I-D FOODS CORPORATION

Décisions


I-D FOODS CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appels nos 2871, 2908, AP-90-176 et AP-90-178

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 10 mars 1992

Appels nos2871 et 2908

EU ÉGARD À deux appels entendus le 26 novembre 1991 en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes, S.R.C. (1970), ch. C-40, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À deux réexamens effectués par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en date du 31 juillet 1987 relativement à deux demandes de réexamen déposées en vertu de la Loi sur les douanes.

ENTRE

I-D FOODS CORPORATIONAppelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISEIntimé

Les parties ont déposé conjointement avant l'audience deux exposés des faits et deux projets d'ordonnance relativement à ces appels. Ayant examiné les deux demandes, le Tribunal conclut que les vins rouges et blancs désalcoolisés en question sont classés comme «Vins de toute espèce, n.d.... » dans le numéro tarifaire 16310-1 du Tarif des douanes, S.R.C. (1970), ch. C-41, alors que le vin blanc mousseux désalcoolisé en question est classé parmi les «... autres vins mousseux... » dans le numéro tarifaire 16501-1.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Ottawa, le mardi 10 mars 1992

Appels nos AP-90-176 et AP-90-178

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 novembre 1991, en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À un avis de décision rendu par le ministre du Revenu national en date du 29 octobre 1990 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

I-D FOODS CORPORATIONAppelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont admis en partie. Les vins rouges, blancs et rosés désalcoolisés importés par l'appelant sont des boissons de jus de fruits non gazeuses contenant plus de 25 p. 100 de jus de fruits naturel au sens du sous-alinéa 1d)(i) de la partie V de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, alors que les vins désalcoolisés mousseux sont des boissons gazeuses au sens de l'alinéa 1c).





Il s'agit de deux appels interjetés en vertu de l'article81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de décisions du ministre du Revenu national ayant pour effet de rejeter les avis d'opposition signifiés par l'appelant relativement à des décisions du Sous-ministre. L'appelant a présenté deux demandes de remboursement en déclarant que les vins désalcoolisés qu'il importait n'étaient ni des vins ni des boissons alcoolisées assujettis aux taxes d'accise et de vente aux termes de la Loi sur la taxe d'accise. Les marchandises en question sont des vins désalcoolisés rouges, blancs, rosés et mousseux.

DÉCISION : Les appels sont admis en partie. Le Tribunal conclut que les marchandises en question, à l'exception du vin mousseux, sont des boissons de jus de fruits non gazeuses contenant plus de 25p.100 de jus de fruits naturel au sens du sous-alinéa 1d)(i) de la partie V de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Les vins mousseux désalcoolisés sont des boissons gazeuses au sens de l'alinéa 1c) et, par conséquent, ne sont pas exonérés de la taxe de vente même s'ils ne sont pas assujettis à la taxe d'accise imposée sur le vin.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 novembre 1991 Date de la décision : Le 10 mars 1992
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant W. Roy Hines, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Donald Batterton, pour l'appelant Rosemary Millar, pour l'intimé
Jurisprudence : Grantham Foods Ltd. v. Her Majesty The Queen, Division de première instance de la Cour fédérale du Canada, le 8 novembre 1991, dossier n o T-1824-90, portée en apppel le 15 novembre 1991, dossier n o A-1156-91.





Il s'agit de deux appels interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions du ministre du Revenu national ayant pour effet de confirmer des décisions rendues relativement à deux demandes de remboursement de la taxe de vente.

L'appelant importe des vins désalcoolisés rouges, blancs, rosés et mousseux de Carl Jung GmbH, Allemagne. Le 23 septembre 1987 et le 6 juillet 1988, l'appelant a déposé deux demandes de remboursement fondées sur l'annexe III de la Loi, qui exonère de la taxe de vente certaines catégories de marchandises. Les demandes ont été rejetées le 13 novembre 1987 et le 22 août 1988, respectivement, car les marchandises importées par l'appelant étaient considérées comme des boissons alcoolisées, exclues de la partie V de l'annexe III de la Loi et assujetties à la taxe de vente. L'appelant a fait opposition aux décisions le 23 novembre 1987 et le 18 octobre 1988, respectivement. L'appelant soutenait que les marchandises étaient des vins non alcoolisés contenant moins de 0,5 p. 100 d'alcool par volume, et qu'elles n'étaient par conséquent ni des vins ni des boissons alcoolisées. Le 29 octobre 1990, le ministre du Revenu national (le Ministre) a rendu deux décisions confirmant les décisions. Selon le Ministre, les marchandises sont le produit d'un processus de fermentation laissant subsister une certaine force alcoolique résiduelle, et elles sont, par conséquent, assujetties à la taxe d'accise et à la taxe fédérale de vente aux termes de la Loi. Le 21 janvier 1991, l'appelant a fait appel des deux décisions auprès du Tribunal.

La question, dans ces appels, consiste à déterminer si les marchandises importées par l'appelant, à savoir des vins désalcoolisés rouges, blancs et rosés, sont des vins au sens de la Loi ou s'ils sont, comme le soutient l'appelant, des boissons destinées à la consommation humaine, à savoir des boissons de jus de fruits. Le Tribunal doit également déterminer si la définition du «vin» arrêtée pour les besoins des dispositions de la Loi relatives à la taxe d'accise (partie IV) devrait également s'appliquer pour les besoins des dispositions de la Loi relatives à la taxe de vente (partie VI).

L'article 25 de la Loi définit le vin comme suit :

25. Dans la présente partie, «vin» s'entend notamment des liqueurs spiritueuses qui sont le produit de fruits, de légumes, de racines, d'herbes, de grains, de mélasse, de sucre ou d'autre substance fermentable et obtenues par la fermentation normale alcoolique des jus ou extraits de ces derniers et non par la distillation.

