement motivé par des raisons de sécurité ou par les nécessités du transport et que le solvant ne rende pas le produit apte à des emplois particuliers plutôt qu'à son emploi général; et

d) aux produits des alinéas a), b) ou c), additionnés d'un stabilisant indispensable à leur conservation ou à leur transport.

LES FAITS

Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi de deux décisions du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), datées respectivement du 19 février 1987 et du 31 mars 1988, et portant sur le classement de certains produits importés par l'appelante. Ces produits appelés Ultra-Pflex, Super-Pflex 200 et Multifex SC, qui sont des carbonates de calcium précipités enrobés d'un acide stéarique (les marchandises en cause), ont été classés par l'intimé dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes... : Autres que ce qui suit». L'appelante veut que le Tribunal déclare que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... ».

L'appel a initialement été interjeté auprès de la Commission du tarif, mais il a été confié au Tribunal en application de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [5] , et celui-ci l'a mené à terme.

Les marchandises en cause ont été importées par l'appelante, Stochem Inc. (Stochem), de Dorval (Québec), de Pfizer Inc. (Pfizer) d'Adams au Massachusetts, États-Unis, le 11 décembre 1986, numéro d'entrée H104601; le 15 décembre 1986, numéro d'entrée A214389; le 14 mai 1987, numéro d'entrée A034277 et le 28 mai 1987, numéro d'entrée A047491.

Au moment de la déclaration, l'appelante a indiqué le numéro tarifaire 93819-1. En vertu de l'article 63 de la Loi, l'appelante a demandé, le 17 février 1987 et le 4 novembre 1987, un réexamen du classement tarifaire pour que les marchandises soient classées dans le numéro 92842-1 et non 93819-1 (formules KM09164, KH338C, KH340C et KH337C). En vertu de l'article 63 de la Loi, le Sous-ministre a rendu, le 19 février 1987 et le 31 mars 1988, des décisions selon lesquelles les marchandises étaient classées dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes... : Autres que ce qui suit». Les décisions du Sous-ministre indiquent ce qui suit :

Ces produits contiennent de l'acide stéarique, ce qui est un mélange délibéré, et sont donc exclus du Chapitre 928 du Groupe XII en vertu de la règle 9(1)a) du chapitre. Les marchandises sont classées dans le numéro tarifaire 93819-1.

Le paragraphe 9(1)a) des Règles régissant l'interprétation tarifaire des produits chimiques et des matières plastiques vise les composés de constitution chimique définie, présentés isolément, du Chapitre 928 additionnés d'un stabilisant indispensable à leur conservation ou à leur transport. Les points soumis au comité d'examen du Sous-ministre ont été notés, cependant, le carbonate de calcium est, d'après les définitions de dictionnaires chimiques, une des matières les plus stables, les plus courantes et les plus largement répandues. L'ajout d'un acide stéarique est considéré comme un mélange délibéré et non indispensable au transport et à la conservation.

Par ailleurs, le carbonate de calcium est exclu de la position 28.36 du Système harmonisé lorsqu'il se présente sous forme de poudre dont les particules sont enrobés d'une pellicule hydrofuge d'acides gras (acide stéarique, par exemple). (traduction)

L'appelante a présenté des avis d'appel le 9 mars 1988 (appel no 2957) et le 14 avril 1988 (appel no 2989), en vertu de l'article 67 de la Loi. L'appelante soutient que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 92842-1. Les deux appels ont été entendus en même temps puisque les marchandises en cause étaient considérées comme étant similaires.

À l'audience, l'avocat de l'appelante a convoqué quatre témoins. Le premier était M. David J. Stock, fondateur, propriétaire et président de Stochem, société de vente et de commercialisation qui s'occupe de la distribution de produits chimiques industriels, de produits chimiques spécialisés et de minéraux pour les fabricants de peinture, d'encre d'imprimerie, de matières plastiques et d'adhésifs à caoutchouc et pour l'industrie de transformation du papier. D'après son témoignage, les carbonates de calcium précipités sont dérivés d'un carbonate de calcium naturel, habituellement du calcite, de la craie ou du calcaire, qui est un produit de l'industrie minière. Par un procédé de précipitation, on obtient une particule beaucoup plus fine. C'est la particule fine, de dimension moyenne de 0,07 microns, qui est enrobée d'acide stéarique. L'enrobage en surface empêche l'humidification par l'air ainsi que la coagulation des particules, permet l'écoulement libre et stabilise les particules en la forme qu'elles avaient immédiatement après la transformation. Les propriétés des peintures, des encres ou des composés de matières plastiques dans lesquels elles sont utilisées varient selon la dimension des particules.

Le témoin a expliqué que l'appelante vendait à l'industrie des carbonates de calcium précipités naturels moulus, traités et non traités. Lors du contre-interrogatoire, il a admis que le produit traité se vendait plus cher que le produit non traité et que certains clients achetaient les carbonates de calcium traités en fonction de propriétés particulières. Le Tribunal a interrogé le témoin sur les caractéristiques physiques du produit avant le traitement. M. Stock a indiqué qu'à la production, le produit est une poudre sèche, amorphe, extrêmement fine et à écoulement libre, mais qui, par la suite, absorbe l'humidité et s'agglomère.

Le deuxième témoin convoqué au nom de l'appelante était M. Jeffrey Whalen, ingénieur de projet pour le transport pneumatique, au service du département de recherche de Fuller Company, société située à Bethlehem en Pennsylvanie aux États-Unis. Il a déclaré que Pfizer a demandé à Fuller Company d'effectuer des tests sur deux matières : la première était Albaglos, un carbonate de calcium précipité; la deuxième, Super-Pflex, un carbonate de calcium précipité additionné d'acide stéarique. On lui a demandé d'effectuer plusieurs tests sur ces matières pour déterminer les caractéristiques d'écoulement. À la page 8 de son rapport du 7 novembre 1988, pièce A-4, on peut lire :

Les tests confirment que le Super Pflex (R) se manipule effectivement mieux que l'Albaglos (R) à l'état fluide. Le Super Pflex s'est retiré environ cinq fois plus vite de la cuvette d'essai sans voûtage et sans qu'il soit nécessaire de donner des petits coups de baguette. Les tests pneumatiques ont confirmé ce fait, puisque l'Albaglos (R) n'a pas été déplacé du tout. (traduction)

Lors du contre-interrogatoire, le témoin a déclaré que le Super-Pflex coulait mieux que l'Albaglos lors des tests parce que l'acide stéarique était ajouté comme un enrobage. Il a ajouté qu'il considérait le traitement comme l'ajout d'un antimassant.

