CAN TRAFFIC SERVICES LTD.

Décisions


CAN TRAFFIC SERVICES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel No 2845

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 12 décembre 1989

Appel No 2845

EU ÉGARD À une demande entendue le 19 mai 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national en date du 10 juillet 1987 concernant un avis d'opposition présenté en conformité avec l'article 51.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CAN TRAFFIC SERVICES LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les sign bridge assemblies (ensembles de signalisation suspendue) installés par l'appelante au Crowsnest Trail Corridor pour la ville de Lethbridge (Alberta) ne sont pas des ponts au sens de l'alinéa 1h) de la partie XII, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si les sign bridge assemblies (ensembles de signalisation suspendue) sont des bridges (ponts) au sens de l'alinéa 1h), partieXII, annexeIII de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le mot «pont» doit être interprété d'après le sens courant et ordinaire du terme. Ainsi, un pont doit franchir un obstacle et permettre le passage de personnes, d'objets, ou des deux, ce qui n'est pas le cas des «sign bridge assemblies» (ensembles de signalisation suspendue).

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 19 mai 1989 Date de la décision : Le 12 décembre 1989
Membres : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Lillian Pharand
Ont comparu : Douglas Densmore, pour l'appelante Peter C. Engelmann, pour l'intimé
Lois citées : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C. 1988, chap. 56, par. 54(2) et art. 60; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, alinéa 1h), partie XII, annexe III.
Jurisprudence : City of Chicago v. Pittsburgh, Ft. W. & C.R. Co. (1910), 93 N.E. 307; Hunt Foods Export Corp. of Canada Ltd et al. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise (1970) R.C.É. 828; Olympia Floor and Wall Tile Company v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise, 5 C.E.R. 562; Pfizer Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1977), 1 R.C.S. 456; Proprietors of Passaic & Hackensack River Bridges v. Hoboken Land Imp. Co. (1860), 13 N.J.Eq. (2 Beasl.) 503; Westeel Products Limited v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise, 2 T.B.R. 106; Wilson v. Town of Barnstead (1906), 74 N.H. 78.
Dictionnaires cités : Funk & Wagnalls New Standard Dictionary of the English Language; The Oxford English Dictionary (deuxième édition); Black's Law Dictionary (quatrième édition révisée); The Houghton Mifflin Canadian Dictionary of the English Language; Webster's Third New International Dictionary of the English Language Unabridged; Webster's New World Dictionary (Second College Edition); Funk & Wagnalls Standard College Dictionary.
Auteur cité : Driedger, E.A., Construction of Statutes (deuxième édition).





RÉSUMÉ

L'appelante a installé des structures de signalisation routière qui traversent la route. La structure comprend des supports en acier de construction sur lesquels sont posés les panneaux d'indication, les lumières, ou les deux. Les structures assemblées sont ensuite fixées à des fondations de béton armé par des vis d'ancrage. Les structures, qu'on appelle sign bridge assemblies (ensembles de signalisation suspendue), servent à renseigner les conducteurs et à faciliter la circulation routière.

Dans la présente cause, le Tribunal doit déterminer si les structures assemblées sont des bridges (ponts) au sens du paragraphe 1h), partie XII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). Dans l'affirmative, l'appelante pourra demander un remboursement de la taxe de vente.

Le mot «pont» est tiré du langage courant et ne doit pas être interprété en se fondant sur les témoignages de nature technique ou scientifique. Les définitions de dictionnaires sont utiles lorsqu'il faut déterminer le sens courant du mot «bridge». Un élément commun de la définition des dictionnaires est la référence à une structure qui relie deux points séparés par un obstacle et qui permet le passage des personnes, des objets, ou des deux. Les marchandises en cause ne permettent pas le passage des piétons, des objets ou des deux (par exemple, les véhicules).

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions pertinentes de la Loi, en vigueur au moment de la période en question, sont les suivantes :

27(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente... sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

...

29(1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexeIII...

ANNEXE III

PARTIE XII

MUNICIPALITÉS

1. Certains produits vendus aux municipalités... pour leur propre usage et non pour la revente, savoir:

...

h) acier... de construction, pour ponts,

...