[soulignement ajouté]

Les alinéas 27a) et 50(1.1)a) imposent, respectivement, une taxe d'accise et une taxe de vente sur tous les vins importés au Canada. Cependant, selon le paragraphe 51(1) et le sous-alinéa 1d)(i) de la partie V de l'annexe III de la Loi, les boissons de jus de fruits contenant plus de 25 p. 100 de jus de fruits naturel ne sont pas assujetties à la taxe de vente. Par ailleurs, le vin est explicitement exclu de la disposition d'exonération.

Il ressort des éléments de preuve que les marchandises en question sont produites à partir de vins contenant de 9 à 10 p. 100 d'alcool par volume et qui sont complètement fermentés. La désalcoolisation se produit dans un appareil distillatoire d'un type spécial fonctionnant sous vide et permettant d'abaisser la température de distillation d'un niveau allant approximativement de 80 ºC à 100 ºC à un niveau d'environ 25 ºC. À l'issue du processus, il reste moins de 0,5 p. 100 d'alcool par volume.

Lors l'audience, M. Henry Fraiberg, qui travaille au service d'achat et de gestion des stocks de l'appelant, a expliqué que les marchandises en question sont vendues dans les pharmacies et les magasins d'alimentation sans restriction ni contrôle de la part des régies des alcools provinciales. Cependant, il a reconnu lors du contre-interrogatoire que les marchandises en question sont classées comme vins pour les besoins du classement tarifaire dans l'ancien Tarifdes douanes [2] . Un autre témoin de l'appelant, M. Daniel Steele, qui détient les droits d'importation des marchandises, a déclaré que l'alcool était extrait du vin par un processus de distillation sous vide, mais il a reconnu, lors du contre-interrogatoire, que le reste d'alcool contenu dans les marchandises en question était néanmoins un produit de fermentation.

Le Tribunal devant déterminer si les marchandises en question sont des vins taxables au sens de la Loi, il estime que leur traitement relativement à la vente au détail ou au classement tarifaire est de moindre importance. Le Tribunal n'est pas non plus disposé à utiliser la définition du «vin» de l'article 25 à la fois pour les besoins de l'interprétation des dispositions de la Loi relatives à la taxe d'accise et à la taxe de vente. Comme l'article 25 lui-même le précise, cette définition n'est fournie que pour les besoins de la partie IV de la Loi. De l'avis du Tribunal, elle ne devrait donc pas être appliquée à l'alinéa 50(1.1)a) de la partie VI de la Loi, pas plus qu'à la disposition d'exonération de l'annexe III. En fait, cette définition élargit le sens ordinaire du terme visé. Elle n'englobe pas seulement les liqueurs spiritueuses obtenues par fermentation de raisins, mais aussi celles qui sont le produit de légumes, de racines, d'herbes, etc. Le Tribunal remarque que le vin est défini dans The Oxford English Dictionary [3] comme :

The fermented juice of the grape used as a beverage [jus de raisins fermenté consommé comme boisson].

Il demeure qu'à ceci près, les deux définitions semblent identiques; toutes deux mentionnent la fermentation d'un fruit. Toutefois, ce qui est plus important pour le Tribunal, c'est que l'article 25 stipule clairement que les produits obtenus par distillation sont exclus de la définition du vin, ce qui semble conforme au sens ordinaire du mot vin. Dans le cas qui nous occupe, la distillation se produit précisément après la fermentation du vin utilisé comme élément de base. Cette distillation supplémentaire a donc pour effet d'exclure les marchandises en question du champ des deux définitions. Qui plus est, cette opération modifie les caractéristiques du vin servant d'ingrédient et, par conséquent, le vin désalcoolisé ne correspond plus au vin visé par la Loi. Le Tribunal n'a donc pas d'hésitation à conclure que les vins désalcoolisés en question ne sont des vins ni au sens de l'article 25, ni au sens de l'alinéa 50(1.1)a) de la Loi.

La présente cause diffère de la cause Grantham Foods [4] sur laquelle a statué la Cour fédérale. Cette dernière n'était pas convaincue que le vin de cuisine se trouvait exclu de la définition du «vin» donnée par l'article 25 de la Loi du simple fait que du sel était ajouté à des vins avec pour résultat de les rendre non buvables.

Compte tenu des éléments de preuve recueillis, le Tribunal accepte les arguments de l'appelant quant au fait que les vins désalcoolisés rouges, blancs et rosés sont des boissons de jus de fruits non gazeuses contenant plus de 25 p. 100 de jus de fruits naturel par volume au sens du sous-alinéa 1d)(i) de la partie V de l'annexe III de la Loi. Pour ce qui est du vin mousseux, le Tribunal est d'accord avec l'admission de l'appelant quant au fait que ce type de vin fait partie des boissons gazeuses explicitement exclues de la disposition d'exonération.

Le Tribunal admet donc les appels en partie et conclut que les marchandises en question, à l'exception des vins mousseux, sont des boissons de jus de fruits non gazeuses contenant plus de 25 p. 100 de jus de fruits naturel au sens du sous-alinéa 1d)(i) de la partie V de l'annexe III de la Loi. Les vins mousseux désalcoolisés, cependant, comme l'a admis l'appelant, sont des boissons gazeuses au sens de l'alinéa 1c) et sont à ce titre assujettis à la taxe de vente.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. S.R.C. (1970), ch. C-41, dans sa version modifiée.

3. Second Edition, Clarendon Press, Oxford, 1989, p. 389.

4. Grantham Foods Ltd. v. Her Majesty The Queen, Division de première instance de la Cour fédérale du Canada, le 8 novembre 1991, dossier no T-1824-90, portée en appel le 15 novembre 1991, dossier no A-1156-91.


Publication initiale : le 1 août 1997