UNIVERSAL CONSUMER PRODUCTS, INC., LIV OUTDOOR (INTERNATIONAL) INC. ET MAINE ORNAMENTAL, LLC


UNIVERSAL CONSUMER PRODUCTS, INC., LIV OUTDOOR (INTERNATIONAL) INC. ET MAINE ORNAMENTAL, LLC
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appels nos AP-2012-039, AP-2012-050 et AP-2012-059

Décision et motifs rendus
le mercredi 11 septembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À des appels entendus les 14 et 15 mai 2013, en vertu de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, ch. S-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada les 31 juillet, 13 septembre et 20 décembre 2013 concernant des demandes de révision aux termes de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

UNIVERSAL CONSUMER PRODUCTS, INC., LIV OUTDOOR (INTERNATIONAL) INC. ET MAINE ORNAMENTAL, LLC Appelantes

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

Les appels sont rejetés.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : les 14 et 15 mai 2013

Membres du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Daniel Petit, membre

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Alexandra Pietrzak

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelantes Conseillers/représentants
Universal Consumer Products, Inc.
Maine Ornamental, LLC
Darrel H. Pearson
Elliot J. Burger
LIV Outdoor (International) Inc. Cyndee Todgham Cherniak
Intimé Conseillers/représentants
Président de l'Agence des services frontaliers du Canada Tatiana Sandler
David Aaron

TÉMOINS :

John P. Kozal
Ingénieur principal de projet
Universal Forest Products Inc.

John Teller
Directeur général des opérations
Universal Consumer Products, Inc.

Maurizio Bertato
Président
LIV Outdoor (International) Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Les présents appels sont interjetés par Universal Consumer Products, Inc. (Universal), LIV Outdoor (International) Inc. (LIV) et Maine Ornamental, LLC (Maine) (les appelantes) aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation1, à l'égard de 50 décisions rendues par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes de l'article 59. Seize décisions concernent des marchandises importées par Universal, 2 décisions concernent des marchandises importées par LIV, et 32 décisions concernent des marchandises importées par Maine. Puisque les balustres en aluminium (les marchandises en cause) importés par les appelantes sont très similaires, le Tribunal a déterminé que les appels devraient être entendus conjointement.

2. Le paragraphe 61(3) de la LMSI permet au Tribunal de « [...] rendre les ordonnances ou conclusions indiquées en l'espèce et [...] déclarer soit quels droits sont payables, soit qu'aucun droit n'est payable sur les marchandises visées par l'appel ». Dans les présents appels, le Tribunal doit déterminer ce qui suit :

  • si les marchandises en cause sont de même description que les extrusions d'aluminium décrites dans les conclusions du Tribunal dans Extrusions d'aluminium2 (les marchandises en question) et donc assujetties à des droits antidumping et compensateurs;
  • si elles sont de même description, si, dans le cas de LIV, les droits devraient être remboursés en raison d'une erreur provoquée par une personne en autorité de l'ASFC.

3. L'ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient de même description que les marchandises en question et que, par conséquent, des droits antidumping et compensateurs étaient payables.

4. Les appelantes soutiennent que les marchandises en cause sont des prêts-à-monter ou, subsidiairement, qu'elles ont été davantage ouvragées au point où elles ne possèdent plus les caractéristiques des marchandises en question.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

5. Les marchandises en cause sont fabriquées en République populaire de Chine et ont été importées de Singapour ou des États-Unis au Canada par les appelantes à compter de janvier 2010.

6. Après l'importation, le courtier en douane de LIV a demandé à l'ASFC de lui indiquer si certaines marchandises importées par LIV étaient de même description que les marchandises en question3. Le 9 mars 2010, l'ASFC a répondu par courriel à LIV en indiquant que les marchandises importées n'étaient pas de même description que les marchandises en question4.

7. Toutefois, vers le mois de juin 2011 et le mois de février 2012, l'ASFC a déterminé, aux termes du paragraphe 57 de la LMSI, que les marchandises en cause étaient de même description que les marchandises en question. À la suite des demandes de révision des appelantes, l'ASFC a émis 50 relevés détaillés de rajustement aux termes de l'article 59, le 31 juillet, le 13 septembre et le 20 décembre 2012, confirmant les décisions.

8. Universal a déposé son appel le 29 octobre 2012, LIV, le 7 décembre 2012 et Maine, le 10 janvier 2013. Le 1er février 2013, le Tribunal a accordé les demandes d'Universal et de Maine d'entendre conjointement leurs appels. Le 15 février 2013, les appels de Maine et d'Universal ont été réunis avec l'appel de LIV.

9. Les 14 et 15 mai 2013, Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario). Maine et Universal ont fait entendre deux témoins : M. John P. Kozal, ingénieur principal de projet d'Universal Forest Products Inc., et M. John Teller, directeur général des opérations chez Universal. LIV a fait entendre un témoin : M. Maurizio Bertato, président de LIV. L'ASFC n'a fait entendre aucun témoin.

CADRE

Cadre législatif

10. Le 17 mars 2009, le Tribunal a rendu une décision dans Extrusions d'aluminium, dans laquelle il a conclu que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage à la branche de production nationale.

11. Le présent appel vise à déterminer si les marchandises en cause sont de même description que les marchandises en question.

12. Il est bien établi que l'analyse du Tribunal à cet égard se fonde sur l'examen des caractéristiques des marchandises, y compris la description physique, les utilisations finales, l'interchangeabilité, la concurrence sur le marché, le prix et la commercialisation5. Parfois, certains de ces facteurs ne sont pas pertinents. Par exemple, les marchandises peuvent parfois être décrites en fonction de spécifications techniques ou de normes industrielles plus limitées6.

