GEOCRUDE ENERGY INC.

Décisions


GEOCRUDE ENERGY INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° 2937

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 21 août 1989

Appel n° 2937

EU ÉGARD À un appel entendu le 16 mai 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13 (la Loi);

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 18 décembre 1987 à l'égard d'un Avis d'opposition présenté en vertu de l'article 51.17 de la Loi.

ENTRE

GEOCRUDE ENERGY INC.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'appelante ne peut réclamer un remboursement en vertu de l'article 44 de la Loi à l'égard de la taxe de vente fédérale faisant partie du prix qu'elle a payé à un fabricant agréé pour trois bâtiments en métal qu'elle utilise à son usine de pétrole lourd de Grand Forks.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si Geocrude Energy Inc. est admissible, en vertu de l'article44 de la Loi, au remboursement de la taxe de vente fédérale faisant partie du prix qu'elle a payé à un fabricant agréé pour trois bâtiments en métal - Déterminer si la taxe payée est imposée par ou en vertu de la Loi.

DÉCISION  : L'appel est rejeté. L'article 44 prévoit que seul un montant pris en considération à titre de taxe imposée par ou en vertu de la Loi peut faire l'objet d'une demande de remboursement. L'appelante, l'utilisateur ultime des bâtiments, a versé un montant à un fabricant agréé à titre de taxe de vente fédérale exigible du fabricant conformément à la Loi. La jurisprudence indique que ces montants ne sont pas pris en considération à titre de taxe imposée par ou en vertu de la Loi.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 16 mai 1989 Date de la décision : Le 21 août 1989
Membres du jury : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow
Greffière : Lillian Pharand
Ont comparu : David F. Lunnen, pour l'appelante Peter Engelmann, pour l'intimé
Jurisprudence : G.M.L. Minerals Consulting c. Le ministre du Revenu national (Appel n° 2974); R. v. Stevenson Construction Co. Ltd., 24 N.R. 390; B.A.C.M. Construction Company Ltd. et al. v. R. in Right of British Columbia et al., 8 B.C.L.R. 391; Price (Nfld.) Pulp and Paper Limited c. La Reine [1974] 2 C.F. 436; Saugeen Indian Band v. The Queen, 2 T.C.T. 4033; M. Geller et al. v. The Queen [1960] Ex. C.R. 512; The Queen v. M. Geller Inc. [1963] R.C.S. 629.
Lois citées : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C. 1988, ch. 56, par. 54(2) et art. 60; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, par. 27(1) et 29(1), art. 44 et alinéa 1j), Partie XIII, Annexe III; Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9, par. 34(2) et 55(2); Loi spéciale des Revenus de guerre, S.C. 1943-1944, ch. 11, art. 105.





RÉSUMÉ

L'appelante a acheté trois bâtiments en métal d'un fabricant agréé, Almac Metal Industries Ltd. (Almac), pour entreposer l'équipement qu'elle utilise à son usine de pétrole lourd de Grand Forks. L'appelante a reçu une facture s'élevant à 782,68 $, qui correspond à la taxe de vente fédérale que Almac a dû verser au ministère du Revenu national (Douanes et Accise) en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise [1] . Par la suite, l'appelante a sollicité du fabricant le remboursement intégral du montant remis à titre de la taxe de vente fédérale, alléguant que les bâtiments en étaient exemptés. Le fabricant a refusé d'émettre une note de crédit à l'appelante, les fonctionnaires du Ministère lui ayant indiqué que les bâtiments ne seraient pas considérés comme exemptés de la taxe de vente.

L'appelante a décidé de réclamer un remboursement directement auprès du Ministère et a soumis une demande en vertu de l'article 44 de la Loi, prétextant que les marchandises étaient exemptées et que, par conséquent, le montant qu'elle avait remis au fabricant avait été payé par erreur.

Le Ministère puis le Ministre lui-même ont tous deux refusé d'accorder le remboursement parce que l'appelante n'y était pas admissible. Ils n'ont donc pas eu à décider si les bâtiments étaient exemptés de la taxe de vente fédérale.

