FEDERAL ELECTRIC (1976) LTD.

Décisions


FEDERAL ELECTRIC (1976) LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3061

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 26 juin 1989

Appel no 3061

EU ÉGARD À un appel entendu le 1er mars 1989, en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi) dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise rendue le 10 août 1988 en vertu de l'article 81.15 de la Loi.

ENTRE

FEDERAL ELECTRIC (1976) LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les transformateurs et les accessoires, qui faisaient l'objet d'un Avis de décision de l'intimé, daté du 10 août 1988, sont des marchandises qui ne sont pas exemptées de la taxe de vente fédérale en vertu de l'alinéa 1t) de la Partie XIII, Annexe III de la Loi.


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Application de la taxe de vente - Déterminer si les marchandises achetées entre mars et mai 1987 en conformité avec les dispositions d'un contrat à forfait signé en octobre1986 sont exemptées de la taxe de vente malgré l'entrée en vigueur, en février 1987, de l'alinéa 1t) de la PartieXIII, AnnexeIII de la Loi qui excluait de l'exemption les marchandises en question.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les transformateurs et les accessoires ne sont pas exemptés de la taxe de vente fédérale en vertu de l'alinéa 1t) de la Partie XIII, Annexe III de la Loi. Les livraisons et le transfert de propriété ont eu lieu après l'adoption de la modification de la Loi.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 1 er mars 1989 Date de la décision : Le 26 juin 1989
Membres du jury : John C. Coleman, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocate du Tribunal : Lyne Letarte
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Raymond Trottier, pour l'appelante Peter C. Engelmann, pour l'intimé
Jurisprudence : Les Presses d'aujourd'hui c. Le ministre du Revenu national (1988), 13 R.C.T. 318.
Lois citées : Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, par. 50(1) et 51(1), art. 81.19 et alinéa 1t) de la Partie XIII, Annexe III; Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C. 1988, ch. 56, art. 60; Sale of Goods Act, L.R.O. 1980, ch. 462, art. 17.
Auteur : The Sale of Goods, P.S. Atiyah, 7 e éd., Pitman.





RÉSUMÉ

Dans la présente cause, l'appelante avait signé un contrat pour fournir des transformateurs et accessoires à Construction de Défense (1951) Limitée. Le contrat, signé en octobre 1986, prévoyait la livraison des marchandises sur plusieurs mois. Une modification à la Partie XIII, Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), entrée en vigueur le 19 février 1987, a annulé l'exemption de la taxe de vente sur les transformateurs.

L'appelante a déclaré devant le Tribunal que les transformateurs livrés à Construction de Défense (1951) Limitée entre le 19 février et juin 1987, soit à la fin du contrat, devraient être exemptés de la taxe de vente puisque les marchandises étaient certaines et déterminées au moment de la signature du contrat. L'appelante a soutenu avoir ainsi respecté les exigences de l'alinéa 50(1)a) de la Loi en vertu duquel la taxe de vente est imposée au moment de la livraison des marchandises ou du transfert de propriété.

L'appel n'est pas admis. Les marchandises exactes à livrer n'étaient pas connues au moment de la signature du contrat. La livraison des marchandises et le transfert de propriété ne se sont pas produits avant la modification de la Loi.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi [1] sont les suivantes :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a)produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

...

51. (1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III, excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de cette annexe qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 54(2).

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES

DE CONDITIONNEMENT ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

...

mais à l'exclusion :

...

t) les marchandises, y compris les transformateurs, devant servir à la transmission ou à la distribution de l'électricité, autres que les marchandises devant servir à l'intérieur de la centrale où l'électricité est produite, ou à l'intérieur d'une centrale où des marchandises autres que l'électricité sont fabriquées ou produites ...

LES FAITS

Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi dans sa forme modifiée à l'égard de l'Avis de décision de l'intimé, daté du 10 août 1988, qui confirme l'Avis de détermination no OTT 08134 du 8 octobre 1987 rejetant en partie une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale. L'intimé déclare, dans son avis de décision, ce qui suit :

Vous déclarez que certaines marchandises que vous avez achetées pour remplacer le système de distribution électrique des hangars nos 1 à 5 de B.F.C. Ottawa(S) (Ontario) rencontrent les exigences pour l'exemption de la taxe de vente et que vous y avez droit

pour ces articles, soit des transformateurs et accessoires. Le rajustement demandé (3094,39$) se rapporte surtout aux articles achetés entre le 12mars et le 22mai1987.