Le troisième témoin convoqué au nom de l'appelante était M. Saul Gobstein, ingénieur en chimie et membre de la Society of Plastic Engineers, au service de Sa-Go Associates, sa propre entreprise de consultation et de formation. Il a environ 40 ans d'expérience dans l'industrie des matières plastiques. Il a témoigné que le carbonate de calcium enrobé d'un acide stéarique était utilisé dans la fabrication de plastisol et de polychlorure de vinyle flexible et rigide (PCV), surtout pour améliorer les caractéristiques physiques du produit, comme sa résilience. Il a signalé qu'en plus des industries des PCV et du plastisol, d'autres industries utilisent le carbonate de calcium enrobé d'acide stéarique, par exemple l'industrie alimentaire et l'industrie des cosmétiques. À son avis, l'acide stéarique sert à une fin seulement : garder séparées les petites particules; même si le carbonate de calcium est enrobé d'acide stéarique, il s'agit toujours d'un carbonate de calcium, un composé de constitution chimique définie, présenté isolément. Le témoin était d'avis que l'acide stéarique conserve le carbonate de calcium dans l'état où il se trouvait immédiatement après la transformation. Il a ajouté que s'il était possible d'utiliser le carbonate de calcium immédiatement après la transformation, il ne serait pas nécessaire d'ajouter l'acide stéarique pour obtenir les résultats désirés.

Le dernier témoin convoqué au nom de l'appelante était M. Toomas Kilp, docteur en chimie physique au service d'Ortech International, le plus important organisme de recherche et de développement indépendant travaillant par contrat au Canada. M. Kilp est responsable de trois secteurs d'activité : la chimie des polymères, la microscopie de l'électron et les applications du laser.

Il a précisé que la caractéristique d'écoulement libre du carbonate de calcium est d'une importance capitale dans les techniques modernes de transformation. Il a expliqué comme suit les diverses propriétés d'écoulement des deux produits de carbonate de calcium précipité testés par M. Whalen : les différences notées par M. Whalen se rapportent, à l'échelle microscopique, à la structure de réseau à trois dimensions établie entre les particules en raison de leur attraction mutuelle et de leur teneur en humidité. Pour que la poudre coule, ces structures doivent être décomposées, ce qui se fait par l'enrobage des particules avec un acide stéarique.

M. Kilp a de plus ajouté que l'acide stéarique et le stéarate de calcium sont des entités de constitution chimique définie présentés isolément qui ont leurs propres caractéristiques physiques et chimiques. Lorsqu'on lui a demandé si le carbonate de calcium et l'acide stéarique réagissaient ensemble pour produire du stéarate de calcium, il a répondu qu'il n'existait aucun élément de preuve expérimental et scientifique pour conclure qu'il y a une réaction chimique quelconque entre les deux.

Le témoin a décrit un test appelé diffraction des rayons X, qu'il a effectué sur le carbonate de calcium non enrobé et enrobé. Il a présenté comme preuve un rapport intitulé «X-Ray Diffraction of Calcium Carbonates», pièce A-6. Ce test lui a permis de conclure qu'il n'y avait pas de différence, en ce qui a trait à l'empreinte chimique, entre les matières enrobées et non enrobées. Quant aux propriétés physiques ou chimiques des deux carbonates de calcium, il a signalé qu'il y a une seule différence : le carbonate de calcium additionné d'un acide stéarique a une surface hydrophobe. Le témoin a expliqué que cette caractéristique empêche l'absorption de l'humidité de l'atmosphère, et que la matière reste ainsi stabilisée sous forme de poudre à écoulement libre, comme elle l'était immédiatement après la fabrication. À son avis, le carbonate de calcium doit être enrobé pour la conservation ou le transport, sinon il absorbera l'humidité atmosphérique, et les particules séparées qui s'écoulaient librement formeront un pain, ce qui complique le traitement.

L'avocat de l'intimé a convoqué trois témoins. Le premier, M. Louis L'heureux, chimiste depuis 1972 au Service des travaux scientifiques et de laboratoire, ministère du Revenu national, Douanes et Accise (le Ministère), et maintenant chef de la Section des produits inorganiques, a expliqué l'historique du Tarif canadien avant le 1er janvier 1988 et particulièrement du Groupe XII du Tarif des douanes qui se rapporte aux produits des industries chimiques et des industries connexes, matières plastiques. Il dit que le Chapitre 928, qui fait l'objet du présent appel, s'applique aux produits inorganiques purs, autrement appelés «éléments chimiques et composés de constitution chimique définie présentés isolément». Selon lui, toutes les molécules d'un même produit doivent être identiques; par contre, aucun produit n'est pur à 100 p. 100. Ainsi, certaines différences sont toujours permises, par exemple, les impuretés résultant de la fabrication, l'eau, le solvant organique, s'il faut l'utiliser, et les stabilisants indispensables à la conservation ou au transport. Le paragraphe 9(1) des Règles d'interprétation permet ces divergences.

Parce que le témoin était d'avis que la documentation n'était pas claire sur le sens de «stabilisant», il a soumis au Tribunal le Mémorandum D10-12-6 du Ministère en date du 1er juillet 1982, pour mieux expliquer le sens de «stabilisant». Le Mémorandum explique l'article 9 des Règles d'interprétation. Selon le témoin, l'alinéa 2a)(4) des Notes explicatives du mémorandum illustre bien sa perception du mot «stabilisant» dans le contexte du Chapitre 928. Le paragraphe se lit comme suit :

(4) Sont également à considérer comme stabilisants les substances qui sont ajoutées à certains produits chimiques afin de les maintenir dans leur état physique initial, à la condition que la quantité ajoutée ne dépasse pas celle nécessaire à l'obtention du résultat recherché et que cette addition ne modifie pas le caractère du produit de base et ne le rende pas apte à des emplois particuliers plutôt qu'à son emploi général. Les produits du présent chapitre peuvent notamment, au bénéfice des dispositions qui précèdent, être additionnés de substances antimassantes. Les produits auxquels ont été ajoutées des substances hydrophobes en sont en revanche exclus, une telle addition modifiant les caractéristiques du produit initial.