Le présent appel porte sur la question de savoir si l'appelante est admissible à un remboursement. Dans l'affirmative, le Tribunal doit décider s'il lui incombe de statuer quant à savoir si les marchandises à l'égard desquelles le remboursement est demandé sont destinées à la mise en valeur du pétrole, et donc exemptées de la taxe, ou s'il convient de demander au Ministre de réexaminer cette question.

L'appel est rejeté. L'article 44 de la Loi stipule que le montant faisant l'objet de la demande de remboursement doit avoir été pris en considération à titre de taxe imposée par ou en vertu de la Loi. La jurisprudence indique clairement que les montants que le fabricant ou un autre titulaire de licence est légalement tenu de payer et qui sont versés par l'utilisateur ultime à titre de taxe de vente ne sont pas considérés comme une taxe imposée par ou en vertu de la Loi.

Les sommes versées par Geocrude Energy Inc. (Geocrude), l'utilisateur ultime des bâtiments en métal, à Almac, le fabricant des bâtiments, constituent la taxe de vente fédérale exigible de ce dernier conformément à la loi. Compte tenu de la jurisprudence, le Tribunal estime que l'appelante n'a pas satisfait aux conditions énoncées à l'article 44 de la Loi et qu'en qualité d'utilisateur ultime, elle ne peut réclamer le remboursement visé audit article.

Le Tribunal considérant que l'appelante n'est pas admissible à un remboursement, il n'a pas à statuer quant à savoir si les bâtiments à l'égard desquels le remboursement est demandé sont destinés à la mise en valeur du pétrole, et donc exemptés de la taxe, ou s'il convient de demander au Ministre de réexaminer cette question.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions statutaires pertinentes de la Loi sont les suivantes :

27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

29. (1) [2] La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III...

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE

CONDITIONNEMENT ET PLANS

1. Tous les articles suivants:

...

j) les machines et appareils, y compris le câble métallique, les trépans et le tubage du trou de tir pour sismographe, utilisés dans les travaux d'exploration, de découverte ou de mise en valeur du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux;

L'appelante soutient que le présent appel est assujetti aux dispositions de la Loi en vigueur à l'époque où elle a versé les sommes à Almac, à savoir :

44. (1) Il peut être accordé une déduction ou remise de toute taxe imposée par la présente loi

...

c) lorsque la taxe a été payée par erreur;

(7.1) Sous réserve du paragraphe (7), il ne sera accordé en vertu du présent article, aucune remise des deniers payés ou payés en trop par erreur, que ce soit en raison d'une erreur de fait ou de droit ou autrement, et dont il a été tenu compte à titre de taxes imposées par la présente loi, à moins que la personne y ayant droit n'en fasse la demande par écrit au Ministre dans les quatre ans qui suivent la date à laquelle les deniers ont été payés ou payés en trop.

L'alinéa 44(1)c) et le paragraphe 44(7.1) ont été abrogés et remplacés par une nouvelle disposition sur le remboursement, qui constitue aussi l'article 44.

De son côté, l'intimé soutient que la nouvelle disposition sur le remboursement doit régir l'appel, savoir :

44. [3] Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, d'amendes, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes d'argent doit, sous réserve de la présente Partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes d'argent.

Bien que le présent appel ait initialement été interjeté auprès de la Commission du tarif, il a été confié au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu du paragraphe 54(2) et de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] .

LES FAITS

Almac est un fabricant agréé de composantes en métal pour bâtiments. Le 28 janvier 1986, Almac a vendu trois bâtiments préfabriqués en métal à Geocrude. L'appelante les utilise pour entreposer une pompe à écume et des pompes à recyclage à son usine de pétrole lourd de Grand Forks. L'appelante a reçu une facture pour les bâtiments comprenant une somme de 782,68 $ représentant la taxe de vente fédérale due par Almac au Ministère en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi pour la vente des bâtiments à Geocrude.