13. Dans Extrusions d'aluminium, les marchandises en question sont définies par rapport à un procédé de production particulier. Plus précisément, les marchandises en question sont décrites comme ayant été produites aux moyen d'un procédé « d'extrusion »7. Bien que le procédé de production ne soit ni une caractéristique physique ni une caractéristique de marché des marchandises en cause, le procédé de production doit néanmoins être considéré, car les marchandises en question ont été définies expressément par rapport au procédé de production par extrusion. Par conséquent, en l'espèce, le Tribunal examinera le procédé de production des marchandises en cause afin de déterminer si elles sont de même description que les marchandises en question.

14. Le point de référence pertinent est l'état des marchandises au moment de l'importation8.

15. Il est également bien établi que lorsque des conclusions sont ambiguës, on peut se référer à l'exposé des motifs des conclusions. La Cour d'appel fédérale, dans Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Trane Company of Canada, Ltd.9, a affirmé ce qui suit :

[...] il n'y a pas à mon avis de principe clairement établi qu'on ne doit pas faire référence aux motifs d'une décision afin de clarifier les termes d'une décision formelle dont l'application précise, dans les faits, n'est pas claire de prime abord. [...] Dans ces circonstances il est acceptable de faire référence aux motifs du Tribunal afin de déterminer, si possible, l'application prévue par le Tribunal10.

16. L'exposé des motifs suffira généralement à préciser le sens voulu de conclusions ambiguës11. Cependant, si un aspect particulier des conclusions du Tribunal n'est pas réglé par la consultation de l'exposé des motifs, il peut être utile de renvoyer à des parties du dossier administratif, au moment du prononcé des conclusions du Tribunal, qui concernent directement l'ambiguïté12.

Conclusions

17. Les conclusions prévoient ce qui sui :

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par les présentes que :

  • le dumping et le subventionnement au Canada des extrusions d'aluminium de formes spécialisées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont causé un dommage à la branche de production nationale;
  • le dumping et le subventionnement au Canada des extrusions d'aluminium de formes normalisées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont causé un dommage à la branche de production nationale.

18. Le Tribunal a de plus décrit les marchandises en question comme il suit :

[...] extrusions d'aluminium, produites par processus d'extrusion, en alliages comportant des éléments métalliques visés par les nuances d'alliage publiées par The Aluminum Association commençant par les chiffres 1, 2, 3, 5, 6 ou 7 (ou des équivalents exclusifs ou équivalents d'autres organismes de contrôle), dont le fini est extrudé (fini usine), mécanique, anodisé ou peint ou enduit d'une autre manière, ouvrées ou non, avec une épaisseur de paroi supérieure à 0,5 mm, un poids maximum par mètre de 22 kg et un profilé ou une coupe transversale qui entre dans un cercle de 254 mm de diamètre (extrusions d'aluminium), originaires ou exportées de la République populaire de Chine [...]13.

19. De plus, le Tribunal a conclu que les marchandises importées à titre de prêts-à-monter et pouvant être assemblées pour former des marchandises finies et les marchandises ayant été davantage ouvragées au point où elles ne possèdent plus les caractéristiques physiques des extrusions d'aluminium n'étaient pas incluses dans la définition des marchandises en question14.

20. Le Tribunal a également conclu que de nombreuses marchandises étaient exclues des conclusions. Toutefois, ces exclusions ne sont pas en cause dans les présents appels15.

Marchandises en cause

21. Les marchandises suivantes sont les sept types de marchandises en cause16 :

PRODUIT DESCRIPTION IMPORTATEUR PIÈCE NO
Classic Veranda DecKorail 10 balustres ronds de 3/4 pouces, d'une longueur de 26 ou 32 pouces, emballés avec 20 vis à bois en acier inoxydable, 20 rondelles en plastique et 20 connecteurs en polyéthylène haute densité brevetés pour balustres et escaliers Maine A-01
Classic Round DecKorators 10 balustres ronds de 3/4 pouces, d'une longueur de 26 ou 32 pouces LIV, Universal, Maine A-02
Architectural Baroque Bent 5 balustres plats courbés d'une longueur de 32 ou 40 pouces, emballés avec 10 vis à bois en acier inoxydable et 10 rondelles noires en plastique LIV, Universal, Maine A-03
Colonial 10 balustres d'une longueur de 26 pouces Maine A-04
Estate 10 balustres d'une longueur de 26 pouces LIV, Maine A-05
Architectural Bent 5 balustres plats courbés d'une longueur de 32,25 pouces, emballés avec 20 vis à bois en acier inoxydable, 20 rondelles en plastique et des instructions de montage LIV, Maine A-06
Traditional Square 10 balustres d'une longueur de 32 pouces, emballés avec 40 vis à bois en acier inoxydable, 40 rondelles en plastique, 20 embouts en plastique et des instructions de montage LIV, Maine A-07

22. Au moment de leur importation, les marchandises en cause étaient emballées de l'une ou l'autre des manières suivantes :

  • « ensembles de balustres avec accessoires » : balustres emballés avec des vis et/ou des rondelles, des connecteurs ou des embouts (les accessoires de montage) (incluant les modèles Classic Veranda DecKorail, Architectural Baroque Bent, Architectural Bent et Traditional Square);
  • « ensembles de balustres simples » : balustres emballés seuls, sans aucun accessoire de montage (incluant les modèles Classic Round DecKorators, Colonial et Estate).