Lors du contre-interrogatoire, le témoin a indiqué que l'addition de l'acide stéarique au carbonate de calcium modifie le caractère du produit de base et est plus qu'un stabilisant. À son avis, la nature polaire du produit est entièrement modifiée en raison de l'interaction en surface. Le centre de la particule n'est pas modifié, mais la surface, qui représente de un à trois pour cent du produit total en poids, et la réaction ont été modifiées. Le témoin a précisé qu'il y a, à la surface de la particule, une réaction chimique entre l'acide stéarique et le carbonate de calcium qui a pour effet de rendre le produit hydrophobe et, donc, en modifie le caractère de base.

Le deuxième témoin convoqué au nom de l'intimé était M. Alfred Rudin, titulaire d'un doctorat en chimie et professeur au département de chimie et d'ingénierie chimique de l'University of Waterloo. Il est aussi directeur associé de l'Institute for Polymer Research de l'University of Waterloo et chercheur principal pour l'Ontario Centre for Materials Research.

Le témoin a commenté la description des marchandises en cause en se basant sur les feuilles de données techniques publiées par Pfizer. D'après les caractéristiques des produits, il a conclu que les marchandises étaient conçues pour servir à des fins particulières dans l'industrie. Il a expliqué que, parce que les produits sont hydrophobes, il n'est pas économique de s'en servir dans les mélanges où les propriétés hydrophiles sont essentielles, par exemple, les peintures à base d'eau. Il était aussi d'avis que le traitement à l'acide stéarique n'était pas indispensable à la conservation et au transport du carbonate de calcium. Il a dit que si les carbonates de calcium étaient emballés dans des sacs de polyéthylène au lieu de sacs de papier kraft, cela empêcherait le produit de capter l'humidité.

Le dernier témoin au nom de l'intimé était M. Pierre Bataille, docteur en chimie et spécialiste dans le domaine des polymères. Il est actuellement professeur à l'École polytechnique de l'Université de Montréal et donne des cours en chimie physique, en chimie polymérique et en ingénierie polymérique. Il a corroboré le témoignage de M. L'heureux quant au fait que l'acide stéarique forme une couche simple de stéarate sur le carbonate de calcium et y est lié en permanence, ce qui signifie qu'une réaction chimique s'est produite. Il était aussi d'accord avec les deux témoignages précédents selon lesquels le traitement du carbonate de calcium à l'acide stéarique n'est pas une mesure de stabilisation pour la conservation ou le transport. À son avis, le produit est traité pour augmenter le niveau du produit de remplissage dans le produit définitif et pour diminuer la quantité d'énergie nécessaire pour forcer le mélange. Il a ajouté que, d'après son expérience, certains types de produits ont besoin du carbonate de calcium traité en raison de sa résilience et pour des raisons d'économie.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le présent litige, le Tribunal doit déterminer si les carbonates de calcium précipités enrobés d'un acide stéarique sont exclus du Chapitre 928, Groupe XII du Tarif des douanes en raison du paragraphe 9(1) des Règles d'interprétation. En effet, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause constituent des composés de constitution chimique définie présentés isolément du Chapitre 928, additionnés d'un stabilisant indispensable à leur conservation et leur transport. Dans l'affirmative, elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... » et non dans le numéro tarifaire 93819-1 en tant que «Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes... : Autres que ce qui suit».

Le mandataire de l'appelante a déclaré que l'acide stéarique stabilise le carbonate de calcium précipité non enrobé dans sa forme physique et est indispensable à la conservation et au transport. Selon le mandataire, l'acide stéarique maintient le carbonate de calcium à l'état initial de la fabrication. À l'appui de cette position, le mandataire a présenté des preuves scientifiques que l'enrobage d'un produit ne modifiait pas sa constitution chimique. Le mandataire a déclaré que le produit commence sous forme de carbonate de calcium et reste ainsi, et que le principe important qui a été énoncé dans la cause Omya, Inc. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] devrait s'appliquer dans le présent appel. Dans ladite cause, la Commission du tarif a conclu que l'addition d'acide stéarique au marbre moulu ne modifiait pas la nature fondamentale ni les caractéristiques principales de ce dernier.

Le mandataire de l'appelante a convenu que le carbonate de calcium précipité est un produit de l'industrie chimique et que l'acide stéarique le rend hydrophobe. Cependant, le mandataire a ajouté que les éléments de preuve démontrent que le produit enrobé d'acide stéarique coule plus facilement que le produit non enrobé. Sur ce point, le mandataire a renvoyé le Tribunal aux conclusions du rapport de M. Whalen.

Le mandataire a finalement allégué que, selon l'article 9 des Règles d'interprétation, la seule restriction à l'addition d'un stabilisant est que ce dernier doit être indispensable à la conservation ou au transport d'un composé de constitution chimique définie et présenté isolément. Sur ce point, le mandataire s'est reporté au témoignage de M. Gobstein selon lequel il n'était pas indispensable d'ajouter de l'acide stéarique au carbonate de calcium lorsque le produit peut être utilisé immédiatement après la fabrication; cependant, il est indispensable de stabiliser le produit à l'acide stéarique pour un usage ultérieur. Le mandataire de l'appelante a aussi insisté sur le fait que le Tribunal ne devrait consulter les Notes explicatives du Mémorandum D10-12-6 que s'il ne peut pas arriver à une décision en raison du manque de clarté de la législation et le mandataire a ajouté que la législation est claire.

Par contre, l'avocat de l'intimé a allégué que le traitement du carbonate de calcium à l'acide stéarique produit une réaction chimique au cours de laquelle une couche de stéarate de calcium est liée autour des particules. À son avis, les témoignages et les descriptions des produits en cause dans la documentation de Pfizer ont démontré, d'abord, que le caractère du produit de base a été modifié par la réaction chimique, puisque le produit est devenu hydrophobe et, deuxièmement, que le but premier du traitement stéarique est d'améliorer la dispersion du carbonate de calcium dans les systèmes polymériques.

L'avocat de l'intimé a déclaré que le carbonate de calcium est un produit très stable qui n'a pas besoin d'être stabilisé pour la conservation ou le transport, et que le produit traité est conçu pour servir à une fin très précise dans l'industrie des plastiques. Après l'enrobage, le produit est hydrophobe et ne peut pas être utilisé dans un système aqueux. En conséquence, il ne peut pas être utilisé de la même manière qu'avant le traitement.