LES FAITS

L'appelante est une société canadienne qui installe des structures de signalisation routière. La ville de Lethbridge (Alberta) lui a octroyé un contrat pour la construction et l'installation de 13 structures le long du Crowsnest Trail Corridor. Ces structures, appelées ensembles de signalisation suspendue, traversent la route. Il s'agit de supports en acier de construction sur lesquels sont posés des panneaux de signalisation, des luminaires, ou les deux. Les structures assemblées (les marchandises en cause) sont ensuite fixées à des fondations en béton armé à l'aide de vis d'ancrage. Les ensembles renseignent les conducteurs et facilitent ainsi la circulation routière.

À la fin du contrat, l'appelante a présenté une demande de remboursement de 20 394,72 $ au bureau de Revenu Canada à Edmonton, affirmant que les structures assemblées sont des ponts, et sont donc exemptées de la taxe de vente en conformité avec l'alinéa 1h), partie XII, annexe III de la Loi (ci-après appelée clause d'exemption).

Les fonctionnaires de Revenu Canada ont refusé la demande de remboursement, comme le précise l'avis de détermination CAL 13860 du 31 juillet 1986, parce que les structures assemblées ne formaient pas un élément d'un pont, qu'il s'agisse de l'infrastructure, de la superstructure ou de la culée. L'appelante a présenté un avis d'opposition mais, le 10 juillet 1987, le ministre a rejeté ses revendications parce que la définition ordinaire et courante du mot «pont» au sens de l'alinéa 1h), partie XII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise ne s'applique pas aux produits en question.

L'appelante a ensuite interjeté appel à la Commission du tarif le 25 août 1987 en vertu de l'article 51.19 de la Loi. Même si l'appel a initialement été interjeté auprès de la Commission du tarif, il a été confié au Tribunal Canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu du paragraphe 54(2) et de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , et celui-ci l'a mené à terme.

Trois personnes ont témoigné au nom de l'appelante : M. Michael Kelly, ingénieur et président de Can Traffic Services Ltd.; M. Gordon Milne, ingénieur de structure chez Polesystems Inc., société qui a vendu à l'appelante des éléments en acier de construction utilisés pendant l'assemblage des marchandises en question; et M. Michael Strong, ingénieur de structure et concepteur de ponts routiers et de structures semblables aux marchandises en cause. Il est vice-président de Reid Crowther, une firme d'ingénieurs-conseils pour la ville de Lethbridge (Alberta).

D'après les témoins de l'appelante, pour qu'une structure soit considérée comme un pont, elle doit franchir une certaine distance (c'est-à-dire qu'il doit y avoir des supports à chaque extrémité) et être capable de supporter ou de «porter» des charges (en poids). Les charges peuvent être fixes, comme les panneaux de signalisation posés sur la structure, ou mobiles, comme les piétons et les véhicules.

La structure en question est construite uniquement pour supporter des enseignes, des luminaires, ou les deux. Elle ne permet aucun passage ou parcours aux piétons ou autres. Cependant, selon les témoins, il n'est pas nécessaire que la structure serve à cette dernière fin pour être considérée comme un pont.

Les témoins ont précisé que les marchandises en question sont appelées des «sign bridges» (signalisation suspendue) par les constructeurs des structures, les fournisseurs des composantes utilisées dans leur fabrication et les entrepreneurs. L'appelante a présenté plusieurs documents à l'appui des témoignages, par exemple des bleus de structures semblables aux marchandises en cause et portant une étiquette indiquant «sign bridges»; des factures du fournisseur d'éléments en acier utilisés dans l'assemblage des marchandises en question, lesquelles factures portent la mention de «sign bridge» ou «sign bridge assembly»; et des lettres des cabinets d'ingénieurs-conseils, y compris de Reid Crowther, qui indiquent que les marchandises en cause sont un type particulier de pont parce que leur conception et leur construction suivent le même principe que les ponts routiers pour piétons et véhicules.