Position des parties

Appelantes

23. Les appelantes soutiennent que, au moment de leur importation, les marchandises en cause faisaient partie d'un prêt-à-monter de balustre qui contenait toutes les composantes nécessaires pour être assemblées en produit fini. Comme il a été mentionné ci-dessus, seulement certaines marchandises en cause étaient emballées, au moment de leur importation, avec des accessoires de montage17. Nonobstant le fait que les marchandises en cause aient été importées avec ou sans accessoires de montage, les appelantes soutiennent que les marchandises en cause sont des produits finis, car le Canadian Oxford Dictionary définit un produit fini (finished product) comme « ayant passé l'étape finale de fabrication ou d'élaboration (le produit fini) » [traduction]18.

24. Les appelantes reconnaissent que les marchandises en cause doivent être jointes à d'autres éléments d'un système de garde-corps afin d'obtenir un produit de garde-corps fini. Toutefois, elles soutiennent que rien dans l'exposé des motifs du Tribunal dans Extrusions d'aluminium n'indique qu'un prêt-à-monter ne peut être composé de marchandises devant être utilisées comme composantes d'un plus grand système19. Les appelantes soutiennent que, puisque les marchandises en cause sont importées prêtes à assembler en un système de terrasse et que, par conséquent, elles sont des prêts-à-monter pour l'assemblage de marchandises finies, elles ne sont pas de même description que les marchandises en question.

25. Bien que les appelantes reconnaissent également que certaines marchandises en cause n'étaient pas emballées avec des accessoires de montage au moment de leur importation, elles soutiennent que ces marchandises sont néanmoins des prêts-à-monter de balustres, car elles sont conçues pour être vendues et installées avec des accessoires de montages spécifiques qui sont vendus séparément20. En fait, M. Bertato a déclaré que les accessoires de montage emballés séparément étaient achetés au même moment que les marchandises en cause dans 97 p. 100 des cas21. Par conséquent, les appelantes soutiennent que les marchandises en cause, qu'elles soient emballées ou non avec des accessoires de montage au moment de leur importation, sont « [...] entièrement emballées et prêtes à être achetées par l'utilisateur final »22 [traduction] et contiennent tout ce qui est nécessaire pour « [...] améliorer le garde-corps de votre terrasse en le rendant plus sûr [...] »23 [traduction].

26. En outre, les appelantes soutiennent que, au moment de leur importation, les marchandises en cause avaient été ouvragées ou transformées au point où elles ne possédaient plus la nature et les caractéristiques physiques des marchandises en question; elles avaient été transformées en un tout autre produit. Plus précisément, les appelantes allèguent ce qui suit concernant les marchandises en cause :

  • elles ont été soumises à de nombreux procédés, notamment le pressage à chaud, le teintage, l'étirement, le réchauffage dans un four de vieillissement, le découpage de précision, l'estampage décoratif par cintrage hydraulique et le poudrage sur les surfaces extérieures;
  • elles ont des « [...] finis artistiques et architecturaux [...] »24 [traduction] qui les distinguent des marchandises en question25;
  • elles ont été spécialement conçues et testées pour s'assurer qu'elles respectent les normes de l'International Building Code et, par conséquent, sont des « [...] dispositifs de sécurité des personnes »26 [traduction].

27. Bien que toutes les appelantes aient soulevé les arguments précités, LIV soutient de plus que les marchandises en cause sont classées dans la position no 76.10 de l'annexe du Tarif des douanes27, qui n'est pas indiquée dans Extrusions d'aluminium comme étant une position dans laquelle les marchandises en question sont classées.

28. LIV soutient que l'ASFC a admis, dans une correspondance avec LIV, que la position no 76.10 ne faisait pas partie des enquêtes de dumping et de subventionnement initiales entreprises par l'ASFC28. LIV soutient que, si le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont de même description que les marchandises en question, cela constituerait une augmentation inadmissible du nombre de marchandises en question visées par les conclusions29.

29. LIV soutient en outre qu'elle a écrit à un représentant de l'ASFC pour savoir si les marchandises en cause étaient de même description que les marchandises en question et qu'elle a d'abord été informée par l'ASFC que les marchandises en cause n'étaient pas visées par les conclusions dans Extrusions d'aluminium. LIV soutient que l'ASFC a subséquemment renversé sa décision et que les droits de douane et les taxes payés par LIV sur les marchandises en cause devraient lui être remboursés puisqu'elle a agi suivant le conseil erroné fourni par un représentant de l'ASFC. Par conséquent, LIV soulève le moyen de défense basé sur l'erreur provoquée par une personne en autorité.

ASFC

30. L'ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent être considérées comme étant des prêts-à-monter de marchandises finies, car elles ne peuvent être assemblées pour former un produit fini30. Elle a également déclaré ce qui suit :

Les balustres sont plutôt des composantes de remplissage devant être utilisées dans un système de balustrade ou de garde-corps qui, en plus des balustres, doivent minimalement comprendre des poteaux et des rampes inférieures et supérieures, qui ne sont pas inclus dans les marchandises importées31.

[Traduction, italiques dans l'original]

31. L'ASFC soutient que les marchandises en cause seules n'ont aucune fonctionnalité et qu'elles doivent être assemblées avec d'autres matériaux ou marchandises afin de remplir leur fonction32.