L'avocat de l'intimé a ajouté que, d'après les éléments de preuve présentés, les produits en cause sont des produits chimiques. Quant au libellé du numéro tarifaire 92842-1, l'avocat a déclaré qu'il est différent des positions des autres parties du Tarif des douanes. Il fait partie du Groupe XII et, à ce titre, est entièrement différent des autres parties du Tarif. Sur ce point, l'avocat a signalé au Tribunal les parties pertinentes du Rapport de la Commission du tarif dans le renvoi no 120 [7] et la décision dans la cause Ener-Gard Energy Products c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] pour un aperçu de l'origine du Groupe XII. Ladite cause indique qu'en raison de l'origine des dispositions du Groupe XII, il convient, pour le Tribunal, de consulter les Notes explicatives pour interpréter la description des marchandises dans les numéros tarifaires.

L'avocat de l'intimé a aussi fait renvoi à la décision dans l'affaire Dowell Schlumberger Canada Inc. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] à l'appui de l'argument selon lequel le Mémorandum D10-12-6 est admissible comme élément de preuve, même s'il n'a pas été mis en oeuvre dans la législation, et qu'en conséquence, il convient de consulter l'alinéa 2a)(4) des Notes explicatives du Mémorandum à titre de guide d'interprétation. En se basant sur cet alinéa et sur les éléments de preuve, l'avocat a affirmé, premièrement, que le caractère du produit de base a été modifié par le traitement à l'acide stéarique, et, deuxièmement, que les produits sont conçus pour servir à une fin précise parce que le traitement leur confère une caractéristique particulière pour servir dans l'industrie des matières plastiques. Troisièmement, les produits auxquels on ajoute des substances hydrophobes sont exclus du Chapitre 928.

L'avocat de l'intimé a déclaré que, pour que les produits en cause entrent dans le Chapitre 928, il doit s'agir d'un carbonate et d'un composé de constitution chimique définie présenté isolément auquel peut s'ajouter un stabilisant s'il est indispensable au transport ou à la conservation. Cependant, si le stabilisant change le caractE8Šre du produit et le rend apte à servir à une fin particulière ou encore est une substance hydrophobe, alors ces produits ne peuvent pas entrer dans le Chapitre 928 et doivent entrer dans le Chapitre 938.

L'avocat conclut, finalement, que l'article 11 du nouveau Tarif des douanes [10] apporte des précisions sur l'interprétation à donner au Tarif. Selon l'avocat, l'article 11 est une disposition interprétative ou déclaratoire et la présomption de non-retroactivité de la disposition ne s'applique pas. En se basant sur cet argument, l'avocat affirme qu'en vertu du nouveau Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Système harmonisé), les positions 28.36 et 38.23 portant sur les produits chimiques en cause sont similaires aux positions 92842 et 93819. En conséquence, il est indispensable de se reporter aux Notes explicatives du Système harmonisé pour interpréter la position 92842. La note explicative de la position 28.36, qui est similaire à la position 92842, indique au numéro «(4) Carbonate de calcium précipité» que la position ne comprend pas «... le carbonate de calcium sous forme de poudre, dont les particules sont enrobées d'une pellicule hydrofuge d'acides gras (acide stéarique, par exemple) (no 38.23)». En conséquence, l'avocat a conclu que puisque la position 28.36 est presque identique à la position 92842, l'exclusion du carbonate de calcium enrobé d'acide stéarique de la position 28.36 est une indication claire que ce produit est aussi exclu de la position 92842 et devrait demeurer classé dans le numéro 93819-1, qui est similaire à la position 38.23 du Système harmonisé.

DÉCISION

Pour rendre une décision dans le litige en cause, le Tribunal doit déterminer si les produits chimiques qui font l'objet de cet appel contiennent un stabilisant indispensable à leur conservation ou à leur transport. Dans l'affirmative, ils devraient donc être classés dans le numéro tarifaire 92842-1. Afin de trancher le litige, le Tribunal doit d'abord décider s'il doit tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé pour interpréter le numéro tarifaire 92842-1. Selon l'avocat de l'intimé, il faut tenir compte du Système harmonisé pour interpréter le Tarif et classer les marchandises en cause. D'après l'intimé, l'article 11 du nouveau Tarif des douanes [11] impose ce renvoi. L'intimé a argué qu'il s'agit d'une disposition déclaratoire et, qu'en conséquence, elle s'applique rétroactivement. L'appelante n'a pas répondu à cet argument. Si l'argument est bien fondé, les marchandises en cause devront être classées dans le numéro tarifaire 93819-1 et non 92842-1 et le Tribunal devra trancher en faveur de l'intimé.

En raison de son importance, surtout dans le domaine des produits chimiques, le Tribunal étudiera ci-après cette question en profondeur. Pour apprécier le bien-fondé de ce raisonnement, il convient de faire l'historique législatif de l'article 11. La référence à l'historique législatif d'une disposition est admise quand elle peut servir à révéler l'intention qu'avait le législateur en la rédigeant. Comme l'a dit le juge Pigeon dans la cause Gravel c. Cité de St-Léonard [12] :

... La Législature a le pouvoir de décréter des lois ayant un effet rétroactif, y compris des lois déclaratoires (Voir Cusson c. Robidoux [(1977),1R.C.S. 650]). Cependant, cela ne se présume pas...

Quand une loi ne s'applique pas à un litige parce qu'elle est postérieure aux faits qui y ont donné naissance, on ne saurait en tirer aucune conclusion: M.F.F. Equities c. La Reine, [(1969) R.C.S. 595] (aux pp.598-599). L'historique d'une législation peut servir à l'interpréter parce que les textes antérieurs sont de nature à jeter de la lumière sur l'intention qu'avait le législateur en les abrogeant, les modifiant, les remplaçant ou y ajoutant... La situation est tout autre lorsque l'on est en présence d'une loi subséquente aux faits qui ont donné lieu au litige. La décision sur le sens de la législation antérieure est alors du ressort exclusif des tribunaux. En s'abstenant de donner au texte nouveau l'effet rétroactif ou déclaratoire, le législateur évite de se prononcer sur l'état antérieur du droit et laisse aux tribunaux le soin de le faire.

