ESSO RESOURCES CANADA LIMITED

Décisions


ESSO RESOURCES CANADA LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 2984

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 4 décembre 1989Appel no 2984

EU ÉGARD À une demande entendue le 17 mai 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, telle que modifiée;

ET EU ÉGARD À un avis de décision du ministre du Revenu national en date du 8 janvier 1988 concernant un avis d'objection présenté en conformité avec l'article 51.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ESSO RESOURCES CANADA LIMITEDAppelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'appelante n'a pas droit à un remboursement en vertu du sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, sur la taxe de vente fédérale payée sur les tuyaux, les soupapes, les raccords et autre matériel connexe utilisés dans l'assemblage des pipelines installés sur les terres louées de l'appelante.


Kathleen Macmillan ______ Kathleen Macmillan Membre présidant

Sidney A.Fraleigh ______ Sidney A.Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si les pipelines, les raccords de soupapes et autre matériel connexe servent directement dans la production de pétrole lourd et s'ils sont exemptés selon le sous-alinéa1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION: L'appel est rejeté. Selon les définitions de dictionnaires du mot «directly» (directement - en français), interprétées dans le contexte de la clause d'exemption, pour que les machines ou appareils soient visés par le sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, il doit y avoir un rapport ou lien étroit entre les machines et appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production. Bien que les pipelines servent à la production du bitume, le Tribunal considère que le lien ou le rapport avec le procédé de production se définit avec plus d'exactitude et de précision comme l'infrastructure qui permettra l'utilisation directe de machines et d'appareils spécifiques dans la production de bitume vendable.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 17 mai 1989 Date de la décision : Le 4 décembre 1989
Membres : Kathleen Macmillan, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow Greffier : Lillian Pharand
Ont comparu : Peter L. Miller, pour l'appelante Peter C. Engelmann, pour l'intimé
Jurisprudence : Amerada Minerals Corporation of Canada Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 9 R.C.T. 106; Amoco Canada Petroleum Company Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 6 R.C.T. 386; 8 R.C.T. 696, confirmé 13 C.E.R. 102 (C.F.A.); Foundation-Comstock c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 5 R.C.T. 32, confirmé 5 R.C.T. 39 (Cour de l'Échiquier); Horton CBI Limited c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) 6 R.C.T. 415; I-XL Industries Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 6 R.C.T. 106; Petro-Canada Inc. v. The Deputy Minister of National Revenue (Customs and Excise), 9 C.E.R. 121; Steetley of Canada (Holdings) Limited c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 6 R.C.T. 30.
Lois citées : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C. 1988, chap. 56, par. 54(2) et art. 60; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, par. 27(1) et 29(1), et alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III.





RÉSUMÉ

L'appelante s'occupe de l'exploration, de la mise en valeur et de la production de pétrole lourd (bitume). L'appelante le récupère par l'introduction de vapeur à température élevée dans un réservoir naturel pour amollir suffisamment le pétrole pour qu'il coule et soit plus facile à récupérer. Le gaz naturel sert de combustible pour chauffer l'eau dans les générateurs de vapeur. La vapeur produite est ensuite injectée dans un réservoir naturel de pétrole lourd. L'appelante a acheté des tuyaux, des raccords de soupapes et du matériel connexe pour l'assemblage des pipelines qui acheminent le gaz naturel aux générateurs de vapeur.

Le litige du présent appel consiste à déterminer si les pipelines, les raccords de soupapes et les accessoires connexes servent directement à la production du pétrole lourd. Dans l'affirmative, ils sont exemptés de la taxe de vente selon le sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi).

L'appel n'est pas admis. Selon les définitions de dictionnaires du mot directly (directement - en français) interprétées dans le contexte de la clause d'exemption, pour que les machines ou appareils soient visés par le sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi, il doit y avoir un rapport ou lien étroit entre les machines et appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production. Bien que les pipelines servent à la production du bitume, le Tribunal considère que le lien ou le rapport avec le procédé de production se définit avec plus d'exactitude et de précision comme l'infrastructure qui permettra l'utilisation directe de machines et d'appareils spécifiques dans la production de bitume vendable.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions pertinentes de la Loi, selon le libellé en vigueur pendant la période de cotisation, sont les suivantes :

27(1) [2] Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente... sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada

...

29(1) [3] La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexeIII...

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE

CONDITIONNEMENT ET PLANS

1.Tous les articles suivants:

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux principalement et directement dans

(i) la fabrication ou la production de marchandises...