32. Pour appuyer sa position, l'ASFC renvoie à l'exposé des motifs du Tribunal dans Extrusions d'aluminium, dans lequel le Tribunal décrit les pièces d'un prêts-à-monter comme étant des « [...] marchandises finies à l'état démonté [...] »33. Dans les observations de l'ASFC, les marchandises en cause sont effectivement qualifiées « [...] [d']ensemble contenant des composantes devant faire partie d'un système de garde-corps [...] »34 [traduction].

33. L'ASFC soutient également que les marchandises en cause n'ont pas été davantage ouvragées au point d'être exclues de la définition des marchandises en question. Bien que l'ASFC reconnaisse que les marchandises en cause ont été soumises à plusieurs procédés de finition, elle soutient que tous ces procédés sont énumérés dans les renseignements additionnels sur le produit contenus dans l'exposé des motifs du Tribunal dans Extrusions d'aluminium35.

34. L'ASFC soutient que le véritable argument des appelantes est que les procédés auxquels les marchandises en cause ont été soumises, bien qu'ils soient indiqués dans les renseignements additionnels sur le produit, ont été appliqués avec une précision et une finesse qui n'étaient pas visées par les conclusions. Toutefois, l'ASFC déclare qu'une telle interprétation constitue une « [...] modification inadmissible [...] »36 [traduction] de la définition des marchandises en question contenue dans les conclusions.

35. En ce qui concerne les arguments supplémentaires soulevés par LIV, l'ASFC déclare ce qui suit :

[Elle] n'a jamais indiqué dans nul mémorandum ni nul avis au public concernant l'application par l'ASFC des conclusions du Tribunal que les codes tarifaires indiqués dans ses avis publics ou mémorandums étaient les seuls codes dans lesquels les marchandises en question pouvaient être classées37.

[Traduction]

36. L'ASFC soutient que les mémorandums et les autres avis ne sont que des lignes directrices sur les codes tarifaires dans lesquels les marchandises sont habituellement classées. De plus, l'ASFC soutient que ce sont les caractéristiques physiques des marchandises en cause, et non le code tarifaire, qui déterminent si les marchandises en cause sont de même description que les marchandises en question.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Question no 1 : les marchandises en cause sont-elles de même description que les marchandises en question?

37. Le Tribunal remarque que la question de savoir s'il y a ambigüité dans les conclusions est une question de fait qui doit être déterminée au cas par cas.

38. En ce qui concerne l'argument des appelantes selon lequel les marchandises en cause ont été transformées ou davantage ouvragées au point où elles ne sont plus des extrusions d'aluminium, le Tribunal remarque que, dans Aluminart, il avait convenu que le mot « ouvré » dans les conclusions était ambigu et, par conséquent, il a eu recours à l'exposé des motifs. Considérant cette décision antérieure ainsi que les détails des présents appels, le Tribunal conclut que le libellé des conclusions est ambigu sur ce point.

39. De même, pour ce qui est de l'argument des appelantes selon lequel les marchandises en cause sont des prêts-à-monter, le Tribunal considère que le libellé des conclusions n'est pas clair en ce qui a trait à la question de savoir si les prêts-à-monter sont de même description que les marchandises en question.

40. Par conséquent, le Tribunal aura recours à l'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium pour résoudre les ambigüités soulevées dans les présents appels.

Les marchandises en cause ont-elles été davantage ouvragées?

41. Afin de déterminer le sens de l'expression « ouvrées ou non » contenue dans les conclusions, on doit tenir compte des extraits suivants de l'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium :

95. À la lumière de cette définition et des renseignements supplémentaires, le Tribunal est d'avis que les marchandises en question et, par conséquent, les marchandises similaires visent les produits d'extrusion d'aluminium qui ont été davantage ouvragés, mais seulement dans une certaine mesure. Par exemple, le libellé de la définition et l'orientation contextuelle fournie par les renseignements supplémentaires sur le produit indiquent clairement que les produits d'extrusion d'aluminium qui ont été anodisés, peints ou autrement enduits et ouvrés (c'est-à-dire découpés avec précision, usinés, poinçonnés et percés) sont des marchandises similaires.

96. Toutefois, le Tribunal estime que la définition des marchandises en question ne peut être raisonnablement interprétée de manière à comprendre les marchandises d'aluminium finies qui sont transformées ou ouvrés au point où elles ne possèdent plus la nature et les caractéristiques physiques d'une extrusion d'aluminium en soi mais sont devenues un produit différent. Les renseignements supplémentaires sur les produits soutiennent cette conclusion en limitant les opérations pertinentes d'ouvrage et de fabrication aux étapes qui ont lieu avant l'utilisation des extrusions dans un produit fini. Le Tribunal ajoute que le fait que les renseignements supplémentaires relatifs aux produits ne font pas référence à l'assemblage d'extrusions d'aluminium avec d'autres composantes soutient aussi cette conclusion.

[Nos italiques]

42. Ces extraits doivent être lus conjointement avec le paragraphe 23 de l'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium, qui se lit comme suit :

23. Le façonnage ou la fabrication d'extrusions comprend toute étape de traitement autre que celles visant à leur conférer un fini mécanique, anodisé, peint ou de toute autre nature, exécutée avant l'utilisation de l'extrusion dans un produit fini. Les étapes de traitement en question peuvent comprendre le découpage de précision, l'usinage, le poinçonnage, le perçage et le pliage.

[Nos italiques]

43. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont faites d'aluminium et produites au moyen d'un procédé d'extrusion38.