L'utilité de se reporter à l'historique législatif d'une disposition du Tarif des douanes a été reconnue par M. Bertrand, membre de la Commission du tarif, dans la décision Canadian General Electric Company Limited c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [13] , qui se reportait à la décision du juge Pigeon de la Cour suprême dans la cause Gravelc. Cité de St-Léonard susmentionnée.

Le Tarif antérieur au nouveau Tarif des douanes [14] ne mentionnait pas le Système harmonisé comme guide d'interprétation. Toutefois, le Tarif obligeait le Gouverneur en conseil à s'inspirer de la Nomenclature de Bruxelles pour aider à la formulation de règles et de notes explicatives pour l'interprétation des diverses désignations de marchandises du Groupe XII de l'Annexe II du Tarif des douanes [15] . Ce groupe s'applique aux produits des industries chimiques, des industries plastiques et des industries connexes. Il comporte plusieurs chapitres, dont le Chapitre 928 : «Produits chimiques inorganiques...». Ce dernier se divise en positions, dont la position 92842, et dont chacune contient un certain nombre de numéros tarifaires.

Le gouverneur en conseil a prescrit des règles pour l'interprétation du Groupe XII de l'Annexe II du Tarif des douanes [16] , à savoir les Règles d'interprétation. Le Tribunal note que, dans la cause actuelle, les r 8Šgles s'appliquant au Chapitre 928 du Groupe XII sont identiques aux Notes de chapitre visant le Chapitre 28 de la Nomenclature de Bruxelles, l'équivalent du Chapitre 928. L'article 40 du Tarif des douanes [17] autorise l'établissement des règles d'interprétation. Au moment où se sont déroulés les événements de la présente cause, le libellé suivant de l'article 40 était en vigueur :

40(1) Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement les règles d'interprétation des diverses désignations de marchandises figurant au groupeXII de l'annexeII, indiquées sous la désignation de groupe «Produits des industries chimiques et des industries connexes, matières plastiques», ainsi que des notes explicatives pour aider à résoudre les conflits ou les questions les concernant.

(2) Dans l'établissement des règles et des notes explicatives prescrites en conformité avec le paragraphe (1), le gouverneur en conseil s'inspire le plus possible de la Nomenclature pour la classification des marchandises dans les tarifs douaniers publiée par le Conseil de coopération douanière à Bruxelles, communément appelée: «Nomenclature de Bruxelles», comprenant les règles d'interprétation de cette nomenclature, les notes de sections et de chapitres et les positions, ainsi que les notes explicatives de la Nomenclature de Bruxelles publiées par ce conseil telles qu'elles sont modifiées, le cas échéant [18] .

La disposition a d'abord été introduite dans une modification de 1968 du Tarif des douanes [19] , par suite de conclusions de la Commission du tarif au cours d'une enquête concernant la nomenclature des produits chimiques demandée à la Commission du tarif par le ministre des Finances. Dans son rapport [20] au ministre, la Commission du tarif avait recommandé l'adoption, dans la mesure du possible, de la Nomenclature de Bruxelles concernant les produits chimiques. Cependant, la Commission du tarif a noté qu'il n'était pas possible d'arriver à une similitude parfaite entre leur proposition du Tarif des douanes canadien et la Nomenclature de Bruxelles. Dans son rapport, la Commission du tarif expliquait qu'elle éprouvait des difficultés à faire une correspondance parfaite entre les deux nomenclatures. Il n'était pas possible d'extraire la partie à suivre de la Nomenclature de Bruxelles d'un ensemble de parties intégrées étroitement les unes aux autres pour l'insérer dans le Tarif des douanes canadien. Un autre problème était la très grande différence entre la structure du Tarif des douanes et celle de la Nomenclature de Bruxelles. En effet, le Tarif des douanes canadien ne pouvait pas inclure tous les produits chimiques de la Nomenclature de Bruxelles et, inversément, certains produits classés dans le chapitre sur les produits chimiques du Tarif des douanes ne figurent pas dans la Nomenclature de Bruxelles. En résumé, selon la Commission du tarif, la correspondance entre les deux nomenclatures étaient loin d'être parfaite. La Commission du tarif a néanmoins recommandé que les modifications législatives envisagées au Tarif des douanes canadien suivent de près le libellé de la Nomenclature de Bruxelles.

Le Tribunal conclut qu'il ne faut pas supposer que tous les produits chimiques de la nomenclature du Tarif des douanes canadien sont tirés de la Nomenclature de Bruxelles. En conséquence, chaque cas doit être évalué en toute objectivité. La Commission du tarif, prédécesseur du Tribunal, avait adopté la même position dans de nombreuses circonstances.

Quant aux numéros tarifaires en cause, il semble que le Tarif des douanes canadien ait gardé, au cours des années, un libellé à peu près identique à celui de la Nomenclature de Bruxelles. Le libellé des positions 92842 et 93819 dans le Tarif des douanes canadien est similaire au libellé des positions 28.42 et 38.19 respectivement de la Nomenclature de Bruxelles. La similitude a été conservée dans le Système harmonisé. Le Tribunal note cependant que, selon la note explicative supplémentaire concernant la position 28.42 de la Nomenclature de Bruxelles, sur laquelle la position 92842 est fondée, la position n'exclut pas spécifiquement le carbonate de calcium précipité enrobé d'un acide stéarique comme elle le fait maintenant dans la note explicative correspondante du Système harmonisé, point revendiqué par l'intimé. Le libellé de l'exclusion décrite dans le Système harmonisé actuel est entièrement nouveau et n'existait pas au moment de l'importation des marchandises en cause au Canada. Le Tribunal note aussi que les motifs du Sous-ministre concernant l'exclusion des marchandises en cause du Chapitre 928 du Groupe XII mentionnent la nouvelle position 28.36 du Système harmonisé même si ladite position n'était pas en vigueur au moment de l'importation des marchandises en cause.

D'après le Tribunal, le libellé de l'article 40 du Tarif des douanes [21] n'imposait pas d'obligation de se reporter à la Nomenclature de Bruxelles pour interpréter le Tarif des douanes canadien. Telle qu'elle est rédigée, la disposition permettait plutôt l'établissement, par le Gouverneur en conseil, de règles d'interprétation des désignations des produits chimiques dans l'Annexe du Tarif des douanes [22] . À la suite des modifications apportées au Tarif des douanes [23] , les règles d'interprétation ont été prescrites, mais non les Notes explicatives. Un Mémorandum ministériel a plutôt été publié pour expliquer les règles d'interprétation et la nomenclature des produits chimiques de l'Annexe du Tarif des douanes [24] .