Bien que l'appel ait initialement été interjeté auprès de la Commission du tarif, il a été repris, en vertu du paragraphe 54(2) et de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) qui l'a mené à terme.

LES FAITS

L'appelante, Esso Resources Canada Limited (Esso), est une filiale en propriété exclusive d'Imperial Oil Limited. Elle est un fabricant titulaire de licence qui s'occupe d'exploration, de mise en valeur et de production de pétrole, de gaz naturel, d'autres hydrocarbures et biens miniers.

L'appelante a acheté les tuyaux, les soupapes, les raccords et d'autre matériel connexe pour servir à l'assemblage des pipelines de gaz naturel. Ces derniers sont utilisés dans les opérations d'extraction du pétrole lourd (bitume) dans une zone louée le long de la frontière de l'Alberta et de la Saskatchewan, près de Cold Lake (Alberta).

Le 3 mars 1987, par avis de cotisation no CAL 0786, Esso s'est vu imposer une taxe de vente à l'égard de ces achats. La cotisation visait la période du 1er juillet 1984 au 30 septembre 1986. Esso a contesté la cotisation par avis d'opposition le 14 mai 1987, affirmant qu'elle se servait de ce matériel directement dans la production de pétrole. Ainsi, selon elle, les achats devraient être exemptés de la taxe de vente selon le sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi (ci-après appelée clause d'exemption). Toutefois, le ministre du Revenu national (le Ministre) a publié un avis de décision (70094AE), le 8 janvier 1988, qui confirmait la cotisation initiale. L'appelante en a donc appelé à la Commission du tarif le 31 mars 1988.

M. Brian Fowler, technologue du génie civil et ingénieur civil à l'emploi d'Esso à titre d'ingénieur principal des installations a été convoqué comme témoin de l'appelante. Il a expliqué en détail les procédés en cause dans l'extraction du pétrole lourd et a décrit le site et les installations.

Le bitume qui se trouve dans le réservoir naturel de pétrole lourd n'est habituellement pas fluide à moins que le producteur n'utilise une technique de récupération spéciale qui fait grimper la température du pétrole lourd afin d'en réduire la viscosité. L'appelante a recours à la méthode d'injection cyclique de vapeur dans ses opérations de Cold Lake. Ce procédé comprend l'introduction d'une vapeur à température élevée dans le réservoir naturel pour amollir suffisamment le bitume pour en permettre la récupération.

À cette fin, on chauffe de l'eau dans d'immenses générateurs de vapeur à chacun des quatre sites de l'usine - Mahihkan, Maskwa, Leming et May - situés sur les terrains de l'appelante. Les générateurs produisent une vapeur à température élevée et sous grande pression qui est poussée jusqu'aux divers puits dans des canalisations sur la propriété louée par l'appelante. La vapeur est injectée dans les puits et vient ensuite en contact direct avec le bitume dans le réservoir naturel.

Le pétrole récupéré est acheminé à l'un des sites de l'usine. L'eau est extraite du bitume (eau produite par la condensation de la vapeur) et traitée pour en supprimer des quantités restreintes de pétrole. Elle peut ensuite servir de nouveau à la production de vapeur.

Même si l'eau est presque toute récupérée et recyclée, il faut ajouter une certaine quantité d'eau fraîche aux générateurs de vapeur; ce qui se fait grâce à une canalisation qui relie une station de pompage de Cold Lake aux divers sites de l'usine d'Esso.

Le bitume est ensuite traité pour éliminer le gaz qu'il contient, dilué pour réduire la viscosité et introduit dans un pipeline de l'Alberta Energy Corporation.

Le gaz naturel sert à chauffer l'eau dans les générateurs de vapeur. Le gaz est consommé dans les générateurs pour chauffer l'eau, ce qui produit la vapeur. Le témoin a dit, en réponse à des questions, que le gaz naturel n'entre jamais en contact avec le bitume.

M. Fowler a dit qu'en raison de la grande viscosité du pétrole lourd, la production de la vapeur constitue une partie intégrante et essentielle du traitement du pétrole lourd fait par l'appelante.

Il ne peut pas y avoir de vapeur sans combustible pour chauffer l'eau pour qu'elle devienne vapeur. L'appelante a choisi d'utiliser le gaz naturel à cette fin, même si elle aurait pu prendre d'autres combustibles comme le butane, le propane ou le naphta. Peu importe le combustible utilisé, le pipeline constitue le seul moyen pratique pour acheminer le gaz aux générateurs de vapeur.