44. Les appelantes reconnaissent également que les divers procédés appliqués aux marchandises en cause sont tous énumérés au paragraphe 23 de l'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium39.

45. Toutefois, les appelantes soutiennent ce qui suit :

[...] le niveau de précision employé pour chacun de ces procédés est amplement supérieur aux simples procédés envisagés par le [T]ribunal et entraîne une transformation réelle et importante des marchandises qui modifie leur nature et leurs caractéristiques physiques de sorte qu'on obtient un produit en aval : un balustre en aluminium vendable qui respecte le code du bâtiment40.

[Traduction]

46. Par conséquent, les appelantes demandent au Tribunal d'examiner non seulement les procédés de travail appliqués aux marchandises en cause, mais également la manière dont ces procédés sont appliqués.

47. Après avoir examiné les marchandises en cause très attentivement et considéré les arguments présentés par les appelantes, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des extrusions d'aluminium visées par les conclusions, car elles n'ont pas été davantage ouvragées au point où elles ne sont plus de même description que les marchandises en question.

48. Dans Extrusions d'aluminium, les marchandises en question sont définies par rapport à leurs procédés de production. Par conséquent, les procédés de production appliqués aux marchandises en cause constituent un facteur déterminant. Si les marchandises en cause correspondent à la description énoncée dans Extrusions d'aluminium, elles doivent être de même description que les marchandises en question. Les marchandises en cause ne seront considérées comme n'étant pas comprises dans la définition de produit que si elles ont été davantage ouvragées au point où elles ne possèdent plus les caractéristiques des marchandises en question.

49. Considérant tous les éléments de preuve présentés par les parties, le Tribunal conclut que les marchandises en cause demeurent des produits résultant d'un procédé d'extrusion, lesquels ont été quelque peu ouvragés davantage avant leur importation. L'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium contient une énumération claire de plusieurs procédés pouvant être appliqués aux marchandises sans que celles-ci ne soient exclues de la portée des conclusions, notamment le découpage de précision, le pliage, le poinçonnage, le perçage, la finition et la peinture.

50. Bien que les appelantes soutiennent que les méthodes utilisées pour appliquer ces procédés distinguent les marchandises en cause des marchandises en question, le Tribunal conclut que le découpage de précision, qu'il soit effectué une ou deux fois, le pliage, qu'il soit mécanique ou autre, le poinçonnage ou la peinture ne diffèrent pas des procédés décrits aux paragraphe 23 et 95 de l'exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium. L'exposé des motifs ne contient aucune indication à l'effet que l'intensité avec laquelle ces procédés sont appliqués constitue de quelque manière que ce soit une caractéristique permettant de distinguer les marchandises en question des marchandises non en question.

51. Autrement dit, les appelantes n'ont pas démontré comment ces procédés ont transformé les marchandises en cause en un produit qui diffère du type de marchandises décrites dans Extrusions d'aluminium ni comment les marchandises en cause ont été modifiées au point où elles ne sont plus de même description que les marchandises en question.

52. Les appelantes ont tenté de démontrer qu'il y a d'importantes différences, en termes de caractéristiques de marché, entre les marchandises en cause et les extrusions d'aluminium « brutes » [traduction]. Comme il a été mentionné ci-dessus, les marchandises en question sont expressément définies par rapport aux procédés de production appliqués et à leurs caractéristiques physiques. Puisque les marchandises en cause ont été produites au moyen des procédés énumérés dans les conclusions et qu'elles possèdent toujours les caractéristiques physiques décrites dans Extrusions d'aluminium, ces caractéristiques sont déterminantes. Bien que les marchandises en cause puissent posséder d'autres qualités, comme des caractéristiques de marché qui leur sont propres, de telles autres caractéristiques n'ont pas pour effet d'écarter la définition contenue dans les conclusions.

53. De plus, l'argument des appelantes selon lequel il y aurait une distinction entre les extrusions d'aluminium « brutes » et les marchandises en cause est trompeur en soi. Il est vrai que les marchandises en cause peuvent posséder plus de qualités que celles qu'a présentées M. Bertato comme étant de simples extrusions de base; toutefois, le critère véritable n'est pas de nature comparative, mais de nature déterminative; il s'agit de savoir si l'une de ces extrusions est visée par les conclusions.

54. Le fait que les marchandises en cause soient présentées comme étant des balustres prêts pour la vente sur le marché et n'ayant aucune autre utilisation finale41 n'est pas davantage déterminant. Le Tribunal n'accepte pas l'argument selon lequel les marchandises n'ont qu'une seule utilisation finale possible et que, par conséquent, elles ne sont pas de même description que les marchandises en question. Le Tribunal a déjà abordé cette question dans Extrusion d'aluminium, au paragraphe suivant :

77. [...] le Tribunal souligne que la définition des marchandises en question, précisée par les renseignements supplémentaires sur le produit, ne limite pas la portée des marchandises en question sur la base de leurs utilisations finales. Le Tribunal est d'avis que la définition est suffisamment vaste pour englober les marchandises destinées à une seule utilisation. En effet, les extrusions d'aluminium de formes spécialisées, qui sont clairement des marchandises en question, sont habituellement fabriquées en vue d'une utilisation précise. Autrement dit, même si les parties demanderesses peuvent considérer que les intrants en aluminium destinés à une seule utilisation finale particulière sont des pièces d'aluminium par opposition à des extrusions d'aluminium, de telles marchandises peuvent quand même répondre aux conditions de la définition des marchandises en question.

55. Par conséquent, l'utilisation finale des marchandises en cause n'a pas pour effet de les exclure de la portée des conclusions.