En 1987, le Canada a adopté un nouveau Tarif des douanes [25] . La loi a été sanctionnée le 18 décembre 1987 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1988. Le titre non abrégé de la loi se lit comme suit : «Loi concernant l'imposition de droits de douane ou d'autres droits, la mise en oeuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, l'exonération de divers droits de douane ou autres, comportant des mesures connexes et modifiant ou abrogeant certaines lois en conséquence».

Voici le libellé des articles 10 et 11 du nouveau Tarif des douanes [26] :

10. Le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire de l'annexe I est effectué, sauf indication contraire, conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et des Règles canadiennes énoncées à cette annexe.

11. Pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexeI, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière, organisme créé par la Convention portant création d'un Conseil de coopération douanière faite à Bruxelles le 15décembre1950 et à laquelle le Canada est partie.

La note en marge de l'article 11 est intitulée «Guides d'interprétation».

L'intimé a déclaré que ce nouvel article est une disposition déclaratoire qui doit s'appliquer rétroactivement. Pour établir le bien-fondé de ce raisonnement, il faut démontrer que la nouvelle disposition ne fait que préciser l'état antérieur du droit. À l'appui de ce raisonnement, l'intimé a fait un certain nombre de renvois à la jurisprudence. Ils ne seront cependant pas repris ici, parce que le Tribunal est d'avis qu'ils n'aideront pas à régler la question en litige. Il est plutôt nécessaire de prendre en considération la nature de la disposition déclaratoire et de déterminer s'il s'agit effectivement de la nature de l'article 11 du nouveau Tarif des douanes [27] .

Une disposition déclaratoire est décrite comme suit [28] :

Les lois à caractère déclaratoire sont des déclarations du Parlement sur l'état antérieur du droit. Elles sont donc rétroactives et s'appliquent par le fait même, et par dérogation au principe des droits acquis, aux transactions antérieures et aux litiges en cours. (traduction)

Le professeur Driedger a donné un exemple de loi rétroactive [29] :

Une loi rétroactive est facile à reconnaître parce qu'il doit y avoir une disposition qui modifie la loi telle qu'elle existait avant la sanction. Ainsi, par exemple, la Loi modifiant le Tarif des douanes, S.C. 1969-1970, chap.6, sanctionnée le 19 décembre 1969, prévoyait que les modifications au Tarif des douanes devaient être considérées comme étant entrées en vigueur le 4 juin 1969 (date du discours du budget du ministre des Finances) et s'étant appliquées aux marchandises importées après cette date; ainsi, un nouveau taux de droits, plus élevés, a été appliqué aux transactions antérieures, c'est-à-dire aux importations ayant eu lieu avant l'adoption de la Loi. (traduction)

Le nouveau Tarif des douanes [30] contient de nombreux indices selon lesquels la loi doit s'appliquer au futur. À l'article 139, on peut lire :

139. La présente loi entre en vigueur ou est réputée en vigueur le 1erjanvier 1988 et s'applique ou est réputée s'appliquer, d'une part, à toutes les marchandises dont il y est fait mention importées à compter de cette date et, d'autre part, aux marchandises déjà importées et qui n'ont pas fait, avant cette date, l'objet d'une déclaration en détail en application de l'article 32 de la Loi sur les douanes.

Il s'agit d'une indication claire que la loi s'applique au futur. Par ailleurs, l'article 136, intitulé «Rétroactivité», indique ce qui suit :

136(1) Les décrets et règlements d'application de la présente loi peuvent, s'ils comportent une disposition en ce sens, avoir un effet rétroactif et s'appliquer à une période antérieure à la date de leur prise, mais non antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

(2) Le paragraphe (1) cesse d'avoir effet dix-huit mois après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Si le Parlement avait voulu que l'article 11 s'applique rétroactivement, il l'aurait indiqué. Le soin apporté à la rédaction des articles 136 et 139 indique bien que le Parlement avait l'intention que la loi, ainsi que les règlements et décrets s'y rapportant, ne s'appliquent qu'à partir de la date d'entrée en vigueur.

Il existe une présomption de non-rétroactivité des lois. Cette présomption est un très vieux principe qui s'explique comme suit [31] :

Les lois rétroactives sont sans doute, à première vue, et contrairement au principe général qui veut que la législation régisse la conduite de l'homme lorsqu'elle est introduite pour une première fois, doivent porter sur des actes futurs et ne devraient pas modifier le caractère des transactions antérieures exécutées conformément aux lois existantes à l'époque... En conséquence, un tribunal ne peut pas appliquer rétroactivement de nouvelles lois concernant les droits, à moins d'indication précise en ce sens ou par déduction nécessaire indiquant qu'il s'agissait bien de l'intention du législateur. (soulignement ajouté)

(traduction)

Parce que la loi n'indique pas clairement qu'elle doit s'appliquer rétroactivement, il faudrait qu'il y ait déduction nécessaire indiquant qu'il s'agissait bien de l'intention du législateur pour appliquer rétroactivement la loi. Le Tribunal ne retrouve pas une telle déduction dans la loi, encore moins dans le libellé du nouvel article 11. Cette opinion est confirmée par l'historique législatif de la disposition.

L'historique de l'article indique clairement qu'il ne peut pas s'appliquer rétroactivement. Le Canada a adopté la Convention internationale sur le Système harmonisé en décembre 1986 seulement, et sa mise en oeuvre dans la législation canadienne s'est faite, explicitement, le 1er janvier 1988. L'historique législatif du Tarif des douanes fournit plusieurs indices permettant de conclure que le Parlement n'avait pas l'intention de se prononcer sur l'état antérieur de droit en adoptant l'article 11. Le Canada n'a jamais adhéré à la Convention qui créait la Nomenclature de Bruxelles. Il a plutôt maintenu une nomenclature tarifaire distincte. La loi n'a jamais contenu de disposition semblable à l'article 11. La Commission du tarif a reconnu cette situation dans de nombreux cas et, en se référant à la Nomenclature de Bruxelles, la Commission du tarif prenait soin de préciser qu'elle n'était pas liée par les Notes de la Nomenclature de Bruxelles [32] .