Cependant, M. Strong a dit qu'un ingénieur qui conçoit uniquement des marchandises comme celles dont il est question ne serait pas considéré en tant qu'ingénieur de ponts, mais bien comme un ingénieur de signalisation suspendue. M. Kelly a toutefois admis que l'appel d'offres de la ville de Lethbridge désignait les marchandises comme des «overhead sign bridges», des «sign bridge structures» ou des «overhead sign supports» (supports de signaux aériens, portiques de signalisation suspendue ou supports de signalisation suspendue respectivement).

L'appel d'offres stipule que les marchandises en question doivent se conformer au code intitulé Standard Specifications for Structural Supports for Highway Signs, Luminaires and Traffic Signals (code des structures de soutien). La plupart des administrations compétentes canadiennes, y compris la ville de Lethbridge, suivent ce code pour la conception de structures semblables aux marchandises en question. Le dit code est produit par l'American Association of State Highway and Transportation Officials (AASHTO), un organisme américain qui produit divers codes de bonne pratique dans le domaine des transports pour uniformiser les normes de conception et les caractéristiques de sécurité entre les diverses administrations.

M. Strong a précisé que les marchandises en question sont appelées sign bridges dans le code des supports de construction de l'AASHTO. Il a dit que selon le code, les marchandises sont classées parmi les supports de signalisation suspendue avec plusieurs autres structures. MM. Strong et Milne ont approuvé le classement des marchandises en cause dans le code pour les supports de construction de l'AASHTO.

En plus du code des supports de construction, l'AASHTO a aussi élaboré un code intitulé Standard Specifications for Highway Bridges (le code routier). Les témoins ont précisé que les marchandises en question sont visées par le code des supports de construction.

M. Gamil S. Tadros a témoigné en faveur de l'intimé. Il est ingénieur en construction et a une vaste expérience de la conception de ponts routiers. Il a défini un pont comme une structure permettant à des personnes ou à des choses (véhicules, installations de services publics) de franchir un obstacle qui sépare deux points. L'obstacle peut être une route, une rivière, etc.

D'après M. Tadros, les marchandises en question sont un type de structure de soutien de support de signalisation suspendue. À son avis, l'Ontario Highway Bridge Design Code produit par le ministère des Transports et des Communications de l'Ontario (code de l'Ontario) définit de façon plus précise les structures en cause dans le présent appel. En effet, les marchandises en cause sont classées dans le chapitre des «accessoires» et décrites comme des «supports de signaux aériens».

Le témoin a dit que s'il concevait exclusivement les structures en question, il ne se considérerait pas comme un ingénieur de ponts.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont des ponts au sens de la clause d'exemption. Dans l'affirmative, l'appelante peut demander un remboursement de la taxe de vente.

L'appelante a allégué que les marchandises sont exemptées de la taxe de vente. L'avocat de la société a dit que le sens ordinaire et courant du mot «pont» doit s'appliquer au présent litige afin de déterminer si les marchandises en question sont visées par la clause d'exemption.

L'appelante a invoqué trois motifs pour appuyer le fait que les marchandises en question sont visées par le sens ordinaire et courant du mot «pont». D'abord, les marchandises en question franchissent une route, elles ont des supports à chaque extrémité de la structure et elles portent une charge.

Ensuite, les marchandises en question sont appelées «sign bridges» par les responsables de la conception de ces structures, par les fournisseurs des composantes utilisées et par les entrepreneurs.

Finalement, l'appelante a soutenu que les définitions primaires et tertiaires du mot «pont» (dictionnaires anglais : bridge) englobent les marchandises en cause. L'appelante a cité plusieurs dictionnaires à l'appui de cette affirmation. Les définitions (anglaises) sont les suivantes :

Funk & Wagnalls New Standard Dictionary of the English Language (1963)

1. A structure erected across a waterway, ravine, road, or the like, serving for the passage of persons, animals, or vehicles, or as a means of support and transit, as for awater-main.

The Oxford English Dictionary (1989, 2e édition)

1. a. A structure forming or carrying a road over a river, a ravine, etc., or affording passage between two points at a height above the ground.