Après avoir acheté les bâtiments, l'appelante a réclamé à Almac le remboursement intégral du montant de 782,68 $, alléguant qu'il s'agissait d'appareils utilisés pour la mise en valeur du pétrole lourd. S'appuyant sur le paragraphe 29(1) et sur l'alinéa 1j), Partie XIII, Annexe III, de la Loi, l'appelante affirmait que les marchandises étaient exemptées de la taxe de vente fédérale et que celle-ci avait donc été payée par erreur.

Les représentants d'Almac ont communiqué avec le personnel du bureau de district de l'Accise à Edmonton (Alberta), qui leur ont indiqué que les bâtiments ne seraient pas admissibles à une exemption de la taxe de vente. Almac a donc décidé de ne pas solliciter un remboursement de la taxe de vente qu'elle avait payée (782,68 $) et de ne pas émettre une note de crédit à Geocrude.

Le 28 août 1987, Geocrude a adressé une demande de remboursement directement au Ministère. Dans un Avis de détermination (ALB 63224) daté du 15 septembre suivant, ce dernier a indiqué que l'appelante ne pouvait soumettre une réclamation.

Insatisfaite, l'appelante a déposé un Avis d'opposition le 19 octobre 1987. Dans un Avis de décision du 18 novembre suivant, le Ministre a maintenu la décision antérieure, précisant que «tout droit éventuel de demander une exemption de la taxe ou de la recouvrer revient au vendeur» (traduction). En qualité d'acheteur, l'appelante ne pouvait donc réclamer un remboursement. Le Ministre n'a pas précisé si les marchandises visées étaient effectivement exemptées de la taxe de vente fédérale.

L'appelante a donc interjeté appel devant la Commission du tarif le 14 janvier 1988 en vertu de l'article 51.19 de la Loi.

LA QUESTION EN LITIGE

Le présent appel porte sur la question de savoir si l'appelante est admissible à un remboursement. Dans l'affirmative, le Tribunal doit décider s'il lui incombe de statuer quant à savoir si les marchandises à l'égard desquelles le remboursement est demandé sont destinées à la mise en valeur du pétrole, et donc exemptées de la taxe, ou s'il convient de demander au Ministre de réexaminer cette question.

L'appelante a soutenu que le Ministre avait eu tort de statuer que seul le vendeur des marchandises peut solliciter un remboursement; elle a ajouté que la taxe de vente fédérale est une taxe indirecte transférée par le fabricant et finalement payée par l'utilisateur ultime des marchandises. Geocrude est l'utilisateur ultime des bâtiments en métal et doit donc payer la taxe de vente fédérale. La seule obligation du fabricant, Almac, était de percevoir la taxe de vente et de la remettre au gouvernement.

L'appelante a déclaré que l'utilisateur ultime n'aurait pas à payer la taxe de vente si les marchandises étaient décrites à l'Annexe III de la Loi parce que dans ce cas, elles en seraient exemptées.

L'appelante a affirmé que l'utilisateur ultime a payé la taxe par erreur lorsque celle-ci s'applique à des marchandises qui en sont exemptées. Elle soutient avoir payé la taxe par erreur parce que les bâtiments en métal servent à la mise en valeur du pétrole lourd, et sont donc exemptées en vertu de l'alinéa 1j), Partie XIII, Annexe III, de la Loi.

L'appelante était d'avis que les dispositions de remboursement en vigueur lorsqu'elle a payé la «taxe de vente» ne s'appliquaient pas qu'aux vendeurs; elles stipulaient tout simplement qu'un remboursement pouvait être autorisé si la taxe avait été payée par erreur. Vu que l'appelante avait acquitté la taxe de vente fédérale par erreur, elle pouvait réclamer un remboursement.

L'appelante s'est appuyée sur une décision de la Commission du tarif dans la cause G.M.L. Minerals Consulting Ltd. c. Le ministre du Revenu national [5] , sur le jugement de la Cour d'appel fédérale dans R. v. Stevenson Construction Co. Ltd. [6] et sur la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans la cause B.A.C.M. Construction Company Ltd. et al. v. R. in Right of British Columbia et al. [7]

L'intimé a affirmé que l'appelante ne pouvait réclamer un remboursement, quelle que soit la disposition invoquée. Les deux dispositions précisaient que seul un contribuable pouvait demander un remboursement.