Dans ses recommandations, la Commission du tarif signalait au ministre des Finances que les deux nomenclatures n'étaient pas suffisamment compatibles pour permettre l'adoption intégrale par le Canada. La législation canadienne contenait cependant l'ancien article 18 qui accordait au Gouverneur en conseil la souplesse nécessaire dans les circonstances et lui conseillait de s'inspirer, le plus possible, de la Nomenclature de Bruxelles pour la rédaction des règles et des notes explicatives visant à faciliter l'interprétation du Groupe XII de l'Annexe II.

C'est seulement dans le nouveau Tarif des douanes [33] que le renvoi obligatoire au Système harmonisé a été introduit dans le nouvel article 11, c'est-à-dire après que le Canada a adhéré à la Convention internationale, a rédigé de nouveau son Tarif des douanes pour qu'il corresponde au système international et, de façon générale s'est mis en position de participer à l'approche de la nomenclature du Système harmonisé.

Pour ces raisons, le Tribunal ne peut pas accepter l'argument de l'intimé selon lequel l'article 11 du nouveau Tarif des douanes [34] est une disposition déclaratoire qui s'applique rétroactivement. L'article 11 n'a pas été conçu pour s'appliquer rétroactivement et ne peut pas être interprété ainsi. Prétendre le contraire obligerait le contribuable à appliquer le Système harmonisé au classement de toutes les marchandises importées. Or, il arrive qu'elles ne correspondent pas à la nomenclature du Système harmonisé. L'interprétation du Tarif des douanes serait alors tout à fait absurde et le législateur n'a pas pu envisager une telle conclusion. Le Tribunal interprète plutôt l'article 11 comme s'il s'appliquait au futur seulement et aux marchandises importées à compter du 1er janvier 1988 et interprète aussi l'ancien article 40 comme une obligation imposée au Gouverneur en conseil, avant le fait, pour que la rédaction des Règles et Notes explicatives suive le plus possible seulement la Nomenclature de Bruxelles. Cette situation accordait au Gouverneur en conseil la flexibilité nécessaire pour maintenir l'intégrité de la nomenclature du Tarif des douanes canadien lorsque cela était indispensable et obligatoire selon les circonstances.

Cela n'a pas pour effet d'empêcher le Tribunal de consulter les Notes explicatives du Système harmonisé à titre de guide d'interprétation. Cependant, il n'y est tenu par aucune disposition législative dans le cas présent. Il peut s'y référer uniquement lorsque cela ne le conduirait pas à une interprétation absurde du Tarif des douanes canadien.

Dans ce cas-ci, il y a véritablement eu un changement entre les Notes explicatives de la Nomenclature de Bruxelles et celles du Système harmonisé. La Nomenclature de Bruxelles ne contenait pas l'exclusion additionnelle concernant les produits chimiques en cause qu'on retrouve maintenant dans les Notes explicatives du Système harmonisé. Cela signifie donc qu'au moment de l'importation de ces marchandises au Canada, le Tarif des douanes canadien et la Nomenclature de Bruxelles ne faisaient aucune mention du classement précis des marchandises.

Il reste au Tribunal de décider si les produits chimiques en cause contiennent un stabilisant indispensable à leur conservation ou à leur transport. Le point capital de la présente cause est le sens du mot «stabilisant». L'alinéa 9(1)a) des Règles d'interprétation prévoit que le Chapitre 928 s'applique aux éléments chimiques présentés isolément et aux composés de constitution chimique définie présentés isolément. L'alinéa 9(1)d) permet l'addition d'un «stabilisant» indispensable à la conservation ou au transport de ces éléments ou composés. Pour être classées dans la position 92842, les marchandises importées par l'appelante doivent satisfaire à trois critères : d'abord, elles doivent être des éléments chimiques ou composés de constitution chimique définie présentés isolément; deuxièmement, l'acide stéarique qui y est ajouté doit être un stabilisant au sens de l'alinéa 9(1)d) des Règles d'interprétation; et troisièmement, l'addition de l'acide stéarique doit être indispensable à la conservation ou au transport du carbonate de calcium précipité.

D'après les éléments de preuve présentés, les marchandises en cause sont des composés de constitution chimique définie présentés isolément. Cependant, un examen des témoignages présentés par les divers témoins de chaque partie amène le Tribunal à conclure qu'il y a un désaccord évident à savoir si l'acide stéarique est un «stabilisant» indispensable à la conservation ou au transport du carbonate de calcium précipité.

Le Tribunal note que le mot «stabilisant» n'est pas défini et est utilisé comme terme général à l'alinéa 9(1)d) des Règles d'interprétation. Les éléments de preuve présentés au Tribunal indique que les chimistes peuvent définir le mot stabilisant en termes généraux, et diverses définitions de dictionnaires le confirment.

Nous présentons ici quelques définitions du mot anglais stabilizer (stabilisant) :

Glossary of Chemical Terms [35] :

stabilisant - Tout corps ajouté à un autre corps ou un autre mélange afin d'empêcher ou de retarder une altération chimique ou physiochimique, pour au moins une période assez longue. Puisque cette fonction peut se produire de différentes façons, le terme est très général et comprend les antioxydants, les substances inhibitrices, les agents émulsionnants, les colloïdes protecteurs, etc. Le mot stabilizer (stabilisant) est un dérivé du verbe «stable» qui veut dire immuable. (traduction)

Dictionary of Scientific and Technical Terms [36] :

stabilisant - Tout corps qui tend à maintenir les propriétés physiques et chimiques d'une matière. (traduction)

Hawley's Condensed Chemical Dictionary [37] :

stabilisant - Tout corps qui tend à empêcher qu'un composé, qu'un mélange ou qu'une solution modifie sa forme ou sa nature chimique. Les stabilisants peuvent retarder un taux de réaction, conserver un équilibre chimique, agir à titre d'antioxydants, retenir les pigments et les autres composants en émulsion ou empêcher la précipitation des particules en suspension colloïdale. (traduction)

Oxford English Dictionary [38] :

stabilisant - De façon plus générale, un additif qui inhibe un changement chimique ou physique dans un corps, plus présicément, un additif qui empêche le début d'une émulsion. (traduction)

Même si elles sont supposément du contexte chimique, nombre des définitions des dictionnaires utilisent des termes généraux. Cependant, le Tribunal considère qu'elles indiquent que le mot «stabilisant», dans le contexte de la chimie, sous-entend la conservation des propriétés physiques et chimiques d'une matière.