56. Considérant ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont de même description que les marchandises en question.

Les marchandises en cause sont-elles des « prêts-à-monter »?

57. Dans son exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

351. En ce qui a trait aux produits censés être des pièces d'un « prêt-à-monter », le Tribunal est d'avis, comme il le déclare précédemment à la section concernant les marchandises similaires et les catégories de marchandises, que si au moment de son importation le « prêt-à-monter » comprend les pièces nécessaires pour assembler les marchandises finies, ces produits sont des marchandises finies et non pas des extrusions et, de ce fait, ne sont pas compris dans la définition des marchandises en question.

[Nos italiques]

58. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les marchandises importées en tant qu'ensembles de balustres simples ou qu'ensembles de balustres avec accessoires constituent des marchandises finies.

59. Les appelantes allèguent que même si les ensembles de balustres simples ne contiennent aucun accessoire de montage au moment de leur importation, ils doivent être considérés comme des prêts-à-monter puisqu'ils sont par la suite présentés au consommateur avec des accessoires de montage, ce qui signifie que le consommateur achètera les accessoires en même temps que les balustres42.

60. Comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans Abbott Laboratories Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E.43, c'est l'état des marchandises au moment de leur importation plutôt qu'au moment de leur vente qui est déterminant. Par conséquent, puisque les ensembles de balustres simples sont importés sans accessoires de montage, il n'est pas pertinent de considérer s'ils sont ensuite présentés au consommateur, emballés ou vendus avec divers accessoires de montage. Puisqu'au moment de leur importation les ensembles de balustres simples ne sont pas emballés avec les accessoires de montage qui, selon les appelantes, sont essentiels à leur montage44, ils ne peuvent, à ce moment-là, être assemblés en des marchandises finies. Au moment de leur importation, ils sont simplement des extrusions d'aluminium comportant les mêmes caractéristiques physiques que les marchandises en cause. Par conséquent, les ensembles de balustres simples ne sont pas des prêts-à-monter qui peuvent être assemblés en des marchandises finies.

61. En outre, le Tribunal conclut que les ensembles de balustres avec accessoires, qui au moment de leur importation contiennent des balustres et des accessoires de montage, ne peuvent non plus être assemblés en des marchandises finies.

62. Comme l'indiquent les éléments de preuve, les ensembles de balustres avec accessoires doivent être « [...] montés sur une balustrade existante [...] »45 [traduction] en les fixant à une traverse supérieure et à une traverse inférieure46. Ce n'est que lorsque les ensembles de balustres avec accessoires ont été fixés à ces composantes supplémentaires que les marchandises en cause font partie d'une marchandise finie, à savoir une balustrade complète. Ce point est démontré par la méthode de vérification de la conformité des marchandises en cause aux codes de sécurité. M. Kozal a indiqué ce qui suit :

[...] nous devons construire un modèle pleine échelle de la balustrade à mettre à l'essai dans laquelle nos prêts-à-monter constitués de balustres sont intégrés47.

[Traduction]

63. Tant que les marchandises en cause ne sont pas assemblées avec d'autres composantes de balustrade pour devenir une marchandise finie, elles demeurent simplement des intrants qui doivent être intégrés dans une balustrade de dimensions plus grandes.

64. De plus, le Tribunal a attentivement examiné les marchandises en cause, les a longuement analysées et a tenu compte de toutes les caractéristiques particulières de chacune des pièces. Il ressort clairement de cette analyse que les accessoires de montage contenus dans les ensembles de balustres avec accessoires ne sont que cela : des accessoires. Bien qu'ils puissent être utiles au consommateur, il n'en demeure pas moins que leur valeur par rapport au contenu global d'extrusions d'aluminium est minime. Le simple ajout de vis, de rondelles ou de connecteurs ronds en plastique48 à ce qui constitue essentiellement des extrusions d'aluminium ne peut être interprété comme changeant la nature de ces marchandises en ce qui serait maintenant qualifié de « prêt-à-monter ». Le fait d'accepter un tel argument irait essentiellement à l'encontre de l'objectif des conclusions49.

65. Enfin, les appelantes indiquent que l'emballage aux couleurs vives prêt à la consommation, présenté avec un numéro d'article, et les renseignements sur le montage et sur la garantie constituent un autre facteur qui contribue également à qualifier les marchandises en cause de prêts-à-monter pouvant être assemblés en marchandises finies. Le Tribunal estime que cette présentation peut très bien faciliter l'importation, la distribution et l'attrait commercial global des marchandises en cause, mais que l'emballage, en soi, ne change pas la nature des marchandises.

66. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont de même description que les marchandises en question, puisqu'elles ne constituent pas des prêts-à-monter qui sont assemblés en des marchandises finies.

Position tarifaire

67. En ce qui concerne l'argument avancé par LIV selon lequel les conclusions ne visaient pas les marchandises importées, classées dans la position no 76.10, le Tribunal a déjà reconnu que le classement tarifaire est pour référence seulement50. Dans son exposé des motifs dans Extrusions d'aluminium, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

352. En ce qui a trait au classement tarifaire, le Tribunal est d'avis que, même s'il peut aider à décider si des marchandises sont ou non des marchandises en question, le classement tarifaire n'est pas un facteur déterminant. L'ASFC exprime une opinion semblable dans son énoncé des motifs de ses décisions provisoires et définitives de dumping et de subventionnement, où elle déclare que la liste des numéros tarifaires est pour référence seulement et qu'il faut se reporter à la définition faisant autorité pour les détails précis concernant les marchandises en question.