L'intimé a déclaré que l'appelante n'avait pas payé la taxe de vente fédérale au Ministère. Almac était le contribuable. L'appelante n'ayant pas acquitté la taxe, elle ne pouvait demander le remboursement de la taxe payée par erreur.

L'intimé a soutenu que les droits d'une personne dans la position de l'appelante pour ce qui est de demander un remboursement sont seulement ceux visés à l'article 51.33 [8] de la Loi. Or, cet article ne s'applique pas au cas présent parce que les conditions préalables à l'application de cet article n'ont jamais été remplies.

L'intimé a appuyé sa position sur la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause La Reine c. M.GellerInc. [9] et sur le jugement de la Cour d'appel fédérale dans la cause Price (Nfld.) Pulp and Paper Limited c. La Reine [10] .

L'intimé a soutenu que même si l'appelante pouvait réclamer un remboursement, les bâtiments en métal n'étaient pas visés par une exemption. Il a ajouté que ces bâtiments ne servaient pas à la mise en valeur du pétrole lourd, mais bien à l'entreposage d'équipement de production. Il a affirmé en outre que l'emploi du mot «production» ailleurs dans la Partie XIII de l'Annexe III indiquait que le Parlement souhaitait établir une distinction entre l'équipement de production et l'équipement de mise en valeur.

DÉCISION

Disposition de remboursement applicable

L'alinéa 44(1)c) et le paragraphe 44(7.1) ont été abrogés par la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9 (la Loi de 1986), et remplacés par une disposition sur le remboursement constituant le nouvel article 44.

Le paragraphe 34(2) de la Loi de 1986 a stipulé que la nouvelle disposition de remboursement entrerait en vigueur le 1er mai 1986, tandis que le paragraphe 55(2) a précisé que l'ancienne disposition ne s'appliquait que si le Ministre avait rejeté, en tout ou en partie, ou approuvé une demande de remboursement avant cette date. L'appelante ayant soumis sa demande de remboursement le 28 août 1987, et donc après le 1er mai 1986, le Tribunal estime que le présent appel est assujetti à la nouvelle disposition de remboursement.

Admissibilité de l'acheteur de réclamer un remboursement

Après avoir examiné la jurisprudence pertinente et le libellé de l'article 44 de la Loi, le Tribunal estime que l'appelante ne peut solliciter un remboursement à l'égard de la somme de 782,68 $ qu'elle a versée à Almac à titre de la taxe de vente que de cette dernière a payé au Ministère.

Les éléments du présent litige sont largement semblables à ceux que la Commission du tarif a examinés dans la cause G.M.L. (supra), alors qu'il s'agissait de déterminer si un acheteur pouvait réclamer le remboursement, en vertu du nouvel article 44 de la Loi, de la taxe de vente sur les marchandises que l'appelante utilisait dans le cadre de ses activités de prospection minière et qu'elle jugeait admissibles à une exemption selon l'alinéa 1j), Partie XIII, Annexe III, de la Loi. L'appelante avait versé une certaine somme à des détaillants en acompte de la taxe de vente fédérale exigible du fabricant des marchandises et payée par ce dernier. La Commission du tarif a statué à la majorité que l'appelante, un utilisateur ultime des marchandises, pouvait réclamer le remboursement, à condition que le Ministre détermine que les marchandises étaient en fait exemptées de la taxe [11] .

En décidant que l'acheteur ou l'utilisateur ultime avait droit à un remboursement en vertu de l'article 44 de la Loi, la majorité des membres de la Commission a déclaré ce qui suit :

Comme les marchandises...sont des appareils exemptés en fonction de leur utilisation ultime, les utilisateurs ultimes ne peuvent tirer avantage de l'exemption prévue par la Loi que dans la mesure où ils peuvent demander un remboursement de la taxe de vente versée par le producteur ou le fabricant. Comme utilisateur ultime et comme personne ayant droit à cetitre à une exemption de la taxe, l'appelante est la personne ayant payé par erreur la taxe dont le fardeau lui a été transmis. Je déclare donc que l'appelante a le droit de demander un remboursement en vertu de l'article44 de la Loi. (soulignement ajouté)

La Commission a appuyé ses conclusions sur les causes B.A.C.M. et Stevenson Construction (supra).