Deux sociétés fournissent le gaz naturel, Nova et World Wide Energy, dans leurs propres pipelines jusqu'aux points de transfert sur les terrains loués d'Esso, à une certaine distance des générateurs de vapeur.

Les points de transfert comportent un compteur, qui appartient au fournisseur et qui enregistre la quantité de gaz naturel vendue à l'appelante, et un réducteur de pression qui réduit la pression du gaz naturel à son arrivée aux points de transfert.

La réduction de pression aux points de transfert est la seule transformation du gaz naturel à partir de l'entrée dans les pipelines des fournisseurs jusqu'à la combustion dans les générateurs de vapeur de l'appelante.

L'appelante a assemblé ses propres pipelines de gaz naturel à partir de ces points de transfert pour acheminer le gaz naturel aux générateurs de vapeur.

Les tuyaux, les soupapes, les raccords et le matériel connexe qui font l'objet de cet appel ont été inclus par l'appelante dans l'assemblage des pipelines de gaz naturel suivants :

a) un pipeline d'environ 250 mètres de longueur, allant du point de transfert de la Nova aux générateurs de vapeur de l'usine Maskwa de l'appelante;

b) un pipeline d'environ 4,5 kilomètres, à partir du même point de transfert jusqu'aux générateurs de vapeur de l'usine Leming; et

c) un pipeline d'environ 500 mètres de longueur qui va du point de transfert du pipeline de World Wide Energy jusqu'au générateurs de vapeur du site May.

Un quatrième pipeline construit par l'appelante mesure environ 20 mètres de longueur et va d'un second point de transfert de Nova jusqu'aux générateurs de vapeur du site Mahihkan. Le matériel ayant servi à la construction de cette canalisation n'est pas visé par le présent appel.

Nova et World Wide Energy auraient pu construire leurs propres pipelines plus près de chaque site (réduisant ainsi la longueur des pipelines appartenant à l'appelante), mais l'appelante a choisi l'emplacement des points de transfert après avoir étudié des facteurs comme les droits de passage, la construction d'autres usines et les questions économiques.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le présent appel, il s'agit de déterminer si les pipelines, les raccords de soupape et autre matériel connexe servent directement dans la production de pétrole lourd. Dans l'affirmative, ils sont exemptés de la taxe de vente selon la clause d'exemption.

Le point central de l'argument de l'appelante est que le matériel en question sert directement dans la production de pétrole lourd parce qu'il fait partie intégrante et essentielle du processus de production.

L'appelante a cité plusieurs décisions de la Commission du tarif comme base de cette proposition : I-XL Industries Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [5] ; Steetley of Canada (Holdings) Limited c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [6] ; Horton CBI Limited c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [7] .

L'appelante a soutenu qu'il ne peut pas y avoir production du pétrole lourd sans la vapeur. Les pipelines de gaz naturel de l'appelante sont indispensables pour l'alimentation en gaz des générateurs de vapeur produisant la vapeur pour fins d'injection. Si les pipelines qui alimentent en gaz sont enlevés, l'installation d'extraction du bitume de l'appelante cessera de fonctionner. Ainsi, les pipelines et les accessoires servant à leur assemblage sont directement utilisés pour la production de bitume.

L'appelante a aussi affirmé que le matériel en cause est utilisé directement dans la production de pétrole lourd car il sert à l'assemblage des pipelines situés sur les lieux de production.

L'intimé a soutenu que les marchandises en question ne sont pas utilisées directement dans la production de bitume. Même si l'approvisionnement en combustible des générateurs est essentiel et fait partie du processus de production, ce fait ne suffit pas pour exempter les pipelines, et donc le matériel d'assemblage, de la taxe de vente fédérale. Les appareils comme le matériel en question sont plutôt utilisés directement dans la production de pétrole lourd uniquement s'il n'y a pas d'installations ou d'agents intermédiaires qui coupent l'intervention des pipelines dans le procédé de production.

Tout comme l'appelante, l'intimé a cité plusieurs causes comme autorisation à l'appui de sa proposition : Foundation-Comstock c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [8] ; Amoco Canada Petroleum Company Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [9] ; Amerada Minerals Corporation of Canada Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) [10] .

L'intimé a soutenu qu'un facteur intermédiaire a interrompu l'intervention des pipelines dans le processus de production. Le gaz naturel est transporté dans les pipelines jusqu'aux générateurs de vapeur, où il sert de combustible dans le processus de production de vapeur. Les générateurs de vapeur constituent le facteur intermédiaire dans le procédé de production. Ils ont complètement changé les propriétés du gaz naturel en le consommant comme combustible.