Par suite d'une modification à la Loi sur la taxe d'accise entrée en vigueur le 19février1987, les marchandises, y compris les transformateurs, devant servir à la transmission et à la distribution d'électricité sont spécifiquement exclus des dispositions d'exemption de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 1t) de la Partie XIII, AnnexeIII de la Loi sur la taxe d'accise.

Comme les transformateurs en question et les accessoires ont été achetés après la date en question, aucune disposition ne me permet d'accepter votre objection.

[traduction]

Le 12 septembre 1988, l'appelante a interjeté appel de la décision de l'intimé auprès de la Commission du tarif. Elle prétend que la taxe de vente doit être imposée au moment de la signature du contrat à forfait en question, soit le 24 octobre 1986, et que la modification de la Partie XIII, Annexe III de la Loi entrée en vigueur le 19 février 1987 n'a aucune influence sur le contrat.

L'appelante demande une déclaration en vertu de laquelle les marchandises en question, les transformateurs et les accessoires, soient exemptées de la taxe en vertu de l'alinéa 1t), Partie XIII, Annexe III de la Loi.

L'appel, étant la continuation de procédures engagées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , est instruit par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu de l'article 60 de cette loi.

À l'audience, les parties en cause ont présenté des preuves documentaires. À partir de ces documents et des mémoires de chaque partie, les événements qui ont mené à l'appel peuvent être reconstitués comme suit.

L'appelante a signé un contrat avec Construction de Défense (1951) Limitée le 24 octobre 1986. Le contrat prévoyait la fourniture de transformateurs et d'accessoires pour un nouveau système de distribution électrique des hangars un à cinq à la Base des forces canadiennes (B.F.C.) Ottawa Sud. La clause 22 des «Conditions générales» jointes au contrat prévoit, entre autres, le rajustement du montant fixé en cas de révision de la taxe imposée en vertu de la Loi après la date de soumission.

L'appelante a acheté, taxe et livraison comprises, une partie des marchandises en conformité avec le contrat avant le 19 février 1987, date à laquelle l'alinéa 1t), Partie XIII, Annexe III de la Loi est entrée en vigueur et qui prévoit l'exclusion des marchandises en question de la disposition d'exemption du paragraphe 51(1) de la Loi.

Les achats et livraisons subséquents des marchandises en question par l'appelante ont eu lieu en mars, avril et mai 1987, jusqu'à la fin du contrat en juin de la même année.

En septembre 1987, l'appelante a présenté une demande de remboursement couvrant le montant intégral de la taxe payée sur les achats des marchandises dans le cadre du contrat.

Par l'Avis de détermination no OTT 08134, confirmé par l'intimé dans l'Avis de décision no 70643 RE, l'appelante s'est vu refuser le remboursement complet de la taxe de vente. Le remboursement a été accepté uniquement pour les achats effectués en février 1987 et livrés avant la modification de la Loi, le 19 février 1987, qui excluait de la disposition d'exemption les marchandises en question.

Le 12 septembre 1988, après cette décision, l'appelante a interjeté appel auprès de la Commission du tarif.

LA QUESTION EN LITIGE

Les deux parties conviennent que seules les transactions effectuées après le 19 février 1987 sont en cause et que l'achat et la livraison pertinents des marchandises par l'appelante se sont produits après le 19 février 1987. La question se résume donc de la façon suivante : à quel moment la propriété a-t-elle été transmise?

D'après l'appelante, les marchandises en question étaient certaines et déterminées au moment de la signature du contrat en octobre 1986, parce que toutes les marchandises nécessaires ont été identifiées d'après le type, la dimension, le fabricant et le fournisseur.

L'intimé soutient qu'en vertu de la Loi, la date à laquelle l'appelante et Construction de Défense (1951) Limitée ont signé le contrat n'entre pas en cause lorsqu'il s'agit de déterminer si la taxe est payable. Le paragraphe 50(1) de la Loi stipule que la taxe est payable «par le producteur ou fabricant, au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment, où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre».

Comme les marchandises en question ont été livrées après la date d'entrée en vigueur de la modification de la Loi, le seul argument que peut invoquer l'appelante est que la propriété des marchandises a été transmise avant le 19 février 1987.