Il semble que la majorité des membres de la Commission était d'avis que les montants versés par l'utilisateur ultime au vendeur à titre de taxe de vente fédérale, exigible d'un tiers conformément à la loi, constituait une taxe imposée par la Loi.

Sauf le respect dû aux membres de la Commission, le Tribunal ne souscrit ni au raisonnement de la Commission ni à sa décision majoritaire. Au départ, le Tribunal estime que les deux causes sur lesquelles se fondent la majorité des membres de la Commission ne permettent pas d'en tirer de telles conclusions. Dans la cause Stevenson Construction (supra), la Cour d'appel fédérale a statué sur l'admissibilité de trois entrepreneurs à un remboursement alors que le prix des marchandises achetées aux fins de l'aménagement d'un quai pour traversier en vertu d'un marché passé avec la province de la Colombie-Britannique comprenait la taxe de vente fédérale. Les entrepreneurs invoquaient l'ancien article 44.2 de la Loi (maintenant l'article 44.19), qui permet à l'État, «au fabricant, au producteur, au marchand en gros, à l'intermédiaire ou à un autre commerçant, selon le cas», de solliciter un remboursement de la taxe de vente payée à l'égard des marchandises achetées par l'État.

Estimant qu'au sens juridique, l'État avait acheté les marchandises, la Cour a autorisé les entrepreneurs à réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale, bien qu'ils ne l'aient pas payée eux-mêmes au départ. La Cour a déclaré, en pages 399 et 400, que l'article 44.2 :

... n'assujettit pas le remboursement au fait que la personne qui le sollicite doit d'abord avoir payé la taxe, mais permet que ce remboursement soit versé à la personne qui a été tenue de la payer. Je crois que c'est là le sens de l'expression «selon le cas» ... La description des personnes à qui le remboursement peut être versé vise non pas à les répartir entre des catégories précises, mais bien à inclure quiconque a ultimement acquitté la taxe à l'égard des marchandises. (traduction) (soulignement ajouté)

Le Tribunal remarque que l'article 44.2 autorise expressément certaines catégories de personnes ayant acquitté la taxe à solliciter un remboursement. Or, comme l'article 44 de la Loi ne précise pas à qui un tel remboursement peut être payable, il convient de se demander si, à l'instar de l'article 44.2, l'article 44 s'applique à «quiconque a ultimement acquitté la taxe à l'égard des marchandises».

La deuxième cause invoquée par la majorité des membres de la Commission du tarif portait sur l'interprétation de l'expression «prix de vente» ou «prix d'achat» (traduction) contenue à l'article 2 de la Social Service Tax Act de la Colombie-Britannique, régissant l'application d'une taxe de vente dans cette province.

Vu l'importance de cette cause, tant pour la majorité des membres de la Commission du tarif que pour l'appelante, la note préliminaire, qui résume clairement les faits, est reprise ci-après :

Un sous-traitant (Ocean) dans le cadre d'un projet de construction d'une usine de fabrication a acheté de l'acier d'un fabricant. Ce dernier a payé la taxe de vente fédérale sur l'acier et l'a incluse dans le prix de vente exigé du sous-traitant. Lorsque le sous-traitant a utilisé l'acier aux fins du projet, il a versé une taxe à la province en fonction du prix d'achat payé au fabricant, lequel prix comprenait la taxe de vente fédérale. Le sous-traitant a ensuite facturé le maître d'oeuvre [B.A.C.M.] en incluant dans le prix de vente la taxe de vente fédérale payée par le fabricant initial et la taxe de vente provinciale que le sous-traitant avait lui-même acquittée. À son tour, le maître d'oeuvre a inclu dans le montant exigé du propriétaire la taxe payée au sous-traitant. Au moment de la vente au propriétaire, la taxe de vente fédérale est devenue remboursable et le maître d'oeuvre a reçu un remboursement... Ce dernier a ensuite demandé à la direction chargée de la taxe de vente provinciale un remboursement de la portion de la taxe de vente provinciale payée par le sous-traitant appliquée à la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat payé par le sous-traitant. Cette requête a été rejetée, d'où [l'appel interjeté auprès de cette cour]. (traduction)