DÉCISION

Pour qu'ils soient exemptés en vertu de la clause d'exemption, les tuyaux, les soupapes, les raccords, etc., doivent être des appareils ou des machines devant servir principalement et directement dans la production de pétrole lourd. L'intimé admet que les marchandises sont des appareils devant être utilisés principalement dans la production de pétrole lourd. Le Tribunal est d'accord et considère qu'ici, il importe de savoir si les pipelines pour lesquels l'appelante a acheté les tuyaux, les soupapes, les raccords, etc., servent directement à la production de pétrole lourd. Les témoignages et les arguments vont en ce sens.

Après avoir examiné les faits, le libellé officiel de la clause d'exemption et la jurisprudence pertinente, le Tribunal considère que les pipelines appartenant à l'appelante, même s'ils servent à la production du bitume, ne sont pas utilisés directement dans le procédé de production.

Le Tribunal a examiné la jurisprudence de la Commission du tarif présentée par les deux parties pour déterminer le sens du mot «directement» dans le contexte de la clause d'exemption. La jurisprudence indique que la Commission du tarif s'est servie de deux critères différents pour résoudre la question de savoir si les marchandises en cause servaient directement à la fabrication ou à la production.

Dans les causes moins récentes de la Commission du tarif, citées par l'appelante, le mot «directement» est défini selon le critère suivant : les machines ou appareils sont utilisés directement dans la fabrication ou la production de marchandises s'ils font partie intégrante et essentielle du procédé de production ou de fabrication. Pour qu'ils soient admissibles, la production doit cesser dès que la machine ou l'appareil est retiré du processus.

Dans les causes plus récentes de la Commission du tarif, citées par l'intimé, d'autres critères servent à définir le mot «directement». Ainsi, il signifie «sans l'intervention d'un moyen ou agent».

La cause d'Amoco no 1 (susmentionnée) est un exemple de la façon dont ce deuxième critère a été appliqué. La Commission du tarif devait déterminer si les tuyaux, les soupapes et les raccords incorporés dans un réseau de pipelines servaient directement à produire le pétrole brut. Les pipelines ont servi à deux types de systèmes : le système à injection d'un produit miscible et le système à injection d'eau.

Dans le système à injection d'un produit miscible, les pipelines servaient à réunir le gaz naturel et les produits liquides extraits du gaz naturel provenant de différents points d'origine. Ces produits étaient ensuite transportés dans un poste d'injection oF9— ils étaient mélangés en portions prédéterminées, puis injectés, alternativement, avec de l'eau et du gaz naturel dans un réservoir naturel contenant du pétrole, afin d'agir comme solvant. Dans le système à injection d'eau, les pipelines servaient à ramasser l'eau d'une rivière et à la transporter à un poste d'injection pour l'acheminer au réservoir naturel sous une pression accrue.

La Commission du tarif a conclu que seuls les pipelines du système à injection d'eau servaient directement à la production du pétrole parce que, dans un système à injection d'un produit miscible, le poste d'injection agissait comme installation intermédiaire en contrôlant le type de matière injectée dans le réservoir naturel.

Le critère d'installation intermédiaire a aussi été pris en considération dans un certain nombre de décisions de la Cour d'appel fédérale. Dans la cause Petro-Canada Inc. v. The Deputy Minister of National Revenue (Customs and Excise) [11] , la Cour a regardé si les pompes de surcompression, situées à un point de transfert dans une exploitation de pétrole brut, servaient directement à la production de pétrole. Les compresseurs augmentaient la pression du gaz naturel destiné à l'injection dans un réservoir naturel de pétrole brut pour y agir comme solvant du pétrole. En répondant à la question, la Cour a fait les commentaires suivants sur le critère de l'installation intermédiaire :

J'ai été incapable de trouver une autorité supérieure à la Commission du tarif pour déterminer si son point de vue sur la présence d'une «installation intermédiaire» est probant quant à la question d'utilisation directe et je ne peux exprimer une opinion quant à sa valeur [12] . (soulignement ajouté) (traduction)

Après la cause de Petro-Canada (susmentionnée), la Cour d'appel fédérale, dans un appel portant sur la décision de la Commission du tarif dans la cause Amoco no 2, a de nouveau étudié le sens du mot «directement» dans la clause d'exemption. Dans cette cause, la Cour s'est penchée sur la question de savoir si les pipelines, qui faisaient partie d'un système de collecte des mélanges d'hydrocarbures liquides à partir des usines de traitement du gaz et transmettaient ces gaz à l'usine de fractionnement, étaient utilisés directement dans la production du propane, du butane, etc.