Le Tribunal a longuement interrogé les témoins sur les propriétés des carbonates de calcium précipités et conclut que certains faits ressortent des éléments de preuve. D'abord, le carbonate de calcium précipité a les propriétés suivantes immédiatement après la transformation : il s'agit d'une poudre blanche à écoulement libre, non agglomérée, libre d'humidité, antimassante et hydrophile, et dont la grosseur moyenne des particules est de 0,07 microns. Deuxièmement, le carbonate de calcium précipité non enrobé perd rapidement après la transformation ses propriétés d'écoulement libre et s'agglomère; l'humidité passe à 0,6 p. 100, et le produit prend en pain. Les autres propriétés de carbonate de calcium précipité sont exactement les mêmes que celles du produit après la transformation. Troisièmement, le carbonate de calcium précipité enrobé d'acide stéarique a les même propriétés que le produit non enrobé immédiatement après la transformation, sauf qu'il est maintenant hydrophobe.

D'après les éléments de preuve et le sens du mot stabilisant, le Tribunal est convaincu que l'acide stéarique constitue un stabilisant des propriétés du carbonate de calcium précipité. Le fait que le carbonate de calcium précipité devient hydrophobe après l'ajout de l'acide stéarique a été clairement établi et admis par les deux parties. Cependant, le résultat essentiel de l'addition de l'acide stéarique est la conservation des propriétés d'écoulement libre et l'état sec du carbonate de calcium précipité. En conséquence, le Tribunal est d'avis que l'addition de l'acide stéarique est indispensable à la conservation de la nature essentielle du carbonate de calcium précipité.

Selon le Tribunal, le principe énoncé dans la cause Omya [39] s'applique dans le présent appel : l'addition de l'acide stéarique ne modifie pas la nature fondamentale du carbonate de calcium précipité ni ses caractéristiques principales : le carbonate de calcium précipité n'est pas devenu autre chose que du carbonate de calcium précipité.

L'intimé a argué qu'une réaction chimique se produit lors de l'addition de l'acide stéarique de façon à modifier les caractéristiques du produit de base, soit le carbonate de calcium précipité. Le Tribunal a entendu des témoignages contradictoires sur ce point et, à son avis, ils ne sont pas concluants. Le Tribunal est aussi d'avis que même s'il y a eu réaction chimique lors de l'addition de l'acide stéarique au carbonate de calcium précipité, elle n'a touché qu'une faible partie de la surface de la particule. La réaction n'a pas modifié le caractère du produit de base.

Parce que les marchandises en cause répondent aux critères susmentionnés visés au paragraphe 9(1) des Règles d'interprétation, et en raison des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les marchandises ne sont pas exclues du Chapitre 928 du Groupe XII du Tarif des douanes [40] et devraient être classées dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... ». Ce numéro est plus précis que le numéro tarifaire 93819-1 et devrait avoir préséance.

CONCLUSION

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que les carbonates de calcium précipités appelés Ultra-Pflex et Super-Pflex 200 importés au Canada par l'appelante de Pfizer Inc., du Massachusetts aux États-Unis le 11 décembre 1986 sous le numéro d'entrée H104601 et les carbonates de calcium précipités appelés Super-Pflex 200, Ultra-Pflex et Multifex SC aussi importés au Canada par l'appelante de Pfizer Inc., le 15 décembre 1986 sous le numéro d'entrée A214389, le 14 mai 1987, sous le numéro d'entrée A034277, et le 28 mai 1987, sous le numéro d'entrée A047491, doivent être classés dans le numéro tarifaire 92842-1 en tant que «Carbonates et percarbonates... : Autres que ce qui suit... ».


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985, chap. 1 (2e Suppl.).

2. C.R.C. 1978, chap. 518.

3. L.R.C. 1985, chap. C-54, Annexe II.

4. L.R.C. 1985, chap. C-54.

5. S.C. 1988, chap. 56.

6. (1986), 11 R.C.T. 550.

7. Rapport de la Commission du tarif portant sur une enquête commandée par le ministre des Finances concernant les produits chimiques, Vol. 4, Partie II, Observations d'ordre général, renvoi no 120, 1967.

8. (1987), 12 R.C.T. 531.

9. (1987), 12 R.C.T. 499.

10. L.R.C. 1985, chap. 41 (3e Suppl.).

11. Supra, note en bas de page numéro 10.

12. [1978], 1 R.C.S. 660, page 667.

13. (1988), 13 R.C.T. 15.

14. Supra, note en bas de page numéro 10.

15. Supra, note en bas de page numéro 4.

16. Supra, note en bas de page numéro 4.

17. Supra, note en bas de page numéro 4.

18. Cet article, l'ancien article 18, est devenu l'article 40 dans la consolidation des Lois révisées du Canada, 1985.

19. S.C. 1968 - 1969, chap. 12, art. 4.

20. Supra, note en bas de page numéro 7.

21. Supra, note en bas de page numéro 4.

22. Supra, note en bas de page numéro 4.

23. Supra, note en bas de page numéro 4.

24. Supra, note en bas de page numéro 4.

25. Supra, note en bas de page numéro 10.

26. Supra, note en bas de page numéro 10.

27. Supra, note en bas de page numéro 10.

28. Driedger E.A., Construction of Statutes, 1983, page 198.

29. Supra, note en bas de page numéro 28, page 186 et les cas qui y sont cités.

30. Supra, voir la note en bas de page numéro 10.

31. Philips c. Eyre (1870), L.R. 6 Q.B., à la page 23 dans Driedger, E.A., Construction of Statutes, 1983, page 185.

32. Voir, par exemple, BASF Canada Ltd. c. le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1974), 6 R.C.T. 41, page 50.

33. Supra, note en bas de page numéro 10.

34. Supra, note en bas de page numéro 10.

35. Deuxième édition, Clifford A. Hampel and Gessner G. Hawley, Van Nostrand Reinhold Company, p. 270.

36. Quatrième édition, McGraw - Hill Book Company, p. 1804.

37. Onzième édition, Sax N. Irving and Lewis, Richard J., New York, Van Nostrand Reinhold Company, 1987.

38. Deuxième édition, Vol. XVI, Clarendon Press, Oxford, p. 431.

39. Supra, note en bas de page numéro 6.

40. Supra, note en bas de page numéro 4.


Publication initiale : le 8 août 1997