68. Par conséquent, le critère véritable réside non pas dans le code tarifaire, mais dans la question de savoir si les marchandises en cause sont comprises dans la définition des marchandises en question dans les conclusions.

69. Puisque le Tribunal a déjà conclu que les marchandises en cause sont, en fait, de même description que les marchandises en question en raison de la définition donnée dans les conclusions, le code tarifaire dans lequel les marchandises en cause sont classées n'est pas pertinent aux présents appels.

Deuxième question : Y a-t-il eu erreur provoquée par une personne en autorité?

70. LIV soutient que les droits et taxes payés sur les marchandises en cause importées doivent être remis puisqu'elle a été convaincue d'agir par l'avis erroné qu'un représentant de l'ASFC lui a donné. Elle invoque donc comme moyen de défense l'erreur provoquée par une personne en autorité.

71. LIV allègue que l'ASFC l'a induite en erreur lorsque, le 9 mars 2010, en réponse à des demandes de renseignements présentées par le courtier en douane de LIV, elle l'a informée que les marchandises en cause n'étaient pas de même description que les marchandises en question. LIV a indiqué ce qui suit :

L'appelante a suivi les directives de l'ASFC jusqu'à ce qu'elle soit d'abord informée au moyen d'un relevé détaillé de rajustement que l'ASFC avait modifié sa position concernant les balustres emballés prêts à la consommation [...]. L'ASFC n'a ni communiqué avec le courtier en douane de l'appelante ni avec celle-ci pour l'informer qu'elle réexaminait l'avis qu'elle lui avait donné précédemment. L'appelante n'a pas eu l'occasion de modifier ses décisions d'approvisionnement avant la publication du premier relevé détaillé de rajustement51.

[Traduction]

72. LIV maintient que ses décisions concernant l'importation des marchandises en cause étaient fondées sur l'avis donné par l'ASFC, mais que celle-ci a par la suite changé sa position, au détriment de LIV. Par conséquent, LIV demande au Tribunal de recommander au ministre des Finances de lui accorder sa demande de décret de remise des droits et taxes payés.

73. L'ASFC nie le fait que sa correspondance avec LIV ait de quelque façon que ce soit provoqué une erreur. Elle affirme avoir tenu LIV au courant des enquêtes de dumping et de subventionnement en cours et avoir publié des décisions de classement dans deux mémorandums publics. Selon l'ASFC, elle n'a en aucun temps informé LIV que les marchandises en cause n'étaient pas visées par les conclusions du Tribunal52.

74. La Cour suprême du Canada a reconnu la défense d'erreur provoquée par une personne en autorité dans Lévis (Ville) c. Tétrault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc.53, dans laquelle elle a conclu que les éléments suivants doivent être établis :

26 [...]

(1) la présence d'une erreur de droit ou d'une erreur mixte de droit et de fait;

(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l'acte accompli;

(3) le fait que l'avis obtenu provenait d'une personne compétente en la matière;

(4) le caractère raisonnable de l'avis;

(5) le caractère erroné de l'avis reçu;

(6) l'accomplissement de l'acte sur la base de cet avis.

75. Que le Tribunal ait compétence ou non pour accorder la mesure corrective demandée par LIV en l'espèce, l'argument ne peut être fondé que sur des faits.

76. Premièrement, LIV n'a fourni aucun élément de preuve démontrant que la correspondance de l'ASFC concernait les deux transactions d'importation faisant l'objet de son l'appel. Bien que le fait que la date de la correspondance soit proche des dates des transactions d'importation indique que la correspondance fait référence à ces transactions, le Tribunal ne peut simplement accepter une telle position fondée sur des hypothèses.

77. L'auteure du courriel de l'ASFC n'a pas été appelée à témoigner à cette audience, en dépit du fait que LIV ait eu l'option de l'assigner à comparaître afin de lui poser ces questions. Puisque LIV n'a pas fait ce choix, le Tribunal ne peut trouver des éléments de preuve là où il n'y en a pas.

78. Deuxièmement, une erreur provoquée par une personne en autorité ne peut être invoquée lorsqu'il est question de transactions prospectives. Si la correspondance de l'ASFC a effectivement incité LIV à agir d'une certaine manière, ce qui n'a pas été établi en l'espèce, elle ne peut qu'influer sur des transactions d'importation futures. De par sa nature même, une erreur provoquée par une personne en autorité ne peut avoir un effet rétroactif.

79. LIV a confirmé avoir effectué les transactions d'importation en cause en janvier et en février 201054, mais la correspondance de l'ASFC qui, selon LIV, a influé sur ses décisions d'importation est datée du 9 mars 201055. Par conséquent, la correspondance ne peut avoir influé sur les décisions prises concernant les importations antérieures, puisque celles-ci avaient déjà eu lieu avant que l'ASFC ne donne prétendument son avis. L'argument avancé par LIV concernant une erreur provoquée par une personne en autorité doit donc aussi être rejeté pour ce motif.

CONCLUSION

80. Pour ces motifs, les appels sont rejetés.


1 . L.R.C.1985, ch. S-15 [LMSI].

2 . (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) [Extrusions d'aluminium], tel que modifié (10 février 2011), NQ-2008-003R (TCCE) [Extrusions d'aluminium sur renvoi]. Par souci de clarté, il est à noter que les renvois à « Extrusions d'aluminium » ou à « conclusions » dans le présent exposé des motifs font référence aux conclusions et à l'exposé des motifs du Tribunal dans l'enquête no NQ-2008-003, sauf indication contraire.