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a maintenu la décision de la direction responsable de la taxe de vente provinciale pour les raisons suivantes :

À mon avis, la direction a eu raison de refuser le remboursement. Bien que la définition de «prix de vente» et de «prix d'achat» figurant à l'article 2 s'appuie sur le montant net du remboursement de la taxe de vente fédérale destiné au contribuable qui a également acquitté la taxe de vente provinciale, cette dernière taxe n'a pas à être remboursée si un tiers a touché le remboursement de la taxe de vente fédérale. (traduction)

Le Tribunal estime donc que la cause n'a de sens que si la personne autorisée à réclamer un remboursement de la taxe de vente provinciale en vertu de l'article 2, déduction faite du remboursement de taxe de vente fédérale, est le contribuable de la province.

Toutefois, la Commission du tarif a utilisé les observations connexes suivantes faites par la Cour en page 395 au sujet de la version de l'article 44 antérieure à son abrogation et à son remplacement en vertu de la Loi de 1986 :

À mon avis, aucune disposition de la Loi sur la taxe d'accise ne précise qui doit toucher le remboursement, mais en vertu de cette loi, la taxe est exigible au départ et ne cesse de s'appliquer qu'en cas de vente exemptée ultérieure, qui constitue un événement curatif. Il s'agit de favoriser le développement du secteur manufacturier au Canada; il est donc logique que le fabricant profite de l'avantage financier découlant du remboursement. Cette approche correspond à la nature indirecte de la taxe, c'est-à-dire qu'il est normal que le fardeau de la taxe soit ultimement confié à l'utilisateur final dans le cours normal des affaires. Aussi ce dernier devrait-il bénéficier de tout remboursement. Lorsque le remboursement est versé au fabricant ... ce dernier n'est nullement tenu d'en faire profiter l'acheteur ... et ainsi de suite jusqu'à l'utilisateur final. (traduction)

Ces observations portent à croire que l'utilisateur ultime (l'acheteur) des marchandises peut, en application de l'article 44 de la Loi, réclamer le remboursement des sommes versées au fabricant à titre de taxe de vente fédérale. En fait, le libellé dudit article et des versions antérieures, tel qu'interprété par la jurisprudence accumulée depuis 25 ans, fait état du contraire.

L'article 44 tire ses origines de S.C. 1943-1944, ch. 11. À cette époque, les dispositions sur le remboursement de la taxe de vente fédérale payée par erreur correspondaient aux paragraphes 105(1) et 105(6), dont le libellé était presque identique à celui de l'alinéa 44(1)c) et du paragraphe 44(7.1) de la Loi dans leur version antérieure à leur abrogation et remplacement par l'article 44 présentement en vigueur.

Depuis 1943, le point commun entre ces dispositions de remboursement est que les sommes visées par la demande doivent avoir été prises en considération à titre de taxe imposée par ou en vertu de la Loi.

Cette expression a été interprétée maintes fois, à commencer par la Cour suprême dans la cause Geller (supra), portant sur une demande de remboursement, en vertu des paragraphes 105(1) et 105(6) de la Loi en vigueur à l'époque, de la taxe de vente fédérale présumément acquittée par erreur. La demande s'appuyait sur une disposition stipulant qu'une taxe de vente s'appliquait à toute fourrure apprêtée et était exigible de l'apprêteur dès la livraison des marchandises à l'acheteur. L'apprêteur Nu-Way Lambskin Processors Ltd. (Nu-Way) avait payé la taxe sur les peaux de mouton livrées à l'acheteur, Geller, qui lui a remboursé le montant de la taxe. Par la suite, Geller et Nu-Way ont soumis des demandes de remboursement contradictoires, soutenant que la peau de mouton n'était pas une fourrure et que, par conséquent, les sommes dont il a été tenu compte à titre de taxe avaient été versées par erreur.