La Cour a défini le problème comme suit :

La question en litige, dans la présente cause, est la définition exacte du mot «directement» dans la disposition statutaire devant le tribunal.

L'appelante, le sous-ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise, a indiqué que le mot «directement» au sens dans lequel il est utilisé dans la loi signifie «immédiatement ou sans délai». Par contre, l'intimé, Amoco Canada Petroleum Company Limited, a soutenu que le mot signifiait «sans installation intermédiaire» [13] ... (traduction)

La Cour a solutionné le problème comme suit :

Attribuer au mot «directement» le sens proposé par l'appelante, c'est lui donner un sens étroit et restreint. Par contre, l'intimé voudrait lui donner un sens beaucoup plus large. Rien dans la loi ne permet de conclure que le mot «directement» est utilisé au sens restreint... Le sens large du mot est objectif et semble plus conforme à l'intention apparente du Parlement que le sens restreint... [14] (soulignement ajouté) (traduction)

Bien que le Tribunal ait étudié attentivement la jurisprudence, il ne considère pas que les critères soient utiles dans le présent litige. Le critère de l'installation intermédiaire a servi dans plusieurs causes, mais, de l'opinion du Tribunal, ces causes portaient sur des circonstances de fait différentes du présent litige. Le critère n'a pas permis de déterminer si les canalisations transportant un carburant servent directement à la production.

Même si la Cour d'appel fédérale a déclaré qu'en déterminant le sens du mot «directement», l'expression «sans installation intermédiaire» correspond davantage à l'intention apparente du Parlement que l'expression «immédiatement et sans délai», le Tribunal ne considère pas que ce fait lui interdise de prendre le mot «directement» dans un autre sens qui simplifierait peut-être les choses dans des circonstances différentes de celles qui étaient présentées à la Cour.

Quant au critère mis au point dans les causes antérieures de la Commission du tarif, le Tribunal ne considère pas que le mot «directement» soit synonyme de l'expression «une partie intégrante et essentielle du processus de fabrication». Dans Amoco no 2, le juge Urie de la Cour d'appel fédérale a donné les directives suivantes aux fins de l'interprétation du mot «directement» tel qu'il est établi dans la clause d'exemption.

La Loi ne définit pas le mot «directement» et le registre ne permet pas de conclure que des éléments de preuve ont été présentés pour y indiquer un sens particulier attribué par l'industrie. En conséquence, le mot doit garder son sens grammatical ordinaire à moins que ce dernier ne conduise à une absurdité, à une incompatibilité ou à une contradiction. Pour déterminer le sens ordinaire, il est possible, voire utile, d'utiliser les dictionnaires. [15] (soulignement ajouté) (traduction)

Dans cette cause-là, plusieurs définitions de dictionnaires anglais du mot «directly» ont été citées de sources bien informées :

Black's Law Dictionary, 5th edition:

DirectlyIn a direct way without anything intervening, not by secondary, but by direct, means.

The Shorter Oxford Dictionary, 3rd edition:

Directly1.In a direct manner; in a straight line of motion; straight;

3.completely, exactly;

4.without the intervention of a medium; immediately; by a direct process or mode;

5.immediately (in time); straightway.

Webster's Third New International Dictionary:

Directly1.a:without any intervening space or time: next in order: squarely, exactly;

b: in a straight line: without deviation of course;

4.a:without any intervening agency or instrumentality or determining influence; without any intermediate step;

6.a:without a moment's delay: at once: immediately.

The Living Webster Encyclopedic Dictionary:

DirectlyIn a direct manner; in a straight line or course; immediately; instantly; soon; without delay; expressly; without circumlocution or ambiguity; following immediately in order. [16]

Aucun élément de preuve reçu par le Tribunal ne laisse entendre que le mot «directement» signifie «partie intégrante» ou «essentielle» dans l'industrie de l'extraction du pétrole lourd. Par ailleurs, le Tribunal considère que les définitions susmentionnées indiquent que le sens ordinaire et grammatical du mot «directement» n'est pas «intégrante» ni «essentielle».

Le Tribunal considère que le lien fonctionnel entre machines et appareils et le procédé de production sert davantage de guide au moment de déterminer si les marchandises servent directement au procédé de production.

D'après le Tribunal, les définitions susmentionnées du mot «directement», interprétées dans le cadre de la clause d'exemption, sont utiles pour définir l'étendue du rapport.