3 . Comme il en sera question plus loin, il n'a pas été établi de manière satisfaisante si la présente question concerne spécifiquement les marchandises en cause ou si elle concerne d'autres marchandises importées par LIV.

4 . Pièce AP-2012-050-21A au para. 49.

5 . Voir, par exemple, Nikka Industries Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A (20 août 1991), AP-90-018 (TCCE); Macsteel International (Canada) Limited c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (16 janvier 2003), AP-2001-012 (TCCE); Cobra Fixations Cie Ltée c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (8 mai 2009), AP-2008-006 (TCCE); Aluminart Products Limited c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (19 avril 2012), AP-2011-027 (TCCE) [Aluminart].

6 . Toyota Tsusho America, Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (18 novembre 2011), AP-2010-063 (TCCE) [Toyota].

7 . Extrusions d'aluminium au para 1.

8 . Voir Deputy M.N.R.C.E. v. MacMillan & Bloedel (Alberni) Ltd., [1965] R.C.S. 366. Voir, aussi, Tiffany Woodworth c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (11 septembre 2007), AP-2006-035 (TCCE) au para. 21.

9 . [1982] 2 C.F. 194 (FCA) [Trane].

10 . Trane à la p. 206. Voir, aussi, Bande indienne de Blueberry River c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2001 CAF 67, [2001] 4 CF 455 [CAF] [Bande indienne de Blueberry River] au para. 38.

11 . BMI Canada Inc. et BMI West Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (2 août 2011), AP-2010-039 (TCCE) aux para. 105, 107.

12 . Bande indienne de Blueberry River. Bien qu'elle ait été rendue dans un contexte différent, cette décision de la Cour d'appel fédérale appuie l'opinion du Tribunal selon laquelle, dans la mesure où l'exposé des motifs ne suffit pas pour établir le sens de conclusions ambiguës, des documents autres que l'exposé des motifs qui faisaient partie du dossier administratif au moment du prononcé des conclusions du Tribunal et qui visent directement l'ambiguïté en cause peuvent être consultés pour interpréter les conclusions.

13 . Extrusions d'aluminium au para. 1.

14 . Ibid. aux para. 351, 365.

15 . Pour une liste des exclusions, voir les annexes dans Extrusions d'aluminium et Extrusions d'aluminium sur renvoi.

16 . Pièce AP-2012-039-07A à la p. 10; Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, aux pp. 9-14.

17 . Plus particulièrement, les modèles Classic Veranda DecKorail, Architectural Baroque Bent, Architectural Bent et Traditional Square étaient emballés avec des accessoires de montage. Les modèles Classic Round DecKorator, Colonial et Estate étaient emballés et importés sans accessoires de montage. Voir le tableau du para. 19 pour une description de chaque produit.

18 . Pièce AP-2012-039-07A au para. 37.

19 . Ibid. au para. 45.

20 . Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, aux pp. 39, 40.

21 . Ibid. à la p. 166.

22 . Ibid. à la p. 29; pièce AP-2012-039-07A au para. 15.

23 . Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, à la p. 46.

24 . Pièce AP-2012-039-07A à la p. 19.

25 . Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, aux pp. 99, 102.

26 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 240.

27 . L.C. 1997, ch. 36.

28 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 294.

29 . Ibid. à la p. 297.

30 . Ibid. aux pp. 330, 335.

31 . Pièce AP-2012-039-12A au para. 2.

32 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 330.

33 . Au para. 349.

34 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 331.

35 . Ibid. à la p. 336.

36 . Ibid. à la p. 337.

37 . Pièce AP-2012-050-036A au para. 56.

38 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 235.

39 . Bien que les appelantes aient initialement déclaré que le procédé de « moulage par centrifugation à compression élevée » [traduction] appliqué aux modèles Architectural Bent et Architectural Baroque Bent des marchandises en cause n'était pas visé par les conclusions, elles ont ensuite reconnu que tous les procédés appliqués aux marchandises en cause étaient énumérés dans les conclusions. Voir Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, aux pp. 255, 279-280.

40 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, aux pp. 244-245.

41 . Ibid. aux pp. 264, 266.

42 . Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, à la p. 166.

43 . [1986] 70 N.R. 222.

44 . Transcription de l'audience publique, 14 mai 2013, à la p. 39.

45 . Ibid. à la p. 44.

46 . Ibid. à la p. 47.

47 . Ibid. à la p. 54.

48 . Il est difficile de connaître la nécessité réelle de chacune de ces composantes ajoutées pour toutes les applications. Les rondelles ne servent qu'à prévenir la corrosion du bois d'oeuvre traité sous pression qui contient un produit chimique corrosif pour l'aluminium, mais ne sont pas nécessaires pour d'autres types de bois, comme le pin ou le cèdre; les connecteurs constituent un type exclusif de connecteurs « à bille » qui sont appréciés pour leur facilité d'installation, mais les balustres peuvent également être montés sans eux lorsque des trous sont percés dans le bois ou déjà présents, dans le cas des balustres de remplacement.

49 . Voir Aluminart au para. 29.

50 . Voir Toyota au para. 34.

51 . Pièce AP-2012-050-21A au para. 49.

52 . Pièce AP-2012-050-036A au para. 53.

53 . 2006 SCCCSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420.

54 . Transcription de l'audience publique, 15 mai 2013, à la p. 289.

55 . Pièce AP-2012-050-021A, onglet 23.