Black's Law Dictionary (1968, 4e édition rév.)

A structure erected over a river, creek, stream, ditch, ravine, obstruction in highway or other place to facilitate the passage and for benefit of travelers.

The Houghton Mifflin Canadian Dictionary of the English Language (1982)

1. A structure spanning and providing passage over a waterway, railroad, or other obstacle. 2. Anything resembling or analogous to such a structure in form or function.

Webster's Third New International Dictionary of the English Language Unabridged (1979)

3: something resembling a bridge (as in serving as a support for or a way over something else) as ... 1: a framework that spans railroad tracks and supports signals.

L'intimé a allégué que les marchandises en cause ne sont pas des ponts au sens de la clause d'exemption de la Loi; les structures ne sont donc pas exemptées de la taxe de vente.

Comme l'appelante, l'intimé a soutenu que le sens du mot «pont» dans la clause d'exemption doit être interprété au sens ordinaire et courant de la langue. L'intimé a basé son affirmation sur la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Pfizer Company Limited c. Lesous-ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise [3] ; sur la décision de la Commission du tarif dans la cause Westeel Products Limited v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [4] ; et sur des extraits du livre Construction of Statutes [5] .

En affirmant que les marchandises en question ne sont pas visées par le sens ordinaire et courant du mot «pont», l'intimé a cité d'autres définitions, des extraits d'encyclopédies et de plusieurs décisions rendues aux États-Unis.

L'intimé a déclaré qu'un lien commun unit toutes ces définitions et extraits : les ponts permettent ou facilitent le passage.

L'intimé a cité les définitions additionnelles suivantes :

Webster's Third New International Dictionary of the English Language Unabridged

1. a: a structure erected over a depression or an obstacle to travel (as a river, chasm, roadway, or railroad) carrying a continuous pathway or roadway (as for pedestrians, automobiles, or trains).

Webster's New World Dictionary (1970, Second College Edition)

1. a structure built over a river, railroad, highway, etc. to provide a way across for vehicles or pedestrians.

Funk & Wagnalls Standard College Dictionary (1976)

1. A structure erected across a waterway, ravine, road, etc., to afford passage.

L'intimé s'est aussi fondé sur des extraits d'encyclopédies qui définissent le mot «bridge» comme suit :

McGraw-Hill Encyclopedia of Science and Technology

A structure erected to span natural or artificial obstacles, such as rivers, highways, or railroads, and supporting a footpath or roadway for pedestrian, highway, or railroad traffic.

The New Encyclopedia Britannica

A bridge is a structure surmounting an obstacle such as a river, declivity, road, or railway and used as a passageway for pedestrians, motor, or rail traffic.

L'intimé a fait référence à une publication intitulée Words and Phrases. Permanent Edition pour des définitions du mot «bridge» tirées de plusieurs décisions rendues aux États-Unis. En voici des extraits :

«Bridge» désigne une structure qui franchit un cours d'eau, une vallée, une route ou un autre obstacle et permet le passage ou l'acheminement [6] .

Selon le droit commun et, habituellement, selon les lois de ce pays, un «bridge» comprend les culées et les voies d'accès pour le rendre accessible et commode pour les déplacements du public [7] .

Le terme «bridge» n'a jamais désigné autre chose qu'une structure ou une construction permettant de franchir un cours d'eau à pied. Jamais, au cours du dernier millénaire le mot «bridge» n'a visé autre chose qu'un passage pour piétons, chevaux et chariots. Le passage des hommes et des animaux est l'essence même du pont... La nature et l'essence même de l'objet ne permettent pas d'imaginer un pont «bridge» sans passage. Dans tous les pays, et depuis toujours, le pont fait partie de la route ordinaire. La seule différence entre un pont et le reste de la route est que la route repose directement sur le sol, ce qui n'est pas le cas d'un pont [8] .

(traduction non officielle)

Finalement, l'intimé a fait remarquer que la définition de M. Tadros du mot «pont» - structure qui permet à des personnes ou objets de franchir un obstacle - donne au Tribunal une autre raison de rejeter l'affirmation de l'appelante à l'effet que les marchandises en question sont visées par la clause d'exemption.