Le juge de première instance [12] a rejeté la requête de Nu-Way, la prescription n'ayant pas été respectée. Par contre, la réclamation de l'intimé a été maintenue parce que le droit de réclamer le remboursement de sommes payées par erreur pouvait être invoqué par toute personne ayant versé les montants dont il a été tenu compte à titre de taxe imposée par la Loi. Le magistrat a statué que le remboursement, à Nu-Way, de la taxe que cette dernière était légalement tenue de payer constituait une somme dont il a été tenu compte à titre de taxe imposée par la Loi.

Nu-Way n'en a pas appelé du jugement devant la Cour suprême du Canada, qui n'avait donc qu'à déterminer si le juge de première instance avait eu raison de déclarer que le remboursement constituait une somme dont il a été tenu compte à titre de taxe imposée par la Loi. En statuant qu'il n'avait pas été tenu compte desdites sommes à titre de taxe imposée par la Loi, la Cour a déclaré, en page 631 :

La personne tenue de payer la taxe est l'apprêteur, et ce dernier est admissible à un remboursement si la taxe a été payée en raison d'une erreur de droit ou de fait. Dans le cas présent, la taxe a été acquittée par l'apprêteur, Nu-Way, et lui seul a eu droit à un remboursement...

L'intimé ne dispose d'aucun droit légal lui permettant de soumettre une réclamation. Certes, M.GellerInc. a remboursé Nu-Way, mais cela ne lui permet pas d'intenter des procédures, ce que la loi interdit.

L'accord intervenu entre Geller et Nu-Way n'est d'aucun intérêt pour [la Couronne]. Il s'agit d'une convention dite «res inter alios acta» qui ne peut affecter les droits de la Couronne. (traduction) (soulignement ajouté)

Le Tribunal fait remarquer que la majorité des membres de la Commission du tarif a cherché à préciser la pertinence de la cause Geller (supra) parce que celle-ci portait sur deux réclamations contradictoires et que «Il est facile de comprendre pourquoi la cour a déterminé, dans une telle situation, que la personne tenue de payer la taxe était aussi celle qui avait droit à un remboursement» [13] (traduction).

Sauf le respect dû aux instances en cause, le Tribunal ne souscrit pas à cette conclusion parce que la Cour suprême devait déterminer non pas lequel des deux réclamants avait davantage le droit de solliciter un remboursement des montants payés par erreur et dont il a été tenu compte à titre de taxe imposée par la Loi, mais bien, tel que mentionné précédemment, si les sommes versées par l'acheteur à l'apprêteur en remboursement de la taxe acquittée par ce dernier en vertu de la Loi constituaient une taxe de vente imposée par la loi.

Cependant, même si la cause Geller (supra) n'était pas semblable à l'appel de la Commission du tarif, et par extension, au présent appel, le Tribunal est d'avis que la jurisprudence ultérieure réaffirme le principe Geller dans des cas qui ne portaient pas sur des réclamations contradictoires.

Dans la cause Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. (supra), la Cour d'appel fédérale devait décider si l'acheteur de marchandises, qui avait payé un prix comprenant une somme au titre de la taxe de vente que le fabricant était légalement tenu d'acquitter, pouvait réclamer un remboursement, lesdites marchandises ayant ultérieurement été déclarées exemptées de la taxe en vertu d'une modification à la loi. En statuant que la modification législative n'était pas rétroactive et ne s'appliquait pas à la taxe déjà payée, la Cour a déclaré, aux pages 441 et 442 :

...même s'il est admis que la taxe déjà payée est devenue non exigible et donc remboursable ... l'appelante n'a pas su établir, à mon avis, qu'elle était fondée à réclamer à la Couronne le recouvrement du montant en cause. Le fait que l'appelante, comme l'a affirmé l'avocat, soit la seule personne intéressée à obtenir le remboursement de ces sommes ne suffit pas à mon avis à lui conférer un droit d'action à cet égard à l'encontre de la Couronne puisqu'elle n'a été assujettie à aucune taxe et n'en a pas payé; j'estime en outre qu'on ne peut affirmer que l'appelante, et non la Couronne, ait jamais été propriétaire des sommes versées à la Couronne par la Dominion Engineering Works Limited à titre de paiement de la taxe. (soulignement ajouté)