L'avocat de l'intimé, se reportant à la décision de la Commission du tarif dans la cause Les Presses d'Aujourd'hui c.Le ministre du Revenu national [3] (alors qu'un contrat pour la vente d'imprimés a été signé avant l'entrée en vigueur de la licence du fabricant) et au livre de P.S. Atiyah, The Sale of Goods [4] , déclare que les marchandises étaient incertaines et indéterminées et qu'elles sont devenues certaines et déterminées uniquement à la livraison. En conséquence, la propriété des divers transformateurs et des accessoires a été transmise à ce moment.

DÉCISION

En vertu de l'alinéa 50(1)a) de la Loi, la taxe de vente est imposée, prélevée et perçue sur le prix de vente des marchandises fabriquées au Canada par le producteur ou le fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

Les deux parties ont convenu que les marchandises en question ont été achetées et livrées en conformité avec un contrat signé en 1986, après l'entrée en vigueur, le 19 février 1987, de la modification à la Loi qui exclut spécifiquement les transformateurs de la disposition d'exemption.

Le noeud du problème est de déterminer le moment où la propriété des marchandises a été transmise. En vertu du contrat signé entre Construction de Défense (1951) Limitée et l'appelante, cette dernière devait acheter les marchandises en question d'un sous-traitant et les livrer à la Base des Forces canadiennes.

Le contrat décrivait les marchandises en question quant au type, à la dimension, au fabricant et au fournisseur, mais elles n'ont pas été spécifiquement désignées ou fabriquées pour servir à Construction de Défense (1951) Limitée. Le fournisseur des marchandises en question (le sous-traitant au contrat) a pris les marchandises à même ses stocks lorsqu'il a reçu la commande de l'appelante. Ces achats ont été faits après le 19 février 1987.

Au moment de la signature du contrat, les marchandises devant effectivement être livrées n'étaient pas spécifiées. À la page 46 de son livre, The Sale of Goods [5] , P.S. Atiyah explique que «specific goods» (les marchandises spécifiées) sont des marchandises qui sont identifiées, d'un commun accord, au moment de la signature du contrat, par exemple une telle voiture ou une cargaison particulière de blé. Voici la citation :

Specific goods are goods "identified and agreed on at the time a contract of sale is made", for example, this particular car or this particular load of wheat.

Quant à l'expression «ascertained goods» (marchandises certaines et déterminées), l'avocat de l'intimé en présente la définition suivante tirée de l'article 17 de la Sale of Goods Act [6] :

Where there is a contract for the sale of unascertained goods, no property in the goods is transferred to the buyer until the goods are ascertained.

Les marchandises en question sont devenues certaines et déterminées uniquement au moment de l'achat et de la livraison, la date de transfert de la propriété coïncidant avec la date de livraison.

CONCLUSION

Étant donné que l'appelante a admis avoir acheté et livré les marchandises en question après l'entrée en vigueur, le 19 février 1987, de l'alinéa 1t), Partie XIII, Annexe III de la Loi, qui exclut les transformateurs de la disposition d'exemption, le Tribunal conclut que les ventes des marchandises en litige ne sont pas exemptées de la taxe de vente fédérale imposée en vertu de l'article 50 de la Loi selon le paragraphe 51(1) de ladite loi.

L'appelante a soutenu que la propriété des marchandises a été transmise avant le 19 février 1987. Elle s'est fiée au contrat qu'elle considère comme une entente à forfait. Même si les «Conditions générales» de l'accord prévoyaient un rajustement si un amendement à la Loi modifiait le montant du contrat, le représentant de l'appellante a indiqué au Tribunal qu'aucune demande en ce sens n'a été présentée à Construction de Défense (1951) Limitée.

Le Tribunal note qu'en conformité avec les «Conditions générales» du contrat en question, l'appelante aurait pu demander un rajustement du montant prévu directement de Construction de Défense (1951) Limitée, mais a choisi de ne pas le faire.

L'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. 1985, ch. E-15.

2. S.C. 1988, ch. 56.

3. (1988) 13 R.C.T. 318.

4. (7e éd.).

5. Ibid.

6. R.S.O. 1980, ch. 462.


Publication initiale : le 15 août 1997