DÉCISION

Pour que les marchandises en question soient exemptées en vertu de la clause d'exemption, elles doivent être des «ponts» au sens de cette clause.

D'après le Tribunal, la cause Pfizer (susmentionnée) et la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Olympia Floor and Wall Tile Company v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [9] constituent un guide utile des principes applicables au moment de définir le mot «pont» et d'en préciser la portée. Il s'agit, dans les deux cas, d'appels interjetés contre des décisions de la Commission du tarif.

La cause Pfizer (susmentionnée) portait sur le sens du mot «dérivés» dans l'expression «tétracycline et ses dérivés» dans le Tarif des douanes. Il fallait déterminer si les sels d'oxytétracycline antibiotique étaient des dérivés du tétracycline composé. La Commission du tarif s'est fondée sur les définitions et les publications techniques et scientifiques pour définir le mot «dérivés».

Le juge Pigeon, de la Cour suprême du Canada, a dit que la Commission du tarif a erré en procédant ainsi. Il a cependant noté :

La règle voulant que les lois soient interprétées d'après le sens courant des mots est fermement établie et elle s'applique aux lois portant sur des sujets techniques et scientifiques...Naturellement, parce que le mot «tétracycline» désigne une substance déterminée dont la composition s'exprime au moyen d'une formule chimique, on peut recourir aux sources appropriées pour en établir la signification. À mon avis, cela n'implique pas que l'on doive interpréter le mot «dérivé» comme on pourrait le faire dans un ouvrage scientifique. Il s'agit en l'espèce de déterminer le sens de «dérivé» et non celui de «tétracycline» [10] .

La cause d'Olympia Floor and Wall Tile Company (susmentionnée) portait sur le classement tarifaire des produits de construction en céramique à pâte argileuse. Le litige consistait à déterminer si l'expression «tuiles et carreaux en terre cuite» que l'on retrouve dans le Tarif des douanes doit être interprétée d'après son sens ordinaire, comme l'a fait la Commission du tarif, ou au sens commercial. La Cour d'appel fédérale a décidé que l'expression devait être interprétée selon le sens commercial. En procédant ainsi, la Cour approuvait effectivement les commentaires suivants du juge Kerr sur l'interprétation de l'expression «graisses alimentaires mélangées et produits similaires» dans le Tarif des douanes, de même que la décision de la Cour de l'Échiquier dans la cause Hunt Foods Export Corp. of Canada Ltd et al. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise [11] :

Les mots «produits similaires» sont imprécis sauf lorsqu'on les rapproche des mots «graisses alimentaires mélangées». Nous devons donc examiner d'abord le sens de l'expression «graisses alimentaires mélangées»... Cette expression...décrit un article du commerce et je ne crois pas qu'elle soit une expression employée couramment, si ce n'est par des gens qui le fabriquent, le vendent ou en font le commerce. Je pense que la Commission du tarif avait toute latitude de fixer le sens dans lequel l'expression est utilisée dans le langage des gens du métier et d'interpréter en ce sens...

La Commission du tarif a cherché, à bon droit, à s'assurer auprès des experts dans quelle mesure et de quelle façon les produits en question étaient similaires ou non aux graisses alimentaires, telles qu'on les connaît dans le commerce. Les experts étaient compétents pour témoigner à cet égard. Les mots «produits similaires»... sont des mots courants qui n'ont aucun sens technique ou spécial, et il appartenait à la Commission du tarif de les interpréter dans leur sens ordinaire et courant. Il n'appartenait pas aux témoins de les définir ni de leur attribuer une signification [12] .

La Loi contient beaucoup de mots très courants utilisés dans la conversation de tous les jours. Le Tribunal considère que le mot «pont» tel qu'il est utilisé dans la clause d'exemption est un mot du langage courant. De tels mots ne doivent pas être interprétés en vertu de documents techniques ou scientifiques.