Ce principe jurisprudentiel a de nouveau été invoqué par la Division de première instance de la Cour fédérale dans sa récente décision dans la cause Saugeen Indian Band v. The Queen [14] . L'appelante, la bande indienne, avait acheté plusieurs articles dont le prix comprenait la taxe de vente fédérale. Les membres de la bande ont ensuite demandé, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, un remboursement de la portion du prix d'achat représentée par la taxe de vente en raison de leur statut d'Indiens inscrits conformément à la Loi sur les Indiens. Essentiellement, la Division de première instance devait déterminer si la Loi sur les Indiens prévoyait l'exemption des bandes indiennes à la taxe, autorisant ainsi l'appelante à obtenir un remboursement de la portion du prix d'achat des marchandises payé au vendeur représentée par la taxe de vente.

La Cour a rejeté l'appel, estimant entre autre que la portion du prix d'achat des marchandises payé au vendeur représentée par la taxe de vente ne constituait pas une taxe imposée en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Dans son jugement, aux pages 4037 et 4038, la Cour a déclaré ce qui suit :

L'avocat de la plaignante soutient que la taxe de vente fédérale est une taxe de consommation, et que les marchandises achetées aux fins de consommation sur le territoire de la réserve devraient en être exemptées. Je crois que cet argument confond la nature de la taxe de vente fédérale et de la taxe de vente au détail provinciale. La taxe de vente au détail provinciale s'applique à la consommation par l'utilisateur final. Le vendeur des marchandises perçoit la taxe en qualité d'agent de la Couronne. En revanche, la taxe de vente fédérale est exigible du vendeur, et non de l'acheteur, et frappe surtout la vente de produits finis au niveau du fabricant. Le mot «consommation» sert à décrire la taxe; par ailleurs, le paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise parle d'une «taxe de consommation ou de vente» ... Quel que soit le sens de l'emploi de cette expression, il est trop imprécis pour que la taxe imposée en vertu du paragraphe 27(1) soit considérée comme une taxe sur la consommation ou l'achat des marchandises par l'utilisateur final. (traduction) (soulignement ajouté)

En résumé, la jurisprudence a toujours indiqué que les sommes versées par l'utilisateur ultime aux fins de la taxe de vente fédérale, que le fabricant ou un autre titulaire de licence est légalement tenu de payer, ne constituent pas une taxe imposée par ou en vertu de la Loi.

CONCLUSION

Les sommes versées par Geocrude, l'utilisateur ultime des bâtiments en métal, à Almac, le fabricant de ces bâtiments, l'ont été à titre de taxe de vente fédérale que le fabricant est légalement tenu de payer. Compte tenu de la jurisprudence, le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas satisfait aux modalités de l'article 44 de la Loi et qu'en qualité d'utilisateur ultime, celle-ci ne peut solliciter un remboursement en vertu dudit article.

Comme le Tribunal estime que l'appelante ne peut demander un remboursement, il n'a pas à statuer quant à savoir si les bâtiments sont destinés à la mise en valeur du pétrole, et donc exemptés de la taxe, ou s'il convient de demander au Ministre de réexaminer cette question.

L'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, ch. E-13; maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15, par. 50(1).

2. Maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15, par. 51(1).

3. Maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15, art. 68.

4. S.C. 1988, ch. 56.

5. Appel n ° 2974.

6. 24 N.R. 390.

7. 8 B.C.L.R. 391.

8. Maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15, art. 81.33.

9. [1963] R.C.S. 629.

10. [1974] 2 C.F. 436.

11. Le 16 février 1989, le procureur général du Canada en a appelé de cette décision auprès de la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada. Aucune décision n'a encore été rendue.

12. [1960] Ex. C.R. 512.

13. Appel n ° 2974, p. 10.

14. 2 T.C.T. 4033.


Publication initiale : le 6 août 1997