Compte tenu de la déclaration du juge Urie dans la cause Amoco no 2, selon laquelle l'interprétation du mot «directement» au sens de «immédiatement et sans délai» n'est pas conforme à l'intention du Parlement dans la rédaction de la clause d'exemption, le Tribunal conclut que les définitions de dictionnaires, dans l'ensemble, indiquent que le mot «directement» sous-entend un rapport ou un lien proche.

Le concept de rapport ou de lien proche est conforme au libellé officiel de la clause d'exemption. Pour être visés par la clause d'exemption, les machines ou appareils doivent être utilisés principalement et directement dans la production de marchandises. En d'autres termes, les machines ou appareils doivent servir principalement et directement dans le procédé qui aboutira au produit fini.

Ainsi, en définissant la portée de la clause d'exemption, le Parlement a rédigé la disposition de manière restrictive. Non seulement les machines ou appareils doivent servir dans le procédé de production, leur intervention dans le procédé doit être principale et directe. En effet, que le Parlement ait utilisé le mot «directement» dans la clause d'exemption semble indiquer qu'il ne considère pas que chaque élément du procédé de production soit utilisé directement dans la production de marchandises.

Parce que le mot «directement» sous-entend un lien ou un rapport étroit, et parce que le Parlement a rédigé la clause d'exemption de manière restrictive, le Tribunal considère qu'il doit y avoir un lien ou un rapport étroit entre les machines ou appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production pour que ces machines et appareils soient visés par la clause d'exemption.

D'après le Tribunal, le fait que les pipelines de l'appelante servent au transport du combustible signifie qu'ils ne sont pas liés étroitement au procédé de production du bitume lourd. Les pipelines en question transportent une matière qui est complètement consommée par une machine (générateur de vapeur) pour fournir l'énergie nécessaire à la transformation de l'eau en vapeur. Les pipelines ne transportent pas de matières brutes entrant dans le produit fini, le bitume vendable. Les pipelines ne transportent pas une matière qui, par l'introduction dans le bitume, franchira une autre étape vers la production d'un produit fini. De plus, ni les pipelines ni les matières transportées n'entrent en contact avec les marchandises en production.

Alors qu'aucun des facteurs susmentionnés pris séparément ne serait concluant, considérés collectivement, ils permettent au Tribunal de conclure que même si les pipelines sont utilisés dans la production du bitume, leur lien ou rapport au procédé de production se définit avec plus d'exactitude et de précision comme un élément de l'infrastructure qui permettra aux machines ou aux appareils d'être utilisés directement dans la production de bitume vendable.

Durant la présentation des arguments, l'appelante a déclaré que les tuyaux, soupapes, raccords, etc., en question sont utilisés directement dans la production de pétrole lourd parce qu'ils servent à assembler des pipelines situés sur les terrains de production de l'appelante. Cependant, le Tribunal considère que l'emplacement des machines ou des appareils par rapport aux terrains de production ne suffit pas à déterminer si les machines ou appareils servent à la production de marchandises.

CONCLUSION

À la lumière des faits, le Tribunal ne considère pas que les tuyaux, les soupapes, les raccords, etc., utilisés par l'appelante dans l'assemblage de pipelines servent directement dans la production du pétrole lourd au sens du sous-alinéa 1a)(i), partie XIII, annexe III de la Loi.

L'appel est donc rejeté.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, chap. E-13; maintenant L.R.C. 1985, chap. E-15.

2. Ibid., par. 50(1).

3. Ibid., par. 51(1).

4. L.C. 1988, chap. 56.

5. 6 R.C.T. 106.

6. 6 R.C.T. 30.

7. 6 R.C.T. 415.

8. 5 R.C.T. 32; confirmé 5 R.C.T. 39 (Cour de l'Échiquier).

9. Amoco Canada Petroleum Canada Ltd. et le sous - ministre du Revenu national (Douanes et Accise) ont été impliqués dans deux appels différents devant la Commission du tarif. Le premier est noté dans le 6 R.C.T. 386, ci-après Amoco no 1. Le deuxième est énoncé dans le 8 R.C.T. 696, confirmé 13 C.E.R. 102 (C.F.A.), ci-après Amoco no 2.

10. 9 R.C.T. 106.

11. 9 C.E.R. 121.

12. Ibid., page 124.

13. 13 C.E.R. 107 - 108.

14. Ibid., page 108.

15. Ibid., page 107.

16. Ibid., pp. 107-108.


Publication initiale : le 8 août 1997