Les deux parties ont affirmé que le Tribunal devait recourir au sens ordinaire et courant du mot «bridge» dans la clause d'exemption pour déterminer si ce mot inclut les marchandises en cause. Par contre, ils ont demandé au Tribunal de fonder en partie sa décision sur plusieurs documents techniques (bleus, codes de construction routière, etc.) se rapportant aux marchandises en cause et sur les opinions des témoins experts sur le sens du mot «pont». Le Tribunal ne considère pas ces témoignages utiles pour définir le sens du mot «pont» dans la clause d'exemption en raison des principes de rédaction législative susmentionnés. Les documents et les témoignages de spécialistes ajoutent une connotation technique et scientifique à la définition d'un mot courant et ordinaire.

Cependant, le Tribunal est d'avis que les diverses définitions de dictionnaires présentées par les parties ont facilité la détermination du sens courant du mot «pont» dans la clause d'exemption. De plus, il considère que Driedger, dans son texte intitulé Construction of Statutes, a commenté brièvement l'utilité des dictionnaires dans la détermination du sens ordinaire d'un mot. Il déclare :

Quel est le sens grammatical et ordinaire ou naturel et ordinaire d'un mot? Les deux expressions signifient évidemment la même chose, à savoir le sens obtenu par l'application des règles grammaticales, qui donnent aux mots leur sens ordinaire. Un sens est ordinaire lorsqu'il se trouve dans le dictionnaire. Mais il peut y avoir plusieurs significations. Les rédacteurs de dictionnaires placent habituellement le sens le plus courant en premier dans la liste des acceptions. On l'appelle indifféremment le sens ordinaire courant, populaire ou premier [13] .

(traduction non officielle)

Le Tribunal remarque qu'un élément commun de la signification première du mot «bridge» dans tous les dictionnaires consultés est la référence à une structure qui franchit un obstacle et permet le passage des personnes, des objets ou des deux et constate que les marchandises en question ne permettent aucun passage ou parcours aux personnes, aux choses, ou aux deux (par exemple, véhicules). Les marchandises en question sont construites uniquement pour supporter les panneaux de signalisation ou les luminaires, ou les deux, pour renseigner les conducteurs et faciliter la circulation.

Cependant, l'appelante a aussi indiqué que la troisième définition du mot «pont» : «qui ressemble à un pont», c'est-à-dire qui sert de support au-dessus d'une autre chose comme une construction qui franchit des voies ferrées et soutient les signaux, vient justifier sa position à l'effet que les marchandises en question sont visées par le sens ordinaire du mot «pont» dans la clause d'exemption.

Le Tribunal ne considère pas que le mot «pont» de la clause d'exemption peut être interprété pour englober cette phrase. Il n'est pas nécessaire de consulter en profondeur les dictionnaires pour savoir que l'expression «qui ressemble à» signifie «semblable mais non pareil». Si le Parlement avait voulu que le mot «pont» de la clause d'exemption s'applique à des objets qui ressemblent à un pont sans en être un au sens ordinaire du terme, il aurait rédigé la clause d'exemption en ce sens.

CONCLUSION

Après avoir étudié les faits, le libellé de la clause d'exemption et la jurisprudence applicable, le Tribunal déclare que les marchandises en cause ne sont pas des ponts au sens de l'alinéa 1h), partie XII, annexe III de la Loi.

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, chap. E-13; maintenant L.R.C. 1985, chap. E-15.

2. L.C. 1988, chap. 56.

3. (1977) 1 R.C.S. 456.

4. 2 T.B.R. 106.

5. Driedger, E.A., Construction of Statutes (2e édition).

6. Wilson v. Town of Barnstead (1906) 74 N.H. 78.

7. City of Chicago v. Pittsburgh, Ft. W. & C.R. Co. (1910) 93 N.E. 307, 308.

8. Proprietors of Passaic & Hackensack River Birdges v. Hoboken Land Imp. Co. (1860), 13 N.J.Eq. (2 Beasl.) 503, 511.

9. 5 C.E.R. 562.

10. Ibid., page 460.

11. (1970), R.C.É. 828.

12. Ibid., page 838.

13. Ibid., page 5.


Publication initiale : le 1 août 1997